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Des pommes de terre qui , . resistent au mildiou C hez nous, la culture de la pomme de terre est une culture importante. Ses impacts négatifs sont donc, à l'échelle de notre pays, relativement importants, notamment en ce qui concerne le mildiou. Nous pouvons cependant les limiter fortement et tout mettre en œuvre pour ne plus traiter, fût-ce même avec des produits que la bio autorise, comme la bouillie bordelaise. Le choix de variétés de pommes de terre résistantes est une alternative qui ne doit pas être dédaignée ... PAR FABRICE DE BELLEFROID La pomme de terre est cultivée à différentes échelles: du jardinier amateur au professionnel bien équipé - et qui ne fait que cette culture -, en passant par des agriculteurs qui cultivent, entre autre, des pommes de terre à côté des céréales ou des betteraves, voire de l'élevage ou même du maraîchage. Il s'agit d'une culture importante chez nous puisque les statistiques indiquent qu'en 2014, il Y avait quatre-vingt mille hectares plantés en pommes de terre en Belgique. Comment l'agriculture s'en prémunit. .. Et tous doivent tenir compte d'une maladie qu'ils ne peuvent prendre à la légère: le mildiou. Il s'agit d'une ma- ladie cryptogamique - due à un champignon donc - qui at- taque les feuilles, jusqu'à les détruire complètement dans certains cas, et peut même s'en prendre aux tubercules, hypothéquant fortement leur conservation. Le champignon arrive sur le feuillage des pommes de terre sous forme de spores dispersées par le vent et ramenées au sol par les précipitations qui portent, dans ce cas, vraiment bien leur nom. Tant que le feuillage reste humide, le champignon s'y développe. La lutte se fait avec des fongicides. En bio, c'est la bouillie bordelaise et d'autres dérivés du cuivre qui sont utilisés. Mais, dans tous les cas, notre temps variable com- VALÉRIANE N° 112 21 Le mildiou est une maladie cryptogamique qui attaque les feuilles jusqu'à les détruire complètement et peut même s'en prendre aux tubercules, hypothéquant ainsi fortement leur conservation plique la donne puisque toute pluie un peu conséquente lave le fongicide des feuilles. Il faut donc tout recommen- cer. La maladie est bien connue et la lutte rodée; elle n'est donc pas considérée comme un vrai problème, même en bio, mais demande quand même pas mal de moyens et une bonne surveillance. Sans parler de la toxicité du cuivre dont les quantités permises diminuent d'année en année pour la pollution et l'empoisonnement du sol qu'il amène. Il est donc intéressant de réfléchir autrement au problème. Il existe plusieurs souches du mildiou de la pomme de terre, qui réapparaissent chaque année ou qui se croisent entre elles et donnent des souches d'une virulence im- possible à prédire. Les recontaminations se font d'une année à l'autre, principalement à partir des tas de rebut de pommes de terre contaminées qui n'ont pas été traités et traînent aux abords des cultures, mais aussi à partir des repousses de tubercules qui, laissés en terre à la récolte, passent l'hiver et regerment au printemps. Agir sur ces deux facteurs devrait être une priorité en compostant les rebuts avec du fumier - au moins la moitié de fumier dans le mélange - et en réglant au mieux la machine de récolte, ou encore en prévoyant une culture "nettoyante" l'année NATURE & PROGRÈS BELGIQUE

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Des pommesde terre qui, .

resistent aumildiouChez nous, la culture de la pomme de terre

est une culture importante. Ses impactsnégatifs sont donc, à l'échelle de notre pays,relativement importants, notamment en ce quiconcerne le mildiou. Nous pouvons cependantles limiter fortement et tout mettre en œuvrepour ne plus traiter, fût-ce même avec desproduits que la bio autorise, comme la bouilliebordelaise. Le choix de variétés de pommes deterre résistantes est une alternative qui ne doitpas être dédaignée ...

PAR FABRICE DE BELLEFROID

La pomme de terre est cultivée à différentes échelles: dujardinier amateur au professionnel bien équipé - et qui nefait que cette culture -, en passant par des agriculteursqui cultivent, entre autre, des pommes de terre à côté descéréales ou des betteraves, voire de l'élevage ou même dumaraîchage. Il s'agit d'une culture importante chez nouspuisque les statistiques indiquent qu'en 2014, il Y avaitquatre-vingt mille hectares plantés en pommes de terre enBelgique.

Comment l'agriculture s'en prémunit. ..Et tous doivent tenir compte d'une maladie qu'ils nepeuvent prendre à la légère: le mildiou. Il s'agit d'une ma-ladie cryptogamique - due à un champignon donc - qui at-taque les feuilles, jusqu'à les détruire complètement danscertains cas, et peut même s'en prendre aux tubercules,hypothéquant fortement leur conservation. Le champignonarrive sur le feuillage des pommes de terre sous forme despores dispersées par le vent et ramenées au sol par lesprécipitations qui portent, dans ce cas, vraiment bien leurnom. Tant que le feuillage reste humide, le champignon s'ydéveloppe. La lutte se fait avec des fongicides. En bio, c'estla bouillie bordelaise et d'autres dérivés du cuivre qui sontutilisés. Mais, dans tous les cas, notre temps variable com-

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Le mildiou est une maladie cryptogamique qui attaque les feuilles jusqu'àles détruire complètement et peut même s'en prendre aux tubercules,hypothéquant ainsi fortement leur conservation

plique la donne puisque toute pluie un peu conséquentelave le fongicide des feuilles. Il faut donc tout recommen-cer. La maladie est bien connue et la lutte rodée; elle n'estdonc pas considérée comme un vrai problème, même enbio, mais demande quand même pas mal de moyens etune bonne surveillance. Sans parler de la toxicité du cuivredont les quantités permises diminuent d'année en annéepour la pollution et l'empoisonnement du sol qu'il amène.Il est donc intéressant de réfléchir autrement au problème.

Il existe plusieurs souches du mildiou de la pomme deterre, qui réapparaissent chaque année ou qui se croisententre elles et donnent des souches d'une virulence im-possible à prédire. Les recontaminations se font d'uneannée à l'autre, principalement à partir des tas de rebutde pommes de terre contaminées qui n'ont pas été traitéset traînent aux abords des cultures, mais aussi à partir desrepousses de tubercules qui, laissés en terre à la récolte,passent l'hiver et regerment au printemps. Agir sur cesdeux facteurs devrait être une priorité en compostant lesrebuts avec du fumier - au moins la moitié de fumier dansle mélange - et en réglant au mieux la machine de récolte,ou encore en prévoyant une culture "nettoyante" l'année

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qui suit. En tout cas, en luttant contreces plants "sauvages" qui démarrent.Mais on touche là à la logique actuellede l'agriculture qui veut des exploitationstoujours plus grandes, plus mécanisées,avec toujours moins de main-d'œuvre etqui ont d'énormes difficultés à caser cegenre d'interventions supplémentairesdans leurs plannings.

quelques exemples, parmi tant d'autres, de la grande variété de pommes de terre disponibles:CD une variété originaire du Pérou, 01a 'vitelotte noire', ou truffe de Chine, ® la 'Blanchard',une variété française du XIXe siècle

Une démarche alternativeUne alternative très intéressante, en théorie, consiste àchoisir des variétés qui sont naturellement résistantes outolérantes au mildiou. Mais cette alternative est théoriqueparce que le cultivateur n'a pas toujours le choix de lavariété. Que ce soit parce que le contrat de culture avec lenégociant ou l'industrie de transformation la lui impose -ce qui n'est jamais le cas dans une agriculture à taillehumaine comme celle que prône Nature ri( Progrès - ouparce que le consommateur dédaigne des variétés qu'il neconnaît pas et qu'il souhaite rester dans des variétés clas-siques. Avec raison, au moins dans une certaine mesurecar, s'il existe des variétés quasi parfaitement résistantes àla maladie, elles n'ont pas toujours la qualité gustative desvariétés classiques ou sont plutôt destinées à des usagesindustriels. Elles ne peuvent, par exemple, être utiliséesque pour faire des frites.

Il ne faut pas oublier non plus, en ce qui concerne leschoix de variétés, que leur résistance doit être réfléchieen terme de résistance du feuillage et en terme de ré-sistance du tubercule. La résistance du feuillage est laplus importante car c'est par la surface de feuillage bienvivant que se fait la photosynthèse et que les tuberculesgrossissent. Si les conditions atmosphériques font que lemildiou vient tard, il ne sera donc pas toujours nécessairede traiter. Mais il faudra alors éfaner pour éviter unecontamination des tubercules, sauf si le tubercule résistebien. Il est possible d'éfaner avec un brûleur; cette tech-nique est intéressante en bio car elle détruit les spores duchampignon, en même temps que pas mal d'adventiceset leurs graines ...

D'autres mesures préventivesUne autre difficulté surgit alors: la disponibilité en plants.Normalement, pour la culture en bio, il faut des plantscertifiés. S'il n'existe pas - ou plus 1 - de plants bio, il estpossible de demander une dérogation pour des plantsconventionnels. Mais, malgré tout, certaines variétés sontdifficiles à trouver car elles ne sont pas diffusées largement.Par exemple, parce qu'elles sont encore protégées pour unmarché contrôlé par l'obtenteur. Il y a donc un travail àfaire, tant du côté des producteurs que des consomma-teurs, pour orienter la culture de la pomme de terre afinqu'elle exige moins de traitements qui, ne l'oublions pas,restent dans la logique de mort et ont toujours des consé-quences néfastes ailleurs, comme l'empoisonnement desmicro-organismes du sol par le cuivre.

Mais quelles sont les mesurespréventives qui peuvent éviter d'enarriver aux traitements ?o l'espacement des lignes : en plus de freiner le redé-

marrage du champignon par l'élimination des tas derebuts et la destruction des repousses, il faut veiller àbien espacer les lignes. Chez nous, la recommanda-tion classique au potager est de soixante centimètres.En France, en climat plus sec, certains descendent àcinquante centimètres. Au champ, la distance est deminimum septante-cinq centimètres, certains champsétant même plantés à nonante. Il ne faut pas oublierque le champignon se développe tant que le feuillage esthumide et qu'un plus grand écartement permettra demieux ventiler et de sécher plus rapidement les feuilles.

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Trois stades du développementde la pomme de terre:

o jeune pousse printanière,

® plant de pomme de terre en fleurs,

® la levée des jeunes pousses.

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TABLEAU DES VARIÉTÉS AVEC LEURS PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES

Variété précocité Sensibilité au mildiou chair conservation remarque

feuilles tubercules

Agria moyenne 4 6 tendre, farineuse moyenne

Allians demi-précoce 6 5 ferme moyenne

Belle de Fontenay très précoce 3 ferme très faible

BF15 très précoce 4 ferme faible

Biogold précoce 6 7 tendre ~Bionica demi-précoce 9 7 tendre, farineuse chair blanche

Bionta tardive 8 7 tendre bonne

Cephora moyenne à demi-tardive 8 3 tendre bonne

Charlotte demi-précoce 6 6 ferme moyenne très bonne

CiIéna demi-précoce 6 7 ferme ~Corne de gatte tardive 4 4 ferme bonne excellente

Désirée moyenne à demi-tardive 5 7 tendre, farineuse bonne peau rouge

Ditta demi-précoce 5 4 ferme assez bonne

Gasoré demi-précoce 8 8 tendre, farineuse ~Juliette demi-précoce à moyenne 6 6 ferme assez bonne

King Édouard VII demi-tardive 3 3 assez ferme ? bon goût

Monalisa précoce à mi-précoce 6 5 assez ferme moyenne gros calibre

Nicola moyenne 4 6 ferme assez bonne

Ostara précoce 3 7 tendre moyenne gros calibre

Princess précoce 6 6 ferme assez faible bon goûtRatte demi-précoce à moyenne 3 3 ferme moyenne bon goût

Rosabelle précoce 3 7 tendre moyenne assez grosse

Santé mi-précoce à moyenne 4 8 tendre ~ grosse

Sarpo Mira tardive 9 9 farineuse.

Sirtema très précoce à précoce 3 5 tendre faible

Vitelotte tardive 5 5 ferme bonne peau noire

Légendes du tableau:

précocité: il s'agit d.e la durée de végétation requise pour que les tubercules soient formés et que la plante commenceà dessécher ses feuilles qui jaunissent naturellement. De très précoce (70 jours) à tardive (150 jours). En principe, unehâtive a une conservation faible.

sensibilité au mildiou: de 1 (très sensible) à 9 (résistante). Chaque année, de nouvelle variétés sont essayées pourcomparer leurs résistances aux maladies. Les variétés 'Alouette', 'Connect' et 'Carolus' semblent prometteuses.

o le mulch d'engrais vert: des essais ont été réalisés encouvrant le sol de cultures de pommes de terre avecun mulch d'engrais vert broyé sur cinq centimètresd'épaisseur. La culture était nettement moins attaquée.Est-ce parce que cela a renforcé la plante ou parce quela stimulation de la vie du sol était plus forte ~ Est-ce laconcurrence entre champignons, voire la présence dechampignons antagonistes du mildiou qui ont donné cerésultat ~ Toujours est-il que cela donne une précieuseindication. Des résultats intéressants ont aussi été ob-servés avec des thés de composts.

o le séchage des tubercules au soleil: si les plants ont ététouchés par le mildiou et qu'il subsiste un risque pour

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les tubercules, il est possible - surtout à l'échelle dujardinier - d'améliorer leur conservation en faisant biensécher les tubercules en les étendant au soleil pendantun jour ou deux. Le soleil est naturellement bactéricideet fongicide. Il ne faut pas les y laisser plus longtempssinon ils verdissent. Notons que la solanine, produitepar ce verdissement, est soluble dans l'eau et qu'il estpossible de consommer des pommes de terre verdiespour autant qu'elles soient cuites à l'eau et que l'eau decuisson soit jetée.

Cet article a été réalisé à partir de données communiquéespar la FIWAP (Filière wallonne de la pomme de terre -www.fiwap.be) et avec son aimable autorisation.

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