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INGOUCHIE : De l’espoir de paix… au désespoir, p. 02 SOMALIE : Les soins médicaux continus sauvent des vies, p. 04 YÉMEN : Chirurgie de guerre : équilibrer les risques et les besoins immenses, p. 06 ASIE-PACIFIQUE : Aide d’urgence pour les survivants des inondations et du séisme, p. 08 RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE : La maladie du sommeil fait un retour foudroyant, p. 12 au désespoir Ingouchie : de l’espoir de paix… MAGAZINE DE MSF CANADA Volume 12 Numéro 1 DEPECHES

Dépêches (Hiver 2010)

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Dépêches est le bulletin de Médecins Sans Frontières (MSF) Canada.

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INGOUCHIE : De l’espoir de paix… au désespoir, p. 02SOMALIE : Les soins médicaux continus sauvent des vies, p. 04

YÉMEN : Chirurgie de guerre : équilibrer les risques et les besoins immenses, p. 06ASIE-PACIFIQUE : Aide d’urgence pour les survivants des inondations et du séisme, p. 08RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE : La maladie du sommeil fait un retour foudroyant, p. 12

au désespoir

Ingouchie :

de l’espoir de paix…

MAGAZINE DE MSF CANADA Volume 12 Numéro 1

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En raison d’une hausse soudaine de l’insécurité en Ingouchie, les gens con-tinuent de craindre pour leur vie et celle de leur famille dans cette partie de la Fédération de Russie. Médecins Sans Frontières (MSF) est l’une des rares or-ganisations humanitaires qui continue de travailler dans cette république et qui témoigne des graves conséquences qu’engendre la violence sur la popula-tion dont la souffrance passe en grande partie inaperçue.

Petite république au nord du Caucase à la frontière de la Tchétchénie, l’Ingouchie abritait plus de 140 000 déplacés tché-

tchènes qui ont fui pendant ce que l’on con-naît sous le nom de « la deuxième guerre » entre 1999 et 2003. On estime qu’il y a encore 18 000 personnes déplacées dans la répu-blique. La plupart d’entre elles vivent d’ailleurs dans des conditions précaires. Cependant, la situation de la population locale n’est guère

meilleure. Les ressources naturelles sont peu nombreuses et le taux de chômage avoisine les 70 pour cent. Au cours des deux dernières années, la situation s’est aggravée, faisant de l’Ingouchie une des zones les plus violentes de la Fédération de Russie.

Louisa, 10 ans, témoigne : « J’ai peur de sortir dans la rue, j’ai peur des soldats et des vé-hicules militaires. Il y a peu de temps, mon oncle a été tué par des militaires, juste devant moi. Il me manque. Il était très gentil avec moi. Quand je marche pour aller à l’école, je prie Dieu pour ne pas croiser de soldats. »

Les gens ont tendance à rester chez eux le plus possible. Il n’y a pas de guerre mais ils ne se sen-tent pas en sécurité. En effet, tous les jours, la petite république est secouée par les explosions, les tirs et les attaques. En 2008, plus de 170 per-sonnes ont été tuées et environ 200 entre janvier et octobre 2009. Le sentiment constant de stress et d’anxiété conduit les gens à la dépression.

Zarema, une patiente MSF de 24 ans raconte ce qu’elle a vécu : « C’était une matinée nor-male. Mon mari est parti travailler. J’ai fait un test de grossesse et, là, quelle surprise, il était positif. Nous voulions tellement avoir un en-fant. Ça faisait deux ans qu’on essayait! J’ai téléphoné à mon mari pour lui annoncer la bonne nouvelle mais il n’a pas répondu. »

« J’ai pensé qu’il devait conduire », continue Zarema, « mais là, des gens ont commencé à se rassembler près de la maison. Ils m’ont annoncé la nouvelle; il avait été tué dans sa voiture lors d’une explosion. Je ne me souviens pas de ce qui a suivi. Je me suis réveillée à l’hôpital. »

« Tous les jours, les services d’urgences des hôpitaux reçoivent des victimes de violence armée », affirme Lamara Umarova, supervi-seure des activités de santé mentale de la ré-gion du Caucase pour MSF. « Ça dépasse les conditions de vie normales. Quand les gens

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subissent des traumatismes dus au stress, ça bouleverse leur perception du monde. Nos conseillers travaillent avec des victimes de violence ainsi qu’avec leurs proches qui souf-frent aussi. »

Présente en Ingouchie depuis 1999 où la deuxième guerre tchétchène a éclaté, MSF vient en aide aux personnes déplacées fuyant le conflit. Aujourd’hui, MSF dispense des soinsde santé primaires aux déplacés mais aussi aux membres les plus vulnérables de la société. L’élément important des activités de MSF est un programme d’aide psychosociale mis en place dans la république en 2003. Toujours en application aujourd’hui, son champ d’application a cependant été étendu étant donné que presque tous les habitants de l’Ingouchie souffrent de la violence actuelle.

L’augmentation des chiffres reflète cette dure réalité : 439 consultations liées à la violence en janvier 2008, pour atteindre 1 266 en sep-tembre 2009. Il s’agit de cas de traumatismes causés par des actes violents et de leurs con-séquences psychologiques typiques, comme des sentiments écrasants tels que la peur, une vigilance et une inquiétude constantes, le deuil et la tristesse, mais aussi des symptômes de traumatismes comme des insomnies, des angoisses et des « flashbacks ».

Dans cette république, l’insécurité a trans-formé l’atmosphère de la société. Madina, une conseillère de MSF, en est le témoin constant : « Ici, et c’était la même chose en Tchétchénie [pendant la guerre], beau-

coup de gens dorment tout habillés. Ils ne changent pas de vêtements pour dormir parce qu’ils ne savent jamais ce qu’il va se passer. Et sortir en pyjama? Leur mentalité ne permet pas ça. »

Les services de santé mentale de MSF sont fournis par neuf conseillers comme Madina, dans trois districts d’Ingouchie et se concen-trent sur les traumatismes graves. Les trois principaux centres sont ouverts cinq jours par semaine dans les hôpitaux de districts de Nazran, Sunzha et Malgobek. Ayant pour but de faciliter l’accès aux personnes dans le be-soin, les conseillers les reçoivent une fois par semaine dans six cliniques de village.

Les conseillers en santé mentale travaillent en collaboration avec le personnel local du ministère de la Santé. Le service médical qui reçoit les survivants de violence les envoie, eux et leurs proches, vers des conseillers de MSF ou les invite à se rendre au centre médi-cal. Les médecins du ministère de la Santé re-connaissent l’impact positif de cette collabo-ration. En effet, après ces sessions, ils voient la santé de leurs patients s’améliorer, tant sur le plan physique que mental.

Au cours des deux dernières années, MSF a vu une nette augmentation du nombre des consultations liées à la santé mentale en Ingouchie. La part de celles liées à la violence atteint approximativement 90 pour cent.

« Depuis quelques temps, je suis très nerveux et irritable », explique Sultan, un patient

âgé de 65 ans. Chaque fois que j’entends parler d’un meurtre ou d’un enlèvement, je ressens une douleur languissante dans ma poitrine, ma tension augmente et mes doigts s’engourdissent. Ma propre histoire me revient et je dois revivre le cauchemar : on m’emmène dans la forêt, sans me donner d’explication. Ils me mettent un sac sur la tête et me dirigent quelque part en me frappant l’épaule avec leur mitrailleuse. »

« J’espère que vous allez m’aider », dit-il à son conseiller.

Ce n’est pas facile de soulager un traumatisme aigu, mais observer le principe de la stricte confidentialité, utiliser différentes techniques de consultation et faire simplement preuve de compassion humaine et sincère permet aux conseillers de MSF de gagner petit à petit la confiance de leurs patients et de vraiment les aider. « Après les séances de consultation, les gens sont plus informés sur leur état et leurs problèmes », explique Umarova au sujet de son travail auprès des patients. « Ils savent comment les maîtriser, mais ce n’est pas facile à faire dans leur situation. »

Maria BorshovaAgente des communications

Suivez Willem de Jonge, chef de mission MSF pour le Nord du Caucase, sur Twitter au www.twitter.com/msfrussia.

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Un jeune homme s’est fait poignarder :docteur Maslah, de l’hôpital de Galcayo-sud, enfile sa blouse verte en vitesse

pour se rendre, d’un pas pressé, dans la salle d’opération, où l’homme gît. « L’urgence s’est produite à 20 h », dit-il. « À 22 h, nous étions sous les lampes et à 23 h l’état du patient était stable. »

Le lendemain matin, la famille se rencontre à l’hôpital, partageant gaiement la nouvelle que le jeune homme s’en est réchappé, allant par-fois jusqu’à rire aux éclats. On rassure les amis et les autres membres de la famille accourus à l’hôpital, ne sachant à quoi s’attendre.

Le Dr Maslah, un des 144 membres du corps médical somalien qui travaille pour Médecins Sans Frontières (MSF) à l’hôpital de Galcayo-sud, fait partie de ceux qui assurent la bonne marche des activités chirurgicales. Au début de 2008, alors que le conflit avait empiré et le recours à l’aide médicale s’intensifiait, MSF a dû

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D’innombrables vies sauvées

à l’hôpital de Galcayo-sud grâce aux soins médicaux fournis en continu

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MSF en Somalie

MSF travaille en Somalie depuis plus de 17 ans et continue de fournir des soins médi-caux gratuits dans huit régions du pays grâce au dévouement du personnel somalien MSF soutenu à distance par une équipe basée à Nairobi. Rien que pour l’année 2008, les équipes MSF ont réalisé 727 428 consulta-tions externes, dont 267 168 consultations pour des enfants de moins de cinq ans. Plus de 55 000 femmes ont consulté pour des soins prénataux, et plus de 24 000 personnes ont été hospitalisées dans les structures de santé soutenues par MSF. Les équipes médi-cales ont réalisé 3 878 opérations chirurgi-cales, dont 1 249 pour des blessures causées par des actes violents. Elles ont également soigné 1 036 personnes souffrant de la maladie mortelle du kala-azar, traité plus de 4 000 patients contre le paludisme et mis 1 556 personnes sous traitement antituber-culeux. Près de 35 000 personnes souffrant de malnutrition ont reçu de la nourriture et des soins médicaux, et 82 174 vaccinations ont été effectuées.

évacuer du pays son personnel international.Depuis ce temps, le fonctionnement desprojets MSF est assuré par le person-nel somalien, avec l’appui et sous la direc-tion d’équipes basées à Nairobi et qui ne s’y rendent qu’en temps de trêve. Sans le tra-vail du Dr Maslah et des centaines d’autres membres du personnel somalien qui travail-lent pour MSF d’un coin à l’autre du pays, des milliers de personnes se seraient retrou-vées privées de soins médicaux gratuits.

L’hôpital de Galcayo-sud étant le seul hôpi-tal local qui offre un service de chirurgie gra-tuit, il n’est pas rare que des appels télépho-niques tirent le Dr Maslah du lit pour faire une opération de toute urgence. « Chaque mois, j’opère au moins quarante personnes, victimes de blessures abdominales », dit le Dr Maslah. « Cela comprend des personnes atteintes par balle ou poignardées, avec des lésions à l’intestin et des accidentés de la route. »

La chirurgie n’est pas le seul service pourvu par MSF à l’hôpital de Galcayo-sud qui ac-cueille des patients venant même d’Éthiopie pour se faire soigner. La salle d’attente du service de consultations externes, le ser-vice de consultations internes, le service d’obstétrique « strictement interdit aux hommes » et les installations bien éclairées et ventilées du centre de tuberculose ont tous une chose en commun : l’activité n’y manque pas. MSF accepte en consultation presque 4 000 patients par mois, parmi lesquels on en admet 120, et plus de 100 nouveaux-nés y voient le jour.

La sécheresse associée au conflit armé ainsi que les prix élevés de la nourriture font du centre nutritionnel un endroit fréquenté à un rythme incessant. Jibril, le surveillant des lieux, nous fait remarquer la file de mamans à l’air frustré qui attendent leur tour au centre de nutrition thérapeutique et dont les bébés sont faibles et déshydratés. Jibril ajoute : « Tous les mois, nous traitons des cas de diarrhée, de rougeole, de déshydratation et parfois de mé-ningite. Or désormais, les cas de malnutrition aigüe sévère sont les plus fréquents. Nous nous occupons en ce moment de 90 patients dans un espace conçu pour 60. »

L’épuisement qui se lit sur le visage des mères en dit long sur la distance qu’elles ont dû parcourir pour se rendre à l’hôpital. L’insécurité ambiante empêche les équipes MSF de sortir en voiture pour recueillir les patients. Comme nous l’explique une des mamans : « Plusieurs d’entre nous au vil-lage savent que les soins ici sont gratuits. C’est le voyage lui-même qui présente des problèmes. Cela peut prendre plusieurs jours et le coût du voyage est élevé, près de 500 000 shillings somaliens (10 $ environ). Une grande partie d’entre nous n’est pas en mesure de se le permettre. Il y en a donc qui restent et qui meurent au village. »

Les traces de brûlures sur les corps d’un certain nombre de jeunes bébés venus en consultation au centre nutritionnel nous prouvent que certaines mères ont d’abord consulté un praticien de médecine tradi-tionnelle. Elles ne se dirigent vers l’hôpital qu’en dernier recours.

Contrastant avec ces mères, une femme au sourire radieux se tient à l’entrée du centre nutritionnel. D’un bras, elle tient son bébé, maintenant en bonne santé, et de l’autre un sac de rations pour sa famille que MSF lui a donné. Essayant de couvrir les pleurs des enfants, elle transmet ses remerciements d’une voix forte à un membre du personnel. « Elle est restée avec nous assez longtemps. Aujourd’hui, elle retourne chez elle avec un bébé en santé », explique Jibril.

Le personnel somalien de MSF à l’hôpital de Galcayo-sud, dont Jibril et le Dr Maslah en sont deux bons exemples, travaille 24 heures sur 24 pour apporter leur pierre à l’édifice. « Le personnel de cet hôpital sauve beaucoup de vies », renchérit le Dr Maslah.

Dans un pays où l’on rencontre la violence, la souffrance et la mort due à des maladies autrement guérissables par des méthodes de prévention, les soins fournis par un corps médical indépendant sont essentiels.

Ahmed Dahir et Susan SandarsAgents des communications

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Lorsque la guerre fait rage, la chirurgie sauve des vies. Tel est le cas au Yémen, où Médecins Sans Frontières (MSF) of-

frait toujours des soins d’urgence à la fin de l’année 2009, alors que le conflit dans le nord du pays s’enflammait.

Arnaud Drouart, anesthésiste, a découvert ce que c’était que de travailler avec MSF dans le chaos de cette guerre : pour sauver des vies, les médecins doivent pouvoir at-teindre leurs patients.

« À deux ou trois reprises, nous avons dû re-porter des opérations chirurgicales parce que nous ne pouvions pas risquer d’aller chercher les patients qui attendaient dans les tentes », nous révèle Drouart. « Nous demeurions en-semble dans la salle d’opération pendant une demi-heure ou une heure, à attendre que les combats à proximité cessent avant de transférer le patient dans la salle de réveil (parce qu’il y a des fenêtres dans la salle de réveil), puis aller chercher d’autres patients dans les tentes. »

Les combats ont débuté en août 2009 dans la province de Saada, dans le nord du Yémen. Ils opposent l’armée yéménite à un groupe connu sous le nom d’Al Houthi. Les affronte-ments violents ont eu lieu la plupart du temps autour de la ville de Saada, le long de la route Saada-Baqim et plus à l’ouest, autour de Haydan et de Malaheed.

Depuis novembre 2009, MSF était la seule or-ganisation médicale internationale en mesure de continuer à travailler dans la région depuis le déclenchement des nouvelles hostilités. Le personnel faisait tout ce qu’il pouvait pour demeurer aussi près que possible de la popu-lation, et ce, tout en assurant la sécurité des patients et des équipes médicales. À certains moments, certains membres du personnel in-ternational ont dû être évacués de la région. Les autorisations de déplacement ont été rigoureusement restreintes.

« Je me souviens d’une nuit où les bombar-dements étaient incessants », confie Drouart. « Je me disais : “les blessés vont arriver, les blessés vont arriver”. Effectivement, nous avons dû opérer un patient au milieu de la nuit. On ne pouvait absolument pas savoir si nous pourrions transférer un patient ou non. Je crois que les patients étaient dans la même situation : certains jours, ils pouvaient se ren-dre à l’hôpital, d’autres non… nous vivions dans l’incertitude. »

MSF soutient le ministère de la Santé dans deux hôpitaux, l’un situé dans le district de Razeh à Shara’a, l’autre à Al Talh dans le dis-trict de Saher. Dans chacun de ces hôpitaux, MSF offre des services médicaux gratuits qui comprennent des soins primaires, des consul-tations et des hospitalisations d’urgence ainsi que des soins gynéco-obstétriques.

À Al Talh, où Drouart travaillait, MSF effec-tue également des opérations chirurgicales d’urgence. Entre le 11 août et le 27 septem-bre, l’équipe de MSF a pratiqué 195 chirur-gies, dont 135 liées à des blessures de guerre.

Au cours des combats intenses de septembre et d’octobre 2009, il est devenu de plus en plus difficile de poursuivre toutes ces activi-tés, malgré les autorisations accordées à MSF par les deux parties au conflit.

Dans certains cas, il devenait impossible d’apporter l’aide malgré les besoins immen-ses. « À un moment donné, nous avons dû interrompre temporairement nos activités chirurgicales à Al Talh et réduire le soutien aux structures de soins primaires », révèle Andrés Romero, chef de mission MSF au Yémen.

Le 15 octobre 2009, l’hôpital de Razeh a été frappé par des tirs de roquette. Le personnel et les patients ont été contraints d’évacuer les lieux dès le lendemain en dépit des nom-breuses personnes qui nécessitaient des soins médicaux continus. La veille, on avait admis 10 blessés de guerre, dont six enfants et deux femmes. Les équipes MSF faisaient alors 560 consultations d’urgence par mois à Razeh.

Vers la fin de l’année 2009, les combats ininterrompus qui se déroulaient au Yémen ont forcé de nombreuses personnes à fuir

CHIRURGIE de guerre équilibrer les risques et les besoins immenses

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successivement. Il était difficile de connaître le nombre exact de personnes déplacées en raison du fait que les équipes de secours et les or-ganisations humanitaires éprouvaient des dif-ficultés à atteindre certaines zones. L’ONU a même dénombré approximativement 60 000 personnes déplacées enregistrées dans les gouvernorats de Saada, d’Amran et de Hajja.

En août 2009, MSF a également commencé à fournir de l’aide aux personnes déplacées par le conflit dans la région de Mandabah, au nord du gouvernorat de Saada. Les équipes ont mis en place un système d’approvisionnement en eau afin de fournir de l’eau potable à quelque 250 familles.

Si une partie des acteurs humanitaires se con-centraient sur la distribution de nourriture et d’articles de première nécessité, l’objectif de MSF était de fournir des soins de santé pour les populations de cette région.

« L’accès aux soins de santé dans le gouver-norat est sans contredit un enjeu majeur. La plupart des structures de santé ne sont plus opérationnelles et les autres sont très difficiles d’accès. Il est encore difficile d’estimer le nom-bre de victimes civiles », soutient Romero.

Depuis septembre 2007, MSF a travaillé dans le gouvernorat de Saada, dans le nord du pays, fournissant des soins médicaux à la population touchée par ce conflit qui a débuté en 2004, et qui oppose les forces gouvernementales au mouvement Al Houthi.

Entre janvier et octobre 2009, dans le gou-vernorat de Saada, les équipes MSF ont mené environ 32 000 consultations, dont 10 000

consultations d’urgence et 1 780 hospitalisa-tions. Au cours de la même période, les équipes ont réalisé 915 opérations chirurgicales, dont environ 255 étaient liées à des blessures de guerre.

« Compte tenu des nombreux problèmes liés en particulier à l’insécurité et aux difficultés de communication, continuer d’offrir de l’aide dans ces conditions de sécurité difficiles a été un défi quotidien pour MSF », ajoute Romero. Les lignes téléphoniques, terrestres comme mobiles, ne fonctionnaient toujours pas, les routes reliant le gouvernorat de Saada au reste du pays ont été barrées, et nos collègues yé-ménites ont souvent continué à travailler dans les hôpitaux sans contact avec leurs proches. Malgré le fait que MSF prenne toutes les mesures de sécurité possibles, travailler dans les hôpitaux comporte des risques.

« L’hôpital n’a jamais constitué la cible de tirs, mais lorsque le combat se déroule à proximité, une erreur peut survenir, et il peut y avoir des balles perdues », révèle Drouart au sujet de sa première expérience comme anesthésiste à l’hôpital d’Al Talh, en août dernier. « Il est arrivé qu’une balle perdue ou un éclat d’obus – nous ne savons pas lequel – traverse une tente et blesse un membre du personnel. »

MSF s’est adaptée à la situation en prenant continuellement des mesures de sécurité, en envoyant du matériel médical et du person-nel, dont une équipe chirurgicale, à partir de l’Arabie Saoudite, tout en restant très atten-tive à l’évolution du conflit.

Cette flexibilité demande des efforts constants visant à apporter de l’aide à ceux qui en ont

le plus besoin, où qu’ils soient. En novembre 2009, l’organisation a commencé à installer un hôpital à Mandabah, près de la frontière de l’Arabie Saoudite. Cet hôpital offrira des consultations d’urgence, des chirurgies, des soins primaires et secondaires et des soins pré- et postnataux à des milliers de personnes qui ont fui le conflit et qui vivent dans la ré-gion de Mandabah.

Andréa BussottiAgente des communications

Quatre travailleurs humanitaires se démènent afi n de prodiguer des soins médicaux dans des conditions extrêmes. Bientôt à l’affi che dans divers cinémas au Canada.

Pour en savoir plus sur les dates et les lieux de projection, rendez-vous au www.msf.ca.

Envoyez un courriel à [email protected] pour organiser une projection dans votre communauté!

SÉLECTIONNÉ POUR LES OSCARSMD

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Lorsque survient une catastrophe na-turelle, Médecins Sans Frontières (MSF) se mobilise pour déterminer les besoins

les plus pressants et apporter l’aide médicale d’urgence requise pour contribuer à sauver des vies et à apaiser la souffrance. Après la série de catastrophes qui se sont abattues sur les Philippines et l’Indonésie à la fin du mois de septembre 2009, MSF a réagi promptement en fournissant des soins de santé primaires, des articles de premiers secours et un soutien psychologique à la population blessée et déplacée en raison des inondations et du séisme dévastateurs.

Le personnel international de MSF, y compris des chirurgiens, des médecins, des infirmières et des logisticiens, s’est joint au personnel philippin et indonésien pour participer aux secours.

PHILIPPINES

En frappant Manille aux petites heures le matin du 26 septembre 2009, le typhon Ketsana a déversé plus d’eau en 12 heures que la moyenne des pluies en un mois. Une semaine plus tard, un second typhon s’est abattu sur le pays.

Des inondations dévastatrices ont résulté de ces tempêtes, alimentées par des semaines de pluies incessantes et les coulées de boue. Des douzaines de villes et de villages ont été détruits d’un bout à l’autre des Philippines et des centaines de personnes sont décédées.

« L’eau nous a envahis en soirée et a monté de 10 pieds. C’était terrifiant. Je n’avais jamais rien vu de tel », relate Ernesto Ruperto, 63 ans, qui s’est fait surprendre par l’inondation avec sa famille.

Les catastrophes ont touché plus de 8,4 millions d’habitants et causé 849 décès. MSF a répondu à la situation d’urgence en fournissant une as-sistance médicale et des biens de première né-cessité aux communautés les plus durement touchées du pays, dont Manille et Laguna Bay ainsi que la province de Pangasinan.

Dans les bidonvilles, près d’un canal dans l’est de Manille et dans les zones touchées de Laguna Bay, MSF a tenu des cliniques itinérantes de soins primaires. Environ 900 patients autour de Laguna Bay ont reçu des soins. Dans toutes les régions, les cas graves ont été dirigés vers les hôpitaux locaux. Pour les aider à répondre à leurs besoins essentiels quotidiens, MSF a four-

ni à 1 900 familles des trousses comportant des produits de première nécessité, comme du savon et des ustensiles de cuisine. 48 trousses de nettoyage ont aussi été distribuées.

À Manille et dans les régions avoisinantes, des dizaines de milliers de personnes ont été forcées de se réfugier dans des centres d’évacuation surpeuplés ou dans des maisons partiellement détruites. Après une catastrophe naturelle, les populations aux prises avec ces conditions sont exposées aux maladies hydriques et contagieuses. C’est pourquoi un suivi médical rigoureux est crucial. La diarrhée ainsi que les infections respiratoires et cutanées sont courantes. À la suite de l’inondation aux Philippines, MSF a installé 50 latrines et fourni des trousses contenant du chlore et des brosses afin d’améliorer les conditions sanitaires et de freiner la propagation des maladies dans les centres d’évacuation. Dans les régions inondées où les habitants vivaient dans des logements de fortune, MSF a pris des mesures pour gérer les eaux usées afin de limiter les risques de contamination, car la plupart des latrines étaient encore sous l’eau.

Les équipes de MSF dans la province de Pangasinan ont effectué plus de 2 200

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Aide d’urgencepour les survivants des inondations et du séisme

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consultations médicales en clinique itinérante et distribué plus de 11 000 trousses familiales contenant du savon, des serviettes, des cou-vertures, des seaux, des ustensiles de cuisine, des bidons et du chlore. Mille kits de construc-tion ont aussi été distribués, ce qui, dans cette région, correspond approximativement à un kit pour dix familles.

INDONÉSIE

Le 30 septembre 2009, la terre a tremblé à Sumatra. Un séisme d’une magnitude de 7,6 a secoué l’île indonésienne et tué au moins 1 100 personnes. L’île fait partie de ce que l’on appelle la « Ceinture de feu du Pacifique »,

constituée de failles formant dans le bassin du Pacifique un arc propice aux tremblements de terre et aux éruptions volcaniques.

En l’espace de trois jours, MSF était sur place pour offrir une aide médicale et humanitaire. Après une première évaluation des besoins de la population, les cliniques itinérantes se sont rendues dans les zones rurales les plus négli-gées du pays, dans les villages près de Padang et de Pariaman.

Les cliniques ont traité des patients souffrant d’infections des voies respiratoires, de diar-rhée et de maladies cutanées, des problèmes de santé liés aux conditions de vie difficiles des survivants. Afin d’éviter l’éclosion d’une

Étant une organisation médicale hu-manitaire, la réponse aux situations d’urgences, comme les catastrophes na-

turelles, a toujours été au cœur du travail de MSF. Bien que l’organisation désire toujours intervenir, des crises éclatent tous les jours, et répondre à chacune d’elle est au-delà de sa capacité. MSF fait donc souvent face à des décisions difficiles : où doit-elle intervenir et comment établir les priorités?

Immédiatement après une catastrophe, les équipes MSF s’efforcent d’atteindre en 48 heures la région touchée par la catastrophe afin d’évaluer les besoins.

Une équipe d’évaluation formée d’experts médicaux et logistiques détermine l’ampleur de la crise et les besoins urgents des sinistrés. Ces besoins peuvent être liés à la nourriture, à l’eau potable, à l’hygiène, aux services médi-caux d’urgence, au soutien psychologique, aux refuges ou au carburant.

MSF prend également en considération les moyens d’intervention existants aux niveaux local et international pour éviter un double déploiement d’aide ou le chevauchement de deux ou de plusieurs interventions. Après le tsunami survenu en Asie en 2004, l’organisation a décidé par exemple de con-centrer ses efforts sur la province d’Aceh en Indonésie, car les besoins en matière de santé étaient plus urgents dans cette région très af-fectée qu’en Thaïlande, où de l’aide avait déjà été envoyée par la communauté thaïlandaise.

Ces évaluations initiales durent habituel-lement entre deux et 10 jours, selon la nature et le degré de l’urgence. Au cours de celles-ci, l’équipe MSF distribue égale-ment des secours aux survivants, donne des fournitures médicales aux structures de santé locales et offre de l’aide médicale en cas de besoin.

L’information recueillie au cours de ces évaluations permet à MSF de définir les besoins à combler, le cas échéant. MSF s’assure de faire bon usage de ses ressources limitées afin de fournir une aide de qualité de la manière la plus efficace possible.

Au cours des dernières années, MSF a ob-servé que les catastrophes naturelles font l’objet de couvertures médiatiques intenses tandis que l’attention médiatique accordée à d’autres situations d’urgence, telles que les épidémies ou les conflits armés, est très faible en comparaison. Les catastrophes naturelles imprévues et à grande échelle, comme les tremblements de terre et les tsunamis, sont beaucoup plus susceptibles d’être signalées dans les nouvelles. La cou-verture médiatique peut cependant générer une demande de la part du public pour que des actions immédiates soient entreprises avant même qu’une évaluation rigoureuse des besoins ne soit effectuée.

Ces types de situations d’urgence donnent lieu au même scénario : lorsqu’une catastrophe est largement diffusée dans les

médias pour le grand public, une énorme quantité de dons en argent et en nature est alors rapidement dirigée vers le lieu du désastre. Dès les premiers jours, ces ressources ont le pouvoir d’aider à améliorer la situation. Toutefois, l’abondance de ressources humaines et matérielles, sans mesure préalable des besoins réels, risque de surcharger la coordination des groupes locaux et internationaux et mener à un chevauchement, voire à un gaspillage des secours.

Après qu’une catastrophe naturelle a fait l’objet d’une couverture médiatique impor-tante, il n’est pas inhabituel de lire qu’une aide inadéquate a été envoyée à des popula-tions de régions tropicales comme des sushis et des vêtements d’hiver, ou que l’on a fait parvenir aux régions affectées des nouilles instantanées, sans combustible pour les cui-siner, ou des médicaments périmés.

Effectuer une évaluation est primordial pour décider de la meilleure manière de répondre à une situation de crise. Une in-tervention ne devrait pas seulement être rapide, mais devrait également être plani-fiée en fonction des besoins spécifiques des populations touchées et selon la situation d’urgence donnée.

Hoo Lai-tingAgent des communications

Quand répondre à une catastrophe? Le point de vue de MSF

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épidémie, elles ont maintenu les patients en observation pour détecter les signes de mala-dies infectieuses.

MSF a aussi distribué du matériel de secours, dont des bâches, des couvertures, des tapis, des trousses sanitaires, des kits de cuisine et des boîtes à outils, et a soutenu l’effort en matière d’eau et d’assainissement dans les villages près de Pariaman. L’organisation a aussi mis sur pied un camp avec des abris à l’épreuve de l’eau pour 90 familles dans le village de Kampung Panas, près de Pariaman, où un glissement de terrain s’était produit.

Deux semaines après le tremblement de terre, les besoins médicaux découlant du sinistre avaient été couverts. La phase d’urgence de la mission a donc pris fin, et la phase de re-tour à la normale a pu commencer. MSF a continué à mener des évaluations et à se con-centrer sur les besoins médicaux. « En situa-tion d’urgence, nous devons faire preuve de souplesse, savoir recentrer notre stratégie sur les besoins de la population », explique

Elisabetta Maria Faga, coordonnatrice des ur-gences pour MSF à Padang.

MSF a ensuite offert un soutien en santé men-tale pour aider la population à surmonter les traumatismes de la catastrophe. Les adultes et les enfants qui avaient besoin d’une aide plus approfondie ont pu obtenir des consultations individuelles et de groupe.

« J’étais très inquiet et j’avais de la difficulté à dormir pendant les deux semaines qui ont suivi le tremblement de terre, mais j’ai com-mencé à me sentir mieux après une consul-tation psychologique avec MSF », raconte Novaldi, 29 ans, du village de Lubuk Laweh près de Pariaman, qui a perdu six membres de sa famille lors du séisme.

Situées à Padang et à Pariaman, les équipes de MSF en Indonésie étaient constituées de 70 employés internationaux et locaux, dont des médecins, des infirmières, des psychologues, des spécialistes en eau et assainissement et des logisticiens.

En tout, 15 000 personnes représentant 6 000 familles de Sumatra ont reçu des produits de première nécessité, dont 20 000 kits d’hygiène et de construction pour des abris. L’organisation a mis en place des projets d’eau et d’assainissement et assuré des ser-vices en santé mentale pour les villages et les abris temporaires. MSF a aussi soutenu une campagne de vaccination massive contre la rougeole et le tétanos initiée par le gouverne-ment. L’intervention a pris fin la troisième semaine de novembre, près de huit semaines après le tremblement de terre.

« Globalement, l’objectif de MSF est toujours d’intervenir dans la phase d’urgence pour subvenir aux besoins les plus pressants. En-suite, le gouvernement et les autres organisa-tions peuvent prendre le relais et se charger de la reconstruction », explique Loreto Barcelo, coordonnatrice d’urgence à Pariaman.

Compilé par Kevin HillAgent des communications

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RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Il y aura bientôt deux mois que je suis parti du Canada. Je pense que j’ai trouvé mon rythme. Je me débrouille pour me

raser devant un écran d’ordinateur à défaut de miroir. Ce n’est pas évident de ne pas éclabousser le clavier, mais c’est faisable. Je suis passé maître dans l’art de filtrer mon café dans un mouchoir sans trop de dégâts. J’ai acquis un vocabulaire d’environ 35 mots en M’Bai, la langue locale, parce que, pour établir une bonne relation thérapeutique avec un patient, il n’y a rien de mieux que de le saluer, de complimenter son enfant avec sincérité dans sa propre langue.

Pour vous donner un aperçu de l’intensité du travail ici, voici un portrait de notre centre dédié à la maladie du sommeil :

• TENTE 1 : les 12 lits sont occupés par des patients atteints de la maladie du sommeil.

• TENTE 2 : sept des huit lits sont occupés par des patients souffrant de malnutrition ou de paludisme grave. Le dernier lit est oc-cupé par un bébé d’un mois atteint à la fois de la maladie du sommeil et de paludisme.

• TENTE 3 : un seul patient, un enfant d’un an venant du Tchad, en isolement parce qu’il souffre de la rougeole.

• TENTE 4 : 12 patients occupent 11 lits. J’ai mis dans le même lit des bébés jumeaux ar-rivés hier. Leur mère est morte en couches et ils n’ont pas été allaités depuis trois jours. Jusqu’à ce que nous trouvions une solution durable avec la famille, je dois les garder.

• TENTE 5 : les 12 lits sont occupés : 11 par des patients atteints de la maladie du som-meil et un patient probablement victime d’une crise d’épilepsie.

• TENTE 6 : huit lits, huit patients : cinq atteints de la maladie du sommeil et trois souffrant d’une autre maladie.

Dans le petit village de Maitikoulou, dans le nord de la République centrafricaine (RCA), Médecin Sans Frontières (MSF) mène avec vigueur un programme vital de lutte contre la maladie du sommeil. On a cru, dans les années 1960, que la maladie mortelle appelée trypanosomiase africaine (aussi connue sous le nom de maladie du sommeil) avait été pra-tiquement éradiquée, aussi le travail pour élaborer de nouveaux médicaments et mettre au point des programmes de traitement a-t-il été progressivement abandonné. Toutefois, on observe une recrudescence de la maladie, en particulier dans les villages reculés du nord de la RCA où les nouveaux cas apparaissent à un rythme alarmant.

La maladie du sommeilfait un retour foudroyant

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• HANGAR 1 cinq patients atteints de la maladie du sommeil et un patient en at-tente d’un transfert pour une chirurgie.

• NOUVELLES HOSPITALISATIONS : 18 patients atteints de la maladie du sommeil (17 dans le hangar et un dans le lit libre).

• NOMBRE DE PATIENTS : 77• LITS LIBRES : 0

Bien que nous ayons d’abord pour mission de traiter la maladie du sommeil, la population nous sollicite aussi pour de nombreuses autres pathologies. Le paludisme, la méningite, la malnutrition et les urgences liées à la grossesse et à l’accouchement sont des états qui requièrent tout autant notre attention que la maladie du sommeil. Nous ne pouvons pas traiter une maladie et fermer les yeux sur les autres problèmes qui se présentent.

Il n’en demeure pas moins que notre action cible principalement la maladie du sommeil.

Nous sommes déjà débordés, mais nous dif-fusons notre message et incitons les habi-tants des villages avoisinants à venir se faire soigner. Le mot s’est répandu et a dû se rendre jusqu’au village de Dilingala, au sud du Tchad, car c’est de là-bas que nous est arrivé Jean. Je l’ai trouvé dans le laboratoire. Visiblement, ça n’allait pas. Jean, qui avait l’air d’avoir six ou sept ans, s’accrochait au bras de son grand frère en claudiquant et était à peu près incapable d’ouvrir les yeux.

Un membre de la clinique de consultation externe l’avait envoyé au laboratoire en lui prescrivant un test sanguin de dépistage de la maladie du sommeil. Il s’agit d’un test rapide qui détecte les anticorps de la maladie du sommeil par une simple prise de sang.

Le frère de Jean nous a expliqué que l’état de celui-ci s’était aggravé considérablement au cours de la dernière semaine. Il ne pouvait

plus marcher, dormait continuellement, ne mangeait pas et avait de la fièvre. J’ai voulu faire marcher Jean, mais il pouvait à peine se tenir debout. Il semblait confus, en proie à un désordre mental. Il ne pouvait pas parler, ni même avaler les quelques gouttes d’eau que nous tentions de lui donner. Il ne pleurait pas ni ne réagissait lorsque nous le pincions. Lorsqu’il a pu ouvrir les yeux, il avait le regard embrouillé et désorienté en regardant autour de lui. Il s’agissait bien de la maladie du som-meil dans sa forme la plus grave.

Sans surprise, le test de dépistage de la try-panosomiase était positif. D’autres tests ont aussi montré la présence de paludisme à un niveau de gravité modéré. Nous avons aussitôt pratiqué une ponction lombaire pour déterminer la gravité de la maladie du sommeil. Les ponctions lombaires se pratiquent en fait assez rapidement et sans trop de douleur, mais, soyons francs, il n’est

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jamais agréable de se faire entrer une si grosse aiguille dans le dos, au contraire.

Notre merveilleuse technicienne de labora-toire, Yvonne, toujours prompte à nous faire part des découvertes du laboratoire, nous a montré les parasites de la trypanosomiase circulant dans le liquide rachidien de Jean. Nous avons emmené Jean sur-le-champ au service de soins hospitaliers, et les infirmières ont immédiatement amorcé le traitement intraveineux contre la maladie du sommeil. Nous l’avons traité en même temps contre le paludisme. Ce soir-là en faisant ma ronde de nuit, j’ai trouvé la mère de Jean assise près de la station d’infirmière. Je lui ai dit que Jean était très malade, mais que nous lui donnions tout ce que nous pouvions pour l’aider à guérir. Nous avons ainsi installé Jean dans la tente la plus près de la station.

C’est maintenant son cinquième jour de traitement, et il remonte petit à petit la pente chaque jour. Il peut maintenant manger des aliments thérapeutiques, bien qu’il vomisse de temps à autre, un effet secondaire dû à la prise d’eflornithine, selon moi.

Son frère, qui le soutient beaucoup et très af-fectueusement, affirme qu’il lui parle, mais nous n’avons pas réussi à lui tirer un seul mot lors de notre visite d’aujourd’hui. Jean ne peut toujours pas marcher, mais il peut main-tenant exécuter des tâches simples comme

fermer les yeux et serrer la main. Comme chez tout enfant de sept ans, nous attendons avec impatience son premier sourire et son premier rire. Bientôt peut-être.

Nous avons de grands projets pour les mois à venir. Nous tenterons de mettre en place des activités mobiles (dans les villages). La première étape sera de se rendre en petite équipe, dans deux véhicules de MSF, jusqu’aux villages avoisinants pour, entre autres, faire de simples tests sanguins de dépistage de la maladie du sommeil sur environ 60 à 80 vil-lageois, directement à l’arrière des véhicules. Nous espérons pouvoir ramener avec nous toute personne manifestement malade.

À plus long terme, nous prévoyons d’aller dans le sud et d’explorer les villages qui n’ont pas encore été testés et dans lesquels nous suspec-tons qu’encore plus de cas de la maladie du sommeil doivent être dépistés et traités.

Pour moi, c’est cela MSF : faire tout ce que nous pouvons, prodiguer les soins médicaux nécessaires, même dans des conditions dif-ficiles et, finalement, constater notre impact et la portée de notre travail, un patient, un nom à la fois.

Raghu VenugopalMédecin

Qu’est ce que la

maladie du sommeil?

La maladie du sommeil est causée par un parasite qui affecte presque exclusivement les humains. L’infection se propage d’une personne à l’autre par la mouche tsé-tsé. On la trouve uniquement en Afrique, où les soins se sont beaucoup amé-liorés grâce aux traitements et aux recherches ré-alisés par MSF. Les premiers symptômes sont de la fièvre intermittente et un état ressemblant à la grippe. Viennent ensuite l’anémie, les problèmes cardiaques et des troubles neurologiques graves. Des changements neurologiques et psychiatriques très variés peuvent survenir, dont la difficulté à dormir, un sommeil excessif le jour, la maladresse, la confusion, le délire, la paranoïa, la dépression et le changement de personnalité. Les patients peu-vent aussi avoir des troubles locomoteurs qui les font se tordre involontairement. La maladie peut entraîner le coma et la mort.

Nouveau traitement

Le premier traitement contre la maladie du sommeil en 25 ans a été approuvé par l’Organisation mon-diale de la Santé (OMS) en mai 2009. La combinai-son thérapeutique nifurtimox-eflornithine (NECT) requiert 14 infusions intraveineuses, plutôt que 56, et est plus appropriée pour les endroits isolés. « Jusqu’à maintenant, nous perdions des patients en raison de la toxicité des anciens médicaments », relate Jacqueline Tong, directrice du programme de MSF contre la maladie du sommeil. « Nous ac-cueillons donc avec joie ce nouveau médicament, dont nous avons un urgent besoin, puisqu’il nous permettra de guérir sans risque et plus facilement les patients. » MSF a participé à l’élaboration du NECT et a collaboré avec l’OMS pour fabriquer des kits contenant le médicament et tout l’équipement requis pour l’administrer correctement.

347 $ = coût total par patient en utilisant le kit NECT (médicaments, traitement médical et transport)

696 $ = coût total par patient en utili-sant l’ancien traitement à base d’eflornithine

Besoin d’inspiration pour soutenir MSF?Vous souhaitez maximiser votre contribution à un REER? Saviez-vous que vous pouviez faire

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Pour en savoir davantage sur les legs de bienfaisance ou les dons planifiés, appelez-moi :Janice St-Denis | Responsable des dons planifi és | 1 800 982-7903, poste 3467

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AFRIQUE DU SUDCheryl McDermid Vancouver, BC Médecin

BANGLADESH Amy Hollings Gabriola Island, BC Infirmière

BRÉSILTyler Fainstat Kingston, ON Chef de mission

COLOMBIEElaine Sansoucy Montréal, QC Infirmière

ÉTHIOPIEHarry MacNeil Toronto, ON Spécialiste en eau et assainissement

HAÏTIDanielle Trepanier Stoney Point, ON LogisticiennePatrick Boucher Québec, QC Logisticien Michelle Chouinard St-Quentin, NB Chef de mission Annie Dallaire Île-Perrot, QC Coordonnatrice des finances Marise Denault Hull, QC Coordonnatrice de projet

INDERichard Crysler St Catharines, ON Spécialiste en santé mentale Diane Rachiele Montréal, QC Coordonnatrice des financesWendy Rhymer Winnipeg, MB Infirmière

IRAKReshma Adatia Vancouver, BC Coordonnatrice de projet

KENYAMaguil Gouja Montréal, QC Coordonnateur des finances Lauralee Morris Brampton, ON MédecinLuis Neira Montréal, QC Coordonnateur medical

MALIMartine Verreault Rivière-du-Loup, QC Pharmacienne

MOZAMBIQUEIsabelle Casavant Montréal, QC InfirmièreSerge Kaboré Québec, QC Médecin

MYANMARAnne-Josée Boutin-Trudeau Montréal, QC LogisticienneIsabelle Roger Gatineau, QC Épidémiologiste

NIGERDavid Descossy Montréal, QC LogisticienMichèle-Alexandra Labrecque Montréal, QC MédecinMarie-Michèle Houle Victoriaville, QC Infirmière

OUGANDAAlphonsine Mukakigeri Montréal, QC Coordonnatrice des finances

PAKISTANPeter Heikamp Montréal, QC LogisticienIvan Gayton Vancouver, BC Coordonnateur de projet

PAPOUASIE-NOUVELLE-GUINÉEJaroslava Belava Vancouver, BC Infirmière Nadia Perreault Mascouche, QC InfirmièreBrenda Vittachi Calgary, AB Infirmière

PHILIPPINESGrant Assenheimer Edmonton, AB Logisticien Rachelle Séguin Greenfield Park, QC InfirmièreJL Crosbie Toronto, ON Logisticien

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINEMichele Beaudry Sechelt, BC Spécialiste en santé mentale Nicolas Bérubé Montréal, QC Logisticien Nicholas Gildersleeve Montréal, QC Coordonnateur de projet Nathalia Guerrero Montréal, QC Logisticienne Matthew Hatson Ottawa, ON Coordonnateur des finances Miriam Lindsay Irlande, QC Logisticienne Tara Newell London, ON Coordonnatrice de projetRobert Parker Sutton, QC Chef de missionRaghu Venugopal Toronto, ON Médecin

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGOTamiko Andrews Montréal, QC Infirmière Charmaine Brett Ottawa, ON Coordonnatrice de projet Owen Campbell Montréal, QC Logisticien Nadine Crossland North Battleford, SK Infirmière Frédéric Dubé Québec, QC Logisticien

Claire Foulon-Abdulahad Montréal, QC Logisticienne Chantal Gauthier Varennes, QC InfirmièreReine Lebel Pontiac, QC Spécialiste en santé mentale Isabelle Major Trois-Rivières, QC Logisticienne Ali Parandeh Port Moody, BC Coordonnatrice des financesGisèle Poirier Montréal, QC Infirmière Denis Roy Montréal, QC Spécialiste en santé mentale Nicolas Verdy Montréal, QC Logisticien

SOMALIEAdam Childs Guelph, ON Chef de mission

SOUDANJustin Armstrong Haileybury, ON Coordonnateur de projet Edith Cabot Halifax, NS Infirmière Oonagh Curry Toronto, ON Logisticienne Sylvain Groulx Montréal, QC Chef de mission Michael Lawson Ottawa, ON Logisticien Letitia Rose Vancouver, BC Infirmière Michael White Toronto, ON Coordonnateur de projet

SRI LANKASarah Lamb Ottawa, ON Logisticienne Grace Tang Toronto, ON Coordonnatrice de projet Fiona Turpie Hamilton, ON Anesthésiste

TCHADSerena Kasparian Montréal, QC Médecin Caroline Pelletier Montréal, QC Logisticienne Matthew Schraeder Massey, ON Logisticien Ada Yee Calgary, AB Coordonnatrice des finances

ZIMBABWENicolas Hamel Montréal, QC Infirmier Ivik Olek Montréal, QC Infirmière

LES CANADIENNES ET CANADIENS EN MISSION

DÉPÊCHESMédecins Sans Frontières (MSF)720, av. Spadina, bureau 402Toronto (Ontario) M5S 2T9Tél. : (416) 964-0619Téléc. : (416) 963-8707Sans frais : 1 800 982-7903Courriel : [email protected]

www.msf.ca

Rédactrice : linda o. nagyDirectrice de la rédaction : Avril BenoîtCoordonnatrice de la traduction : Jennifer OcquidantCollaborateurs : Maria Borshova, Andréa Bussotti, Ahmed Dahir, Kevin Hill, Hoo Lai-ting, Susan Sandars, Raghu Venugopal

Photo de la couverture : © Simon C RobertsPage du verso créée par Jordan Cohen et Damian Simev dans le cadre du concours des Jeunes lions.

Tirage : 90 500Graphisme : Tenzing CommunicationsImpression : Warren’s Waterless PrintingHiver 2010

ISSN 1484-9372

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