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DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAIN TéMOIGNAGES DES FOUILLES DE L'éTABLISSEMENT GERMANIQUE DE NERETH à BAELEN Patrimoine

des « barbares » dans l'empire romain

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Page 1: des « barbares » dans l'empire romain

des « barbares » dans l'empire romain

témoignages des fouilles de l'établissement germanique de nereth à baelen

Patrimoine

Page 2: des « barbares » dans l'empire romain

Service public de WallonieNamur, 2016

Claire Goffioul , Heike Fock , Frédéric Hanut , Éric Goemaere & Aurélie ThiébauxService public de WallonieDirection générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergieAnnick Fourmeaux, Directrice généraleRue des Brigades d'Irlande, 1B-5100 Jambes

ÉDITEUR RESPONSABLEPierre Paquet, Inspecteur général f.f.

CONCEPTION GRAPHIQUE Ken Dethier

MISE EN PAGEAude Van Driessche

IMPRIMERIEService public de WallonieDGT - Département de la gestion mobilièreDirection de l'éditionChaussée de Charleroi, 83 bis5000 NamurBelgium

COUVERTUREAude Van Driessche

DIFFUSIONService public de Wallonie

Direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie

Service de l'archéologie - Direction extérieure de Liège IAvenue des Tilleuls, 62

B-4000 Liège

RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUEGoffioul C., Fock H., Hanut F., Goemaere É. & Thiébaux A., 2016. Des « Barbares » dans l'Empire romain. Témoignages des fouilles de l'établissement

germanique de Nereth à Baelen, Namur, SPW-Département du patrimoine, 32 p.

En cas de litige, Médiateur de Wallonie : Marc Bertrand

Tél. : 0800.191.99 – le-mediateur.be

Le texte engage la seule responsabilité des auteurs.L'éditeur s'est efforcé de régler les droits relatifs aux

illustrations conformément aux prescriptions légales. Les détenteurs de droits qui, malgré ces recherches,

n'auraient pu être retrouvés sont priés de se faire connaître à l'éditeur.

1re édition, 2016

Dépot légal : D/2016/13063/1ISBN : 978-2-930711-20-1

des « barbares » dans l'empire romain

témoignages des fouilles de l'établissement germanique de nereth à baelen

Page 3: des « barbares » dans l'empire romain

5DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINAménagements et archéologie

4 DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAIN

1. AménAgements et Archéologie

Depuis 2003, deux vastes projets d'aménage-ment ont modifié le territoire de la commune de Baelen : l'implantation de la ligne ferro-viaire à grande vitesse et l'extension du parc d'activité économique East Belgium Park. Comme ces chantiers détruisaient le sol à grande échelle, la réglementation wallonne en vigueur (CWATUPE) a imposé une étude archéologique préalable afin de sauver les témoignages d'occupations anciennes.

1.1. la ligne tgV

La plus longue et complexe opération de préven-tion archéologique jamais réalisée en Wallonie a pu être menée en excellente concertation et avec le soutien financier du maître d'ouvrage, la SNCB-Holding. Entre 1995 et 2003, une équipe pluridisciplinaire d'environ 30 personnes a pu explorer près de 625 hectares sur le tracé « oriental », entre le Brabant wallon et la fron-tière allemande. Dans la vallée du ruisseau de

Baelen, trois sites archéologiques remontant à l'époque romaine ont ainsi été exhumés.

1.2. east Belgium Park

Dans le cadre d'aménagements de parcs d'activité économique en province de Liège, le Service de l'archéologie (SPW-DGO4) et l'agence de développement SPI collaborent depuis près de 20 ans au sauvetage du patri-moine archéologique enfoui. Dans la mesure du possible, les terrains gérés par l'agence sont examinés en amont de tout projet de construction. Ainsi, depuis novembre 2010, les emprises d'extension de l'East Belgium Park sur les communes de Baelen et de Welkenraedt sont soumises à des son-dages systématiques couvrant actuellement 46,7 hectares. Une nouvelle occupation gallo-romaine a pu être mise au jour et une zone, contiguë au site de Nereth investigué sur le tracé du TGV, est toujours en cours de fouille.

Baelen, Horren : ces sondages d'évaluation systématique ouverts à la pelle mécanique constituent la première étape de l'investigation archéologique. Ils permettent d'observer 10 % de la surface menacée. La découverte de vestiges entraîne des décapages plus extensifs et, en cas de bonne conservation des traces, une fouille exhaustive (© SPW - DGO4).

Page 4: des « barbares » dans l'empire romain

rue du Développement

Horren

LONTZEN

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BAELEN

WELKENRAEDT

E40 Bruxelles - frontière allemande

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rue d

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N67 - rue Mitoyenne

N67 - rue de Herbesthal

0 200 m

6 DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINAménagements et archéologie

7DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINAménagements et archéologie

ZAE East Belgium Park

Extension de la ZAE

Fouilles TGV

Fouilles ZAE

Site de Corbusch

Site de Hemesels

Site de Nereth

Site de Horren

ZAE existante

Fouilles TGV

Extension de la ZAE

Fouilles ZAE

Site de Corbusch

Site de Hemesels

Site de Horren

Site de Nereth4

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© sPW-Dgo4.

Page 5: des « barbares » dans l'empire romain

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Fouille post-posée

Site de NerethExploitation de couches d'altérite

Bâtiment du Haut-Empire

Bâtiment du Bas-Empire phase I

Bâtiment du Bas-Empire phase II

Trous de poteau

Fosse

Fossé

Foyer domestique

Séchoir

Aire de chauffe de minerai

Bas fourneau

Foyer d'épuration

Roche en place

Perturbation récente

0 20 m

N

Puits d'extraction modernes

Lit de goethite

Site de CorbusCh

Ornières

Rigoles d'érosion

Site de horreN

Plans des trois sites de réduction du minerai de fer (© SPW-DGO4).

DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINTrois sites du Haut-Empireà Baelen (120-220 apr. J.-C.)

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2. trois sites Du hAut-emPire à BAelen (120-220 APr. J.-c.)

Durant les 2e et 3e siècles apr. J.-C., la vallée du ruisseau de Baelen abritait trois sites de réduc-tion de minerai de fer. Leur implantation doit être liée à la présence de gisements métallifères dont l'exploitation est attestée au 19e siècle. La découverte de ces ateliers antiques constitue une première pour l'archéologie belge et promet des avancées considérables dans un domaine de recherche encore peu exploité.

Trente-cinq vestiges de bas fourneaux à scorie coulée ont pu être examinés à ce jour. Les rechapages de cuves, le remplacement régulier des tuyères et la reconstruction répétitive de fours indiquent une production continue. La plupart des bas fourneaux étaient protégés par des abris dont subsistent les trous de poteaux ; parfois, des petits fossés drainaient les eaux de

ruissellement. Aux alentours s'étendaient des aires d'activités nécessaires au fonctionnement de l'atelier : fosses de prélèvement d'argile pour la construction des cheminées, aires de chauffe de minerai parfois jointes à des zones de concas-sage, aires de stockage et zones de rejets. L'étude combinée des fours, des traces d'activités et des rebuts de production permettra d'approcher les procédés utilisés, de mieux comprendre la chaîne opératoire et l'organisation spatiale des ateliers.

Seul l'atelier de Horren était associé à un bâtiment résidentiel et une annexe oblongue. À Corbusch, l'atelier succède à un habitat qui devait être situé plus au nord-ouest, et dont témoigne encore une construction de type « séchoir à céréales ». Enfin, pour le site de Nereth, seules les fouilles à venir pourront établir la présence d'habitations pour les ferrons.

Site de Horren , vestiges de cuves de bas fourneaux jumelés disposés de part et d'autre d'une fosse d'écoulement de scories commune (© SPW-DGO4).

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Belgique IIMeuse

Escaut

Cologne

TournaiTongres

TrèvesCambrai

Reims

Mayence

Germanie IIGermanie II

Belgique IBelgique I

Belgique II

Rhin

Wes

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Rhin

Mer du Nord

Mos

elle

Nereth

BARBARICUMBARBARICUM

EMPIRE ROMAIND’OCCIDENT

EMPIRE ROMAIND’OCCIDENT

Germanie IGermanie I

Saliens

Bructères

Ampsivariens

Chattes

Chamaves

Chauques

Chérusques

10 DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINLa germanisation de la Gaule romaine

11DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINLa germanisation de la Gaule romaine

Il faut replacer le site de Nereth dans son contexte historique, celui des premières im-plantations germaniques en territoire romain à la fin de l'Antiquité. Les sources antiques attestent l'incorporation de populations germa-niques par les autorités romaines à l'intérieur de l'Empire dès le règne de Gallien au 3e siècle. Le phénomène va s'amplifier après la mort de Constantin le Grand en 337 de notre ère.

Les textes (Ammien Marcellin, Libanios, Zosime) évoquent à plusieurs reprises les foederati intra fines imperii, des groupes de bar-bares installés dans l'Empire après conclusion d'un traité (foedus). Au terme de ce traité, les immigrés étaient assujettis aux lois romaines (recepti in leges). Ces « barbares » sont le plus souvent des dediticii, c'est-à-dire qu'ils ont été préalablement vaincus par les armes, ils ont fait leur soumission (deditio) au pouvoir impérial. Rome autorise leur installation dans les provinces en échange de quoi ils cultiveront les terres et s'acquitteront de certaines obliga-tions militaires dans des milices ethniques sous contrôle des autorités militaires romaines ou à l'intérieur des contingents de l'armée régulière.

En 341/342, Constant Ier (337-350) soumet un groupe de Francs et les installe à l'intérieur de l'Empire, probablement en Germanie Seconde, sous surveillance de l'administration militaire romaine. Des incursions germaniques vont

ravager cette province dans les années 352-353 qui suivirent la lutte pour le pouvoir entre l'usurpateur Magnence et l'empereur légitime Constance II (337-361). La capitale Cologne sera assiégée et prise par les Francs en 355. Ces derniers formaient une confédé-ration de peuples germaniques occidentaux (Ampsivariens, Bructères, Chamaves, Chattes, Chérusques, Saliens, etc.) établis entre la Weser, la mer du Nord et la rive droite du Rhin.

Le César Julien sera envoyé en Gaule pour rétablir la situation. Il chassera les Francs de Cologne en 356. Plusieurs indices, comme la capture d'un groupe de 600 Francs entre Julich et la Meuse, laissent penser que des groupes ger-maniques se sont établis dans l'arrière-pays de la Germanie Seconde. En 358, Julien fixe, après les avoir vaincus, un autre groupe de Francs dits Saliens (Salii) en Toxandrie, une zone aux limites imprécises, située à cheval sur le nord-est de la Belgique et le sud des Pays-Bas. Ces dediticii furent autorisés à vivre en Toxandrie avec leurs enfants et leurs biens comme l'écrit l'historien Ammien Marcellin. Ils reçurent des terres et durent fournir en retour des combat-tants ainsi que le produit de leurs exploitations. Le site de Nereth n'est pas très éloigné de la Toxandrie et des établissements germaniques fondés au cours de la seconde moitié du 4e siècle au nord de Tongres (Donk, Kuringen et Neerharen-Rekem, dans le Limbourg).

3. lA germAnisAtion De lA gAule romAine

Carte du nord de la Gaule et de la Germanie libre (Barbaricum) durant l'Antiquité tardive (280-476 apr. J.-C.). Y figurent les principales villes, les limites provinciales et les peuples germaniques occidentaux qui constituèrent la ligue des Francs à la fin du 3e siècle (© SPW-DGO4).

Barbare soumis par l'armée romaine (dediticius). Détail du sarcophage Ludovisi (3e siècle apr. J.-C.). Marbre. Musée national romain – Palais Altemps, Rome (© Photo National Geographic). Voir aussi la ligne du temps en page 28.

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45 Baelen/Nereth

0 25 50 75 100 12512.5Km

Agglomération du Bas-EmpireSite militaire avec céramique modelée germaniqueSite militaire avec présence germanique

Site rural germanique

Agglomération du Bas-Empire avec céramique modelée germanique

Cité des Tongres

Emplacement de la Toxandrie

Réseau routier romain

12 DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINLes principaux sites à caractère germanique du nord de la Gaule

13DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINLes principaux sites à caractère germanique du nord de la Gaule

4. les PrinciPAux sites à cArActère germAnique Du norD De lA gAule

1 : Gennep ; 2 : Maasmechelen/Neerharen-Rekem ; 3 : Herk-de-Stad/Donk ; 4 : Geldrop ; 5 : Breda ; 6 : Bennekom ; 7 : Voerendaal ; 8 : Tiel-Passewaaij ; 9 : Wijk bij Duurstede ; 10 : Zele-Kammershoek ; 11 : Tienen/Wange ; 12  : Sint-Gillis-Waas ; 13 : Sint-Martens-Latem ; 14 : Gavere/Asper ; 15 : Saint-Ouen-du-Breuil ; 16 : Flers-en-Escrebieux ; 17 : Montigny-en-Ostrevent ; 18 : Pont-à-Celles/Luttre, Liberchies-Brunehaut ; 19 : Viroinval/Dourbes ; 20 :  Walcourt/Pry ; 21 : Onhaye/Falaën, Montaigle ; 22 : Virton, Château Renaud ;

23 : Rochefort/Eprave ; 24 : Dinant/Furfooz ; 25  : Andenne/Thon, Thon-Samson ; 26 : Vireux-Molhain ; 27 : Köln ; 8 : Aachen ; 29  :  Tongres  ; 30  : Maastricht ; 31  : Tournai ; 32 : Brunehaut/Jollain-Merlin ; 33 : Krefeld-Gellep ; 4  :  Arras ; 35  :  Habay/Habay-la-Vieille ; 36 : Newel ; 37 : Chiny/Izel ; 38 : Seclin ; 39  : Trèves ; 40 : Arlon ; 41 : Dalheim ; 42 : Hasselt/Kuringen ; 43 : Zouafques ; 44 : Ferrières/Vieuxville ; 45 : Baelen, Nereth.Carte, J.-N. Anslijn & A. Van Driessche (© SPW-DPat & DGO4).

Page 8: des « barbares » dans l'empire romain

15DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINLes établissements germaniques de la Germanie Seconde

14 DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINLes principaux sites à caractère germanique du nord de la Gaule

5. les étABlissements germAniques De lA germAnie seconDe

Nereth se trouve dans la Cité des Tongres (chef-lieu : Tongres/Atuatuca), dans la province de Germanie Seconde (capitale : Cologne/Colonia Agrippina). L'établissement de Nereth appartient à la catégorie des sites avec maisons-étables (Wohnstallhäuser). Ce modèle d'habitat dispersé est organisé autour de quelques grandes fermes à trois nefs d'une longueur de 20 à 40 m. Ces dernières s'accompagnent d'habitations plus petites à une ou deux nefs et de structures annexes comme des greniers sur quatre à six poteaux ou des fonds de cabane. De tels établissements se présentent comme des villages de plusieurs dizaines de bâtiments ou des petits hameaux. Ce type d'occupation, hérité de l'Âge du Fer, domine à l'est du Rhin (Barbaricum ou Germanie libre), au nord des Pays-Bas et en Allemagne (Westphalie, Saxe). Après le milieu du 4e siècle, des implantations germaniques avec maisons-étables et bâti-ments annexes font leur apparition au sud des

Pays-Bas (Breda, Geldrop, Gennep), dans l’est de la Flandre (Donk à Herk-de-Stad, Hasselt/Kuringen, Maasmechelen/Neerharen-Rekem) jusqu’en Haute-Normandie (Saint-Ouen-du-Breuil).

Le site de Nereth est le seul de cette catégorie connu à ce jour en Wallonie. Toutefois une présence germanique a été observée sur deux autres implantations rurales : Brunehaut/ Jollain-Merlin près de Tournai et la villa du Mageroy à Habay/Habay-la-Vieille. Pour cette dernière, l'établissement est d'une autre nature qu'à Nereth, car il s'agit d'une réoccupation partielle au 4e siècle d'une partie des bâtiments du domaine agricole du Haut-Empire, un phé-nomène attesté sur d'autres sites en France ou dans la vallée de la Moselle.

Jusqu'il y a peu, les cimetières militaires retrou-vés à proximité des fortifications de hauteur de la vallée de la Meuse et de ses affluents étaient les principaux indices d’une présence de population germanique au Bas-Empire en Wallonie, comme à Rochefort/Éprave, Dinant/Furfooz, Thon-Sanson à Andenne/Thon, Ferrières/Vieuxville, Vireux-Molhain. Mais ces fortifications défendues par des contingents germaniques, à la fin du 4e siècle et durant la première moitié du 5e siècle, sont plus tardives que l'établissement de Nereth. L'habitat rural de Nereth reflète donc une phase d'implanta-tion germanique plus ancienne.

Sépulture germanique (tombe 181 - première moitié du 5e  siècle apr. J.-C.) du cimetière de Ferrières/Vieuxville.Vaisselle en bronze, gobelet en verre à décor festonné, hache en fer et poteries culinaires en céramique rugueuse de l'Eifel. Musée du château fort de Logne (L. Baty, © SPW-Dpat).

À Onhaye/Falaën, le mur de moellons calcaire de la fortification du 4e siècle a été retrouvé au pied de la courtine du 14e siècle du château comtal de Montaigle. Au 10e siècle, un nouveau mur vint s'appuyer sur l'enceinte de l'Antiquité tardive (P. Mignot, © SPW-Dpat ).

Tombe à crémation de guerrier germanique découverte à Namur/Jambes en 1888 avec ossuaire, hache en fer et ceinturon militaire complet en bronze. Musée archéologique de Namur. Coll. SAN (R. Gilles, © SPW/Dpat).

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Bâtiment du Bas-Empire phase 1

Fosse du Bas-Empire phase 2

Trous de poteaux

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Roche en place

SECTEUR 1

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MAISON-ÉTABLE

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6. l'hABitAt germAnique (330-420 APr. J.-c.)

6.1. la zone fouillée en 2003

Le site de Nereth a été découvert en 2003 lors de l'opération archéologique préalable aux travaux de la ligne à grande vitesse, réalisée par la Direction de l'archéologie du Service public de Wallonie (DGO4). La fouille menée sur l'emprise menacée par les travaux – soit quelque 2  250 m² – a livré essentiellement des vestiges de l'Antiquité tardive (milieu du 4e – début du 5e siècle) répartis sur deux secteurs. Il s'agit de plusieurs édifices construits sur poteaux dont au moins deux, orientés est/ouest, sont alignés sur la limite courbe d'une terrasse naturelle surplombant le ruisseau de Baelen.

Dans le secteur 1, les vestiges de l'occupation tardive se mêlent aux traces d'une activité paléo-métallurgique du Haut-Empire, liée à un site localisé à l'ouest et en cours de fouille depuis 2011. Cet enchevêtrement limite quelque peu l'interprétation des implanta-tions. Néanmoins, le plan d'un bâtiment rectangulaire datant du 4e siècle a pu être

identifié. Il est accompagné d'une large structure (F186), comportant de nombreux déchets de constructions et en rapport avec une activité agricole, ainsi que de deux fosses plus petites.

Dans le secteur 2, l'organisation de l'occu-pation s'appréhende plus nettement, les vestiges découverts n'appartenant qu'à une seule période, celle de l'Antiquité tardive. Il s'agit d'une maison-étable de tradition ger-manique bordée de fosses liées à une activité domestique. Trois foyers circulaires et une aire particulière protégée par une cloison complètent l'ensemble.

Au centre de la zone de fouille, une fosse (F228) entourée d'au moins trois pieux appa-raît isolée entre les deux secteurs. Le matériel recueilli dans son comblement est datable de la transition entre le 4e et le 5e siècle et est donc plus tardif que celui associé aux bâti-ments du 4e siècle.

Vue en coupe de la fosse F186, en secteur 1. Cette large structure recoupait des fosses plus anciennes remplies de scories liées au site paléo-métallurgique du Haut-Empire tout proche (© SPW-DGO4).

Gouttes de verre issues du comblement de la fosse F228. Les deux gouttes ornent le même récipient, probablement un Rüsselbecher, ou gobelet à trompes, des années 350-450 apr. J.-C. (L. Baty, © SPW-Dpat).

Plan de la zone fouillée en 2003 (© SPW-DGO4).

Vue en coupe de la fosse F267, en secteur 2. Cette fosse conservait les vestiges d'une véritable batterie de cuisine : les marmites et les plats étaient mêlés à d'importants fragments de terre brûlée, sans doute les restes du foyer culinaire (© SPW-DGO4 ).

Vue en plan du trou de poteau F231, en secteur 1. Un fragment de céramique de l'Eifel (4e siècle) a servi de calage au poteau F231, permettant d'attribuer le bâtiment rectangulaire à la période de l'Antiquité tardive (© SPW-DGO4).

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6.2. le témoignage des bâtiments

Le bâtiment du secteur 2 est partiellement conservé. Toutefois son plan, même incom-plet, témoigne d’une division tripartite de l’espace interne, caractéristique d’une maison- étable ou Wohnstallhaus, réunissant sous un même toit l'habitation et une étable. Il offre une longueur totale supérieure à 16 m. Le pignon ouest est reconnu sur 6 m de long tandis que la plus grande largeur observée atteint 7 m. La travée centrale a une largeur de 4 m, les deux travées latérales sont plus étroites (1  m à 1,50  m environ). La forme arrondie de la façade septentrionale devait permettre une meilleure résistance aux vents dominants. Du côté ouest, un fossé prolon-geant l’axe de la façade septentrionale sur 5 m de long pourrait marquer l’aménagement

d’une cloison protégeant une zone de plein air, située plus au sud.

Le site de Nereth est le seul connu à ce jour en Wallonie qui ait livré le plan d’une maison-étable de tradition germanique. Il ouvre un dossier encore méconnu, celui de la germanisa-tion des campagnes durant l’Antiquité tardive.

Le bâtiment du secteur 1, de dimension plus modeste (6,5 m × 12,5 m), couvre une superficie de plus de 80 m². Son plan est si-milaire à plusieurs annexes accompagnant les maisons-étables en Gaule du Nord. Une cloison compartimente l'extrémité occi-dentale. L'accès à la pièce principale semble aménagé sur la façade septentrionale, tandis que, du côté sud, une baie pourrait témoigner d’une ouverture depuis la plus petite pièce.

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secteur 1secteur 2

La couverture de la maison-étable de Nereth se composait de plaques de siltite gris foncé qui pourraient avoir été extraites de la Formation du Bois d’Ausse affleurant à 5-6 km à l’est-sud-est de Nereth. Des fragments de ce matériau, avec trous de fixation, ont été identifiés dans plusieurs fosses aux alentours du bâtiment (© SPW-DGO4).

Les parois de la maison-étable de Nereth étaient composées de torchis, mélange d’argile et de paille plaqué sur un entrelacs de branches souples appelé clayonnage. Des fragments de torchis rubéfiés ont été collectés dans les fosses environnantes. Certains d’entre eux présentent des empreintes très nettes de clayonnage (© SPW-DGO4).

Évocation d’une maison-étable de Germanie libre, sur la rive droite du Rhin (d’après le site de Wierde, Allemagne, 2e-5e siècles apr. J.-C.). Dans sa conception architecturale la maison-étable pouvait atteindre 20 à 40 m de longueur pour une largeur de 4 à 8 m. Des poteaux disposés dans le sens de la longueur supportaient le poids de la toiture. En largeur, la répartition de l’espace répondait aux différentes fonctions : la partie résidentielle à l'extrémité occidentale et l’étable à l’opposé, l’espace collectif au centre. Cette partition, considérée comme une caractéristique principale de l'habitat germanique, est proposée par comparaison avec les données de sites bien conservés trouvés en Allemagne (A. Van Driessche, © SPW-DGO4).

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EMPIRE ROMAIND’OCCIDENT

EMPIRE ROMAIND’OCCIDENT

BARBARICUMBARBARICUM

Eifel

Nord del'Allemagne

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Germanie IIGermanie II

Belgique IBelgique I Germanie IGermanie I

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21DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINL'habitat germanique (330-420 apr. J.-C.)

6.3. le témoignage des poteries

Les structures en creux (fosses, etc.) associées aux bâtiments de l'Antiquité tardive ont servi de « poubelles » aux habitants du site. Elles ont livré une quantité importante de matériel archéologique dont environ 2 000 tessons de poteries. La vaisselle en céramique nous apporte des renseignements précieux sur l'identité des occupants des lieux à la fin de la période romaine. En effet, un groupe de vases montés à la main se distingue de la vaisselle gallo-romaine du 4e siècle, tant par ses formes que par la grossièreté de sa fabrication. Il s'agit de la céramique non tournée de tradition germa-nique dont le répertoire morphologique est identique à celui retrouvé dans de nombreux habitats germaniques fouillés en Germanie Seconde ou outre-Rhin. Cette vaisselle se com-pose surtout de récipients culinaires comme les écuelles profondes à profil en S. Les décors de

rangées d'impressions au doigt ou les incisions à l'ongle sur les lèvres sont conformes à la tra-dition germanique. L'étude minéralogique des dégraissants situe la provenance de ces poteries en Germanie libre (nord de l'Allemagne, Eifel ou Taunus). L'habitat de Nereth est un des sites les plus riches en céramique modelée germa-nique de tout le Benelux.

Le reste du vaisselier se compose de céramiques gallo-romaines. Ainsi, la batterie de cuisine (pots à cuire, jattes, plats à cuire) est surtout représentée par les céramiques rugueuses de l'Eifel, originaires des ateliers de Speicher et Mayen. La vaisselle de table est dominée par des productions d'Argonne (Lorraine) : les gobelets à boire en terra nigra tardive et la poterie fine en terre sigillée tardive. Cette dernière com-prend des vases sans décor (bols et mortiers) et d'autres décorés de motifs répétitifs et non figuratifs imprimés à la molette.

a b

0 10 cm

Carte du nord de la Gaule et les régions d'origine possibles de la céramique non tournée germanique (© SPW-DGO4).Trois grands groupes de pâtes ont été observés sous la loupe binoculaire et étudiés au microscope optique polarisant. Le premier est constitué de fragments anguleux de roches volcaniques dont la source est attribuée au complexe volcanique de l'Eifel. Le deuxième groupe, riche en grains de quartz et un peu de chamotte est un des groupes les mieux représentés au sein de la céramique modelée germanique des sites belges et néerlandais. La source des grains de quartz (absence de feldspaths, micas, débris lithiques) est à trouver dans un dépôt sédimentaire fluviatile composé de sable grossier quartzeux blanc. Les grès du Taunus ou de l'Hunsrück sont de bons candidats, sans totalement exclure les séries gréseuses de l'Eifel et du Massif de Stavelot. La pâte du troisième groupe est constituée par une argile fluvio-glaciaire du nord de l’Allemagne renfermant des fragments de roches singulières apportés de Scandinavie par les glaciers.

2. Type du Taunus

1. Type du nord de l'Allemagne

Les différentes formes de vases en céramique non tournée germanique. Décors à l'ongle ou au doigt sur le bord (a) et la panse (b) de certains vases (dessin : C. Regimont ; photo : L. Baty, © SPW-DGO4 & Dpat).

© KBin-irsnB

© KBin-irsnB

1. Type du nord de l'Allemagne, cassure fraîche d'un tesson montrant une pâte sombre et poreuse constellée de grains blancs (quartz détritiques) et de grains rouges (roches magmatiques à structure micrographique).2. Type du Taunus, surface sciée et polie d'un tesson montrant une pâte brunâtre et poreuse renfermant exclusivement des grains plurimillimétriques de quartz blancs (monocristallin et polycristallin), arrondis à subangulaires, et un peu de chamotte.

Page 12: des « barbares » dans l'empire romain

Meuse

Escaut

Rhin

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Rhin

Mer du Nord

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Belgique II

Cologne

Tournai

TrèvesCambrai

Reims

Mayence

Belgique II

Nereth

BARBARICUMBARBARICUM

EMPIRE ROMAIND’OCCIDENT

EMPIRE ROMAIND’OCCIDENT

Tongres

Germanie IIGermanie II

Belgique IBelgique I Germanie IGermanie I

22 DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINL'habitat germanique (330-420 apr. J.-C.)

23DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINL'habitat germanique (330-420 apr. J.-C.)

6.4. le témoignage des pierres

Une grande quantité d'objets en pierre est associée aux habitations du Bas-Empire. Plusieurs milliers de fragments de roches ont été répertoriés dont les lithologies (na-ture de la roche sous la loupe binoculaire ou obtenue par analyse pétrographique en lames minces), les âges stratigraphiques ainsi que les origines géographique et géo-logique probables ont été déterminés.

Les grès plaquettés micacés du Famennien et les calcaires dinantiens fortement altérés dominent largement l'assemblage. Le site de Nereth est implanté à cheval sur une zone de faille séparant au nord des grès famenniens et au sud des calcaires ou dolo-mies du Dinantien.

De nombreux fragments de meules ont été découverts dans les fosses et appartiennent à deux types lithologiques distincts  : le basalte vacuolaire extrait de la région vol-canique de l'Eifel et le grès graveleux blanc d'origine proche.

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Source locale des calcaires, dolomies, grès famenniens (aiguisoirs, polissoirs) et minerais de ferMassif de Stavelot : matière pour ardoises et pierres à aiguiserZone d'origine des grès siliceux crétacés (meules)

Zone d'origine des meules en poudingues

Eifel : zone d'origine des meules en lave (volcans Bellerberg ?)

Carte du nord de la Gaule avec les gisements lithiques. Localisation des différentes sources d'approvisionne-ment en matière première lithique du site de Nereth. De manière générale, les occupants du site ont exploité les abondantes ressources en matériau lithique disponibles à proximité immédiate du site ou dans un rayon de 5 à 10 km (© IRSNB & SPW-DGO4).

Une grande dalle de grès famennien beige, peut-être un seuil, a été retrouvée posée à plat au sein de la maison-étable (© SPW-DGO4).

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1

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3Déchet

Ébauche à polir

Strieslongitu-dinales

Ressaut de matière

Traces de ciseau

Strieslongitudinales

Ressaut de matière

Traces de ciseau

Strieslongitudinales

Ressaut de matière

Ressaut de matière

StrieslongitudinalesSurface utilisée

24 DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINL'habitat germanique (330-420 apr. J.-C.)

25DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINLes occupants

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cReconstitution des étapes de fabrication d'une pierre à aiguiser. Aiguisoirs à différents stades de fabrication. Ébauche (a), déchet (b) et produit fini (c) (© ULg).

L'existence d'un atelier de fabrication de pierres à aiguiser à Nereth est attestée par un petit nombre d'ébauches, de déchets, de produits finis et d'éclats de matière première présents sur le site. Cet atelier travaillait un seul matériau d'origine sub-locale  : une siltite gréseuse gris foncé à noir, micacée, pyriteuse et renfermant des chips de shale.

Grâce aux ébauches, nous avons pu reconstituer la chaîne opératoire de la fabrication d'une pierre à aiguiser. La matière première arrive, sur le site, sous la forme de plaques rectangu-laires (1). Dans un premier temps, certaines faces, trop irrégulières, sont aplanies à l'aide d'un ciseau comme l'indiquent les traces d'outil linéaires retrouvées sur celles-ci. Ces faces

correspondent aux plans de stratification et/ou de schistosité  (2). Ensuite, la plaque est sciée, perpendiculairement au plan de schistosité, afin d'obtenir des ébauches parallélépipédiques. Les surfaces sciées comportent de fines stries lon-gitudinales. La pièce se fracture avant la fin du sciage de la roche laissant un ressaut de matière plus ou moins important (3). L'ébauche doit ensuite être polie afin de présenter des surfaces parfaitement planes et donc aptes à l'aiguisage. Parmi les produits finis, deux types de pierres sont attestés, l'un est parallélépipédique, l'autre cylindrique. Alors que les étapes menant à l'obtention d'un aiguisoir parallélépipédique sont bien identifiées grâce aux ébauches, ce n'est pas le cas pour le type cylindrique où seul un produit fini a été reconnu.

Hache de jet en fer (long. 11,2 cm) à œil ovale et douille cantonnée de deux saillies en pointe. Ce modèle de hache est répandu au 4e siècle apr. J.-C. (L. Baty, © SPW-Dpat).

Pointe de flèche effilée avec douille (long. 6,3 cm) (L. Baty, © SPW-Dpat).

Couteau avec lame et soie complètes (long.  11,95  cm). Large lame se terminant en pointe avec dos et tranchant courbes. Garde ovale. Ce type de couteau, caractéristique de l’Antiquité tardive, est présent dans des sépultures à carac-tère germanique à Rhenen, Oudenburg, Noyon et Treignes (L. Baty, © SPW-Dpat).

Page 14: des « barbares » dans l'empire romain

26 DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINLes occupants

27DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINLes occupants

L'origine germanique des habitants de Nereth est confirmée par les nombreux objets métalliques mis au jour lors de la campagne de fouille de 2003. Ce matériel caractérise en outre l'occupation : l'installation de véri tables groupes familiaux, pratiquant l'élevage et l'agri-culture, d'une part, et la présence de militaires, d'autre part.

Plusieurs objets métalliques reflètent la vie quo-tidienne à Nereth, et les outils agricoles, tels une sonnaille en bronze pour le bétail, des clés, une pelle de foyer, des forces et une dent de herse, témoignent des activités pratiquées. Certains objets usuels sont plus caractéristiques car ils peuvent être associés aux populations germa-niques, comme une attache en fer d'un seau en bois. Enfin, la présence d'une fibule à ressort en fer dite « en arbalète » apporte une information précieuse, puisqu'il s'agit d'une parure féminine propre aux peuples de la rive droite du Rhin.

Parallèlement, plusieurs pièces d'armement ont été identifiées, dont une pointe de flèche très effilée de manière à pénétrer les anneaux en fer des cottes de mailles. Les fouilles ont encore livré trois couteaux en fer, dont un exemplaire parfaitement conservé long de 12 cm possédant une garde ovale et une soie qui devait être à l'ori-gine protégée par une poignée en os ou en bois. Ce modèle de couteau est attesté dans plusieurs tombes de guerriers germaniques ou de soldats de l'armée régulière des 4e-5e siècles. Une pièce

fragmentaire en fer pourrait correspondre à une applique de casque de l'Antiquité tardive. La plaque-boucle en bronze d'un ceinturon militaire (cingulum militiae) nous met sur la piste de l'armée romaine. Enfin, la hache de jet ou proto-francisque retrouvée sur le site est une pièce davantage caractéristique de l'armement des peuples germaniques. Ces découvertes valideraient l'hypothèse d'une implantation germanique non pas anarchique mais acceptée par les autorités de Germanie Seconde. Une installation sauvage, à quelques kilo mètres d'Aix, Maastricht ou Tongres, aurait été diffi-cilement envisageable étant donné la présence, au 4e-5e siècle, d'un préfet des Lètes (Praefectus Laetorum Lagentium prope Tungros) près de Tongres, à moins de 50 km de Nereth. Cette mention figure dans la Notitia Dignitatum, un document fondamental, connu par une copie d'époque carolingienne et qui dresse un tableau des grands dignitaires de l'Empire, des unités militaires et de leur lieu de casernement dans les provinces occidentales et orientales à la fin de l'époque romaine.

Plusieurs interrogations entourent l'établis-sement germanique de Nereth. Pour quelles raisons cette population s'est-elle installée à cet endroit vers le milieu du 4e siècle ? Même si un hiatus de près d'un siècle sépare les deux occupations, l'existence d'une ancienne exploitation sidérurgique a-t-elle joué un rôle dans cette installation ?

7. les occuPAnts

Fibule germanique «  en  arbalète » à ressort en fer (long.  3,2 cm). Associée au costume féminin, cette fibule est surtout répandue dans les habitats et les tombes entre le Rhin et la Weser, dans l'ouest de l'Alle-magne. Son utilisation est datée entre le milieu du 3e siècle apr. J.-C. et le dernier quart du 4e siècle apr. J.-C. (L. Baty, © SPW-Dpat).

Attache en fer de la poignée d'un seau. Des attaches similaires équipaient un seau mis au jour dans une tombe masculine du cimetière germanique de Rhenen aux Pays-Bas (L. Baty, © SPW-Dpat).

Pièce d'applique en fer (long. 9,3 cm). Elle pourrait correspondre à une des deux arcades semi-circulaires, surmontant les yeux, et fixées par des rivets à un casque romain de l'Antiquité tardive. Ce type de casque, attribué aux cavaliers, est en usage dans l'armée romaine à partir de l'époque constantinienne. Plus connu sous le nom de « Ridge Helmet », il est constitué de deux demi-calottes fixées ensemble par une bande axiale rivetée. Le mode de fabrication est beaucoup plus simple qu'au Haut-Empire ; ces casques étaient mis en œuvre par un personnel peu spécialisé dans les grandes fabricae contrôlées par l'Etat (L. Baty, © SPW-Dpat).

Plaque-boucle de forme presque carrée (4,8 cm x 4,5 cm) avec décoration ajourée. La boucle, disparue, devait figurer deux dauphins affrontés. Ce modèle de plaque-boucle, dit « de Sissy-Colchester-Zengövárkony », est daté avec précision des années 350-380 apr. J.-C. Des pièces similaires ont été retrouvées le long des frontières européennes de l'Empire ainsi que dans des sépultures de guerriers germaniques intégrés à l'armée romaine (Jambes, Hürth-Hermülheim près de Cologne)(L. Baty, © SPW-Dpat).

Page 15: des « barbares » dans l'empire romain

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378 - bataille d’Andrinople et début des grandes invasions

356/358 - campagnes de Julien en Germanie Seconde

355 - prise de Cologne par les Francs

352/353 - incursions germaniques en Gaule

351 - bataille de Mursa entre l’usurpateur Magnence et Constance II

341/342 - Constant I soumet un groupe de Francs

337 - mort de Constantin le Grand

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256/260 - incursions germaniques en Gaule

276/276 - incursions germaniques en Gaule

Vers 300 - réorganisation administrative sous Dioclétien : la Germanie Inférieure devient Germanie Seconde. La Gaule Belgique se sépare en Belgique Première (Trèves) et Belgique Seconde (Reims).

Chlodio

Childeric Ier

Clovis Ier

± 390

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Julien l’Apostat

Valentinien

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Magnence l’usurpateur

Usurpateurs gaulois

Gallien

Auguste, premier empereur

Constantin le Grand

Constance II

Constant I

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Dioclétien284

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28 DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINligne du temps

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8. BiBliogrAPhie

Page 16: des « barbares » dans l'empire romain

30 31DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINRemerciements

DES « BARBARES » DANS L'EMPIRE ROMAINBibliographie

9. remerciements

Depuis les premiers coups de truelle jusqu'à la présentation de l'exposition « Des Barbares dans l'Empire romain » et à la parution de ce fascicule, de nombreuses personnes ont contribué au succès du projet, qu'elles en soient ici très sincèrement remerciées :

SPW - DGO4

Annick Fourmeaux, Directrice générale

Pierre Paquet, Inspecteur général f.f. du patrimoine

Alain Guillot-Pingue, Directeur f.f. de la Direction de l'archéologie

Jean-Marc Léotard, Archéologue provincial du Service de l'archéologie de la Direction extérieure de Liège I

Jean-Noël Anslijn, Laurence Baty, Cristel Capucci, Fabien Cornélusse, Ken Dethier, Guy Focant, Romain Gilles, Philippe Mignot, Marie-Hélène Schumacher & Olivier Vrielynck, Direction de l'archéologie

Aude Van Driessche, Direction extérieure du Brabant wallon, Service de l'archéologie

Felicidad Giraldo-Martin & Caroline Régimont, Direction extérieure de Liège I, Service de l'archéologie

La cellule Events,

Le centre de conservation des collections,

Les équipes de fouille

... ET LES AUTRES

Emmanuel Legrand, Cultura Europa

Camille Meessen,

Hélène Remy,

Nathalie Thönnissen, Présidente de l'association Loisirs, Arts et Culture de Baelen-Membach

Johan Van Heesch, Cabinet des Médailles de la Bibliothèque royale de Belgique

La Commune de Baelen,

La Ville de Liège,

L'association Loisirs, Arts et Culture de Baelen-Membach,

Le musée de la Commune de Lontzen,

Le Grand Curtius, Liège

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