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DES ALTERATIONS OCULAIRES DANS LA POII\;ILODERMATOMYOSITE PAR ESTER GRONBLAD, Stockholm.') Lc professeur Bruusgaard, &Oslo, a communique au Congrks Nordique de Dcrmatologie de Stockholm, en juin 1932, deux cas d'atrophie cutanee, dtsignCe sous le nom de poikilodermie.**) Sur la demsnde du Dr. 1. Strandberg, j'ai prockdk B un examen oculaire de ccs malades. L'un d'eux prksentait dans son fond d'ocil des nltkrations particulikres qui me paraissent incontcsts ablement dues au mCme processus que celui du reste de l'affecs tion. Aucune modification du fond d'oeil n'a encore 6tC dkcrite dans cette maladie; par contre, on signale dam quelques cas l'existence d'une cataracte. La poikilodermie est une affection rare. Le tableau clinique n'a 6tC Ctabli qu'en 1906 par Jakobi. On en distinguc trois for: mes diff krcntes, dans lesquelles se manifestent des altkrations cutankes d'aspect analogue: dans le type Civatte, ces alterations ne sc localisent qu'au visage et au cou; dans le type Jakobi, elles envahissent la totalit6 du corps; enfin, dans le type Petges, elks s'ktendent Cgalement i la musculature, ce qui a valu B cette forme le nom de poikilodermatomyosite. Les alterations apparaissent d'abord au visage et s'ktendcnt Cventuellemcnt ensuite au cou, aux Cpaules, aux bras, au tronc et aux extrCmitCs infkrieures. La peau des zones atteintes resemble souvent B une radiodermatite en fin d'Cvolution. Elle parait le plus souvent lkgkrement oedkmatike, avec des zones atrophiques affectant dans la majorit6 des cas un aspect rkticulk. *) Rep le ler aodt 1933. **) Proc. of the VIII meeting of thc north. dcrmatol. soc., Stockholm 1932, p. 566-69. 4,

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DES ALTERATIONS OCULAIRES DANS LA POII\;ILODERMATOMYOSITE

PAR

ESTER GRONBLAD, Stockholm.')

Lc professeur Bruusgaard, &Oslo, a communique au Congrks Nordique de Dcrmatologie de Stockholm, en juin 1932, deux cas d'atrophie cutanee, dtsignCe sous le nom de poikilodermie.**) Sur la demsnde du Dr. 1. Strandberg, j'ai prockdk B un examen oculaire de ccs malades. L'un d'eux prksentait dans son fond d'ocil des nltkrations particulikres qui me paraissent incontcsts ablement dues au mCme processus que celui du reste de l'affecs tion. Aucune modification du fond d'oeil n'a encore 6tC dkcrite dans cette maladie; par contre, on signale d a m quelques cas l'existence d'une cataracte.

La poikilodermie est une affection rare. Le tableau clinique n'a 6tC Ctabli qu'en 1906 par Jakobi. On en distinguc trois for: mes diff krcntes, dans lesquelles se manifestent des altkrations cutankes d'aspect analogue: dans le type Civatte, ces alterations ne sc localisent qu'au visage et au cou; dans le type Jakobi, elles envahissent la totalit6 du corps; enfin, dans le type Petges, elks s'ktendent Cgalement i la musculature, ce qui a valu B cette forme le nom de poikilodermatomyosite.

Les alterations apparaissent d'abord au visage e t s'ktendcnt Cventuellemcnt ensuite au cou, aux Cpaules, aux bras, au tronc et aux extrCmitCs infkrieures. La peau des zones atteintes resemble souvent B une radiodermatite en fin d'Cvolution. Elle parait le plus souvent lkgkrement oedkmatike, avec des zones atrophiques affectant dans la majorit6 des cas un aspect rkticulk.

*) R e p le l e r aodt 1933. **) Proc. of the VIII meeting of thc north. dcrmatol. soc., Stockholm

1932, p. 566-69. 4,

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Une marbrure sitgeant B la pCriphCrie des zones envahies et due ii des telangiectasies et ii des hkmorragies capillaires donne ii la peau un aspect bigarrk, d’oG le nom de poikilodermie. Des altCrations analogues ont Ctk kgalement constatkes sur la me5 queuse buccale.

Au point de vue histologique, on trouve de l’oeddme des couches cellulaires basales de I’Cpiderme et du corps papillaire. Dans ce dernier et dans les parties supkrieures de la peau, on trouve des infiltrations peri-vasculaires, formCes de cellules rondes, de cellules conjonctivales et pigmentaires, ainsi que de mastzellen. On constate en outre de la sclerose et de l’atrophie du tissu con joncfif , aussi bien collagkne qu’klastique (on observe parfois une dCgCnCrescence muqueuse du tissu conjonctif). Les vaisseaux sont dilatks; la musculature prCsente des altkrations de nature sclkrosante, aussi bien entre les fibres musculaires qu’i I’intCrieur de ces fibres. Dans le premier cas de Bruuss gaard, les muscles Ctaient le sibge d’une dCgCnCrescence vitreuse.

La cause de la maladie n’est pas connue. Ses alterations se manifestent parfois chez des frbres ou soeurs. Comme dans bien des dermatoses, on trouve frtquemment des troubles de sCcrCs tion interne, sans qu’on ait pu Ctablir un rapport constant entre ces troubles et ces altkrations. La thkrapeutique reste impuisr sante.

Le premier cas d e Bruusgaard Ctait une jeune fille de 23 ans qui avait observk, il y a 5 ans, des altkrations cutantes qui sont alltes depuis en augmentant. Elle prksentait des lksions typiques au niveau du visage, et plus particulibrement des paupibres, du cou, des Cpaules, des bras, du sibge et des cuisses. L’atrophie musculaire apparut il y a environ 3 ans. A l’heure actuelle, la malade a de la peine ii soulever let jambes et les bras. La marche est par ailleurs satisfaisante. A la radiographie, on cons state une deformation et une notable diminution de la selle furs cique.

Dans le fond des yeux, on constate a la fo is de l’oedBme, des alrophies et des lesions vasculaires. L’oedbme semble localisk z i la rCgion pkrispapillaire. La rktine apparait ici comme bombke autour du nerf optique de sorte que l’entonnoir vasculaire parait extrtmement profond. Par ailleurs, la rktine parait Claire et normale. On trouve dans le fond d’oeil des deux c6tCs de nomr breuses taches claires, inkgales et irrkgulibres et parfois plus

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greupCes. Au grand ophtalmoscope de Gullstrand, elles paraiss sent siCger profondCment dans la rCtine, sans relations avec les vaisseaux rktiniens. PCriphCriquement, on apeqoit dans les deux yeux quelques taches isolCes, un peu plus Ctendues, nettement d6limitCes et de forme entikrement circulaire; ces taches sont manifestement B des stades diffkrents d’kvolution et leur c o b ration va du rose clair au blanc absolu atrophique. On ne cons state aucune pigmentation; il s’agit, semblestsil, d’une atrophie pure, d’abord de 1’CpithClium pigmentaire et ulttrieurement de la choroide. Toutes ces taches seniblent siCger au voisinage inis mCdiat de vaisseaux rCtiniens fins. Dans l’un des yeux, on notait en outre, tout B fait i la pCriphCrie, une petite hkmorragie qui avait disparu B l’examen de contrble pratiquC B Oslo deux semaines environ plus tard. Les autres ltsions Ctaient d’ailleurs sans modifications. L’acuitd visuelle Ctait normale B droite; B gauche, elle Ctait de 0,2 B 0,3 (leucome cornken central).

A l’examen du second cas norvtgien, un homme avec alterar tions cutanCes presque gCnCreaux, il m’a sembld apercevoir dans le fond d’oeil une tache atrophique analo9ue; je ne puis ces pendant rien affirmer, car le malade Ctait trks difficile B exas miner au grand ophtalmcscope de Gullstrand, en raison d’une part de l’insuffisance de mydriase que dtterminait l’homatropine et d’autre part, de sclCrose cristallinienne. I1 est fort douteux que cette sclCrose ait ici quelque rapport avec la maladie en question, le malade Ctant Pgt 53 ans. Peutsttre la difficult6 que l’on constatait B dilater la pupille a&elle par contre une certaine signification, le m&me signe se retrouvant chez un troisiPme n *alade, une jeune fille atteinte de poikilodermatomyosite, obs servCe par le Dr. Strandberg. Cette dernikre malade prCsentait en outre une photophobie qui, malgrC la cocaine, rendait encore plus difficile l’examen B l’ophtalmoscope de Gullsfrand. On ne trouvait chez elle ni altkrations peripapillaires ni taches atros phiques. Par contre, la macula paraissait le sikge d’un oedkme vitreux et semblait, comme la rCtine peripapillaire du second CBS, bombCe en avant. L’acuitt visuelle Ctait cependant normale. Nous n’avons malheureusement pas pu jusqu’ici pratiquer de ce dernier cas un nouvel examen plus approfondi. Je n’ose me prononcer sur le rapport Cventuel qu’on pourrait Ctablir entre les difficultCs prkcittes B dilater les pupilles et des altCrations musculaire’s correspondant i la myosite.

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Ce qui me parait d’un grand intCr&t, c’est la constatation que I’atrophie spkciale du tissu conjonctif qui conduit au pseudoxans thome Clastique n’est pas seulc it dkterminer des ltsions oculaires (angioid streaks), mais quc, manifestcment, d’autres atrophies ou dystrophies mksenchymateuses systCmatistes peuvent, elles aussi, determiner des altkrations caractkristiques du fond d’oeil. Dans ces conditions, il me parait que tous les malades prCsen: tant au niveau de la peau des altkrations atrophiques ou dystro: phiques doivent &tre soumis & un examen oculaire attentif. De mCme, certaines formes Ctranges de choroidites ou de chorio: rbtinites devraient peut:&trc &tre CtudiCes d’un peu plus prbs, du point de vue dermatologique.