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Des autismes : premières distinctions entre autisme précoce et autisme à début tardif

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Page 1: Des autismes : premières distinctions entre autisme précoce et autisme à début tardif

Des autismes : premières distinctions entre autisme précoceet autisme à début tardif

Autisms: first distinctions among early onset autism and late onset autism

I. Samyn a,b,1

a Centre de recherche en psychologie et psychopathologie clinique (CRPPC), université Lumière Lyon-II,5, avenue Pierre-Mendès-France, 69500 Bron, France

b Service universitaire de pédopsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, 9, rue des Teinturiers, BP 2116, 69616 Villeurbanne, France

Reçu le 17 mars 2003 ; accepté le 23 février 2004

Résumé

Cet article présente les premiers résultats d’un travail de recherche sur l’hétérogénéité développementale de la pathologie autistique. Unepremière distinction intergroupale de l’évolution de ces enfants en fonction de leur âge d’entrée dans la pathologie est exposée. Deuxsous-groupes autistiques sont comparés, les autistes précoces (AP) et les autistes à début tardif (ADT). Nous les avons étudiés sur la base deleur développement précoce, entre zéro et trois ans ; puis dans leur évolution : au niveau de l’intensité de leur pathologie, et de leur degréd’hyperactivité. Les résultats les plus significatifs montrent une plus forte fréquence de troubles autistiques et secondaires chez les autistesprécoces entre zéro et trois ans, mais une plus grande sévérité de la pathologie et de l’hyperactivité chez les autistes à début tardif. Lesconclusions de ce premier état des lieux ont ouvert la voie à de nouvelles hypothèses sur le fonctionnement, l’origine et l’évolution de cettepathologie des autismes, dont les travaux sont actuellement en cours.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

This article presents the first results of a research on the developmental heterogeneousness in autistic pathology. A first group distinction ofthe evolution of these children is explained here according to their age of entrance to the pathology. Two subgroups autistics are compared,Early Onset Autistics Children and Late Onset Autistics Children. The study was on the basis of their early development, between 0 and3 years; then on their evolution: the intensity of their pathology, and their degree of hyperactivity. The most significant results show a strongerfrequency of autistics and secondary troubles to the Early Onset Autistics Children between 0 and 3 years, but a bigger severity of thepathology and the hyperactivity to the Late Onset Autistics Children. The conclusions of this first inventory open the way to new hypotheseson the comportment, the origin and evolution of these autisms pathologies, whose are currently studied.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Autismes ; Autistes précoces ; Autistes à début tardif ; Hétérogénéité développementale

Keywords: Autisms; Early onset autistics children; Late onset autistics children; Developmental heterogeneousness

1. « L’énigme de l’autisme »

Le syndrome autistique est un trouble du développementprécoce principalement définit par des troubles des interac-

tions sociales, de la communication, et des activités et com-portements restreints. Cette pathologie dont le développe-ment se présente avant l’âge de trois ans est observée commerelativement complexe dans son apparition et son évolution.

La particularité développementale de ce trouble, touchantun des besoins essentiels à tout être vivant, la communica-

Adresse e-mail : [email protected] (I. Samyn).1 Adresse personnelle : 11, rue Roux-Soignat, 69003 Lyon, France.

Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 52 (2004) 337–342

www.elsevier.com/locate/neuado

© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.neurenf.2004.02.008

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tion, a attiré de nombreux chercheurs de provenances disci-plinaires multiples à étudier le fonctionnement de ce syn-drome.

Nous avons, à l’heure actuelle, une multitude de recher-ches en cours tentant de percer « l’énigme de l’autisme » [5],dans le domaine de la biologie, de la neurologie, de lagénétique, de la cognitive, de la psychopathologie clinique.

L’ouverture à l’échange pluridisciplinaire a permis degrandes avancées sur la compréhension de ce syndrome. Leprincipal constat fut celui d’un développement psychopatho-logique multifactoriel très complexe [1]. Cette découverte aamené de nombreux chercheurs d’orientations distinctes àtravailler en collaboration et donc à ne plus se limiter à sonpropre courant de recherche. Notre travail s’inscrit dans cettemouvance interdisciplinaire [15] dont notre position de cher-cheur en psychopathologie clinique s’étend aux différentsdomaines cités précédemment.

Notre étude est issue d’un constat clinique sur la particu-larité de certains enfants autistes à développer la pathologie àun âge relativement tardif (12–24 mois). La majorité desautistes présentent habituellement des troubles du dévelop-pement dès la naissance.

Ces enfants au développement tardif de la pathologie sontdécrits par les parents avec un développement apparemmentnormal jusqu’à 12–24 mois, âge auquel une régression et unarrêt des acquisitions apparaîtraient (pertes au niveau dulangage, du jeu, des échanges, repli sur soi, développementde comportements étranges tels que des balancements, desstéréotypies, des rituels...).

La littérature psychodynamique fut la première à étudiercette particularité développementale [4,11,17,6]. Nous re-trouvons par la suite quelques évocations de cas mais toutesrestèrent très descriptives, peu analytiques. Il fallut attendreces dernières années pour que ce sujet intéresse plus intensé-ment la recherche [9,12,8,18]. L’arrivée des films familiauxdans les foyers a fortement aidé à la justification des témoi-gnages parentaux et donc à l’atténuation d’un possible dénifamilial [13,18].

Ces études considérants les domaines du développementbiologique, neurologique, ainsi que l’impact environnemen-tal et développemental sur le comportement psychopatholo-gique de l’enfant ont permis de grandes avancées dans lacompréhension multifactorielle de ce syndrome.

Un résumé de ces découvertes fut exposé par le Pr. Aus-silloux (2002) [1] de la manière suivante :

• diversité du syndrome autistique ;• variation extrême des évolutions ;• différence dans la précocité de manifestation des trou-

bles et dans la précocité du diagnostic ;• variation de l’intensité des troubles ;• association de retard mental, anomalies organiques, épi-

lepsie.Notre étude cherche à analyser l’ensemble de ces points

en se centrant plus particulièrement sur les différences dansla précocité des manifestations, puis dans leur évolution.L’hypothèse de deux sous-groupes autistiques distincts au

niveau développemental et évolutif est la ligne directrice denos travaux. Cette étude est en étroite relation avec celle del’équipe de Pise qui travaille actuellement sur les mêmesobjectifs mais avec une méthodologie différente, s’appuyantsur les films familiaux [8].

Nos deux sous-groupes se composent donc d’autistes pré-coce (AP) et d’autistes à début tardif (ADT). Les premierssont des enfants au diagnostic d’autistes dont des troubles àcaractéristiques autistiques ont été présents dès la naissance :un repli sur soi, une absence de sourire, des troubles duregard, des difficultés d’échanges avec les parents, des balan-cements... Les autistes à début tardif sont également desenfants autistes mais avec la caractéristique d’un développe-ment apparemment normal jusqu’à 12–24 mois avant dedévelopper des troubles du comportement de type autistique.Notre travail sur le développement précoce de ces enfantsnécessitant la validité de leur développement pathologique,nous avons effectué une étude rétrospective auprès d’enfantsdiagnostiqués autistes. Nos données sont principalementsous-tendues par les témoignages de leurs parents. L’analyseévolutive a, quant à elle, été étudiée de manière prospective,sur le comportement de l’enfant au moment de l’évaluationdiagnostique.

2. Procédure

Dans l’objectif d’obtenir des données analysables en ter-mes statistiques nous avons tenu à étendre notre rechercheau-delà des murs de notre institution. Notre travail s’est donceffectué en collaboration avec quatre autres établissementsde psychiatrie infantile. Ces cinq services au total furent :

• le Centre d’évaluation et de diagnostic de l’autisme(CEDA) de Lyon dont nous dépendons ;

• le Centre de ressource autisme Languedoc-Roussillonde Montpellier ;

• le Centre Elsau (Service Psychothérapique pour enfantset adolescents) de Strasbourg ;

• le Centre Alpin de diagnostic précoce de l’autisme (CA-DIPA) de Grenoble ;

• le Centre Léo Kanner de Saint-Étienne.Ces cinq centres spécialisés dans les troubles du compor-

tement possèdent un secteur diagnostic dont leur protocoleévaluatif est identique au nôtre. Seul un de ces centres utili-sait pour l’interview des parents un matériel distinct desautres, ce dernier n’a donc pu être conservé dans notreprotocole.

L’ensemble des données récoltées s’inscrivait en totalecohérence avec le protocole diagnostique établi par ces ins-titutions.

2.1. Développement Précoce

Les critères de recrutement des sujets pour l’étude néces-sitaient des enfants ayant reçu le diagnostic d’autisme infan-tile suite à un bilan évaluatif complet passé entre l’âge de

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trois et six ans. Soixante-dix-neuf sujets ont été retenus. Nosexigences en terme d’informations sur la prime enfance (0–3 ans) ont réduit notre échantillon à 50 enfants.

L’âge moyen de l’échantillon était de 4 ans 2 mois avec unécart-type de 11 mois, dont l’indice de répartition par sexeétait d’une fille pour six garçons.

Les enfants intégrant le groupe des autistes précoces de-vaient posséder des troubles à caractéristiques autistiques dèsla naissance, c’est-à-dire entre zéro et six mois d’âge dedéveloppement (troubles du regard, impression de surdité,absence de sourire, difficultés d’échange avec les parents).Les autistes à début tardif devaient avoir un développementconsidéré « normal » tel que : une ébauche de langage, un boncontact relationnel, des activités de jeux jusqu’à 12 mois, âgeà partir duquel une régression et un arrêt des acquisitions sontnotés et accompagnés du développement de troubles à carac-téristiques autistiques.

La distribution intergroupale répartit nos sujets de la ma-nière suivante : 35 autistes précoces (70 %) et 15 autistes àdébut tardif (30 %).

L’analyse du développement précoce de ces enfants né-cessitait la connaissance des troubles rencontrés au cours deleurs trois premières années de vie. Nous avons pour celaétabli un Tableau (no 1) réunissant l’ensemble des troublesrencontrés au cours de la récolte des données. Cette récoltedes données a principalement concerné les informations of-fertes par l’entretien parental de l’ADI2. Nous restions ce-pendant ouverts à toutes informations complémentaires, tel-les que celles données lors de l’entretien psychiatrique oùl’anamnèse est exposée, ainsi que celles provenant du per-sonnel soignant ou d’autres parents ayant côtoyé l’enfantdurant ses premières années de vie.

Les troubles retenus pour l’évaluation du développementprécoce de l’enfant furent : Les troubles de l’alimentation, lestroubles du sommeil, les troubles du tonus, l’hyperactivité,les pleurs immotivés et/ou colères, les troubles relationnels,l’absence de sourire, les troubles du regard, l’impression debébé trop sage, l’impression de surdité, les balancementsrythmiques, et les activités répétitives (Tableau 1).

2.2. Développement entre trois et six ans

Dans l’objectif d’appréhender le contexte évolutif de cesenfants selon leur appartenance groupale, plusieurs élémentsinformatifs sont venus compléter nos premières données.

La diversité du syndrome autistique cité précédemmentpositionne cette pathologie selon un continuum d’une grandevariabilité en terme d’intensité. Nous avons donc tenté d’éva-luer l’existence possible d’un lien entre l’âge d’entrée dans lapathologie et la sévérité du syndrome. Notre matériel utiliséétait le test de la CARS qui permet de positionner l’autismedes sujets évalués selon une échelle allant de légère à sévère(Tableau 2).

Cette variabilité syndromique s’inscrit également dans sesliens à d’autres troubles. Le cas de l’hyperactivité est fré-quemment cité dans le discours des parents. Nous avons doncégalement évalué cet éventuel lien entre le développement dece symptôme apparemment secondaire à la pathologie etl’âge de début du syndrome. Les données de l’ADI offrentnon seulement l’évaluation de la présence ou non du symp-tôme mais également son intensité en cas de présence sur uneéchelle allant de légère à marquée (Tableau 3).

3. Résultats

3.1. Troubles apparus avant trois ans

Les troubles relevés par l’environnement de l’enfant aucours de ses trois premières années de vie ont été reportésdans le tableau 1 :

Dans le cadre de l’analyse de ces résultats nous établis-sons qu’une différence de plus de 15 points sera considéréecomme significative.2 Autism Diagnostic Interview.

Tableau 1Pourcentage de troubles présents avant trois ans chez lesAutistes Précoces etles Autistes à Début Tardif

AP (%) ADT (%)Troubles de l’alimentation (%) 61 53Troubles du sommeil (%) 65 40Troubles du tonus (%) 39 13Hyperactivité (%) 26 10Pleurs immotivés, colères (%) 45 53Troubles relationnels (%) 90 73Absence de sourire (%) 42 26Troubles du regard (%) 74 75« Bébé trop sage » (%) 55 27Impression de surdité (%) 52 66Balancements rythmiques (%) 35 40Activités répétitives (%) 71 60

Tableau 2Intensité autistique chez les autistes précoces et les autistes à début tardif

Intensité (%)légère Modérée sévère

AP 0 58 42ADT 10 10 80

Tableau 3Niveau d’hyperactivité des sujets autistes en fonction de leur sous-grouped’appartenance

HyperactivitéPrésence (%) Absence (%)

AP 64 36ADT 66 33

Parmi les hyperactifsLégère (%) Modérée (%) Marquée (%)

AP 61 22 16,5ADT 37,5 0 62,5

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3.1.1. Premières remarquesUne première constatation peut s’observer quant au trou-

ble essentiel à l’autisme : les capacités relationnelles. Larépartition est de 90 % pour les autistes précoces et 73 % pourles autistes à début tardif.

Deux premières remarques peuvent déjà être exposées surce trouble :

• celui-ci n’est pas révélé dans 100 % des cas alors quel’autisme est une pathologie, officiellement, détectableavant l’âge de trois ans. L’évidence de ce trouble neserait pas absolue. Ceci explique la valeur parfois tar-dive de la première consultation ;

• la différence significative entre les deux sous-groupespeut également évoquer l’espoir des parents que le trou-ble soit passager. Le déclenchement des troubles chezles autistes à début tardif se fait généralement de ma-nière brutale ; le changement devrait donc être rapide-ment repéré.

En poursuivant cette première lecture, nous pouvons repé-rer de nombreux troubles bien présents dès les trois premiè-res années : l’alimentation, le sommeil, les pleurs immotivéset colères, le regard, l’impression de surdité, ainsi que lesactivités répétitives. À noter plus particulièrement, les trou-bles du regard sont présents dans les deux sous-groupes chezles trois-quarts des enfants. Ces derniers semblent être desindicateurs importants pour le repérage de la pathologie etpour l’entourage de l’enfant.

Enfin, excepté quelques troubles tels que ceux du tonus,l’hyperactivité, ainsi que le sourire et l’impression de bébétrop sage pour les ADT, l’ensemble des autres troublesrelevés a une présence importante dès les trois premièresannées de vie.

3.1.2. Comparaison autistes précoces/autistesà début tardif

Parmi les troubles ne possédant pas de différences signifi-catives entre les deux groupes au moment de l’apparition dela pathologie nous retrouvons : les troubles alimentaires, lespleurs immotivés et colères, les troubles du regard, l’impres-sion de surdité, les balancements rythmiques, et les activitésrépétitives. La plupart de ces symptômes paraissent tenir uneplace importante dans leur lien à la pathologie, dont le pour-centage est relativement élevé pour les deux sous-groupesd’enfants autistes.

À l’inverse, une différence significative est présente pour :les troubles du sommeil, du tonus, l’hyperactivité, les trou-bles relationnels, le sourire, et l’impression de bébé tropsage.

Les différences les plus significatives entre les deux grou-pes se retrouvent dans l’impression de bébés trop sages (55 et27 %), les troubles du tonus (39 et 13 %), les troubles dusommeil (65 et 40 %) ; les autres symptômes ayant desdifférences de moins grandes envergures. Lorsque la diffé-rence est significative, le pourcentage est pour chaque symp-tôme plus important dans le groupe des autistes précoces.

3.2. Développement de trois à six ans

3.2.1. Intensité autistiqueL’intensité autistique est évaluée à l’aide de la CARS. Elle

a été classée selon trois critères : légère, modérée et sévère :• légère pour un score à la limite du trouble autistique

selon la CARS : 30 ;• modérée pour un score compris entre 30 et 37 ;• sévère pour un score supérieur à 37.L’intensité autistique légère semble être relativement rare,

mais également à distinguer dans sa cotation puisqu’ellenotait uniquement les enfants dont le diagnostic d’autismeétait limité à ce test, bien que considérés autistes à l’ADI.

Les autistes précoces possèdent une répartition assez ho-mogène entre l’intensité modérée et sévère, avec une légèretendance à une intensité autistique modérée. Les autistes àdébut tardif ont quant à eux une intensité autistique majori-tairement sévère, avec 80 % des cas.

3.2.2. L’hyperactivitéCe trouble, non caractéristique de l’autisme, est régulière-

ment sujet de discussions lors d’entretiens parentaux. Malgréson rôle apparemment « secondaire » à la pathologie, lors desa présence il est source de nombreuses perturbations auniveau familial, social, développemental... Par conséquent, ilparaissait intéressant de le prendre en exemple pour étudierl’influence des troubles associés dans cette pathologie.

L’hyperactivité, évaluée par l’ADI, a été cotée en fonctionde sa présence, puis de son intensité (légère, modérée oumarquée) :

D’un point de vue général, il n’y a pas de différencesignificative entre les deux groupes sur la présence et l’ab-sence d’hyperactivité. Pour les deux groupes deux tiers desenfants sont hyperactifs.

Le degré d’intensité est quant à lui relativement distinct.Les autistes précoces ont une hyperactivité majoritairementlégère (61 %), et relativement homogène entre modérée etmarquée pour le tiers restant (22 % et 16,5 %). À l’inverse,les autistes à début tardif ont une hyperactivité beaucoup plusmarquée, ceci pour les deux tiers (62,5 %) contre un tiers delégère.

4. Discussion

La lecture du premier tableau nous fait percevoir uneimportante fréquence de troubles relationnels pour les deuxgroupes d’enfants. Ce trouble est essentiel à la pathologieautistique. Malgré son pourcentage élevé il paraît singulierque les statistiques n’atteignent pas les 100 %. L’environne-ment de l’enfant (parents et soignants) aurait-il des difficultésà percevoir ce comportement normalement pathologiqueavant trois ans ? Ce constat pourrait expliquer les difficultésde repérage de la pathologie et par conséquent de l’initiatived’un premier rendez-vous.

Une autre remarque concerne les troubles du regard.Ceux-ci semblent avoir leur portée dans la pathologie autis-

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tique. Les trois-quarts des enfants possèdent ce trouble àl’arrivée de la pathologie. Il peut être noté comme un para-mètre important au repérage de la pathologie. Cependant, ilnécessite d’être analysé de manière plus détaillée chez lesautistes à début tardif.

Par comparaison intergroupale, de nombreux troubles ontune forte prégnance chez les autistes précoces, ce qui estmoins le cas pour les autistes à début tardif.

Les autistes à début tardif développeraient en majorité destroubles à connotation communicationnelle (troubles rela-tionnels, troubles du regard, impression de surdité). Lesautistes précoces, quant à eux, tendraient vers une plusgrande diversité de troubles (alimentaires, sommeil, tonus...).Des résultats quasi-identiques avaient été retrouvés dans lesétudes de Osterling & Dawson (1994) [12], Maestro & Mura-tori (1999) [8], ainsi que dans notre précédente étude de 2001[14].

Dans les deux groupes certains troubles paraissent avoirun moindre effet dans les premiers stades du développementde la pathologie : l’hyperactivité, l’absence de sourire, lesbalancements rythmiques et les activités répétitives. Les tra-vaux de Werner et al. (2000) [18] notaient jusqu’à dix moisune absence de troubles de la communication et des activitésrépétitives, seuls des troubles du comportement social étaientprésents dès cette période de la vie. La faible fréquence del’absence de sourire peut se révéler étonnante, cependant elleest ici enregistrée en tant que présence et non en tant quesourire réponse ce qui peut expliquer la non-perception decette attitude en tant que trouble. Cette dernière remarque està prendre en considération, à savoir si les parents ont la mêmedéfinition que nous, au moment de l’interview, de ce troubledu sourire. Pour eux, cette absence peut être représentée parune absence totale et non par un trouble de l’échange.

Des différences significatives ont été constatées entre lesdeux groupes. Une des plus importantes apparaît au niveaudu tonus. Celui-ci s’avère relativement perturbé chez lesautistes précoces alors que peu d’autistes à début tardif sem-blent en souffrir. Nos résultats de 2001 [14] étaient identi-ques pour les autistes précoces et aucun trouble du tonusn’avait été noté chez les enfants au développement de lapathologie après 24 mois. Une absence de régression descapacités motrices avait également été constatée pour Tuch-man & Rapin (1997) [16], et Davidovitch & al. (2000) [3],chez des autistes vivant une régression après un développe-ment normal. L’autre différence concerne le comportementde bébé trop sage, cette sagesse extrême pourrait signifierune défense par repli, en tant que lutte contre les autrestroubles présents, ce qui aurait moins lieu d’être chez lesautistes à début tardif.

Nous retrouvons dans la description de notre grouped’autistes précoces le « type progressif » définit par Maestroet Muratori (1999) [8], avec la présence de troubles moteurs,et l’indifférence de type apathique.

En revanche, l’impression de surdité est inversée avec uneplus grande fréquence chez les autistes à début tardif qui sonttouchés à 66 %, également présente dans les travaux deOsterling et Dawson (1994) [12].

Pour résumer ces premiers résultats : le premier constatconcerne la confirmation d’une distinction intergroupale en-tre les autistes précoces et les autistes à début tardif sur leurâge et leurs modalités d’entrée dans la pathologie.

Notre premier tableau justifie ces propos par la différencesignificative du développement des troubles pour les deuxgroupes. Les autistes précoces développeraient de nombreuxtroubles, toutes caractéristiques confondues, dès la nais-sance. Les autistes à début tardif cibleraient plus particuliè-rement les troubles à connotation communicationnelle.

Les autistes à début tardif paraissent entrer directementdans la pathologie, même si cela est fait plus tardivement.Les autistes précoces utiliseraient des formes détournées. Ilspassent par d’autres troubles et peut-être même d’autrespathologies. Nous sommes tentés d’émettre une nouvellehypothèse : L’autisme à début tardif serait une forme aiguëde la pathologie et l’autisme précoce une forme chronique.

L’hyperactivité de ces enfants a été évaluée en deux éta-pes. Tout d’abord, sur la présence ou non de comportementshyperactifs. Une grande similitude des résultats nous amèneà considérer qu’il n’y aurait pas d’influence du mode d’en-trée dans la pathologie sur l’hyperactivité. Néanmoins, endétaillant l’intensité de ce trouble une distinction évidente aété rencontrée. Les autistes précoces tendraient à une répar-tition allant de quelques cas avec une hyperactivité marquée àune majorité d’hyperactifs légers. À l’opposé, les Autistes àDébut Tardif se répartissent plus dans les extrêmes puisqueaucun enfant n’a d’hyperactivité modérée et qu’ils sont ma-joritairement hyperactifs. Les résultats pour cette catégorieinterrogent la délimitation entre hyperactivité légère et nonhyperactif. La définition d’une hyperactivité, si elle ne per-turbe pas son environnement, peut être distincte à chaquefamille.

Un lien entre le groupe d’appartenance et l’hyperactivitéde l’autiste est donc considéré.

Cependant, lors de la première cotation de ce trouble,entre zéro et trois ans, une faible présence pour les deuxgroupes fut constatée. Ce trouble atteint les deux tiers denotre population après trois ans. Ce symptôme aurait unearrivée tardive au sein de la pathologie. En prenant cetteremarque en considération ainsi que sa forte intensité chezles autistes à début tardif nous pouvons émettre l’hypothèsed’une expression de défense face aux difficultés à vivre ledéveloppement de la pathologie.

Si notre suggestion d’une intensité plus élevée de la patho-logie pour les autistes à début tardif pour cause de forteprégnance de troubles autistiques est valable, l’intensité deces défenses peut également être en conséquence.

Une seconde hypothèse ressort de ces constatations :L’équivalence de deux tiers de présence d’hyperactivité pourles deux groupes expliquerait un lien important entre cetrouble et la pathologie.

L’interprétation du rôle de ce trouble est au stade d’hypo-thèse, l’analyse des autres items de l’ADI poursuivie dansnos travaux de recherche nous aidera à approfondir la com-préhension du développement de cette pathologie pour lesdeux groupes.

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L’évaluation de l’intensité de la pathologie pourrait allerdans le même sens. L’utilisation de formes détournées par lesautistes précoces diminuerait l’intensité de la pathologie, lavaleur du syndrome étant répartie sur d’autres troubles quel’unité autistique. À l’inverse, les autistes à début tardifdéveloppant principalement des troubles à caractéristiquesautistiques se consacreraient pleinement au rapport àceux-ci.

5. Conclusion

Nous venons d’analyser et de définir deux groupes d’en-fants autistes distincts dans leur développement et dans leurévolution. Une similarité étiologique paraît cependant pré-sente par l’hypothèse d’une vulnérabilité sous-jacente audéveloppement de la pathologie.

Les différentes hypothèses médicales travaillées ces der-nières années pour confirmer ce fonctionnement n’ont pasencore permis de valider dans leur totalité les résultats appor-tés. Toutefois, la conception d’un déficit neuronal dansl’échange d’informations paraît bien présente chez le sujetautiste, que ce trouble soit d’origine primaire ou secondaire àd’autres formes de perturbations.

Selon les dernières études, l’autisme serait la conséquenced’un processus normal qui s’enclenche trop tôt et trop fort,puis qui s’arrêterait trop tard. Processus qui serait contrôlépar les gènes (Nash, 2002) [10]. Les gènes joueraient le rôlede modulateur, positif ou négatif, de cette progression. Leurniveau de fonctionnement influencerait le réseau neuronaldans sa construction, soit par des mutations porteuses d’unepathologie, soit dans leur interaction avec d’autres gènes, soitcomme générateur de vulnérabilité face à des stress rencon-trés par l’enfant.

Ces hypothèses de déficit dans le processus d’échanged’informations sont envisageables dans le sens où elles expli-queraient : d’une part, la diversité du syndrome, en terme desévérité et d’affection, en fonction de l’importance desconnexions abîmées ou lésées ; d’autre part, le début tardifpar un fonctionnement normal qui fonctionnerait à pleinrégime jusqu’à l’instant du trop plein ; enfin, la particularitédes Asperger au niveau de leurs facultés, en considérant quecertaines connexions de ce trop plein seraient restées enfonction.

Ces propositions pourront être rapprochées des hypothè-ses kleiniennes et tustiniennes [7,17]. L’immaturité psychi-que de l’enfant qu’elles posent en facteur déclencheur de lapathologie comme impossibilité à affronter le traumatismepourraient être en lien avec cette défaillance neuronale pourexpliquer la profondeur du trouble, non retrouvée chez l’en-semble des enfants vivants des traumatismes précoces. PourTustin (1981) [17], le développement de l’enfant vers lapathologie autistique serait dû au vécu d’un événement trau-

matique à un moment où l’appareil neuropsychique de l’en-fant n’était pas encore assez évolué pour le supporter. Elledéfinit une « prématurité psychologique » par la rencontreentre un enfant « hypersensible » et un environnement mater-nant en difficulté (Ciccone, 1991) [2]. Il y a donc associationd’une fragilité ou vulnérabilité, neurodéveloppementale etpsychologique.

Cette première étape d’un long processus de recherche surle développement des enfants autistes en fonction de leur âged’entrée dans la pathologie nous a offert un premier état deslieux qui ne demande qu’à être poursuivi.

Références

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