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À LA PAIX DES L’HOMME DROITS DE & VICE VERSA

Des droits de l'homme à la paix et vice versa

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DROITSDE

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INTRO

En 1948 était signée la Déclaration universelle des droits de l’homme.

En 1958, Dominique Pire, le fondateur d’Îles de Paix, recevait le Prix Nobel de la Paix.Aujourd’hui, tant les droits de l’homme que l’idéal de paix sont plus que jamais d’actualité, ils sont intimement liés à la question toujours plus cruciale du développement.

En effet, comment promouvoir et assurer durablement le déve-loppement dans une société qui ne connaîtrait pas la paix et qui n’assurerait pas à l’ensemble de ses membres le respect de leurs droits fondamentaux ?

Selon qu’on ouvre le recueil dans un sens ou dans l’autre, on abor-dera la question de la paix ou la question des droits humains, mais tous deux convergent l’un vers l’autre.

La paix et le respect des droits humains n’est pas l’état naturel des hommes. C’est au contraire un chantier perpétuel de civilisation qui nécessite une attention permanente. Il importe donc que chacun intègre cette préoccupation et s’approprie les ressorts de ces états de paix et de dignité humaine.

Le présent recueil propose donc des textes, des réfl exions et des citations qui ont pour but d’alimenter une pensée personnelle sur la paix et la dignité humaine. Les enseignants du cycle supérieur de l’enseignement secondaire pourront l’utiliser comme base à des exercices de dissertation. Ce n’est certainement pas là une exclu-sive : ces textes, ces pensées, peuvent servir à beaucoup d’autres enseignants, dans le cadre des cours d’histoire, de philosophie, de morale ou de religion, de sciences humaines et/ou sociales, etc. Tous les enseignants du secondaire pourront l’utiliser pour susciter des débats, lancer une démarche de réfl exion, illustrer une époque et son mode de pensée, faire appré-

hender une philosophie, une vision du monde.

Nous avons adopté une approche de la paix aussi plurielle que possible, même si elle est forcément incomplète tant le sujet ouvre une infi nité de champs. Vous trouverez des écrits de penseurs et de philosophes, d’hommes d’État, de poètes, de différentes institutions, d’écrivains, de chanteurs, etc. Certains abordent la paix de manière positive, d’autres le font de manière négative, interpellante, ou vantent même les mérites de la guerre, permettant éventuellement une prise de position a contrario ou la mise en évidence de certains paradoxes.

S’agissant des droits de l’homme, nous avons cherché à mettre plus particulièrement en évidence certains articles de la Déclaration universelle qui sont au cœur de débats de fond qui se tiennent aujourd’hui.

Tout est-il permis au nom de ce qu’on appelle la paix ? Que faire lorsque deux concepts ouvrent des portes différentes, peut-être même contradictoires ? Y a-t-il des « intérêts supérieurs » qui pour-raient justifi er que l’on écarte ou ignore l’un ou l’autre principe, pourtant réputé universel ? Peut-on établir une hiérarchie des priorités entre les droits ? Peut-on séparer les droits et les devoirs ? Les droits sont-ils réellement universels ?

Autant de questions, auxquelles il n’est certainement pas facile de répondre, qui pourront alimenter maint débat ou susciter mainte réfl exion, et éveiller beaucoup d’interrogations.Ce qui compte, fi nale-ment, c’est que les élèves réfl échissent à ces questions et prennent conscience que la paix et la dignité humaine sont des patrimoines dont ils sont aussi propriétaires et responsables.

L’équipe d’Iles de Paix

Nos plus vifs remerciements à Paul Vanden Bemden, Serge Redaelli et Benoît Baijot pour leur lecture attentive et leurs conseils précieux et éclairés.Graphisme : Tabasco Graphics – www.tabascographics.net

Iles de Paix ASBL – rue du Marché 37 – 4500 Huy – 085 23 02 54 – [email protected] – www.ilesdepaix.org

Dépôt légal : D2008/3350/99 Photo de couverture : ©iStockphoto.com/cmisje

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Préambule

Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme.

Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression.

Considérant qu’il est essentiel d’encourager le déve-loppement de relations amicales entre nations.

Considérant que dans la Charte les peuples des Nations unies ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, et qu’ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande.

Considérant que les États Membres se sont engagés à assurer, en coopération avec l’Organisation des Nations unies, le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Considérant qu’une conception commune de ces droits et libertés est de la plus haute importance pour remplir pleinement cet engagement.

L’Assemblée Générale proclame la présente Déclaration universelle des droits de l’homme comme l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afi n que tous les indi-vidus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l’esprit, s’efforcent, par l’enseignement et l’éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d’en assurer, par des mesures progressives d’ordre national et international, la reconnaissance et l’application universelles et effectives, tant parmi les populations des États Membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction.

Article premier

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Défi nissez un être humain.Défi nissez la dignité.Défi nissez la conscience.

« Liberté est un mot que le rêve humain alimente. Il n’existe personne qui l’explique et personne qui ne le comprenne. » Cecilia Meireles, poétesse brésilienne

Défi nissez la liberté. Comment être vraiment libre alors qu’on est soumis à des contraintes sociales, culturelles, économiques, légales, etc. ?

Le fait de naître ici ou là, dans un pays ou un autre, dans telle famille ou telle autre, offre à chacun, dès la naissance, des chances différentes, des opportunités différentes de s’épanouir pleinement, ce qu’on appelle un « capital humain » différent.

Les pouvoirs publics doivent-ils mettre en place des mesures qui corrigent ces inégalités, choyer davantage ceux qui ont moins ou bien doivent-ils traiter tout le monde de manière identique ?

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Article 2

1. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’ori-gine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

2. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indé-pendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.

« On tue les Indiens parce que ce sont des hommes totalement libres qui n’acceptent aucune contrainte, pas même l’idée de la mort. On les tue parce qu’ils sont inca-pables d’entrer dans le jeu de la civilisation.»

Lucien Bordard, Brésil : Le massacre des Indiens, 1969

Dans de nombreuses communautés de par le monde, on ignore tout de la Déclaration universelle des droits de l’homme, voire même jusqu’à l’existence du concept de droits humains dans le sens où nous l’entendons. Est-il envisageable de se prévaloir de quelque chose dont on n’a pas connaissance ? Dans de nombreuses communautés de par le monde, le mode de pensée et l’échelle des valeurs sont parfois radicalement différents de ceux qui ont inspiré la Décla-ration universelle des droits de l’homme. Cela rend-il la Déclaration moins universelle ? Cela peut-il justifi er qu’on n’en respecte pas les dispositions ?

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Article 3

Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.

« Que dit la société ? “Tu ne tueras pas”. Comment le dit-elle ? En tuant ! »

Victor Hugo, plaidoyer contre la peine de mort.

Comment expliquer que l’on prive d’aucuns du droit à la vie, au nom de ce même droit pour d’autres ?

« Tu crois pouvoir écraser une chenille ?Bien, c’est fait : ce n’était pas diffi cile.Maintenant refais-la. »

Lanza del Vasto

« Il est plus effi cace de trancher les têtes que de fendre les cheveux en quatre. »

Arthur Koestler

La peine de mort est-elle une solution de facilité ?Pensez-vous qu’il y ait des situations où il est accepta-ble de tuer un homme ? Lesquelles et pourquoi ?Chacun sait qu’il faudrait changer la société plutôt que continuer à exécuter des êtres humains. Pourquoi ne le fait-on pas ?En quoi la sûreté de sa personne est-elle une aspiration fondamentale de l’être humain ?

Article 4

Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’es-clavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.

Il est simple aujourd’hui, de juger a posteriori, plusieurs siècles après que les faits aient été commis, les auteurs de violations de ce qui nous paraissent aujourd’hui des droits fondamentaux. Les Romains de l’Antiquité, par exemple, ont été élevés dans la certitude de la légitimité de l’esclavage. Le fait que certains aient moins de droits que d’autres était à leurs yeux une certitude sincère. C’était la vérité de leurs aïeux, des parents qui les ont élevés et cela devenait la leur aussi sûrement que deux et deux font quatre.

Peut-on s’effrayer aujourd’hui d’actes qui ne sont abominables que sous notre regard mais qui, dans le contexte de l’époque, obéissaient à la perception d’alors du droit naturel ?Aujourd’hui, de nombreuses personnes travaillent pour un salaire extrêmement bas, voire inexistant, et dans des conditions où leurs droits fondamentaux ne sont pas du tout respectées et où ils ne bénéfi cient d’aucune liberté ni d’aucune alternative. Peut-on à votre avis parler d’esclavage ?La société de consommation ne tient-elle pas les gens sous sa servitude ?

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Article 5

Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

NÉ EN 17 À LEIDENSTADTCarol Fredericks, Jean-Jacques Goldman et Michael Jones

Et si j’étais né en 17 à LeidenstadtSur les ruines d’un champ de batailleAurais-je été meilleur ou pire que ces gensSi j’avais été allemand ?

Bercé d’humiliation, de haine et d’ignoranceNourri de rêves de revancheAurais-je été de ces improbables consciencesLarmes au milieu d’un torrent ?

Si j’avais grandi dans les docklands de BelfastSoldat d’une foi, d’une casteAurais-je eu la force envers et contre les miensDe trahir, tendre une main ?

Si j’étais née blanche et riche à JohannesburgEntre le pouvoir et la peurAurais-je entendu ces cris portés par le vent ?Rien ne sera comme avant

On saura jamais c’qu’on a vraiment dans nos ventresCaché derrière nos apparencesL’âme d’un brave ou d’un complice ou d’un bourreau ?Ou le pire ou plus beau ?Serions-nous de ceux qui résistent ou bien les moutons d’un troupeauS’il fallait plus que des mots ?

Et qu’on nous épargne à toi et moi si possible très long-tempsD’avoir à choisir un camp.

Que pensez-vous de ce texte, par rapport à l’Article 5 ?L’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ne prévoit pas d’exception. Les traitements cruels, inhumains et dégradants ne sont pas autorisés, même si la victime est consentante. Ainsi, certaines pratiques de « baptême » étudiant sont-elles condam-nées par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Qu’en pensez-vous ?

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Article 6

Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique.

Dans beaucoup de pays, de très nombreux enfants naissent et ne sont jamais déclarés, n’obtenant dès lors jamais de reconnaissance offi cielle de leur existence et de leur identité au sens où nous l’entendons. Cela peut-il être considéré comme une atteinte à leurs droits ?Faut-il obliger des communautés à se développer pour pouvoir accorder à leurs membres les droits de cette Déclaration ?

Article 7Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans dis-tinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimi-nation qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.

Parfois, la loi n’accorde pas la même protection à tous, particulièrement en ce qui concerne les femmes, les enfants et les plus faibles. Ou bien elle présente des lacunes qui permettent d’en faire des interprétations différentes selon les cas et/ou les personnes. Peut-on encore considérer la loi comme respectant la Déclara-tion dans de tels cas ?La loi prévoit qu’en cas d’infraction au Code de la route un conducteur doit payer une certaine somme. Cette somme est la même pour tous les conducteurs, mais paraîtra bien plus diffi cile à payer pour une personne pauvre que pour une personne riche. Peut-on dès lors parler d’égalité devant la loi ?Le taux de taxation n’est pas le même selon les reve-nus. Une personne qui bénéfi cie d’un revenu élevé doit payer à l’État une part plus importante de son revenu qu’une personne dont le revenu est faible. C’est ce qu’on appelle un impôt progressif. Peut-on dès lors parler d’égalité devant la loi ?

Article 8

Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi.

Si un citoyen n’a pas ce droit de recours effectif, à qui peut-il se plaindre ?

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Article 9

Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé.

De nombreux pays pratiquent cependant les arresta-tions, la détention et l’exil arbitraires, parfois même des pays qui se disent par ailleurs fervents défenseurs des droits de l’homme. Qu’en penser ?Que veut dire arbitrairement ? Le fait qu’un motif d’ar-restation ou d’emprisonnement soit défi ni par la loi le rend-il juste pour autant ?

Article 10

Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui déci-dera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

« Quand j’étais enfant, ma mère m’a enseigné les légen-des de notre peuple ; elle m’a appris le soleil et le ciel, la lune et les étoiles, les nuages et les orages. Elle m’a aussi appris à me mettre à genoux et à prier Usen pour qu’il me donne force, santé, sagesse et protection. Nous n’avons jamais prié contre qui que ce soit, mais si nous en voulions à quelqu’un, nous nous vengions nous-mêmes. On nous avait appris qu’Usen ne s’intéressait pas aux querelles mesquines des hommes. »

Geronimo, chef Apache Chiricahua

Le fait de porter les différends devant un tribunal n’est-il pas contraire à la culture de certains ? Faut-il pour autant accepter que l’on se fasse justice soi-même en invoquant la culture, la tradition ?Quelle différence voyez-vous entre justice et ven-geance ?Un juge – qui est un être humain – peut-il être réelle-ment indépendant et impartial ?Les psychologues ont montré que les êtres humains sont spontanément et inconsciemment plus favora-bles aux personnes dont ils apprécient l’apparence physique. Les juges doivent-ils s’efforcer de corriger cette inclination naturelle en se montrant plus sévères à l’égard des personnes physiquement avenantes ?On entend de plus en plus souvent des plaignants, avocats ou journalistes se déclarer satisfaits ou insatis-faits du verdict de certains grands procès médiatisés. La justice doit-elle être rendue en fonction des attentes des gens ou en fonction de principes absolus ?

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Article 11

1. Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.

2. Nul ne sera condamné pour des actions ou omis-sions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international. De même, il ne sera infl igé aucune peine plus forte que celle qui était applica-ble au moment où l’acte délictueux a été commis.

Que penser de gens qui ont pour but déclaré de porter atteinte au droit et de nuire à la société ? Faut-il les empêcher d’atteindre leur but, ou bien faut-il attendre qu’ils l’aient atteint pour les condamner ?La présomption d’innocence n’est-elle pas injuste dès lors que la justice, pour être véritablement équitable, devrait n’avoir strictement aucune présomption ?

Article 12

Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspon-dance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputa-tion. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

L’honneur n’est-il pas une valeur démodée ?À qui un courrier que l’on écrit appartient-il ? A-t-on le droit de montrer à d’autres des courriers personnels qui nous ont été adressés, ou des copies de courriers personnels que l’on a adressés à des tiers ?Dans quelles circonstances, et à qui pourriez-vous montrer une lettre d’amour que vous avez reçue ?

Dans certains pays, sous prétexte d’améliorer la sécu-rité ou de lutter contre le terrorisme, la loi permet à la police, à l’armée ou aux services secrets de prendre des renseignements sur n’importe qui de n’importe quelle façon, et de prendre toutes les mesures qu’ils jugeront opportunes, sans obligation de respecter la Constitution, les autres lois, les traités et le droit international et sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit.

Que choisir entre le bien commun et le respect de la vie privée ?Une personne qui n’a rien à se reprocher n’a rien à cacher. Pourquoi faudrait-il alors protéger son domicile, sa correspondance, ses conversations téléphoniques, etc. ?

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Article 13

1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État.

2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

Charlie Chaplin, Einstein, Victor Hugo, Gandhi, Freud, Haendel, Karl Lagerfeld, Arnold Schwarzenegger, Picasso, Alexandre Soljenitsyne, Voltaire : de nombreu-ses célébrités ont un jour quitté leur pays pour s’établir dans un autre pendant au moins une partie de leur vie. Parfois c’était en espérant y trouver une vie meilleure, parfois c’était pour échapper à la persécution, voire pour fuir la mort.Aujourd’hui, les pays qui les ont accueillis se félicitent de l’avoir fait, mais qu’est-ce que le monde aurait perdu si les frontières de ces pays leur avaient été fermées ?

Article 14

1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéfi cier de l’asile en d’autres pays.

2. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de pour-suites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies.

L’impossibilité d’accéder à des conditions de vie décen-tes, de voir son identité culturelle, religieuse ou parfois sexuelle reconnue sont des motifs invoqués par les candidats réfugiés qui pourtant se voient refuser l’asile chez nous. Pensez-vous que ces aspirations soient criminelles ou contraires aux buts et principes des Nations unies ? À l’inverse, pensez-vous que de telles conditions de vie puissent-être qualifi ées de persécutions ? Que faire dès lors des candidats migrants qui les invoquent ?

Article 15

1. Tout individu a droit à une nationalité.2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa natio-

nalité, ni du droit de changer de nationalité.

Est-ce l’homme qui a une nationalité ou bien est-ce que l’homme appartient a un pays. Le sens de la relation possessive n’est pas le même dans le cas et dans l’autre. Est-ce le pays ou l’homme qui possède l’autre ?Estimez-vous que votre nationalité est quelque chose d’important ? Pourquoi ?

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Article 16

1. À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la natio-nalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.

2. Le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux.

3. La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’État.

La Déclaration universelle des droits de l’homme est universelle. C’est dire qu’elle s’applique partout sur la planète, dans tous les pays, dans toutes les sociétés, pour tous les hommes. On y parle de famille, mais sans en défi nir le terme. Or la famille peut prendre des formes très différentes selon les pays. Ne pas défi nir le terme ne laisse-t-il pas la porte ouverte à toutes les interprétations et, partant, ne réduit-il pas le caractère universel de l’intuition exprimée ?

« La famille, ce havre de sécurité, est en même temps le lieu de la violence extrême. »

Boris Cyrulnik, Les nourritures affectives

Le texte de l’article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme est ambigu. Rédigé en 1948, il n’envisageait pas le cas de l’homosexualité, alors tabou. Comment faut-il le lire ? L’homme et la femme, à partir de l’âge nubile peuvent se marier et donner une famille. Veut-on dire qu’il faut un homme et une femme pour se marier et fonder une famille, ou bien veut-on dire que tout homme ou toute femme peut se marier et fonder une famille, avec n’importe quel autre homme ou femme ?Deux personnes se marient et fondent une famille. Celle-ci est l’élément naturel et fondamental de la société et doit, à ce titre, être protégée. Une personne célibataire est-elle une famille ? Ne doit-elle pas béné-fi cier de la même protection de l’État que les familles issues d’un mariage ?

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Article 17

1. Toute personne, aussi bien seule qu’en collecti-vité, a droit à la propriété.

2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.

Comment le droit de propriété peut-il être fondamental dans notre société alors que l’être humain naît sans rien posséder et n’emportera rien dans sa tombe ?La propriété est une face de la pièce. L’autre face, c’est l’absence de propriété, qui suscite le désir de propriété. Qu’est-ce qui participe le plus à l’épanouissement de l’homme : la propriété ou le désir de propriété ?

« Je suis pauvre et nu, mais je suis le chef de la nation. Nous ne voulons pas de richesses mais nous tenons à instruire correctement nos enfants. Les richesses ne nous serviraient à rien. Nous ne pourrions pas les emporter avec nous dans l’autre monde. Nous ne vou-lons pas de richesses. Nous voulons la paix et l’amour. »

Red Cloud (nuage rouge), chef sioux Oglala, fi n XIXe siècle

Article 18

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accom-plissement des rites.

Il existe des pays où il n’est pas envisageable de ne pas avoir de religion et de ne pas la pratiquer avec ferveur. Est-on libre dans ces pays ?Certaines associations défendent des principes qui vont à l’encontre des libertés de pensée, de conscience et de religion. Quelle attitude adopter face à de telles associations ? Faut-il leur accorder les libertés qu’elles nient à d’autres ? Qu’est-ce qui doit primer, la liberté individuelle ou une vision idéologique de la société ?Qu’est-ce que la liberté ? Comment être vraiment libre alors qu’on est soumis à des contraintes sociales, culturelles, économiques, légales, etc. ?Certaines religions et certaines traditions culturelles induisent des pratiques qui vont à l’encontre de certains droits fondamentaux (atteintes aux droits des femmes, à la liberté de pensée et d’expression, traitements cruels, inhumains ou dégradants).Deux principes fondamentaux semblent donc parfois s’opposer. Lequel est le plus important ?

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Article 19

Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expres-sion, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’ex-pression que ce soit.

La France s’est dotée de trois lois souvent appelées « mémorielles ». La loi Gayssot interdit aux citoyens de tenir publiquement des propos qui nient le génocide juif. La loi Masse interdit aux citoyens de tenir publiquement des propos qui nient le génocide arménien. Enfi n, la loi Taubira interdit aux citoyens de tenir publiquement des propos qui nient la réalité de l’esclavage. Ces lois restreignent la liberté d’expression.Si vous aviez été l’un des parlementaires invités à voter pou ou contre l’adoption de ces lois, auriez-vous voté pour, contre ou vous seriez-vous abstenu ?

Article 20

1. Toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifi ques.

2. Nul ne peut être obligé de faire partie d’une association.

Est-il légitime de recourir à la violence pour défendre des valeurs fondamentales ?Le fait d’avoir obligatoirement une nationalité ne corres-pond-il pas au fait de faire partie d’une « association » sans son consentement ?

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Article 21

1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représen-tants librement choisis.

2. Toute personne a droit à accéder, dans des condi-tions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays.

3. La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’expri-mer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équiva-lente assurant la liberté du vote.

Une démocratie se défi nit-elle plus par l’existence de débats publics et contradictoires ou par l’existence d’élections ?Certaines personnes visent le pouvoir dans le but de priver le peuple ou des parties importantes du peuple d’accès à l’exercice du même pouvoir. Quelle attitude adopter face à de telles visées ? Peut-on se servir de la démocratie pour la détruire ?

Article 22

Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays.

La sécurité sociale consiste à doter des personnes dans le besoin de ressources nécessaires à leur survie dans la dignité. Cela contrevient à l’ordre naturel des choses, qui est le principe de sélection naturelle, où ne survivent que les plus forts, les plus aptes à s’adapter.La sécurité sociale, en favorisant la survie et la repro-duction des plus faibles participe à la disparition, à long terme, de l’espèce humaine.Que penser de cette affi rmation ?

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Article 23

1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.

2. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.

3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.

4. Toute personne a le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affi lier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

Dans des sociétés où la plupart des gens vivent en autarcie, sans employeur, sans organisations de tra-vailleurs, sans réglementations, comment interpréter cet article ?Qu’est-ce que c’est, une « rémunération équitable et satisfaisante » ? Est-il toujours possible de trouver une position qui convienne à la fois au travailleur et à l’em-ployeur ?

Article 24

Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques.

Estimez-vous que c’est une bonne chose, que les grandes surfaces commerciales soient ouvertes le dimanche ?Que peut-on penser des gens qui travaillent plus que le nombre d’heures fi xé et qui ne prennent pas leurs congés ? La condition d’indépendant, de titulaire d’une profession libérale est-elle compatible avec ce droit ?Dans le même ordre d’idées mais de manière générale, est-on obligé de profi ter d’un droit ?

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Article 25

1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffi -sant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépen-dantes de sa volonté.

2. La maternité et l’enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu’ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale.

Jorge Furtado, un réalisateur brésilien, a réalisé un court métrage, « L’Île aux fl eurs », pour dénoncer les conditions de vie d’habitants d’une petite île de Porto Alegre. Ces personnes y survivent en fouillant les déchets produits par la grande ville voisine. Le fi lm a eu un énorme reten-tissement. De nombreuses personnes ont été choquées et les autorités sont intervenues pour faire cesser ce scandale. On a donc interdit aux habitants l’accès aux dépôts d’immondices. Ceux-ci sont en colère car on les a ainsi privés des moyens de leur subsistance.

Faut-il privilégier le droit à des revenus ou le droit à la santé ?Peut-on forcer quelqu’un à se vacciner ? N’est-ce pas une atteinte à son intégrité physique et à sa liberté ?En Chine, on exécute les condamnés à mort en fonc-tion de leur compatibilité sanguine avec des patients qui attendent de se voir transplanter des organes. Que pensez-vous de cette pratique ?

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Article 26

1. Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire. L’enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonc-tion de leur mérite.

2. L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fon-damentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.

3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants.

Il existe des parents qui choisissent volontairement pour leurs enfants un type d’éducation (religieuse, militaire, ultra-stricte, etc.) dont ceux-ci ne veulent pas et qui peuvent les faire souffrir beaucoup. Qu’en penser ?L’obligation d’aller à l’école est-elle compatible avec le principe de liberté ?

Article 27

1. Toute personne a le droit de prendre part libre-ment à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifi -que et aux bienfaits qui en résultent.

2. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute produc-tion scientifi que, littéraire ou artistique dont il est l’auteur.

L’accès aux concerts et musées ne devrait-il pas être gratuit pour rendre ce droit effectif ?Estimez-vous qu’en téléchargeant gratuitement un morceau de musique vous portez atteinte aux intérêts du compositeur ou de l’interprète ?

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Article 28

Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet.

Pensez-vous que le respect des droits humains est possible dans un pays en guerre ? Quels sont, parmi les droits de cette Déclaration universelle, ceux qui vous semblent menacés par un confl it armé ?Un citoyen d’un pays attaqué par un autre aurait-il le droit, selon vous, de porter plainte contre l’attaquant pour violation du droit décrit dans cet Article 28 ?L’appréciation du « plein effet » des droits et libertés, notamment sur le plan social, sera sans doute différente selon qu’on est du Nord ou du Sud, selon qu’on est ouvrier ou patron. À partir de quand peut-on estimer qu’on bénéfi cie du plein effet des droits et libertés de cette Déclaration ?

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Article 29

1. L’individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seule le libre et plein développe-ment de sa personnalité est possible.

2. Dans l’exercice de ses droits et dans la jouis-sance de ses libertés, chacun n’est soumis qu’aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et afi n de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique.

3. Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s’exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations unies.

Quels devoirs avez-vous envers la communauté ?Quelque chose qui n’est pas interdit par la loi est-il pour autant permis ?La morale est souvent quelque chose de fort personnel. Ai-je le droit de condamner des actes qui heurtent ma morale mais qui sont acceptables pour la personne qui les pose ?La société démocratique n’est pas perçue partout de la même façon. Les sociétés qui ont de la démocratie une vision différente de la nôtre doivent-elles se plier à notre vision de la morale, de l’ordre public et du bien être général, ou à la leur ?L’État est parfois vu, par les contribuables, comme un « ennemi » auquel il faut s’efforcer de payer le moins possible d’impôts. Qu’en pensez-vous ?La Belgique est l’un des rares pays où le vote est obli-gatoire. Cela vous choque-t-il ?

Article 30

Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quel-conque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés.

Pourquoi pensez-vous que l’on a ajouté ce trentième article ? Que cherche-t-on à éviter, concrètement ? Donnez un exemple.

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INTRO

En �948 était signée la Déclaration universelle des droits de l’homme.

En �958, Dominique Pire, le fondateur d’Îles de Paix, recevait le Prix Nobel de la Paix.Aujourd’hui, tant les droits de l’homme que l’idéal de paix sont plus que jamais d’actualité, ils sont intimement liés à la question toujours plus cruciale du développement.

En effet, comment promouvoir et assurer durablement le déve-loppement dans une société qui ne connaîtrait pas la paix et qui n’assurerait pas à l’ensemble de ses membres le respect de leurs droits fondamentaux ?

Selon qu’on ouvre le recueil dans un sens ou dans l’autre, on abordera la question de la paix ou la question des droits humains, mais tous deux convergent l’un vers l’autre.

La paix et le respect des droits humains n’est pas l’état naturel des hommes. C’est au contraire un chantier perpétuel de civilisation qui nécessite une attention permanente. Il importe donc que chacun intè-gre cette préoccupation et s’approprie les ressorts de ces états de paix et de dignité humaine.

Le présent recueil propose donc des textes, des réflexions et des citations qui ont pour but d’alimenter une pensée personnelle sur la paix et la dignité humaine. Les enseignants du cycle supérieur de l’en-seignement secondaire pourront l’utiliser comme base à des exercices de dissertation. Ce n’est certainement pas là une exclusive : ces textes, ces pensées, peuvent servir à beaucoup d’autres enseignants, dans le cadre des cours d’histoire, de philosophie, de morale ou de religion, de sciences humaines et/ou sociales, etc. Tous les enseignants du secondaire pourront l’utiliser pour susciter des débats, lancer une démarche de réflexion, illustrer une époque et son mode de pensée, faire appréhender une philosophie, une vision du monde.

Nous avons adopté une approche de la paix aussi plurielle que possible, même si elle est forcément incomplète tant le sujet ouvre une infinité de champs. Vous trouverez des écrits de penseurs et de philosophes, d’hommes d’État, de poètes, de différentes institutions, d’écrivains, de chanteurs, etc. Certains abordent la paix de manière positive, d’autres le font de manière négative, interpellante, ou vantent même les mérites de la guerre, permettant éventuellement une prise de position a contrario ou la mise en évidence de certains paradoxes.

S’agissant des droits de l’homme, nous avons cherché à mettre plus particulièrement en évidence certains articles de la Déclaration univer-selle qui sont au cœur de débats de fond qui se tiennent aujourd’hui.

Tout est-il permis au nom de ce qu’on appelle la paix ? Que faire lorsque deux concepts ouvrent des portes différentes, peut-être même contradictoires ? Y a-t-il des « intérêts supérieurs » qui pourraient jus-tifier que l’on écarte ou ignore l’un ou l’autre principe, pourtant réputé universel ? Peut-on établir une hiérarchie des priorités entre les droits ? Peut-on séparer les droits et les devoirs ? Les droits sont-ils réellement universels ?

Autant de questions, auxquelles il n’est certainement pas facile de répondre, qui pourront alimenter maint débat ou susciter mainte réflexion, et éveiller beaucoup d’interrogations.Ce qui compte, finale-ment, c’est que les élèves réfléchissent à ces questions et prennent conscience que la paix et la dignité humaine sont des patrimoines dont ils sont aussi propriétaires et responsables.

L’équipe d’Iles de Paix

Nos plus vifs remerciements à Paul Vanden Bemden, Serge Redaelli et Benoît Baijot pour leur lecture attentive et leurs conseils précieux et éclairés.Graphisme : Jean-Marc Lacroix – Tabasco Graphics – www.tabascographics.netIles de Paix ASBL – rue du Marché 37 – 4500 Huy – 085 23 02 54 – [email protected] – www.ilesdepaix.orgDépôt légal : D2008/3350/99 Photo de couverture : © Défense nationale canadienne

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� SOMMAIRE

DE L’ANTIquITé à LA RévOLuTION fRANçAISE

05 La Bible, l’Ancien Testament Livre de l’Ecclésiaste 06 Érasme Plaidoyer pour la paix Lettre à Antoine de Berghes 08 Thomas Hobbes Léviathan 09 Montesquieu De l’esprit des lois �0 Baruch Spinoza Traité politique �� Voltaire Misérables médecins des âmes �� Jean-Jacques Rousseau Discours sur l’inégalité �3 Emmanuel Kant Doctrine du droit �4 Citations de l’Antiquité à la Révolution française

�9e SIècLE

�6 Victor Hugo Juillet, III, L’avenir Bêtise de la guerre

Discours d’ouverture du Congrès de la paix, 1849

�8 Arthur Schopenhauer �9 Wilhelm Friedrich Nietzsche �0 Alphonse de Lamartine Marseillaise de la paix �� Arthur Rimbaud Le dormeur du val �� Walt Whitman �3 L’Internationale �4 Abraham Lincoln Discours de Gettysburg �5 Jean Jaurès Discours à la jeunesse, 1903 �6 Citations du 19e siècle

DE �900 à �939

�8 Alain Mars ou la guerre jugée �9 Sigmund Freud Considérations actuelles sur la guerre et sur

la mort 30 Albert Einstein Comment je vois le monde 3� Gandhi Lettre à l’âshram 33 Winston Churchill Réflexions et aventures 34 Berthold Brecht Complainte pour la paix 35 Louis-Ferdinand Céline Tout le reste, c’est des mots 36 Lucien Jacques Je crois en l’Homme 37 Jean Giono Je ne peux pas oublier Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix

LA �e GuERRE MONDIALE

40 Adolf Hitler Mein Kampf 4� Charles Chaplin Le Dictateur 4� Antoine de Saint-Exupéry Pilote de guerre 45 Gandhi Lettre à Hitler 46 Joseph Kessel Le chant des partisans & Maurice Druon

�945, LA BOMBE ATOMIquE

48 Harry Truman Discours du 7 août 1945 50 Albert Camus Article dans Combat du 8 août 1945

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LA GuERRE fROIDE

5� Paul-Henri Spaak Discours préliminaire à la signature du pacte de l’Atlantique

APRèS �945

55 Albert Camus Discours de réception du Prix Nobel de Littérature

56 Martin Luther King Discours de réception du Prix Nobel de la Paix

58 Dominique Pire Bâtir la paix Vivre ou mourir ensemble 6� Arthur Haulot Pourquoi s’indigner ? 64 Oscar Arias 65 UNESCO Manifeste sur la culture de la paix 66 Kofi Annan Dans une liberté plus grande 67 Georges Brassens Mourir pour des idées 68 Jacques Brel Le diable (ça va) Jaurès 70 Julos Beaucarne Je suis l’homme Lettre à Kissinger 7� Boris Vian Le déserteur 73 Bob Dylan Dieu à nos côtés 74 Jean Ristat Je nous souhaite d’aimer 75 Calogero Les hommes endormis 75 MC Solaar Relations humaines

LES PRéSIDENTS ET LA PAIx

77 John Fitzgerald Kennedy Discours d’investiture 77 Jimmy Carter 78 George Bush (senior) Discours au Congrès des États-Unis

78 Jacques Chirac Discours à l’Assemblée générale des Nations unies

79 George Bush (junior) Discours aux soldats de Fort Bragg Discours sur l’état de l’Union

cITATIONS Du �0E SIècLE 80

LA PAIx INTéRIEuRE 84

BIBLIOGRAPhIE 85

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française

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55 Pistes d’exploitation

Selon le texte, il y a un temps pour le pire et un temps pour le meilleur, l’un semble exclure l’autre et ce cycle durera infiniment. Que pensez-vous cette affirmation ?

Pensez-vous qu’un même être puisse alternativement construire et détruire ? Laquelle de ces deux actions vous semble la plus propre à sa nature humaine ?

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LA BIBLE, ANcIEN TESTAMENT

Le livre de l’Ecclésiaste, 3

Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux : un temps pour naître, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui a été planté ; un temps pour tuer, et un temps pour guérir ; un temps pour abattre, et un temps pour bâtir ; un temps pour pleurer, et un temps pour rire ; un temps pour se lamenter, et un temps pour danser ; un temps pour lancer des pierres, et un temps pour ramasser des pierres ; un temps pour embrasser, et un temps pour s’éloigner des embrassements ; un temps pour chercher, et un temps pour perdre ; un temps pour garder, et un temps pour jeter ; un temps pour déchirer, et un temps pour coudre ; un temps pour se taire, et un temps pour parler ; un temps pour aimer, et un temps pour haïr ; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix.

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DIDIER éRASME

Il fut l’une des figures les plus marquantes de la pensée de la Renaissance.Il a parcouru toute l’Europe pour rencontrer ses amis humanistes et a entretenu une volumineuse correspondance avec des princes, des évêques, d’autres penseurs, exerçant ainsi une influence considérable sur la vie politique et la pensée euro-péennes.

Bien qu’ordonné prêtre, il n’a semble-t-il que peu prêché et il a même fortement critiqué l’Église, dont il dénonçait tant les errements spirituels et matériels que les barrières qu’elle mettait à l’exer-cice d’un pensée indépendante.Il fut un ardent adversaire de toute forme d’into-lérance et de conflits, un partisan de la liberté de l’homme à l’égard du pouvoir, des idées reçues et de l’asservissement.

On pourrait reconnaître dans les arbres, dans le végétal, une aptitude à l’amitié. Certains individus sont stériles si on ne leur adjoint un mâle ; la vigne étreint l’orme et est aimée du pêcher : tant de ces choses qui n’ont pas de sentiment semblent pourtant sentir le bienfait que représente la paix. C’est que, si ces êtres n’ont pas la capacité de sentir, ils ont la vie, qui les rend très proches des êtres dotés de sentiment. Qu’y a-t-il d’aussi brut que l’espèce minérale ? Pourtant, on dirait qu’elle aussi a un certain sens de la paix et de la concorde. Ainsi l’aimant attire-t-il à lui le fer, et, lorsqu’il l’a attiré, le retient. Et que dire du fait que les plus féroces des bêtes sauvages savent préserver entre elles une entente ? La féro-

cité des lions ne combat pas les lions. Un sanglier ne pointe pas impétueusement sa défense contre un sanglier. La paix règne entre les lynx. Le serpent ne s’en prend pas au serpent. La concorde des loups est devenue proverbiale... Seuls les hommes, à qui, plus qu’à n’importe quelle espèce, aurait dû être naturel l’accord des esprits et pour qui, plus que pour toute autre espèce, il représentait une nécessité, résistent : la nature, si puissante, si efficace ailleurs, ne peut les réconcilier, ni les institutions les réunir ; les avantages qui, de l’avis unanime, en résulteraient sont impuissants à les rassembler ; ni la perception, ni l’expérience enfin de tant de maux ne peuvent les rame-ner à un amour mutuel.

Plaidoyer pour la paix

Philosophe, humaniste et théologien hollan-dais, né en 1469 et mort en 1536.

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Lettre à Antoine de Berghes, �4 mars �5�4(L’institution du prince chrétien, �5�6)

Pistes d’exploitation

Quelles sont d’après Érasme les causes de la guerre ? Êtes-vous d’accord avec lui ?

Pensez-vous que les choses ont changé depuis Érasme ? Pourquoi ?

Érasme attribue à l’amour l’origine de la paix entre les animaux. Or, d’autres penseurs ont attribué à l’homme l’exclusivité de l’amour. Comment expliquer dès lors que l’homme, capable d’aimer, fasse la guerre et les animaux, qui en sont incapables, eux, vivent en paix ?

Érasme semble dire que la nature vit dans un état de paix. Il semble établi depuis lors que ce qu’il prenait pour des relations ne serait en fait qu’un ensemble d’échanges et influences physiques, chimiques et autres. La paix peut-elle se limiter à de tels échanges ?

Est-ce la conscience qui transforme en relations les échanges physico-chimiques, qui définirait la paix… et qui conduirait à la guerre ?

La paix entre les serpents n’est semble-t-il qu’indifférence. L’indiffé-rence serait-elle la base de la paix ?

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Je me suis souvent interrogé sur les raisons qui poussent, je ne dirai pas les chrétiens, mais tous les hommes, à ce degré de folie où au prix de tant d’efforts, de dépenses, de dangers, ils se lancent à leur mutuelle destruction. Que faisons-nous d’autre, notre vie durant, que de nous combattre ? Tous les animaux ne combattent pas, mais seulement les fauves. Ceux-ci mêmes ne se font pas la guerre à l’intérieur d’une même espèce, mais d’une espèce à une autre ; et ils combattent avec leurs armes natu-relles, et non pas, comme nous, avec des machines inventées par un art diabolique ; ni encore pour n’importe quelle raison, mais ou bien pour leurs petits ou bien pour leur nourriture ; nos guerres proviennent pour la plupart de l’ambition, ou de la colère ou de la luxure, ou de quelque semblable maladie de l’âme ; enfin, ils ne vont pas à leur des-truction réciproque en troupeaux compacts, comme nous. Nous qui nous glorifions de nous désigner d’après le nom du Christ, qui n’a enseigné que la douceur et qui en a donné l’exemple […] : une seule chose en ce monde peut-elle être assez importante pour nous exciter à la guerre ? Une chose si néfaste et si sombre qu’alors même qu’elle est des plus justes, nul véritable homme de bien ne saurait l’accepter.

[…] Si l’on admet la guerre au nom de cer-tains droits, ceux-ci sont grossiers ; ils res-pirent un christianisme dégénéré, encombré des biens de ce monde. Et je ne sais pas

s’ils autorisent la guerre en tout cas ; à vrai dire, chaque fois que la paix de la chré-tienté, dans l’intention de protéger la foi, a été défendue contre les incursions des bar-bares, je constate que des hommes pieux se sont parfois abstenus de réprouver la guerre. Mais pourquoi ces rares exemples, donnés par des hommes, nous viennent-ils à l’esprit de préférence à tant de paroles du Christ, des apôtres, des Pères orthodoxes et les plus estimés, sur la paix et sur la résignation aux malheurs ? Existe-t-il une thèse qui ne puisse être défendue par un argument quelconque ? Et surtout lorsque sont à la tête des affaires les mêmes hommes dont la masse, par flatterie, loue jusqu’aux crimes et dont personne n’ose reprendre les fautes. Et cependant chacun voit clairement ce qu’elles demandent, ce qu’elles souhaitent, ce à quoi elles aspirent, les bonnes âmes ! Si tu y regardes de plus près, les raisons qui font entreprendre une guerre résident le plus souvent dans les intérêts personnels des princes. Je te le demande, trouves-tu humain que l’univers doive prendre les armes chaque fois que tel ou tel prince se met en colère contre un autre — ou peut-être simule la colère ?

Antoine de Berghes était abbé de Saint-Bertin, dans le Nord de la France, et titulaire de plusieurs autres seigneuries dans le territoire de l’actuelle Wallonie. Il faisait partie des 600 correspondants réguliers d’Érasme.

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Il a développé un concept d’état d’anarchie propre à la nature. Cela a influencé la manière dont étaient envisagées les relations internationales et la gestion de la société à l’époque.Son œuvre majeure, Léviathan, fut à la base de nombreux principes fondateurs du libéralisme.D’après lui, la société est naturellement anarchi-que puisque formée d’hommes dépourvus de bonté naturelle, gouvernés par leurs désirs et leurs craintes. Elle est régie par des pactes que concluent les différentes parties qui la composent, par peur et pas par raison ou par bonté, afin d’échapper au chaos, synonyme de mort et de disparition. Ces contrats sociaux permettent de passer de l’état d’anarchie à l’état civil. Selon Hobbes, il faut donc renoncer à la liberté pour obtenir la paix.

ThOMAS hOBBESPhilosophe anglais, né en 1588 et mort en 1679 en Angleterre

Pistes d’exploitation

Hobbes affirme que sans un pouvoir qui les tienne en respect, les hommes ne peuvent sortir de l’état de guerre. La paix n’est-elle pos-sible que sous la contrainte et la menace ?

Hobbes définit la paix comme ce qui se situe en dehors de la guerre et de tout ce qui prépare, dispose à la guerre. Que pensez-vous de cette affirmation ? Pensez-vous dès lors que la paix existe parfois ?

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Léviathan, chapitre �3 (�65�)

Aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tienne tous en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est guerre de chacun contre chacun. Car la guerre ne consiste pas seulement dans la bataille et les combats effectifs ; mais dans un espace de temps où la volonté de s’affronter en des batailles est suffisamment avérée : on doit par conséquent tenir compte, relativement à la nature de la guerre, de la notion de durée, comme on tient compte, relativement à la nature, du temps qu’il fait. De même en effet que la nature du mauvais temps ne réside pas dans une ou deux averses mais dans une tendance qui va dans ce sens, pendant un grand nombre de jours consécutifs, de même la nature de la guerre ne consiste pas dans un combat effectif, mais dans une disposition avérée, allant dans ce sens, aussi longtemps qu’il n’y a pas d’assurance du contraire. Tout autre temps se nomme paix.

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De l’esprit des lois (�758)

L’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels. Mais, si l’esprit de commerce unit les nations, il n’unit pas de même les particuliers. Nous voyons que dans les pays où l’on n’est affecté que de l’esprit de commerce, on trafique de toutes les actions humaines, et de toutes les vertus morales : les plus petites choses, celles que l’hu-manité demande, s’y font ou s’y donnent pour de l’argent. L’esprit de commerce produit dans les hommes un certain sentiment de justice exacte, opposé d’un côté au brigandage, et de l’autre à ces vertus morales qui font qu’on ne discute pas toujours ses intérêts avec rigi-dité, et qu’on peut les négliger pour ceux des autres.

citation de Montesquieu

Chaque monarque tient sur pied toutes les armées qu’il pourrait avoir si ses peuples étaient en danger d’être exterminés ; et on nomme paix cet état d’effort de tous contre tous.

De l’esprit des lois

Pistes d’exploitation

Le commerce est-il un état de paix ou peut-il être comparé à un état de guerre sans armes ?

La paix peut-elle se résumer à la rencontre d’intérêts complémentaires ?

L’existence de besoins et de ressources entre des mains différentes est-elle facteur de paix ou de guerre ?

Les pays qui commercent tirent profit de ces échanges et n’ont donc pas avantage à se faire la guerre. Montesquieu voit donc dans le développement du commerce un facteur stabilisateur et pacificateur. Pensez-vous que cela soit toujours d’actualité ? Les intérêts éco-nomiques ne sont-ils pas précisément à l’origine de beaucoup de violence et de nombreux conflits ?

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MONTESquIEu

Philosophe, penseur et écrivain français, né en 1689, mort en 1755

Il a décrit certains principes d’organisation politique sur lesquels nos États modernes s’appuient encore. Il prônait notamment la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire), ce qui était un changement radical à l’époque.Sans qu’il s’y soit consacré en tant que tels, ses pensées ont nourri plus tard l’émergence de concepts comme la démocratie et les droits de l’homme.

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�0 Traité politique, vI, 04

L’expérience paraît enseigner que, dans l’intérêt de la paix et de la concorde, il convient que tout le pouvoir appartienne à un seul. Nul État en effet n’est demeuré aussi longtemps sans aucun changement que celui des Turcs et en revanche nulles cités n’ont été moins durables que les cités populaires ou démocratiques, et il n’en est pas où se soient élevées plus de séditions. Mais si la paix doit porter le nom de servitude, de barbarie et de solitude, il n’est rien de si lamentable que la paix. Entre les parents et les enfants, il y a certes plus de querelles et des discussions plus âpres qu’entre maîtres et esclaves, et cependant il n’est pas de l’intérêt de la famille ni de son gouvernement que l’autorité paternelle se change en domination et que les enfants soient tels que des esclaves. C’est donc la servitude, non la paix, qui demande que tout le pouvoir soit aux mains d’un seul : [...] la paix ne consiste pas dans l’absence de guerre, mais dans l’union des âmes, c’est-à-dire dans la concorde.

Piste d’exploitation

Entre la démocratie et la paix, qu’est-ce qui est le plus important ? Laquelle des deux doit émerger en premier lieu pour permettre l’émergence de l’autre ?

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citations de Baruch Spinoza

La paix n’est pas l’absence de guerre, c’est une vertu, un état d’esprit, une volonté de bien-veillance, de confiance, de justice.

Traité de la réforme de l’entendementS’il faut appeler paix, l’esclavage, la barbarie ou l’isolement, il n’est rien pour les hommes de plus lamentable que la paix.

Traité théologico politiqueLa jouissance individuelle de la liberté de juger […] est en outre elle-même indispensable à la conservation de la paix.

Traité théologico politiqueS’il arrive souvent en effet, qu’on élise un roi à cause de la guerre, parce que les rois font la guerre avec beaucoup plus de bonheur, c’est là en réalité une sottise puisque, pour faire la guerre plus heureusement, on consent à la servitude dans la paix à supposer qu’on doive admettre que la paix règne dans un État où le souverain pouvoir a été confié à un seul à cause seulement de la guerre et parce que le chef montre principalement dans la guerre sa valeur et ce qu’il y a en lui qui profite à tous, tandis qu’au contraire, un État démocratique a cela surtout de remarquable que sa valeur est beaucoup plus grande en temps de paix qu’en temps de guerre.

Traité politique

Baruch Spinoza

Philosophe hollandais, né en 1632, mort en 1677.Juif d’origine portugaise, il a été confronté très tôt au rejet et à l’intolérance.Ses travaux sur la connaissance, l’éthique du bonheur et de la liberté (notamment d’opinion) ont eu une influence considérable sur un grand nombre de penseurs et de philosophes ultérieurs.Il prône la séparation des tâches dévolues à la religion et à l’État, et stipule que celle de la religion est de gouverner les âmes mais non les hommes, même si selon lui, Dieu est en toute chose et à l’origine de toute chose. L’obstination de la religion à faire croire que l’homme doit être soumis à sa volonté est une manipu-lation politique visant à asseoir et maintenir son pouvoir. La liberté de penser et de croire est selon lui le meilleur garant de la paix civile. Elle doit être protégée par l’État et la religion doit être soumise aux lois de la société.

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vOLTAIRE

Écrivain et philosophe français, né en 1674, mort en 1778.

Sa vie fut un combat contre le fanatisme et l’intolérance, et pour une justice et une vertu universelles.Ses idées ont inspiré en partie la Révolution fran-çaise de 1789 et ont été à la base d’évolutions très importantes de la société, par exemple en ce qui concerne la lutte contre l’arbitraire, l’obscuran-tisme, l’esclavage, et pour la liberté de pensée, la tolérance, la justice.Il a par exemple engagé son honneur et sa réputation dans plusieurs affaires judiciaires où les droits des condamnés avaient été bafoués ou ignorés.

Partant du principe que l’homme est raisonnable et sait donc ce qui est bon pour lui, Voltaire affirmait que si l’homme avait la possibilité de prendre en main sa destinée, on aboutirait à une société harmonieuse, juste et équitable.

Piste d’exploitation

Qu’est-ce qui est plus important que la paix ? Pourquoi perd-on son temps à parler de tant d’autres choses alors qu’il y a tant à dire sur ce thème ?

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Misérables médecins des âmes (�764)

[…] Misérables médecins des âmes, vous criez pendant cinq quarts d’heure sur quel-ques misérables piqûres d’épingle, et vous ne dites rien sur la maladie qui nous déchire en mille morceaux ! Philosophes moralistes, brûlez tous vos livres. Tant que le caprice de quelques hommes fera loyalement égorger des milliers de nos frères, la partie du genre humain consacrée à l’héroïsme sera ce qu’il y a de plus affreux dans la nature entière.

Que deviennent et que m’importent l’hu-manité, la bienfaisance, la modestie, la tempérance, la douceur, la sagesse, la piété, tandis qu’une demi-livre de plomb tirée à six cents pas me fracasse le corps, et que je meurs à vingt ans dans des tour-ments inexprimables, au milieu de cinq ou six mille mourants, tandis que mes yeux, qui s’ouvrent pour la dernière fois, voient la ville où je suis né détruite par le fer et la flamme, et que les derniers cris qu’entendent mes oreilles sont les cris des femmes et des enfants expirant sous les ruines, le tout pour les prétendus intérêts d’un homme que nous ne connaissons pas ?

citation de voltaire

Les hommes sont des insectes se dévorant les uns les autres sur un petit atome de boue.

Extrait de « Zadig ou la destinée»

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JEAN-JAcquES ROuSSEAu

Philosophe et écrivain suisse, né en 1712, mort en 1778

Selon ses propres termes, il a consacré sa vie à la vérité. Ses travaux sur l’homme et la société ont exercé une grande influence sur l’esprit révolutionnaire français.Selon lui, l’homme est naturellement et instinctivement bon, il porte en lui et trouve autour de lui ce dont il a besoin. Il n’éprouve donc pas le désir d’entrer en relation, ni donc en compétition, avec d’autres.

Mais l’homme possède aussi naturellement la raison, qui lui permet d’être capa-ble de vivre avec les autres hommes. Cette vie en société éveillera notamment en lui la haine, fruit de la jalousie, née elle-même du désir de séduire et de plaire. C’est donc la société qui peut rendre l’homme mauvais.

Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes

L’homme sauvage, quand il a dîné, est en paix avec toute la nature, et l’ami de tous ses semblables. S’agit-il quelquefois de disputer son repas ? Il n’en vient jamais aux coups sans avoir auparavant comparé la difficulté de vaincre avec celle de trouver ailleurs sa subsistance et comme l’orgueil ne se mêle pas du combat, il se termine par quelques coups de poing. Le vainqueur mange, le vaincu va chercher fortune, et tout est pacifié, mais chez l’homme en société, ce sont bien d’autres affaires ; il s’agit premièrement de pourvoir au nécessaire, et puis au superflu ; ensuite viennent les délices, et puis les immenses richesses, et puis des sujets, et puis des esclaves ; il n’a pas un moment de relâche ; ce qu’il y a de plus singulier, c’est que moins les besoins sont naturels et pressants, plus les passions augmentent, et, qui pis est, le pouvoir de les satisfaire ; de sorte qu’après de longues prospérités, après avoir englouti bien des trésors et désolé bien des hommes, mon héros finira par tout égorger jusqu’à ce qu’il soit l’unique maître de l’univers. Tel est en abrégé le tableau moral, sinon de la vie humaine, au moins des prétentions secrètes du cœur de tout homme civilisé.

Piste d’exploitation

Selon Rousseau, plus l’homme est « civilisé » et plus ses besoins sont satisfaits, plus il désire passionnément d’autres choses et s’éloigne donc de la paix. Quelle pourrait donc être la satisfaction suprême, permettant d’atteindre enfin la paix ?

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EMMANuEL KANT

Philosophe allemand né en 1724, mort en 1804.Ses travaux ont porté principalement sur la dimen-sion du savoir, de la morale et du devoir, de l’esthé-tique. Il a incontestablement été un des fondateurs de la philosophie moderne et a profondément influencé le cadre de la pensée contemporaine.

Doctrine du Droit (Méta-physique des mœurs)

La raison [...] énonce en nous son veto irrésistible : Il ne doit y avoir aucune guerre ; ni celle entre toi et moi dans l’état de nature, ni celle entre nous en tant qu’États, qui bien qu’ils se trouvent intérieurement dans un état légal, sont cependant extérieurement (dans leur rapport réciproque) dans un état dépourvu de lois — car ce n’est pas ainsi que chacun doit chercher son droit. Aussi la question n’est plus de savoir si la paix perpétuelle est quelque chose de réel ou si ce n’est qu’une chimère et si nous ne nous trompons pas dans notre jugement théori-que, quand nous admettons le premier cas, mais nous devons agir comme si la chose qui peut-être ne sera pas devait être, et en vue de sa fondation établir la constitution [...] qui nous semble la plus capable d’y mener et de mettre fin à la conduite de la guerre dépourvue de salut vers laquelle tous les États sans exception ont jusqu’à maintenant dirigé leurs préparatifs intérieurs, comme vers leur fin suprême. Et si notre fin, en ce qui concerne sa réalisation, demeure toujours un vœu pieux, nous ne nous trompons certainement pas en admettant la maxime d’y travailler sans relâche, puis-qu’elle est un devoir.

citation d’Emmanuel Kant

Au degré de culture auquel est parvenu le genre humain, la guerre est un moyen indispensable pour la perfectionner encore ; et ce n’est qu’après l’achèvement (Dieu sait quand) de cette culture qu’une paix éter-nelle nous serait salutaire et deviendrait de ce fait possible.

Pistes d’exploitation

Selon Kant, la paix perpétuelle est inaccessible, mais il est tout de même de notre devoir d’y travailler. Est-ce utile de vouloir construire quelque chose qui n’aboutira jamais ?

D’après la citation, notre société se dirige inéluctablement vers la guerre. Serait-il possible de faire marche arrière, voire même de repartir sur d’autres bases de culture ?

Si la guerre est un passage obligé pour arriver à un état ultérieur, devons-nous viser cet état ultérieur ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Le prix à payer n’est-il pas trop élevé ?

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Ô Paix ruisselante de trésors intarissables ! Ô mes bœufs, attelage bien-aimé ! Oh, s’il m’était donné — morte la guerre ! — de pouvoir labourer et sarcler et tailler mes vignes, et après un bon bain, lamper le vin nouveau en me régalant de pain de ménage et de choux gras !

Aristophane, « La Paix » (poète grec, Ve s. avant JC)

Il faut que la guerre soit entreprise en telle manière qu’il semble qu’on ne désire rien d’autre que la paix.

Cicéron, « De Officiis » (auteur et homme d’État romain, 106-43 avant JC)

Si tu veux la paix, prépare la guerre.Adage romain

Le conquérant provoque la haine et le perdant reste allongé dans sa misère. Celui qui renonce aussi bien à la défaite qu’à la victoire est heureux et paisible.

Bouddha, Dhammapada 201

Sans doute, l’égalité des biens est juste ; mais, ne pouvant faire qu’il soit force d’obéir à la justice, on a fait qu’il soit juste d’obéir à la force ; ne pouvant fortifier la justice, on a justifié la force, afin que le juste et le fort fussent ensemble, et que la paix fût, qui est le souverain bien.

Blaise Pascal (1623-1662, mathématicien, physicien, théologien, philosophe et moraliste français)

La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique.Il faut donc mettre ensemble la justice et la force; et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste.

Blaise Pascal, « Pensées », 298

Ils savent que la véritable paix est celle qui conserve la vérité en la possession de la croyance des hommes et que la fausse paix est celle qui conserve l’erreur en possession de la crédulité des hommes, ils savent que la véritable paix est inséparable de la vérité

Blaise Pascal

Seigneur, fais de moi un artisan de paix, là où se trouve la haine, que je mette l’amour, là où se trouve l’offense, que je mette le pardon.

Saint François d’Assise (1182-1226, religieux catholique italien, fondateur de l’ordre monastique franciscain)

Dieu de paix ! que de sang a coulé sous ton nom!Louis Racine, « La Religion » (1742)

Une guerre est juste quand elle est nécessaire.Nicolas Machiavel (1469-1527, penseur politique italien)

cITATIONS DE L’ANTIquITé à LA RévOLuTION fRANçAISE

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�5 LE �9e

SIècLE

�6 Victor Hugo�8 Arthur Schopenhauer�9 Friedrich Wilhelm Nietzsche�0 Alphonse de Lamartine�� Arthur Rimbaud�� Walt Whitman�3 L’Internationale�4 Abraham Lincoln�5 Jean Jaurès�6 Citations du 19e siècle

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vIcTOR huGO

Écrivain, poète et homme politique français né en 1802, mort en 1885.

Il commença à écrire très jeune et recueillit ses premiers succès littéraires dès l’âge de quinze ans. Il s’inscrivit dans le courant romantique de l’époque et en devint d’ailleurs rapidement une des figures de proue. Il entra à l’Académie française à 39 ans.Il s’engagea ensuite en politique et devint député en 1848, une fois la république réinstallée.Il vivait ses convictions avec énormément d’ardeur, c’est ainsi qu’on le vit prêcher la liberté de la presse, le suffrage universel, l’enseignement laïque, la lutte contre le travail des enfants, l’amélioration de la condition de la femme, la paix universelle, la fin de la ségrégation sociale, etc. Il n’avait pas peur d’affronter la polémique. Ses prises de position

tranchées et parfois contradictoires en apparence ont souvent eu un grand retentissement mais il dut plusieurs fois en subir les conséquences. Ainsi, en 1851, il critiqua fortement Louis Napoléon, président de la République depuis 1848, qui s’était fait nommer empereur et devint Napoléon III. Il fut contraint à l’exil, d’abord à Bruxelles, puis sur deux îles de la Manche, entre la France et l’Angleterre.Durant cette période, il continua à écrire et à dénoncer la politique de Napoléon III. Il refusa les offres d’amnistie et ne rentra en France qu’en 1870, après la chute de l’empereur lors de la guerre entre la France et la Prusse.Il fut à nouveau élu sénateur et poursuivit son œuvre littéraire presque jusqu’à sa mort

Bêtise de la guerre(L’année terrible, �87�)

Ouvrière sans yeux, Pénélope imbécile,Berceuse du chaos où le néant oscille,Guerre, ô guerre occupée au choc des

[escadrons,Toute pleine du bruit furieux des clairons,Ô buveuse de sang, qui, farouche, flétrie,Hideuse, entraîne l’homme en cette

[ivrognerie,Nuée où le destin se déforme, où Dieu fuit,Où flotte une clarté plus noire que la nuit,Folle immense, de vent et de foudres armée,À quoi sers-tu, géante, à quoi sers-tu,

[fumée,Si tes écroulements reconstruisent le mal,Si pour le bestial tu chasses l’animal,Si tu ne sais, dans l’ombre où ton hasard se

[vautre,Défaire un empereur que pour en faire un

[autre ?

Pistes d’exploitation

Selon Hugo, la guerre ne sert à rien. Com-ment expliquer dès lors qu’elle soit omni-présente depuis le début de l’humanité ?

A contrario, quelle peut être l’utilité de la paix ?

Si vous deviez écrire un poème semblable à celui-ci mais qui aurait la paix pour thème, à quoi ressemblerait-il ?

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Juillet, III, L’avenir(L’année terrible, �87�)

Un jour, moi qui ne crains l’approche d’aucun spectre,J’allai voir le lion de Waterloo. Je vinsJusqu’à la sombre plaine à travers les ravins ;C’était l’heure où le jour chasse le crépuscule ;J’arrivai ; je marchai droit au noir monticule.Indigné, j’y montai ; car la gloire du sang,Du glaive et de la mort me laisse frémissant.Le lion se dressait sur la plaine muette ;Je regardais d’en bas sa haute silhouette ;Son immobilité défiait l’infini ;On sentait que ce fauve, au fond des cieux banni,Relégué dans l’azur, fier de sa solitude,Portait un souvenir affreux sans lassitude ;Farouche, il était là, ce témoin de l’affront.Je montais, et son ombre augmentait sur mon front.Et tout en gravissant vers l’âpre plate-forme,Je disais : Il attend que la terre s’endorme ;Mais il est implacable ; et, la nuit, par momentCe bronze doit jeter un sourd rugissement ;Et les hommes, fuyant ce champ visionnaire,Doutent si c’est le monstre ou si c’est le tonnerre.J’arrivai jusqu’à lui, pas à pas m’approchant...

J’attendais une foudre et j’entendis un chant.

Une humble voix sortait de cette bouche énorme.Dans cette espèce d’antre effroyable et difformeUn rouge-gorge était venu faire son nid ;Le doux passant ailé que le printemps bénit,Sans peur de la mâchoire affreusement levée,Entre ces dents d’airain avait mis sa couvée ;Et l’oiseau gazouillait dans le lion pensif.Le mont tragique était debout comme un récifDans la plaine jadis de tant de sang vermeille ;Et comme je songeais, pâle et prêtant l’oreille,Je sentis un esprit profond me visiter,Et, peuples, je compris que j’entendais chanterL’espoir dans ce qui fut le désespoir naguère,Et la paix dans la gueule horrible de la guerre.

Pistes d’exploitation

La paix peut parfois surgir là et quand on l’attend le moins. Existe-t-il des signes qui, comme le rouge-gorge dans la gueule du lion de bronze, laissent entrevoir la paix au milieu du tumulte de la guerre ?

Le rouge-gorge ne peut pas jeter bas le lion de bronze. Mais le lion de bronze ne peut rien contre le rouge-gorge. Pensez-vous que les relations entre la paix et la guerre soient pareilles à ce qu’illustre cette métaphore : une impuissance réciproque ?

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vIcTOR huGO

Écrivain, poète et homme politique français né en 1802, mort en 1885.

Il commença à écrire très jeune et recueillit ses premiers succès littéraires dès l’âge de quinze ans. Il s’inscrivit dans le courant romantique de l’époque et en devint d’ailleurs rapidement une des figures de proue. Il entra à l’Académie française à 39 ans.Il s’engagea ensuite en politique et devint député en 1848, une fois la république réinstallée.Il vivait ses convictions avec énormément d’ardeur, c’est ainsi qu’on le vit prêcher la liberté de la presse, le suffrage universel, l’enseignement laïque, la lutte contre le travail des enfants, l’amélioration de la condition de la femme, la paix universelle, la fin de la ségrégation sociale, etc. Il n’avait pas peur d’affronter la polémique. Ses prises de position

tranchées et parfois contradictoires en apparence ont souvent eu un grand retentissement mais il dut plusieurs fois en subir les conséquences. Ainsi, en 1851, il critiqua fortement Louis Napoléon, président de la République depuis 1848, qui s’était fait nommer empereur et devint Napoléon III. Il fut contraint à l’exil, d’abord à Bruxelles, puis sur deux îles de la Manche, entre la France et l’Angleterre.Durant cette période, il continua à écrire et à dénoncer la politique de Napoléon III. Il refusa les offres d’amnistie et ne rentra en France qu’en 1870, après la chute de l’empereur lors de la guerre entre la France et la Prusse.Il fut à nouveau élu sénateur et poursuivit son œuvre littéraire presque jusqu’à sa mort

Un jour viendra où les armes vous tom-beront des mains, à vous aussi ! Un jour viendra où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Pétersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu’elle serait impossible et qu’elle paraîtrait absurde aujourd’hui entre Rouen et Amiens, entre Boston et Phila-delphie. Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités dis-tinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument comme la Nor-mandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lor-raine, l’Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France. Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux idées. – Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d’un grand sénat souverain qui sera à l’Europe ce que le parlement est à l’Angleterre, ce que la Diète est à l’Allemagne, ce que l’Assemblée législative est à la France ! (Applaudissements.) Un jour viendra où l’on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd’hui un instru-ment de torture, en s’étonnant que cela ait pu être ! (Rires et bravos.) Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses,

les États-Unis d’Amérique, les États-Unis d’Europe (Applaudissements), placés en face l’un de l’autre, se tendant la main par dessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies, défrichant le globe, colonisant les déserts, améliorant la création sous le regard du Créateur, et combinant ensemble, pour en tirer le bien-être de tous, ces deux forces infinies, la fraternité des hommes et la puissance de Dieu ! (Longs applaudisse-ments.)

Et ce jour-là, il ne faudra pas quatre cents ans pour l’amener, car nous vivons dans un temps rapide, nous vivons dans le courant d’événements et d’idées le plus impétueux qui ait encore entraîné les peuples, et, à l’époque où nous sommes, une année fait parfois l’ouvrage d’un siècle.

Et Français, Anglais, Belges, Allemands, Russes, Slaves, Européens, Américains, qu’avons-nous à faire pour arriver le plus tôt possible à ce grand jour ? Nous aimer. (Immenses applaudissements.)

Discours d’ouverture du congrès de la Paix(�� août �849)

Pistes d’exploitation

Plus d’un siècle et demi après son discours, peut-on dire que Victor Hugo avait raison ? En quoi le rêve de Victor Hugo est-il devenu réalité ? En quoi reste-t-il du chemin à parcourir ?

Peut-on dire que l’idée actuelle d’Europe est basée sur l’amour comme le préconisait Victor Hugo ? Pourquoi ?

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�8 L’État, ce chef-d’œuvre de l’égoïsme intelligent et raisonné, ce total de tous les égoïsmes individuels, a remis les droits de chacun aux mains d’un pouvoir infiniment supérieur au pouvoir de l’individu, et qui le force à respecter le droit des autres. C’est ainsi que sont rejetés dans l’ombre l’égoïsme démesuré de presque tous, la méchanceté de beaucoup, la férocité de quelques-uns : la contrainte les tient enchaînés, il en résulte une apparence trompeuse. Mais que le pouvoir protecteur de l’État se trouve, comme il arrive parfois, éludé ou paralysé, on voit éclater au grand jour les appétits insatiables, la sordide avarice, la fausseté secrète, la méchanceté, la perfidie des hommes, et alors nous recu-lons, nous jetons les hauts cris, comme si nous nous heurtions à un monstre encore inconnu ; pourtant, sans la contrainte des lois, sans le besoin que l’on a de l’honneur et de la considération, toutes ces passions triompheraient chaque jour.

Il faut lire les causes célèbres, l’histoire des temps d’anarchie pour savoir ce qu’il y a au fond de l’homme, ce que vaut sa moralité ! Ces milliers d’êtres qui sont là sous nos yeux, s’obligeant mutuellement à respecter la paix, au fond ce sont autant de tigres et de loups, qu’une forte muselière empêche seule de mordre. Supposez la force publique supprimée, la muselière enlevée, vous reculeriez d’effroi devant le spectacle qui s’offrirait à vos yeux, et que chacun imagine aisément ; n’est-ce pas avouer combien vous faites peu de fond sur la religion, la conscience, la morale natu-relle, quel qu’en soit le fondement ? C’est alors cependant qu’en face des sentiments égoïstes, antimoraux, livrés à eux-mêmes, on verrait aussi le véritable instinct moral dans l’homme se révéler, déployer sa puissance, et montrer ce qu’il peut faire ; et l’on verrait qu’il y a autant de variété dans les caractères moraux qu’il y a de variétés d’intelligence, ce qui n’est pas peu dire.

Philosophe allemand, né en 1788, mort en 1860.

Son père, commerçant, lui inculqua dès le plus jeune âge une solide formation commerciale, l’obli-geant entre autres à voyager pour apprendre plu-sieurs langues et se créer un réseau de relations. Devenu employé de son père, Schopenhauer se détourna toutefois de ce métier à la mort de celui-ci et embrassa la carrière littéraire, rencontrant notamment Goethe.Il reprit des études littéraires et philosophiques puis devint professeur de philosophie à l’Université de Berlin, puis Francfort et Mannheim.Sa philosophie est enrichie des apports de Platon, de Kant et des écrits bouddhistes et hindouistes. Elle a eu une influence importante sur de nombreux auteurs littéraires et philosophes ultérieurs.

ARThuR SchOPENhAuER

Pistes d’exploitation

Pensez-vous que l’État soit seul garant du maintien de la paix ?

Si on supprimait l’État et les règles de vie en société, pensez-vous que ce serait le côté bestial ou le côté moral de l’humanité qui prédominerait ?

Pensez-vous que vous respectez les règles morales pour éviter les sanctions ou les consé-quences, par conditionnement ou par authentique conviction ?

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Se rendre inoffensif tandis qu’on est le plus redoutable, guidé par l’élévation du sentiment, c’est là le moyen pour arriver à la paix véritable qui doit toujours reposer sur une disposition d’esprit paisible, tandis que ce que l’on appelle la paix armée, telle qu’elle est pratiquée maintenant dans tous les pays, répond à un sentiment de discorde, à un manque de confiance en soi et le voisin, et empêche de déposer les armes soit par haine, soit par crainte. Plutôt périr que de haïr et de craindre, et plutôt périr deux fois que de se laisser haïr et craindre.

Le voyageur et son ombre (1880)

C’est votre ennemi que vous devez chercher, c’est votre guerre que vous devez faire, et pour vos pensées ! Et si votre pensée succombe, alors votre probité doit néanmoins chanter son triomphe !Vous, je ne vous conseille pas le travail mais la lutte. Vous, je ne vous conseille pas la paix mais la victoire. Que votre travail soit un combat, que votre paix soit une victoire !L’homme doit être éduqué pour la guerre, la femme pour le repos du guerrier; tout le reste est sottises !Je préfère encore le vacarme et le tonnerre et les intempéries que ce calme de chat prudent et circonspect; et parmi les humains aussi, ceux que je hais le plus ce sont tous ceux qui vont à pas de loup, ces demi-douteurs et demi-hésitants, ces nuages qui passent. Et celui qui ne peut plus bénir, celui-là doit apprendre à maudire !

Ainsi parlait Zarathoustra (1883-1885)

Nous qui avons ouvert notre esprit à la question de savoir ou et comment la plante « homme » s’est développée le plus vigoureusement jusqu’ici [...], nous pensons que la dureté, la violence, l’esclavage, le péril dans l’âme et dans la rue, que la dissimulation, le stoïcisme, les artifices et les diableries de toutes sortes, que tout ce qui est mauvais, terrible, tyrannique, tout ce qui tient de la bête de proie et du serpent sert tout aussi bien à l’élévation du type homme qu’à son contraire.

Par delà le Bien et le Mal (1886)

Philosophe allemand né en 1844, mort en 1900.

fRIEDRIch WILhELM NIETzSchE

Il a eu une influence prépondérante sur la construc-tion de la pensée actuelle.Il a publié plusieurs critiques de la religion, la mora-lité, la culture, l’art et la philosophie. Sa pensée a bouleversé fondamentalement les notions d’huma-nité, de bien et de mal. Il a développé une forme de nihilisme : « ce qu’il y a de pathétique dans le nihilisme, c’est de savoir que tout est vain », dira-t-il.

Pistes d’exploitation

Selon Nietzsche, si on est incapable de faire la paix, alors autant faire la guerre. Pensez-vous que l’un puisse être une solution de substitution à l’autre ?

Comment expliquer que les choses de la guerre puissent à la fois élever et abaisser l’homme ? Donnez des exemples de l’un et l’autre cas.

Est-il possible selon vous qu’une paix soit basée sur des idées comme celles qu’évoque l’auteur ? À quoi pourrait bien ressembler une telle paix ?

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�0 La Marseillaise de la paix (extrait) (�84�)

Et pourquoi nous haïr, et mettre entre les races

Ces bornes ou ces eaux qu’abhorre l’œil de Dieu ?

De frontière au ciel voyons-nous quelque trace ?

Sa voûte a-t-elle un mur, une borne, un milieu ?

Nations, mot pompeux pour dire barbarie,

L’amour s’arrête-il où s’arrêtent vos pas ?

Déchirez ces drapeaux ; une autre voix vous crie

« L’égoïsme et la haine ont seuls une patrie ;

La fraternité n’en a pas ! »

Poète, écrivain, historien et homme politique français, né en 1790 et mort en 1869.

Il fut diplomate puis député, d’abord conser-vateur puis évoluant vers la gauche au fil du temps. La révolution de 1848, qui rétablit la république, le voit à la tête des répu-blicains.Il se classe dans la famille des romantiques, par sa vision idéalisée de la nature et des émotions.

ALPhONSE DE LAMARTINE

Pistes d’exploitation

Qu’est-ce qui vous semble justifier un conflit armé ?

Qu’est-ce, à vos yeux, qu’une nation ? Comment ce sentiment d’appartenance à une nation se crée-t-il ? Quels sont les avantages et inconvénients du concept de nation ?

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ARThuR RIMBAuD

Poète français, né en 1854, mort en 1891.

Il fut atteint très jeune par le virus de la poésie et commença à écrire dès son enfance, ne quittant plus jamais cette voie dans laquelle il se montrait extrême-ment brillant.

Il était pris de l’obsession de marcher, voyager, et fit dès ses 16 ans plusieurs fugues à Paris, où il découvrit les plaisirs de la vie et se lia d’une passion violente avec Paul Verlaine. D’errances en ruptures parfois tragiques (Verlaine lui tira dessus à Bruxelles en 1873), il finit par partir à l’aventure « pour tromper son ennui » sur les routes d’Europe puis, engagé sur un coup de tête dans les forces coloniales hollandaises, d’Asie, du Moyen-Orient et d’Afrique. Il devint gérant d’un petit comptoir commercial en Abyssinie en 1880, se mêlant aussi de contrebande et de trafic d’armes.Il rentra en France pour se faire opérer d’une tumeur cancéreuse au genou, mais il était trop tard, le cancer avait gagné le reste du corps et il mourut de métastases quelques mois plus tard.

Par son écriture nouvelle, il occupe une place à part dans la poésie. Ses déchi-rures et ses souffrances imprègnent toute son œuvre, en même temps qu’une liberté de pensée et d’écriture proprement époustouflantes et totalement inédites à l’époque. Il fit sauter sans hésitation toutes les convenances bourgeoises de l’époque et n’hésita pas à crier sa haine de tout le pouvoir établi. Il a sans conteste exercé une influence importante sur énormément d’auteurs ultérieurs. Encore aujourd’hui, il possède une image de visionnaire dont beaucoup se réclament toujours.

Le dormeur du val (�870)

C’est un trou de verdure où chante une rivière,Accrochant follement aux herbes des haillonsD’argent ; où le soleil, de la montagne fière,Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant commeSourirait un enfant malade, il fait un somme :Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Pistes d’exploitation

Quelle cause mérite la mort d’un homme, surtout s’il n’a pas choisi de mourir ?

Rimbaud décrit tout d’abord le mort comme un dormeur paisible, à qui rien ne serait arrivé. En sortant du contexte précis de ce poème, pensez-vous que la paix arrivant après la guerre en efface les douleurs ?

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WALT WhITMAN

Poète américain né en 1819 et mort en 1891.Il fut un partisan de la guerre contre le Mexique en 1846-1848, qui opposa les deux pays au sujet du Texas, de la Californie et de l’Arizona, territoires mexi-cains mais convoités par les États-Unis.Dans la quasi-totalité de son œuvre, par contre, le thème de l’amour et de sa force de rédemption est présent d’une manière ou d’une autre. Il fut un des créateurs du style américain en poésie. Son ton est réaliste et exprime des émotions fortes et sincères.

Seul, en ce moment, inquiet de tendresse et songeur,Il me semble qu’il y a d’autres hommes dans d’autres contréesinquiets de tendresse et songeurs.Il me semble que je puis jeter un coup d’œil et les voiren Allemagne, en Italie, France, Espagne,Ou là-bas, très loin, en Chine ou en Russie, ou au Japon,Parlant d’autres dialectes.Et il me semble que si je pouvais connaître ces hommes-làJe m’attacherais à eux, comme je m’attache aux hommes de mon pays.Oh ! Je sais que nous serions frères et amis.Je sais que je serais heureux avec eux.

Piste d’exploitation

Qu’est-ce qui constitue, finalement, le sentiment d’être proche de quelqu’un, d’être de « la même famille », d’appartenir à la même communauté ?

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L’INTERNATIONALE (�87� ou �887)Paroles : Eugène Pottier

D’abord répandue dans le Nord, où se trouvaient de nombreuses industries employant dans des conditions très difficiles des centaines de milliers de personnes, l’Inter-nationale a été traduite en de très nombreuses langues et est aujourd’hui encore un des symboles principaux de la lutte des travailleurs contre les détenteurs du capital.

C’est la lutte finale :Groupons-nous, et demain,L’InternationaleSera le genre humain.

Debout ! l’âme du prolétaire !Travailleurs groupons-nous enfin.Debout ! les damnés de la terre !Debout ! les forçats de la faim !Pour vaincre la misère et l’ombre.Foule esclave, debout ! Debout !C’est nous le droit, c’est nous le nombreNous qui n’étions rien, soyons tout.

Il n’est pas de sauveurs suprêmes :Ni Dieu, ni César, ni tribun,Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes !Travaillons au Salut commun.Pour que le voleur rende gorge,Pour tirer l’esprit du cachot,Allumons notre grande forge,Battons le fer quand il est chaud !

Les rois nous soûlaient de fumées,Paix entre nous, guerre aux tyrans !Appliquons la grève aux armées,Crosse en l’air et rompons les rangs !Bandit, prince, exploiteur ou prêtreQui vit de l’homme est criminel ;Notre ennemi c’est notre maîtreVoilà le mot d’ordre éternel.

[…]

Pistes d’exploitation

La révolution violente est-elle une solution acceptable pour obtenir des droits ?

Est-il possible d’obtenir à la fois la paix et la vengeance ?

Une réaction violente contre des gens qui réclament des droits est-elle acceptable ?

Une paix obtenue par la violence est-elle une vraie paix ?

Peut-on parler de paix lorsqu’une partie d’une population voit ses droits ignorés ?

Entre « la dictature du prolétariat » et la dictature de l’argent, un modèle de société est-il plus propice à la paix ?

Faut-il tout renverser et repartir à zéro pour obtenir un monde meilleur ?

Le texte indique « c’est nous le droit, c’est nous le nombre ». Est-ce un synonyme ? Dans quelle mesure le nombre a-t-il toujours le droit pour lui ?

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Il fut l’artisan principal de l’abolition de l’esclavage aux USA, qui fut une des causes de la Guerre de Sécession. En effet, la plupart des États du Sud étaient opposés à l’abolition de l’esclavage, qui figurait au programme de Lincoln en tant que candidat à la présidence. Lorsque celui-ci fut élu en 1860, 11 États du Sud (Confédérés) se séparèrent des autres (Union), créant une très grande tension entre les deux camps. La guerre éclata en 1861, elle dura quatre ans et fut le conflit le plus meurtrier des États-Unis, encore à l’heure actuelle (620.000 morts militaires et des dizaines de milliers de civils). Elle se solda par la victoire de l’Union sur la Confédération le 9 avril 1865 et la fin officielle de l’esclavage aux États-Unis.

ABRAhAM LINcOLN

Homme d’État améri-cain, né en 1809, mort assassiné en 1865. Deux fois président des États-Unis, en 1860 et 1864.

Discours de Gettysburg(�9 novembre �863)

Nous sommes réunis sur un des grands champs de bataille de cette guerre.Nous sommes venus pour faire d’une partie de ce champ un lieu sacré, où pourront jouir de leur dernier repos ceux qui ont donné leur vie pour que cette nation puisse vivre.Il était à la fois opportun et approprié que nous agissions ainsi.Mais, en toute vérité, il ne nous est possible ni de dédier, ni de consacrer, ni de bénir cette terre.Les braves, morts ou vivants, qui se sont battus en ce lieu l’ont consacré bien au-delà de nos pauvres moyens d’ajouter à leur œuvre ou de la décrier. Le monde aura à peine remar-qué les propos que nous tenons en ce lieu et il n’en conservera qu’un souvenir éphémère, mais il n’oubliera jamais ce qu’ils y ont fait.C’est plutôt nous les vivants qui devons nous consacrer à la tâche inachevée, mais si noblement conduite à son apogée par ceux qui se sont battus ici. C’est plutôt à nous qu’il appartient de nous consacrer au grand défi qui nous attend. Puissent ces morts à qui nous rendons hommage accroître notre attachement à la cause qui fut l’objet de leur ultime et complet dévouement.Puissions-nous, par notre détermination, faire en sorte que ces morts ne soient pas morts en vain, que cette nation, à l’ombre de Dieu, puisse renaître dans la liberté. Et que le gou-vernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ne disparaisse pas de la surface de la terre.

La bataille de Gettysburg (du 1 au 3 juillet 1863) fut un tournant dans la Guerre de Sécession. Ce fut la première victoire importante des armées de l’Union et la première d’une longue série de défaites des Confédérés, menant à leur perte.Elle est considérée aujourd’hui comme un événement marquant de l’histoire des États-Unis, entre autres grâce au discours que Lincoln y a prononcé quelques mois après la bataille.

Pistes d’exploitation

Que pourraient bien penser les morts des louanges qu’on prononce a posteriori ?

Pensez-vous qu’au moment de mourir ils donnaient une raison à leur sacrifice ?

Préféreriez-vous mourir pour qu’une cause triomphe ou vivre alors que cette cause perd la partie ?

Dans quelle mesure vous sentez-vous une dette à l’égard des soldats qui sont morts sur les champs de bataille, par exemple des Première et Deuxième Guerres mondiales ?

Est-ce parce que des gens se sont battus et sont morts pour la Belgique et/ou pour la démocratie que la Belgique et/ou la démocratie doivent être vénérées ?

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Il a été maire puis député.Jean Jaurès était socialiste, très engagé dans la défense des ouvriers et la lutte contre le capita-lisme et le colonialisme. Il prit position très tôt pour une politique non-violente et devint un pacifiste convaincu, dès la fin du 19e siècle. Il pensait que les guerres étaient le résultat du choc des intérêts des riches et des puissants et que les ouvriers, n’ayant rien à voir avec cela, devaient tout faire pour s’y opposer.Son opposition à la guerre conduira à son assassi-nat le 31 juillet 1914, quelques heures à peine après que l’Allemagne eut posé à la France un ultimatum qui allait mener à la déclaration de guerre le 3 août. Son assassin était un jeune nationaliste français convaincu qu’en l’empêchant d’entrer en guerre, Jaurès voulait livrer la France aux Allemands.

Homme politique fran-çais, né en 1859 et mort assassiné en 1914.

JEAN JAuRèS

n C’est donc d’un esprit libre aussi, que vous accueillerez cette autre grande nou-veauté qui s’annonce par des symptômes multipliés : la paix durable entre les nations, la paix définitive. Il ne s’agit point de dés-honorer la guerre dans le passé. Elle a été une partie de la grande action humaine, et l’homme l’a ennoblie par la pensée et le courage, par l’héroïsme exalté, par le magnanime mépris de la mort. Elle a été sans doute et longtemps, dans le chaos de l’humanité désordonnée et saturée d’ins-tincts brutaux, le seul moyen de résoudre les conflits; elle a été aussi la dure force qui, en mettant aux prises les tribus, les peu-ples, les races, a mêlé les éléments humains et préparé les groupements vastes. Mais un jour vient, et tout nous signifie qu’il est proche, où l’humanité est assez organisée, assez maîtresse d’elle-même pour pouvoir résoudre par la raison, la négociation et le droit les conflits de ses groupements et de ses forces. Et la guerre, détestable et grande tant qu’elle était nécessaire, est atroce et scélérate quand elle commence à paraître inutile. Je ne vous propose pas un rêve idyllique et vain. Trop longtemps les idées de paix et d’unité humaines n’ont été qu’une haute clarté illusoire qui éclairait ironiquement les tueries continuées. […] Depuis vingt siècles, et de période en période, toutes les fois qu’une étoile d’unité et de paix s’est levée sur les hommes, la terre déchirée et sombre a répondu par des clameurs de guerre.

n Quoi donc ? La paix nous fuira-t-elle toujours ? […] Non ! Non ! Et malgré les conseils de prudence que nous donnent ces grandioses déceptions, j’ose dire, avec des millions d’hommes, que maintenant la grande paix humaine est possible, et si nous le voulons, elle est prochaine. Des forces neuves travaillent : la démocratie, la science méthodique, l’universel prolétariat solidaire. La guerre devient plus difficile, parce qu’avec les gouvernements libres des démocraties modernes, elle devient à la fois le péril de tous par le service universel, le crime de tous par le suffrage universel. La guerre devient plus difficile parce que la science enveloppe tous les peuples dans un réseau multiplié, dans un tissu plus serré tous les jours de relations, d’échanges, de conventions; et si le premier effet des découvertes qui abolissent les distances est parfois d’aggraver les froissements, elles créent à la longue une solidarité, une familiarité humaine qui font de la guerre un attentat monstrueux et une sorte de suicide collectif.

Ce discours fut prononcé par Jaurès, alors vice-président de la Chambre des députés, à la distri-bution des prix du lycée d’Albi, en 1903.

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Extraits du Discours à la Jeunesse, �903

AvERTISSEMENT

Ce texte est long, probablement trop long pour amorcer une réflexion. C’est qu’il aborde – dans un style certes peu éco-nome en mots – un nombre considérable d’éléments suscep-tibles d’amorcer une discussion. Il est possible de procéder aisément à une sélec-tion d’un ou plusieurs paragraphes

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n Je sais combien sont nombreux encore aux jointures des nations les points malades d’où peut naître soudain une passagère inflammation générale. Mais je sais aussi qu’il y a vers la paix des tendances si fortes, si profondes, si essentielles, qu’il dépend de vous, par une volonté consciente délibérée, infatigable, de systématiser ces tendances et de réaliser enfin le paradoxe de la grande paix humaine, comme vos pères ont réalisé le paradoxe de la grande liberté républi-caine. Œuvre difficile, mais non plus œuvre impossible. Apaisement des préjugés et des haines, alliances et fédérations toujours plus vastes, conventions internationales d’ordre économique et social, arbitrage internatio-nal et désarmement simultané, union des hommes dans le travail et dans la lumière: ce sera, jeunes gens, le plus haut effort et la plus haute gloire de la génération qui se lève.

n Même l’accord des nations dans la paix définitive n’effacera pas les patries, qui gar-deront leur profonde originalité historique, leur fonction propre dans l’œuvre commune de l’humanité réconciliée. Et si nous ne voulons pas attendre, pour fermer le livre de la guerre, que la force ait redressé toutes les iniquités commises par la force, si nous ne concevons pas les réparations comme des revanches, nous savons bien que l’Europe, pénétrée enfin de la vertu de la démocratie et de l’esprit de paix, saura trouver les formules de conciliation qui libéreront tous les vaincus des servitudes et des douleurs qui s’attachent à la conquête. Mais d’abord, mais avant tout, il faut rompre le cercle de fatalité, le cercle de fer, le cercle de haine où les revendications mêmes justes provoquent des représailles qui se flattent de l’être, où la guerre tourne après la guerre en un mou-vement sans issue et sans fin où le droit et la violence, sous la même livrée sanglante, ne se discerneront presque plus l’un de l’autre, et où l’humanité déchirée pleure de

la victoire de la justice presque autant que sa défaite. Surtout, qu’on ne nous accuse point d’abaisser, ou d’énerver les courages. L’humanité est maudite, si pour faire preuve de courage elle est condamnée à tuer éternellement. Le courage, aujourd’hui, ce n’est pas de maintenir sur le monde la nuée de la Guerre, nuée terrible mais dormante, dont on peut toujours se flatter qu’elle éclatera sur d’autres. Le courage, ce n’est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut résoudre; car le courage est l’exaltation de l’homme, et ceci en est l’abdication. (…) Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille; c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudisse-ments imbéciles et aux huées fanatiques.

Pistes d’exploitation

Exercice : imaginez que vous receviez une lettre que Jean Jaurès vous aurait personnellement envoyée et qu’elle contiendrait ce texte, que lui répondriez-vous ?

Ce discours de Jaurès est idéaliste. Pensez-vous que la paix soit accessible plutôt grâce à des idéalistes ou plutôt grâce à des gens pragmatiques ? Pourquoi ?

Qu’est-ce qui peut expliquer que la guerre, acceptable et même glo-rifiée autrefois, devienne un jour inacceptable et même méprisable ?

Le développement intellectuel et social allait rendre la guerre impos-sible. Pourtant, il semble qu’il y a aujourd’hui au moins autant de conflits armés qu’en 1903. Et l’on continue pourtant de dire que le développement est facteur de paix. Comment expliquer cette obsti-nation un peu envers et contre tout ?

Si la paix doit s’établir de manière naturelle et inexorable, du fait même de l’évolution de l’homme et de la société, pourquoi Jaurès dit-il qu’il faudra « rompre le cercle de la fatalité » et qu’il faudra pour cela faire preuve de courage ?

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Le peuple préfère habituellement la paix à la liberté.Louis Philippe de Ségur : pensées, maximes, réflexions extraites de ses ouvrages

Vous n’avez qu’un jour à passer sur terre ; faites en sorte de le passer en paix.

Félicité Robert de Lamennais (philosophe français, 1782-1854)

cITATIONS Du �9e SIècLE

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�7 DE �900

à �939

�8 Alain�9 Sigmund Freud30 Albert Einstein3� Mohandas Karamchand Ghandi33 Winston Churchill34 Berthold Brecht35 Louis-Ferdinand Céline36 Lucien Jacques37 Jean Giono

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ALAIN

Philosophe français né en 1868, mort en 1951. De son vrai nom Émile Chartier.

Professeur de philosophie et de littérature et chro-niqueur, il prit position avant la Première Guerre mondiale pour le pacifisme.Malgré cela, il s’engagea dans l’armée. Il fut sous-officier dans une unité au front mais refusa toutes les propositions de promotion. Il fut blessé en 1916, affecté dans une unité non combattante puis démobilisé en 1917.Ayant connu les horreurs de la guerre, il fonda immédiatement différents mouvements pacifistes et puis plus spécifiquement antifascistes.

Mars ou la guerre jugée (�936)

Chacun sent bien que la force ne peut rien contre le droit ; mais beaucoup sont disposés à reconnaître que la force peut quelque chose pour le droit [...]. Je suis bien loin de mépriser cet ordre ancien et vénérable que l’agent au carrefour représente si bien. Et je veux remar-quer d’abord ceci, c’est que l’autorité de l’agent est reconnue plutôt que subie. Je suis pressé ; le bâton levé produit en moi un mouvement d’impatience et même de colère ; mais enfin je veux cet ordre au carrefour et non pas une lutte de force entre les voitures ; et le bâton de l’agent me rappelle cette volonté mienne, que la passion allait me faire oublier. Ce que j’exprime en disant qu’il y a un ordre de droit entre l’agent et moi, entre les autres voya-geurs et moi ; ou bien, si l’on veut dire autrement, un état de paix véritable. Si cet ordre n’est point reconnu et voulu par moi, si je cède seulement à une force évidemment supérieure, il n’y a ni paix ni droit, mais seulement un vainqueur, qui est l’agent, et un vaincu, qui est moi.

citation d’Alain

Quand je vous dirais que j’aime la paix et que je hais la guerre, cela ne me distingue-rait pas assez de tous ces amis de la paix qui ont fait la guerre avec la pleine appro-bation d’eux-mêmes, bien mieux qui l’ont voulue, et qui se sont livrés naïvement aux passions. Ce qui me fait voir qu’ils aimaient la paix par passion aussi; et ne comptez pas plus sur une passion que sur le beau temps.

De quelques illusions des amis de la paix

Pistes d’exploitation

Est-il justifiable qu’une nécessité personnelle ou une passion encore supérieure à ma volonté me pousse à mettre celle-ci de côté et à faire passer mon objectif avant mon désir, pourtant sincère, de vivre en paix avec tous ?

Alain semble faire du droit un rempart contre l’usage de la force. Pourtant, une personne comme Hitler n’a-t-elle pas été élue ? Les exactions commises l’ont été légalement, c’est-à-dire en vertu de lois adoptées régulièrement, comme le sont les déclarations de guerre. Si le droit n’est pas la loi, qui peut dire le droit ?

Quel regard la citation d’Alain vous fait-elle porter sur le fonctionne-ment du Conseil de Sécurité des Nations unies ?

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Médecin neurologue autrichien, né en 1856, mort en 1939.

Freud était juif et en tant que tel, tous ses livres ont été interdits et brûlés en Allemagne dès l’arrivée au pouvoir de Hitler en 1933. Il s’exila à Londres en 1938 pour fuir le nazisme qui le menaçait, immédiatement après l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne.La création de la psycha-nalyse et ses théories sur l’inconscient en font l’un des fondateurs de la psychologie et influencent depuis leur apparition l’ensemble de la société. Il est considéré comme un des penseurs du XXe siècle qui ont le plus changé la vision de l’homme sur lui-même.

SIGMuND fREuD

Les peuples sont représentés à peu près par les États qu’ils forment ; les États, par les gouvernements qui les dirigent. Chaque ressortissant d’une nation peut, avec horreur, constater au cours de cette guerre ce dont il avait déjà une vague intuition en temps de paix, à savoir que si l’État interdit à l’individu le recours à l’injustice, ce n’est pas parce qu’il veut supprimer l’injustice, mais parce qu’il veut monopo-liser ce recours, comme il monopolise le sel et le tabac. L’État en guerre se permet toutes les injustices, toutes les violences, dont la moindre déshonorerait l’individu. Il a recours, à l’égard de l’ennemi, non seulement à la ruse permise, mais aussi au mensonge conscient et voulu et cela dans une mesure qui dépasse tout ce qui s’était vu dans des guerres antérieures [...] Il ne faut pas s’étonner […] de constater que le relâchement des rapports moraux entre les grands individus de l’humanité ait

eu ses répercussions sur la morale privée, car notre conscience, loin d’être le juge implacable dont parlent les moralistes, est, par ses origines, de « l’angoisse sociale » et rien de plus. Là où le blâme de la part de la collectivité vient à manquer, la compression des mauvais instincts cesse, et les hommes se livrent à des actes de cruauté, de perfidie, de trahison et de brutalité, qu’on aurait crus impossibles, à en juger uniquement par leur niveau de culture.

citation de freud

Tout ce qui travaille à la culture travaille aussi contre la guerre.

considérations actuelles sur la guerre et sur la mort (�9�5)

Pistes d’exploitation

Quel effet la société joue-t-elle sur les humeurs individuelles ? Les tempère-t-elle ou les aiguise-t-elle ?

Les pulsions naturelles de l’homme le pousseraient plutôt à laisser libre cours à ses mauvais instincts et la paix ne serait maintenue que par le contrôle de la société. Mais d’un autre côté, la société est le reflet de ce que sont les individus. Cela peut sembler contradictoire. Comment expliquer que l’émanation « objective » de l’homme (la société) soit opposée à sa nature profonde ?

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ALBERT EINSTEIN

Physicien helvético-américain d’origine allemande. Né en 1879, mort en 1955.Prix Nobel de Physique en 1921.

Il est l’une des personnes les plus connues au monde et ses travaux furent une base indispensable à de très nombreux domaines de la physique actuelle. Il a largement contribué au développement de la mécanique quantique et de la cosmologie.Il fut un pacifiste toute sa vie et a toujours réprouvé toute forme de violence, d’autoritarisme et d’obscurantisme, entre autres religieux, organisant nombre de groupes de réflexion et publiant plusieurs manifestes, pétitions et une grande quantité de lettres en faveur de la paix.En août 1939, il écrivit avec trois autres savants européens au président des USA pour l’informer que l’Allemagne cherchait à créer une bombe utilisant l’énergie nucléaire. Cela a mené à une course contre la montre aux États-Unis et à l’élabo-ration des bombes atomiques utilisées sur Hiroshima et Nagasaki, responsables d’au moins 200 000 morts. Einstein s’en est voulu jusqu’à la fin de sa vie d’avoir signé cette lettre (« Je devrais me brûler les doigts pour avoir écrit cette première lettre à Roosevelt », déclarera-t-il).

comment je vois le monde (�934)

La pire des institutions grégaires se pré-nomme l’armée. Je la hais. Si un homme peut éprouver quelque plaisir à défiler en rang aux sons d’une musique, je méprise cet homme… Il ne mérite pas un cerveau humain puis-qu’une moelle épinière le satisfait. Nous devrions faire disparaître le plus rapi-dement possible ce cancer de la civilisation. Je hais violemment l’héroïsme sur ordre, la violence gratuite et le nationalisme débile. La guerre est la chose la plus méprisable. Je préférerais me laisser assassiner plutôt que de participer à cette ignominie.

citations d’Albert Einstein

Souvenez-vous de votre humanité et oubliez le reste. Si vous parvenez à le faire, la route d’un nouveau paradis est ouverte.

Le monde que nous avons créé est le résul-tat de notre niveau de réflexion, mais les problèmes qu’il engendre ne sauraient être résolus à ce même niveau.

Il est de mon intime conviction que tuer sous le couvert de la guerre n’est rien d’autre qu’un acte de meurtre.

Pistes d’exploitation

Si nous ne pouvons pas résoudre les problèmes que nous avons créés, pourquoi poursuivons-nous malgré tout d’un objectif perpé-tuellement inaccessible ?

Comment expliquer qu’on attende d’un soldat qu’il fasse ce qui vau-drait la prison à un civil ?

Albert Einstein dénonce la violence gratuite. Ses paroles ne sont-elles pourtant pas violentes à l’égard des militaires ?

Comment voudriez-vous réagir à l’ordre de rejoindre une armée pour faire la guerre ? Comment pensez-vous que vous réagiriez vraiment ?

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Homme politique et guide spirituel indien, né en 1869 et mort en 1948.

Il est appelé Mahatma (la Grande Âme), un des titres de respect les plus importants qu’on puisse donner dans la religion hindouiste.

Sa pensée et son action, inédites jusqu’alors, ont marqué un tournant important dans la philosophie moderne. Elles ont inspiré et inspirent encore de nombreux penseurs et hommes politiques, principalement dans les pays du Sud et en déve-loppement.Il a fondé plusieurs concepts-clé, entre autres :

la non-violence totale, tant en actes qu’en pensée, basée sur le respect total d’autrui, même en cas de conflit, et dans la conviction que tous les hommes sont frères ;la désobéissance civile (ou non-coopération) de masse pour dénoncer et faire cesser les situa-tions d’injustice et d’oppression généralisées, dans un esprit de non-violence totale ;le respect des droits des peuples et des gens, entre autres à la dignité, à la liberté et à l’auto-détermination ;une vie simple, ascétique même, basée sur le renoncement à ce qui n’est pas absolument nécessaire.

Il fut l’un des hommes politiques et des guides spirituels les plus importants de l’Inde moderne et il a été le principal artisan de l’indépendance de l’Inde, obtenue en 1947.Il a amèrement regretté que musulmans et hin-douistes n’arrivent pas à former une seule nation et que la colonie anglaise devenue indépendante soit divisée en trois pays selon leur religion (Inde hindouiste, Pakistan et Bengladesh musulmans).

Il fut assassiné en 1948 par un membre d’une secte fondamentaliste hindoue qui refusait le partage des richesses entre l’Inde et le Pakistan, que prônait Gandhi.

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MOhANDAS KARAMchAND GANDhI

Lettre à l’âshram

La non-violence ne consiste pas à renoncer à toute lutte réelle contre le mal. La non-violence telle que je la conçois est au contraire contre le mal une lutte plus réelle et plus active que la loi du talion, dont la nature même a pour effet de développer la perversité. Pour lutter contre ce qui est immoral, j’envisage une opposition mentale et par conséquent morale. Je cherche à émousser complètement l’épée du tyran, non pas en la heurtant avec un acier mieux effilé, mais en trom-pant son attente de me voir lui offrir une résistance physique. Il trou-vera chez moi une résistance de l’âme qui échappera à son étreinte. Cette résistance d’abord l’aveuglera et ensuite l’obligera à s’incliner. Et le fait de s’incliner n’humiliera pas l’agresseur, mais l’élèvera. Et on peut soutenir que ce serait là un état idéal. Et c’en est un !

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Pistes d’exploitation

La loi du talion était un progrès par rapport à la situation antérieure. Elle imposait le principe de justice, de proportionnalité là où existait celui de vengeance, là où la réplique pouvait s’avérer infiniment plus forte que le premier dommage subi. Gandhi propose de dépasser cette loi du talion en adoptant une attitude non-violente. Avant lui, Jésus-Christ avait fait de même, en proposant de présenter la joue gauche à celui qui a frappé la droite. Quelles différences voyez-vous entre ces deux attitudes ?

Le principe de non violence est-il autre chose qu’une attitude qui décontenance – provisoirement – la personne violente qui s’attend à ce qu’on se défende en usant de la force ? Pensez-vous que son effi-cacité soit avérée une fois que la personne violente s’est ressaisie ?

Le ressort fondamental de la non-violence n’est-il pas qu’elle fait appel aux valeurs morales de l’assaillant, en lui faisant apparaître qu’il a affaire à un être humain, car seuls les êtres humains sont capables de ne pas se dérober à un danger objectif. Quelle est l’efficacité de ce subterfuge à l’égard de personnes dont on aurait désinhibé ces valeurs morales ?

La réponse non-violente consistant à se mettre à la merci de l’agres-seur, au risque d’y perdre la vie, n’est-elle pas une forme de violence fondamentale à l’égard de soi-même ?

Le fait d’obliger l’agresseur à s’élever, n’est-ce pas lui imposer quelque chose dont il ne veut pas, et donc lui faire violence ?

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citations de Gandhi et de ses disciples et amis

1. En fait, rien n’entraîne que des personnes doivent être antagonistes parce que leurs intérêts le sont.

Gandhi, Ouvriers de la dernière heure, 1910

2. Il est des cas où la force est la seule expression possible de la non-violence.

Cité par Lanza del Vasto, Le pèlerinage aux Sources, 1943

3. S’il n’y avait le choix qu’entre la lâcheté et la violence, je n’hésiterais pas à conseiller la violence.

Gandhi, Young India, 11 août 1919

4. Je veux que vous aimiez vos adversaires, et la façon d’y arriver, c’est de leur reconnaître la même sincérité que vous revendiquez pour vous-mêmes. […] Les trois quarts des souffrances et des malentendus dans le monde disparaîtraient si nous nous mettions dans la peau de nos adversaires et si nous comprenions leur point de vue.

Gandhi

5. Il n’y a pas de chemin vers la paix, la paix est le chemin.Gandhi

6. Croire en quelque chose et ne pas le vivre, c’est malhonnête.Gandhi

7. Le drame est qu’on peut persuader des millions de gens de tuer ou de se faire tuer dans une guerre, alors que pas même une centaine de pacifistes sont prêts à mourir pour leurs convictions.

Gandhi, 1938

8. Le jour viendra où le frêle homme de cœur, complètement dégagé de l’armure, prouvera que ce sont les doux qui héritent de la terre.

Rabindranath Tagore, poète indien, 2 mars 1921

9. La non-violence est la plus grande force que l’humanité a à sa dispo-sition. Elle est plus puissante que l’arme la plus destructrice inventée par l’homme. La destruction ne correspond nullement à la loi des hommes. Vivre libre c’est être prêt à mourir, s’il le faut, de la main de son prochain, mais jamais à le tuer. Quelle qu’en soit la raison, tout meurtre ou autre atteinte à la personne est un crime contre l’huma-nité.

P.K. Gandhi, The Mind of Mahatma Gandhi, 1945

10. Jésus savait, comme le sait tout homme raisonnable, que l’emploi de la violence est incompatible avec l’amour, qui est la plus haute loi de la vie. Il savait qu’aussitôt la violence admise, fût-ce dans un seul cas, la loi était abolie du coup.

Léon Tolstoï, correspondance à Gandhi

Piste d’exploitation

Les citations 2 et 3, de Gandhi, peuvent sembler en contradiction avec la 10, de Tolstoï. Le sont-elles vraiment ? Pourquoi ?

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WINSTON chuRchILLHomme d’État britanni-que, né en 1874, mort en 1965. Prix Nobel de Littérature 1953.

Il a été député conserva-teur et libéral, puis Pre-mier Lord de l’Amirauté (commandant militaire et politique de la marine britannique) à partir de 1911, ce qui lui a permis de prendre certaines décisions cruciales dans la perspective d’une guerre avec l’Allemagne, qu’il estimait inévitable. La suite lui a donné raison.Le jour de l’attaque alle-mande du 10 mai 1940, le Premier ministre bri-tannique démissionna et Churchill reprit le poste. Il galvanisa alors la popula-tion anglaise pour la lutte contre l’Allemagne nazie et joua un rôle détermi-nant dans la conduite de la guerre au niveau des forces alliées.Battu aux élections de 1945, il mena toujours une grande activité politique, notamment en faveur de la création des « États-Unis d’Europe », seuls garants selon lui d’une paix durable.

n L’histoire de l’humanité se résume en un seul mot : guerre. Mis à part de brèves et incertaines périodes, la paix n’a jamais régné dans le monde, et, dès les temps préhistoriques, les conflits meurtriers se multiplièrent sans cesse et en tous lieux. Mais, jusqu’à l’époque actuelle, les moyens de destruction dont l’homme disposait n’al-laient pas de pair avec sa férocité. À l’âge de la pierre, l’extermination réciproque était chose impossible. Avec une massue gros-sièrement façonnée, le massacre demeure restreint. […]Ce ne fut qu’à l’aurore du vingtième siècle de l’ère chrétienne que la guerre commença réellement à imposer au monde son règne souverain et à faire naître le sentiment d’une possible extinction de la race humaine. […]Jamais jusqu’ici l’humanité ne s’est trouvée dans une telle situation. Sans avoir de façon considérable progressé sur le chemin de la vertu ni fait preuve d’une conduite plus sage, il lui est tombé entre les mains, pour la première fois, des armes dont elle peut se servir pour se suicider à coup sûr. Tel est le sommet de la courbe ascendante de la destinée humaine. Voilà où ont atteint, enfin, tous les efforts admirables toutes les glo-rieuses conquêtes de l’homme. Il ferait bien d’arrêter et de réfléchir sérieusement à ses nouvelles responsabilités. La Mort est là, au garde-à-vous, obéissante, et qui attend, prête à servir, prête à faucher les peuples en masse, prête aussi, si on le lui demande, à pulvériser, sans espoir de retour, ce qui sub-siste de la civilisation. Elle n’attend que les ordres. Elle les attend d’un être éphémère, déconcerté par ses propres pouvoirs, d’un être qui fut longtemps sa victime, et mainte-nant –seulement pour une fois- son maître.

n C’est ainsi que le monde progresse, mais très lentement, par à-coups, avec d’innombrables retards. Les solutions définitives, lorsque de temps en temps elles se présentent, après de grands efforts, sont presque toujours gâchées. Deux tendances opposées de la nature humaine exercent, au même moment, leurs effets. Ceux qui sont capables de remporter la victoire ne le sont pas de faire la paix ; ceux qui font la paix n’auraient jamais remporté la victoire.n Mais, d’autre part, il nous reste ce bienheureux répit dû à notre épuisement même. Seul, il offre aux nations une der-nière chance de se reprendre, d’orienter leurs destins et d’éviter ce qui pourrait bien être pour elles la condamnation finale. Certes, si l’humanité éprouve le désir de sa propre conservation, si le vouloir-être ne se manifeste pas seulement chez les individus et dans les différentes nations, mais dans le genre humain tout entier, les moyens de prévenir la suprême catastrophe devraient être l’objet principal des efforts de tous.

n La splendeur de la lumière ne peut exister sans les ombres qu’elle détermine. La vie est un tout ; le bien et le mal doivent être acceptés l’un comme l’autre.

n Une chose est certaine : tandis que les hommes amassent des connaissances, rassemblent leurs forces, à une allure sans cesse croissante, sans mesure, leurs vertus et leur sagesse n’ont pas attesté, jusqu’ici, au cours des siècles, de notables progrès. Le cerveau d’un individu ne réagit pas autrement, pour l’essentiel, que celui des créatures humaines qui se battaient ou aimaient sur notre globe, il y a des millions d’années.

n Une fois de plus, le choix nous est offert entre la Bénédiction et la Malédiction. Mais jamais il n’a été plus difficile de prédire la décision que l’homme va prendre.

Pistes d’exploitation

Pensez-vous que l’apparition des armes de destructions massive (parmi les quelles les armes atomiques, capables de supprimer toute vie sur la surface de la Terre) change quelque chose à l’horreur de la guerre et à la nécessité d’œuvrer pour la paix ?

Pensez-vous que l’épuisement de l’homme à force de faire la guerre soit la seule chance pour la paix et que, comme le disait Mark Twain, « l’homme se conduira raisonnablement lorsque toutes les autres possibilités seront épuisées » ?

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Extraits et citations de Réflexions et aventures, �93�

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BERThOLD BREchT

Dramaturge et poète allemand né en 1898 et mort en 1956.

Mobilisé comme infirmier à la fin de la Première Guerre mondiale, ce qu’il vit et vécut durant les combats exerça une très grande influence sur lui.Il rédigea de nombreuses œuvres pacifistes et adhéra au marxisme. Il fut chassé d’Allemagne par les nazis, parcourut l’Europe et fuit aux USA durant la Seconde Guerre mondiale. Il en fut chassé en 1947 à cause de ses opinions politiques et retourna en République démocratique allemande.Ses œuvres, souvent teintées d’anarchisme, ont la plupart du temps pour but d’instruire, de faire réfléchir et de développer le sens critique du public.

complainte pour la paix

La foudre frappe et la pluie tombe, le vent apporte les nuages,mais la guerre ce n’est pas le vent qui l’apporte au monde.

La Paix exhale ses vapeurs dans l’ivresse du printemps,le ciel se fait haut et calme.

Peuples vous êtes vous-mêmes le destin du mondeSouvenez-vous de votre force !

Ils sont quelques-uns qui possèdent l’âneet la charrue n’offre pas d’intérêt pour eux,et rien n’est suffisant pour eux.

Ils comptent les hommes, ils comptent l’argent,et la guerre est au bout de ce calcul.

Peuples vous êtes vous-mêmes le destin du mondeSouvenez-vous de votre force !

Mère ! il s’agit de ton enfant à toi, défends-toi, ne permets pas cela.Nous les millions d’hommes, serons-nous plus puissants que la guerre ?

C’est le grand choix qui s’offre à chacun.Et si nous disons tous non !Alors la guerre sera la paix et la paix l’avenir.

Peuples vous êtes vous-mêmes le destin du mondeSouvenez-vous de votre force !

citations de Berthold Brecht

Vous ne me dégoûterez pas de la guerre. On dit qu’elle anéantit les faibles, mais la paix en fait autant.

Mère courage

Pendant que nous préparons le chemin de l’amitié, nous ne pouvons être amis du mal, au mal il faut faire du mal.

Pour assurer la paix, j’ai ordonné de com-mander sans nul délai des mitraillettes, et des autos blindées et naturellement ce qu’il faut de Brownings, de matraques, que sais-je...Les citadins crient pour qu’on les protège !

L’irrésistible ascension d’Arturo Ui

Quand ceux d’en haut parlent de paix, le petit peuple sait que c’est la guerre. Quand ceux d’en haut maudissent la guerre, les feuilles de route sont déjà remplies.

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Piste d’exploitation

« Force », « puissants » sont des mots qui appartiennent à la rhétori-que de la guerre. Peut-on les mobiliser pour s’opposer à la guerre ?

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LOuIS-fERDINAND céLINE

Tout le reste, c’est des mots(Extrait de « voyage au bout de la nuit », �93�)

Ce colonel, c’était donc un monstre ! À présent, j’en étais assuré, pire qu’un chien, il n’imaginait pas son trépas ! Je conçus en même temps qu’il devait y en avoir beaucoup des comme lui dans notre armée, des braves, et puis tout autant sans doute dans l’armée d’en face. Qui savait combien, un, deux, plusieurs millions peut-être en tout ? Dès lors ma frousse devint panique. Avec des êtres semblables, cette imbécillité infernale pouvait continuer indéfiniment... Pourquoi s’arrêteraient-ils ? Jamais je n’avais senti plus implacable la sentence des hommes et des choses.

Serais-je donc le seul lâche sur la terre ? pensais-je. Et avec quel effroi !... Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu’aux cheveux ? Avec casques, sans casques, sans che-vaux, sur motos, hurlants, en autos, sifflant, tirailleurs, comploteurs, volant, à genoux, creusant, se défilant, caracolant dans les sentiers, pétaradant, enfermés sur la terre comme dans un cabanon, pour y tout détruire, Allemagne, France et continents, tout ce qui respire, détruire, plus enragés que les chiens, adorant leur rage (ce que les chiens ne font pas), cent, mille fois plus enragés que mille chiens et tellement plus vicieux ! Nous étions jolis ! Décidément, je le concevais, je m’étais embarqué dans une croisade apocalyptique.

On est puceau de l’Horreur comme on l’est de la volupté. Donc pas d’erreur ? Ce qu’on faisait à se tirer dessus, comme ça, sans même se voir, n’était pas défendu ! Cela faisait partie des choses qu’on peut faire sans mériter une bonne engueulade. C’était même reconnu, encouragé sans doute par les gens sérieux, comme le tirage au sort, les fiançailles, la chasse à courre !... Rien à dire. Je venais de découvrir d’un coup la guerre tout entière. J’étais dépucelé. Faut être à peu près seul devant elle comme je l’étais à ce moment-là pour bien la voir la vache, en face et de profil. On venait d’allu-mer la guerre entre nous et ceux d’en face, et à présent ça brûlait ! Comme le courant entre les deux charbons, dans la lampe à arc. Et il n’était pas près de s’éteindre le charbon ! On y passerait tous, le colonel comme les autres, tout mariole qu’il semble être, et sa carne ne ferait pas plus de rôti que la mienne quand le courant d’en face lui passerait entre les deux épaules.

Il y a bien de façons d’être condamné à mort. Ah ! combien n’aurais-je pas donné à ce moment-là pour être en prison au lieu d’être ici, moi crétin ! Pour avoir, par exemple, quand il en était temps encore, volé quelque chose. On ne pense à rien ! De la prison, on en sort vivant, pas de la guerre. Tout le reste, c’est des mots.

Si seulement j’avais encore eu le temps, mais je ne l’avais plus ! Il n’y avait plus rien à voler ! Comme il ferait bon dans une petite prison pépère, que je me disais, où les balles ne passent pas ! Ne passent jamais ! J’en connaissais une toute prête, au soleil, au chaud ! Dans un rêve, celle de Saint-Germain précisément, si proche de la forêt, je la connaissais bien, je passais souvent là, autrefois. Comme on change ! J’étais un enfant alors, elle me faisait peur la prison. C’est que je ne connaissais pas encore les hommes. Je ne croirai plus jamais à ce qu’ils disent, à ce qu’ils pensent. C’est des hommes et d’eux seulement qu’il faut avoir peur, toujours.

Pistes d’exploitation

Pourquoi a-t-on l’impression que la force invincible des foules est plus souvent orientée dans une perspective agressive, violente que dans une perspective positive et pacificatrice ?

Faut-il toujours avoir peur des hommes, ou bien la confiance en l’homme est-elle une condition indispensable à la paix ?

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Médecin, romancier et essayiste français, né en 1894, mort en 1961.

Imprégnés de pessi-misme et rédigés dans un style très décalé, alliant argot et vocabulaire scientifique, tendresse et révolte, désespoir et humour, ses écrits sont influencés par son expérience de la guerre en 1914, où il a été grièvement blessé. Il fait preuve d’un pacifisme désabusé et d’un regard lucide mais extrêmement critique sur à peu près tout et tout le monde.Du fait de son antisé-mitisme virulent, de son racisme lui faisant trouver sympathiques les idéaux de pureté raciale des nazis, mais aussi et para-doxalement de son oppo-sition à la guerre en 1940, il resta en France occu-pée durant la Seconde Guerre mondiale, même s’il critiquait très verte-ment le gouvernement de Vichy et le Maréchal Pétain, ce qui lui valut de nombreuses difficultés avec le régime. Contraint de quitter la France après le débarquement de 1944, il fuit à l’étranger. Il fut amnistié en 1951 et put rédiger ses dernières œuvres.

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LucIEN JAcquES

Artiste français aux talents multiples (écriture, poésie, peinture, dessin, sculpture, danse, etc.) né en 1891 et mort en 1961.

L’arrivée de la Première guerre mondiale le vit pacifiste, il fut mobilisé dans l’armée, mais comme musicien puis comme brancardier. Il répondit à l’horreur de la guerre en tentant de répandre autant qu’il pouvait la culture et la beauté sur le front.Il fut notamment le découvreur de Jean Giono, avec qui il diffusa sans relâche une pensée pacifiste.À partir du début de la Seconde Guerre mondiale, toujours pacifiste, il s’installa au cœur de la Pro-vence, au début avec les bergers, puis dans un village qu’il préserva de l’abandon en y accueillant de très nombreux artistes et en y établissant ses activités de création et d’édition.

Je crois en l’homme

Je crois en l’homme, cette ordure.Je crois en l’homme, ce fumier.Ce sable mouvant, cette eau morte.

Je crois en l’homme, ce tordu,Cette vessie de vanité.Je crois en l’homme, cette pommade,Ce grelot, cette plume au vent,Ce boute-feu, ce fouille-merde.Je crois en l’homme, ce lèche-sang.

Malgré tout ce qu’il a pu faireDe mortel et d’irréparable,Je crois en lui.Pour la sûreté de sa main,Pour son goût de la liberté,Pour le jeu de sa fantaisie.

Pour son vertige devant l’étoile,Je crois en lui.Pour le sel de son amitié,Pour l’eau de ses yeux, pour son rire,Pour son élan et ses faiblesses.

Je crois à tout jamais en lui,Pour une main qui s’est tendue,Pour un regard qui s’est offert.Et puis, surtout et avant tout,Pour le simple accueil d’un berger.

Pistes d’exploitation

Quand on voit ce qui se passe depuis toujours, est-il encore permis de croire en l’homme et d’espérer des jours meilleurs sur base de l’un ou l’autre geste isolé ?

Selon vous, cette profession de foi est-elle sincère ou tient-elle de la méthode Coué (l’autopersuasion) ?

Croire en l’homme, n’est-ce pas plutôt une manière de rendre supportable l’insupportable ?

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JEAN GIONO

Romancier français, né en 1895 et mort en 1970.

Il fut soldat à Verdun puis dans les tranchées en Belgique (deux des zones où les combats furent les plus terribles) durant la Première Guerre mondiale. Cela marqua pour toujours son œuvre, empreinte de poésie, de sérénité et de simplicité, et surtout d’attachement profond à la paix, même s’il en parlait assez peu de manière directe dans son œuvre littéraire.On ne peut le classer dans aucun courant littéraire, mais il était incontestablement un humaniste et un pacifiste. Il plaça tout d’abord la nature au centre de son œuvre, ensuite, au fil des années, ce fut au tour de l’homme de prendre la première place.

Pistes d’exploitation

Existe-t-il d’autres faits que la guerre qui peuvent ainsi poursuivre éternellement leurs rescapés ?

N’y a-t-il pas contradiction entre le texte de Giono et les positions d’anciens combattants qui réclament avec vigueur qu’on n’oublie pas les horreurs de la guerre, et qui se font un devoir d’en témoigner ?

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Je ne peux pas oublier

Je ne peux pas oublier la guerre. Je le vou-drais. Je passe des fois deux jours ou trois sans y penser et brusquement, je la revois, je la sens, je l’entends, je la subis encore. Et j’ai peur. Ce soir est la fin d’un beau jour de juillet. La plaine sous moi est devenue toute rousse. On va couper les blés. L’air, le ciel, la terre sont immobiles et calmes. Vingt ans ont passé. Et depuis vingt ans, malgré la vie, les douleurs et les bonheurs, je ne me suis pas lavé de la guerre. L’horreur de ces quatre ans est toujours en moi. Je porte la marque. Tous les survivants portent la marque.J’ai été soldat de deuxième classe dans l’in-fanterie pendant quatre ans, dans des régi-ments de montagnards. Avec M.V., qui était mon capitaine, nous sommes à peu près les seuls survivants de la première 6e compa-gnie. Nous avons fait les Éparges, Verdun-Vaux, Noyon-Saint-Quentin, le Chemin des Dames, l’attaque de Pinon, Chevrillon, le Kemmel. La 6e compagnie a été remplie cent fois et cent fois d’hommes. La 6e compagnie était un petit récipient de la 27e division comme un boisseau à blé. Quand le boisseau était vide d’hommes, enfin, quand il n’en restait plus que quelques-uns

au fond, comme des grains collés dans les rainures, on le remplissait de nouveau avec des hommes frais. On a ainsi rempli la 6e compagnie cent fois et cent fois. Et cent fois on est allé la vider sous la meule. Nous sommes de tout ça les derniers vivants, V. et moi. J’aimerais qu’il lise ces lignes. Il doit faire comme moi le soir: essayer d’oublier. Il doit s’asseoir au bord de sa terrasse, et lui, il doit regarder le fleuve vert et gras qui coule en se balançant dans des bosquets de peupliers. Mais, tous les deux ou trois jours, il doit subir comme moi, comme tous. Et nous subirons jusqu’à la fin.Je n’ai pas honte de moi. En 1913 j’ai refusé d’entrer dans la société de préparation mili-taire qui groupait tous mes camarades. En 1915 je suis parti sans croire à la patrie. J’ai eu tort. Non pas de ne pas croire: de partir. Ce que je dis n’engage que moi. Pour les actions dangereuses, je ne donne d’ordre qu’à moi seul. Donc, je suis parti, je n’ai jamais été blessé, sauf les paupières brû-lées par les gaz. (En 1920 on m’a donné puis retiré une pension de quinze francs tous les trois mois, avec ce motif: «Léger déchet esthétique.») Je n’ai jamais été décoré, sauf par les Anglais et pour un acte qui est exac-tement le contraire d’un acte de guerre.

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Pistes d’exploitation

Giono indique que faire la guerre, même pour une cause noble, est inutile. Partagez-vous cette opinion ?

L’utilité est-elle la mesure de la valeur des actions ?

Pensez-vous qu’on puisse s’habituer à l’horreur ? Est-ce un bien ou un mal ?

Malgré les horreurs pourtant archi-connues, aujourd’hui encore, une vague patriotique aurait toutes les chances de toucher le grand public et de déclencher une mobilisation des foules pour la guerre. Comment expliquer cela ?

Pensez-vous que dans un tel cas vous marcheriez avec les foules mobilisées ou qu’au contraire vous pourriez marcher à contre-cou-rant ?

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Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix (�938)

Je n’aime pas la guerre, je n’aime aucune sorte de guerre. Ce n’est pas par sentimentalité. Je suis resté quarante-deux jours devant le fort de Vaux et il est difficile de m’intéresser à un cadavre désormais. Je ne sais pas si c’est une qualité ou un défaut : c’est un fait. Je déteste la guerre. Je refuse de faire la guerre pour la seule raison que la guerre est inutile. Oui, ce simple petit mot. Je n’ai pas d’imagination. Pas horrible ; non, inutile simplement. Ce qui me frappe dans la guerre, ce n’est pas son horreur : c’est son inutilité. Vous me direz que cette inutilité précisément est horrible. Oui, mais par surcroît. Il est impossible d’expliquer l’horreur de quarante-deux jours d’attaque devant Verdun à des hommes qui, nés après la bataille, sont maintenant dans la faiblesse et dans la force de la jeunesse. Y réussirait-on, qu’il y a pour ces hommes neufs une sorte d’attrait dans l’horreur en raison même de leur force physique et de leur faiblesse. Je parle de la majorité. Il y a toujours, évidemment, une minorité qui fait son compte et qu’il est inutile d’instruire. La majorité est attirée par l’horreur : elle se sent capable d’y vivre et d’y mourir comme les autres : elle n’est pas fâchée qu’on la force à en donner la preuve. Il n’y a pas d’autre vraie raison à la continuelle accep-tation de ce qu’après on appelle le martyre et le sacrifice. Vous ne pouvez pas leur prouver l’horreur [...]

L’horreur s’efface. Et j’ajoute que malgré toute son horreur, si la guerre était utile il serait juste de l’accepter. Mais la guerre est inutile et son inutilité est évidente. L’inutilité de toutes les guerres est évidente. Qu’elles soient défensives, offensives, civiles, pour la paix, le droit pour la liberté, toutes les guerres sont inutiles. La succession des guerres dans l’histoire prouve bien qu’elles n’ont jamais conclu puisqu’il a toujours fallu recommencer les guerres. La guerre de 1914 a d’abord été pour nous, Français, une guerre dite défensive. Nous sommes-nous défendus ? Non, nous sommes au même point qu’avant. Elle devait être ensuite la guerre du droit. A-t-elle créé le droit ? Non, nous avons vécu depuis des temps pareillement injustes. Elle devait être la dernière des guerres ; elle était la guerre à tuer la guerre. L’a-t-elle fait ? Non. On nous prépare de nouvelles guerres ; elle n’a pas tué la guerre ; elle n’a tué que des hommes inutilement. La guerre civile d’Espagne n’est pas encore finie, qu’on aperçoit déjà son évidente inutilité. Je consens à faire n’importe quel travail utile, même au péril de ma vie. Je refuse tout ce qui est inutile et en premier lieu toutes les guerres car c’est un travail dont l’inutilité pour l’homme est aussi claire que le soleil.

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39 LA �e

GuERRE MONDIALE

40 Adolf Hitler4� Charles Chaplin4� Antoine de Saint-Exupéry45 Mohandas Karamchand Ghandi46 Joseph Kessel et Maurice Druon

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ADOLf hITLER

Homme d’État allemand d’origine autrcihienne, né en 1889, mort en 1945. Chef de l’État alle-mand de 1933 à 1945, il a provoqué la Seconde Guerre mondiale en envahissant la quasi-totalité de l’Europe et de l’Afrique du Nord en 1939 et 1940.Il fut le créateur de la doctrine national-socia-liste (nazisme) et a fait l’objet d’une vénération tournant parfois à la folie collective de la part d’une proportion très importante du peuple allemand.

Extraits de « Mein Kampf »

La nature ne connaît pas de frontières politiques. Elle place les êtres vivants les uns à côté des autres sur le globe terrestre, et contemple le libre jeu des forces. Le plus fort en courage et en activité, enfant de prédilection de la nature, obtiendra le noble droit de vivre.[…] Les races de plus haute civilisation, mais moins dépourvues de scrupules, doi-vent déjà réduire, par suite de leur territoire limité, leur accroissement à un moment où des peuples de moins haute civilisation, mais plus brutaux de nature, se trouvent, grâce à de vastes territoires de peuplement, en mesure de se développer en nombre sans souci de limitation. En d’autres termes, il adviendra qu’un jour le monde sera aux mains d’une humanité de moins haute culture, mais plus énergique. Il ne s’offrira donc dans l’avenir que deux possibilités : ou bien le monde sera régi par les conceptions de notre démocratie moderne, et alors la balance penchera en faveur des races numériquement les plus fortes ; ou bien le monde sera régi suivant les lois naturel-les : alors vaincront les peuples à volonté brutale, et non ceux qui auront pratiqué la limitation volontaire.Personne ne peut mettre en doute que l’existence de l’humanité ne donne lieu un jour à des luttes terribles. En fin de compte, l’instinct de conservation triomphera seul, instinct sous lequel fond, comme neige au soleil de mars, cette prétendue humanité qui n’est que l’expression d’un mélange de stupidité, de lâcheté et de pédantisme suffisant. L’humanité a grandi dans la lutte perpétuelle, la paix éternelle la conduirait au tombeau.Si le peuple allemand avait possédé, au cours de son histoire, cette unité grégaire qui a été si utile à d’autres peuples, le Reich allemand serait aujourd’hui le maître du globe. L’histoire du monde aurait pris un

autre cours et personne n’est à même de décider si l’humanité n’aurait pas, en suivant cette route, atteint le but auquel tant de pacifistes aveuglés espèrent aujourd’hui parvenir par leurs piailleries et leurs pleur-nicheries. Une paix non pas assurée par les rameaux d’olivier qu’agitent, la larme facile, des pleureuses pacifistes, mais garantie par l’épée victorieuse d’un peuple de maîtres qui met le monde entier au service d’une civilisation supérieure.

La plus grande sagesse du monde reste impuissante si aucune force ne la sert, ne la défend, ne la protège, […] la douce déesse de la paix ne peut paraître qu’aux côtés du dieu de la guerre, et […] toute grande œuvre de paix doit être soutenue et protégée par la force.

Il fallait obéir aux lois éternelles de la vie sur terre, qui font de l’existence un combat, un incessant combat. Il ne fallait pas perdre de vue que souvent les guerres civiles les plus sanglantes ont donné naissance à un corps de peuple trempé comme l’acier et fonciè-rement sain, tandis que plus d’une fois une décomposition, dont la puanteur s’élevait jusqu’au ciel, a été le fruit d’un état de paix artificiellement entretenu.

Pistes d’exploitation

La paix est-elle accessible grâce à l’écrasement des plus faibles, des moins nombreux, par les plus forts et/ou les plus nombreux ?

La paix est-elle capable de se soutenir elle-même, sans la force ?

Selon l’auteur, les combats sont nécessai-res pour entretenir la force d’une société. Que pensez-vous de cette affirmation ?

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« Mein Kampf » (Mon combat) est un livre écrit en 1923 et 1924 par Adolf Hitler, alors emprisonné après une tentative manquée de coup d’État à Munich, en novembre 1923.Il passera d’abord presque inaperçu puis, la victoire politique de Hitler aidant, il se vendra de plus en plus. À partir de 1936, le livre sera même offert par l’État à chaque couple allemand au moment de son mariage.« Mein Kampf » détaille en huit cents pages l’idéo-logie politique et raciale de Hitler.

AvERTISSEMENTNous avons longtemps hésité à proposer un texte d’Adolf Hitler dans ce recueil. Nous ne voulons en effet pas courir le risque d’être les vecteurs de ses idées, ni donner à croire que celles-ci aient une quelconque pertinence.Confronter les élèves à un texte dont le contenu heurte notre sensibilité peut toute-fois présenter un intérêt pédagogique dans la perspective d’une éducation à l’esprit critique, de la construction d’une pensée plus éclairée.Ce recueil n’est toutefois pas destiné direc-tement aux élèves. Il s’adresse aux ensei-gnants et nous pensons que ceux-ci ont la maturité, l’expérience et la compétence

requise pour juger si l’utilisation d’un tel texte peut présenter un intérêt étant donné les caractéristiques de leurs élèves. Ils sont les mieux placés pour estimer la pertinence d’utiliser ce texte – avec ou sans mention du nom de l’auteur – dans le cadre spécifi-que de leur cours et de leur classe.Nous tenons toutefois à insister sur la nécessaire précaution à avoir en la matière et conseillons aux enseignants qui compte-raient utiliser ce texte d’en toucher un mot préalable à un collègue pour nourrir leur réflexion d’au moins un autre point de vue que le leur.

L’équipe Iles de Paix

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chARLES chAPLIN

Acteur, réalisateur et compositeur britannique né en 1889, mort en 1977.

À travers ses films (entres autres, ceux de Charlot), il a exprimé de manière à la fois satirique et burlesque la misère et l’injustice. Accusé d’être un commu-niste juif, il sera chassé en 1952 des États-Unis, où il vivait et travaillait depuis presque 40 ans.

Le DictateurDiscours final du film

Je suis désolé, mais je ne veux pas être empereur, ce n’est pas mon affaire. Je ne veux ni conquérir, ni diriger personne. Je voudrais aider tout le monde dans la mesure du possible, juifs, chrétiens, païens, blancs et noirs. Nous voudrions tous nous aider si nous le pouvions, les êtres humains sont ainsi faits. Nous voulons donner le bonheur à notre prochain, pas lui donner le malheur. Nous ne voulons pas haïr ni humilier per-sonne. Chacun de nous a sa place et notre terre est bien assez riche, elle peut nourrir tous les êtres humains. Nous pouvons tous avoir une vie belle et libre mais nous l’avons oublié.

[…] Je dis à tous ceux qui m’entendent : Ne désespérez pas ! […] Vous n’êtes pas des machines. Vous n’êtes pas des esclaves. Vous êtes des hommes, des hommes avec tout l’amour du monde dans le cœur. Vous n’avez pas de haine, sinon pour ce qui est inhumain, ce qui n’est pas fait d’amour. Soldats ne vous battez pas pour l’esclavage mais pour la liberté.

[…] Il faut nous battre pour libérer le monde, pour renverser les frontières et les barrières raciales, pour en finir avec l’avidité, avec la haine et l’intolérance. Il faut nous battre pour construire un monde de raison, un monde où la science et le progrès mèneront tous les hommes vers le bonheur. Soldats, au nom de la Démocratie, unissons-nous tous !

Regarde, Hannah, regarde ! Hannah, est-ce que tu m’entends ? Où que tu sois, lève les yeux ! Lève les yeux, Hannah !! Les nuages se dissipent !! Le soleil perce !! Nous émer-geons des ténèbres pour trouver la lumière !! Nous pénétrons dans un monde nouveau, un monde meilleur, où les hommes domine-ront leur cupidité, leur haine et leur brutalité. Lève les yeux, Hannah !! L’âme de l’homme a reçu des ailes et enfin elle commence à voler. Elle vole vers l’arc-en-ciel, vers la lumière de l’espoir. Lève les yeux, Hannah ! Lève les yeux !

Dans ce film sorti au début de 1940 (donc réalisé avant la guerre), Chaplin dénonce très fortement, en les évo-quant de manière à peine voilée, les dictatures européennes, l’Allemagne nazie, Adolf Hitler, la situation des juifs qu’on cherche à éliminer, la propagande, etc.

L’histoire : dans un pays imaginaire mais ressemblant en tout point à l’Allemagne, un barbier juif ressemble très fort au dictateur Hynkel et, à la suite de diverses péripéties, ils sont confondus l’un avec l’autre. Le barbier juif se retrouve à la place du dictateur et doit, à la fin du film, prononcer un discours devant une foule immense. Doit-il, pour sauver sa peau, tenter de faire croire jusqu’au bout qu’il est le dictateur ou doit-il être sincère ?

(Ndlr : Hannah est la fiancée, juive, du barbier.) Pistes d’exploitation

Seriez-vous prêts à voter pour un leader politique tenant ce discours ? Pourquoi ?

En se mobilisant pour une cause, quelle qu’elle soit, défendue par un brillant orateur emportant nos réserves et objections, ne risque-t-on pas de perdre son libre arbitre et de devenir ainsi une machine ?

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Écrivain français né en 1900, mort en 1944. Auteur notamment du Petit Prince.

Très tôt passionné par l’aviation, il devint pilote d’essai puis participa à la création les lignes aérien-nes postales en Afrique de l’Ouest et en Améri-que du Sud. Il transcrivit ses expériences et les réflexions qu’elles lui inspirèrent dans plusieurs romans.Lorsque survint la guerre en 1940, il était pilote de guerre et il participa à la Campagne de France en mai et juin (dont parle l’extrait de « Pilote de guerre » ci-dessous).Il fut abattu au-dessus de la Méditerranée le 31 juillet 1944.

Le capitaine de Saint-Exupéry et le lieute-nant Dutertre chez le Commandant.

Fini le collège, c’est la vie.— Tu savais, toi, que c’était notre tour ?— Pénicot a volé ce matin.Nous partons sans doute en mission,

puisqu’on nous convoque. Nous sommes fin mai, en pleine retraite, en plein désastre. On sacrifie les équipages comme on jetterait des verres d’eau dans un incendie de forêt. Comment pèserait-on les risques quand tout s’écroule ? Nous sommes encore, pour la France, cinquante équipages de Grande Reconnaissance. Cinquante équipages de trois hommes, dont vingt-trois chez nous, au Groupe 2/33. En trois semaines nous avons perdu dix-sept équipages sur vingt-trois. Nous avons fondu comme une cire. J’ai dit hier au lieutenant Gavoille :

— Nous verrons ça après la guerre.Et le lieutenant Gavoille m’a répondu : — Vous n’avez tout de même pas la pré-

tention, mon Capitaine, d’être vivant après la guerre ?

Gavoille ne plaisantait pas. Nous savons bien que l’on ne peut faire autrement que nous jeter dans le brasier, même si le geste est inutile. Nous sommes cinquante, pour toute la France. Sur nos épaules repose toute la stratégie de l’armée française ! Il est une immense forêt qui brûle, et quelques verres d’eau à sacrifier pour l’éteindre : on les sacrifiera.

C’est correct. Qui songe à se plaindre ? A-t-on jamais entendu répondre autre chose, chez nous, que : « Bien, mon Commandant. Oui, mon Commandant. Merci, mon Commandant. Entendu, mon Commandant. » Mais il est une impression qui domine toutes les autres au cours de cette fin de guerre. C’est celle de l’absurde. Tout craque autour de nous. Tout s’éboule. C’est si total que la mort elle-même paraît absurde. Elle manque de sérieux, la mort, dans cette pagaille…

Nous entrons chez le commandant Alias. (Il commande aujourd’hui encore, à Tunis, le même Groupe 2/33.)

— Bonjour, Saint-Ex. Bonjour, Dutertre. Asseyez-vous.

Nous nous asseyons. Le Commandant étale une carte sur la table et se retourne vers le planton :

— Allez me chercher la météo.Puis il tapote la table de son crayon. Je

l’observe. Il a les traits tirés. Il n’a pas dormi. Il a fait la navette, en voiture, à la recherche d’un État-Major fantôme, l’État-Major de la Subdivision… Il a tenté de lutter contre

les magasins d’approvisionnements qui ne livraient pas leurs pièces de rechange. Il s’est fait prendre sur la route dans des embou-teillages inextricables. Il a aussi présidé au dernier déménagement, au dernier emmé-nagement, car nous changeons de terrain comme de pauvres hères poursuivis par un huissier inexorable. Alias a réussi à sauver, chaque fois, les avions, les camions et dix tonnes de matériel. Mais nous le devinons à bout de forces, à bout de nerfs.

— Eh bien, voilà…Il tapote toujours la table et ne nous

regarde pas.— C’est bien embêtant…Puis il hausse les épaules.— C’est une mission embêtante, mais

ils y tiennent beaucoup à l’État-Major. Ils y tiennent beaucoup… J’ai discuté, mais ils y tiennent, c’est comme ça…

Dutertre et moi nous regardons, à travers la fenêtre, un ciel calme. J’entends caqueter les poules, car le bureau du Commandant est installé dans une ferme, comme la Salle des Renseignements l’est dans une école. Je n’opposerai pas l’été, les fruits qui mûrissent, les poussins qui prennent du poids, les blés qui lèvent, à la mort si proche. Je ne vois pas en quoi le calme de l’été contredirait la mort, ni en quoi la douceur des choses serait ironie. Mais une vague idée me vient : « C’est un été qui se détraque. Un été en panne… » J’ai vu des batteuses abandonnées. Des faucheuses-lieuses abandonnées. Dans les fossés des routes, des voitures en panne abandonnées. Des villages abandonnés. Telle fontaine d’un village vide laissait couler son eau. L’eau pure se changeait en mare, elle qui avait coûté tant de soin aux hommes. Tout à coup, une image absurde me vient. Celle des horloges en panne. De toutes les horloges en panne. Horloges des églises de village. Horloges des gares. Pendules de cheminée des maisons vides. Et, dans cette devanture d’horloger enfui, cet ossuaire de pendules mortes. La guerre… on ne remonte plus les pendules. On ne ramasse plus les betteraves. On ne répare plus les wagons. Et l’eau, qui était captée pour la soif, ou pour le blan-chissage des belles dentelles du dimanche des villageoises, se répand en mare devant l’église. Et l’on meurt en été…

C’est comme si j’avais une maladie. Ce médecin vient de me dire : « c’est embêtant » Il faudrait donc penser au notaire, à ceux qui restent. En fait, nous avons compris, Dutertre et moi, qu’il s’agit d’une mission sacrifiée :

Pilote de guerre

ANTOINE DE SAINT-ExuPéRy

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— Étant donné les circonstances présen-tes, achève le Commandant, on ne peut pas trop tenir compte du risque…

Bien sûr, on ne « peut pas trop ». Et per-sonne n’a tort. Ni nous, de nous sentir mélan-coliques. Ni le Commandant, d’être mal à l’aise. Ni l’État-Major, de donner des ordres. Le Commandant rechigne parce que ces ordres sont absurdes. Nous le savons aussi, mais l’État-Major le connaît lui-même. Il donne des ordres parce qu’il faut donner des ordres. Au cours d’une guerre un État-Major donne des ordres. Il les confie à de beaux cava-liers, ou, plus moderne, à des motocyclistes. Là où régnaient la pagaille et le désespoir, chacun de ces beaux cavaliers saute à bas d’un cheval fumant. Il montre l’Avenir, comme l’étoile des Mages. Il apporte la Vérité. Et les ordres reconstruisent le monde.

Ça, c’est le schéma de la guerre. L’imagerie en couleur de la guerre. Et chacun s’évertue, de son mieux, à faire que la guerre ressemble à la guerre. Pieusement. Chacun s’efforce de bien jouer les règles. Il se pourra, peut-être, alors, que cette guerre veuille bien ressembler à une guerre.

Et c’est afin qu’elle ressemble à une guerre qu’on sacrifie, sans but précis, les équipages. Nul ne s’avoue que cette guerre ne ressemble à rien, que rien n’a de sens, qu’aucun schéma ne s’adapte, qu’on tire gravement les fils qui ne communiquent plus avec les marionnettes. Les États-Majors expédient avec conviction des ordres qui ne parviendront nulle part. On exige de nous des renseignements qui sont impossibles à récolter. L’aviation ne peut pas assumer la charge d’expliquer la guerre aux États-Majors. L’aviation, par ses observa-tions, peut contrôler des hypothèses. Mais il n’est plus d’hypothèses. Et l’on sollicite, en fait, d’une cinquantaine d’équipages, qu’ils modèlent un visage à une guerre qui n’en a point. On s’adresse à nous comme à une tribu de cartomanciennes. Je regarde Dutertre, mon observateur-cartomancienne. Il objectait, hier, à un colonel de la Division : « Et comment ferai-je, à dix mètres du sol et cinq cent trente kilomètres-heure, pour vous repérer les positions ? – Voyons, vous verrez bien où l’on vous tirera dessus ! Si l’on vous tire dessus, les positions sont allemandes. »

[…] Au fond, l’État-Major ressemble à un joueur de bridge que l’on interrogerait d’une pièce voisine :

— Que dois-je faire de ma dame de pique ?

L’isolé hausserait les épaules. N’ayant rien vu du jeu, que répondrait-il ?

Mais un État-Major n’a pas le droit de hausser les épaules. S’il contrôle encore quelques éléments, il doit les faire agir pour les garder en main, et pour tenter toutes les chances, tant que dure la guerre. Bien qu’en aveugle, il doit agir, et faire agir.

Mais il est difficile d’attribuer un rôle, au hasard, à une dame de pique. Nous avons déjà constaté, avec surprise d’abord, puis comme une évidence que nous aurions pu prévoir, ensuite, que lorsque l’éboulement commence, le travail manque. On croit le vaincu submergé par un torrent de pro-blèmes, usant jusqu’à la corde, pour les résoudre, son infanterie, son artillerie, ses tanks, ses avions… Mais la défaite escamote d’abord les problèmes. On ne connaît plus rien du jeu. On ne sait à quoi employer les avions, les tanks, la dame de pique…

On la jette au hasard sur la table, après s’être creusé la tête pour lui découvrir un rôle efficace. Le malaise règne, et non la fièvre. La victoire seule s’enveloppe de fièvre. La victoire organise, la victoire bâtit. Et chacun s’essouffle à porter ses pierres. Mais la défaite fait tremper les hommes dans une atmosphère d’incohérence, d’ennui, et, par-dessus tout, de futilité.

Car d’abord elles sont futiles, les missions exigées de nous. Chaque jour plus futiles. Plus sanglantes et plus futiles. Ceux qui don-nent les ordres n’ont d’autre ressource, pour s’opposer à un glissement de montagne, que de jeter leurs derniers atouts sur la table.

Dutertre et moi nous sommes les atouts et nous écoutons le Commandant. Il nous développe le programme de l’après-midi. Il nous envoie survoler à sept cents mètres d’altitude, les parcs à tanks de la région d’Ar-ras, au retour d’un long parcours à dix mille mètres, de la voix qu’il prendrait pour nous dire :

— Vous me suivrez alors la seconde rue à droite jusqu’au coin de la première place ; il y a là un bureau de tabac où vous m’achèterez des allumettes…

Ni plus, ni moins utile, la mission. Ni plus ni moins lyrique, le langage qui la signifie.

Je me dis : « Mission sacrifiée. » Je pense… je pense beaucoup de choses. J’attendrai la nuit, si je suis vivant, pour réfléchir. Mais vivant… Quand une mission est facile, il en rentre une sur trois. Quand elle est un peu « embêtante », il est plus dif-ficile, évidemment, de revenir. Et ici, dans le bureau du Commandant, la mort ne me paraît ni auguste, ni majestueuse, ni héroï-que, ni déchirante. Elle n’est qu’un signe de désordre. Un effet du désordre. Le Groupe va nous perdre, comme on perd des bagages dans le tohu-bohu des correspondances de chemins de fer.

Et ce n’est pas ce que je pense sur la guerre, sur la mort, sur le sacrifice, sur la France, tout autre chose, mais je manque de concept directeur, de langage clair. Je pense par contradictions. Ma vérité est en morceaux, et je ne puis que les considérer l’un après l’autre.

La Campagne de 1940

L’armée allemande atta-qua la France, la Belgique et les Pays-Bas, le 10 mai 1940.Les armées de ces pays, mal équipées, mal orga-nisées et mal préparées, opposèrent localement une résistance parfois héroïque mais vaine. Une suite d’effondrements successifs et d’erreurs stratégiques permit aux Allemands de réussir très rapidement leur invasion.Tout se passa très vite et dans le plus grand chaos : les Pays-Bas capitulèrent le 15 mai et la Belgique le 28 mai. Le front français était totalement disloqué le 8 juin, l’ordre de retraite générale fut donné le 12, Paris fut occupé le 14, le Maréchal Pétain demanda l’armistice le 17, qui fut signé le 22 juin, avec plus de la moitié de la France occupée par les Allemands. En moins d’un mois et demi, l’invasion allemande était terminée.

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44 citations de « Terre des hommes » (�938)

n Quand nous prendrons conscience de notre rôle, même le plus effacé, alors seule-ment nous serons heureux. Alors seulement nous pourrons vivre en paix, car ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort.

n Puisqu’il suffit, pour nous délivrer, de nous aider à prendre conscience d’un but qui nous relie les uns aux autres, autant le chercher là où il nous unit tous. […] Et ainsi jusqu’au simple berger. Car celui-là qui veille modestement quelques moutons sous les étoiles, s’il prend conscience de son rôle, se découvre plus qu’un simple serviteur. Il est une sentinelle. Et chaque sentinelle est responsable de tout l’empire.

n Nous n’avons pas besoin de la guerre pour trouver la chaleur des épaules voisines dans une course vers le même but.La guerre nous trompe.La haine n’ajoute rien à l’exaltation de la course.

Pistes d’exploitation

L’humanité est-elle libre, qui se voit « contrainte » de faire la guerre alors que celle-ci est absurde ?

Qu’est-ce que la guerre a de plus absurde que la vie, finalement ?

Lorsqu’on perd une guerre, il n’existe plus de règles, on fait ce qu’on peut. Comment expliquer que, malgré que plus rien ne soit obliga-toire, on persiste dans une logique de sa propre destruction, que l’on réussisse à ignorer l’instinct de survie qui commanderait de tout arrêter et de se mettre à l’abri ?

L’homme a ceci de propre qu’il peut agir en contradiction totale avec ses convictions les plus profondes. Comment expliquer le fait qu’un commandant puisse sacrifier des hommes qu’il apprécie visiblement, en sachant que c’est inutile ?

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Lettre à Adolf hitler, �4 décembre �94�

[…] Notre résistance à cette oppression (Ndlr : l’oppression britannique en Inde) ne signifie pas que nous voulons du mal au peuple britannique. Nous cherchons à le convertir, non à le battre sur le champ de bataille. Notre révolte contre la domination britannique est désarmée. Mais que nous convertissions ou non les Britanniques, nous sommes résolus à rendre leur domi-nation impossible par la non-coopération non violente. C’est une méthode invincible par sa nature même. Elle est basée sur le fait qu’aucun spoliateur ne peut atteindre son but sans un minimum de coopération, volontaire ou forcée, de la part de sa vic-time. Nos maîtres peuvent avoir nos terres et nos corps, mais pas nos âmes. Ils ne peuvent avoir ces dernières qu’en exter-minant tous les Indiens, hommes, femmes et enfants. Il est vrai que tous ne peuvent s’élever à ce degré d’héroïsme et que la force peut briser la révolte, mais ce n’est pas la question. Car si l’on peut trouver en Inde un nombre convenable d’hommes et de femmes prêts, sans aucune rancune contre les spoliateurs, à sacrifier leurs vies plutôt que de fléchir le genou devant eux, ils

Cette lettre a fait couler énormément d’encre, beaucoup de gens ont reproché après la guerre à Gandhi de s’être adressé à Hitler. Il faut savoir qu’avant la fin de la guerre et la découverte des camps de concen-tration, la plupart des crimes commis par les nazis étaient peu connus de l’opinion publique mondiale, et donc de Gandhi lui-même. De plus, Gandhi se refusait à croire qu’Hitler fût inté-gralement mauvais.

auront montré le chemin de la libération de la tyrannie violente. […]Comme je l’ai dit, dans la technique non-violente la défaite n’existe pas. C’est « agir ou mourir » sans tuer ni blesser. Elle peut être utilisée pratiquement sans argent et de toute évidence sans l’aide de la science de la destruction que vous avez poussée à une telle perfection. Je suis étonné que vous ne voyiez pas qu’elle n’est l’exclusivité de personne. Si ce n’est pas les Britanniques, quelque autre puissance pourra améliorer votre méthode et vous battre avec vos propres armes. Vous ne laisserez pas à votre peuple un héritage dont il aura lieu d’être fier. Il ne pourra s’enorgueillir du récit d’actes cruels, même adroitement préparés. Je vous demande donc au nom de l’huma-nité de cesser la guerre […].

MOhANDAS KARAMchAND GANDhI

Pistes d’exploitation

Si vous aviez dû écrire à Hitler pour lui demander de cesser la guerre, que lui auriez-vous dit ?

Écrivez un courrier argumenté (et envoyez-le vraiment !) à un chef d’État qui se rend coupable d’exactions, qu’il s’agisse d’un conflit armé ou de violations des droits humains.

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JOSEPh KESSEL - MAuRIcE DRuON

Le chant des partisans (�940-�943)

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme.Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.

Montez de la mine, descendez des collines, camarades !Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades.Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite !Ohé, saboteur, attention à ton fardeau: dynamite...

C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères.La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère.Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves.Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève...

Ici chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait, quand il passe.Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.Sifflez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute...

Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu’on enchaîne ?Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme.Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.

Piste d’exploitation

Lorsqu’un pays est occupé par une armée étrangère, vaut-il mieux tenter de vivre sa vie tranquillement ou bien tenter de résister à l’en-nemi par les armes ?

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47 48 Harry Truman

50 Albert Camus

La ville japonaise d’Hiroshima, centre industriel important, a été la toute première cible réelle d’une bombe atomique.

Le président Harry Truman, président des USA, prit la décision de bombarder le Japon avec des bombes atomiques afin d’écourter la guerre et d’éviter de lourdes pertes humaines. L’invasion du Japon par l’armée américaine laissait en effet craindre une résistance désespérée et plusieurs centaines de milliers de victimes américaines, ce que l’opinion publique des États-Unis n’aurait pas accepté. Le 6 août, Hiroshima fut bombardée. Le 9 août, ce fut Nagasaki, port industriel important. Le 15 août 1945, le Japon annonça qu’il capitulait sans conditions.Les deux bombes d’Hiroshima et de Nagasaki ont fait un minimum de 200 000 victimes, dont au moins 100 000 à la seconde de leur explosion.

C’est la première et la dernière fois qu’on a utilisé l’arme atomique dans le cadre d’un conflit.

LA BOMBE ATOMIquE

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Il fut élu vice-président des États-Unis sous Franklin D. Roosevelt en 1944 et devint président au décès de celui-ci le 12 avril 1945, en pleine guerre.Il fut réélu président en 1948 et le restera jusqu’en 1953.

Sous son mandat ont eu lieu la fin de la Seconde Guerre mondiale, (avec entre autres les bombarde-ments atomiques), la guerre froide, la création de l’ONU et de l’OTAN, la guerre de Corée.

Discours du 7 août �945 à la radio, au lendemain du bombardement d’hiroshima

[…] Le monde se souviendra que la pre-mière bombe atomique a été lancée sur Hiroshima, une base militaire. Pour cette découverte, nous avons gagné la course contre les Allemands. Nous l’avons utilisée pour abréger les atrocités de la guerre, et pour sauver les vies de milliers et de milliers de jeunes Américains. Nous continuerons à l’utiliser jusqu’à ce que nous ayons com-plètement détruit le potentiel militaire du Japon.

[…] La bombe atomique permet d’intensifier d’une manière nouvelle et révolutionnaire la destruction du Japon. Sa force relève de la force élémentaire de l’univers, de celle qui alimente le soleil dans sa puissance. Cette force vient d’être lancée contre ceux qui ont déchaîné la guerre en Extrême-Orient.

[…] C’était pour épargner au peuple japonais une destruction complète que l’ultimatum du 28 juillet a été publié à Potsdam. Les chefs japonais ont rejeté rapidement cet ultimatum. S’ils n’acceptent pas maintenant nos conditions, ils peuvent s’attendre à une pluie de destructions venant des airs comme on n’en a jamais vue sur cette terre. Après cette attaque aérienne, les forces navales et terrestres suivront en nombre et en puissance, telles qu’ils n’en ont jamais vues auparavant et avec cette adresse au combat qu’ils connaissent bien.

hARRy TRuMANHomme politique amé-ricain, né en 1884, mort en 1972.

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Pistes d’exploitation

Les États-Unis ont choisi de faire des centaines de milliers de victimes japonaises pour épargner des centaines de milliers de vies américaines. Comment expliquer qu’on puisse faire un tel choix ?

Contrairement au gourdin, à l’épée ou, même, au fusil, la bombe atomique tue indistinctement les militaires et les civils, sans qu’il soit possible de mettre quiconque réellement à l’abri. Or, une des « règles » de la guerre consiste à ne s’en prendre qu’aux militaires, et à épargner les civils. Pensez-vous que cette « règle » soit pertinente ? Un mort n’est-il pas un mort, qu’il porte ou non un uniforme ?

Si vous aviez été dans la position du président Truman, quels auraient été les arguments qui auraient pesé dans la balance, du côté pour comme du côté contre ?

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citations

Les avantages militaires et l’économie des vies américaines obtenus au moyen de l’emploi subit de bombes atomiques contre le Japon risquent d’être contrebalancés par la vague d’horreur et de répulsion qui se répandra sur le reste du monde. Si les États-Unis devaient être les premiers à déchaîner ce nouveau moyen de destruction aveugle sur l’humanité, ils renonceraient à la sympathie populaire dans le monde entier, précipiteraient la course aux armements et nuiraient aux chances d’arriver à un accord international sur le contrôle de ces armes dans l’avenir. [...] Nous pensons que ces considérations rendent l’emploi de bombes nucléaires, dans un futur rapproché et contre le Japon, inopportun.

Albert Einstein et d’autres scientifiques, cité dans Montagnon : « La Grande Histoire de la Seconde Guerre Mondiale », vol. 9, Pygmalion/Gérard Watelet 1995, p. 151-152

Pour information

D’après une étude poussée de tous les faits et avec l’appui des témoignages de dirigeants japonais encore en vie, le groupe d’étude est de l’avis que le Japon aurait certainement capitulé avant le 31 décembre 1945 et peut-être même avant le 1er novembre 1945. Et cela même si les bombes n’avaient pas été larguées, même si l’URSS n’était pas entrée en guerre, et même si aucune invasion n’avait été planifiée et envisagée.

United States Strategic Bombing Survey, « Japan’s Struggle to End the War », Govern-ment Printing Office, Washington (étude menée au Japon, en interrogeant des centai-nes de dirigeants militaires et politiques après la guerre).

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Pistes d’exploitation

La paix n’est pas l’absence de conflit, mais un système où on les résout pacifiquement. La bombe atomique consacre la prééminence de la force. L’emporte celui qui a la plus de force. Ici : la force absolue. Se lie à ceci l’intimidation : le plus fort intimide le plus faible qui n’ose provoquer un conflit. À cela, Camus oppose la justice. Quels sont les avantages et les incon-vénients respectifs d’une paix basée sur la justice et d’une paix basée sur l’intimidation ?

La paix n’est pas l’absence de conflit, mais l’absence de violence. Discutez-en.

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Il fut l’auteur de romans, de pièces de théâtre mais avait tout d’abord déployé une grande activité de journaliste.Il dénonça les injustices et suite à une série d’articles dans un journal d’Alger dénonçant l’humiliation du peuple kabyle, il perdit son emploi et fut contraint de partir en France en 1940.Durant la guerre, il s’engagea dans le mouvement de résistance Combat, et y publia de nombreux articles, tous anonymes. Il avait publié également ses pre-mières œuvres littéraires.Classé dans le courant existentialiste, bien qu’il en ait refusé l’étiquette, il s’in-terrogeait énormément sur la dimension absurde de l’existence et proposait d’y répondre par la révolte de l’homme contre cette condition absurde. Il fut toute sa vie un opposant à toute forme de violence, c’est ainsi qu’on l’a vu dénoncer, quasiment seul au milieu du concert des réjouissances à l’idée de voir la guerre se terminer vite, l’utilisation de la bombe atomique en 1945.Il fut un adversaire extrêmement virulent de la peine de mort et rédigea à ce sujet une correspondance impressionnante, constituée notamment de demandes de grâce pour des condamnés.

ALBERT cAMuS

Écrivain français né en 1913 à Alger et mort en 1960. Prix Nobel de Littérature en 1957.

Article dans combat 8 août �945

Le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire peu de chose. C’est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’infor-mation viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. On nous apprend, en effet, au milieu d’une foule de commentaires enthousiastes, que n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d’un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en disser-tations élégantes sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépen-dant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase: la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.

En attendant, il est permis de penser qu’il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles. Que dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d’aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science

se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d’idéalisme impénitent, ne songera à s’en étonner.

[…] Déjà, on ne respirait pas facilement dans ce monde torturé. Voici qu’une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances d’être définitive. On offre sans doute à l’humanité sa dernière chance. […] Ce devrait être […] le sujet de quelques réflexions et de beaucoup de silence.

[…] Qu’on nous entende bien. Si les Japonais capitulent après la destruction d’Hiroshima et par l’effet de l’intimidation, nous nous en réjouirons. Mais nous nous refusons à tirer d’une aussi grave nouvelle autre chose que la décision de plaider plus énergiquement encore en faveur d’une véritable société internationale où les grandes puissances n’auront pas de droits supérieurs aux petites et aux moyennes nations, où la guerre, fléau devenu définitif par le seul effet de l’intelligence humaine, ne dépendra plus des appétits ou des doctri-nes de tel ou tel État.

Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison.

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LA GuERRE fROIDE

5� Paul-Henri Spaak

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, deux blocs antagonistes se partageaient le monde.Les États-Unis d’une part, auxquels s’étaient alliés les pays d’Europe de l’Ouest, libérés des nazis par les Alliés et d’autre part l’Union soviétique, qui avait libéré l’Europe de l’Est mais y avait établi son régime politique.

Les différences idéologiques entre les deux étaient fondamentales, des tensions politiques et stratégiques s’installèrent rapidement et les deux blocs cherchèrent à asseoir leur influence sur un maximum de pays, par des moyens politiques et parfois militaires, faisant craindre à beaucoup de gens l’éclatement d’une nouvelle guerre. On appela cette période la « guerre froide », on y assista à une course aux armements et au soutien des deux blocs à toutes sortes de mouvements de décolonisation, de guérillas ou de coups d’État, en vue d’étendre leur zone de domination politique, économique et idéologique.

L’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) fut créée en 1949 dans un but de défense commune contre l’Union soviétique, perçue par les pays créateurs comme de plus en plus menaçante, Elle regroupe les États d’Amérique du Nord et ceux d’Europe de l’Ouest.

L’Union soviétique et les pays de l’Est ressentirent la création de cette organisation comme une menace et en 1955, le pendant communiste de l’OTAN fut créé, il s’agissait du Pacte de Varsovie, qui regroupait la majorité des pays du bloc communiste.

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Homme d’État belge né en 1899, mort en 1972. Il fut Premier ministre et surtout Ministre des Affaires étrangères à plu-sieurs reprises entre 1936 et 1965. Il fut président de l’Assemblée générale des Nations unies et Secrétaire général de l’OTAN. Il est considéré comme un des pères de l’Europe.

PAuL-hENRI SPAAK

[…] Si nos pays sont sortis de leur double épreuve (Ndlr : les deux Guerres mondiales), nous ne pourrions pas affirmer avec certi-tude qu’ils seraient capables, encore une fois, de sortir d’une troisième guerre mon-diale et de reprendre courageusement leur marche en avant.

[…] Savez-vous quelle est la base de notre politique ? C’est la peur. La peur de vous, la peur de votre Gouvernement, la peur de votre politique.

Et si j’ose employer ces mots, c’est parce que la peur que j’évoque, n’est pas la peur d’un lâche, n’est pas la peur d’un Ministre qui représente un pays qui tremble, un pays qui est prêt à demander pitié ou à deman-der merci.

Non, c’est la peur que peut avoir, c’est la peur que doit avoir un homme quand il regarde vers l’avenir et qu’il considère tout ce qu’il y a peut-être encore d’horreur et de tragédie, et de terribles responsabilités dans cet avenir.

Savez-vous pourquoi nous avons peur ? Nous avons peur parce que vous parlez souvent d’impérialisme. Quelle est la défini-tion de l’impérialisme ? Quelle est la notion

courante de l’impérialisme ? C’est celle d’un peuple – généralement d’un grand pays – qui fait des conquêtes et qui augmente, à travers le monde, son influence.

Quelle est la réalité historique de ces dernières années ? Il n’y a qu’un seul grand pays qui soit sorti de la guerre ayant conquis d’autres territoires, et ce grand pays c’est l’URSS. C’est pendant la guerre et à cause de la guerre que vous avez annexé les pays baltes. C’est pendant et à cause de la guerre que vous avez pris un morceau de la Finlande. C’est pendant et à cause de la guerre que vous avez pris un morceau de la Pologne. C’est grâce à votre politique audacieuse et souple que vous êtes devenus tout-puissants à Varsovie, à Prague, à Belgrade, à Bucarest, à Sofia. C’est grâce à votre politique que vous occupez Vienne et que vous occupez Berlin, et que vous ne semblez pas disposés à les quitter. C’est grâce à votre politique que vous réclamez maintenant vos droits dans le contrôle de la Ruhr. Votre empire s’étend de la mer Noire à la Baltique et à la Méditerranée. Vous voulez être aux bords du Rhin et vous nous demandez pourquoi nous sommes inquiets...

« Discours de la peur » à l’Assemblée générale des Nations-unies, le �8 septembre �948(Ndlr : le discours s’adresse ici aux représentants de l’union soviétique.)

photo : OTAN - Ref 964/20

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Discours préliminaire à la signature du pacte de l’Atlantique(Washington, 4 avril �949)

En signant, dans quelques instants, le Pacte Atlantique Nord, nous allons participer à l’évé-nement politique le plus important survenu depuis la création des Nations Unies. La grande alliance défensive qui va être créée constitue une étape essentielle dans la voie qui mène à la consolidation de la paix. Les peuples ont, dès lors, le droit de s’en réjouir.

[…] Les peuples qu’il représente détestent la guerre et leurs gouvernements partagent leur sentiment. La guerre est une chose odieuse et absurde. Elle n’arrange rien et ses consé-quences sont presque aussi lourdes à supporter pour les vainqueurs que pour les vaincus. Les démocraties, par essence, sont pacifiques là où les peuples ont leur mot à dire, là où l’opinion s’exprime sans entrave, là où la pensée n’est pas enchaînée et l’opposition bâillonnée.

L’idée que l’on pourrait mener une politique agressive est inconcevable. Si le monde entier acceptait et pratiquait les principes démocratiques qui sont les nôtres, il n’y aurait plus de guerre, mais aussi longtemps qu’il n’en sera pas ainsi, nous avons le droit, nous avons le devoir d’être prudents et d’être prêts.

citation de Paul henri-SpaakCe qui m’épouvante, c’est que je me rends compte qu’à l’heure actuelle, l’humanité sait ce qu’elle devrait faire pour être sauvée, que l’humanité voudrait le faire, mais son destin – son destin tragique – est qu’il semble qu’elle soit incapable de le faire.

Pistes d’exploitation

En quoi la Guerre froide était-elle une guerre ? Une guerre sans morts est-elle une vraie guerre ?

Le « discours de la peur » traduit bien le fait que la peur engendre la violence, qu’on se défend quand on s’estime menacé. Trouvez-vous des exemple de ce principe dans votre vie quotidienne ? Et dans la manière dont tourne le monde aujourd’hui ?

Selon Paul-Henri Spaak, l’humanité est incapable de choisir ce qui la sauverait. Que pensez-vous de cette affirmation ? Qu’est-ce qui peut empêcher l’humanité de choisir ?

Paul-Henri Spaak défend l’idée que les gouvernements démocratiques sont moins enclins à faire la guerre que les autres. Que pensez-vous de ce son raisonnement ?

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555 Albert Camus56 Martin Luther King58 Dominique Pire6� Arthur Haulot64 Oscar Arias65 UNESCO66 Kofi Annan67 Georges Brassens68 Jacques Brel70 Julos Beaucarne7� Boris Vian73 Bob Dylan74 Jean Ristat75 Calogero75 Mc Solaar

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ALBERT cAMuS

Piste d’exploitation

On considère souvent que l’Histoire de l’humanité se caractérise par une tendance lourde à un progrès. Il y a certes des reculs – parfois de longue durée –, mais il semble que les conditions de vie s’améliorent en général et qu’un certain nombre de valeurs « humanistes » (justice, droits humains, libertés fondamentales, développement culturel, etc.) gagnent du terrain par rapport au côté « animal » de l’être humain. Partagez-vous cette opinion ? Pensez-vous, comme Camus, que l’époque actuelle présente une menace considérable pour ces acquis ?

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citations d’Albert camus1. Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous apercevons encore

mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené.2. Nous n’avons pas à choisir le mal ; même le moindre. (…) Nous avons seulement à donner

une forme à la protestation des hommes contre ce qui les écrase, avec le seul but de maintenir ce qui doit être maintenu, et avec le simple espoir d’être un jour à notre place les ouvriers d’une nécessaire reconstruction.

Albert Camus et alt., « Manifeste du Groupe de liaisons internationales », 19483. Avec le temps, j’ai simplement aperçu que même ceux qui étaient meilleurs que d’autres

ne pouvaient s’empêcher aujourd’hui de tuer ou de laisser tuer parce que c’était dans la logique où ils vivaient, et que nous ne pouvions pas faire un geste en ce monde sans risquer de faire mourir. Oui, j’ai continué d’avoir honte, j’ai appris cela, que nous étions tous dans la peste, et j’ai perdu la paix. Je la cherche encore aujourd’hui, essayant de les comprendre tous et de n’être l’ennemi mortel de personne.

« La Peste »4. Quelle que soit la cause que l’on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre

aveugle d’une foule innocente.5. Il n’y a pas longtemps, c’étaient les mauvaises actions qui demandaient à être justifiées,

aujourd’hui ce sont les bonnes.6. J’ai compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer l’injustice, il fallait donner sa vie pour la

combattre.« Les justes »

7. Que préfères-tu, celui qui veut te priver de pain au nom de la liberté ou celui qui veut t’enlever ta liberté pour assurer ton pain ?

8. Faire souffrir est la seule façon de se tromper.« Caligula »

9. Si l’homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échoue à tout.« Carnets »

10. Car devant Dieu, il y a moins un problème de liberté qu’un problème du mal. On connaît l’alternative: ou nous ne sommes pas libres et Dieu tout-puissant est responsable du mal. Ou nous sommes libres et responsables, mais Dieu n’est pas tout-puissant.

« Le mythe de Sisyphe »

Discours de réception du Prix Nobel de Littérature (�957)

Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression, […] devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d’établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu’elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la ser-vitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d’alliance.

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Pistes de réflexion

Dans quelle mesure partagez-vous l’intuition de Martin Luther King ?

Quels sont les obstacles majeurs à l’accomplissement du rêve de Martin Luther King, et que l’humanité devra surpasser pour y accé-der ?

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MARTIN LuThER KING

Discours de réception du Prix Nobel de la Paix (�964)

Aujourd’hui, dans la nuit du monde et dans l’espérance de la Bonne Nouvelle, j’affirme avec audace ma foi dans l’avenir de l’humanité.Je refuse de croire que les circonstances actuelles rendent les hommes incapables de faire une terre meilleure.Je refuse de croire que l’être humain ne soit qu’un fétu de paille bal-lotté par le courant de la vie, sans avoir la possibilité d’influencer en quoi que ce soit le cours des événements.Je refuse de partager l’avis de ceux qui prétendent que l’homme est à ce point captif de la nuit sans étoile du racisme et de la guerre, que l’aurore radieuse de la paix et de la fraternité ne pourra jamais devenir une réalité.Je refuse de faire mienne la prédiction cynique que les peuples des-cendront l’un après l’autre dans le tourbillon du militarisme vers l’enfer de la destruction thermonucléaire.Je crois que la vérité et l’amour sans conditions auront le dernier mot effectivement. La vie, même vaincue provisoirement, demeure tou-jours plus forte que la mort.Je crois fermement que, même au milieu des obus qui éclatent et des canons qui tonnent, il reste l’espoir d’un matin radieux.J’ose croire qu’un jour tous les habitants de la terre pourront recevoir trois repas par jour pour la vie de leur corps, l’éducation et la culture pour la santé de leur esprit, l’égalité et la liberté pour la vie de leur cœur.Je crois également qu’un jour toute l’humanité reconnaîtra en Dieu la source de son amour.Je crois que la bonté salvatrice et pacifique deviendra un jour la loi. Le loup et l’agneau pourront se reposer ensemble, chaque homme pourra s’asseoir sous son figuier, dans sa vigne, et personne n’aura plus de raison d’avoir peur.

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Pasteur américain né en 1929 et mort assassiné en 1968. Prix Nobel de la Paix en 1964.

Il milita de manière non-violente pour le respect des droits civiques des Noirs aux États-Unis, contre la ségrégation raciale et la pauvreté, et pour la paix.Son action fut déterminante dans l’accession de tous aux mêmes droits et a probablement changé profondément le visage des États-Unis.Son approche, non-violente, fortement inspirée par Gandhi, a sans doute permis de rendre aux Noirs américains un sentiment de dignité, et de renforcer leur détermination à militer pour elle.

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citations de Martin Luther King1. Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères,

sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots.2. La non-violence est une arme puissante et juste, qui tranche

sans blesser et ennoblit l’homme qui la manie. C’est une épée qui guérit.

« Why we can’t wait »3. Nous avons appris à voler dans les airs comme des oiseaux et à

nager dans la mer comme des poissons, mais nous n’avons pas appris l’art simple de vivre ensemble comme des frères.

4. Une injustice commise quelque part est une menace pour la jus-tice dans le monde entier.

5. L’ultime faiblesse de la violence est que c’est une spirale des-cendante, engendrant la chose même qu’elle cherche à détruire. Au lieu d’affaiblir le mal, elle le multiplie. En utilisant la violence, vous pouvez tuer le menteur, mais vous ne pouvez pas tuer le mensonge, ni rétablir la vérité. En utilisant la violence, vous pouvez assassiner le haineux, mais vous ne pouvez pas tuer la haine. En fait, la violence fait simplement grandir la haine. Et cela continue… Rendre la haine pour la haine multiplie la haine, ajoutant une obs-curité plus profonde à une nuit sans étoiles. L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité : seule la lumière peut faire cela. La haine ne peut pas chasser la haine : seul l’amour peut faire cela.

6. Les hommes, depuis des années maintenant, ont parlé de la guerre et de la paix. Mais maintenant, ils ne peuvent plus juste en parler. Ce n’est plus un choix entre la violence et la non-violence dans ce monde ; c’est un choix entre la non-violence et la non-existence.

7. Sur certaines prises de positions, la couardise pose la question : “Est-ce sans danger ?”, l’opportunisme pose la question : “Est-ce politique ?”, et la vanité les rejoint et pose la question : “Est-ce populaire ?”. Mais la conscience pose la question : “Est-ce juste ?”. Et il arrive alors un moment où quelqu’un doit prendre position pour quelque chose qui n’est ni sans danger, ni politique, ni populaire mais doit le faire parce que sa conscience lui dit que c’est juste. Je crois aujourd’hui qu’il y a un besoin pour toutes les personnes de bonne volonté de se rassembler dans un grand acte de conscience et de dire les mots du vieux negro spiritual, “Nous n’allons plus étudier la guerre”. Ceci est le défi de l’homme moderne.

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DOMINIquE PIRE

Prêtre dominicain belge, né à Dinant en 1910, mort à Louvain en 1969. Il a reçu le Prix Nobel de la Paix en 1958.

Très tôt touché par la misère et les atteintes à la dignité, il a déployé durant toute sa vie une activité fébrile en faveur des personnes défavorisées, comme aumô-nier des scouts et guides de Huy et a créé le Service d’entraide familiale.Durant la Seconde Guerre mondiale, il fut aumônier de la résistance. Il a ravitaillé des centaines d’enfants défavorisés et participé aux réseaux qui permettaient aux soldats de quitter la zone occupée pour rejoindre les forces armées en Angleterre.En 1949, il fut confronté brutalement à la situation catastrophique des personnes déplacées durant la guerre, et qui étaient abandonnées à leur sort dans des camps insalubres sans que personne ne s’intéressât à elles.Il décida de leur consacrer sa vie et créa l’Aide aux personnes déplacées. Son but n’était pas seulement de leur apporter un soutien matériel, mais aussi de les aider à retrouver l’espoir et à reconstruire leur dignité, sans aucune barrière de langue, de culture ni même de religion. Ce furent ces efforts qui lui valurent le Prix Nobel de la Paix en 1958.Nanti du montant de la récompense associée au Prix, il fonda l’Université de Paix, destinée à mener une réflexion de fond sur la paix à destination des jeunes appe-lés à exercer des fonctions dirigeantes dans le monde ou leur pays.En 1962, il découvrit une autre situation catastrophique, celle de millions de gens dans les pays du Sud. Lors d’un voyage dans ce qui sera plus tard le Bengla-desh, il fut appelé à l’aide par des populations rurales victimes de cyclones. Il décida de les soutenir, mais pas n’importe comment. Selon lui, il importait en effet, de favoriser les conditions nécessaires à la paix et à l’autonomie, afin de ne pas créer des populations dépendantes de l’aide internationale et soumises à une situation trop précaire. Ce fut la création de la première Ile de Paix, à Gohira, en 1962.Il en suivit d’autres, en Inde, au Mali, en Guinée-Bissau, en Bolivie etc. Aujourd’hui, Iles de Paix apporte un soutien au développement des populations rurales au Burkina Faso, au Mali, au Bénin, en Équateur et au Pérou.

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�. Si tu veux la paix, prépare la paix.

�. Quand on parle de paix, la plupart des gens pensent à l’absence de guerre entre nations et non au simple bonheur humain, battu en brèche par les oppositions quotidiennes qui empoisonnent littéralement la vie des individus.

3. Le manque de courage de tant d’humains [Ndlr : est une cause de conflits]. Il semble, en effet, que la réaction de tout être normal, quand deux frères se battent, devrait être de tout tenter pour les empêcher de s’entre-tuer, voire pour les réconcilier. Chacun de nous, certes, connaît des pacifiques. Sans doute, hélas, les compterait-on sur les doigts. S’il faut parler de la réac-tion de la majorité des hommes devant les menaces de guerre, les batailles, la torture aux-quelles d’autres qu’eux sont aux prises, il faut avouer que les constatations sont décevantes.

4. Je vais plus loin. L’homme n’est pas pleutre seulement, souvent aussi il est très étriqué. À une époque où devrait se faire une conscience de citoyen du monde concerné par tout drame humain où qu’il se passe, son intérêt s’arrête souvent à son village, à son parti, à son clan, à sa secte.

5. Alors que le sort du monde dépend de chacun de nous, ce dont je suis de plus en plus convaincu, je vois autour de moi beaucoup trop d’être humains passifs et assoupis.

6. C’est dans ces conditions de misère, d’ignorance et d’injustice que naissent bien des foyers de discorde, de révolte ou de haine.

7. Ceux d’entre nous qui essayent d’harmoniser les actions humaines n’ont pas à être décou-ragés comme s’ils étaient à la fin des temps, mais à être encouragés, car nous sommes au commencement du monde des humains.

8. Si, comme je le vois, les droits reconnus à l’homme sont des facteurs de paix, ces droits à leur tour supposent la paix.

9. Entre deux êtres, deux communautés qui ont déposé les armes, mais qui demeurent hostiles, la paix n’existe pas.

�0. Définissons la paix positive comme étant le commencement de la compréhension mutuelle, du respect et de l’appréciation de l’autre en tant que différent de nous. La paix positive, c’est ce que j’appelle la coexistence des esprits et des cœurs.

��. J’ai entendu un jour, dans une interview, la réflexion suivante : « On arme plus parce qu’on se méfie plus et on se méfie plus parce qu’on arme plus. » Il faut donc sortir de ce cercle infernal. Mais personne ne me fera croire que l’on parviendra à en sortir en commençant par armer moins pour se méfier moins. Je ne vois qu’un chemin possible : se méfier moins pour arriver à armer moins. Je concède que le chemin de la paix positive est long et difficile. Mais je crois aussi que c’est l’unique qu’il faut suivre.

��. Le dialogue fraternel consiste d’abord, pour chacun des interlocuteurs, à mettre provisoire-ment entre parenthèses ce qu’il est, ce qu’il pense, pour essayer de comprendre et d’apprécier positivement, même sans le partager, le point de vue de l’autre.

�3. Le travail en commun sera l’occasion de démarrer le dialogue. Car, quand des gens dif-férents se rencontrent loyalement dans un travail organisé sur un terrain commun, leurs préjugés réciproques commencent à devenir moins forts. Certes, leurs préjugés peuvent persister vis-à-vis de la collectivité des autres, mais l’individu qui est venu travailler avec eux leur paraît soudain quelqu’un de bien.

�4. Mon rôle d’homme de paix consiste d’abord à faire la paix en moi, j’y insiste.

�5. S’ouvre alors le domaine de mes relations avec le monde. Sont-elles marquées par le respect profond de la conscience des autres ? Ce respect doit être si grand que mon langage doit le traduire spontanément.

�6. À ces relations de personne à personne se rattache l’ensemble de mes responsabilités sociales. Quel que soit mon état : médecin, avocat, fonctionnaire, contremaître, facteur des postes, cheminot, syndicaliste, mère de famille, professeur, etc…, j’ai à exercer mon rôle conformément à la justice et au respect total que je dois à ceux qui ne pensent pas comme moi. J’ai le devoir de dialoguer avec eux.

citations de « Bâtir la paix »

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60 citations de « vivre ou mourir ensemble »

�. Nous sommes tous appelés à une construction dialoguante du monde. La paix sera l’harmonisation de tous les Hommes dans toutes leurs différences et dans tous leurs intérêts. La paix sera un bonheur chanté à plusieurs voix. Il est par conséquent du devoir et de l’intérêt des peuples riches de veiller à ce que le partage des richesses mondiales se fasse, dans une perspective de croissance partagée. Dans la perspective d’un monde statique, tout sera stagnant et la violence régnera. Dans un processus de croissance mondiale, il sera possible à chacun de satisfaire ses ambi-tions légitimes sans devoir arracher quelque chose à l’Autre et en voyant au contraire le travail en commun faciliter la satisfaction des ambitions de tous. Comme vous le voyez, l’essentiel est que tous les pays en voie de développement se sentent bouger. Dès lors, tout sera possible. Les Hommes doivent donc s’atteler ensemble à une même aventure : la mise en valeur du monde. Les Hommes doivent arriver à transpirer ensemble. Cette mise en valeur jouera pour les pays riches le rôle que jouait jadis le Far West pour ses conquérants, et elle donnera aux pays pauvres un moyen d’affirmation de leur personnalité. Tout est là. Et il n’y a pas d’autre voie.

�. Il existe une tentation extrêmement subtile et dangereuse de confondre la paix avec la simple absence de guerre, un peu comme on serait tenté de confondre la santé avec l’absence de maladie, ou la liberté avec le non-emprisonnement. La terminologie est parfois trompeuse. Par exemple, l’expression « coexistence pacifique « signifie absence de guerre et non paix véritable.

3. Des millénaires de persécutions, de luttes, de guerres et de massacres ne doivent pas laisser d’illusion. Nul ne pourrait prétendre découvrir la baguette magique qui y mettrait fin d’un coup. Ce qu’il faut trouver, c’est une voie. Même si elle est longue, même si elle exige de la patience et du courage, il faut en franchir le seuil, l’entreprendre par le com-

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Piste de réflexion

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mencement, sans se croire dès le début à l’arrivée. Mais il est temps de commencer, même s’il faut se dire que notre génération n’en verra pas la fin. Ouvrir le sentier dont d’autres feront une route : cela en vaut la peine. En bon ouvrier de paix, qui équarrit et place sa pierre alors qu’il sait qu’il ne verra pas le fronton du temps.

4. Ce qui caractérise notre époque c’est qu’on y est violent avec la conscience tranquille. Par l’extension de l’instruction, toute violence peut trouver une excuse idéologique ou morale […] Il se crée même, à l’heure actuelle, une nouvelle forme de violence : la violence sans conscience. Le développement d’un certain nihilisme entraînant l’absence de tout prin-cipe universel, la négation de toute morale ou au moins l’affaiblissement de la morale, quand on a envie de quelque chose, on la prend, fût-ce par des moyens violents. La violence n’est alors plus un mal pour lequel il faut expier, elle devient quelque chose de tout à fait habituel. Elle devient une méthode courante.

5. Mais il y a – nous le savons très bien – des causes objectives de la violence : et notam-ment des situations d’injustice qui semblent ne pouvoir être résolues que par la violence. C’est surtout le cas de l’opposition entre riches et pauvres, individus et nations. Je parle, bien entendu, non d’une pauvreté acceptée, mais d’une pauvreté imposée, débilitante,

8. Quand une violence éclate, elle est souvent le fait des pauvres ; entendez par « pauvres » les victimes de frustrations matérielles et morales. Alors interviennent les policiers, les « forces de l’ordre », pour réprimer la violence. Cela ne veut pas dire que les pauvres aient tort. Les riches provoquent les révolutions, les pauvres les exécutent.

[…] Sur le plan collectif, puisque malheureusement les impératifs moraux n’y jouent pas encore beaucoup, nous devons prendre conscience de ce que, à long et à moyen termes, la prospérité et la paix dépendent de la suppression de la misère et d’un accroissement de prospérité chez les pauvres. Il est donc à la fois utile et exaltant, pour les riches et les pauvres, de construire ensemble le monde et d’en partager les fruits multipliés.

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diminuante. La réponse à cette cause de violence tient en un mot : le développement. […]

Comment définir le développement ? D’une manière très simple : avoir plus pour être plus. Avoir plus ne suffit pas. […] On peut même être possédé par son avoir. Développer, c’est donc permettre aux pauvres d’avoir plus, pour être plus, c’est-à-dire finalement pour se réaliser eux-mêmes…

6. Je ne crois personnellement pas que le violence soit une caractéristique artificielle de l’humanité et puisse être actuellement supprimée. Je crois qu’elle est au contraire une propriété innée de la nature humaine, ou tout au moins un caractère provisoirement indéracinable.

7. Dom Helder Cámara, archevêque du Brésil, disait : « Si tu veux la guerre, exploite les pauvres. » Disons à notre tour : « Si tu veux la paix, aide les pauvres à se développer. »

La paix est une chose à faire ! Le monde peut périr pendant que se tiennent des conférences sur la paix.

« Souvenirs et entretiens

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ARThuR hAuLOT

Journaliste, poète et militant socialiste belge, né en 1913, mort en 2005.

Il fut très jeune un défen-seur de la justice sociale et à ce titre fut déporté par les Allemands durant la guerre. Il survécut aux mauvais traitements qu’il subit au camp de travail de Dachau et cette expérience le mènera à s’engager pour le restant de sa vie en faveur de la paix et de la fraternité entre les hommes. Il fut sans conteste une grande « conscience » de la seconde moitié du 20e siècle en Belgique.

Pourquoi s’indigner ?

Mais pourquoi s’indigner ?C’est bien là, cependant, ce qui me semble utile. S’indigner. Témoigner, par la parole et par les actes, du dégoût éprouvé pour tels crimes, telles fautes, telles lâchetés. Témoi-gner, du cœur et de l’esprit de son refus d’admettre l’avilissement, la banalisation du mépris de l’autre, la croissance de la haine, l’option la plus basse et la plus mensongère.

S’indigner. Élever la voix, rejeter la faiblesse, proclamer hautement son jugement, sa foi dans des valeurs qui fondent l’avenir, confortent l’aujourd’hui.

S’indigner, faire entendre raison à ceux, quels qu’ils soient, qui misent sur la pusil-lanimité des foules, leur sens des conve-nances, la peur de l’individu de sortir du lot, d’être remarqué et- qui sait ? - marqué.

S’indigner, dire tout haut ce que tant d’autres pensent tout bas, mais n’osent exprimer, par souci des convenances et du « qu’en dira-t-on ? » Bousculer les quiétudes, déranger fort, très fort, pour que la voix s’entende et résonne, longtemps, par-delà les silences de bonne compagnie et de petit courage. S’exposer au ricanement de ceux qui ne croient qu’à leur pâle nombril et au confort des bien-pensants.

Dire comme l’enfant dans le conte d’An-dersen « le roi est nu », chaque fois qu’on le constate, et que la voix populaire le dit pourtant vêtu. Dénoncer l’hypocrite, le falsificateur de l’histoire des hommes ; aller droit au but qui est d’ouvrir les plaies pour qu’elles puissent guérir, et non pourrir en silence.

S’indigner. Et retrouver en soi assez de volonté, de courage et de joie pour reprendre et reprendre, redire et répéter que le roi est nu. Ai-je parlé de joie ? Ce n’est pas par erreur. Je ne me connais guère de joie plus

impétueuse que celle qui m’anime quand, au bout de ma colère, je sens trembler, se fissurer le calme de bonne compagnie, quand je vois affluer sur les visages morts une inquiétude, un doute, une remise en cause, quand je sens s’émouvoir ceux-là qui se voulaient placides par couardise, par peur d’être inquiétés, d’avoir à réfléchir, et à prendre parti.

S’indigner, parce qu’il faut clamer.

[…] J’ai eu vingt fois déjà, l’occasion de jeter, dans la mare des propos de bon ton, ma rage, exprimée en un langage « bravant l’honnêteté ». Non par goût du vulgaire, ni de l’imprécation. Mais parce qu’il faut bien appeler les choses par leur nom, qu’il faut bien se purger de toute hypocrisie, de toute platitude. Parce qu’il faut, dès aujourd’hui plus que jamais peut-être, dire que tel chef d’État est une basse crapule, tel autre un assassin, à la mesure des crapules et des assassins de la Gestapo et de la Guépéou (Ndlr : la police politique soviétique) ; dire que tel chef de guerre n’a d’honneur que celui des plus sombres fripouilles, des par-jures et des canailles.

Et si ces mots font mal aux oreilles, ils auront le mérite de compenser un peu le bruit atroce que font les femmes violées, les enfants massacrés, les vieillards piétinés, les adolescents fusillés et les foules chas-sées sur les routes du désespoir.

S’indigner. C’est, m’a-t-on dit souvent, une attitude de jeunesse et d’immaturité. Puissé-je encore longtemps garder cette jeunesse, cette immaturité. Et puissé-je entraîner le plus possible de gens rassis dans la grande cure de l’indignation !

Le monde en sera moins bas, la vie en sera moins triste.Et l’honneur des hommes, un peu moins oublié.

Paroles d’homme

Pistes d’exploitation

De l’indignation à la colère, il n’y a qu’un pas. De la colère à la violence aussi. La paix peut-elle s’accommoder de l’indignation à laquelle Arthur Haulot en appelle ?

En quoi la paix ne consiste-t-elle pas à éviter les désaccords ?

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Autres citations de « Paroles d’homme »

Je refuse pour ma part de céder à la peur, à l’abandon de soi. Je rugis en mon sang à l’égard de tous les stratèges du mépris, de la haine et de la mort qui occupent le devant de la scène mondiale. Et la même révolte me soulève à l’égard de tous les chefs responsables des nationalismes, des tribalismes, des fausses spiritualités qui couvrent le monde et le déchirent. Tout au contraire, il me semble plus indispensable que jamais d’opposer à ces rages assassines, à ces orgueils monstrueux, la conscience de l’unité humaine, de la dignité de l’Homme en plein devenir.

Qu’opposer à cela ? Si ce n’est le souvenir de nos rages de vivre et de nos triomphes sur les ruines de tous les Mauthausen, de tous les Dachau, de tous les Büchenwald et de tous les Auschwitz. Certes, nous avions payé cher. Quelque cinquante millions de morts et le quart du monde en ruine, mais les plus assurés des esclavagistes avaient perdu la partie. Et, bien sûr, quand, en avril 1945, les portes des camps de concentration s’ouvraient sur les survivants libérés, nous nous étions gavés d’une même unanime, fabuleuse, délirante conviction : jamais plus cela. Nous avons eu tort de croire en l’effet de cette purge. Nous avons eu tort d’imaginer un monde qui effacerait sous le souvenir de ses hontes toutes ses tendances à l’écrasement de la liberté.

Chacun agit, ou plus exactement évite d’agir, comme s’il n’avait devant les événements d’autre rôle à jouer que celui d’un spectateur de film ou de théâtre. Il aura peut-être un sursaut de dégoût ; à la limite même ira-t-il jusqu’à l’expression d’une banalité : « Que c’est moche ! » Mais tout de suite après… Il n’y a pas d’après. La petite secousse émotive est vite apaisée, rangée parmi les frissons qu’il est convenable d’avoir ressentis. Voilà le citoyen justifié quant à la part qu’il prend à la peine du monde, à ses drames et ses désarrois. Qu’y pourrait-il changer, d’ailleurs, n’est-ce pas ? Dites-le moi ! Ce n’est pas notre affaire…

Pistes de réflexion

Quelles difficultés voyez-vous de l’information à l’indignation et de l’indignation à l’action ?

Comment pourrait-on faire pour que la paix, le développement et la dignité humaine franchissent le cap de la petite secousse émotive vite apaisée ?

Le fait qu’un individu oublie si vite ce qui le choque ou le dérange n’est-il pas un moyen pour lui de préserver sa propre paix ? Est-ce un bien ou un mal, selon vous ?

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64 Malgré le grand potentiel de progrès moral qui se trouve à la portée de notre époque, la morale de la cupidité et du militarisme continue à prévaloir. Il est scandaleux qu’au lieu de proclamer avec orgueil la lutte finale contre la pauvreté mondiale, tant de diri-geants et chefs d’entreprises se consacrent à la consolidation d’un ordre économique mondial ayant pour seules bases le cynisme et le profit. Il est scandaleux qu’au lieu de promouvoir les nobles valeurs de la solidarité et de la compassion, les leaders nationaux et mondiaux permettent aux plus riches de prospérer aux dépens de la grande masse des travailleurs et des chô-meurs appauvris.

Cette absence de leadership moral ne pourra être corrigée que si les nouvelles générations se lèvent, au côté des maîtres actuels de la paix, pour réclamer une nouvelle morale pour le nouveau millénaire. Voltaire, en écrivant Candide, il y a plus de deux cent ans, a montré une conscience aiguë des obligations morales créées par un monde en voie d’intégration. Dans ce livre, Candide rencontre un esclave des Amériques auquel manquent une main et un pied. La main de l’esclave avait été arrachée par la machine d’une sucrerie, son pied avait été coupé par les maîtres cruels pour

empêcher l’esclave de s’enfuir. Tandis que Candide le regarde, le misérable esclave lui déclare : « Tel est le véritable prix du sucre que vous mangez en Europe. »

Si la morale exigeait une réflexion mondiale du temps de Voltaire, pensons à toute la pertinence que cette puissante anecdote acquiert à notre époque de mondialisation. (…) La question n’est pas de savoir si chacun de nous se verra impliqué dans les changements moraux de la mondialisation mais de savoir quelle sera la contribution de chacun à la consolidation de cette morale. Quels seront ceux qui, par apathie, se feront complices des injustices auxquelles j’ai fait allusion ? Quels seront ceux qui, par leurs actes et leurs exemples, se joindront aux combattants pour la paix et l’égalité ?

Piste de réflexion

On parle souvent de « guerre économi-que » que se livrent entre eux des multina-tionales et/ou des États. Quelles en sont les victimes ?

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OScAR ARIAS

Homme d’État costari-cain, né en 1940. Prix Nobel de la Paix en 1987.

Il fut président du Costa Rica de 1986 à 1990 et il l’est à nouveau depuis 2006.Il a déployé une très grande activité diplo-matique pour faire cesser les conflits qui déchiraient l’Amérique centrale. Sa première présidence a vu le Costa Rica substituer en grande partie son économie traditionnelle à une économie plus orientée vers l’exporta-tion et le tourisme. Ses efforts ont également porté sur la réforme de l’enseignement et le respect des droits de l’homme.

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Manifeste de la culture de la paix

Pistes de réflexion

Est-ce la paix qui est préalable au développement ou le développe-ment qui est préalable à la paix ? Discutez.

La jeunesse est souvent considérée comme impétueuse et encline à la violence tandis qu’on reconnaît aux personnes âgées la sagesse de l’expérience. Pensez-vous que l’éducation soit le bon moyen de promouvoir la paix chez les jeunes ?

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La Culture de la paix est un processus dynamique et évolutif. La paix est fragile. Elle n’est jamais acquise une fois pour toutes. Aussi sa construction est-elle une œuvre de longue haleine. Elle doit être édifiée quotidiennement dans nos familles, notre rue, notre quartier, notre village, notre lieu de travail, en somme dans notre environne-ment et notre milieu de vie.

La paix s’apprend par divers moyens et dans divers milieux. Elle est l’affaire de tous les citoyens. Elle est un droit de tous les peuples. En conséquence tous les peuples doivent participer à sa construction et à son maintien. […]

Dans la culture de la paix, priorité doit être donnée à l’éducation, à la justice et au développement, ainsi qu’au règlement pacifique et la prévention des conflits.

La paix est un préalable à tout développement. Elle est une condition sine qua non pour le développement humain durable.

UNESCO, Bureau régional pour l’éducation en Afrique

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66 KOfI ANNAN

Diplomate ghanéen, né en 1938. Prix Nobel de la Paix en 2001.

Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies de 1997 à 2006.Ses combats les plus importants à ses propres yeux ont été ceux en faveur du développement, en particulier de l’Afrique, du respect des droits de l’homme et de la paix.Depuis qu’il n’est plus à la tête des Nations unies, il préside l’Alliance pour une révolution verte en Afrique et l’Organisation mondiale contre la torture.

photo : Nations-Unies

Extrait de « Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous »(rapport du Secrétaire général sur les suites à donner aux textes issus du Sommet du Millénaire)

[…] Le développement, la sécurité et les droits de l’homme sont indissociables.Même s’il a le droit de vote, un jeune homme atteint du sida, analpha-bète et affamé, est loin d’être libre. Même si elle gagne assez pour vivre, la femme dont le quotidien est marqué par la violence et qui n’a pas son mot à dire sur la façon dont son pays est gouverné n’est pas libre non plus. Parler d’une liberté plus grande, c’est dire que les hommes et les femmes du monde entier ont le droit d’être gouvernés selon leur volonté et dans le respect de la loi, et de vivre dans une société où chacun peut librement, sans discrimination ou sanction, s’exprimer, pratiquer une religion et s’associer à d’autres. C’est dire qu’ils doivent aussi être à l’abri du besoin, ne pas vivre sous le couperet de la misère ou des maladies infectieuses, et à l’abri de la peur, ne pas avoir à craindre que la violence et la guerre viennent bouleverser leur vie ou les priver de tout moyen de subsistance. Chacun a droit à la sécurité et au développement.Outre que le développement, la sécurité et le respect des droits de l’homme sont impératifs, ils se renforcent mutuellement. Les liens entre eux ne font que se resserrer à cette époque de progrès technologique rapide, d’interdépendance économique de plus en plus marquée, de mondialisation et de changements géopolitiques spectaculaires. Si l’on ne peut dire que la pauvreté et le non-respect des droits de l’homme sont les « causes » des guerres civiles, du terrorisme et de la criminalité organisée, on peut par contre affirmer qu’ils augmentent considérablement le risque d’instabilité et de vio-lence. De même, la guerre et les exactions ne sont pas, loin s’en faut, les seules raisons qui expliquent que certains pays soient englués dans la pauvreté, mais il ne fait aucun doute qu’elles freinent le déve-loppement. Un acte de terrorisme catastrophique, dirigé par exemple contre un grand centre financier dans un pays riche, pourrait réduire les chances de développement de millions de personnes à l’autre bout de la terre en déclenchant une grave crise économique qui ferait gagner du terrain à la pauvreté. Et les pays qui sont bien gouvernés et où les droits de l’homme sont respectés ont plus de chance d’éviter les horreurs de la guerre et de surmonter les obstacles qui entravent le développement.Par conséquent, il n’y a pas de développement sans sécurité, il n’y a pas de sécurité sans développement, et il ne peut y avoir ni sécurité, ni développement si les droits de l’homme ne sont pas respectés. Si le combat n’est pas livré sur tous les fronts, aucune victoire ne sera possible.

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GEORGES BRASSENS

Auteur-compositeur-interprète français, né en 1921, mort en 1981.Il est considéré comme l’un des plus grands de la chanson française, ses textes sont des poèmes d’une grande sensibilité et d’une grande richesse. Il était un adepte de l’anarchie et des libertés individuelles.

Mourir pour des idées

[…] Jugeant qu’il n’y a pas péril en la demeureAllons vers l’autre monde en flânant en cheminCar, à forcer l’allure, il arrive qu’on meurePour des idées n’ayant plus cours le lendemainOr, s’il est une chose amère, désolanteEn rendant l’âme à Dieu c’est bien de constaterQu’on a fait fausse route, qu’on s’est trompé d’idéesMourons pour des idées, d’accord, mais de mort lenteD’accord, mais de mort lente

Les singes en bouche d’or qui prêchent le martyreLe plus souvent, d’ailleurs, s’attardent ici-basMourir pour des idées, c’est le cas de le direC’est leur raison de vivre, ils ne s’en privent pasDans presque tous les camps on en voit qui supplantentBientôt Mathusalem dans la longévitéJ’en conclus qu’ils doivent se dire en aparté«Mourons pour des idées, d’accord, mais de mort lenteD’accord, mais de mort lente»

Des idées réclamant le fameux sacrificeLes sectes de tout poil en offrent des séquellesEt la question se pose aux victimes novicesMourir pour des idées, c’est bien beau, mais lesquelles ?Et comme toutes sont entre elles ressemblantesQuand il les voit venir, avec leurs gros drapeauxLe sage, en hésitant, tourne autour du tombeauMourons pour des idées, d’accord, mais de mort lenteD’accord, mais de mort lente

Encore s’il suffisait de quelques hécatombesPour qu’enfin tout changeât, qu’enfin tout s’arrangeâtDepuis tant de grands soirs que tant de têtes tombentAu paradis sur Terre on y serait déjàMais l’âge d’or sans cesse est remis aux calendesLes dieux ont toujours soif, n’en ont jamais assezEt c’est la mort, la mort toujours recommencéeMourons pour des idées, d’accord, mais de mort lenteD’accord, mais de mort lente.

Pistes de réflexion

Est-il paradoxal qu’on puisse mourir pour des idées, par exemple pour celle de la paix ?

Existe-t-il des causes qui méritent qu’on puisse donner sa vie pour elles ?

Seriez-vous prêt à donner votre propre vie pour une cause ? À quoi consacrez-vous votre vie, si ce n’est une idée ?

Toutes les causes se valent-elles ?

Dans quelle mesure mourir pour des idées sert-il à quelque chose ?

Avoir un camp, une opinion, est-ce compatible avec la paix ?

Que penser du fait qu’il soit possible de faire mourir les autres pour ses idées à soi ?

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JAcquES BREL

Auteur, compositeur, interprète belge, né en 1929 et mort en 1978.Il est sans conteste le plus grand chanteur belge et un des monu-ments de la chanson française.Il fut toujours soucieux de justice et d’équité, d’abord d’une manière un peu naïve (Le diable, 1953) puis d’une manière beaucoup plus amère à la fin de sa vie (Jaurès, 1977). On trouve souvent dans son œuvre la marque d’une révolte contre la mesquinerie, la médiocrité, l’intolérance, la guerre et la haine.

Le diable (ça va)

Un jour le Diable vint sur terre, un jour le Diable vint sur terrepour surveiller ses intérêts, il a tout vu le Diable, il a tout entenduet après avoir tout vu, après avoir tout entendu, il est retourné chezlui, là-bas.Et là-bas on avait fait un grand banquet ; à la fin du banquet, il s’estLevé, le Diable, il a prononcé un discours et en substance il a dit ceci,il a dit:

Ça va.Il y a toujours un peu partoutDes feux illuminant la terre ça vaLes hommes s’amusent comme des fousAux dangereux jeux de la guerre ça vaLes trains déraillent avec fracasParce que des gars pleins d’idéalMettent des bombes sur les voiesÇa fait des morts originalesÇa fait des morts sans confessionDes confessions sans rémission ça va

[…] Les hommes ils en ont tant vuQue leurs yeux sont devenus gris ça vaEt l’on ne chante même plusDans toutes les rues de Paris ça vaOn traite les braves de fousEt les poètes de nigaudsMais dans les journaux de partoutTous les salauds ont leur photoÇa fait mal aux honnêtes gensEt rire les malhonnêtes gens.Ça va ça va ça va ça va

Pistes de réflexion

La guerre est-elle une fatalité de l’huma-nité ? La paix est-elle inaccessible ?

Ne peut-on profiter de la paix qu’en redou-tant la guerre ?

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citations

Dis-le toi désormaisMême s’il est sincèreAucun rêve jamaisNe mérite une guerreOn a détruit la BastilleEt ça n’a rien arrangéOn a détruit la BastilleQuand il fallait nous aimer

Mon ami, je crois que tout peut s’arrangerSans cris, sans effroi même sans insulter les

[bourgeoisL’avenir dépend des révolutionnairesMais se moque bien des petits révoltésL’avenir ne veut ni feu ni sang ni guerreNe sois pas de ceux-là qui vont nous les

[donner« La Bastille »

Pourquoi les monumentsQu’offriront les défaites ?Les phrases déjà faitesQui suivront l’enterrement ?Pourquoi l’enfant mort-néQue sera la victoire ?Pourquoi les jours de gloireQue d’autres auront payés ?

« La colombe »

Quand on n’a que l’amourPour parler aux canonsEt rien qu’une chansonPour convaincre un tambourAlors sans avoir rienQue la force d’aimerNous aurons dans nos mains,Amis le monde entier !

« Quand on n’a que l’amour »

Pistes de réflexion

Quelle est la différence entre les révolu-tionnaires et les petits révoltés ? Comment cela se concrétise-t-il aujourd’hui

Franchement, le dernier couplet de « Quand on n’a que l’amour », vous y croyez ?

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Jaurès

Ils étaient usés à quinze ansIls finissaient en débutantLes douze mois s’appelaient décembreQuelle vie ont eu nos grands-parentsEntre l’absinthe et les grand-messesIls étaient vieux avant que d’êtreQuinze heures par jour le corps en laisseLaissent au visage un teint de cendreOui notre Monsieur, oui notre bon Maître

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

[…] Si par malheur ils survivaientC’était pour partir à la guerreC’était pour finir à la guerreAux ordres de quelque sabreurQui exigeait du bout des lèvresQu’ils aillent ouvrir au champ d’horreurLeurs vingt ans qui n’avaient pu naîtreEt ils mouraient à pleine peurTout miséreux, oui notre bon MaîtreCouverts de prêtres, oui notre MonsieurDemandez-vous belle jeunesseLe temps de l’ombre d’un souvenirLe temps de souffle d’un soupir

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

Pistes de réflexion

Jaurès était un défenseur de la paix. Pensez-vous qu’il soit facile de défendre la paix envers et contre tout ?

Pensez-vous que les pacifiques aient une chance de se faire entendre au milieu du tumulte du monde ?

Pensez-vous qu’il serve à quelque chose d’être pacifique quand sont en jeu des intérêts beaucoup plus puissants que nous, et pour lesquels la paix ne compte pas ?

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JuLOS BEAucARNE

Artiste belge inclassable (chanteur, comédien, sculpteur, poète, conteur, etc.) né en 1936.Profondément humaniste et écologiste, il milite depuis toujours en faveur d’un monde plus simple et plus juste, basé sur l’amour et le respect de la nature profonde de l’homme. Il écorne avec humour et tendresse les travers de notre société et nous invite avec une douce insistance à nous « aimer à tort et à travers ».Je suis l’homme

Je suis l’homme, je suis l’enfant,Je suis la femme noire, la femme jaune,L’homme noir, l’homme jaune, l’homme blanc,Je suis l’oiseau et le poisson et la tortue et le cheval qui court. Je suis l’herbe et l’arbre.Je suis la mer et la montagne.Si je fais du mal à une partie de moi,À l’enfant qui est en moi,À la femme qui est en moi,De n’importe quel pays,De n’importe quelle couleur,Je me fais du mal à moi-même.Aussi ai-je souvent mal à toutes ces parties de moi mutilées, torturées, affamées, en quelque lieu du monde.

Le jour approche où je serai entière et entier,Où j’aurai assumé ma féminitude,Ma mâlitude, ma négritude, ma jaunitude.

Je suis l’homme, je suis l’enfant,Je suis la femme noire, la femme jaune,L’homme noir, l’homme jaune, l’homme blanc

Pistes de réflexion

Julos Beaucarne ressent le mal que l’on fait à tout ce qui se trouve sur la Terre. Vous est-il parfois arrivé de ressentir une telle douleur ?

Cela peut-il empêcher qui que ce soit de faire du mal, d’après vous ?

N’est-il pas un peu présomptueux de se dire : « Je suis tout » ? Cela ne peut-il pas mener à se croire supérieur et, partant, être une menace pour la paix ?

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Lettre à Kissinger

J’veux te raconter KissingerL’histoire d’un de mes amisSon nom ne te dira rienIl était chanteur au Chili.

Ça se passait dans un grand stadeOn avait amené une tableMon ami qui s’appelait JaraFut amené tout près de là.

On lui fit mettre la main gaucheSur la table et un officierD’un seul coup avec une hacheLes doigts de la gauche a tranché.

D’un autre coup il sectionnaLes doigts de la dextre et JaraTomba, tout son sang giclait6000 prisonniers criaient.

L’officier déposa la hacheIl s’appelait p’t’être KissingerIl piétina Victor Jarachante dit-il, tu es moins fier.

Levant les mains vides des doigtsQui pinçaient hier la guitareJara se releva doucementFaisons plaisir au commandant.

Il entonna l’hymne de l’UDe l’unité populaireRepris par les 6000 voixDes prisonniers de cet enfer.

Une rafale de mitrailletteAbattit alors mon amiCelui qui a pointé son armeS’appelait peut-être Kissinger.

Cette histoire que j’ai racontéeKissinger, ne se passait pasEn 42 mais hierEn septembre septante-trois.

En 1973, le général Pinochet prend le pouvoir au Chili grâce à un coup d’État. Des dizaines de milliers d’opposants, artistes, militants des Droits de l’homme, journalistes ou simples quidams se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment sont arrêtés, rassemblés dans des stades de football et souvent maltraités et torturés, voire abattus ou exécutés. Aujourd’hui encore, des milliers de personnes sont toujours portées disparues. Le général Pinochet est mort en 2006 avant qu’ait pu commencer son procès pour, entre autres, torture et génocide.Henry Kissinger était à l’époque Secrétaire d’État américain aux affaires étrangères. Partisan de la suprématie américaine dans le cadre d’une politique réaliste, où la morale et les sentiments ne devaient pas jouer de rôle, il a été accusé de soutien à Pinochet, puis à la dictature et sa violence, sans que jamais la preuve puisse en être apportée.Henry Kissinger a par ailleurs obtenu le Prix Nobel de la Paix en 1973 pour son rôle dans les accords de paix du Vietnam.

citations

C’est la société qui est malade. Il nous faut la remettre d’aplomb et d’équerre, par l’amour, et l’amitié, et la persuasion. Sans vous commander, je vous demande d’aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches. Le monde est une triste boutique, les cœurs purs doivent se mettre ensemble pour l’em-bellir, il faut reboiser l’âme humaine.Lettre ouverte, 1975 (écrite le soir même de l’assas-

sinat de sa compagne)

Je crois profondément que notre compor-tement personnel influence le cosmos tout entier, que nous sommes tous responsables de ce qui se passe dans le monde, je crois que nous pouvons tous améliorer la vie du monde en allant au bout de notre propre histoire, en allant au bout de tous nos possibles personnels.Je souhaite que toutes les chances soient données à tout un chacun qui vit et marche sur l’écorce terrestre.

Article pour Amnesty International, 2003

Pistes de réflexion

Depuis 1973 au Chili, bien d’autres exac-tions ont été commises dans le monde entier, et on peut même avoir l’impression qu’elles sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus graves. Avez-vous l’impression que le monde entre dans une spirale de violence, ou bien est-on simplement mieux informé de ce qui s’est toujours produit ?

L’auteur nous demande d’aimer ceux qui nous sont proches, parce que ce que nous faisons peut influencer le monde entier. N’est-ce pas bien dérisoire, comme conseil ?

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BORIS vIAN

Écrivain, musicien, inventeur, chanteur, et poète français, né en 1920 et mort en 1959.Créateur prolifique et décalé, son œuvre littéraire est souvent noire et sarcastique, mais Boris Vian ne suivait aucune ligne de conduite précise, si ce n’est celle de l’originalité et de l’anticonformisme.

Monsieur le Président,je vous fais une lettre,que vous lirez peut-être,si vous avez le temps.

Je viens de recevoirmes papiers militairespour partir à la guerreavant mercredi soir.

Monsieur le Présidentje ne veux pas le faire,je ne suis pas sur terrepour tuer de pauvres gens.

C’est pas pour vous fâcher,il faut que je vous dise,ma décision est prise,je m’en vais déserter.

Depuis que je suis né,j’ai vu mourir mon père,j’ai vu partir mes frères,et pleurer mes enfants.

Ma mère a tant souffert,qu’elle est dedans sa tombe,et se moque des bombes,et se moque des vers.

Quand j’étais prisonnieron m’a volé ma femme,on m’a volé mon âme,et tout mon cher passé.

Demain de bon matin,je fermerai ma porteau nez des années mortesj’irai sur les chemins.

Je mendierai ma vie,sur les routes de France,de Bretagne en Provence,et je crierai aux gens:refusez d’obéir,refusez de la faire,n’allez pas à la guerre,refusez de partir.

S’il faut donner son sang,allez donner le vôtre,vous êtes bon apôtre,Monsieur le président.

Si vous me poursuivezprévenez vos gendarmesque je n’aurai pas d’armeset qu’ils pourront tirer.

Le déserteur (�5 février �954)

Pistes de réflexion

Que se passerait-il si tout le monde tenait ce raisonnement ?

Dans quelle mesure déserter ou refuser le combat est-il une bonne chose pour la paix ?

Dans quelle mesure la paix a-t-elle besoin qu’on se batte pour elle ?

Comment voudriez-vous réagir à l’ordre de rejoindre une armée pour faire la guerre ? Comment pensez-vous que vous réagiriez vraiment ?

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BOB DyLAN

Auteur-compositeur-interprète américain, né en 1941.Son style anticonformiste est souvent très réaliste et il n’a jamais hésité à prendre très clairement parti pour les causes aux-quelles il croyait (contre la guerre, d’abord du Vietnam puis toutes les suivantes, pour le respect des droits des minorités, contre l’hypocrisie, l’inté-grisme, etc.).Ici, il évoque plusieurs guerres que les États-Unis on menées, sur leur territoire, contre leurs voisins ou sur d’autres continents.

Dieu à nos côtés

Oh mon nom ne signifie rien Et mon âge encore moinsLe pays d’où je viensOn l’appelle le MidwestC’est là que j’ai grandi et qu’on m’a appris À respecter les loisEt que cette terre où je visA Dieu de son côté.

Oh les livres d’histoire nous le racontent Ils nous le racontent si bienLa cavalerie chargeaEt les Indiens tombèrentLa cavalerie chargeaEt les Indiens périrentLe pays était jeuneEt avait Dieu de son côté.

Oh la guerre Hispano-AméricaineA fait son tempsEt la guerre de Sécession Fut vite oubliéeLes noms des hérosJ’ai dû apprendre à les retenirIls avaient l’arme à la mainEt Dieu de leur côté.

Oh la Grande Guerre, les gars A liquidé sa destinéeLa raison de se battreJe ne l’ai jamais bien compriseMais j’ai appris à l’accepter,L’accepter avec fiertéCar on ne compte pas les mortsQuand Dieu est de son côté.

Quand la deuxième Guerre MondialeArriva à sa finNous pardonnâmes les Allemands,Et nous devînmes amisBien que six millions de personnes Soient mortes dans les chambres à gazLes Allemands eux aussi aujourd’huiOnt Dieu de leur côté.

Durant toute ma vieOn m’a appris à haïr les RussesSi une guerre à nouveau éclateCe sont eux que nous devrons combattreLes détester, les craindreCourir et se cacherEt accepter tout cela courageusementAvec Dieu de mon côté.

Mais à présent nous disposonsD’armes nucléairesSi nous sommes contraints à faire feuAlors il faudra que nous tirions sur euxQuelqu’un appuiera sur un boutonEt détruira la planète entièreEt tu ne poses pas de questionsQuand Dieu est de ton côté.

Dans bien des heures sombresCette pensée m’a hantéQue Jésus-ChristFut trahi par un baiserMais je ne peux penser pour vousC’est à vous de déciderSi Judas Iscariote avaitDieu de son côté.

Maintenant, je m’en vaisJ’en ai plus qu’assezLa confusion que je ressensRien ne peut l’exprimerLes mots emplissent ma tête Et tombent par terre Si Dieu est de notre côtéIl arrêtera la prochaine guerre.

Piste de réflexion

Pourquoi les religions sont-elles parfois à l’origine de guerres ou bien associées à elles, récupérées par les différents camps pour légitimer leur action ?

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JEAN RISTAT

Écrivain et poète français, né en 1943.Il est le directeur actuel des Lettres françaises, une prestigieuse édition littéraire.

Je nous souhaite d’aimer

Je nous souhaite d’aimer.Je nous souhaite la folie de croireque le monde peut être transformé,c’est à dire plus juste, plus fraternel.

Mais c’est en nousque la flamme doit être ranimée.Osons !

Je nous souhaite la vigilanceau milieu de la nuitet la force de rêver.

Et si la clarté des étoilesnous paraît encore lointaine,je demande la force du soufflequi conduit le coureur épuiséà transmettre à d’autres le flambeau.

Peu importe si, parfois,le genou fléchit et le cœur se serre.Le feu est dans le ciel noiroù nous ranimons notre vaillance.Le feu est en chacun de nouscomme un miroiroù nous nous reconnaissonshomme parmi les hommes.

Pistes d’exploitation

Est-on obligé de croire et d’agir pour la paix ?

Quelqu’un qui se contente de vivre sa vie faillit-il à une certaine mission de l’homme de construire la paix ?

La paix est-elle un droit ou un devoir des êtres humains ?

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75Mc SOLAAR

Auteur, compositeur et chanteur français d’ori-gine sénégalaise, né en 1969. De son vrai nom Claude M’Barali.Il considère qu’il a un message à faire passer à travers le rap et ses textes appellent à la réflexion sur l’intégration des immigrés et le racisme.

cALOGERO

Compositeur, musicien et chanteur français, né en 1971. De son vrai nom Calogero MauriciIl participe à de nombreu-ses actions caritatives en France, dont Les Enfoirés et le Sidaction.

Les hommes endormis

Et puisque les hommes endormisNe font pas de mal à leurs ennemisVienne oh que vienne la nuit

Et puisque les hommes allongésNe lèveront ni le poing ni l’arméeVienne oh que vienne la nuit

Vienne la nuit des tempsVienne le temps des nuitsVienne enfin le campDes hommes endormis

Et puisque les hommesDans leurs rêvesFont de l’amour un soleil qui se lèveVienne oh que vienne la nuit

Et puisque les hommesQui sommeillentSont tous un peu frêlesUn peu tous pareilsVienne oh que vienne la nuit

Vienne la nuit des tempsVienne le temps des nuitsVienne enfin le campDes hommes endormis

Vienne enfin le temps des hommesDes hommes endormis

Pistes de réflexion

S’endormir est-il un bon moyen de construire la paix ? La paix ne requiert-elle pas au contraire des hommes pleinement conscients et actifs ?

À moins que la paix ne soit impossible tant que les hommes seront conscients et actifs ?

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Relations humaines

C’est avec la fluidité qui le caractériseQue Bambi coule sur le tempo,Comme le caramel sur un FlandiseIl y a trop de violence au ciné, c’est mocheÇa déteint sur les mioches qui se battent lorsque sonne la clocheIls volent les répliques des truands, en font leurs idolesDupliquent leurs attitudes qui déplaisent à l’écoleTandis que leurs mères leur inculquent de bonnes manièresCeux-ci rêvent d’avoir un frère comme SchwarzeneggerTels sont les effets du grand écran sur les petitsObserve les faits divers, je vois que tu as saisiOublie un peu ta vidéo dont la haine est le thèmeEt commence à vivre de vraies relations humaines

Piste de réflexion

Pensez-vous que l’environnement dans lequel nous vivons nous incite soit à la violence soit à la paix ?

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77 John Fitzgerald Kennedy77 Jimmy Carter78 Georges Bush (senior)78 Jacques Chirac79 Georges Bush (junior)

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JOhN fITzGERALD KENNEDy

Homme d’État amériacin, né en 1917, mort assassiné en 1963. Président des États-Unis de 1961 à 1963. Il est sans doute le président des États-Unis le plus célèbre dans le monde. Ont contribué à sa renommée les efforts qu’il fit pour atténuer la ségrégation raciale et réduire les inégalités sociales aux USA, pour favoriser la paix et la fraternité dans le monde, notamment en détendant les relations avec certains pays com-munistes.

JIMMy cARTER

Discours d’investiture au poste de président des uSA (�0 janvier �96�)

Que toute nation sache, qu’elle nous veuille du bien ou du mal, que nous paierons n’importe quel prix, que nous supporterons n’importe quel fardeau, que nous accep-terons n’importe quelle épreuve, que nous soutiendrons n’importe quel ami et nous opposerons à n’importe quel ennemi pour assurer la survie et le succès de la liberté... Envers ces peuples qui, dans les huttes et les villages de la moitié du globe, luttent pour rompre les chaînes de la misère, nous prenons l’engagement que nous ferons tout ce que nous pourrons pour les aider à s’aider eux-mêmes, aussi longtemps qu’il le faudra, non pas parce qu’il se peut que les communistes le fassent, ni parce que nous recherchons leurs voies, mais parce que

c’est juste. Si une société libre ne peut aider la masse qui est pauvre, elle ne peut sauver la petite minorité qui est riche... Maintenant la trompette nous appelle encore une fois - non pas pour porter les armes, quoique nous en ayons besoin ; non pour la bataille, quoique nous soyons rangés en ordre de bataille, mais pour le fardeau d’un long combat crépusculaire année après année... un combat contre les ennemis communs des hommes : la tyrannie, la pauvreté, la maladie et la guerre elle-même.»

Depuis 1959, le Vietnam était secoué par un conflit opposant le Nord, communiste, au Sud, protégé par les USA. En décembre 1961, l’armée américaine intervint directement dans le conflit, qui dura jusqu’en 1973 et se solda par le retrait des troupes amé-ricaines et la prise de tout le Vietnam par les forces communistes.

Vous ne pouvez pas avoir la paix sans les droits de l’homme, sans la défense de l’environnement et sans la lutte contre la souffrance.[…] Depuis ces dernières années, je me suis senti de plus en plus préoccupé par bien des décisions politiques du gouvernement actuel qui mettent en danger aujourd’hui les principes de base de l’humanité. Parmi ces principes, figurent l’engagement pour la paix, pour la justice sociale et économique, le respect des libertés civiles, de notre environnement et des droits de l’homme. Sont aussi en péril les engagements historiques pour faciliter aux citoyens le droit à une information véridique et le respect de l’opposition.

Homme d’État américain, né en 1924. Président des USA de 1977 à 1981. Prix Nobel de la Paix en 2002.

Sous son mandat, des avancées en matière de paix, d’éducation et de respect de l’environnement se sont faites. Il est depuis la fin de sa carrière poli-tique un conseiller international dans les domaines de la médiation de conflit, du développement, de la démocratie et du respect des droits de l’homme.

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GEORGE BuSh (SENIOR)

Homme d’État américain, né en 1924. Président des États-Unis de 1989 à 1993.Son mandat verra notamment la première Guerre du Golfe en janvier et février 1991, et l’effondre-ment de l’Union soviétique à partir de 1991.

JAcquES chIRAc

Homme d’État français, né en 1932. Président de la République française de 1995 à 2007.

En août 1990, l’armée irakienne envahit le Koweït, pour s’approprier ses champs de pétrole.En janvier 1991, une coalition de 34 pays, menée par les États-Unis, attaqua l’armée irakienne lors d’une guerre éclair qui libéra le Koweït et mit l’Irak à genoux en quelques semaines.Il est communément admis que les enjeux de la guerre dépassaient très largement le petit conflit Koweït-Irak et visaient à maintenir les intérêts de certaines puissances dans cette région stratégique du monde.

Discours sur l’état de l’union �8 janvier �99�Grâce à Dieu, les États-Unis ont gagné la Guerre froide ; un monde jadis divisé en deux camps armés reconnaît aujourd’hui la supériorité d’une seule puissance : les États-Unis ; cette constatation n’inspire aucune peur car le monde a confiance en notre nation et il a raison.

Discours devant l’Assemblée générale des Nations unies�3 septembre �003

Contre le risque d’un monde sans ordre livré à la violence, œuvrons à l’établissement d’un État de droit international.Contre l’injustice et les souffrances d’un monde où les inégalités s’accroissent alors qu’il n’a jamais été aussi riche, faisons le choix de la solidarité.Contre le chaos d’un monde secoué par les désastres écologiques, appelons à une responsabilité partagée, autour d’une Organisation des Nations unies pour l’environnement.Contre la barbarie d’un monde où les droits fondamentaux sont trop souvent bafoués, où l’intégrité de l’homme est menacée, où les peuples premiers, dépositaires d’un patrimoine irremplaçable, disparaissent

dans le silence et dans l’indifférence, affir-mons une exigence éthique.Contre le péril du choc des civilisations enfin, revendiquons l’égale dignité des cultures, le respect de la diversité et la valeur du dialogue.Avec la Charte, adoptée au nom des peuples des Nations unies, les fondateurs ont proclamé leur foi dans ces idéaux. À nous d’en être dignes, à nous d’établir les Nations unies au cœur de cette démocratie planétaire si nécessaire à notre temps.

Discours au congrès des uSA, �� septembre �990

Un nouveau partenariat des nations a vu le jour.Nous nous trouvons aujourd’hui à un moment exceptionnel et extraordinaire. La crise dans le golfe Persique, malgré sa gra-vité, offre une occasion rare pour s’orienter vers une période historique de coopération. De cette période difficile, notre cinquième objectif, un nouvel ordre mondial, peut voir le jour : une nouvelle ère, moins menacée par la terreur, plus forte dans la recherche de la justice et plus sûre dans la quête de la paix. Une ère où tous les pays du monde, qu’ils soient à l’Est ou à l’Ouest, au Nord ou au Sud, pourront prospérer et vivre en harmonie. Une centaine de générations ont cherché cette voie insaisissable qui mène à la paix, tandis qu’un millier de guerres ont fait rage à travers l’histoire de l’homme. Aujourd’hui, ce nouveau monde cherche à naître. Un monde tout à fait différent de celui que nous avons connu. Un monde où la primauté du droit remplace la loi de la jungle. Un monde où les États reconnais-sent la responsabilité commune de garantir la liberté et la justice. Un monde où les forts respectent les droits des plus faibles.

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GEORGE W. BuSh (JuNIOR)

Homme d’État américain, né en 1946. Président des États-Unis de 2001 à 2009.Sous son mandat se sont produits les attentats du 11 septembre 2001, les guerres d’Afghanistan et d’Irak, l’inondation de La Nouvelle Orléans par le cyclone Katrina et la grande crise financière.Il a poursuivi une politique, aux fortes connotations religieuses et controversée dans le monde entier, de lutte contre le terrorisme et contre « l’axe du mal » constitué des pays opposés à la vision du monde selon les États-Unis.

Discours aux soldats de fort Bragg�9 janvier �005

[…] Les troupes, ici et dans le monde, livrent une guerre mondiale au terrorisme. Cette guerre a atteint nos rives le 11 septembre 2001. Les terroristes qui nous ont attaqués - et ceux auxquels nous faisons face - tuent au nom d’une idéologie totalitaire qui hait la liberté, rejette la tolérance et exècre toute contestation. Leur but est de façonner le Moyen-Orient à leur image de tyrannie et d’oppression - en renversant des gouvernements, en nous chassant de la région et en exportant la terreur.[…] Les terroristes croient que les sociétés libres sont fondamentale-ment corrompues et décadentes, et qu’il suffit de leur porter quelques coups durs pour les faire fuir. Ils se trompent. Après le 11 septembre, j’ai pris un engagement devant le peuple américain : ce pays n’atten-dra pas une autre attaque. Nous porterons la bataille chez l’ennemi. Nous défendrons notre liberté.[…] Nous luttons contre des hommes en proie à une haine aveugle, et armés d’armes meurtrières, qui sont capables de n’importe quelle atrocité. Ils ne sont pas revêtus d’un uniforme et ils ne respectent aucune disposition du droit de la guerre ni aucune règle morale. Ils tuent des innocents devant les caméras pour créer le chaos. Ils tentent d’ébranler notre volonté en Irak, tout comme ils ont tenté d’ébranler notre volonté le 11 septembre 2001. Ils n’y arriveront pas. Les terroristes ne comprennent pas les États-Unis. Le peuple amé-ricain ne faiblit pas sous la menace, et nous ne permettrons pas que notre avenir soit décidé par les auteurs d’attentats à la voiture piégée et par des assassins.Les États-Unis et leurs amis se trouvent dans un conflit qui exige beaucoup d’eux. Il exige le courage de nos combattants hommes et femmes, il exige la ténacité de nos alliés et il exige la persévérance de nos concitoyens. Nous acceptons ces charges parce que nous savons ce qui est en jeu. Nous luttons aujourd’hui parce […] que la progression de la démocratie sera le triomphe ultime sur l’extrémisme et sur le terrorisme.

Pistes d’exploitation :

Quelles sont les principales différences et évolutions entre les dis-cours des présidents depuis Kennedy ?

De quel discours vous sentez-vous le/la plus proche ? Pourquoi ?

Lequel ou lesquels de ces discours reflète-t-il le mieux la marche du monde ? Qu’en pensez-vous ?

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Discours sur l’état de l’union, 3� janvier �006

En cette période d’épreuve, nous ne pou-vons pas garantir notre sécurité en renon-çant à nos engagements et en nous retirant à l’intérieur de nos frontières. Si nous lais-sions ces attaquants venimeux tranquilles, eux ne nous laisseraient pas tranquilles. Ils ne feraient que déplacer le champ de bataille dans notre propre pays. La retraite ne mène nullement à la paix, et il n’y aucun honneur à battre en retraite. En laissant l’islam fondamentaliste faire ses quatre volontés, en laissant un monde agressé se débrouiller tout seul, nous indiquerions à tous que nous ne croyons plus à nos idéaux ni même à notre courage. Nos ennemis et nos amis peuvent cependant être certains que les États-Unis ne se retireront pas du monde et qu’ils ne capituleront pas devant le mal.[…] Une fois de plus, nous acceptons l’appel de l’histoire pour libérer les opprimés et faire avancer ce monde vers la paix.[…] L’alternative à un rôle dirigeant de l’Amé-rique, c’est un monde dramatiquement plus dangereux et inquiet. Mais nous choisis-sons aussi un tel rôle dirigeant en raison du privilège qui est le nôtre de servir les valeurs qui nous ont donné naissance. […] Notre propre génération livre une longue guerre à un ennemi déterminé. […] Ensemble, protégeons notre patrie, soutenons les hommes et les femmes qui la défendent et conduisons notre monde vers la liberté.

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80 80 cITATIONS Du �0e SIècLE

Ce besoin de se battre est si fort dans l’homme que, dénué d’ennemis véritables, il s’en crée aussitôt de factices parmi ses frères et ses proches : bien établie, la paix internationale aurait pour inévitable corollaire la guerre civile en permanence.

Rémy de Gourmont

Je dis la paix pâle et soudaineComme un bonheur longtemps rêvéComme un bonheur qu’on croit à peineAvoir trouvé.

Louis Aragon, poète et romancier français

L’homme raisonnable s’adapte au monde ; l’homme déraisonnable s’obstine à essayer d’adapter le monde à lui-même. Tout progrès dépend donc de l’homme déraisonnable.

George Bernard Shaw, extrait de « Maximes pour révolutionnaires »

Faisons la paix entre nous deux […], cela ne résoudra pas les problèmes du monde, mais cela prouvera qu’une négociation est encore possible.

Umberto Eco, écrivain italien

La vie était belle.L’on vieillissait avec le temps et jamais avant le temps.On dormait bien et on s’amusait bien.On n’avait pas à courir après les aiguilles d’un cadran quelconque, encore moins à tout le temps sursauter à un coup de sirène.On prenait son temps pour jouir de tout : on ne se pressait point.La vie était là, devant soi, riche, généreuse.On avait une philosophie qui permettait de se comporter de la sorte.On se savait membre d’une communauté qui jamais ne devait s’éteindre…

Bernard B. Dadié, dramaturge, poète et romancier ivoirien

Les dieux, les religions,Les guerres de civilisation,Les armes, les drapeaux, les patries, les nations,Font toujours de nous de la chair à canon

Renaud, « Manhattan Kaboul »

Abderhamane, Martin, DavidEt si le ciel était videSi toutes les balles traçantesToutes les armes de poingToutes les femmes ignorantesCes enfants orphelinsSi ces vies qui chavirentCes yeux mouillésCe n’était que le plaisirDe zigouiller ?

Alain Souchon, « Et si en plus y a personne »

Au fond de tout patriotisme, il y a la guerre. Voilà pourquoi je ne suis pas patriote.Jules Renard

Les guerres surviennent toujours entre deux états de paix. Alors, supprimons la paix et nous n’aurons plus de guerre.

Citations de Francis Blanche et Pierre Dac, « Almanach de l’Os à moelle », Pensée du 17 octobre 1980

Quand nous disons : ‘La guerre est finie, si nous le voulons’, nous voulons dire que si chacun réclamait la paix au lieu d’un autre appareil de télévision, nous aurions la paix.

John Lennon

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J’ai commencé à redouter la guerre. Pourquoi vient-elle? D’où vient-elle?Pourquoi cette peste créée des mains des hommes, les mains des hommes ne peuvent-elles rien contre elle ? Ils ne peuvent qu’en souffrir. Bien que je fusse jeune, j’avais déjà compris que la guerre ne nous tombe pas dessus comme une pierre tombe du ciel. Ce n’est pas une calamité naturelle. Notre paix rend la guerre inévitable. Pourquoi donc? J’avais compris combien puériles sont les explications que les gens donnent de la guerre : la haine et les nécessités économiques des peuples. Pourtant ceci est puéril et futile. Et la guerre apporte d’autres plaies qui accompagnent toutes les civilisations. Je veux parler de la misère, de l’esclavage, de la guerre civile ou de la révolution. Ces quatre plaies sont liées de quelque manière, mais quelle est l’origine de toutes? Comment l’une engendre l’autre? Et quel est le moyen d’en sortir?

Lanza del Vasto, philosophe italien né en 1901, mort en 1981. Conférence du 18 octobre 1977

La guerre de quatorze avait fait un civil de tué pour dix militaires. La guerre de quarante, un civil pour un militaire. Le Viêt-Nam cent civils pour un militaire. Pour la prochaine, seuls les militaires survivront. Engagez-vous !

Coluche, humoriste et comédien français né en 1944, mort en 1986

La paix, l’homme doit d’abord l’installer en lui-même, dans ses actes, ses sentiments, ses pensées. C’est à ce moment-là seulement qu’il travaille véritablement pour la paix.

Omraam Mikhaël Aïvanov, maître spirituel français d’origine bulgare né en 1900, mort en 1986

Notre débat de conscience a toujours renâclé à refuser la liberté aux ennemis de la liberté, la tolérance pour les intolérants, mais on doit se demander comment compenser cette faiblesse devant les stratégies d’agression qui usent sans vergogne des droits de la démo-cratie pour mieux la détruire.

André Delvaux, cinéaste belge né en 1926, mort en 2002

Tout être humain est doué de la capacité et donc du droit, et donc du devoir, de faire de lui-même un être libre et responsable de ses décisions et de ses actes.

Jeanne Hersch, « Le droit d’être un homme », 1968

Si le développement est une des définitions du mot paix, maintenir la majeure partie du monde dans un état de sous-développement c’est placer l’humanité devant des consé-quences graves que nous sous-estimons.

Dom Helder Camara, né en 1909, mort en 1999. Archevêque du Brésil. Genève, 1967

Quand je donne un morceau de pain à un pauvre, on dit que je suis un saint. Quand j’explique pourquoi le pauvre a faim, on me traite de communiste.

Dom Helder Cámara.

Mais sert-il à quelque chose d’exiger la justice pacifiquement, même si c’est de manière ferme et résolue, pendant que, par toute sa vie et par les institutions auxquelles on appar-tient, on est compromis dans l’engrenage des injustices et de l’oppression ?

Dom Helder Camara, « Le désert est fertile »

La violence, c’est un manque de vocabulaire.Gilles Vigneault, poète et chanteur québécois

La paix n’est pas un don de Dieu à ses créatures. C’est un don que nous nous faisons les uns aux autres.

Elie Wiesel

La guerre est un acte contraire à la raison humaine.Léon Tolstoï

Tant qu’il existera la misère, aussi longtemps que règnera l’exclusion, nous ne connaîtrons ni la paix de l’âme, ni la paix, ni la joie du cœur.

Abbé Pierre, Prix Nobel de la Paix

Le grand démon qui doit être combattu n’est pas un groupe de personnes ou un autre, mais plutôt la peur et la haine, qui continuent à germer dans les cœurs humains.

Groupe de Prix Nobel de la Paix

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Nous ne ferons plus le monde, mais au moins pouvons-nous veiller à ce qu’il ne se défasse point.

Bernard-Henry Lévy, philosophe français

Pour faire la paix, il faut relever ses manches et s’atteler à la besogne. La désirer simple-ment, dans l’abstrait, n’est pas suffisant.

Shimon Peres, homme d’État israélien, Prix Nobel de la Paix

Être pacifiste, c’est avoir toujours présent à l’esprit l’immense contenu du mot « paix » et tout ce qu’il signifie de non-souffrance, de non-détresse, de non-désolation.

Jean Rostand, biologiste et penseur français

J’ai toujours pensé que, d’une certaine manière, la science moderne pourrait un jour récon-cilier l’homme et la civilisation. Au moins elle pourrait donner les outils nécessaires pour éviter la violence qui semble intrinsèque à la notion même de civilisation classique

Ilya Prigogine, Prix Nobel de chimie

Notre siècle est l’un des plus terrifiants.Les sages de tous les temps ont souhaité ne pas être d’une pareille époque qui est celle durant laquelle :le Bien n’est pas séduisant,le Mal n’est pas repoussant,la Vérité n’a pas d’effet, le Mensonge n’a point de méfaits.Le contemporain vit dans la peine et dans l’inquiétude.

Amadou Hampâté Bâ, philosophe et homme de lettres malien

Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu’un d’autre de sa liberté.L’opprimé et l’oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité.

Nelson Mandela, Prix Nobel de la Paix

Seuls les hommes libres peuvent négocier pour la paix.Nelson Mandela, Prix Nobel de la Paix

Partout les armées ont attiré d’autant plus la guerre et les maux qui l’accompagnent, qu’elles ont été plus redoutables : il n’en est aucune qui ait préservé son pays d’une invasion. Le vieux proverbe, « si vis pacem, para bellum », était bon chez les anciens, où la force décidait tout ; il n’est plus chez les modernes l’expression de la vérité : de grands préparatifs de guerre mènent toujours à la guerre.

J.-B. Say

Comment faire un monde avec des hommes qui s’en croient tous le centre ?Pr Jacques Leclercq

Cette tendance à la paix est détruite par le résultat de l’intelligence humaine, de l’utilisation par l’homme de son intelligence pour nuire à autrui et c’est ce qui se traduit par des conflits. La façon dont fonctionnent nos esprits fait en sorte que nous nous trouvons confrontés à des points de vue différents, et que souvent on essaie d’imposer par la force, par la vio-lence, par la destruction ces points de vue.

Dalaï Lama (Tenzin Gyatso) né en 1935, chef spirituel des bouddhistes tibétains, conférence du 12 octobre 2003

Je crois que l’on observe quand même de plus en plus dans le monde une forme de pro-fonde lassitude à l’égard de la violence, des conflits, des guerres, une sorte de dégoût, on se dit : « il faut d’une façon ou d’une autre que l’on réduise cela au lieu de l’encourager ».

Dalaï Lama, conférence du 12 octobre 2003

J’en suis venu lentement à l’idée que la grande force dans le monde est la constitution d’une opinion publique éclairée et agissante.

Albert Schweitzer, Prix Nobel de la Paix, Lettre à Dominique Pire, prix Nobel de la Paix

La tâche primordiale de paix doit consister à lutter contre la méfiance systématique. La méfiance systématique de l’un ne peut engendrer que la méfiance systématique de l’autre.

Albert Schweitzer, entretien avec Dominique Pire, cité par Dominique Pire, « Bâtir la paix »

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Il est stupide de parler du maintien de la paix par l’équilibre des puissances ou par la dis-suasion nucléaire. Le pouvoir des armements ne peut produire que la peur, et non la paix. Il est impossible d’avoir une paix véritable et durable en brandissant la peur. De celle-ci ne provient que la haine, la malveillance et l’hostilité, réprimées un certain temps peut-être, mais prêtes à resurgir à chaque instant. Une paix véritable et réelle ne peut exister que dans une atmosphère de bienveillance, loin de la peur, de la suspicion et du danger.

Vénérable Walpola Rahula, (1906-1997)

Il ne peut y avoir de paix ou de bonheur pour l’homme aussi longtemps qu’il aura le désir et la volonté de conquérir et de dominer ses voisins.

Vénérable Walpola Rahula

Une paix sur la Terre se prépare dans la mesure où grandit le nombre de ceux qui osent se poser la question: puis-je être porteur de confiance autour de moi?Chacun de nous peut commencer à devenir un foyer de paix là où il vit.

Frère Roger Schütz-Marsauche, de Taizé (1915-2005)

J’imagine que l’humanité, quand elle aura compris, en bloc, qu’elle est scellée sur soi, et que sur soi seule au monde (sinon dans les cieux) elle peut compter pour se sauver, sentira d’abord passer dans ses fibres un immense frisson de charité interne. […] Quand ils se sentiront réellement seuls au monde, les hommes (à moins qu’ils ne s’entre-déchirent) com-menceront à s’aimer. […] Il faudra bien pourtant que l’Humanité adulte, sous peine de périr à la dérive, s’élève jusqu’à l’idée d’un effort humain, spécifique et intégral. Après s’être laissée longtemps vivre, elle comprendra un jour que l’heure est venue de se faire elle-même, et de se frayer sa voie…

Pierre Teilhard de Chardin

Dans la guerre comme dans la paix, le dernier mot est à ceux qui ne se rendent jamais.Georges Clémenceau

La liberté de l’esprit est le seul bien, peut-être, qui soit plus précieux que la paix. C’est que la paix, sans elle, n’est que servitude.

André Comte-Sponville, « L’esprit de l’athéisme » 2006

Tout homme tient toujours à quelque chose plus qu’à la paix. Un ouvrier veut la paix, mais pas avec les patrons ; un croyant veut la paix, mais pas avec les anticléricaux ; l’écrivain veut la paix, mais pas avec ceux qui l’empêchent d’écrire ; un patriote veut la paix, mais pas avec ceux qui attaquent sa patrie. Bref, il existe toujours une raison pour faire la guerre, meilleure que celle qui empêche de la faire.

Jean Grenier, « À propos de l’humain » 1955

Faut-il préférer la stabilité au risque de l’injustice, ou la démocratisation au risque du chaos ?Bruno Tertrais, Le Figaro, 16 mars 2005

Lorsqu’un homme rêve seul, ce n’est qu’un rêve. Mais si beaucoup d’hommes rêvent ensemble c’est le début d’une nouvelle réalité.

Friendensreich Hundertwasser

La paix durable implique le développement durable, qui exige justice et liberté. La paix, la démocratie et le développement forment un triangle interactif que nous devons nous effor-cer de construire jour après jour.

Federico Mayor, Directeur Général de l’UNESCO, 2 mai 1999, Cérémonie d’ouverture de la Conférence de l’Appel de la Haye pour la paix

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LA PAIx INTéRIEuRE84

La seule conquête qui apporte le bonheur et la paix est la conquête de soi-même. Même si ont conquiert mille fois mille hommes dans une bataille, seul celui qui se conquiert lui-même est le meilleur conquérant.

Bouddha, Dhammapada 103

La paix est disponible dans chaque cellule de notre corps. […]Nous pouvons toucher la paix, la joie et le bonheur présents dans chaque cellule de notre corps, la paix pour nous-mêmes et aussi pour le monde.Mais dans chaque cellule de notre corps, il y a aussi la violence, la souffrance et le déses-poir.

Thich Nhât Hanh (né en 1926), moine bouddhiste vietnamien

La seule façon d’échapper au cycle de violence et du conflit, c’est de faire de la paix notre pratique quotidienne, de penser et d’agir avec compassion, amour et compréhension.

Thich Nhât Hanh (né en 1926), moine bouddhiste vietnamien

Il en est peu d’entre nous qui n’aient été tentés à un moment donné de prendre pour la paix de leur conscience le confort et la sécurité de leur derrière.

Georges Bernanos, « Le lendemain, c’est vous » 1969

Il n’est de paix que celle du cœur, dans l’amour et la compassion. Celle de l’esprit est une imposture ou une infirmité.

Gilbert Cesbron, « Tant qu’il fait jour »

En dépit de tout, je garde la conviction que l’amour, la paix, la douceur et la bonté sont la force qui est au-dessus de tout pouvoir.

Albert Schweitzer, Prix Nobel de la Paix.

Le désarmement extérieur passe par le désarmement intérieur. Le seul vrai garant de la paix est en soi.

Dalaï Lama (Tenzin Gyatso) né en 1935. Chef spirituel des bouddhistes tibétains

Qu’est-ce que cela veut dire finalement, la paix ? Est-ce limité aux êtres animés, à la vie ? Peut-on parler d’une paix, par exemple, pour l’environnement, pour les forêts, pour les fleurs ? Peut-être, d’un certain point de vue, on peut se dire que la paix pour la nature c’est de suivre son cours. C’est-à-dire que les plantes poussent, restent un certain moment puis se flétrissent et, quand elles peuvent suivre ce cycle, c’est une forme de paix par rapport à une dévastation, une calamité qui viendrait détruire ces fleurs avant qu’elles ne terminent leur cycle.

Dalaï Lama (Tenzin Gyatso) né en 1935. Chef spirituel des bouddhistes tibétains, conférence du 12 octobre 2003

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