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Dépistage des cancers
Novembre 2011
Sylvie Guérin et Catherine Hill
Institut Gustave Roussy
Dépistage du cancerBut : trouver des maladies à un stade précoce, avant que la personne ne présente des symptômes de cette maladie.
Intérêt : Mettre en évidence un facteur de risque, une lésion, une maladie à un stade précoce afin de la traiter, d’en éviter les séquelles et de réduire la mortalité spécifique
Types de dépistage
Dépistage de masse : examen proposé à la population générale définie seulement en terme de sexe et d’âge, sans symptôme ni facteur de risque particulier (sauf peut-être fumeur pour dépistage du cancer du poumon)
Dépistage individuel : à l’initiative de l’individu dès lors qu’il y a un symptôme ou un antécédent familial
Propriétés d'un test de dépistage
• Facile à réaliser• Inoffensif• Bien toléré• Bon marché • Peu de faux positifs• Peu de faux négatifs
Test de dépistage
Malades Non malades
Test + Vrai Positif (VP) Faux Positif (FP) VPP*=VP/(VP+FP)
Test – Faux négatif (FN) Vrai Négatif (VN) VPN*=VN/(VN+FN)
Sensibilité = Spécificité =
VP/(VP+FN) = VN/(VN + FP) = Probabilité que le test soit Probabilité que le test soit positif chez les malades négatif chez les non-malades
* Valeur Prédictive Positive : probabilité que la personne soit malade sachant que le test est positif* Valeur Prédictive Négative : proba que la personne ne soit pas malade sachant que le test est négatif
Signes ousymptômes
Détectablepar le test
Apparition de la
maladie
Décès parmaladie ouautre cause
Etat préclinique
Etat clinique
Evolution de la maladie
Phase delatence
Dépistage efficace
Décès par maladie ou autre cause
Signes ousymptômes
Détectablepar le test
Phase delatence
Dépistage
Quand faut-il dépister ?
Apparition de la
maladie
Dépistage inefficace
Décès par maladie ou autre cause
Signes ousymptômes
Détectablepar le test
Phase delatence
Dépistage
Quand faut-il dépister ?
Apparition de la
maladie
Dépistage inutile
Décès par maladie ou autre cause
Signes ousymptômes
Détectablepar le test
Phase delatence
Dépistage
Quand faut-il dépister ?
Apparition de la
maladie
• On avance le diagnostic dans le temps, ce qui prolonge la survie par changement du pointde départ
• On détecte préférentiellement les tumeurs à évolution lente
• On trouve des tumeurs si indolentes qu’elles de deviendraient jamais symptomatiques :
c’est le surdiagnostic
Les biais de la détection précoce
Biais de l’avance du diagnostic
Décès parmaladie ou Autre cause
Signes ou symptômes
Sans dépistage
Test positif
Avec dépistageAvance
dudiagnostic
Survie
Survie
L’avance du diagnostic augmente la survie mesurée à partir du diagnostic, par décalage du point de départ
Apparition de la
maladie
Apparition de la
maladie
Temps
Lente
Rapide
Vitesse d’évolution
TEST
Dépistage
Les cas qui progressent lentement
sont détectés préférentiellement par le dépistage
SurdiagnosticDéfinition :Diagnostic d’une maladie semblable à une vraie maladie mais asymptomatique et qui ne serait jamais apparue au cours de la vie de la personne si elle n’avait pas été dépistée :
- elle n’aurait jamais causé de symptôme- la personne meurt d’une autre cause
Conséquences :- Le résultat du traitement d’un cas de surdiagnostic
ne peut qu’être un succès- Le traitement peut avoir des effets indésirables
Dépistages des cancers démontrés efficaces
Col de l’utérus : un frottis tous les 3 ans réduit d’au moins 90% la mortalité par cancer du col
Sein : mammographie à partir de 50 ans réduit de 25 à 30% la mortalité par cancer du sein
Colon-rectum : hemoccult réduit de 15% la mortalité par cancer colorectal
Dépistage du cancer
du col de l’utérus
Réduction du taux cumulé de cancer du col entre 35 et 64 ans selon la fréquence des frottis
Frottis % réduction Nb de frottistous les taux cumulé en 30 ans1 an 93,3 30 2 ans 93,3 153 ans 91,4 105 ans 83,9 610 ans 64,2 3D’après Day NE. In: Hakama et al. Screening for cancer of the uterine
cervix. Lyon IARC 1986: 199-212.
Cancer du col utérin en France
En 2005 :• 12% des femmes déclarent n‘avoir jamais eu
de frottis• 40% des femmes de 18 à 75 ans déclarent
n’avoir pas eu un frottis dans les 2 ans 1 600 décès chaque année
Source : Baromètre Santé 2005 www.inpes.fr
Dépistage du cancer du sein
0%
20%
40%
60%
80%
100%
20 30 40 50 60 70 80Age en années
47%
35%
50% dans le cadre du dépistage
organisé
15% en dehors
47%
Etat des lieux du dépistage Enquête sur 17 000 femmes (2005) et données de l’InVS sur le
dépistage organisé en 2005-2006 : mammographie dans les deux ans
Un nouvel essai en 2006
Essais Effectif
HIP (USA) - 1986 60 000Suède - 1995 et 2002 83 000Édimbourg 45 000Canada - 2002 90 000Age (UK) - 2006 160 000Total 638 000
La réduction relative de la mortalité par cancer du sein dans les essais dépend assez peu de l’âge
39-49
Age
50-59
60-69
70-74
Total
Réduction du risque relatif [95% IC]
-15% [- 25%;-4%]
-14% [-25%;-1%]
-32% [-46%;-13%]
12% [-26%;72%]
-18% [-25%;-12%]
Dépistage pireDépistage mieux-50% 0% 100%
Effet du dépistage : p < 0.0001 Test d’hétérogénéité: p = 0,04Test de tendance: p = 0,22
(Nelson - Annals of Internal Medicine - 2009)
Risque de mourir d’un cancer du sein en France en 2009 (Risque de base)
Si on suit 1000 femmes de la naissance à la mort en leur faisant courir les risques observés en 2009, on aura 40 décès par cancer du sein :
<1 décès entre 35 et 39 ans 2 décès entre 40 et 49 ans
4 décès entre 50 et 59 ans 7 décès entre 60 et 69 ans
8 décès entre 70 et 79 ans 19 décès à partir de 80 ans
Conclusion selon l’âge au premier dépistage, 10 ans de suivi, 5 dépistages (1 tous les 2 ans)
Age Femmes
Avec 5 dépistages en 10 ans
> 1 mammo+
> 1 biopsie
Décès K du sein
Total Evité40 2 200 900 100 4 1
50 1 000 380 50 4 1
60 600 210 40 4 1
70 500 150 30 4 1
Conclusion• Près de 50% des femmes se font dépister entre 40 et 50 ans alors
que le dépistage n’est pas recommandé avant 50 ans• Les avantages du dépistage du cancer du sein augmentent avec
l’âge alors que les inconvénients diminuent• La décision de procéder à un dépistage systématique doit
dépendre :–de la réduction du risque apportée par le dépistage–du risque de mourir d’un cancer du sein–et des inconvénients apportés par le dépistage
• En dehors des mutations des gènes BrCA1 et BrCA2, la décision de dépister dépend seulement de l’âge. On peut également raisonner en terme de risques personnels : dépister les femmes de 40 ans qui ont des facteurs de risque
Dépistage du cancer
du côlon-rectum
Dépistage du cancer colorectal
Recherche de sang occultedans les selles par Hémoccult,entraînant une coloscopie et
l'exérèse des polypes et cancers colorectaux
Dépistage du cancer colorectal
Essais randomisés :
• dans le Minnesota
• au Danemark
• en Angleterre• en Suède
Essais de dépistage du cancer colorectal
Essai Réduction Fréquence décès cancer dépistage
colorectal
Minnesota 33% annuel
Funen 18% biennal
Nottingham 14% biennal
Suède 12% biennal
Source : Towler BMJ 1998
Dépistage du cancer colorectal, pratique en France
Ont déjà eu un Hemoccult : 30% des hommes de 50 à 74 ans23% des femmes de 50 à 74 ansDans les deux ans :11% des hommes9% des femmes
Source : BEH 2008, d’après enquête décennale santé 2002-2003, échantillon de 6 599 personnes
Dépistages des cancers démontrés inefficaces
Poumon : radio + cytologie (4 essais : Marcus JNCI 2000 )
Neuroblastome : plusieurs études (Schilling - N Eng J Med – 2002 ; Woods – NEJM - 2002), surdiagnostic +++
Dépistage du cancer
de la prostate
Dépistage du cancer de la prostate le débat fait rage, il faut connaitre :
Le risque de mourir d’un cancer de la prostate
La fréquence du cancer de la prostate
L’étendue de l’épidémie induite par le dépistage
La réduction du risque de décès par le dépistage
Les effets indésirables des traitements
Risque de décès par cancer de la prostate
Si on suit 1 000 hommes de la naissance à la mort, 49 mourront d’un cancer de la prostate, avec les risques observés en 2009, et il y aura :
0 décès entre 0 et 49 ans7 décès entre 50 et 74 ans et
42 décès à partir de 75 ansLe risque est donc très faible avant 75 ans
Si on suit 1 000 hommes de la naissance à la mort, il y aura 7 décès entre 50 et 74 ans, i.e. en 24 ansOr 80% d’hommes interrogés par Gigerenzer et coll. (JNCI 2009) pensent qu’en suivant 1000 hommes de 50 ans pendant 10 ans (dépistage), on évitera 10 décès, et 41% attendent une réduction d’au moins 100 décèsLe risque de décès par cancer de la prostate est donc surestimé d’au moins un facteur 10, et souvent d’un facteur 100
Fréquence du cancer de la prostate
0%
20%
40%
60%
80%
100%
20 30 40 50 60 70 80Age
% c
ance
r d
e la
pro
stat
eSakr WA - Eur Urol - 1996,30,138-144,cité par Martin RM - Int J Epidemiol - 2007 Autopsies de 525 hommes, décès dû à un traumatisme : 10 à 14 coupes par prostate
Sur cette base, on peut estimer que 4 des 6 millions d’hommes de 55 à 74 ans seraient trouvés être porteurs d’un cancer de la prostate en France si on les autopsiait
La fréquence du cancer de la prostate ou plutôt dans la prostate est extraordinairement élevée :
- 30% à 30 ans - 80% à 80 ans
Etendue de l’épidémie due au dépistage
L’incidence, c’est à dire la fréquence des nouveaux diagnostics, augmente très rapidement. La mortalité diminue de 2% par an depuis 1990
Prostate
0
40
80
120
160
1950 1970 1990 2010
Tau
x p
ou
r 10
0 00
0 à
âge
égal
(st
and
ard
Eu
rop
e)
Incidence
Mortalité
Mais la baisse de mortalité s’observe aussi au Royaume-Uni,
où l’incidence augmente beaucoup moins car on y fait beaucoup moins de dosages de PSA
FranceRoyaume-Uni
0
25
50
75
100
125
150
175
1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
Tau
x p
ou
r 10
0 00
0 à
âge
égal
(st
and
ard
eu
rop
éen
)
Mortalité
Incidence
On est passé de :
11 000 cas par an en 1980 à
19 000 cas par an en 1990, à
40 000 cas par an en 2000 et
62 000 cas par an en 2005
L’InVS prévoit 71 000 cas/an depuis 2009, mais d’après la CNAM (www.ameli.fr) le nombre de diagnostic a cessé d’augmenter en 2008
La réduction du risque de décès due au dépistage du cancer de la prostate
USA Europe
Inclusion 1993-2001 1991-2003
Centres 10 centres USA 9 pays
Nb volontaires 76 700 182 160
Age 55-74 ans 50-74 ans
Dépistage PSA / an x 6 ansTR / an x 4 ans
PSA / an x 4 ansTR non systématique
Compliance groupe dépisté
PSA: 85% PSA: 82%
Contamination groupe témoin
PSA: 40% 1an 52% 6ans
Limite PSA 4 ng/ml 4 ou 3 ng/ml (selon pays)
Les essais publiés en mars 2009
Publication: mars 2009
Groupe dépistage
Groupe témoin
Rapport des taux groupes
dépisté/ témoin
Essai américain
Nb volontaires 38 343 38 350
Nb décès K prostate 92 82
Personnes-années 340 230 338 083
Taux décès /10 000 2.7 2.4 1.11 (0.83-1.50)
Essai européen
Nb volontaires 82 816 99 184
Nb décès K prostate 261 363
Personnes-années 737 397 878 547
Taux décès /10 000 3.5 4.1 0.85 (0.73-1.00)
Méta-analyse des 2 essais 0.90 (0.78-1.04)
Le risque de décéder d’un cancer de la Prostate : - augmenté de 11% dans l’essai américain - diminué de 15% dans l’essai européenSi l’on fait la synthèse des deux essais :- réduction non significative de 10%
Choisir le sous-groupe le plus favorable (55 à 69 ans) de l’essai le plus favorable conduit à une réduction très optimiste du risque de 20%
Les effets indésirables du traitement
Prostatectomie :
60 à 90% des patients ont des problèmes d’érection
4 à 50% d’incontinence d’effort modérée
0 à 15% d’incontinence d’effort importante
Curiethérapie, radiothérapie :
40% d’impuissance 3 à 5 ans après curithérapie
80% d’impuissance après radiothérapie
Hormonothérapie
50 à 100% de problèmes d’érection
(Gomella 2007 ; Howard 2009)
Bilan des avantages et des inconvénients du dépistage de la prostate
En supposant que le dépistage réduit le risque de décès de 20%, il conduira à éviter 1 décès pour 1 410 hommes de 50 à 69 ans suivis 10 ans
En contrepartie, on aura diagnostiqué et traité 48 cancers qui n’auraient pas entrainé la mort et dont le traitement aura induit l’impuissance ou l’incontinence chez la moitié des patients
(Barry - N Eng J Med – 2009)
Conclusion sur le dépistage du cancer de la prostate
La balance bénéfice risque est en défaveur du dépistage du cancer de la prostate avant 75 ans !
A moins que l’impuissance et l’incontinence ne vous paraissent des inconvénients négligeables
Dépistage dont l’efficacitéest en cours d’évaluation
• Dépistage du cancer du poumon (NLST -
NEJM - 2011; Silvestri versus Jett -
Annals Int Med - 2011)
National Lung Screening Trial53 400 individus avec un risque élevé de
cancer du poumon (33 centres aux USA) Tirage au sort de 2002 à 2004
3 dépistages annuels par scanner
à faible dose (CT)n = 26 700
3 dépistages annuels pa r radiographie
du thorax (RT)n = 26 700
Compliance aux examens de dépistage
95% 93%
RésultatsScanner Radio
Nombre de tests ~ 75 000 ~73 000Tests positifs ~18 000 ~5 000
24% 7%Faux positifs 17 500 4 800 Cancer du poumon nombre 1 060 941 p. 105 pers.années 645 572 RR = 1,1 (IC95% : 1,0 – 1,2)
Mortalité spécifique par cancer du poumon
247 versus 309 pour 100 000 personnes/année
Diminution de 20 %, IC95%(6,8% ; 27%), p=0,004
Scanner 356 décès
Radio 443 décès
Années après le tirage au sort
Nb
cu
mu
lé d
e d
écès
Conclusion- Réduction de 20% de la mortalité spécifique - Environ 3 fois plus de tests positifs dans le groupe « scanner »
(24% versus 7%)- Taux élevé de faux positifs : 96.4% (Scanner) et 94.5%
(Radiographie)- Très peu de complications après un examen invasif
complémentaire particulièrement chez les patients indemnes de cancer
- Taux de participation > 90%
Dépistage a priori inefficace
• Dépistage du cancer de l’ovaire (Buys -
JAMA - 2011; Menon - Evidence Based Med
- 2011; Annals Int Med - 20 Sept 2011)
Conclusion dépistage• Dépistage dont l’efficacité a été démontré :
– Cancer du col de l’utérus (25 à 65 ans) – réduction de 90% de la mortalité
– Cancer du sein (de 50 à 74 ans) et - réduction d’environ 25% de la mortalité
– Cancer colorectal (50 à 74 ans) – réduction de 15% de la mortalité• Mais taux de couverture de la population insuffisant : environ 60%
pour le col, 65% pour le sein et 20% pour le cancer colorectalDépistage controversé : - Le cancer du sein avant 50 ans - Le cancer de la prostate de 50 à 69 ans