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    LA SOCIETE D'UNE SEULE PERSONNE DANSL'ESPACE OHADA

    ( Commentaire de larticle 5 de lActe Uniforme OHADA relatif au droit des Socits commerciales et auG.I. E )

    Matre IPANDA Avocat au Barreau du Cameroun

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    La socit dune seule personne est le nouveau-n des so cits commerciales delespace OHADA. Son accouchement sest effectu sans douleur 1 dans les salons feutrsdu Conseil des Ministres de lOrganisation COTONOU le 17 Avril 19972.

    A loppos des socits commerciales d e type classique, elle na pas eu besoin durapprochement de deux personnes au moins 3 pour venir la vie juridique.

    Sa naissance dans le systme juridique OHADA qui concide trs curieusement aveccelle de DOLLY4 cette brebis mystrieuse issue du clonage d un embryon et dontlexistence a provoqu une profonde indignation travers le monde5,- ne favorise guredenthousiasme.

    Lorsquon linterroge tout de mme sur ltiologie de sa fulgurante gestation, ellerpond que son existence est antrieure sa c onscration juridique en terre africaine, etque les pays industrialiss, comme lAllemagne6, la Grande-Bretagne ou la France 7, luiavaient dj reconnu droit de cit.

    Sans doute, mais sa jeunesse nen est que plus flagrante en terre africaine, et sanouveaut, qui ne laisse personne indiffrent, tranche radicalement avec les solutionsnationales antrieures des Etats-parties qui annulaient systmatiquement toute socitdont les actions ou parts sociales se retrouvaient runies, mme cliniquement, entre lesmains dune seule personne.

    Les solutions des systmes juridiques trangers ntaient pas trs diffrentes.

    Jusquen 1966 en France par exemple, on ne concevait p as non plus officiellementquune personne morale puisse survivre avec un seul associ 8. Au point que EUGENESCHAEFFER navait pas hsit, dans une tude remarquable offerte au Doyen HAMEL, aligner la runion de toutes les actions dune socit en une seule main au rang descauses dordre public de dissolution des socits 9.

    Cest moins un revirement quune vritable rvolution qui vient de se produire dans leslgislations africaines avec linstitution de la socit dune seule personne.

    Alors que la quantit et la diversit des lois en Droit des socits donnaient d jlillusion que les formes lgalement prvues et codifies taient arrtes ne varietur 10,voil que le besoin et la pratique des affaires viennent de prsenter la face du monde la

    1 Aucune publication des travaux prparatoires na t faite notre connaissance.2 J.O. OHADA n 2 du 1 er Octobre 1997.3 Il faut au moins deux personnes pour constituer une S.A.R.L. ; sept au moins pour la S.A. ( v. Acte uniforme,Code Bouvenet, etc.4 La brebis DOLLY est galement ne en 1997,v. Express du 25/02/19995 Le Prsident des Etats-Unis BILL CLINTON a recommand aux Etats de lUnion, le refus doctroi de fonds aux entreprisesembarques dans les recherches sur lembryon et le clonage humain, cf. Express du 25/02 1999 La France et 18 autres nationseuropennes ont interdit le clonage humain aprs lannonce de la naissance de DOLLY cf. EXPRESS,op. cit.6 Allemagne, loi du 4 Juillet 1980, adde Cl ;WITZ et J.M. HAUPTMAN, la constitution de la SARL unipersonnelle en Droit AllemandGaz.Pal. 1982.I. Doct.133.7 France : loi du 11 Juillet 1985 instituant l EURL.Dautres pays Europens comme les Pays-Bas ( 1986 ), la Belgique ( 1987 ) ontintgr dans leur lgislation, la socit dune seule personne.La Communaut Economique Europenne a adopt une directive pour favoriser le recours cette forme de socit ( 12 directive du 21 Dcembre 1989 ).8 Art. 9 loi 1966 et art. 1844 -5 du Code Civil ; v. M. COZIAN et A. VIANDIER, Droit des socits,2 d. Litec p.160 et s. :GUYENOT, les Huit causes communes de dissolution des socits civiles et commerciales Gaz. Pal.1980. 2. Doct 357: CHAUVEAU,Dissolution et liquidation des socits commerciales Gaz. Pal. 1976. I. Doct. 164 ; Cass. Civ. 23 Fev. 1898 S. 1898.1. 293 ; Com ;21

    Nov.1955 S 1956.2029 EUGENE SCHAEFFER, Les causes dordre public de dissolution des socits, in Ml. HAMEL P. 227 et s. adde D. BASTIAN, Larunion de toutes les actions de la socits entre les mains dune seule personne J.Soc.1933 P.6510 Andr TOULEMON,Evolution des socits anonymes en France. Reformes possibles. RTDCOM. 1956 P. 193 et s.

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    socit dune seule personne, bousculant ainsi, presque irrsistiblement, des postulats quisemblaient jusque-l immuables11.

    DOMAT et POTHIER pouvaient-ils imaginer quon en viendrait un jour remettre encause, la dfinition quils avaient conue de la socit et qui a inspir la rdaction delarticle 1832 du Code Civil ?

    Incontestablement, le temps a fait son uvre et depuis lACTE UNIFORME du 17 Avril199712, la socit commerciale nest plus ncessairement un contrat. Elle peut aussinatre dun acte de volont unilatrale13.

    Une telle socit prsente des avantages conomiques qui ne sont pas douteux dansla mesure o en limitant la responsabilit du petit entrepreneur ou de la filiale sonapport, elle favorise ncessairement le dveloppement de lentreprise individuelle.

    A lheure o lon assiste des fusions de plus en plus nombreuses des grandesmultinationales du monde industrialis, il est rconfortant de noter quon ralise aussisimultanment quen Af rique, le dveloppement du secteur priv passe par la promotionde la petite entreprise14.

    La socit dune seule personne vient donc point nomm. Le juriste ne laccueillerapeut-tre pas sans rserve puisquelle bouleverse totalement le droit commun dessocits commerciales. Mais cette construction, aussi rvolutionnaire quelle soit ( II ), nemanque ni dintrts pratiques, ni doriginalit ( I ).

    I - UNE CONSTRUCTION ORIGINALE

    Loriginalit de la socit dune seule personne tient essentiellement en ce quelle est la fois autonome et dpendante. Autonomie quant la forme, mais dpendance quant aurgime juridique. Une sorte de Janus biface. Except donc sa trs grande ouvertureformelle ( A ), tout le reste nest que uvre de construction ( B ).

    A LA TRES GRANDE OUVERTURE FORMELLE DE LA SOCIETE DUNE SEULEPERSONNE

    Lun des principaux attraits que la socit dune seule personne va certainementexercer sur les hommes daffaires africains est, sans aucun doute, sa trs grandeouverture toutes les catgories dentreprises commerciales.

    Conue lorigine pour servir de cadre juridique au dveloppement de la petiteentreprise15 cette socit souvre aussi dans la communaut OHADA, aux socitscommerciales denvergure.

    Ainsi, elle peut tre une modeste SARL avec un capital minimum de 1.000.000 de FCFA16,ou alors une S.A. de 10.000.000 de F CFA de capital au moins 17. 11 MAUBRU, Abus du droit et fictivit des socits lpreuve de lEURL J.C.P. 1986 d. N. P.435 : YVES GUYON, Droit desAffaires T1 Droit commercial gnral et socits,spc. N 560-1 qui parle de dnaturation des rgles applicables la SARL.12 J.O.OHADA n 2 du 01/10/199713 art.5 A.U. relatif au Droit des socits et au G.I.E. J.O. OHADA n 2 op. cit.14

    OMAR B. MAKALOU, Conseiller au FMI,prface de louvrage de GALLEN SPENCER HULL, La petite entreprise lordre du jour, NH15 cf. Loi franaise du 11 Juillet 1985 op. cit.16 art. 311 A.U. op.cit.

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    Ainsi lassoci unique peut tre :

    Une personne physique ou morale sans distinction de nationalit 28. ( Dans la mesure

    o la qualit d as soci nemporte pas celle du commerant, les rgles relatives au statut du commerant 29 , ne lui sont pas applicables).

    Un mineur ou un incapable30(Bien quil ne soit pas discut que la constitution dunesocit est un acte de commerce( Cass. Com. 15 Mai 1990 Bull. JOLY 1990. 787 note ABRUNET), elle nest pas pour autant interdite au mineur ou lincapable. La raison est simple : lassoci a une responsabilit limite lapport et le reprsentant lgal delincapable ne fait quun simple placement. En outre, les textes camerounais ninterdisant

    pas un tel apport, il nous semble quil suffit que lopration soit soumise au Conseil defamille pour tre valable. Cf. art. 450 et S. Code Civil).

    - Lun des poux31.

    Les portes de la socit unipersonnelle sont donc grandement ouvertes.

    Lautre mrite de la construction lgale cest davoir permis lentrepreneur individuelde limiter sa responsabilit aux biens apports en socit. Toute chose que ni latechnique du patrimoine daffectation32, ni celle de luniversalit du fonds de commerce33navaient russi jusque-l faire, la thorie de lunit du patrimoine stant pose enobstacle dirimant34.

    Pour lessentiel, les intrts pratiques attachs la socit dune seule personne tantainsi dgags, mme schmatiquement, il reste maintenant fixer son rgime juridique.Cest une autre facette de la technique lgislative qui va nous permettre de dcouvrir paradoxalement que cette socit est dpendante.

    B- MAIS UN REGIME JURIDIQUE DEPENDANT

    Peut-tre convient-il dajouter immdiatement : dpendante et heureuse de ltre, car des 920 articles que compte lActe Uniforme relatif aux socits et au G.I.E., la socitdune seule personne nen revendique formellement que quatre.

    Larticle 5 qui la consacre, larticle 201 al. 4 qui rgle le problme de sa transmission.et les articles 309 al. 2 et 385 al. 2 qui la rattachent respectivement la S.A.R.L. et laS.A..

    28 art. 3 A.U. op. cit.29 art. 2 et s. A.U. relatif au Droit commercial Gnral30 art. 8 A.U. relatif au Droit des socits et au G.I.E. op. cit. ; PIERRE CATALA, Le mineur hritier en Droit commercial, in Dix ans deconfrences dagrgation, Ml. HAMEL Dalloz 1961 P. 149 et s. spc. N 11 et s.31 art. 9 A.U. op. cit. a contrario ( Mais en principe, sous le rgime de la communaut lgale lun des conjoints na pas le droitd apporter dans une socit dont il est lunique associ, un bien commun. Il lui faut ncessairement obtenir la renonciation de sonconjoint faire valoir ses droits sur un tel bien pour vaincre lobstacle.Mais quid du rgime primaire cf. diffrents textes camerounais enla matire. Adde Ph. SIMLER, le conflit de prsomption en rgime de communaut, RTDCIV. 1970 P.478.32 Sur la thorie du patrimoine daffectation, v. spc. S. GUINCHARD, Essai dune thorie gnrale de laffectation des biens en droitfranais Th. LYON 1974. Sur la thorie de luniversalit du fonds de commerce, v. HAUVEAU, le fonds de commerce, patrimoinedaffectation D.H. 1939 chr. P. 31 ; M. VERCRUYSSE et E. LAWERS, le fonds de commerce, Bruxelles 1967. ESCARRA et RAULT,

    Principes du Droit Commercial, T1 n 472 ; J. VAN RYN et J.HEENEN, Principes du Droit Commercial n 432 et s. ; A. SAYAG,lentreprise individuelle, faux d bats et vraies questions, in Ml. RODIERE33

    34 Sur la thorie de lunit du patrimoine, la transformation du patrimoine dans le Droit civil moderne RTDCIV.1966.185

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    On se rfrera par contre aux dispositions particulires qui rgissent les socits pour dire que le capital social minimum de la socit dune seule personne est respectivementde 1.000.000 F CF A ou de 10.000.000 F CFA selon quil sagit dune S.A.R.L. ou duneS.A. unipersonnelle39.

    Les statuts qui sont aussi obligatoires pour la constitution rgulire de la socit duneseule personne, doivent prciser sa forme (S.A.R.L. ou S.A.), sa dnomination, lobjetsocial, la dure de vie et lidentit de lapporteur (art. 13, 97 et 98 A.U.).

    Lassoci unique dcidera seul de la reprise ou non des engagements pris au nom dela socit en constitution avant son immatriculation au registre du commerce et du crditmobilier 40

    Il peut effectuer des apports en nature ou en numraire.En cas dapport en nature, lassoci unique doit dsigner un commissaire aux

    apports41.Cest la mme technique qui gouverne le fonctionnement de la socit unipersonnelle.Ici aussi, lassoci unique va exercer personnellement tous les pouvoirs dvolus

    traditionnellement aux assembles dassocis. Mais sagissant de la gestion, lassociunique a le choix entre grer soi-mme sa socit ou en confier la tche un tiers salari.Cependant, il est particulirement important de retenir que lorsque lassoci unique est

    une personne morale, sa grance est obligatoirement confie un tiers, personnephysique. Le grant est alors r esponsable envers les tiers ou envers la socit elle-mme, des fautes de sa gestion 42. En rgle gnrale, si certaines conventions peuventtre conclues entre le grant et la socit 43, il est formellement interdit lassoci uniquegrant ou administrateur, ou au salari qui assume les mmes fonctions, de contracter des emprunts auprs de la socit uni personnelle ou de faire cautionner ou avaliser par elle, leurs engagements envers les tiers 44

    Il est vident quun rapport spcial du commissaire aux comptes devra tre dressmme lorsque la convention est lgalement autorise.

    Dans tous les cas, la jurisprudence dcide que le dlit dabus de b iens sociauxsapplique au grant ou ladministrateur de la socit dune seule personne 45

    Enfin, lintrt majeur de la socit dune seule personne tant la limitation de laresponsabilit de lentrepreneur lapport fait la socit, lassoci unique devra viter toute confusion ou interpntration possible entre son patrimoine personnel et lepatrimoine social.

    Le particularisme de la socit dune seule personne se traduit encore au niveau de

    son rgime de dissolution. Alors que la dissolution des socits de type traditionnel donnelieu de plein droit la liquidation, celle de la socit dune seule personne entr aneuniquement la transmission universelle du patrimoine de la socit lassoci unique46. Ilsagit l dune rgle drogatoire au droit commun des socits.

    39 art. 61, 311 et 387 de lA.U. op. cit.40 Titre 3 acte Uniforme sur les socits,art.10 et s., 312 et 395 ; D. BASTIAN, La situation des socit commerciale avant leur immatriculation au registre du commerce, in Ml. CABRILLAC P. 22 et s.41 V. art.312 ets.,385 et s.,399 A.U. op. cit.42 V. art. 121 et s. A.U. sur les socits op. cit.43

    art. 350 et s. ( SARL ) et 438 et s. ( S.A. )44 art. 356 ( SARL ) et 450 ( S.A. )45 Cass. Crim. 14 JUIN 1993.Bull. JOLY 1993.1139 note Saintourens ; Rv. Soc. 1994.90 note BOULOC46 art. 201 al. 4 A.U. relatif aux socits op. cit.

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    Tels sont les exemples frappants mais non exhaustifs du tri que le juriste doit oprer partir des rgles qui gouvernent la S.A.R.L. ou la S.A. pour fixer le rgime juridiqueoriginal de la socit dune seule personne.

    Une telle dmarche parseme dobstacles et des insuffisances propres chaqueinterprte, traduit dj elle seule le bouleversement que la socit dune seule personnevient dintroduire au sein des rgles traditionnelles du droit des socits.

    II- UNE CONSTRUCTION REVOLUTIONNAIRE

    Admire et redoute simultanment, la socit dune seule personne ne pouvaitmanquer dinquiter aussi. Non seulement les s ocits de types traditionnellessinterrogent dj trs srieusement pour leur avenir 47, mais de son ct, le juristeclassique as siste, impuissant, au grand bouleversement des rgles juridiquestraditionnelles48. Cest dabord le droit commun des socits qui clate (A).Cest ensuite lesort de la socit qui devient proccupant au moment o le juriste dcouvrelentreprise(B).Reprenons sparment ces deux ordres de constatations.

    A- LECLATEMENT DU DROIT COMMUN DES SOCIETES

    Le Droit Commun des Socits existe-t-il encore ?

    A peine a-t-on formul cette importante question quon se rend immdiatement compteque la doctrine savante avait depuis trs l ongtemps dj, donn une solution dfinitive ce problme, en rpondant par la ngative 49.

    Aujourdhui, plus encore quhier, le doute sinstalle et se traduit par lexistence dunesocit la forme singulire que certains auteurs nont pas hsit de qualifier dunijambiste50. Certes, lActe Uniforme na pas manqu dlaborer des rgles gnralesapplicables toutes les socits 51. Mais les multiples drogations portes aux principesauxquelles il convient dajouter aujourdhui certaines rgles spcifiques la socit duneseule personne, entranent ncessairement un double recul : dune part, celui de laconception civiliste de la socit (1) ; dautre part, celui du dbat sur le caractrecontractuel ou institutionnel de la socit. (2)

    1- LE RECUL DE LA CONCEPTION CIVILISTE DE LA SOCIETE

    Pendant des sicles, la construction du droit des socits a repos sur une conceptio nbien prcise de la socit. Il sagit dun groupement de personnes qui se sont associes 52et qui ont convenu de mettre quelque chose en commun dans la vue de partager lebnfice qui pourra en rsulter.

    47 J. PAILLUSSEAU, La nouvelle socits par actions simplifies. Le big bang du droit des socits D. 199n 3248 M.T. CALAIS-AULOY, Apprciation critique de la loi du 11 Juillet 1985 instituant lEURL D.1986 Chr.P.249 et s.49 A. VIANDIER, la notion dassoci Paris LGDJ, Bibli. Dr. Priv. T. 156 1978 n 228. H. BONNARD, Le droit commun des socitsTh. Paris II 198150 M. COZIAN et. VIANDIER, Droit des socits 2 d. LITEC P. 331 et s.51 art. 4 26 952 J. PAILLUSSEAU, la socit anonyme, technique dorganisation de lentreprise op. cit.

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    Cest cette conception qui a inspir la rdaction de larticle 1832 du Code Civilnapolonien. Elle est aujourdhui reprise, moyennant des lgres retouches, par larticle 4de lActe Uniforme relatif aux socits commerciales53

    La pluralit dassocis et la participation aux rsultats, quels quils soient54, sont doncde lessence mme du contrat de socit

    Cette conception est celle du 19 e s. Elle a rgn sans partage jusquen 1997.

    Son champ dapplication se rvle aujourdhui bien rduit.

    Prenant le contre-pied de cette conception classique, larticle 5 de lActe Unifor meOHADA dcide : La socit peut tre galement cre par une seule personne 55

    Un tel revirement est de taille. Et ce, sur deux points au moins.

    Dabord, le lgislateur OHADA soustrait (en partie) le droit des socits delimprialisme du droit commun des obligations. La socit ne nat plus uniquement duncontrat. Elle peut aussi tre cre par un acte de volont unilatrale. De fait, le lgislateur donne corps une catgorie singulire dassocis, celle de lassoci unique par dtermination de la loi.

    Ensuite et par voie de consquence, ainsi que nous allons le voir ultrieurement, lemme lgislateur privilgie lentreprise au dtriment du groupement de personnespuisquil soccupe moins de la structure que du but de la socit.

    Ce dclin du concept contractuel dans la notion de socit a t constat etanalys 56.Il tait en tout cas prvisible et invitable. La socit unipersonnelle na fait queprcipiter son avnement.

    Cest le Doyen RIPERT qui a eu lavantage de dgager les causes dun tel dclin dansun ouvrage rest clbre 57.

    Lminent auteur part tout dabord de lhypothse que, par nature, le Droit Civilignore lentrepreneur et ne connat que le propritaire. Il en dduit ensuite que cest doncun propritaire que le lgislateur napolonien cre en imaginant la socit anonyme 58. Autrement dit, cest lindividualisme libral des origines qui est insuffl au groupement depersonnes quest la socit 59.Il tait donc invitable que lattribution ultrieure la socit,dune personnalit morale distincte de celle de ses membres fasse trembler les fondationsde la conception classique60.. La remise en cause de lanalyse contractuelle ne faisait quecommencer.

    Lorsque plus tard, le souci de protection non seulement des minoritaires61 maisgalement des associs bailleurs de fonds 62 de mme quune dfinition imprative dustatut des dirigeants avaient justifi lintrusion des pouvoirs publics dans la vie sociale, on

    53 J.O. OHADA n op. cit.54 Catherine PIETRO, Observations sous Com. 20 Mai 1986, in Les Grands Arrts du Droit des Affaires par J. MESTRE, E. PUTTMANet D. VIDAL,d. Dalloz 1995 P.443 et s.55 V. J.O. n 2 op. cit.56 CL. CHAMPAUD, Le contrat de socit existe t- il encore ? in Le Droit contemporain des contrats, ouvrage collectif,Economica d.1987 P. 125 et s.57 G. RIPERT, Aspects juridiques du capitalisme moderne58 G. RIPERT, op. cit.. J. PAILLUSSEAU, op. cit.59

    J.P. GASTAUD, Personnalit morale et droits subjectifs LGDJ60 J.P. GASTAUD,op. cit. ; HAMEL, La personnalit morale et ses limites D. 1949 chron. P. 14161 GERMAIN, Labus du droit de majorit Gaz. Pal. 1977.157 ; Y. GUYON, op. cit. 44762 A. TUNC, leffacement des organes lgaux dans la socit anonyme D.1952 chr. 73

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    se trouva loign encore davantage de la conception contractuelle de la socit 63. Ce quia fait dire la doctrine que le contrat de socit, consensuel lorigine, taitprogressivement devenu un contrat dadhsion 64. Cette situation faisait ncessairementreculer le dbat sur la nature juridique de la socit.

    2- LE RECUL DU DEBAT JURIDIQUE SUR LE CARACTERE CONTRACTUEL OU

    INSTITUTIONNEL DE LA SOCIETE

    Le dbat sur la nature juridique de la socit commerciale a pendant longtempsproccup les esprits. 65 On sest toujours pos la question de savoir si la socit tait uncontrat ou une institution.

    La discussion doctrinale qui sen est suivie a donn lieu deux thses bien connuesdes juristes classiques. Celle du contrat et celle de linstitution66

    Au lendemain de la naissance de la socit dune seule personne, ce vieux dbat quiavait pourtant montr ses limites, a t relanc.

    Fidles la tradition, les tenants de la thse cont ractuelle, partant toujours de lideque la socit ne peut rsulter que dun contrat 67, critiquent svrement luvrelgislative en mettant dabord en relief la contradiction dans les termes68.La socit etpartant, la personnalit morale, soutiennent-ils, ne peuvent rsulter que dun groupe mentde personnes. Admettre le contraire, cest changer la dfinition mme de la socit69 ettomber dans le narcissisme 70.

    Cette thse a eu ses mrites. Elle justifie encore certaines rgles de la plupart dessocits de personnes. Mais elle a subi un recul dans les socits de capitaux.

    Depuis lActe Uniforme sur les socits, la personne morale ne nat plus de lchangede consentements mais plutt de limmatriculation qui est une formalit administrative71.Toutes les rgles aussi bien de constitution que de fonctionnement des socits sontimprativement fixes par le lgislateur et les associs ne les discutent plus. Lesadministrateurs des socits ne sont plus c onsidrs comme de simples mandataires,mais comme des organes de la socit. 72La naissance de la socit dune seulepersonne vient encore aujourdhui remettre en cause lefficacit de la thse contractuellequi recule de plus en plus.

    Un courant contraire, qui exalte les vertus de linstitution, voit dans la socit duneseule personne, le triomphe de la thorie de linstitution73. Elle explique le dpassementdu rle de la volont et des intrts catgoriels des associ s74. labore essentiellementpour faire chec la conception contractuelle de la socit 75, la thorie de linstitution aaussi montr ses limites et ne rend pas elle non plus, totalement compte de la socitdune seule personne.

    La remise en cause de ces deux thories ne tarda pas de se manifester. 63 A. VENE, La lutte du pouvoir et de largent dans la socit par actions PARIS 1972 ; Y. GUYON, op. cit. P. 267 et s. ; BAZEX etGUYON, lextension du secteur public, J.C.P. 1983.I. 312764 CL. CHAMPAUD, op. cit.65 v. RIPERT et ROBLOT op. cit. P. 790 et s.66 v. RIPERT et ROBLOT op. cit.67 J. MESTRE, la socit est bien encore un contrat, in Ml. Christian MOULY,LITEC 1998 P. 130 et s.68 M.T. CALAIS AULOY, op. cit. ;69 M.T. CALAIS AULOY op. c it.70 M. COZIAN et A. VIANDIER, Droit des socits commerciales, op. cit. P. 332 n 135371 Titre 5 A.U. op. cit.72

    BERTHEL, Libert contractuelle et socit RDC 1996. 59573 C. DUCOULONY FAYARD, Notes de leons sur le contrat social.DS 1997 chr. 319 adde HAURIOU, la thorie de linstitution74 R. CONTIN, Le contrle de la gestion des socits anonymes ; M. COZIAN et A. VIANDIER op. cit.75 v. G. RIPERT et R. ROBLOT op. cit par GERMAIN et VOGEL,P.785 et s.

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    Une troisime voie, inaugure par lcole de Rennes 76, refuse de prendre position dansce faux dbat en soutenant que la vraie question 77 nest pas de savoir si la socit est uncontrat ou une institution, mais de constater quelle est une technique dorganisation delentreprise78 Cest cette thse originale, dite technicienne ou fonctionnelle79qui sembleexpliquer la nouvelle socit dune seule personne.

    B- LAPPARITION DE LENTREPRISE

    Dans une thse reste clbre, Jean PAILLUSSEAU, a magistralement dmontr quela socit est un ensemble de rgles juridiques, de techniques et de mcanismesdestins lorganisation juridique de la vie dune forme de production ou de distribution :lentreprise.

    Lentreprise qui navait intress jusque l que les conomistes et les travail listes,apparat donc la surface du droit comme nouveau ple dattraction et de rflexions80.

    Mais comme le relve trs justement J. PAILLUSSEAU, lmergence de la notiondentreprise la vie juridique trouble ncessairement celle de socit 81. La socit,sinterroge-t-on un peu partout aujourdhui, doit-elle disparatre quand apparatlentreprise ? Sagit-il de deux notions concurrentes ou complmentaires ?

    La rponse cette srie de questions impose une dmarche pralable.

    Il faut partir de lhypothse que lentreprise nest pas un sujet de droit, mais une unitconomique et sociale dote d une organisation propre caractrise essentiellement par la runion du capital et du travail82, en vue de la production des biens ou des services. Encela, elle ne saurait discuter une quelconque place la socit qui est dote dunepersonnalit juridique ds son immatriculation au registre de commerce et du crditmobilier, et donc qui est un sujet de droit.

    Mais cette unit conomique qui est parfaitement organise et qui runit en son sein,non seulement ceux qui a pportent le capital mais galement un personnel qui travaille etqui jouit dun statut lgal83, a besoin du secours de la socit pour parvenir la vie juridique. Lentreprise devient donc ainsi que le souligne encore le Professeur PAILLUSSEAU, lobjet principal du droit des socits84 .

    Loin dtre ds lors contradictoires, les deux notions de socit et dentreprise secompltent. Lune est technique juridique et lautre ralit conomique et sociale.

    En contemplation de ce raisonnement, on comprend ds lors aisment que lelgislateur OHADA, trs sensible lvolution du droit des socits et la mondialisation

    du droit des affaires85

    , se soit servi de la technique socitaire pour mieux organiser juridiquement lentreprise individuelle.

    76 v. Yvon LOUSSOUARN, Prface Thse J. PAILLUSSEAU, op. cit.77 lexpression qui est de ALAIN SAYAG, lentreprise individuelle : faux dbats et vraies questions, in Mel. R. RODIERE, ne doit pasfaire croire que cet auteur est en faveur de la thse technicienne de lcole de Rennes.78 J. PAILLUSSEAU, la socit anonyme, technique dorganisation de lentreprise.Th. Rennes 196779 Cl. CHAMPAUD, op. cit.80 M. DEPAX, Lentreprise et le droit, LGDJ 1956 ; PAUL DIDIER, Esquisse de la notion dentreprise, in Ml.VOIRIN P. 209 et s. ; FRANCOIS BLOCH LAINE, Pour une reforme de lentreprise,d. Seuil ; BRUNO OPPETIT, Groupe desocits et droit du travail, Rv. Soc. 1973 P. 69 et s.81 J. PAILLUSSEAU, Entreprise, socit, actionnaires, salaris, quels rapports ? D.1999 n 1582 A. VIANDIER, la loi crant la distribution gratuite des actions et le droit des socits Rv. soc. 1981 P. 175 et s.83 v. Code du Travail et diffrentes conventions collectives84 J.PAILLUSSEAU, op. cit.85 Mireille DELMAS MARTY, La mondialisation du droit. Risques et chances D. 1999 chr. P. 43.

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    Certes, il est difficile de faire croire tout le monde que la socit est devenue unetechnique dorganisation de lentreprise86. Mais avec la naissance de la socit duneseule pers onne, cest le monde du propritaire qui disparat au profit de celui delentreprise87.Cependant, cette nouvelle construction, aussi rvolutionnaire soit- elle,demeure inacheve. Son rgime fiscal principalement, reste imprcis. De la prompteintervention du lgislateur sur ce point, dpend lavenir de la socit dune seulepersonne. Pourvu aussi que lentr epreneur africain qui confond trs souvent la crationdune affaire et la faon de la grer 88, nen fasse pas un usage abusif.

    86 J. MESTRE,la socit est bien encore un contrat, in Ml. MOULY op. cit.87 J. PAILLUSSEAU, op. cit.88 GALEN SPENCER HULL, op. cit. P. 84 et s.