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Histoire des institutions Introduction : Pour étudier l’histoire des institutions de l’ancienne France, l’historien du droit étudie généralement ou utilise généralement un découpage commode mais qui est arbitraire, en trois périodes : - La première : 476-987. Il s’agit de la période franque, le haut moyen-âge, autrement dit, on se situe de la chute de l’empire romain et on va jusqu’à l’élection d’Hugues Capet. - La deuxième : 987-1453. Il s’agit du moyen-âge proprement dit. La fin de cette période est marquée par la fin de la guerre de 100 ans. - La troisième : 1453-1789. C’est l’époque moderne, appelée aussi l’Ancien Régime. Le cours du premier semestre était organisé autours de deux axes : le pouvoir et le droit. C’était un cours envisagé sur la longue période. L’objectif de ce premier cours était d’établir le lien entre le pouvoir et le droit et de saisir le moment de leur rencontre. A présent, dans ce cours d’histoire des institutions, on va évoquer les institutions économiques et sociales. Cela veut dire, après l’étude du pouvoir, vient l’étude de la société, après l’étude des gouvernants, vient l’étude des gouvernés. Bien évidemment, entre le pouvoir, le droit et les institutions économiques et sociales, il existe des interactions, des complémentarités ; cela veut dire qu’il faut faire des retours à ce qui précède. Les institutions du moyen-âge résultent d’une évolution, elles ont une histoire, une évolution qui se situe sur la longue période. Quand est-ce que commence l’histoire des institutions ? Elle commence avec la rencontre de deux mondes très différents : la civilisation romaine d’une part, et les peuples dit barbares du Nord et de l’Est de l’Europe d’autre part. La confrontation de ces deux civilisations va préparer le berceau des institutions du haut moyen-âge, des institutions franques. § 1 : La rencontre de deux mondes différents . Les deux cultures romaine et germanique entrent en contact au 3 ème siècle de notre ère. D’un côté, on a le modèle romain, un modèle très élaboré, brillant, mais au 3 ème siècle, c’est un modèle décadent,

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Histoire des institutionsIntroduction :

Pour étudier l’histoire des institutions de l’ancienne France, l’historien du droit étudie généralement ou utilise généralement un découpage commode mais qui est arbitraire, en trois périodes :

- La première : 476-987. Il s’agit de la période franque, le haut moyen-âge, autrement dit, on se situe de la chute de l’empire romain et on va jusqu’à l’élection d’Hugues Capet.

- La deuxième : 987-1453. Il s’agit du moyen-âge proprement dit. La fin de cette période est marquée par la fin de la guerre de 100 ans.

- La troisième : 1453-1789. C’est l’époque moderne, appelée aussi l’Ancien Régime.

Le cours du premier semestre était organisé autours de deux axes : le pouvoir et le droit. C’était un cours envisagé sur la longue période. L’objectif de ce premier cours était d’établir le lien entre le pouvoir et le droit et de saisir le moment de leur rencontre.

A présent, dans ce cours d’histoire des institutions, on va évoquer les institutions économiques et sociales. Cela veut dire, après l’étude du pouvoir, vient l’étude de la société, après l’étude des gouvernants, vient l’étude des gouvernés.

Bien évidemment, entre le pouvoir, le droit et les institutions économiques et sociales, il existe des interactions, des complémentarités ; cela veut dire qu’il faut faire des retours à ce qui précède.

Les institutions du moyen-âge résultent d’une évolution, elles ont une histoire, une évolution qui se situe sur la longue période. Quand est-ce que commence l’histoire des institutions ? Elle commence avec la rencontre de deux mondes très différents : la civilisation romaine d’une part, et les peuples dit barbares du Nord et de l’Est de l’Europe d’autre part. La confrontation de ces deux civilisations va préparer le berceau des institutions du haut moyen-âge, des institutions franques.

§ 1 : La rencontre de deux mondes différents.

Les deux cultures romaine et germanique entrent en contact au 3ème siècle de notre ère. D’un côté, on a le modèle romain, un modèle très élaboré, brillant, mais au 3ème siècle, c’est un modèle décadent, affaibli. Et face à eux, les Romains vont trouver des petits peuples du Nord et de l’Est qui vont être les vainqueurs du monde romain. Ce sont des peuples qui avaient des structures rudimentaires, n’allaient pas conserver intact le modèle romain. Et effectivement, sur la longue durée, il allait se produire un mouvement d’interpénétration des traditions de ces deux civilisations.

Et à partir de là, on allait voir apparaître de nouvelles institutions.

A – Deux civilisations aux antipodes l’une de l’autre.1°) Economie et société du Bas Empire romain.

Pendant des siècles, Rome a connu une économie florissante, une industrie, un commerce, une agriculture prospère. Et cette prospérité romaine reposait sur l’utilisation du travail d’une multitude d’esclaves. Bien sûr, il y avait des hommes libres et parmi eux, il y avait la catégorie des citoyens romains qui constituaient l’élite, autrement dit, des hommes qui avaient la plénitude des droits, une capacité juridique totale. Et au sein de ce groupe régnait une stricte égalité dans une société inégalitaire.

Donc, après une période de vraie grandeur, le Bas Empire romain du 5ème siècle connaît une grave crise, une crise à la fois économique et sociale à l’époque où les invasions germaniques se multiplient. Quels sont les éléments de cette crise ?

a) Une économie en régression cantonnée dans de grands domaines ruraux.

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En effet, à la fin du 3ème siècle, l’économie romaine connaît de graves difficultés. On est dans une période d’insécurité, l’insécurité compromettant le transport des marchandises. L’autre élément de régression est le manque de main-d’œuvre parce qu’il n’y a presque plus d’esclaves car les Romains ont arrêté leurs conquêtes, et donc il n’y a plus de prisonniers de guerres. Et ce manque de main-d’œuvre désorganise la production traditionnelle.

Comme il n’y a plus de conquêtes, il n’y a plus de peuples vaincus et les peuples vaincus payaient des tributs, ils versaient des richesses à l’Empire. Il n’y a plus de guerre de conquêtes susceptible de rapporter des richesses. Alors que faire pour trouver des ressources ?

Les Romains, les pouvoirs publics se tournent de plus en plus vers la fiscalité, vers l’impôt et l’impôt devient de plus en plus pesant pour les populations, pour les activités économiques.

Il y a d’autres facteurs de régression parce que les villes, qui étaient florissantes, cessent d’être des centres de vie économiques. Elles ne sont plus que des lieux de protections, les habitants se mettent à construire des murailles autours des villes pour se protéger des barbares.

L’économie change complètement, elle devient une économie essentiellement rurale, qui tend à se concentrer de plus en plus dans de grands domaines. Et d’ailleurs, ces grands domaines, de plus en plus, absorbent les petits possédants qui sont à la recherche de la sécurité dans ce monde qui connaît des invasions. Le plus dangereux de tous, c’est la solitude.

De toute façon, la fiscalité est défavorable aux petits possédants (ils sont surimposés) alors que les grands domaines sont sous-imposés, parfois même exonérés.

Le résultat est qu’on aboutit, dans le monde rural, à un phénomène de concentration extrême des terres. Les petits possédants renoncent à leur liberté parce qu’ils sont trop taxés ou à cause de l’insécurité qui règne.

Comment ces domaines immenses sont travaillés ? Les grands propriétaires répartissent la terre en petits lots et ces lots sont concédés à des tenanciers qui vont travailler pour le compte du maître. Et donc, le grand propriétaire règne sur une population d’une façon absolue et il règne sur une population qui est constituée d’hommes libres appelés des colons, mais également une population formée pour partie d’esclaves. Le domaine agricole est tellement important qu’à la longue, l’inévitable se produit puisque le maître protège : son domaine devient une unité politique de plus en plus incontrôlable, autrement dit, une unité politique presque indépendante du pouvoir central.

b) L’opposition tranchée des catégories sociales. Lorsqu’on étudie la structure d’une société, qu’est-ce qui est important ? Ce qui est important est

qu’il n’y ait pas une opposition trop tranchée des catégories sociales. Et pour qu’il n’y ait pas cette opposition, il faut qu’il y ait une classe moyenne très importante. La classe moyenne, à Rome, pendant longtemps, a occupé une grande place ; il y avait une bourgeoisie urbaine importante qui composait cette classe moyenne, il y avait des propriétaires et des petits propriétaires en grand nombre. Cette classe souffre de difficulté et donc, elle tend à disparaître.

De plus en plus au bas Empire, on constate le clivage entre les privilégiés et les défavorisés. Autrement dit, la société du Bas Empire romain présente le schéma de deux catégories sociales s’opposant, une catégorie dominante et une catégorie dominée. Et dans cette société, il n’y a plus de classe moyenne susceptible de jouer le rôle de stabilisateur et donc, très souvent, il y a des troubles sociaux, des mouvements de révolte entre riches et pauvres.

2°) Economie et société chez les Germains.Les Germains sont composés d’un grand nombre de peuples, des peuples qui sont cantonnés entre le

Rhin et le Danube, des peuples qui se livrent à de fréquentes actions guerrières entre eux. Comment connaît-on leurs mœurs ? Il n’y a pas d’écrit chez eux mais on les connaît grâce à des écrits assez tardifs de Jules César et de l’historien latin Tacite. Et quelques siècles après, quand ces peuples auront envahi la Gaule, ils feront rédiger leurs lois et dans ces lois, on a quelques connaissances de leurs mœurs.

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Sur le plan économique et social, cette civilisation était très différente de l’Empire romain.

a) Une économie précaire .Chez ces peuples, les tribus étaient à l’origine nomades mais elles se sont très vite sédentarisées.

L’économie est principalement pastorale, autrement dit, ce sont des peuples d’éleveurs, ce sont des pasteurs. Ils ne cultivent pas beaucoup la terre parce que les régions qu’ils occupent ne sont pas propices au travail de la terre ; ces régions sont principalement forestières et marécageuses qui ne sont pas propices à la culture. Mais ils parviennent à produire de petites quantités de céréales et de blé en pratiquant la jachère (on cultive une parcelle et on laisse une autre au repos et l’année suivante, on tourne et on laisse l’autre terre au repos).

Et puis, ils essayent de se procurer des terres sans avoir besoin de travailler, autrement dit, ils vont faire la guerre à leurs voisins pour conquérir des terres déjà cultivées.

Le travail des champs ne concernent jamais les hommes, ce sont les femmes qui travaillent le sol, et les quelques esclaves qu’il y a et les vieillards. Les hommes n’ont pas le temps de travailler puisqu’ils font la guerre.

L’industrie et le commerce n’existent guère, les activités sont très réduites. Il faut dire que les voies de communication sont inexistantes, les guerriers se déplacent sur de mauvaises pistes.

Concernant la propriété, les Germains connaissaient la propriété collective qui portait sur les pâturages, sur la forêt (essentiel de l’espace de la tribu). Pour le reste, chaque famille est propriétaire de son habitation, de ses meubles, du bétail. Concernant les terres cultivées, elles étaient tirées au sort chaque année par les chefs de famille. Mais peu à peu, et c’est une évolution inévitable, on abandonne ce système du tirage au sort et peu à peu, les lots vont se fixer pour appartenir à chaque famille.

b) Une organisation sociale rudimentaire. On est face à un modèle social extrêmement différent à celui des Romains.Entre les Romains et les Germains, il existe une distance sociale immense. Chez les Germains, il

n’y a pas d’écriture, de villes, de temples. La vie culturelle et artistique est inexistante. Il n’y a pas non plus d’institutions politiques élaborées. Comment vit-on ?

Chaque famille vit dans une hutte et les tribus qui n’ont pas de temple célèbrent leur culte. Les hommes vivent pour la guerre et pour le butin qu’elle procure. L’autre activité essentielle est la chasse. Dans ces sociétés, le mariage existe ; il est toujours le résultat d’un pacte entre deux familles. La famille du mari achète la femme à sa famille d’origine. C’est une société où la structure familiale est très importante, à la base de la vie sociale. Et chaque famille applique la vengeance privée dans la mesure où il n’y a pas de justice.

La société tribale est composée d’esclaves et d’hommes libres, mais beaucoup moins d’esclaves que chez les Romains. Les hommes libres sont tous les hommes en état de porter les armes et on est en état très jeune, et qui par conséquent, conduisent les affaires de la tribu. Entre ces hommes libres, il existe une stricte égalité. Ils se réunissent en assemblée pour décider et on a là des exemples de démocratie directe. Les tribus ont un chef, quelques fois un roi, qui est choisi par les hommes libres, un homme qui jouit d’un grand prestige parce qu’il est le plus fort, parfois le plus intelligent, et il est obéi d’une façon absolue, tant qu’il remporte des succès. En cas d’échec, il est remplacé par un autre, il est déposé et comme la chevelure est le principal attribut de virilité, lorsque le chef était déposé, on lui coupait les cheveux.

Il n’existe pas de stabilité politique.

Les guerriers ou les compagnons d’armes nouent des relations personnelles avec le chef : c’est l’institution du compagnonnage militaire. Les guerriers gravitent autours du chef qui les nourrit, qui les conduit à la guerre et qui partage les prises de guerres, les butins avec ses compagnons. Et ce qui assure la solidité des liens entre le chef et ses hommes, c’est que ces hommes ont prêté serment à leur chef et de le défendre jusqu’à la mort.

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B – Le choc de deux civilisations.1°) Conquête militaire et infiltration pacifique des Germains.

Dès la fin du 3ème siècle, la civilisation romaine décadente se heurte aux usages des peuples germaniques qui déjà envahissent la Gaule romaine. Ces peuples arrivent en Gaule par vagues successives.

Le nombre de barbares présents sur le sol de l’Empire n’a représenté qu’une petite population. L’Empire romain était immense. Les barbares sont arrivés, certains étaient animés par l’esprit de conquêtes, d’autres sont arrivés tout à fait pacifiquement, beaucoup. Ils sont arrivés peut-être parce qu’ils avaient faim, peut-être parce qu’ils étaient poussés vers le Sud par d’autres nomades et peut-être parce qu’ils étaient attirés par cette terre qu’était la Gaule.

Il est évident que pour le paysan de ces régions rhénanes, qui pratiquait une culture sur une petite terre difficilement défrichée, la richesse de la Gaule, des grands domaines céréaliers, des vignobles gaulois, faisait forte impression. Mais comment le savaient-ils ?

Quelques uns d’entre eux avaient pu peut-être entrevoir cette terre à l’occasion d’un raide manqué en territoire romain. Et puis, surtout, certains ont su que la Gaule était une belle région parce qu’un parent était peut-être venu à Rome pour faire une carrière militaire et cela va se faire de plus en plus.

Ils étaient tentés de s’approprier cette civilisation gallo-romaine et ils ne voulaient pas la détruire. Le problème est comment avoir accès à cette richesse sans employer la force, d’autant plus qu’ils étaient des peuples de guerriers habitués aux pillages, des peuples dont la guerre était une des occupations préférées. Donc ces peuples sont arrivés par petits groupes sans plan réfléchie, pour tirer profit de ces richesses et pour tirer profit sans vouloir détruire avec une hâte désordonnée.

Bien sûr, il y a eu des destructions qui étaient inévitables et ce sont les villes qui furent les plus touchées. En résumé, il y a eu des pillages inévitables d’hommes habitués à la guerre mais qui n’impliquent pas pour autant la destruction de la civilisation romaine.

2°) Les stratégies romaines.Face à ces peuples très divers, Rome va développer des stratégies différentes. Au début, c’est simple :

Rome va essayer de les contenir militairement. Et un jour, on se rend compte que cela ne sert à rien et Rome renonce à l’écrasement militaire.

Elle va développer une autre stratégie : elle va développer une politique de division en suscitant des conflits entre peuples. Ce ne sera pas suffisant et Rome va développer un autre système : Rome va composer avec les barbares, c’est-à-dire que Rome va offrir aux barbares la possibilité de faire partis de l’armée romaine, autrement dit, les guerriers germaniques vont peu à peu fournir des troupes auxiliaires qui vont aider l’armée romaine traditionnelle et ce sont les Burgondes et les Wisigoths qui vont être essentiels. On dit de ces deux peuples qu’ils étaient les fédérés des Romains, c’est-à-dire que les chefs de ces peuples avaient conclus avec l’empereur romain un traité d’alliance en vertu duquel leurs peuples devaient fournir des contingents militaires moyennant le paiement d’une solde. Et cela va marcher très bien. D’ailleurs, les plus hauts commandements militaires de l’armée romaine seront souvent confiés à des chefs barbares.

Ces peuples arrivent en très grand nombre et il faut s’occuper de leur survie, il faut les nourrir et les héberger, mais ils n’arrivent pas tous seuls, ils arrivent avec leur famille. Alors, on va leur appliqué un système, on va leur appliquer en réalité les lois ordinaires existantes à Rome de l’armée romaine en campagne. Et ce système, on l’appelle l’hospitalitas. C’est tout simplement le logement chez l’habitant. Le système de l’hospitalitas très pratiqué par les Romains était le suivant : chaque propriétaire est tenu d’héberger chez lui un guerrier avec toute sa famille et par conséquent, il doit lui abandonner le tiers de sa maison.

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Concernant la nourriture, elle n’est pas à la charge du propriétaire parce qu’au sein de l’armée romaine, il existe un service d’intendance. Au 5ème siècle, on appelle ce service l’anone. Cette intendance ne fonctionne plus, elle devient inefficace et les choses s’enveniment entre les propriétaires et ceux qu’ils hébergent. Les barbares, les fédérés exigent des propriétaires désormais le partage des récoltes. Ce partage des récoltes va souvent donner lieu à des difficultés et à la fin du 5 ème siècle, l’Empire romain s’est effondré et ce sont les rois barbares qui gouvernent.

Ces rois modifient le système ; ils substituent au partage des récoltes le partage des propriétés. Cela veut dire que les propriétaires romains sont en partie expropriés au profit de ceux qu’ils hébergeaient d’une bonne partie de leurs terres. Et puis, parallèlement à cette situation, Rome reçoit et accepte une installation de colonie de Germains, de groupes pacifiques qui vont peupler certains domaines et donc des hommes qui vont devenir avec ces installations de petits exploitants.

C – La fusion romano-germanique.Dans la société qui se constitue, l’héritage romain est déterminant, essentiellement par le biais du

christianisme. Car, sous l’Empire romain, il y a peu à peu un développement de la foi chrétienne. Ce développement va contribuer à lier les vainqueurs aux vaincus. Depuis la fin du 4ème siècle, le christianisme est devenu la religion officielle de l’empire romain. Très vite, l’Eglise s’organise. En effet, elle se dote d’une hiérarchie. Les chefs de l’Eglise, les évêques, se rencontrent au cours de conciles.

Les peuples qui pénètrent en Gaule sont très vite christianisés mais, certains de ces peuples sont plutôt tournés vers l’arianisme. Cela veut dire qu’ils sont chrétiens mais ils nient la divinité du Christ, ils considèrent que seul le père est Dieu. Le Christ n’est pas l’égal de Dieu. Ils ne reconnaissent pas la hiérarchie ecclésiastique. Ils sont quand même dans l’ensemble assez loin du catholicisme officiel. Or, ce qui va se produire est que l’un des principaux chefs, celui qui va être le plus grand roi de la première des deux dynasties, qui va être son fondateur, Clovis va se rallier au catholicisme. Le ralliement est absolument déterminant. Ce ralliement est de la part de Clovis, un geste politique extrêmement important. Il se rallie au catholicisme avec plusieurs milliers de ses fidèles.

Les Francs, par cette adhésion au catholicisme, ont préservé l’héritage de la culture antique. A partir de ce baptême de Clovis, les chefs barbares ménagent l’Eglise. On assiste ensuite au développement de la papauté. Cette église catholique, avec un chef unique à sa tête, va contribuer à intégrer le royaume franc à une vaste communauté religieuse.

Il se trouve qu’à la même époque, la vie monastique, le monachisme, se développe. Cela veut dire que toute l’Europe se couvre d’une mosaïque d’établissements religieux, de monastères. On assiste à la première identité européenne avec ces créations. Peu à peu, se réalise l’alliance entre les deux pouvoirs : le pouvoir laïc et le pouvoir spirituel.

Indépendamment de ce premier aspect, sur le plan économique et social, Rome apporte le grand domaine avec ses esclaves. Sur le plan économique et social, les Germains apportent aussi quelque chose. Ils apportent les hommes libres autours d’un chef. Ils apportent une société organisée en tribus. Ils apportent aussi un schéma. C’est-à-dire qu’entre le chef et ceux qui lui sont soumis, il existe un lien personnel. Ils apportent une agriculture qui mélange les aspects individuels et collectifs. Ils apportent une civilisation où tout homme libre est un guerrier. Ils vont communiquer leur tradition guerrière aux gallo-romains. Désormais, la frontière sociale qui séparait les civils et les soldats disparaît. Autrement dit, cette société qui se forge peu à peu est une société dominée à tous les niveaux par la violence, où le droit s’efface souvent devant la force. Cependant, ces paysans barbares qui arrivent en Gaule s’adaptent aux travaux sédentaires de la terre. En même temps, ces hommes introduisent plus d’élevages.

Dans cette société, il y a des élites. Ces derniers sont les anciennes aristocraties gallo-romaines. Il y a aussi des élites au sein de ces peuples, des élites franques. Très rapidement, les élites gallo-romaines et franques fusionnent. Qu’est ce qui fait leur richesse ?

Ce sont toujours de vastes domaines agricoles. La richesse c’est la terre. A la tête de chacun d’eux, il y a un maitre qui commande une vaste maisonnée, une vaste communauté qui abrite beaucoup de monde. Maison= maitre et son épouse + concubines du maitres et enfants, les parents plus ou moins lointain et les esclaves. Cette maisonnée est intégrée dans des groupements plus vastes, des groupements

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rassemblant une parenté étendue. Les chefs de ces grandes familles ont des pouvoirs très important, ils sont responsables, solidaires de leur parents. On est dans des sociétés qui pratiquent de fortes solidarités. Les chefs de ces communautés régulent les conflits, pratiquent la justice privé, ils appliquent la vengeance privée, la faida germanique. Il y a dans cette société une aristocratie qui domine la société, qui transmet sa richesse en terres et en hommes à ses enfants.

Il y a aussi, une opposition au sein de l’échelle sociale entre les libres et les non libres. C’est un clivage qui perdure. Cependant, au cours de la période, à partir du 5ème siècle, peu à peu, le nombre d’esclaves diminue sans cesse. Il faut aussi remarquer que la condition économique des esclaves s’améliore peu à peu. Cela veut dire qu’à l’intérieur du grand domaine, la situation économique des esclaves devient à peu près analogue, semblable à celle des hommes libres qui vivent sur le domaine et dont la condition se dégrade. Les statuts deviennent à peu près semblables.

Finalement, avec le temps, les deux civilisations gallo-romaine et franque se mêlent, s’imbriquent étroitement pour faire un schéma quelque peu arbitraire. Les Francs peuplent le Sud de la Gaule, peu nombreux, adoptent les habitudes de vie des gallo-romains. Alors que les Francs du Nord, plus nombreux, imposent leur identité.

De cette confrontation séculaire, les deux civilisations sont sorties transformées au bout de quelques siècles, dissoutes par l’invasion, pour n’en faire plus qu’une. L’amalgame de ces données annonce les institutions de l’époque franque.§ 2 : La société franque.

Cette société est la synthèse de deux civilisations. Elle présente deux aspects principaux :- C’est une société terrienne ;- Elle repose sur une formidable fragmentation du pouvoir. Elle repose sur une multitude de chefferies,

c’est-à-dire qu’il y a des quantités de petits chefs.

A – La ruralisation de l’économie.L’économie a profondément changée du 5ème au 9ème siècle. Au 5ème siècle, on retrouve les formes

traditionnelles, c’est-à-dire la grande propriété travaillée par des esclaves, par les hommes libres. On a, au 5ème siècle, un artisanat urbain qui fournit une masse de produits fabriqués, on a quelques échanges commerciaux à longue distance. Des échanges accès sur la méditerranée.

Au 9ème siècle, les villes et leurs activités ont disparues. Les monnaies et les capitaux n’existent qu’en très faibles quantités. Les échanges commerciaux se sont raréfiés. Il y a eu quand même une période faste au début du 9ème siècle, aux temps des souverains carolingiens. Les empereurs carolingiens ont voulu relancer le commerce. Mais cette renaissance du commerce est limitée. Dans les années 840, le pouvoir politique s’effondre de nouveau, l’activité se raréfie d’autant que de nouvelles invasions compromettent le trafic marchand. Au 9ème siècle, l’économie, a désormais un caractère exclusivement rural et terrien. La seule activité est l’exploitation du sol qui est assurée par une population organisée sur la base du régime domanial. En effet, l’économie ne dépasse pas le cadre du domaine foncier. Ce domaine est retrouvé sur le même modèle partout en Europe. Il trouve sa place dans une économie qui présente trois caractères fondamentaux :

- Cette économie est terrienne, cela veut dire que la société de cette époque est presque exclusivement agricole et la terre est devenue la seule richesse, la seule source de pouvoir et elle est la base de la hiérarchie sociale.

- C’est aussi une économie fermée, autarcique car les échanges n’existent pratiquement plus. On vit du domaine

- C’est une économie de subsistance. Cela veut dire que l’objectif est de parvenir à satisfaire les besoins vitaux de la population du domaine. C’est une économie qui ne recherche pas le profit, le seul objectif est de permettre à la population du domaine d’arriver à la nourrir.

Le grand domaine représente un ensemble économique de grande taille, plusieurs milliers d’hectares. Il présente une unité économique cohérente. Il présent toujours une organisation bipartite, en deux partie. Quelle est la structure du domaine ? Dans tout domaine, il y a la part du maître, ce que le maître se réserve pour vivre. Dans sa réserve, il y a des terres. Ces terres du maître sont travaillées

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gratuitement par la population paysanne du domaine. A l’intérieur de cette réserve, où vit le maître, il existe toute une infrastructure nécessaire à une existence fermée, autarcique. A l’intérieur de la réserve du maître, on trouve tous les bâtiments agricoles, tous les ateliers artisanaux, des fours, des moulins.

Dans ce domaine extrêmement vaste, il y a une deuxième partie qui est divisée en petites exploitations : ce sont les manses. Sur chaque manse, le maître installe une famille paysanne qui travaille la terre. Les paysans ne sont pas propriétaires, ils sont des tenanciers, ils reçoivent la terre du maître. Ils vont verser périodiquement à leur maître des redevances et ils vont rendre des services. Ils vont aller travailler gratuitement sur les terres du maître. Ils ne sont pas propriétaires.

Quelle est la superficie de cette exploitation ? Elle est variable, elle peut atteindre dix hectares. En toute hypothèse, c’est une exploitation qui doit permettre à une famille de subsister. En contrepartie, le tenancier doit des redevances en nature (une part de récolte, des poules, des œufs, des services comme les corvées).

Ce grand domaine présente une unité juridique et économique. A la tête de cette unité, il y a un maître qui a des pouvoirs très étendus. Ce maître est un gestionnaire responsable. Sa responsabilité est celle de la survie de la communauté. Au 9ème siècle, l’organisation domaniale qui se veut rationnelle traduit des faiblesses. Sur certains domaines, des manses sont vides d’occupants. Dans d’autres régions, certains manses sont surpeuplés, si bien qu’à un moment donné, certaines exploitations paysannes doivent être fractionnées, divisées. A ce moment-là, la survie des familles devient difficile. Plus globalement, l’économie domaniale est confrontée à des états de manque car les rendements du sol sont faibles à cette époque et la crainte est toujours la famine.

Globalement, le grand domaine a su répondre assez bien aux besoins des hommes dans ces temps obscurs. Il leur a permis d’échapper à la solitude dangereuse. En même temps, cela leur a permit de subsister dans un cadre sécurisant. D’ailleurs, certains grands propriétaires vont accéder au pouvoir politique. C’est-à-dire qu’on va leur permettre d’exercer des prérogatives de puissance publique. De quelle façon ? Le roi ou l’empereur se met à distribuer, octroyer des privilèges à certains grands propriétaires. Des privilèges sous la forme d’une charte dite d’immunité. Les grands propriétaires qui reçoivent ces chartes d’immunité sont les grands propriétaires qui sont les meilleurs alliés du pouvoir, autrement dit, les grands propriétaires ecclésiastiques.

En vertu de ces privilèges, le domaine concerné échappe au contrôle de l’administration royale. Les rois et les empereurs ont très largement recours à ce procédé car l’administration locale leur échappe, elle a tendance à se rendre autonome. L’idée est de réduire le pouvoir de cette administration en distribuant des privilèges à de grands propriétaires. Ces grands propriétaires vont faire dans leur domaine ce qui faisait autrefois l’administration. C’est-à-dire que ces chefs économiques vont administrer leur domaine, ils vont y rendre la justice, lever les impôts, lever le contingent militaire pour le compte du roi. Ils sont des alliés directs.

Les rois vont répandre très largement ce procédé. On divise le pouvoir pour mieux régner. Les grands propriétaires qui n’ont pas de charte d’immunité voudraient en avoir. Ils fabriquent de fausses chartes. Le roi confirme les faux, ce qui fait que le système se répand.

On a un maître du domaine qui cumule les pouvoirs économique et politique. Il apparaît, compte tenu de l’immensité de ses pouvoirs, comme le véritable protecteur sur lequel les populations vont compter pour leur sécurité. Dans cette société du 5ème au 9ème siècle, la seule valeur est la terre. La primauté de la terre sou tend toute l’organisation sociale. B – Une organisation sociale sous contrôle des puissants.

Il existe, dans la société de cette époque, une aristocratie laïque qui domine la société franque. A cette époque, il n’existe pas encore de noblesse au sens juridique du terme. La noblesse est la transmission d’un état social par le sang.

Il y a quand même de grandes familles. Elles sont grandes car elles détiennent la richesse foncière, parce qu’elles ont la force militaire, parce qu’elles exercent aussi des fonctions politiques, administratives. Ces familles, peu à peu, se constituent en dynastie. Il y a une tendance à l’enracinement. Ces grandes familles fournissent aussi les chefs de l’Eglise, les dignitaires ecclésiastiques. Les chefs de l’Eglise, eux aussi, ont un patrimoine foncier considérable. Ces chefs de l’Eglise qui sortent des grandes

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familles, sont les seuls gens instruit, c’est la raison pour laquelle ils s’infiltrent dans l’entourage royal. Ils vont donner au roi de bons conseillers. En outre, ce sont eux qui jouent le rôle social. Autrement dit, ils développent les premières œuvres d’assistance, d’éducation et de propagation de la foi.

La masse de la population est formée d’individus au statut varié à l’origine. D’abord, il y a des hommes libres. On trouve des hommes libres qui ne vivent pas dans le grand domaine. Autrement dit, des hommes qui sont à la tête de petites propriétés. Ce sont les alleutiers, ils possèdent un alleu. A côté de ces propriétaires libres, la majorité concerne tous les hommes du grand domaine. Il y a des esclaves, des demi libres, des libres. Ce schéma va connaitre des évolutions. En effet, à l’époque carolingienne, aux 8ème et 9ème siècles, le nombre d’alleutiers diminue.

En ce qui concerne les catégories sociales du domaine, elles ont tendance à se confondre car les hommes qui vivent dans le domaine sont proches économiquement et socialement. Ils vivent tous de la même façon, dans de misérables constructions. Dans l’économie domaniale, on voit apparaitre une nouvelle catégorie sociale unique qui englobe toutes les anciennes catégories : les servies, ceux qui sont asservie au maître, les serfs. Ces hommes sont totalement subordonnés au maître, ils sont voués au travail pénible de la terre. Leur descendants seront subordonnés au maître.

Il existe un petit clergé placé sous l’autorité de hauts dignitaires ecclésiastiques qui sont les évêques et les abbés. Ce clergé est comme la masse de la population, il est souvent démuni, pauvre, et il vit des offrandes des fideles. Mais, à l’époque franque, l’Eglise se fait reconnaître le droit de lever un impôt que l’on appelait la dîme (la decima part, la dixième partie), un impôt qui va porter sur les revenus, sur les récoltes, et qui doit aider les prêtres des paroisses à subvenir à leurs besoins.

La société franque présente des clivages sociaux mais elle connaît aussi de nouvelles formes d’encadrement parce que le pouvoir royal ou impérial décline. C’est-à-dire que, dans cette société, les hommes libres se soumettent à l’autorité de puissance locale et comme il n’y a plus d’Etat, la société s’organise en groupes humains, des groupes territoriaux, des groupes politiques, des groupes qui tendent à l’autonomie.

Donc, les relations, désormais, entre les faibles et les puissants se conçoivent comme fondées sur des liens personnels. Cela veut dire que, désormais, il s’établit une contractualisation du lien d’autorité et donc, le monde franc, du haut moyen-âge, connaît une large diffusion de la vassalité, c’est-à-dire qu’un homme qu’on appellera vassal s’engage à assister celui qu’on appellera seigneur. Et bientôt, ce qui apparaît en première ligne, c’est l’obligation militaire du vassal (sa principale obligation. Et à partir du moment où ce vassal a une obligation militaire, forcément, comme il est un combattant, son statut social va s’élever parce qu’il est un cavalier de l’armée. Et par conséquent, il va falloir subvenir à l’entretien de ces vassaux ; les seigneurs vont prendre l’habitude de donner quelque chose à leurs vassaux, de leur concéder quelques richesses et la richesse de cette époque est la terre. Cette terre, pendant longtemps, portera le nom de « bénéfice » et deviendra le fief. Peu à peu, un lien s’établit entre le fait d’entrer en vassalité et la remise de ce bénéfice.

Dans la société franque, tout contribue à la fragmentation du pouvoir, un pouvoir qui, de plus en plus, s’exerce à la base. Et donc, cela veut dire que les grands, l’aristocratie, deviennent indépendants. On a assisté à la prépondérance de la terre et au développement de la vassalité. Le territoire franc, un monde presque exclusivement rural, connaît un découpage en groupes économiques, en groupes politiques, des groupes de plus en plus autonomes. Cela veut dire que, désormais, les individus se rattachent à d’autres autorités que celle de l’Etat ; l’Etat est défaillant, incapable d’assurer la sécurité. Il y a dans cette société deux caractères qui peuvent se dégager : un caractère plural et un caractère rural. Ce sont là, en définitive, les deux aspects de la société féodale.

Ensuite, nous verrons que la période suivante, celle qu’on appelle le bas moyen-âge, ne perd ces deux caractères. Cependant, le bas moyen-âge a connu d’importantes mutations, des mutations à la fois économiques et sociales. Entre le 12ème et le 15ème siècles, le monopole de la terre devient moins étouffant, moins net que dans la société antérieure parce qu’au 12ème siècle, on assiste à des phénomènes très importants : on assiste à la réouverture des circuits d’échange et à la renaissance des villes.

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Et puis, nous verrons que les temps modernes connaîtront dans la continuité du moyen-âge des poussées novatrices. Seulement, ces changements qui se produisent au 16ème siècle ne sont pas des révolutions. Et au 18ème siècle, les traditions institutionnelles du moyen-âge demeurent vivaces ; il existe un conservatisme de la société française, un conservatisme qui est porteur de risques croissants dans les dernières décennies du 18ème siècle.

Première partie : Une société repliée sur elle-même aux temps féodaux (X ème -XI ème siècles).

Du milieu du 9ème siècle jusqu’à la fin du 11ème siècle, la société médiévale présente des caractères dominants.

Le premier est la faiblesse du peuplement, on est dans un monde très peu peuplé, parce que la période précédente a connu des maux, des difficultés de toute sorte qui ont conduit à un affaiblissement de la courbe démographique. On est dans un monde où les groupes humains sont peu nombreux, sont clairsemés.

Le deuxième est le caractère presque exclusivement domanial de l’économie. Autrement dit, la terre, tout au long de cette période, est devenue l’unique facteur de production. Elle est l’assise de la fortune aristocratique. Elle est le seul moyen de rétribution du fait de la pauvreté monétaire (il n’y a pas d’argent en circulation).

Le troisième est la disparition du pouvoir central. Cela veut dire que, désormais, les attributions du pouvoir central sont réparties entre de nombreux titulaires, entre les seigneurs qui ont usurpé les prérogatives de la puissance publique.

Le quatrième est le développement de toute la société sur le fondement des rapports d’homme à homme, c’est-à-dire de la vassalité.

Bilan : des populations, régression économique, société anarchique du fait de la fragmentation du pouvoir, du fait de l’absence d’organisation de cette société par rapport à un pouvoir central. Un bilan négatif du lègue carolingien.

Or, si on s’en tenait à ces seuls aspects, on aurait une vision très partielle de cette société. Il y a un autre volet ; d’une part, dans cette nouvelle société, on a un cadre territorial qui est la seigneurie. La seigneurie est une organisation complète sur le plan politique, administratif, économique et social. C’est un territoire autonome qui noue des relations avec les autres. Un territoire qui s’organise, qui s’ordonne. D’autre part, le second aspect positif est que cette société, qui apparaît désordonnée mais qui est ordonnée dans la société, voit aussi une grande variété de solidarité qui s’exprime à tous les niveaux, des solidarités qui répondent bien à la recherche de la protection. Il y a toujours, dans cette société du moyen-âge, un appui du groupe, un individu n’existe que par rapport à un groupe. Et naturellement, il n’est pas seul et on verra que les liens de vassalité constituent une des principales manifestations de ces solidarités qui existent dans la société médiévale.

Cela veut dire que l’étude de la société féodale sera conduite sur deux plans. Dans u n premier temps, on parlera de l’organisation économique et sociale de la seigneurie. Et dans un deuxième temps, on parlera des réseaux de solidarité de cette société.

Chapitre I : L’organisation économique et sociale de la seigneurie.

A la fin du 9ème siècle, la seigneurie est donc le cadre de vie habituel le plus familier depuis que le pouvoir royal s’est fait lointain et depuis que le territoire s’est morcelé. Cette seigneurie est le lieu d’exercice du pouvoir seulement, elle présente d’autres visages. En réalité, elle prolonge en le modelant profondément le grand domaine carolingien.

Cette seigneurie apparaît comme une forme d’organisation de la production mais elle n’est pas que cela. A l’intérieur de chaque seigneurie, on va retrouver le schéma de toute organisation sociale. La seigneurie est la cellule de l’organisation sociale.

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Section I – La seigneurie foncière, mode d’organisation de la production.Donc, une économie seigneuriale qui prolonge pour l’essentiel l’économie domaniale. Cependant,

nous verrons que dès le 11ème siècle apparaissent les premier signes d’une crise de ce régime domaniale. C’est le début d’une grande expansion.

§ 1 : La survivance du régime domanial.Le schéma est le même partout en Europe. Sur la seigneurie, il n’y a pratiquement pas de vie

commerciale et il n’y a quasiment pas de monnaie. Il y a un commerce occasionnel qui sert aux seigneurs à se procurer quelques objets de luxe provenant de l’Orient. Et on arrive à trouver quelque chose que la seigneurie de produit pas (le sel, le fer). Il va permettre aux populations de survivre en cas de famine (des sacs de blé).

L’époque précédente avait connu la régression des villes. A la fin du 9ème siècle, il reste quelques villes, quelques cités gallo-romaines, mais elles sont très restreintes, elles n’ont que très peu d’habitants. Elles vivent repliées derrière de modestes murailles et n’ont aucune activité économique. Elles n’ont pas d’existence autonome, elles sont intégrées dans le système seigneurial.

La seigneurie, dans son organisation agricole, a conserve le dessin du grand domaine franc parce que les seigneurs sont souvent les successeurs des grands propriétaires. Il y a aussi des seigneurs dont la fortune est plus récente, qui n’étaient pas des grands propriétaires mais ces seigneurs là ont cherché à se constituer une seigneurie selon les modèles qu’ils avaient sous les yeux. Ces seigneuries sont d’une grande diversité mais on retrouve quand même un peu partout le même schéma, le schéma de l’organisation domaniale en deux parties.

A – La réserve ou le domaine retenu.En effet, le seigneur retient dans sa propriété directe une partie de la seigneurie, la partie où l’on

va trouver le château seigneurial avec toutes ses dépendances. Autrement dit, on va trouver autours du château les ateliers, le colombier, des fours, des pressoirs dans les régions vignobles, un jardin, etc. Seul le seigneur a les moyens pour établir cette infrastructure. Ces constructions, il les met à la disposition de la population du domaine moyennant le paiement d’une taxe. Pour garde cette taxe, le seigneur décide par un règlement d’interdire ces constructions aux autres paysans et il leur impose l’usage de ces établissements à tous les habitants qui vivent dans un certain rayon, et ce en vertu de son droit de ban.

Ces monopoles économiques, ces usages, du seigneur sont appelés des banalités. A l’occasion de l’utilisation de ces appareillages, le seigneur fait prélever une redevance en nature. S’il n’y a pas d’argent, on va faire cuire du pain et un agent seigneurial va en prélever une partie.

Des textes signalent l’existence d’autres banalités dans cette société agricole. Par exemple, il y avait, à côté de l’utilisation obligatoire de ces installations, aussi l’utilisation des animaux reproducteurs (le taureau banal du seigneur, le verra banal).

Et puis, il y avait d’autres applications du droit de ban qui prenaient la forme de monopoles commerciaux. Le monopole le plus connu était le droit de banvin, le droit en vertu duquel le seigneur était prioritaire pour vendre son vin.

Mais la réserve englobe autre chose ; elle englobe de bonnes terres travaillées et pour exploiter ces terres de la réserve, le seigneur utilise des services. Il a sur sa réserve des serviteurs, des serfs qui vont travailler ces terres. Seulement, en agriculture, il y a des périodes de pointe où il y a beaucoup de travail et au cours desquelles il faut mobiliser d’autres énergies (la période hivernale au cours de laquelle il y a la coupe du bois, le transporter ; il a la période des moissons ; l’époque des vendanges ; l’époque des labours). A ce moment-là, l’essentielle de la force de travail sont apportée par les corvées qui sont assurées par les tenanciers (paysans en dehors de la réserve seigneuriale).

Ces corvées sont extrêmement nombreuses, de nature variée. On trouve des corvées de labourage en automne et en hiver, des corvées de moisson, de transport du bois, des corvées pour charger des marchandises de toute sorte. Il ya aussi des corvées moins étendues ; on trouve des corvées d’irrigation pour irriguer les prés, les champs. Le seigneur est un chasseur alors il y a la corvée de nettoyage des

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chenils. Il y a des corvées qui consistent à veiller sur le patrimoine seigneurial, tuer les oies, filer la laine pour les femmes.

Sur la réserve, on va trouver aussi un petit cours d’eau, une rivière et donc les eaux sont captées par le seigneur, qui organise des étangs, des pêcheries. Et sur le cours des ruisseaux, il fait construire des moulins.

La réserve contient également des forêts et des terres incultes (des landes, des taillis, des marées, des bruyères) qui sont des réserves de chasse. Dans ces bois, on fait conduire les troupeaux de porcs.

Les eaux, les bois, les pâturages (toutes ces zones de la réserve) sont soumis à un droit d’usage au profit des habitants de la seigneurie. Ce sont là des terres communes. Ils peuvent conduire leurs troupeaux, ramasser des fruits, prendre du bois de chauffage, de construction. Et ces droits d’usage sont fixés par la coutume, quelques fois par des conventions passées avec le seigneur. Ces droits d’usage sont négociés avec le seigneur.

B – Les manses ou le domaine concédé.A côté de la réserve, on retrouve cette seconde partie du domaine, le domaine concédé, fractionné en

manse. On retrouve très exactement le schéma structurel du grand domaine et on va le retrouver jusqu’au 11ème siècle. Et le domaine concédé aux exploitants représente la plus grande partie du territoire seigneurial. Et donc, chaque tenancier est installé avec les siens sur une petite exploitation qui lui a été concédée.

Donc, sur cette petite exploitation, il va avoir sa maison d’habitation et il y aura autour tout ce qu’il lui faut pour subsister, des terres, des près, une parcelle de vignes. Cela veut dire que chaque exploitant a la responsabilité de sa survie et de celle des siens, il ne peut vivre que de sa production. Bien évidemment, puisque le seigneur lui a concédé une terre, il y a une contrepartie : le tenancier doit des redevances fixées par la coutume et il doit des corvées sur la réserve.

Mais ce système là ne va pas demeurer intact parce que dès la fin du 10ème siècle et le début du 11ème siècle, de nombreux symptômes annoncent de profondes transformations.

§ 2 : Les signes d’un renouveau économique.Le régime domanial contient en lui-même son processus de dégradation. Et alors qu’il disparaît,

un processus de rénovation du paysage se met en route, le monde change.

A – Le déclin du régime domanial.Comment se fait-il que ce régime domanial ait disparu ? Ce déclin est le résultat d’une triple

crise.

1°) Le fractionnement du grand domaine.L’ancien grand domaine carolingien, tel qu’il existait autrefois, s’est souvent démembré entre

plusieurs seigneurs. De quelle façon ? Il s’est démembré du fait de la diffusion du fief, autrement dit, des bouts de domaine ont été concédés en fief, si bien qu’à l’intérieur d’un même domaine, on voit apparaître des seigneuries distinctes.

Il y a aussi le jeu des héritages, des successions et de ce fait, il y a des domaines qui se retrouvent divisés. Et par ce jeu des successions, un même seigneur va détenir des morceaux de domaines différents.

Finalement, bien souvent, la fortune seigneuriale est faite de collections de débris de domaine. C’est de moins en moins un grand domaine d’un seul tenant.

2°) Le fractionnement du manse.

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Le manse disparaît peu à peu par fractionnement sous l’impulsion du développement économique et social. En effet, la terre produit davantage, on fait des progrès agricoles. Mais en même temps, le nombre d’exploitants augmente en raison de la démographie. Si bien qu’il arrive souvent que le manse, qui était une unité destinée à une famille, est surpeuplé et de ce fait, il faut le diviser. Du manse, on fait un demi-manse. Et un jour, on passe à des quarts de manse dans certaines régions. Et donc, on en arrive à une disparition du manse et on voit apparaître des exploitations de petite dimension, de dimension modeste, qui prennent des noms divers suivant les régions.

On donne à ces nouvelles exploitations un terme générique : on les appelle les tenures. Ces tenures vont être dotées de leur propre régime juridique.

3°) La crise de la réserve.Au 11ème siècle, on défriche beaucoup plus qu’avant puisqu’il y a des progrès agricoles, plus de

terres cultivées. Alors la réserve se réduit peu à peu. Qu’est-ce qu’on fait ?On la découpe en tenures et on les distribue à des paysans. Tout simplement parce que

l’amélioration des rendements permet au seigneur de subsister avec sa famille avec une moindre superficie de terre. D’ailleurs, les nouvelles concessions de tenure prise sur la réserve portent sur les terres les plus éloignées du château, il conserve celles qui sont le plus près, les plus riches, les plus rémunératrices.

La part des terres concédée augmente et la réserve diminue. Et on se met à défricher une partie des landes, de la forêt, pour distribuer des tenures. On voit disparaître peu à peu sur la réserve les ateliers artisanaux parce qu’on entre dans une période où la ville renaît. L’artisan quitte la réserve pour aller s’installer en ville. Et puis, encore une manifestation de cette évolution : puisqu’il y a moins de terres sur la réserve, il y a moins besoin de corvées et le seigneur, au lieu de supprimer ces corvées, il les monnaie. Les corvées sont remplacées par des redevances. Et si le seigneur diminue sa réserve et distribue des tenures, c’est pour percevoir des redevances supplémentaires.

A l’origine, le seigneur était un entrepreneur du sol, un gestionnaire du sol. Au 11 ème siècle, il est tout autre : il tend à devenir un rentier, un homme qui cherche à recevoir de plus en plus de redevances, il lève des taxes toujours plus nombreuses sur ses paysans pour acheter des objets de luxe. Ce régime domanial, tel qu’il existait à l’origine, est en crise et va finir par disparaître totalement du fait du changement économique.

Au-delà de cette crise du régime domanial, un autre phénomène se développe : en ce début du 11ème siècle, on assiste à un véritable renouveau économique.

B – Les signes annonciateurs de l’économie du second millénaire.Effectivement, au début du 11ème siècle se multiplie les signes d’un renouveau rural. En marge de

l’ordre féodal, on voit également apparaître un mouvement d’expansion économique.

1°) Le renouveau rural.Cet essor de l’économie rurale connaît diverses manifestations et l’expansion économique dans

le milieu rural va se prolonger jusqu’au milieu du 14ème siècle. Ce qui est vraiment déterminant, ce qui entraine un changement profond, c’est qu’il y a une relance de la démographie. Pourquoi ? Parce que c’est la fin des périodes d’invasion, c’est l’époque où l’Eglise développe des efforts au service de la paix ; c’est tout un faisceau de facteurs.

On peut dire aussi que, à la fin du 10ème siècle, le régime féodal s’est stabilisé, il créé un certain ordre, on n’est plus dans une société anarchique. Il existe dans cette société une sécurité plus grande, les populations se sentent davantage en sécurité et donc, il se créé un climat favorable à la natalité. C’est un phénomène qui concerne toute l’Europe. Dans ces conditions, on a vu que l’organisation domaniale commence à ne plus correspondre à l’excédant des naissances sur les décès. Cet accroissement

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démographie est la cause motrice de la recherche de terres nouvelles, autrement dit, de défrichements. Il y a là une nécessité absolue pour pourvoir à la survivance d’une population qui s’est accrue.

Au début du 11ème siècle, le mouvement est encore faible, c’est le début d’un mouvement qui connaît une ampleur assez limitée, c’est-à-dire que, pour défricher, on ne va pas loin, on touche les terroirs qui sont à proximité, on agrandit ce que l’on a. autrement dit, l’idée est de gagner de plus en plus sur les taillis, sur les landes, de gagner des terrains cultivables. Le processus s’engage lentement parce qu’on manque d’outillage.

Cependant, quelques progrès techniques jalonnent la période, des progrès qui annoncent les gros progrès de l’époque suivante. Par exemple, on améliore le collier des animaux de traie qui permet une traction animale décuplée, améliorée. Le fait de ferrer les sabots des chevaux permet au cheval d’avoir un appui supplémentaire sur le sol et décupler sa traction. Cela paraît anodin mais ce sont des améliorations extraordinaires.

Et à la fin du 11ème siècle, on avait jusque là la petite araire, l’ancêtre de la charrue, qui ne pouvait pas attaquer le sol dans de bonnes conditions. Désormais, on a la véritable charrue au 11 ème

siècle avec un socle en fer et qui va permettre, avec un couteau pour couper les blocs de terre, d’attaquer le sol d’une façon tout à fait efficace.

Parmi ces hommes qui vont défricher, il y en a qui vont être particulièrement efficaces, qui sont des moines de l’abbaye de Cîteaux, les moines de l’ordre de Saint-Bernard, les cisterciens. Ils ont été les initiateurs de l’entreprise de défrichement. Ces moines ont organisé des domaines qui présentent toujours un modèle d’organisation économique, très élaboré.

Comment faisaient-ils ? Ils s’établissaient dans des régions incultes, qui n’avaient jamais été travaillées, et installer, ils se mettaient à défricher autours de grandes fermes. Et leur territoire n’était pas divisé en tenures, ils pratiquaient l’exploitation directe. Autrement dit, ils embauchaient des hommes, des laïcs qui étaient rémunérés et qui travaillaient sous la direction d’un moine et les hommes qu’ils engageaient étaient des hommes libres qui n’étaient pas soumis au paiement de redevances et aux corvées par conséquent. C’était une organisation autre.

Ces hommes créaient un village et quand le système fonctionnait bien, quelques moines quittaient la communauté et partaient ailleurs pour créer autre chose ailleurs. C’est ainsi qu’ils ont créé des petits villages partout en Europe.

2°) Les prémices d’un renouveau économique en marge de l’ordre féodal.On ne parle plus de monde rural, d’agriculture. Il se passe quelque chose dans un autre cadre.Sur la seigneurie, la vie commerciale est inexistante ; il y a peu d’argent en circulation.

Autrement dit, presque partout, la vie agricole suffit. Mais, dès le 10ème siècle apparaissent des pôles commerciaux, deux pôles qui deviennent très vite assez actifs. Au Sud, on a l’Italie byzantine, Byzance à l’Est, et Venise, une cité italienne qui va devenir infiniment prospère. Ces deux cités commercent avec les territoires, les régions islamistes. C’est le premier peuple commercial.

Il y en a un second. Au Nord, il y a les Normands qui sont présents dans la mer du Nord et dans la mer Baltique. Ils font du commerce et ils orientent leur commerce vers l’Angleterre et vers la Russie.

La liaison entre le Nord et le Sud est rare, à ce moment-là, à la fin du 10ème siècle, ce n’est que de façon accidentelle que se noue des rapports entre le Nord et le Sud. Et à la fin du 11ème siècle, en 1095, c’est le début des croisades, la première croisade. Cette première croisade ouvre la Méditerranée, c’est-à-dire que se créé un courant commerciale de longue durée qui va durer deux siècles entre l’Occident et la Syrie. Mais ce n’est pas tout parce que, dès le 11ème siècle, une région d’Europe devient active sur le plan industriel : c’est la Flandre, la région drapière, avec ses villes comme Bruges. Elle va devenir la grande industrielle d’Europe.

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En France, les rives méditerranéennes deviennent assez actives et il y a bien sûr le trajet de la Flandre au Nord vers Venise au Sud. Et cette traversée va être très favorable à l’Est de la France. De même que la vallée de la Seine devient une région relativement prospère économiquement. Et on assiste au développement d’un commerce d’exportation et donc, automatiquement, on voit apparaître progressivement une classe de marchands professionnels dont le rôle va devenir de plus en plus important par la suite.

Fin du 11ème siècle, les affaires se développent et on voit une apparition et un essor du crédit. Pendant longtemps, c’était l’Eglise qui était prêteuse. Maintenant, on voit des marchands qui se font prêteurs, des marchands juifs pour la plupart. Dans le même temps, on assiste à un renouveau urbain. Pour quelle raison ? Les villes sont très utiles aux commerçants, aux voyageurs parce que les villes sont des lieux de refuge et elles sont surtout des centres de vente et vont le devenir de plus en plus. Et lorsque la ville est bien située, elle se dote d’entrepôts pour conserver des marchandises pendant un temps. Ce renouveau urbain est lié au renouveau commercial.

Mais il y a un autre phénomène qui se développe en parallèle ; puisqu’il y a eu un renouveau urbain, un renouveau commercial, du même coup, la ville attire une population d’artisans. Puisqu’il y a des marchands qui achètent, il vaut mieux que l’artisan soit lui aussi en ville. Autrement dit, les artisans produisent, les marchands achètent.

Les marchands ont un rôle extrêmement important. Ils transportent des marchandises, ils vont permettre aux campagnes en difficulté de vivre, d’avoir des provisions en cas de famine. Seulement, ils ont un autre rôle dans ce monde où l’information a du mal à circuler ; les marchands véhiculent cette information, ils véhiculent les idées (et c’est peut-être le plus important) parce que lorsqu’ils sont en ville, ils racontent tout ce qu’ils ont appris au cours de leur voyage. Si bien que les habitants des villes prennent conscience peu à peu de leur divergence d’intérêts avec ceux des seigneurs. Ils n’ont pas les mêmes intérêts.

Section II – L’organisation sociale de la seigneurie.Cette société du moyen-âge fait l’objet d’une représentation intellectuelle, autrement dit, il y a des

hommes qui pensent cette société. Ce sont les intellectuels de cette époque, autrement dit, ce sont principalement des gens d’église. Le clivage sociale repose sur la manière de vivre, c’est-à-dire qu’il repose sur les fonctions jugées essentielles dans la société. Dans la société, il y a trois fonctions essentielles :

- La fonction religieuse ;- La fonction militaire ;- La fonction économique.

Prier, se battre, travailler. Chacune de ces fonctions, de ces tâches, va servir d’assise à un ordre distinct et l’ordre regroupe tous ceux qui vivent de la même façon. Ordre vient du latin ordo qui signifie « façon de vivre ».

Le premier ordre, que l’on va placer en tête parce qu’il est le plus élevé en dignité, est le clergé, l’ordre de ceux qui prient, l’ensemble des clercs. Vient ensuite le second ordre, l’ordre de ceux qui combattent et que l’on va appeler un jour l’ordre des nobles. Et troisièmement, très au-dessous, c’est l’ordre de ceux qui travaillent, tous ceux qui, dans cette société, sont voués aux tâches de la terre, autrement dit, ceux dont la vocation est d’entretenir la société par le travail.

Donc trois missions, trois ordres, et ces trois missions sont étroitement complémentaires car chacune de ces missions est indispensable aux autres.

§ 1 : Les clercs.A – La société ecclésiastique.1°) Le personnel.

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La question, dans cette société du moyen-âge, qu’est-ce qu’un clerc ? Le clerc est celui qui bénéficie du statut clérical et des gens, dans cette société, bénéficient de ce statut sans exercer pour autant de fonction religieuse.

Pour bénéficier de ce statut juridique et donc pour bénéficier d’avantages appréciables, il fallait présenter une caractéristique physique. Le clerc est celui qui avait reçu une tonsure.

Ces avantages étaient très importants ; les clercs étaient exemptés de charges militaires. Ils étaient dispensés du paiement de l’impôt direct. Ils avaient un droit spécifique pour eux, ils relevaient du droit canonique, un droit fait de règles modernes. Et ils avaient un privilège juridictionnel : ils ne relevaient que du tribunal ecclésiastique, l’officialité, et c’était bien pour eux parce que la procédure devant l’officialité était moins rude que celle des tribunaux laïcs, une procédure plus savante.

Donc, on considérait que le simple tonsuré appartenait à la cléricature.

La cléricature comportait plusieurs degrés, il y avait un parcours à accomplir. On disait que le clerc, le débutant recevait les ordres mineurs. Cela signifiait, au début de son parcours, qu’il n’était pas frappé de l’incapacité qui frappait les vrais clercs : on ne lui interdisait pas le célibat, il pouvait se marier. Il n’y a qu’une chose qui lui était interdite : c’était la bigamie cléricale. Il ne pouvait y avoir deux mariages consécutifs, il ne pouvait pas se remarier, même s’il était veuf. Et il ne pouvait pas non plus, en premier mariage, épouser une veuve.

Ensuite, le clerc, à condition qu’il ne soit pas marié, peut accéder aux ordres majeurs qui vont le conduire à la prêtrise au terme d’un certain parcours. Là, l’engagement est définitif et le célibat obligatoire.

Cette situation de clerc est très répandue dans la société médiévale. D’ailleurs, beaucoup de ces clercs ne dépassent le stade des ordres mineurs et vivent comme des laïcs. Il y en a même qui n’ont que la tonsure et qui bénéficient du statut de clercs et qui ne sont pas dans les ordres mineurs.

Ces derniers sont les étudiants et leurs maîtres ont aussi la tonsure. C’est l’université du moyen-âge. D’ailleurs, cela engendrera une synonymie durable entre clercs et lettrés/intellectuels.

Les conditions de recrutement ne sont pas très sévères. Il y a deux catégories qui ne peuvent pas entrer dans la cléricature :

- Les serfs ;- Les bâtards, les enfants naturels.

Bien sûr, un serf peut entrer dans la cléricature mais il faut au préalable que son seigneur l’est affranchi pour qu’il puisse devenir un homme libre.

Les clercs se répartissent en deux catégories. Il y a d’abord ceux qui composent le clergé séculier qui est constitué de clercs qui vivent dans le siècle, c’est-à-dire au milieu des fidèles, ceux qui font partis des ordres majeurs et qui sont les prêtres des paroisses. Puis il y a une seconde branche : le clergé dit régulier. C’est celui qui est coupé des laïcs, ceux qui vivent dans les établissements religieux, celui qui vit en dehors du monde, qui vit selon une règle de vie ; ce sont les communautés religieuses.

Chacun de ces deux clergés dispose de sa propre organisation.

2°) L’organisation.Comment se présente-t-elle ?

a) Les deux principales structures de l’Eglise séculière sont le diocèse et la paroisse .Elle est découpée en circonscriptions religieuses ; il y en a environ 80. Le chef du diocèse est

appelé l’évêque, un personnage qui possède de très importantes prérogatives. Il est chargé de l’ordination des prêtres et c’est lui qui a la responsabilité de la vie spirituelle dans son diocèse. C’est lui qui rédige, arrête les principales prescriptions religieuses.

Au dessus du diocèse, il y a une autre circonscription : la province ecclésiastique qui englobe plusieurs diocèses et à sa tête, il y a un personnage que l’on appelle le métropolitain, l’archevêque et il y en a une douzaine en France.

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Puis, le diocèse englobe des circonscriptions, la plus importante étant la paroisse dirigée par un prêtre. Dans chaque paroisse, il y a une église et l’église du moyen-âge joue un rôle essentiel dans la vie de la paroisse, dans la vie du village parce que c’est un lieu de prières mais ce n’est pas que cela. C’est un lieu de réunion. C’est souvent que, dans l’église, on discute des questions importantes.

Le prêtre de la paroisse a des attributions qui dépassent le domaine religieux. En effet, il est en quelque sorte un communicant ; au cours de l’office religieux, il fait des annonces, des proclamations officielles. Puis, il a d’autres fonctions : il visite les malades à cette époque où il n’y a pas de médecins, il dispense des rudiments d’instruction (il apprend à lire et à écrire à des petits), il répartit les aumônes entre les nécessiteux.

Seulement les paroisses, souvent, souffrent des intrusions seigneuriales parce que, bien souvent, les laïcs s’emparent des ressources paroissiales et principalement, les seigneurs s’emparent du produit de la dîme qui normalement est réservé à l’Eglise et devrait servir à l’aumône. Et bien souvent, le seigneur local intervient quelques fois dans un domaine où il ne devrait pas intervenir : il intervient dans la désignation des curés de village compris dans leurs terres.

b) La structure de base de l’Eglise régulière reste le monastère. Le monastère abrite une communauté de moines dirigée par un personnage que l’on appelle

l’abbé. Il peut s’agir d’une communauté de femmes que l’on appelle moniale et qui est dirigée par une abbesse.

Au moyen-âge, au 10ème-11ème siècle, il se produit un fait nouveau concernant les monastères, concernant le clergé régulier. A l’époque précédente, les monastères étaient des établissements isolés. Désormais, c’est différent, chaque monastère appartient à un ensemble fédéré d’établissements religieux. Cela veut dire qu’au sein de l’ensemble religieux, tous les monastères pratiquent la même discipline religieuse, la même règle. Cela veut dire que les monastères appartiennent désormais à des familles, à des ordres religieux. Et la plus ancienne de ces familles religieuses est l’ordre de Cluny, une abbaye de Bourgogne fondée vers 910 et vers 1075, l’abbaye de Cluny.

L’ordre des clunisiens rassemble près d’un millier d’établissement et il devient une véritable puissance par sa dimension, par son patrimoine foncier, puissance par sa centralisation rigoureuse et puis c’est un ordre qui va conduire une action déterminante à un moment donné pour réorienter l’Eglise vers plus de pureté morale parce que dans l’Eglise du 11ème siècle, bien des abus s’étaient glissés.

B – Esquisse de bilan d’une Eglise féodalisée.Il y a, quand on porte un jugement sur l’Eglise du moyen-âge, un double aspect : un aspect

positif et un aspect négatif.

1°) L’action positive de l’Eglise sur la société laïque.Cette action est connue et elle se développe particulièrement dans le domaine social. Au moyen-

âge, il y a une coïncidence entre le fait d’appartenir à l’Eglise, le fait d’être clerc, et le fait d’être lettré. Et donc, cette influence dans le domaine social se manifeste par le fait que le clergé détient le monopole de l’instruction. Puis l’Eglise développe aussi des œuvres charitables, d’assistance ; elle distribue des aumônes quand elle a des ressources, elle organise l’assistance aux nécessiteux.

Mais elle s’occupe aussi de la santé, elle a créé les premiers hôpitaux pour malades. Puis il y a le rôle qu’elle a conduit en faveur de la paix (voir cours 1).

C’est l’aspect positif.

2°) Les perversions d’un clergé féodalisé.Cela recouvre beaucoup de choses. Les hommes d’Eglise sont des chefs spirituels, les plus

grands d’entre eux. Mais en même temps, ils sont titulaires d’importants pouvoirs temporaires, ils sont des chefs laïcs, politiques. Et très souvent, même s’ils sont hommes d’Eglise, ils sont intégrés dans la pyramide féodale et ils ont leurs vassaux. Ils sont eux-mêmes vassaux de seigneurs supérieurs. Et bien

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souvent, les grands féodaux disposent des charges ecclésiastiques devenues vacantes au profit de leurs cadets. Il y a une contamination de l’Eglise par la féodalité.

Puis, lorsqu’un seigneur n’a pas d’enfant cadet à qui une charge d’évêque pourrait être attribuée, il la vend au plus offrant. Les charges d’évêque font l’objet d’un commerce. Ce trafic des choses d’Eglise, des choses saintes a été appelée la simonie, le trafic des charges ecclésiastiques.

La situation est tout simplement scandaleuse. Mais plus grave encore ; certaines églises de villages se transmettent de père en fils, autrement dit, les curés du moyen-âge sont fréquemment mariés, même si cela est interdit.

Le résultat est que les hommes d’Eglise vivent comme des laïcs et la situation est à son comble dans la première moitié du 11ème siècle.

Alors, à la même époque, la situation est devenue confuse à tous les niveaux. La désignation du Pape de Rome est également passée aux mains des puissances laïques, ce sont des laïcs qui désignent le Pape. Mais voilà qu’en 1059, au cours d’une grande assemblée qui s’est tenue à Rome, il est décidé qu’à l’avenir, le Pape sera désigné par le clergé de la vile de Rome et de ses environs et par les membres du clergé les plus représentatifs de Rome et de ses environs, par les cardinaux. Et bien entendu, cette procédure de désignation du Pape va traverser les siècles pour venir jusqu’à nous. Cette procédure va donc permettre le redressement de la papauté et à partir de là, le pape va agir pour redonner de la pureté morale à l’Eglise dans son ensemble, pour régénérer la hiérarchie ecclésiastique.

Le Pape qui va agir est Grégoire 7 qui a exercé son pontificat entre1073 et 1085. Il a fait une réforme célèbre que l’on appelle la réforme grégorienne qui est une réforme qui va permettre à l’Eglise de se dégager progressivement de l’emprise de la féodalité. Et désormais, les chefs de l’Eglise seront désignés pour l’abbé par la communauté ecclésiastique, et pour l’évêque par les prêtres du diocèse. Et parallèlement, la papauté lutte contre la propriété des églises, les laïcs n’ont pas à être propriétaires des églises. Et l’Eglise, peu à peu, se voit libérer dans une certaine mesure de l’emprise de la féodalité à qui on interdit le trafic des choses saintes et le mariage des prêtres.

§ 2 : Les nobles.Au 10ème siècle, on trouve effectivement dans les textes écrits en latin un terme nobilis, qui

qualifie celui qui appartient au rang de l’aristocratie et c’est un terme qui évoque un certain prestige personnel. Mais, à ce moment-là, il n’existe pas de noblesse au sens où nous l’entendons aujourd’hui, c’est-à-dire qu’il n’existe pas d’ordre privilégié héréditaire et plus tard, le noble a un statut juridique bien défini. A cette époque, au 12ème siècle, ce n’est pas le cas, il n’y a pas de statut juridique du nobilis et la noblesse du 12ème siècle ne s’acquiert pas par hérédité.

Que représente cette aristocratie ?

A – Les critères de la condition de noble.La principale caractéristique nobiliaire dans cette société guerrière tient à la vocation des armes.

On est à une époque où le pouvoir est lié au succès des armes. Donc, on comprend l’importance du facteur militaire dans la formation de cette première noblesse qui trouve là une origine franque. Et ce qui a beaucoup d’importance dans cette formation, c’est le combat à cheval, équestre. La cavalerie se développe énormément au temps des carolingiens. Ce combat nécessite bien entendu l’achat d’un cheval et l’acquisition de la lourde et coûteuse panoplie. Le combat équestre va entrainer une discrimination sociale. On va dire que ceux qui se battent à cheval sont les plus riches, ceux qui se battent à terre sont les plus pauvres.

Ces cavaliers carolingiens, comme ils étaient des guerriers efficaces, se voient parfois confier, en outre, des besognes politiques et donc ils vont, d’une façon naturelle, constituer une caste aristocratique.

Seulement, dans la formation de cette noblesse, il y a d’autres critères. Le second repose sur les avantages de la fortune foncière. Les hommes qui appartiennent à cette caste sont, en général,

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propriétaires de domaines importants, la terre qui permet de vivre sans aucune astreinte au travail puisque le titulaire de ces biens fonciers doit son entretien aux charges et aux obligations qui pèsent sur ses paysans qui vivent sur ses terres.

Mais le noble est aussi celui qui détient un certain pouvoir, des prérogatives d’autorité. Souvent, il est un seigneur territorial et sur sa terre, il détient des prérogatives de puissance publique.

Tous ces personnages, qui n’ont pas tous la même fonction, sont nobles d’une façon naturelle parce qu’ils exercent un pouvoir de commandement et parce qu’ils détiennent la richesse qu’est la terre.

Seulement, leur statut n’est pas encore dessiné, il se précisera peu à peu. Le droit nobiliaire va se former peu à peu. Ces nobles apparaissent comme des hommes pleinement libres dans cette société du 10ème siècle.

Comment la noblesse s’acquiert-elle ?

B – L’acquisition de la noblesse.Il se produira une évolution. Jusqu’au 12ème siècle, la noblesse n’est pas une caste fermée. En

effet, c’est une qualité qui peut se perdre lorsque disparaît tel ou tel signe nécessaire. En revanche, la noblesse peut s’acquérir, s’obtenir ; cela veut dire que la noblesse est mouvante. Cela veut dire que l’individu n’est peut-être pas noble à la naissance mais il peut le devenir. Mais pour obtenir le statut de noble, il existe dans cette société deux voies qui ont pu permettre à des roturiers d’accéder à la noblesse. Quels sont ces moyens ?

1°) L’entrée dans la chevalerie.Le chevalier est un combattant à cheval mais il est plus qu’un cavalier parce qu’il appartient, du

fait de son entrée dans la chevalerie, à une sorte de confrérie à la fois militaire et religieuse. La vie du chevalier ressemble à une sorte de parcours initiatique et cette vie commence par un rite d’intronisation, un rite qui intègre le nouveau chevalier au sein de cette élite.

Il y a donc une cérémonie d’intronisation : l’adoubement (qui signifie armé). C’était une cérémonie qui consistait à vêtir le futur chevalier des armes que requiert sa condition : l’épée avec laquelle il allait se battre, le casque, l’éperon pour lui permettre de monter à cheval, des symboles qui lui étaient remis par un ancien chevalier. La cérémonie était toujours entourée de fêtes, de tournois entre chevaliers, au cours desquels le nouveau promu allait prouver ses aptitudes au combat et ses talents de cavalier.

Au 11ème siècle, le rituel s’allège, il est simplifié mais à ce rituel initial s’ajoute un rituel d’origine ecclésiastique, religieuse : le candidat passe toute une nuit à prier, il assiste à une messe, son épée est bénie et le nouveau chevalier, le lendemain matin, prête serment de protéger la foi et les faibles, la veuve et l’orphelin.

A partir de cette intronisation, le nouveau chevalier est plus qu’un homme d’armes ; on va dire qu’il est devenu un type de militaire particulier, c’est-à-dire un homme habité par un idéal et un homme obéissant désormais à une étique, à une morale dans une société où l’immoralité et la violence sont trop répandues.

L’apparition de cette caste de chevaliers ne s’est pas faite par hasard. Il faut évoquer l’influence de l’Eglise. L’Eglise du moyen-âge ne cesse de dénoncer les abus, les violences de la soldatesse et donc, ce que veut faire l’Eglise par tous les moyens, c’est moraliser l’usage de la force. Et pour ce faire, l’Eglise a trois moyens :

- Créer des institutions de paix (voir cours premier semestre) ;- Créer une catégorie de guerriers habités par un idéal obéissant à une morale ;- La croisade.

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Peu à peu se met en place un code chevaleresque (transmis par les chansons de geste).

Le nouveau chevalier est choisi pour sa force et pour son courage. La chevalerie, qui la confère ? C’est n’importe quel chevalier qui en a le pouvoir. Alors, qui peut devenir chevalier ? Un roturier, un homme libre mais même un serf peut devenir chevalier à condition que l’individu ait été remarqué par sa bravoure, par sa force physique.

Mais, très rapidement, et forcément, le système évolue parce qu’on prend l’habitude de préparer le futur chevalier qui reçoit une éducation chez un seigneur et ce sont essentiellement les fils de chevaliers qui vont recevoir prioritairement cette éducation. Le système a tendance à se fermer, on va vers un certain népotisme qui est le procédé consistant à favoriser les siens, ses propres enfants au détriment des autres.

Le phénomène n’est pas général. Jusqu’au 12ème siècle, la noblesse reste assez ouverte, autrement dit, l’élévation d’un homme du peuple, cet homme peut devenir chevalier.

2°) L’acquisition d’un fief.Autrement dit, le fait d’acquérir une tenure noble. Si un roturier acquiert un fief, par la même, il

change de situation sociale. Et donc, dans ce cas, le roturier devient nouveau vassal et donc il a les mêmes obligations qu’un vassal (il doit servir à cheval, il est agréger automatiquement à la catégorie des nobles).

En dehors de ces aristocraties, la population de la seigneurie est essentiellement paysanne.

§ 3 : Les paysans.A l’époque précédente, dans l’économie domaniale aux termes d’une évolution, toutes les

catégories sociales ont fusionné et elles ont donné naissance à un statut inférieur, unique : le servage. Et donc, aux 10ème et 11ème siècles, la population des exploitations paysannes, des manses, est composée presque exclusivement de serfs. Les paysans libres existent, à cette époque, en tout petit nombre en dehors du domaine et on les appelle les alleutiers.

Le mot serf dérive du mot latin servus, celui qui est asservi. Donc le serf du seigneur est attaché à la terre qu’il travaille, il ne peut pas la quitter ; on dit qu’il est homme de corps. Le serf est à distinguer de l’esclave dans la mesure où le serf, malgré les lourdes incapacités qui le frappent, a une personnalité juridique. C’est-à-dire que, comme il est considéré comme un homme, qu’il a une personnalité juridique, il peut se marier, avoir une famille, avoir un patrimoine. Alors que l’esclave n’a pas de personnalité juridique, il est considéré comme un bien meuble. Mais on va quand même dire que l’esclave et le serf se rapprochent dans la mesure où le serf comme l’esclave peut être objet de droit et de ce fait, il peut être vendu, donné, légué par testament.

A – Les sources du servage.1°) La naissance.

Quand le père et la mère de l’enfant sont tous deux serfs, l’enfant est serf à sa naissance.Le problème se pose lorsque l’un des deux parents est de condition libre ; quelle règle

appliquer ? Dans tous les cas, il faut se référer à la coutume. Certaines coutumes sont très dures, en effet, certaines coutumes alignent la condition de l’enfant sur celle du parent le plus défavorisé (si l’un des parents est serf, l’enfant est serf).

Il y a un adage : « en formariage, le pire emporte le bon ». D’autres coutumes donnent à l’enfant la condition de la mère, mais c’est assez rare (cas en Champagne). C’est une exception car, dans la plupart des coutumes, c’est la condition du père qui l’emporte. Seulement, on verra que la condition de serf peut s’acquérir après la naissance.

2°) L’acquisition de l’état de serf après la naissance.

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Diverses circonstances font qu’un individu peut devenir serf après sa naissance.Il y a d’abord pour le fait, pour un homme libre, d’occuper pendant un certain temps une terre

considérée servile réagissait sur l’état du détenteur (les terres aussi avaient un statut : il y avait des terres libres et des terres serviles), autrement dit, le détenteur (celui qui occupait une terre servile), en fin de compte, ne se distinguait plus des autres serfs.

Et surtout, l’asservissement résulte parfois d’un abandon volontaire de la liberté. Il y a deux cas principaux :

- C’est d’abord le cas du délinquant incapable d’acquitter la peine prononcée contre lui. En paiement, il livre sa personne à son seigneur.

- Il y a aussi celui qui est totalement démuni, celui qui n’a rien pour subsister. Donc, il renonce à sa liberté en échange de quelques moyens de vie. Ce sont des situations assez fréquentes.

- Il y a une troisième situation. Dans cette société médiévale, pour gagner le paradis, il faut donner quelque chose à l’Eglise. Prenons le cas du pauvre chrétien qui n’a rien pour gratifier l’Eglise, il se donne en servitude à un établissement ecclésiastique.

Après la naissance, le servage s’acquiert.Donc, la condition de serf est soit héréditaire, soit acquise. Mais, quelques soient les modes

d’acquisition, peu importe, tous les serfs ont le même statut précaire.

B – Le statut du serf.Sur le serf pèse de nombreuses obligations. Parmi ces obligations, il doit payer la dîme à

l’Eglise. Le maître de la terre perçoit des redevances qui sont le loyer du manse, des redevances en nature (une partie de la récolte). Puis il y a les corvées et les services. La fiscalité existe, elle s’exprime sous forme de taxes indirectes (les banalités, les péages). Elle s’exprime aussi par un impôt direct qui est la taille qui pèse sur chaque famille.

La situation de serf se traduit surtout par trois aspects.

1°) Le paiement d’une redevance personnelle fixe et annuelle   : le chevage .Le chevage est une petite taxe que paie chaque serf dès lors qu’il a atteint l’âge adulte. Pour le

seigneur bénéficiaire, ce n’est pas un véritable revenu parce que la taxe est petite mais cette taxe a une signification juridique : on dit qu’elle a une nature recognitive. Cela veut dire que celui qui paie cette taxe se reconnaît sujet, serf du seigneur (aveu de reconnaissance).

2°) Le formariage.Le serf peut se marier. Effectivement, le mariage d’un serf avec une serve dépendants du même

seigneur à l’intérieur d’une même seigneurie peuvent se marier, ils sont totalement libres. Cela veut dire que ce mariage n’est soumis à aucune autorisation du seigneur et est pleinement valable. Il est d’autant plus valable que l’Eglise, qui est pleinement compétente pour le mariage ; l’Eglise, en matière de mariage, ne fait aucune distinction entre les hommes libres et les serfs.

Deux autres situations peuvent posées problème.

Un serf veut épouser une personne qui n’a pas sa condition. Un serf veut épouser une femme libre. Dans ce cas-là, on dit qu’il y a formariage puisque cela veut dire qu’on va se marier en dehors de sa condition.

Un serf et une serve veulent se marier. Seulement, ils n’appartiennent pas à la même seigneurie. Dans ce cas-là, il y a encore formariage puisqu’on va se marier en dehors de sa seigneurie.

Dans les deux cas, on dit qu’il y a mariage externe. Cela présente un danger pour le seigneur parce qu’un formarier peut très bien échapper à la maîtrise de son seigneur (par exemple, si une serve va

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épouser le serf d’une autre seigneurie, elle va s’en aller et aller vivre avec son mari, donc le seigneur perd une serve). C’est un danger pour le seigneur, d’autant plus que c’est une perte de revenus. Plus grave encore, le seigneur peut perdre les enfants issus de l’union. C’est la raison pour laquelle un candidat au formariage a besoin d’une autorisation préalable de son seigneur. Le seigneur peut refuser mais s’il l’accorde, en général, il va exiger une contrepartie.

Si le serf ou la serve n’a pas demandé d’autorisation, l’Eglise reconnaît malgré tout la validité du mariage. Cela veut dire que le mariage, même sans autorisation du seigneur, ne peut pas être frappé de nullité. Seulement, dans cette hypothèse-là, le seigneur va s’y retrouver : il va infliger une amende à ses serfs, il va peut-être les séparer, c’est son droit. Il peut les laisser vivre ensemble mais il va partager les enfants avec le seigneur voisin, c’est aussi une possibilité.

3°) La mainmorte.Le serf a donc la personnalité juridique et par conséquent, il peut avoir un patrimoine, il peut

acquérir des biens. Bien sûr, sur ces biens, il n’a que des prérogatives réduites. En tout cas, il jouit de son patrimoine toute sa vie. Qu’advient-il de se patrimoine lorsqu’il meurt ?

Lorsqu’il meurt, il ne peut pas le transmettre à sa famille et c’est pour cela que l’on dit qu’il est un homme de mainmorte. Le symbolisme du moyen-âge donne une grande place à la main, il fait de la main un moyen de transmission.

Cela veut dire que, du point de vue successoral, le serf a la main paralysée, la mainmorte. Cela veut dire qu’un serf ne peut pas faire de testament et à son décès, ses biens doivent revenir à son seigneur.

C’est là le système le plus répandu. Cependant, dans les provinces du Nord, assez tôt, la mainmorte va disparaître et elle va être remplacée par un autre procédé appelé le droit au meilleur catel. Ce droit vient limiter la succession du seigneur sur les biens du serf ; le seigneur ne reprend pas tout, il reprend le meuble de son choix (généralement, il prend une tête de bétail). D’ailleurs, catel a donné cheptel, le troupeau.

Il y a d’autres incapacités pour le serf. Par exemple, c’est l’impossibilité pour le serf d’apporter son témoignage en justice. De la même façon, il ne peut pas entrer dans le clergé ou alors, il peut devenir clerc en ayant été préalablement affranchi.

Conclusion : Les individus, dans cette société du moyen-âge, sont répartis en ordres. Cette répartition ne traduit pas tous les aspects de la réalité sociale. On va voir à présent qu’il existe des liens collectifs qui animent cette société parce que, dans la société médiévale, l’individu n’est pas grand-chose, il ne peut pas exister. Et pour exister, il faut absolument l’appui du groupe parce que c’est le groupe, dans cette société d’insécurité, de misère, qui va permettre de subsister, d’être protégé. Et donc, dans la société de cette période, la recherche, la quête de protection apparaît générale et elle joue à tous les niveaux de la société. Cela veut dire qu’il existe des manifestations de solidarité et ces manifestations solidaires qui parcourent la société sont très variées.

Chapitre 2 : Les réseaux de solidarité de la société.

L’armature sociale dans la société du 10ème au 12ème siècle est double. Il y a d’abord une armature formée de divers échelons et qui constitue une hiérarchie. On va évoquer les relations féodo-vassaliques.

Et puis, il existe une seconde armature formée de groupes extrêmement variés et à l’intérieur de ces groupes, il existe de puissants liens communautaires (la famille, le village, etc).

Section I – Les relations féodo-vassaliques.Ganshof – Il a écrit un livre Qu’est-ce que la féodalité   ? . Le plus important dans ce livre, c’est la

définition qu’il nous donne :

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La féodalité, pris dans un sens stricte, signifie « un ensemble d’institutions créant et régissant des obligations d’obéissance et de service (surtout militaires) de la part d’un homme libre (vassal) envers un homme libre (seigneur) et des obligations de protection et d’entretien (surtout par la concession d’un fief) de la part du seigneur envers son vassal ».

Le lien féodo-vassalique est double. Il y a d’abord un premier lien qui est un lien personnel, un lien entre deux individus : le lien vassalique, deux hommes qui se sont engagés l’un envers l’autre, indépendamment de toute idée de fief, de rémunération. Et puis, il y a un second lien : le lien réel du latin res (la chose) et ce lien réel est né de la concession du fief.

Ces liens entre deux hommes sont des liens juridiques, des liens de nature contractuelle et des liens qui traduisent bien le développement des clientèles militaires dans cette société, qui traduisent le souci des seigneurs de s’assurer d’efficaces unités de combat, avoir autours d’eux des groupes d’hommes pour aller au combat. Et pour les réunir, le mieux est de passer par ce contrat afin de renforcer sa clientèle. Le contrat féodo-vassalique correspond au schéma intellectuel de cette époque. Par conséquent, un des trais majeurs de la relation féodo-vassalique est qu’elle n’associe que des chefs, que des hommes dont la vocation est de combattre, des hommes qui représentent une élite sociale, autrement dit, on essaie en quelque sorte de combler le vide résultant de l’effacement du pouvoir central.

Pour cela, on passe des accords bilatéraux, des contrats, et chacun de ces accords (il y en a une multitude, la société va être organisée dessus) rattache un homme à un homme, un vassal à son seigneur.

Pour que le système fonctionne bien, il a fallu du temps, autrement dit, les débuts du système féodal ont été faits d’improvisations. Il y a eu une période d’empirisme, où le système n’est pas bien en place, une période qui a duré à peu près un siècle autours de l’an 1000. Et peu à peu se met en place un ordre féodal, un ordre doté d’un droit cohérant.

Les 10ème et 11ème siècles forment la première époque féodale. Qu’est-ce qui caractérise cette première époque féodale ? C’est une période au cours de laquelle le système féodal est marqué par des règles morales. Dans cette première période, ce qui importe, ce qui compte, c’est finalement la confiance réciproque qui existe entre les deux contractants, entre deux hommes, la foi réciproque. Autrement dit, c’est une période au cours de laquelle ce sont les liens personnels qui dominent. Ce n’est pas la rémunération qui compte. Sans doute, dès le début du 11ème siècle, l’entrée en vassalité s’accompagne assez systématiquement de la concession d’un fief par le seigneur au vassal. Mais il faut apporter la précision suivante : dans cette première période, les vassaux servent leur seigneur sans exiger une rémunération quel qu’elle soit, ils se sont engagés sans demander une contrepartie matérielle, ils se sont engagé envers leur seigneur par l’hommage.

Dans cette première période, se noue donc entre ces deux hommes des liens de confiance, d’amitié, des liens qui impliquent un engagement sans limite, de façon totale. Cette période, certains historiens l’appellent la « féodalité de la foi », la dénomme. On s’engage parce qu’on se connaît, par pure amitié.

Le contrat féodo-vassalique apparaît donc comme un accord d’assistance mutuelle entre deux chefs, entre deux membres de l’aristocratie militaire. Et sa conclusion passe par des solennités obligatoires. Et bien évidemment, lorsque ces rites ont passé, le contrat est né et naturellement, l’accord qui a été passé est générateur d’obligations.

§ 1 : Les formes du contrat féodo-vassalique.Jadis, dans l’Antiquité, dans l’Empire romain, l’écrit jouait un rôle déterminant dans

l’élaboration des conventions, des accords. Dans les premiers temps médiévaux, le droit est très appauvri et il prend rarement une forme écrite. Cela veut dire que le droit, dans la société de ce moyen-âge, a perdu de sa rationalité, de sa rigueur initiale. Mais, ce que le droit a perdu, il le récupère en formalisme. Autrement dit, on a pris l’habitude d’utiliser des rites, des paroles, des symboles ; il s’agit

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de frapper la mémoire par ses rites dans une société où les hommes sont principalement des guerriers et donc qui ne sont pas des intellectuels, des hommes qui n’ont pas le sens de l’abstraction.

Les formes du contrat féodo-vassalique destiné à unir un vassal à un seigneur, tendent à l’établissement de deux catégories de lien. Il faut d’abord établir les liens personnels, autrement dit, deux hommes qui vont créer la vassalité. Et puis, il y a ensuite les liens réels, c’est-à-dire qu’à la suite de l’accord, il va y avoir la remise d’un bien matériel.

A – La création des liens personnels.Concrètement, comment se déroule ce cérémonial ? Il est très particulier. On l’appelle le

cérémonial de l’hommage et de la foi qui est destiné à créer ces liens personnels unissant le seigneur à son vassal. Autrement dit, il y a deux aspects : l’hommage et la foi.

Dans deux temps distincts :

1°) L’hommage.On dit que le vassal va prêter l’hommage. A quoi cela correspond ?

C’est le don de soi, le don que consent le vassal. Autrement dit, l’hommage est une soumission complète du moins fort et qui est symbolisée par la remise des mains. Le vassal donne ses mains, autrement dit, le vassal se met à genoux devant son seigneur et il a les mains jointes. Il les place dans celles du seigneur et le seigneur reste debout. Cette soumission par le geste est complétée par l’échange de paroles rituelles qui sont à peu près toujours les mêmes.

Le vassal s’exprime simplement : « je deviens ton homme ». Et le seigneur lui répond : « je te reçois et te prend comme mon homme ». Le seigneur relève le vassal et il l’embrasse sur la bouche (exception pour les femmes qui deviennent vassaux). Cela symbolise l’union définitive.

Ce rite se déroule non pas dans l’intimité mais en présence d’une foule nombreuse et il y a en première ligne l’aristocratie militaire, puis l’Eglise.

2°) Le serment de fidélité ou prestation de foi.Ce serment est prêté sur la Bible (aspect religieux), parfois sur les évangiles ou sur les reliques

de saint, autrement dit, c’est un rituel qui a un caractère chrétien. Cela veut dire que le vassal qui ne respecterait pas le contenu du serment serait considéré comme parjure et il serait passible de peines ecclésiastiques (mis hors de l’Eglise, frappé d’excommunication).

Ce sont des rituels invariables et obligatoires, deux éléments inséparables de l’entrée en vassalité et on désigne souvent ce rituel par foi et hommage.

B – La création des liens réels.L’hommage et la foi sont suivis de la remise d’un bien matériel, on va dire qu’ils sont suivis de

l’investiture du fief. C’est une mise en possession symbolique du fief (qui peut être étendu), autrement dit, lorsqu’elle

aura eu lieu, le vassal pourra prendre possession du fief. Le seigneur remettait à son vassal un objet, un élément représentant le fief (il pouvait lui donner une lance, un étendard, il pouvait aller sur le fief avec son vassal et il lui mettait une motte de terre dans la main). Si le fief n’était pas trop éloigné, le seigneur procédait à ce qu’on appelait la montrée du fief (on montait en haut de la tour du château et le seigneur montrait le fief à son vassal et quelques fois, le seigneur montrait à cheval les limites du fief en le faisant visiter à son vassal).

Le contrat féodo-vassalique est noué dès qu’on est passé par ce rituel. A partir de là, les deux hommes vont devoir remplir des obligations.

§ 2 : Les obligations féodo-vassaliques.Les obligations du vassal, à cette époque, sont plus lourdes que celles du seigneur.

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A – Les obligations du vassal.Comment connaît-on les obligations du vassal ? Ces obligations sont consignées dans un texte

célèbre, un texte auquel on donne souvent valeur de référence. C’est un texte qui date de l’année 1020. Avant ce texte, le duc d’Aquitaine rencontrait des difficultés parce que, comme son territoire était très étendu, il ne parvenait pas à obtenir de certains de ses vassaux les prestations qu’ils lui devaient. Ne sachant que faire, que déterminer les obligations d’un vassal, il écrit à un ami, Fulbert, évêque du diocèse de Charte, pour lui demander conseil. Fulbert lui répond et la réponse de Fulbert est extrêmement claire ; on peut dire que, pour l’époque, c’est un véritable modèle de clarté, une véritable consultation juridique.

Il lui dit que les obligations d’un vassal sont de deux ordres :

1°) Les obligations négatives.Cela veut dire que le vassal a prêté un serment de fidélité et comme il a prêté serment, cela

implique qu’il ne doit rien faire qui puisse porter atteinte à son seigneur, à sa famille, aux biens et aux droits de son seigneur, à l’honneur du seigneur. Autrement dit, et c’est une obligation très importante, le vassal s’engage, dans tous les cas, à se placer dans une attitude de non agression. Mais, Fulbert lui dit qu’il y a aussi des obligations positives.

2°) Les obligations positives.Il y en a deux :

a) L’aide vassalique ou auxilium. C’est-à-dire aider son seigneur. C’est principalement une aide militaire, le vassal va apporter son

aide militaire à son seigneur ; ce qu’on appelle le service d’ost. Ce devoir d’assistance militaire dans cette société guerrière est fondamental et bien évidement, ce service s’exerce de façon illimitée. Cette assistance, dans des cas exceptionnels, le seigneur peut requérir une aide financière de son vassal qui est elle aussi sans limite.

b) Le devoir de conseil ou consilium. C’est la deuxième obligation du vassal, c’est le service de conseil que doit le vassal à son

seigneur. Le vassal doit se rendre à la cour du seigneur à chaque fois qu’il est convoqué. Il va conseiller le seigneur dans le gouvernement de sa seigneurie, donner des conseils dans tous les domaines (en matière politique, économique, etc). Le devoir de conseil revêt une autre forme : c’est aussi le service de justice, c’est-à-dire qu’en premier lieu, le vassal doit se soumettre à toutes les poursuites dirigées contre lui, il doit se soumettre au jugement de son seigneur et de ses pairs. Il doit accepter de comparaître devant la cour des vassaux du seigneur.

En second lieu, le vassal est obligé de siéger comme juge pour juger, quand c’est nécessaire, les vassaux du seigneur. Il doit faire parti de la cour féodale. Cette assemblée de vassaux aussi une fonction d’apparat parce que dans certains circonstances festives, les seigneurs s’entourent de leur suite vassalique, notamment pour procéder aux actes solennels. Par exemple, à l’occasion de l’adoubement d’un chevalier, à l’occasion de la réception d’un nouveau vassal, d’un chef, d’un seigneur supérieur.

Fulbert de Charte, dans cette petite lettre, dit au duc d’Aquitaine que si le vassal a des obligations, le seigneur a lui aussi des obligations à remplir.

B – Les obligations du seigneur.Le seigneur a deux catégories d’obligations, tout comme son vassal.

1°) Les obligations négatives.

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Puisque le seigneur a reçu la foi de son vassal, il est lui aussi engager à ne rien faire qui puisse porter atteinte à son vassal. Autrement dit, c’est que seigneur et vassal se trouvent placés dans une situation réciproque de non agression et c’est comme cela dans chaque contrat. Et par conséquent, les deux contractants sont appelés à participer par leur comportement au maintien de la paix, au maintien de l’équilibre social, un équilibre que la royauté ne peut plus assurer.

2°) Les obligations positives du seigneur.Le seigneur, lui aussi, a deux obligations :

a) La protection. Même si le vassal est un chef, il est relativement faible, il a besoin, dans certaines circonstances,

de la protection militaire de son seigneur. Mais il lui doit aussi la protection judiciaire. Cela veut dire que le seigneur supérieur, en toute circonstance, offre sa propre justice devant le conseil. Mais si le vassal est en procès devant une autre juridiction, son seigneur l’assiste.

b) L’entretien. L’entretien doit permettre au vassal de rendre les services qu’il doit et notamment, de rendre le

service militaire. Dans un premier temps, jusqu’au début du 11ème siècle, le vassal a pu vivre auprès de son seigneur, il a pu partager sa table. Mais c’est une situation qui ne va pas durer. En effet, dès le début du 11ème siècle, le seigneur prend l’habitude de concéder un fief à son vassal, c’est-à-dire que le fief va devenir le mode de rétribution courante. Le vassal va vivre ailleurs.

Le mot fief apparaît dans le courant du 10àme siècle, c’est-à-dire qu’il se substitue peu à peu au vocabulaire qui existait avant, il remplace le mot bénéfice. Définition du fief : le fief est une concession à charge de services nobles faite par le seigneur à son vassal. Concrètement, au cours de cette période, que représente le fief ? Quel est son contenu ?

On va dire que, la plupart du temps, il est constitué de dotations foncières, c’est un territoire avec un château, des villages, etc. il faut quand même nuancer parce que les terres qui composent ce fief, cette tenure noble, n’ont pas tous la même origine. On va dire que, le plus souvent, ces terres appartiennent au seigneur, autrement dit, le seigneur se contente de prélever des terres de son patrimoine, il concède un bout de son patrimoine à son vassal. On appelle ce fief un fief de concession.

Mais il n’en est pas toujours ainsi. Les fiefs peuvent avoir une seconde origine. Il arrive que les seigneurs ne peuvent plus puiser dans leur patrimoine, ils ont déjà trop concéder alors il va falloir procéder autrement. Alors les terres concédées ont parfois une autre origine. En période d’insécurité, certains propriétaires recherchent une protection et donc, ils cherchent à devenir vassaux. De quelle façon ?

Ils vont essayer de se faire accepter par un seigneur et ils vont se faire accepter moyennant le procédé suivant : ils vont aller voir le seigneur et lui dire qu’ils ont un grand alleu qu’ils vont lui donner et le seigneur va prendre la propriété qui lui ait apporté. De ce fait, le seigneur les accepte comme vassaux et on passe par le cérémonial et il rétrocède la propriété obtenu en fief à son vassal. Ce fief n’est pas un fief de concession, il n’a pas pour origine le patrimoine du seigneur ; on l’appelle fief de reprise (ce fief a pour origine la terre du vassal).

Le fief, quel qu’il soit, est une catégorie de tenure mais une tenure noble. Le contrat de fief opère toujours un démembrement des droits possédés par le concédant (le seigneur). Cela veut dire que le vassal a l’usage et la jouissance. Cela veut dire qu’il peut faire exploiter ses terres par des paysans, cela veut dire qu’il possède des droits économiques et politiques sur ce fief.

Mais, à l’époque où nous nous situons, le vassal n’a pas le droit de disposer du fief, c’est-à-dire qu’il ne peut pas le vendre ou de le donner ; il n’en est pas propriétaire. Cela signifie que le seigneur supérieur conserve un droit sur ce fief et ce fief, aux 10ème et 11ème siècles, le seigneur le récupère à la

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mort de son vassal. Et lorsque le vassal meurt, le seigneur reprend le fief et il peut le concéder à l’héritier du vassal mais avec le même rituel par lequel était passé son père.

Puis, le seigneur peut très bien décider de choisir un nouveau vassal. Et si c’est le seigneur qui meurt, son héritier ne touche pas au contrat de fief, il laisse le fief entre les mains du vassal mais comme le seigneur a changé, une nouvelle cérémonie est nécessaire.

Mais Fulbert va plus loin dans sa lettre ; si les deux parties au contrat ne respectent pas leurs obligations, il y a des sanctions.

§ 3 : Les sanctions des obligations des parties.Dans la réalité politique, il n’est pas rare que les parties au contrat ne respectent pas leurs

engagements. Dans les premiers temps féodaux, que se passait-il ?On recourrait à la guerre, c’était le mode normal de résolution des conflits. Mais peu à peu, l’état

de droit va l’emporter et peu à peu, on va préciser les sanctions juridiques en cas de manquement aux obligations. Et déjà, en 1020, dans sa lettre, Fulbert précise ces sanctions juridiques. Il évoque une première sanction, il en prévoie deux ; il évoque d’abord :

A – Le cas de la rupture de foi.Autrement dit, le cas où le vassal manque à ses obligations personnelles, il ne s’est pas montré

fidèle, il a mal assuré son service militaire par exemple. Dès lors, le seigneur a la faculté de briser la foi. Cela veut dire que brisant la foi, il ne considère plus comme tenu par le contrat qui le lie au vassal. Et si le seigneur ne respecte pas ses devoirs vis-à-vis du vassal, le vassal a la faculté de désavouer son seigneur mais dans cette hypothèse, le vassal a intérêt à faire appel à la justice du seigneur de son seigneur, d’un seigneur supérieur, pour éviter que son seigneur ne l’entraîne dans une guerre privée de laquelle il sortirait sans doute perdant.

B – La confiscation du fief.Une sanction de nature réelle. Si le vassal n’a pas respecté une de ses obligations personnelles, le

seigneur a la faculté d’appliquer cette sanction très lourde : reprendre le fief à son vassal => la commise. Cette sanction est très grave aux 10ème et 11ème siècles parce qu’elle entraîne de lourdes conséquences. Le vassal vient de perdre son fief et donc il n’a plus rien ; la famille du vassal connaît un déclassement social et les enfants du vassal se voient fermer l’accès à l’aristocratie militaire.

Les groupes vassaliques constituent le plus bel exemple de solidarité médiévale. Ces solidarités vassaliques sont organisées par le droit et elles sont plus au moins théoriques mais elles existent. Elles sont renforcées par les habitudes de vie de cette époque, par les habitudes fraternelles des équipes de chevaliers, des habitudes nouées au cours des combats.

Mais la vie collective n’est pas que cela ; à cette époque, elle connaît d’autres expressions : il existe des relations de communauté variées.

Section II – Les liens communautaires.On peut parler des groupes qui ont une importance dans la société médiévale. Dans un premier

temps, on parlera du groupe naturel, la famille, le groupe à l’intérieur duquel l’individu trouve protection. Mais il existe une grande variété de groupes artificiels, des groupes qui sont bâtis sur des finalités pratiques, des groupes dont les membres vont poursuivre le même objectif.

§ 1 : Les liens du sang   : la famille .Au moyen-âge, la famille constitue pour l’individu le premier refuge, le premier des appuis, dans une

société qui connaît la difficulté, la précarité. Effectivement, cette période connaît une relative insécurité et donc, l’insécurité favorise la cohésion familiale.

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La structure familiale au moyen-âge est beaucoup plus complexe que la famille moderne. Tout simplement parce que la famille moderne, qu’on appelle la famille nucléaire, mais la famille au moyen-âge regroupe beaucoup plus de monde que le simple ménage. En réalité, la notion de famille, au moyen-âge, recouvre une double réalité.

A – La cellule minimum de la famille   : la mesnie .Cette famille réduite, par conséquent, comprend principalement le ménage et les enfants. La femme

est bien intégrée dans cette famille et le mariage est indissoluble ; dans cette société, le divorce n’existe pas. Pour mettre fin au mariage, il faut la mort. La femme est soumise à la puissance maritale et on dit « qu’elle doit obéissance et révérence à son mari » et même si elle ne se conduit pas ainsi, le mari a droit de correction sur elle.

Sur le plan patrimonial, la femme ne peut pas passer de contrat sans l’accord de son mari. Cependant, la femme n’est pas frappée d’une incapacité de principe ; on va dire que sa capacité juridique existe mais cette capacité juridique est masquée par l’autorité du mari. Cela veut dire qu’à partir du moment où le mari ne peut plus assumer son rôle directeur (mari décédé, malade, emprisonné, frappé de bannissement, incapable, parti en croisade pendant plusieurs années), dans toutes ces circonstances-là, la femme retrouve sa capacité juridique, elle peut passer des contrats.

Concernant les enfants, il y a là une autre manifestation du rôle joué par l’Eglise, seuls les enfants légitimes sont dans la famille, autrement dit, seuls sont reconnus les enfants issus d’un couple marié. Les bâtards sont exclus, ils n’ont aucun droit.

Concernant l’adoption, elle a quasiment disparu parce que l’Eglise rejette cette pratique.Les enfants légitimes sont soumis à la puissance paternelle.

Mais le groupe familial peut être beaucoup plus large que cela.B – La famille élargie   : le lignage .

Le lignage représente un groupe humain souvent très important, autrement dit, il regroupe tous ceux qui descendent d’un auteur commun. Il représente la famille double, paternelle et maternelle, et son étendu est très vaste.

D’ailleurs, autre manifestation de l’Eglise : le mariage est interdit entre parents jusqu’au 14ème degré.

Si on parle du lignage, c’est qu’il a un rôle, il a des attributions. Ils sont multiples. Le lignage est d’abord un organisme de défense qui traduit bien cet esprit de solidarité entre les membres de la famille. Les guerres privées entre seigneurs sont avant tout lignagère. Donc, il existe dans la société du moyen-âge un phénomène de solidarité familiale qui peut générer de véritables combats. Ce qui contribue à jeter le trouble dans cette société.

On rencontre les lignagés dans d’autres circonstances et souvent à l’occasion du mariage ou du ménage. C’est le lignage qui va prononcer la sanction contre la femme adultère. C’est aussi le lignage qui assure la protection des incapables, c’est-à-dire qu’il forme des assemblées de parents qui sont les ancêtres de nos conseils de famille et donc le lignage va peut-être prendre des dispositions concernant un enfant mineur ou un majeur incapable.

Le lignage a aussi des droits patrimoniaux, des droits sur les biens. Cela veut dire que, dans la société médiévale, les biens sont la propriété collective de la famille, bien plus que ceux de l’individu. Autrement dit, le possesseur d’une terre, s’il veut faire une opération, ne pourra aliéner sa terre qu’avec le consentement du lignage, de la parenté. Et si l’un des membres du groupe est absent ou s’il est mineur au moment de l’opération, sa ratification ultérieure est promise par le parent le plus proche, autrement dit, le parent le plus proche se fait le garant. Et on retrouve cette situation dans toutes les catégories sociales.

§ 2 : Les liens d’intérêt   : les solidarités rurales et citadines .

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En effet, au sein de cette société, les relations sociales sont diverses. Les solidarités sont principalement rurales. Cependant, avec le début d’expansion du 11ème siècle, les solidarités se développent aussi en milieu urbain. Comment se sont-elles exprimées ?

A – Les solidarités rurales.Les solidarités paysannes sont les plus anciennes et elles se développent dans le cadre du village,

dans le cadre paroissiale. Et dans la vie du groupe, c’est l’Eglise qui joue un rôle essentiel ; l’église est le seul bâtiment public, c’est en quelque sorte par le biais de l’Eglise que le groupe a de l’emprise sur l’individu. L’église est le lieu de prière mais c’est aussi dans l’église que se traitent les affaires, les problèmes du village. C’est dans l’église que, souvent, se réfugient les villageois en cas d’attaque. C’est un lieu où peuvent se dérouler les fêtes, un lieu où l’on peut entasser tout ce que l’on possède en cas d’insécurité. C’est dans l’église que l’on va accueillir les voyageurs. C’est là aussi que le maître, le curé du village, tient l’école.

Et donc, régulièrement, les hommes du village se réunissent dans ce lieu pour traiter de problèmes divers. On discute des dépenses nécessaires à l’entretien de l’église, des ponts, des voies de communication. Et parfois, on y accueille un représentant du seigneur local.

Mais les solidarités paysannes trouvent aussi leur expression dans le domaine fiscal, autrement dit, le seigneur local lève un impôt direct qu’est la taille. Chaque année, il en arrête le montant attendu qui est un montant en fonction de ses besoins. Ce montant est fractionné entre les différentes paroisses de sa seigneurie. Et à l’intérieur de chaque village, chaque famille va payer en fonction de ses ressources, cela veut dire qu’il y a un partage de la taille entre les familles et ce partage est effectué parfois par l’assemblée des habitants et parfois, il est effectué par quelques personnes de confiance élus.

La collectivité villageoise devient son propre organe de répartition et de perception de l’impôt.

On retrouve ces solidarités dans le cadre de l’activité agricole. C’est là que se forgent les principales solidarités. Il y a d’abord les terres communes, les communaux. Le seigneur local laisse aux paysans, à l’intérieur de sa réserve, la jouissance collective d’un territoire, de forêts, de landes, et il exige en contrepartie quelques redevances.

Cette concession des biens communaux fait l’objet d’une gestion collective, autrement dit, les hommes du village s’assemblent périodiquement pour traiter d’un certain nombre d’affaires, pour déterminer le nombre de têtes de bétail que chaque famille pourra envoyer dans les parties communes. On s’assemble pour déterminer la quantité de bois que chaque famille pourra prélever.

Les paysans du village mettent en œuvre des disciplines agricoles communes. Par exemple, la communauté de village interdit de clôturer les parcelles de terre cultivées parce que lorsque la récolte a été prélevée sur chacune de ces parcelles, toutes ces parcelles vont servir à la nourriture du bétail. Cela signifie que, pendant toute une période l’année, les terres exploitées par les familles paysannes sont en indivision. Il y a une pratique communautaire extrêmement étendue qui reçoit le nom de vaine pâture, un système qui a perduré pendant très longtemps (il s’est maintenu au-delà de la première guerre mondiale dans certaines régions). On rétribue un berger qui va surveiller le bétail. Pour que le système fonctionne, il faut que les récoltes soient enlevées à date fixe et les labours d’automne ne peuvent commencer qu’aux termes de la division.

Mais déjà, au milieu du 11ème siècle, on voit apparaître les premières solidarités citadines.

B – Les premières solidarités citadines.Au milieu du 11ème siècle, les villes reprennent vie, elles connaissent un nouvel essor. Elles se

repeuplent parce qu’il y a des ruraux qui viennent les peupler et ces ruraux sont donc des déracinés en quelque sorte. Ils s’empressent de recréer leurs anciennes attaches, des groupes. Et donc, les villes, en croissance, voient la naissance d’une série de liens solidaires.

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Parmi ces groupes, les plus fréquents sont ceux qu’on appelle les confréries. On en trouve dans toutes les villes. Ce sont de petites associations à caractère religieux, elles sont placées sous le patronage d’un saint. Ce sont des communautés de prière, de dévotion. Mais leur nombre ne se rassemble pas seulement pour prier. Elles ont aussi une finalité charitable, cela veut dire que chaque adhérent à la confrérie est soutenu par ses confrères. Par exemple, il va bénéficier d’une aide dans le travail (s’il tombe malade, on lui envoie un ouvrier ; en cas de maladie, on va lui apporter un secours ; s’il meure, on va lui assurer un enterrement décent). Et les confrères se réunissent de temps à autre pour célébrer des fêtes religieuses. Et quand leurs ressources le permettent, certaines confréries assurent des services variés : certaines confréries ont pu distribuer des aumônes, fonder des hôpitaux, se spécialiser dans les incendies).

Mais dans la ville renaissante, il y en a bien d’autres. On assiste à un développement du commerce qui renaît dans un contexte assez difficile. Par conséquent, on voit apparaître des groupes professionnels de marchands, des marchands qui éprouvent le besoin de se réunir parce que les voyages sont dangereux, il est impensable de partir seul. Et c’est ainsi que les villes les plus grandes, au Nord de la France, et qui voient un fort développement du commerce, ces villes de commerce de dotent de groupements. Les premiers groupements portent le nom de ghildes de marchands. A quoi servaient-ils ?

Ils étaient formés de marchands qui payaient des cotisations pour appartenir à la ghilde, et ils se voyaient astreindre à une stricte discipline. Et ces groupements étaient très bien organisés ; ils avaient leur chef, avec une assemblée générale des marchands et ils avaient également leurs droits, c’est-à-dire leurs usages. Quel était l’objet de chacun de ces groupements ? Pourquoi s’était-on formé en groupement ?

L’objet était corporatif, il s’agissait de défendre les intérêts commerciaux des seuls adhérents et il y avait entre les adhérents de la ghilde un esprit d’entraide et toujours une idée de solidarité, une solidarité qui devait toujours jouer dans les deux sens. S’il y avait des profits, on les partageait, s’il y avait des pertes, on les partageait. Et les marchands, dans le cadre de ces ghildes, se prêtent assistance dans les voyages, ce qui veut dire qu’ils s’organisent en groupe pour partir pour des raisons de sécurité. Et lorsque le groupe est en voyage, des achats de marchandises, de matières premières sont effectués et ceux qui les ont acquis sont tenus de les partager au prix coûtant avec ceux des confrères qui le désirent. Les adhérents se réunissent souvent pour faire la fête, pour des libations en commun, pour des moments de réjouissance commune qui sont très importants dans la vie, qui cristallisent la fraternité du groupe.

Voisine des ghildes, il y avait les hanses. C’était aussi un organe protecteur du commerce itinérant. On les trouve dans certaines villes, notamment, à la fin du 11ème siècle, il y avait une hanse à Paris qui s’appelait la hanse des marchands de l’eau ; les marchands de cette hanse avaient le monopole du trafic fluvial sur la Seine, entre l’île de la cité jusqu’à Mante (Mantes-la-Jolie aujourd’hui).

Ces pratiques associatives ont favorisé le développement de la ville, le développement urbain. Ils ont donné à la ville une certaine cohésion, une certaine force et ces groupes vont permettre de lutter contre les seigneurs locaux.

Le 11ème siècle voit l’apparition de signes de dépassement de cette société, on voit l’essoufflement du régime domanial qui disparaît peu à peu, on a vu renaître le commerce et un début d’éveil de la ville. Mais ce n’était que l’amorce d’un phénomène et le mouvement s’accélère au 12ème siècle. On va voir s’intensifier ce phénomène qui avait débuté au 11ème siècle.

Deuxième partie – Les mutations de la société du bas Moyen Age(XIIème-XVème siècles)

Au 12ème siècle, de nombreux aspects de l’époque précédente persistent, demeurent ; c’est d’abord le passé institutionnel qui demeure vivace avec, bien sûr, toujours la même organisation sociale en trois

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ordres. C’est toujours, sur le plan politique, la hiérarchie féodale. On retrouve l’émiettement territorial en seigneuries. On retrouve les liens communautaires, l’importance des groupements.

Et dans cette fin du moyen-âge, le phénomène rural est toujours très important ; les hommes, comme au cours des siècles passés, vivent de la terre, s’enrichissent avec la terre, exercent le pouvoir avec la terre. Et cette suprématie du secteur rural va se retrouver jusqu’à la Révolution française.

Cependant, la période qui s’ouvre remet quand même quelque peu en question ce monopole écrasant de la terre ; désormais, il n’y a pas que la terre. Cela veut dire que la terre n’est plus la seule source du pouvoir et de la richesse. Donc, on a une société qui connaît des transformations, à partir du 12 ème siècle, une société qui se remodèle profondément.

Les 12ème et 13ème siècles sont des grands siècles, surtout le 13ème, parce que ces siècles sont le siège d’un formidable essor. Ce que le 11ème siècle annonçait se manifeste d’une façon éclatante à ces siècles. On a vu qu’aux 12ème et 13ème siècles, qui sont des siècles déterminants, il y avait eu une évolution du paysage politique, une renaissance du droit romain, parallèlement, on assiste à un réveil économique, un réveil économique de grande ampleur. Il y a des phénomènes, à cette époque, qui s’intensifie.

Il y d’abord la remontée de la démographie ; il y a aussi une renaissance commerciale véritable. Il y a un phénomène, également, qui apparaît au 12ème siècle : la circulation de la monnaie, qui était jusque là réduit à l’extrême, connaît un spectaculaire relèvement, elle s’intensifie. Et ce retour de la monnaie métallique est essentiel, il est le principal élément de l’élan économique. Le volume de la monnaie s’accroît puisque le commerce est relancé. Puis on découvre des mines argentifères et il y a les croisades qui vont permettre de ramener des biens précieux. Le roi Saint-Louis va être à l’origine de réformes monétaires et en 1266, il inaugure la frappe de l’or. Cela veut dire que, désormais, on a des pièces de monnaie en or et en argent, les deux monnaies vont circuler en parallèle comme avec l’époque romaine. On renoue avec le bimétallisme.

Ce monde est fait de grandes transformations qui se répercutent sur le milieu institutionnel et elles imprègnent toute la société féodale, autrement dit, elles imprègnent l’ordre ancien (chapitre I). Mais en même temps, elles sont à l’origine de structures nouvelles en marge de l’ordre féodal (chapitre II).

Chapitre I : Les adaptations de la société féodale

La société féodale est gravement perturbée du fait de la reprise démographique, du fait de la renaissance commerciale, du fait de l’essor des communications et bien évidemment, surtout perturbée du fait de la monétarisation de l’économie. Cela veut dire que cette société voit, du fait de ces transformations, son organisation économique et sociale bouleversée. Et non seulement l’organisation est perturbée, l’armature sociale est également atteinte.

Section I – L’expansion agricole de la seigneurie.Ici, on touche un phénomène essentiel qui, dans cette société médiévale, a connu une ampleur

inouïe : le défrichement. Ce phénomène a commencé au 11ème siècle et il atteint son apogée entre 1150 et 1250. Ce phénomène des défrichements va toucher toute l’Europe et va avoir des conséquences très importantes à la mesures de son ampleur (une déforestation de très grande ampleur).

§ 1 : Une dynamique favorable à des défrichements de grande ampleur.Au 12ème siècle, les défrichements sont devenus nécessaires. Fort heureusement, ils sont possibles

grâce à des moyens qui n’existaient pas avant. On va voir comment ils sont organisés.

A – Des défrichements nécessaires.Il y a une évolution de la démographie, il y a plus de monde à nourrir. Puisqu’il y a plus de monde,

bien sûr, il y a davantage de main-d’œuvre mais s’il y a plus de monde, il faut davantage de nourriture. Par conséquent, il faut davantage de production agricole et il y a là un problème parce que les anciens

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terroirs, les anciennes exploitations sont saturées, il y a trop de monde. Les manses ont été fractionnés. Cela veut dire que sur les anciens terroirs, on ne peut pas nourrir tout le monde.

B – Des défrichements possibles.Ils sont possibles grâce aux améliorations techniques qui se multiplient. Autrement dit, on découvre

des outils nouveaux. Ceux qu’ils les inventent sont des paysans, des artisans dont l’histoire n’a pas gardé de traces. Ce qui veut dire que le monde occidental devient un monde technique, on invente des outils de manière empirique, avant de devenir un monde scientifique.

Des outils, il en existait déjà. Avant le 11ème siècle, on avait des bêches qui permettaient de retourner le sol et des haches pour couper le bois. Mais ce sont des outils assez fragiles. Mais au 12 ème siècle, désormais, ils deviennent beaucoup plus solides parce qu’on emploie un fer de meilleure de qualité, un fer qui offre une résistance plus grande. Surtout, on fait des progrès en matière de charrues, avec également des progrès dans l’attelage du bétail, un bétail qui est ferré. Désormais, la traction des charrues est assurée par les chevaux et non plus par les bœufs.

De nouveaux outils apparaissent, qui n’existaient pas avant, et qui vont permettre de faire pas mal de progrès. Par exemple, il y a la faux. Et on invente aussi la herse, outil extrêmement utile. De nouveaux outils qui vont permettre de mieux travailler le sol et sur étendues plus grandes.

C – Des défrichements individuels ou organisés.Autrement dit, comment en est-on arrivé à une augmentation de la superficie cultivée ? Cela s’est

passé extrêmement lentement. C’est-à-dire que les choses se sont faites génération après génération sur deux siècles. Les familles paysannes conquièrent les terres et elles essayent d’étendre la lisière de leur champ sur la lisière d’à côté (il n’y a pas de cadastres à cette époque). Ce sont des initiatives discrètes. On prend un peu de terre à côté d’une façon discrète pour pouvoir échapper à la fiscalité seigneuriale car, plus on a de terres, plus on paie d’impôts.

Cette initiative est un phénomène qui échappe au regard de l’historien car cette œuvre discrète, sans doute considérable, n’a pas laissé de traces. Mais il y a eu une multitude d’initiatives personnelles.

En revanche, les défrichements organisés sont mieux connus. Cela veut dire qu’à un moment donné, il y a une autorité qui décide de lancer une opération de défrichement. C’est souvent un seigneur qui décide ; ce peut être aussi un monastère, une communauté ecclésiastique qui décide de lancer une opération de défrichement. Pourquoi ? Les seigneurs prennent conscience de l’intérêt que représente pour eux l’étirement des terroirs, de l’intérêt de ces opérations parce qu’à partir du moment où ils font défricher toute une zone dans leur seigneurie, ils peuvent espérer attirer du monde et le produit des impôts s’accroît forcément, plus il y a de monde, plus le seigneur est riche.

Le seigneur local envoie des groupes d’hommes, de travailleurs dans une zone bien délimitée de la seigneurie et ces hommes défrichent. Cela veut dire que l’on se trouve dans le cadre d’entreprise collective, planifiée par le seigneur. Et ce travail est donc effectué par des hommes qui viennent de la seigneurie ou de plus loin et on va dire que ce sont des pionniers. C’est une entreprise de colonisation qui s’achèvera le jour où ce territoire défriché aura vue le passage de la charrue.

Il y a un problème qui s’est osé au 12ème siècle. Les hommes ont conscience de l’importance de la forêt (essentielle pour eux, elle aide à vivre, procure quantité de choses) et ils ont essayé de la préserver du saccage. Mais le manque de terre a fait qu’on a du amputer la forêt et il y a eu une grande entreprise de déforestation, une entreprise de grande ampleur. Ce sont des équipes d’hommes qui, en permanence, manient la hache ; on les appelle dans certaines régions les sartiers, ceux qui coupent, qui essartent. Et donc, ces hommes font des trouées dans la forêt, c’est-à-dire qu’ils créaient peu à peu des clairières cultivables. Une entreprise qui a laissé de nombreuses traces dans la toponymie (l’étude des noms de lieux) des lieux-dits. Les déboisements ont été excessifs, si bien qu’un jour, les clairières vont se rejoindre et dans certaines régions, la forêt aura complètement disparu.

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Il y a à cette époque une véritable ardeur pionnière de paysans, d’hommes qui recherchent des terres qui s’accordent avec la volonté politique des seigneurs parce que ces derniers veulent encourager le peuplement et en soutenant le peuplement, ils augmentent leur puissance territoriale. Cette œuvre de défrichement a été immense et elle a eu d’importantes conséquences.

§ 2 : Les répercussions des défrichements.Les répercussions des défrichements sont de trois ordres. Bien sûr, il y a des répercussions

économiques mais il y a aussi des répercussions topographiques. Mais surtout, des répercussions juridiques.

A – L’amélioration des rendements.Autrement dit, la production agricole augmente et elle augmente pour deux raisons :

- Parce que les surfaces cultivées s’étendent, sont plus importantes ;- Mais aussi parce que l’exploitation des anciens terroirs s’intensifie. Pourquoi ? Parce qu’on a appris des

choses au fil du temps, notamment, on pratique beaucoup mieux le système de rotation des cultures. Autrement dit, pendant très longtemps, on a pratiqué un système d’assolement, cela veut dire qu’on cultive une partie du sol et l’autre partie du sol qui a produit l’année précédente se repose. Et pendant longtemps, comme on n’avait pas de connaissances, on a pratiqué l’assolement biennal, c’est-à-dire qu’on cultive la moitié du sol et l’autre moitié se repose. Au 12ème siècle, on substitue à l’assolement biennal l’assolement triennal ; cela veut dire qu’un tiers du sol reçoit une culture, un autre tiers du sol reçoit une autre culture et l’autre tiers se repose et après en inverse.

En revanche, si la production augmente, globalement, la productivité reste médiocre. Ainsi, dans les domaines les mieux gérés, quand on sème du blé par exemple, on récolte quatre à six grains de blé. Le sol ne produit pas parce qu’on n’a pas d’engrais et il y a très peu de fumier animal car il n’y a presque pas d’élevage. Il y a peu de productivité, il faudrait plus de surfaces à cultiver.

B – Les modifications du paysage.Le paysage va connaître de sensibles modifications. Ce qui se passe, aux 12ème et 13ème siècles, est très

important parce que le paysage prend bien des aspects que nous lui connaissons aujourd’hui. Au 12ème

siècle, il se produit une relation nouvelle entre l’homme et la nature ; jusqu’au 12ème siècle, l’homme était au sein de la nature, un élément de la nature comme les animaux et au 12ème siècle, l’homme apprend à dominer la nature, à la transformer selon ses besoins. C’est processus qui ne s’arrêtera pas jusqu’à nos jours.

Il y avait des zones d’Europe majoritaire qui étaient vides d’hommes et le peuplement devient plus intense. Et le paysage devient moins hostile, devient plus ouvert. Jusqu’au 11ème siècle, il y avait principalement des friches, des forêts. Désormais, il y a des champs coupés d’îlots forestiers. Puis, surtout un phénomène nouveau : dans ce paysage nouveau, on voit surgir fréquemment des villages neufs dont la création est contemporaine de l’entreprise de défrichement, de colonisation du sol. De plus en plus, les habitats s’éloignent du château, il y en a un peu de partout. Cela veut dire que la distance diminue entre les groupes humains, par conséquent, l’isolement diminue.

Ces nouveaux villages sont d’une grande diversité et la création de ces villages représentent un phénomène majeur. Notre paysage contemporain est encore marqué par ce qui s’est passé aux 12ème et 13ème siècles, parce qu’il y a des milliers de villages que nous connaissons aujourd’hui ont été créés au cours de ces siècles.

Les nouvelles localités présentent une forme caractéristique qui varie selon les régions. Si on considère les villages du Nord et de l’Est de la France, en général, ce ne sont pas des villages à l’habitat groupé ; ils sont le plus souvent construits au bord de la route. Si on considère les villages du Sud-ouest, ils présentent le plus souvent un habitat groupé.

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La toponymie est intéressante ; ces villages ont été construits tout à coup, ce sont des villages neufs. Il y a de nombreux villages français et notamment dans le Sud-ouest, dont le nom exprime la nouveauté de la fondation. Autre aspect de la toponymie : ces villages recevaient des privilèges des seigneurs pour attirer, pour augmenter, la population (octroyer des franchises) et on retrouve cela dans la toponymie (exemples : Villefranche-de-Rouergue, Ville-Franche-du-Périgord).

Bien entendu, parmi ces villages, il existe des variantes régionales. Prenons le cas du Sud-ouest  : les créations de villages ont été nombreuses (par centaine). Souvent, c’était des villages créés par des seigneurs mais il y en avait qui étaient créés par des moines qu’on appelait les sauvetés. Ce sont des petits villages créés dans des zones incultes et étaient délimités par des croix (on construisait des croix aux extrémités du village). C’était des lieux de refuge, d’asile (les fugitifs des seigneuries voisines, des délinquants, des condamnés). La sauveté était le résultat d’un contrat passé entre l’établissement ecclésiastique et le seigneur local et donc, l’Eglise fournissait le territoire du futur village et le seigneur la protection, et les deux parties au contrat se partageaient les ressources, les revenus. C’est un type de village assez répandu. En Gironde, la sauveté la plus connue est La Sauve Majeure (l’abbaye de La Sauve Majeure, le village de La Sauve Majeure ; sur la rive droite, Carbon-Blanc était une sauveté).

Et au 13ème siècle, dans ce même Sud-ouest, sont fondés en grand nombre des villages qu’on appelle des bastides. Elles ont été construites un peu plus tardivement, dans un contexte particulier au 13ème siècle. En effet, à cette époque, le roi de France et le roi d’Angleterre se faisaient la guerre et ces bastides étaient des villages militaires. Certains de ces villages sont construits sur ordre du roi de France et certains de ces villages sont construits sur ordre du roi d’Angleterre.

Et comme se sont des lieux de défense, la ville est entourée de remparts et à l’intérieur du village, il y a une garnison militaire et en même temps, ces bastides présentent un intérêt économique : elles sont des lieux de marché. Et elles se présentent de la même façon sur le plan architecturale ; le plus souvent, elles ont une forme rectangulaire et elles sont traversées par une ou deux voies principales. Ces artères principales sont groupées perpendiculairement par toute une série de petites rues qui sont parallèles entre elles. Et au centre de la bourgade, il y a presque toujours une halle en bois et autours de la halle, de la place, il y a des arcades où les paysans vont pouvoir exposer. L’exemple girondin est Libourne.

Ces phénomènes qui sont de très grande ampleur ont favorisé l’émergence d’un droit nouveau : un droit des personnes, un droit des terres.

C – Le nouveau droit des personnes et des terres.1°) Les franchises des villages de peuplement.

Les fondations de villages neufs sont le plus souvent faites sur initiative seigneuriale. Alors les seigneurs n’ont pas intérêt à prélever des hommes sur leurs propres terres, ce qu’ils ont intérêt à faire, c’est attirer des hommes d’ailleurs, les inciter à venir. Et pour les attirer, il faut les appâter, il faut leur promettre quelque chose pour venir. C’est le système français ; en France, on a développé une politique incitative.

Cette politique incitative, comment s’est-elle déroulée ? Il y a eu, un peu partout, de véritables campagnes d’information. Cela paraît un peu curieux au moyen-âge. C’est le curé à l’église, pendant la messe, alors qu’il prêche, il informe la population de la création d’un village. Le seigneur offre des terres à défricher, il offre un statut (c’est-à-dire des franchises). Et il va y avoir une charte, un document officiel rédigé où le seigneur indique le contenu de ces privilèges dans une charte de village de peuplement (il en existe des milliers). La charte est un document juridique qui fait état de l’étendu des privilèges offerts aux paysans. La publicité est organisée, il faut faire connaître la charte ; il y a un homme qui va aux différents carrefours, sur les chemins, il donne connaissance de la charte aux paysans, il leur la lit. Et ces privilèges sont très intéressants parce que les chartes prévoient toujours des redevances allégées. Elles prévoient aussi la suppression des corvées.

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C’est aussi la dispense ou l’atténuation des obligations militaires. La taille, l’impôt direct, est souvent supprimée ou réaménagée, en tout cas, le montant de la taille n’est plus arbitraire. Et surtout, on voit disparaître le servage. Cela veut dire que les hommes qui vont venir peupler ces villages sont libérés des vieilles astreintes serviles, plus de mainmorte, plus de formariage, plus de chevage, et les anciens serfs, désormais, sont affranchis mais lorsqu’ils arrivent dans un village neuf, ils ne sont pas tout de suite affranchis ; il faut un délai qui est, en droit, le délai d’ un an et un jour et passé ce délai, le serf est affranchi et devient roturier. Il reste simplement qu’il est libre et reste sous l’autorité du seigneur mais en tant qu’homme libre. Et donc, il va pouvoir travailler en qualité d’homme libre dans ce nouveau village.

Mais cette situation se répercute à un moment donné sur celle des serfs des anciens villages puisque les serfs des anciens villages, voyant la condition favorable des autres, vont vouloir partir. Si bien que le seigneur ne peut pas les retenir de force. Du coup, il va concéder des privilèges aux anciens villages comme il le fait pour les nouveaux villages. Cela veut dire que le 13 ème siècle voit une tendance générale aux affranchissements, une tendance générale à la régression du servage qui résulte de ce mouvement de colonisation agricole. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que l’ancien régime domanial n’est pas pu s’accommoder de ces profonds changements, autrement dit, si la condition des personnes évolue de façon radicale, la condition des telles elle aussi subit des transformations importantes.

2°) La fin du régime domanial et la nouvelle condition des terres.On assiste à un phénomène amorcé au siècle précédent et qui s’intensifie.

a) La réduction de la réserve et l’augmentation du domaine concédé. Autrement dit, le seigneur de cette nouvelle époque a une double préoccupation. La première est

de parvenir à installer quelque part une main-d’œuvre croissante. La seconde est de reconsidérer le système de gestion des terres, autrement dit, ce qu’il veut, c’est pouvoir en augmenter la rentabilité. Et le résultat se traduit par une transformation de la structure foncière traditionnelle, une transformation de la réserve.

La réserve se réduit, c’est-à-dire que les landes et les forêts sont de plus en plus grignotées par l’action des défricheurs. Ce sont des hommes qui reçoivent des terres nouvelles du seigneur alors ils défrichent. Et on organise mieux à l’intérieur de la réserve la répartition des terres déjà cultivées, on réattribue ces terres. Et puisque la réserve se réduit de plus en plus, forcément, le travail gratuit se réduit, les corvées se réduisent, il y a moins besoin de corvées. En revanche, s’il y a moins besoin de corvées, le seigneur a besoin de plus d’argent. Il y a une envie de luxe chez les seigneurs du 13ème siècle. Alors on convertit les anciennes corvées en redevances en argent. Le seigneur essaye de se procurer de l’argent par tous les moyens.

Avec ces transformations, on passe d’un régime d’exploitation rurale qui était presque fermé au 11ème siècle, à une économie ouverte au 12ème siècle, à une économie monétarisée. Ce qui veut dire que le système domanial est profondément modifié. Et tandis que la réserve se réduit on va voir le passage du manse à la tenure à cens.

b) Le passage du manse à la tenure à cens. En effet, les nouvelles données économiques et juridiques réagissent sur la condition de

l’exploitation paysanne. Autrement dit, le manse disparaît et apparaissent alors de nouvelles formes de terre, de tenure. Ces tenures, on les rencontre absolument partout sur les terres défrichées, dans les villages neufs, dans les anciens villages, sur les parcelles de la réserve défrichées. C’est un régime unique de terre qui se développe de partout. Ces tenures reposent toujours sur un contrat synallagmatique, un contrat à durée indéfinie, un contrat passé entre le seigneur foncier et le tenancier (ou paysan), et des contrats très simples qui sont conclus sans formalités particulières.

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Qui est le tenancier, l’homme qui va exploiter cette terre ? C’est toujours un homme libre, un roturier, un homme qui a la capacité juridique et qui, par conséquent, peut contracter avec son seigneur.

Qu’est-ce qu’une tenure ? Ce n’est pas une propriété, et on dit à propos de la tenure que le seigneur conserve le domaine direct, cela veut dire qu’il conserve un droit sur cette terre, ce qui lui permet de percevoir des redevances. Et dans certaines conditions, il pourra reprendre la terre. Et on dit que le tenancier a le « domaine utile », cela veut dire qu’il peut utiliser la terre, autrement dit, il a le droit de cultiver la terre, il a le droit d’en percevoir les fruits (les récoltes).

Quel est le régime juridique de cette tenure ? Le type le plus répandu de tenure est la tenure appelée « tenure à cens ». On l’appelle autrement : la censive. Dans ce type de tenure que l’on va trouver partout, le tenancier paie une sorte de loyer de la terre qu’on appelle le cens, c’est le loyer pour prix de jouissance de la terre. C’est une petite somme d’argent et cette somme est payée chaque année (paiement annuel) et le tenancier apporte le cens au seigneur (on dit que le cens est « portable »). Ce qui caractérise cette redevance, c’est que le cens est fixe ; cela veut dire qu’au cours de la concession, son montant ne pourra pas être changé, il restera le même. Et au changement de tenancier, on ne pourra pas non plus toucher au montant du cens. Il y a un deuxième caractère du cens : on dit qu’il est « recognitif » de seigneurie foncière ; cela veut dire qu’en payant le cens, le tenancier reconnaît qu’il possède un fond, une terre venant de tel seigneur. Il y en a un troisième qui est habituellement signalé : le cens est imprescriptible ; cela veut dire que même s’il n’est pas payé pendant un long délai, il ne disparaît pas et le seigneur peut très bien réclamer les impayés. Fréquemment, à ces redevances en espèce s’ajoutent des redevances en nature qui viennent compléter le cens (il peut s’agir de corvées aussi).

Mais le tenancier peut échapper, peut s’exonérer de ses charges qui lui incombent tout simplement en partant, en abandonnant sa terre, parce qu’à la différence du serf, le roturier a un statut amélioré, il est libre d’aller et venir. Il lui suffit de prévenir son seigneur et de payer les redevances échues (ce qu’il doit). On dit qu’il a la faculté de « déguerpir ». Il existe une liberté du roturier et les charges qu’il a à payer sont attachées à sa terre.

Ce tenancier, avec le temps, va voir les droits sur sa terre se renforcer parce que la tenure à cens, peu à peu, devient patrimoniale. Cela veut dire qu’elle va devenir héréditaire, elle va se transmettre dans la famille du possesseur alors qu’il n’est pas propriétaire. Comment cela se passe ? D’abord, lorsqu’il y a transfert successoral à l’héritier, ce transfert présente une contrepartie au profit du seigneur, c’est-à-dire que le seigneur perçoit une taxe de mutation. Cette taxe correspond à un double cens (deux ans de cens). La censive peut, et cela ne présente pas de difficultés, être partagée entre plusieurs héritiers du défunt. Mais son partage n’est pas dangereux pour le seigneur tout simplement parce que si la censive peut se diviser, la redevance est indivisible, cela veut dire que le seigneur peut réclamer à n’importe lequel des héritiers le paiement de la totalité du cens. Le cens survit à la division du fond. Sa dette incombe solidairement aux copartageants.

Au 13ème siècle, la censive devient aliénable ; le tenancier, effectivement, peut disposer de sa tenure, il peut la vendre. Et il peut le faire sans autorisation du seigneur. Mais, encore une fois, ce n’est pas gênant pour le seigneur, au contraire ; le seigneur reste propriétaire mais à chaque fois que la censive est vendue, il perçoit une taxe de mutation dont le montant représente environ 10 % du prix de vente. Et cette taxe porte un nom : le droit de lods et ventes.

Il existe une deuxième variété de tenures. On va trouver ce que l’on appelle la « tenure en champart ». Dans ce cas, la redevance exigée n’est pas un cens fixe, c’est une redevance en nature proportionnelle à la récolte. Et à la différence du cens qui est portable, le champart est quérable, c’est-à-dire que les agents du seigneur viennent chercher la récolte sur place. Pour le reste, entre la censive et le champart, il y a identité de statut juridique.

Il y a, au cours de cette période, un élan de l’économie. On va voir que ce développement économique réagit sur l’organisation de cette société.

Section II – Les transformations de la condition des personnes.

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Au cours de cette période, il y a une expansion économique, la société se monétarise et naturellement, ces nouvelles donnes expliquent l’amélioration de la condition paysanne et le réaménagement du statut des nobles, nobles qui désormais essayent de défendre leur rang parce que ce qu’ils craignent, c’est d’être envahis par les nouveaux nobles. Ils essayent de se protéger, de s’ériger en caste.

§ 1 : L’amélioration de la condition paysanne.A côté des serfs dont le nombre diminue de plus en plus, se constitue un nouvelle état social,

celui de roturier, c’est-à-dire celui d’homme libre. Autrement dit, entre l’état de noble et de vassal qui constitue l’élite, il y a des hommes libres.

A – Le reflue du servage.La grande expansion économique des 12ème et 13ème siècles dans ses différentes expressions,

c’est-à-dire les défrichements avec les villages de peuplement et les nouveaux villages, l’essor urbain (la reprise des villes), la reprise du commerce, la reprise de la circulation de la monnaie. Tout cela agit sur la société rurale, une société qui était jusque là figée. Et cela favorise la diminution du servage.

Pourquoi ? Le séjour dans les villages neufs ou dans les villes qui peu à peu s’émancipent du seigneur, permet d’acquérir la liberté. Et on a vu que pour ces raisons, le seigneur a intérêt à affranchir ses propres serfs s’il veut empêcher des fuites, que trop d’entre eux ne soient tentés de partir vers ces lieux privilégiés. Donc, l’affranchissement par le seigneur est un procédé qui est destiné à retenir une main-d’œuvre qui est attirée vers ces lieux. Mais c’est aussi un procédé qui présente un autre intérêt pour le seigneur : le seigneur, au 13ème siècle, dans cette société qui se monétarise, cherche à tirer profit de tout et c’est la raison pour laquelle l’affranchissement est souvent monnayé. Et les rois eux-mêmes vont affranchir les serfs de leur domaine pour l’argent. Et de plus en plus, le mouvement s’accélère. D’ailleurs, l’affranchissement peut être individuel ou collectif, c’est-à-dire que le seigneur affranchie parfois des villages, des communautés entières.

Mais si le servage régresse, il ne disparaît pas complètement car il se maintient dans certaines provinces. Dans certaines zones (l’Est et le Centre de la France), il va se maintenir jusqu’à la Révolution. Et même avec les difficultés des 14ème et 15ème siècles, il y a des régions où le servage va connaître un regain en période de difficulté.

Ce servage prolongé est un servage adouci parce qu’on dit qu’il est un servage « réel », autrement dit, il tient à l’occupation d’une tenure servile. Le serf est attaché à sa terre. Les incapacités du serf s’expliquent par le fait de l’occupation d’une tenure servile. Si un jour il n’est plus sur cette terre, il perd sa qualité de serf, il devient roturier. La terre détermine l’état de la personne.

Enfin, les serfs, et cela correspond à une amélioration de leur état, dans certaines régions, s’organisent pour améliorer leur sort et c’est ainsi qu’ils s’organisent pur échapper à l’incapacité la plus dure pour eux : l’incapacité successorale, la mainmorte. Ils ont recours à un système que l’on appelle les communautés taisibles ou tacites. C’est un système qui se développe au 13ème siècle ; cela veut dire que les communautés, des familles de serfs décident de vivre ensemble et on dit que ces familles vont vivre « à même pain et à même peau » et on met tout ce que l’on a en commun. Et au bout d’un certain délai, an et jour (au bout d’un an et un jour), une véritable indivision est née ; cela veut dire que tous les meubles sont confondus, on ne peut plus les individualiser. Autrement dit, lorsqu’un serf décède, la succession ne s’ouvre pas parce que le serf est mort mais la communauté vit toujours et le seigneur ne peut prétendre à rien. Autrement dit, il existe une masse commune de biens qui ne peut jamais être partagée. Le droit de mainmorte est mis en échec.

Finalement, à la fin du 13ème siècle, l’état de serf n’existe plus que de manière exceptionnelle, et pour l’essentiel, la paysannerie du 13ème siècle est formée d’hommes libres, de roturiers.

B – Le statut des roturiers.

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Ce sont des hommes libres qui, à la différence des serfs, peuvent se déplacer, habiter où ils veulent, ils peuvent changer de seigneurie. Cela veut dire que les règles relatives au formariage et la mainmorte ne s’appliquent pas à eux. Sur leur tenure, ils acquièrent que n’avaient pas les serfs. Les serfs occupaient leurs terres parce que le seigneur en avait décidé ainsi. Les roturiers, au contraire, possèdent leurs terres parce qu’ils ont contracté avec le seigneur foncier. Il y a un lien contractuel qui n’existe pas chez les serfs. On a vu précédemment le statut de la censive, du champart, qui résulte toujours d’un contrat passé entre le seigneur et le roturier. Sur ces terres là, les droits du roturier s’affirment de plus en plus.

On les désigne sous des noms divers. On les appelle les hommes francs, les manants, les vilains. Mais, sous l’angle socio-politique, les roturiers restent soumis à l’autorité du seigneur d’origine, ce n’est pas parce qu’ils sont libres qu’il n’y a pas d’autorité, surtout les roturiers de la campagne. Cela veut dire qu’ils relèvent de la justice du seigneur, ils lui paient l’impôt, ils lui doivent des obligations militaires parfois. Cela veut dire que les prérogatives du seigneur ont diminué, elles se sont atténuées mais elles subsistent. C’est surtout vrai chez les roturiers de la campagne, des champs.

Mais les roturiers des villes sont dans une situation un peu différente parce que souvent, ils ont des garanties que n’ont pas les roturiers de la campagne. On verra plus tard que les roturiers de la ville ont un statut parfois qui leur permet d’échapper à l’autorité du seigneur. Et on les verra souvent accéder à des responsabilités politiques au 12ème siècle.

§ 2 : Le réaménagement du statut des nobles.Au 13ème siècle, la noblesse se ferme, elle s’érige en caste et elle devient une catégorie juridique,

elle a un statut juridique, noblesse qui était jusque là ouverte.A – La fermeture de la noblesse.

Pendant tout le 12ème siècle, l’obtention d’un fief et l’entrée dans la chevalerie étaient des voies d’accès à la noblesse. Mais, au 13ème siècle, la noblesse se ferme, se cloisonne, elle s’entoure de barrières protectrices, autrement dit, elle se méfie, elle ne veut pas être envahie par les roturiers.

1°) L’acquisition d’un fief par un roturier ne confère plus la noblesse.Cela ne confère plus la noblesse. Tout est lié. Au 13ème siècle, le fief est un peu comme la tenure

à cens, il devient aliénable ; cela veut dire qu’il peut être acquis à prix d’argent, peut être acheté par ceux qui ont de l’argent. Ce sont ceux qui font des affaires, ce sont une partie des roturiers : les bourgeois des villes. C’est la bourgeoisie urbaine qui est la mieux placée pour profiter de l’ouverture de ce marché. D’ailleurs, tandis que les bourgeois s’enrichissent, l’offre de fiefs augmente parce que c’est le temps des croisades qui coûtent chers. Et puis, il ne faut pas oublier que le 14ème siècle est une période au cours de laquelle les seigneurs développement le goût du luxe. Alors, beaucoup de seigneurs sont gênés financièrement, alors ils s’endettent. Et donc, ils n’hésitent pas, ils vendent certains de leurs fiefs, des bouts de seigneurie.

Si comme par le passé l’acquisition d’un fief confère la noblesse, la noblesse va se trouver envahie par les bourgeois enrichis. D’autant que les bourgeois, qui achètent des fiefs, n’ont pas l’intention d’avoir des comportements de noble, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas l’intention de se transformer en soldat. Pour eux, le fief qu’ils achètent aura un but économique et non pas militaire ou politique.

Pendant un temps, le roi va essayer d’interdire l’obtention de fief roturier. Mais, la situation est telle que ce n’est pas possible. Alors on doit décider la chose suivante : on va décider que l’acquisition d’un fief par un roturier est possible mais elle n’anoblira plus. Et cette règle d’acquisition d’un fief par un roturier sans anoblissement est confirmée par un texte en 1275 dans une ordonnance du roi Philippe 3 le Hardi, une ordonnance dans laquelle il est stipulé que l’acquéreur roturier conserve sa condition de roturier. Il est jugé incapable de combattre à cheval, il n’a pas reçu la formation. Donc cet acquéreur de fief est donc exonéré d’obligations militaires envers le seigneur supérieur du fief. En contrepartie, il doit

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payer les taxes, une taxe spéciale élevée qui porte un nom évocateur : le droit de franc-fief. Cette taxe, qui va en bénéficier ? C’est le seigneur supérieur et cela finira par devenir un droit royal avec le temps.

L’acquisition d’un fief ne confère plus la noblesse, le roturier reste roturier. L’acquéreur du fief, même s’il reste roturier, devient néanmoins vassal du seigneur. Cela veut dire, finalement, que ce roturier, on a une situation où les qualités de vassal et de noble se trouvent dissociées. Dans cette hypothèse qui devient de plus en plus fréquente.

2°) Le chevalier doit être noble.La chevalerie se maintient mais on impose désormais un principe que pour être armé chevalier,

on ne peut pas être roturier, noble par ligne paternelle, autrement dit, seuls les fils de chevaliers peuvent être adoubés. La noblesse se ferme totalement.

Dans des circonstances exceptionnelles, une autorisation royale pouvait permettre d’adouber un roturier, mais cela devient très exceptionnel.

Au 13ème siècle, la noblesse est devenue héréditaire. A ce moment-là, elle pratique l’autorecrutement, elle recrute dans ses rangs. Et elle va se doter d’un statut juridique.

B – La fixation du statut nobiliaire.L’étude du droit nobiliaire peut être ordonnée autours de deux axes :

1°) L’acquisition de l’état de noble.La noblesse tire son origine de la naissance. Seulement, il peut y avoir des difficultés. Comme

pour les serfs, quand les deux parents sont nobles, l’enfant naît noble. Mais qu’advient-il lorsque les deux parents sont de conditions sociales différentes ?

De nombreuses coutumes ne prennent en considération que la noblesse paternelle, l’enfant suit la condition de son père. Il arrive, de façon exceptionnelle, que la transmission est féminine et il en est ainsi dans la coutume de Champagne. En Champagne, on applique le principe de la noblesse utérine, une noblesse que transmettait la mère, même mariée à un roturier, on dit que « le ventre anoblie ».

2°) L’identité nobiliaire.A l’origine, certains individus étaient nobles tout simplement parce qu’ils détenaient le pouvoir,

parce qu’ils avaient la richesse ou parce qu’ils avaient une vocation militaire. Au 13ème siècle, il existe une noblesse dotée d’un véritable statut juridique. Il existe de très nombreux particularismes nobiliaires : seuls les nobles ont le droit de combattre à cheval avec armure, seuls les nobles ont le droit de port d’armes en toute circonstance. Ils possèdent des armoiries spéciales. Ils ont un sceau personnel pour sceller leurs actes.

Sur le plan juridictionnel, le noble relève du jugement de ses pairs devant la cour du seigneur. Et plus tard, toujours sur ce même plan, avec le démentellement, des structures politiques de la féodalité, alors que le roi aura restauré son autorité, le noble ne pourra être jugé que par un tribunal royal de rang suffisant, c’est le tribunal du bailli ou du sénéchal. Et les très grands seigneurs ne seront justiciables que du parlement de Paris. Le noble, dans cette société, a un rôle à jouer, son rôle est de combattre ; mais il a un autre rôle : il doit donner l’exemple par sa conduite et en cas de faute, il est frapper de pénalités aggravées, ce qui veut dire que pour une même infraction, le noble va supporter des amendes plus lourdes que celles dont les roturiers sont passibles. Le noble est exempté de charges fiscales et notamment de la taille. Pourquoi ? Parce qu’il paie l’impôt du sang, il protège la société.

Historiquement, quand on parle du statut du noble, ils sont exemptés de charges fiscales parce qu’ils protègent la société mais un jour, ils ne protègeront plus la société et on dira que «  les nobles ne protégeant plus la société, ne méritent plus cette exemption fiscale », autrement dit, ils deviennent un ordre privilégié au sens d’avantages immérités. Résultat : c’est la révolution.

Mais il y a une contrepartie à cette exemption : le noble a le devoir de vivre noblement ; cela veut dire qu’il y a des choses qui lui sont interdites et en particulier toutes les besognes à caractère

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économique, il est consacré au métier des armes. Il n’a pas le droit d’être marchands (activités mercantiques) et s’il fait du commerce, on dit qu’il « déroge » et s’il déroge, il perd la noblesse. Et il a un autre devoir : celui d’obéir à son seigneur supérieur. Un noble qui désobéit est félon. Une autre obligation : puisqu’il est chevalier, il doit respecter le code moral de la chevalerie ; celui qui ne respecte pas le code est dégradé d’une façon humiliante (on se réunit et on lui prend son épée qui est brisé en deux, on lui coupe les éperons ; ce sont des actes symboliques et cette cérémonie se déroule sur un tas de fumier).

Les nobles ont des droits mais aussi des devoirs, une façon de vivre. Seulement, au 14ème siècle, la noblesse se démilitarise, on se met à acheter des mercenaires. Cela veut dire que la noblesse n’assure plus ses charges anciennes et son statut devient privilégié au sens moderne, au sens d’avantages immérités. Cela veut dire qu’elle ne rend plus service au groupe comme avant mais elle conserve son statut.

L’organisation économique de la seigneurie et la condition des personnes connaissent des évolutions importantes. Ce sont des siècles de grande mutation. Plus encore, le renouveau économique, qui répand les préoccupations de profit, réagit sur l’armature sociale, c’est-à-dire sur la féodalité, sur l’organisation féodale. C’est un monde qui change.

Section III – La féodalité dévoyée par l’argent.Qu’est-ce qu’il en reste ? Comment évolue-t-elle ?

Jusqu’à la fin du 11ème siècle, la féodalité était dominée par la foi, par des règles morales. Elle va connaître des évolutions dans les dernières décennies du 11ème siècle. Dans la première période, le seigneur remettait à son vassal de façon assez systématique un fief. Et très vite, l’engagement du vassal (ou la vassalité) est inséparable du fief, c’est-à-dire qu’il y a une union entre l’entrée en vassalité et la remise du fief. Seulement, même s’il existe une union quasi systématique, jusqu’à la fin du 11ème siècle, en réalité, le fief ne joue qu’un rôle secondaire. En effet, entre le seigneur et le vassal, l’engagement est total ; c’est un engagement sans limite, c’est-à-dire que celui qui s’engage, normalement, n’attend rien de particulier. Le fief est un cadeau en quelque sorte. Ce n’est pas un devoir.

Au 12ème siècle, les choses changent mais apparemment, elles ne changent pas parce que le système se maintient et il se maintient avec toutes ses composantes, c’est-à-dire que l’on retrouve les deux acteurs, seigneur et vassal, le cérémonial (le rituel), les obligations réciproques et le fief. Seulement, quelque chose a changé mais c’est essentiel : c’est l’esprit, la mentalité. Pourquoi a-t-elle changé ? Parce que ce monde est envahie par l’argent et donc, le seigneur, celui qui va concéder le fief, recherche du profit et les vassaux, qui eux-mêmes recherchent le profit, cherchent à échapper à leurs obligations, à leurs contraintes. Et ce qui intéresse les vassaux dans cette société de profit, c’est d’augmenter, d’accroître le plus possible leur potentiel foncier, avoir toujours plus de terres. C’est une époque où le marché des fiefs s’ouvre à la bourgeoisie fortunée.

Et donc, le nouveau contexte économique retentit de façon considérable sur le contrat féodo-vassalique. Tout change en réalité parce que la notion de foi, qui existait initialement, s’affaiblie et le fief, qui était un cadeau, qui était relégué au second plan, dans cette relation, désormais, va apparaître au premier plan, il devient l’essentiel dans la relation féodo-vassalique. Cela veut dire que désormais le fief devient la cause, au sens juridique du terme, de l’engagement vassalique, c’est-à-dire que le vassal s’engage pour une raison bien précise, il s’engage pour recevoir un fief, tel fief. C’est le fief désormais qui détermine l’engagement. Et dans sa phase initiale, le contrat, qui contenait des engagements illimités, s’attachait principalement aux aspects militaires. Au 12ème siècle, c’est différent ; on a un acte juridique, un contrat dans lequel ce qui compte ce sont non plus les aspects militaires, ce sont les dispositions à caractère économique.

Ce changement d’esprit, les hommes comptent maintenant, débouche obligatoirement sur la règlementation du fait de ce changement. Autrement dit, à la féodalité de la première période que l’on

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appelait la féodalité de la foi se substitue la féodalité du droit. Et donc, la place essentielle prise par le fief réagit sur tous les aspects de la féodalité : d’une part, sur les règles de la concession du fief, et d’autre part, sur les relations entre le seigneur et le vassal.

§ 1 : L’évolution des règles de la concession du fief.L’évolution de ces règles concerne deux aspects : d’abord la nature du fief, de ce qui est remis mais

également la façon, les formes de la concession du fief.

A – La nature du fief.Autrement dit, qu’est-ce qu’un fief concrètement ?

Le fief est souvent ou encore de la terre qu’il soit un fief de concession ou un fief de reprise. C’est encore vrai au 11ème siècle mais à partir du 12ème siècle, le fief n’est pas forcément de la terre parce que les possibilités de dotation en terre ne sont pas indéfinies extensibles. Donc, les hommes ont imaginé d’autres moyens pour constituer les fiefs. Ils se sont attachés à des éléments incorporels. On pouvait concéder en fief des droits ; par exemple, tel seigneur va concéder en fief à un vassal le droit de percevoir une dîme. On lui concède le droit de percevoir les revenus d’un péage, d’un marché, d’une foire. Quelques fois, le fief est le versement d’une rente, une somme d’argent, que le seigneur créé sur les revenus de son domaine. On va parler du fief rente. Ce fief va connaître un essor considérable au 12ème siècle et c’est commode parce que le seigneur qui n’a plus assez de terres va concéder un revenu fixe à son vassal chaque année. Et les grands seigneurs vont très largement user de ce procédé et pour eux c’est très intéressant parce que cela va leur permettre de se constituer des réseaux vassaliques extrêmement puissants et une clientèle étroitement subordonnée (une terre n’est pas facile à reprendre alors qu’il est plus facile de suspendre un revenu).

On va aller plus loin puisqu’au-delà du fief rente, on en trouve de d’autres natures. On va trouver le fief fonction, autrement dit, des fonctions administratives productrices de revenus (des charges de prévaux, des charges de sergent). Peu à peu, le cadre féodal s’étend à toute l’organisation administrative. Finalement, la féodalité est bien loin de régresser aux 12ème et 13ème siècles, elle est tentaculaire, elle revêt différentes formes. Autrement dit, le contrat est le schéma intellectuel à partir duquel on fait énormément de choses. Il se produit une féodalisation croissante mais parallèlement, on remarque que les formes de la concession du fief évoluent elles aussi.

B – Les formes de la concession du fief.Le cérémonial de l’hommage et de la foi n’a pas disparu. Mais, ce rituel au 12 ème siècle passe au

second plan, de même que passe au second plan l’investiture, le cérémonial de la remise du fief. Autrement dit, que se passe-t-il à présent ? Se passe ce qui se passe dans toute société qui se modernise ; on substitue l’écrit au cérémonial et en effet, on prend l’habitude de rédiger un acte écrit, le contrat féodo-vassalique prend une forme écrite au 12ème siècle. Et au 13ème siècle, il va devenir obligatoire. Cet acte écrit est un procès verbal auquel on donne un nom : acte d’aveu et dénombrement. Cela veut dire que dans cet acte écrit, le vassal avoue tenir le fief de son seigneur. Dénombrement, cela veut dire qu’il énumère dans cet acte les fiefs, les terres qu’il a reçues. C’est un acte important.

Et c’est important parce que cet écrit va être la preuve de la concession, il traduit le déclin de la foi initiale et il nous montre, en définitive, le rôle majeur du fief dans les relations féodo-vassaliques.

Mais au-delà de ce premier aspect, ce qui change désormais, ce sont les relations entre les deux hommes.

§ 2 : Les nouvelles relations du seigneur et du vassal.Pour le vassal, désormais, le fief devient l’essentiel, c’est pour cela qu’il s’engage. Cette situation,

bien sûr, a d’importantes conséquences sur la relation. D’une part, ce qui est évident, c’est que le vassal est moins dépendant qu’auparavant de son seigneur, et d’autre part, il accroît ses droits sur son fief, un fief qui devient patrimonial.

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A – La dépendance réduite du vassal.Au départ, il s’engageait totalement, il dépendait du seigneur. Désormais, ce la veut dire que les

obligations, qui étaient illimitées au début, vont être limitées de la façon suivante : elles sont proportionnées à l’étendue du fief. Il y a un autre aspect : les sanctions, qui frappaient le vassal, sont moins lourdes qu’auparavant. Et désormais, et cela change la féodalité, un homme peut être vassal de plusieurs seigneurs à la fois. Et cela change tout.

1°) Des obligations vassaliques modulées en fonction de l’importance du fief.On réaffirme dans les contrats les obligations de la première époque ; on dit que les obligations sont

toujours des obligations négatives et qu’il y a toujours les obligations positives d’aide et de conseil. Justement, d’abord il y a une chose qui change énormément : l’obligation d’aide change, c’est l’obligation militaire qui est désormais précisée et limitée alors qu’au début elle était illimitée. Quand on dit qu’elle est précisée, on définie très précisément quel sera le service militaire d’un vassal. Ce service comporte trois aspects :

La garde du château ou l’estage ; La chevauchée : une petite expédition militaire dans un rayon limité ; La plus lourde : le service d’ost. Une véritable opération de guerre de longue durée, qui met en jeu des

intérêts importants.

Très vite, les hommes qui s’engagent vont négocier le contenu de cette aide. Les vassaux n’ont pas envie de passer trop de temps à la guerre. Au 12ème siècle, la durée de cette aide est précisée : la chevauchée, c’est tout au plus quelques jours ; le service d’ost va être limité à 40 jours dans l’année. Et puis, ce service militaire du vassal va être proportionné au fief, autrement dit, le vassal, qui a un grand fief, aura une obligation lourde, celui qui en aura un petit, aura des charges plus petites. Cette obligation proportionnelle au fief va déboucher sur l’établissement d’une hiérarchie des fiefs et une hiérarchie des titres nobiliaires. Autrement dit, on va dire la chose suivante : on va dire qu’au bas de l’échelle, on a les fiefs de chevalier qui ont le moins d’obligations (petits fiefs ; le vassal vient seul à la guerre avec son cheval et son armure), ensuite il y a le fief de châtelain (on vient avec quelques hommes), puis il va y avoir le fief de baron, puis le fief de vicomte, et le plus puissant, le fief de comte (qui vient avec des troupes beaucoup plus importantes, qui va venir avec ses nombreux vassaux pour porter main forte à son seigneur).

Un service militaire qui évolue dans le sens de la restriction qui est perçue de façon favorable par l’Eglise parce que celle-ci cherche à limiter les opérations militaires. Cette obligation militaire, vassalique, de toute façon, ne va pas cesser de se dégrader parce qu’on est dans une société monétarisée, de recherche de profit, et donc, les vassaux n’ont plus envie de perdre du temps à la guerre. Au lieu d’aller à la guerre, ils rachètent leur service militaire quand ils le peuvent et donc, ils versent une contribution au seigneur : on l’appelle le droit d’écuage. Et justement, avec cette contribution que perçoit le seigneur, ce dernier va acheter des professionnels de la guerre, des mercenaires (on va avoir des troupes de mercenaires au lieu de vassaux).

C’est une société qui se démilitarise et les services se dépersonnalisent.

L’autre forme est l’aide pécuniaire qui elle aussi varie en fonction de l’importance du fief. Il y a des vassaux fortunés et d’autres qui le sont moins. Et la coutume précise les circonstances justifiant le versement de cette aide, la liste des cas. Elle retient quatre cas regroupés en deux catégories :

Les circonstances liées aux nécessités de la guerre ; Les circonstances liées aux grands évènements qui rythment la vie de la famille seigneuriale.

- La participation à la rançon du seigneur prisonnier ;- La participation au financement du départ en croisade du seigneur ;- L’adoubement ;

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- Le mariage de la fille aînée.C’est la raison pour laquelle on va parler de l’aide aux quatre cas.

2°) Des sanctions matérielles limitées, liées à l’extension des droits du vassal sur son fief.Dans la première période féodale, jusqu’au 11ème siècle, lorsque le vassal ne respectait pas sa foi, son

engagement, il s’exposait à des sanctions très lourdes et notamment, la principale sanction était la reprise du fief. Cela n’était pas simple et souvent, les contractants entraient en guerre. A l’époque de la féodalité du droit, à partir du 12ème siècle, les familles seigneuriales et vassaliques s’enracinent et la reprise du fief par le seigneur, la commise, devient de plus en plus rare parce que c’est une sanction difficile à mettre en œuvre. Le seigneur parvient difficilement à la faire exécuter. Finalement, à partir du 12ème siècle, la commise s’applique exceptionnellement et elle est réservée aux cas les plus graves, aux atteintes les plus graves. Par exemple, le vassal a commis un attentat contre son seigneur, il lui a fait subir une injure grave ; dans ces cas-là, la reprise du fief se justifie. Et désormais, pour appliquer la commise, il faut apporter une preuve en justice, la parole du seigneur ne suffit plus. La sanction est appliquée par la cour féodale, par la cour des pairs.

Et puis il y a un trait majeur, c’est que désormais, la situation des vassaux a changé radicalement. Autrefois, un vassal s’engageait d’une façon totale donc il ne pouvait pas servir plusieurs seigneurs en même temps. Désormais, un vassal, qui n’a des obligations limitées du fait de l’importance de son fief, dispose de temps, de moyens pour s’engager auprès de plusieurs seigneurs. Et on comprend toute l’incidence de la sanction ; à partir du moment où un seigneur annonce la commise, le vassal a toujours les fiefs concédés par les autres seigneurs. Cela veut dire que la commise n’entraine plus de déclassement sociale, elle est moins lourdes de conséquences. Il n’est plus le vassal du seigneur qui a prononcé la sanction, mais il reste vassal des autres. Cela n’a plus beaucoup d’incidences, il reste membre de l’aristocratie, autrement dit, la commise est une rupture politique, un changement d’alliance. Autrement dit, désormais, l’efficacité de cette sanction est limitée.

Mais on va trouver, au 13ème siècle, dans une société qui s’est monétarisée, d’autres formes de sanction. On va trouver des sanctions moins définitives. Il y a une sanction qui s’applique de temps en temps qui s’appelle la saisie féodale ; c’est simplement une sanction provisoire, cela veut dire que le seigneur supérieur s’empare du fief et en perçoit le revenu, et si le vassal accepte de nouveau de remplir ses obligations, son fief est rendu. Ce n’est pas là l’essentiel.

Il y a une autre sanction qui s’applique plus fréquemment et qui concerne les fautes légères commises par le vassal : on confisque les biens meubles du vassal. On est dans une société où on recherche le profit et la recherche du profit, justement, incite les seigneurs contre lesquels une infraction a été commise par le vassal, à appliquer volontiers cette sanction à une époque où les familles nobles, les châtelains, mènent une vie beaucoup moins austère qu’auparavant. Les seigneurs recherchent des objets de luxe, alors si on peut s’emparer d’un patrimoine mobilier d’un vassal qui n’a été respectueux ou qui n’a pas rempli ses obligations, on le fait.

3°) La pluralités des engagements vassaliques, source de désordre dans les rapports vassaliques.Le schéma initial de la féodalité est que, en principe, la féodalité instaure une hiérarchie au sein de

l’aristocratie et par conséquent, comme elle est quelque chose d’ordonnée, elle doit générer l’ordre politique. Un homme devient le vassal d’un homme plus puissant que lui et ainsi de suite, et on remonte au plus fort qui sera un jour le roi. En réalité, à partir du 12 ème siècle, cela devient très complexe et confus. Pourquoi ?

Justement, l’engagement du vassal est désormais limité, est proportionné à l’importance du fief qu’il a reçu. Le vassal a du temps et il peut proposer ses services à plusieurs seigneurs. Et il va le faire puisque l’intérêt pour lui est d’avoir d’autres domaines. Autrement dit, à partir du moment où le fief est la cause de l’engagement, le schéma initial de la relation est perturbé, bouleversé. Le schéma initial peut se voir complètement inversé. La situation suivante : un puissant seigneur, en l’occurrence il s’agit du vicomte de Carcassonne, et ce seigneur convoite des terres. Mais ces collines appartiennent à un

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personnage qui, dans la région, a un modeste poids politique, c’est un seigneur ecclésiastique et qui dirige l’abbaye de la Grâce. Pour posséder ces terres, le puissant seigneur va se servir, va utiliser le cadre mental et juridique de l’époque, c’est-à-dire qu’il va utiliser le contrat féodo-vassalique. Et donc, le rapport est inversé ; le seigneur va accepter de devenir le vassal d’un plus faible que lui pour posséder ces terres et en l’occurrence, c’est donc le vassal qui assurera la protection de son seigneur plus faible que lui.

Les choses peuvent se compliquer parce que quand il y a une pluralité d’engagements, un grave problème peut se poser. Un vassal, qui s’est engagé par contrat auprès de plusieurs seigneurs dont deux d’entre eux se font la guerre. Qui le vassal va-t-il servir ? On a imaginé quantité de solution et vers 1150 se précise un système appelé le système de l’hommage lige, autrement dit, on établit clairement qui doit être le seigneur prioritaire. Tout vassal qui prête un hommage lige contracte vis-à-vis de son seigneur un engagement prioritaire et un engagement qu’il doit honorer avant tout autre.

Seulement, le système va aussi se dévoyer parce que les seigneurs, considérant que seul cet hommage a de la valeur, vont tous exiger un hommage lige. Et à terme, le procédé va devenir inefficace. A terme, il n’y a que le roi qui parviendra, au fur et à mesure qu’il reconquiert son pouvoir, à faire admettre que l’hommage qui lui est prêté doit être préférer aux autres, il reçoit des hommages préférentiels. Le système devient inopérant. La féodalité connaît des dévoiements.

Ce qui apparaît parallèlement, le vassal accroît ses droits sur son fief, il va devenir un bien patrimonial.

B – La patrimonialité du fief. Les droits du vassal sur le fief se renforcent. Le fief va devenir, entre le 12 ème et le 13ème siècle,

héréditaire et aliénable. Il se passe avec le fief ce qui se passe avec la censive. Le fief a tendance à devenir patrimoniale. Cela veut dire que les droits du vassal sur le fief augmentent, s’élargissent de deux façons. C’est comme la censive, le fief va devenir héréditaire et il va devenir aliénable.

1°) L’hérédité du fief.Au départ, la concession du fief était simplement viagère (le vassal détenait le fief le temps de sa

vie). Et très vite, cette concession va évoluer vers l’hérédité qui va d’abord se manifestait dans les grands principautés et ce dès le 10ème siècle. Et plus tard, les fiefs d’étendue moins importante vont enregistrer la même évolution. Cela veut dire que, finalement, l’hérédité du fief se généralise au 12ème siècle.

La situation est donc la suivante : si le vassal ne laisse pas d’héritier, le fief revient au seigneur. Dans le cas contraire, si le vassal a des enfants, dans ce cas, l’héritier du vassal décédé porte un nouvel hommage au seigneur qui a perdu la faculté de récupérer le fief. Et cette situation n’est pas gênante pour le seigneur, au contraire ; le seigneur, avec ce nouvel hommage, reçoit une contrepartie, une indemnité au moment de la succession, c’est-à-dire que le vassal paie un droit de succession : le droit de rachat ou droit de relief. Quelle est sa signification de ce droit ? Cela signifie que le fief laissait par le vassal défunt ne revient pas normalement à l’héritier mais que celui-ci doit en quelque sorte le racheter, se relever de son incapacité à posséder. La question est de savoir quel est le montant de ce droit ? Au début, le montant était négocié avec le seigneur puis il a été fixé en coutume à une année de revenu du fief.

Mais la situation n’est pas aussi simple. Si on admettait cette hérédité, sans réserve, cela pouvait, dans certains cas, apporter des perturbations dans cette relation ancienne (féodo-vassalique). Imaginons, hérédité sans réserve, que l’héritier en question ne soit pas pleinement capable, n’ait pas les aptitudes physiques pour rendre les services liés au fief (le service militaire, etc), qu’advient-il ? On part de l’idée qu’un vassal jeune est plus apte qu’un vieux, qu’il est capable de rendre le service militaire. Cela veut dire que sur le plan successoral, on va dire que si le vassal n’a pas de fils pour lui succéder, quel va être

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l’héritier prioritaire ? Il faut que ce soit d’autres descendants (peut-être un petit-fils ou un collatéral, frère, neveu, etc). Autrement dit, ces héritiers vont passer dans l’ordre successoral avant les ascendants (père ou grand-père). Autrement dit, dans un premier temps, la féodalité a exclu les ascendants. Il y a un adage en droit féodal : « fief ne remonte ». C’était l’idée de départ.

Cependant, au 13ème siècle, cette règle-là disparaît peu à peu, tombe en désuétude. A cette époque, la société se démilitarise.

Mais on peut penser à d’autres situations et il y a la situation de la femme. A l’origine, les femmes se voyaient interdire la possession d’un fief. Pourquoi ? La première raison est que, traditionnellement, le droit ancien, le droit franc, les exclue de la succession à la terre paternelle parce qu’on estime que ce sont des êtres faibles (elles ne peuvent pas participer à des opérations militaires) et par conséquent, elles ne peuvent pas rendre les services attachés au fief. Puis il y a une autre raison qui explique le rejet des femmes : le mariage de la femme peut faire passer le fief en des mains étrangères. Mais très vite, on va oublier tous ces arguments et très vite, la pratique va s’éloigner de cette rigueur primitive. Et très tôt, des femmes ont été admises à succéder au fief et même à succéder à des fiefs très importants de leur père (exemple : 1137, Aliénor d’Aquitaine succède à son père Guillaume 10 d’Aquitaine). Et la règle est d’application générale au 12ème siècle. A défaut de fils, c’est la fille qui va hériter, prêter l’hommage, autrement dit, le seigneur ne reprend pas le fief.

Cela pose une série de problèmes. Il y en a deux. Le premier a été facilement contourné : la femme doit prêter l’hommage, or il y a un rituel qui consiste à embrasser son vassal sur la bouche. On va dire tout simplement que le cérémonial aura lieu mais que la femme sera dispensée de cet acte (remplacé par le baiser de main). En revanche, il y a un problème plus important. La question est de savoir comment va-t-on sauvegarder les droits du seigneur ? Autrement dit, comment va-t-on remplir le service militaire ? La femme ne va pas rendre le service vassalique. Comment cela va se passer ? Si la vassale est mariée, son mari assurera les services vassaliques. Cela peut poser problème lorsqu’elle est célibataire ; elle peut se faire remplacer par un chevalier agréé par le seigneur qui va servir à sa place. Ce n’est pas une solution très satisfaisante, le seigneur préfère généralement que sa vassale soit mariée et par conséquent, il va l’inciter à se marier, parfois il va la contraindre en trouvant un mari qui sera un bon combattant. Et bien entendu, le seigneur se réserve toujours le droit d’agréer le futur mari (est-ce qu’il est apte à remplir les services militaires ? Est-ce qu’il convient au seigneur ?).

Que se passe-t-il au sujet de la dévolution du fief à un mineur ? On se retrouve confronter à un problème analogue. Tant que le fief n’était pas héréditaire, le seigneur reprenait le fief en cas de minorité de l’héritier.

Dans le cas contraire, le mineur peut succéder. Seulement, il peut succéder mais il n’est pas encore en état de porter les armes et donc de rendre les services militaires au seigneur. Par conséquent, on ne va pas le mettre en possession du fief tout de suite, on va sursoir, on va attendre sa majorité. Cela veut dire qu’il faut régler la situation du fief en attendant la minorité de l’héritier.

On va gérer de la façon suivante : il y a eu un système primitif et on y appliquait la garde seigneuriale. Cela veut dire que le seigneur assure la garde du fief jusqu’à la majorité du sous âgé et il n’y perd puisqu’il prélève les revenus du fief. En contrepartie, le seigneur s’occupe entretient l’enfant jusqu’à sa majorité. Et à sa majorité, le fief lui est remis contre la prestation de l’hommage et de la foi. C’est un système qui va subsister en Normandie. Mais dans la plupart des cas, il disparaît pour faire place à un autre système qu’on appelle le bail ou encore la garde noble. Le système est assez différent. Dans ce système, le plus proche parent du mineur, celui qu’on va appeler l’héritier présomptif, celui qui hériterait en cas de décès prématuré de l’enfant, assure la garde du fief mais par prudence, on ne lui confit pas l’enfant, auquel il pourrait arriver un accident, qui est confié à un autre parent de l’autre ligne (de la branche maternelle).

Il y a une autre situation : le vassal décédé n’a pas un ou une héritier(ère), mais plusieurs héritiers. Qu’arrive-t-il ? Il est évident que le seigneur n’a pas intérêt à ce que le fief soit démembré parce que s’il

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y a plusieurs héritiers alors que le fief n’est pas très grand, on va se retrouvait avec un nombre important de fief et les vassaux ne pourront pas subvenir à leurs besoins mais par conséquent, ils ne pourront pas s’équiper pour faire la guerre (donc peu d’hommes aptes à remplir le service vassalique). Et donc, les obligations vassaliques ne seront pas nombreuses. Donc, les seigneur vont combattre la pratique du partage, dans leur intérêt, et ils prennent l’habitude, dans les contrats de fief, d’introduire une clause, une disposition au terme de laquelle le fief ne doit pas être partagé mais doit passer à un seul héritier. Mais alors comment faire, comment peut-on organiser cette indivisibilité du fief ? On va y parvenir en imaginant deux systèmes : le système du Midi et le système du Nord.

Le système du Midi : on applique ce que l’on appelle la coseigneurie. Cela veut dire tous les frères qui sont héritiers d’un fief succèdent avec des droits égaux. On dit, par conséquent, qu’ils sont coseigneurs et donc, ils se partagent les revenus que procure le fief. Et concernant les services à rendre, ils les assurent à tour de rôle.

Le système du Nord : c’est plus simple. Le système de la coseigneurie n’existe pas. Ce qui prévaut dans le Nord, c’est le droit d’aînesse. C’est le premier né qui vient à la succession. Cette règle a d’abord été appliquée aux fiefs les plus importants, elle se généralise peu à peu et va connaître des modalités diverses d’applications. Les plus jeunes, ceux qui n’héritent pas, reçoivent de leur frère une compensation pécuniaire, de l’argent ou (et cela dépend de la taille du fief) ils héritent d’une terre ou d’un château.

Et à la règle de l’hérédité va s’adjoindre une autre : la libre disposition du fief. Le vassal va pouvoir, à un moment donné, l’aliéner.

2°) L’aliénabilité du fief.Vers la fin du 12ème siècle, avec la conception patrimoniale, l’aliénation devient possible et elle peut

revêtir plusieurs formes. Elle peut être totale ou partielle.

L’aliénation est totale lorsque le vassal vend son fief (pour financer un départ en croisade). Mais pour cela, il existe une procédure d’aliénation qui lui permet de se défaire de son fief, procédure devant son seigneur. On utilise un rite inverse de l’hommage, c’est-à-dire que le vassal procède à ce qu’on appelle la démission de foi, autrement dit, il rompt les liens qu’il avait avec son seigneur. Et ensuite, il se désinvestit de son fief. Il y a des formalités (à chercher). A ce moment-là, celui qui n’est plus vassal peut présenter au seigneur celui qu’il a choisi comme acquéreur du fief, le tiers qu’il a choisi. Un nouveau contrat est conclu entre le seigneur et l’acquéreur et avec toujours la double formalité de l’hommage et de la foi. Cette opération est fructueuse pour le seigneur parce qu’il exige de l’acquéreur un important droit de mutation qui s’élève au cinquième de la valeur du fief : le droit de Quint. Bien évidemment, on ne pouvait pas imposer au seigneur un vassal qui ne lui convenait pas et il pouvait faire valoir ses droits sur l’acheteur et donc, il pouvait reprendre le fief : la possibilité de retrait féodal.

L’aliénation partielle a toujours été combattue par les seigneurs parce qu’elle peut avoir des conséquences négatives pour le seigneur parce que si le fief est amoindri, démembré, il risque de ne plus être suffisant pour permettre à son titulaire d’assurer les services dus au seigneur. C’est la raison pour laquelle toute aliénation partielle (dite abrègement de fief) doit être préalablement autorisée, acceptée par le seigneur. Et quand on parle d’abrègement de fief, ce peut être la vente d’un morceau du fief, ou l’affranchissement d’un serf ou d’une communauté de serfs (cela peut correspondre à une diminution de la valeur du fief, autrement dit, aux serfs qui devaient des services et quantité de choses, on substitue des hommes libres ; le fait de concéder une charte de franchise à une ville, c’est aussi un abrègement de fief).

Conclusion : Les mutations économiques du 12ème siècle ont donc d’importantes répercussions sur les institutions du bas moyen-âge. Les cadres anciens, la féodalité en particulier et le régime domanial,

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sont touchés, mais en réalité les transformations de cette société sont bien plus profondes parce qu’à la même époque se forment des éléments de dépassement de la féodalité, en dehors du cadre féodal, c’est-à-dire qu’apparaissent des institutions qui affirment leurs spécificités, leurs particularismes, et des institutions qui s’opposent à la féodalité.

Chapitre II : Le dépassement de la féodalité : le mouvement urbain.

Avec des moyens différents et pour des raisons différentes, il y a déjà des institutions qui sont au-dessus de la féodalité ; il y en a deux qui s’opposent à la féodalité : l’Eglise et la royauté. Il y a des éléments d’affaiblissement de la féodalité.

Concernant l’Eglise, pendant des siècles, elle a vécu dans une ambiance féodale, elle a été contaminée par le régime féodal. Seulement, l’Eglise, dans cette société médiévale, joue un rôle sociopolitique très important. Et puis, elle dispose de moyens qui ne sont pas négligeables. Et donc, elle se distingue nettement du monde féodal. Il est essentiel pour cette institution de préserver sa personnalité, son identité.

En effet, beaucoup d’hommes d’Eglise considèrent qu’il faut, surtout après la réforme grégorienne, rester fidèle aux missions que l’Eglise s’est assignée dans les différents domaines (le domaine de la foi, mais aussi dans le domaine de la paix, de l’enseignement, le domaine du sauvetage de la culture antique, le domaine de l’assistance, du pouvoir et du droit). Pour conduire son action, l’Eglise dispose de solides moyens : un droit spécifique, une organisation hiérarchisée, un patrimoine considérable, d’excellents théoriciens et des forces intellectuelles qui lui valle la faveur des rois (les conseillers royaux sont souvent des hommes d’Eglise). Alors tous ces aspects là ont été abordés à un moment donné. L’Eglise, à son niveau, est source d’affaiblissement de la féodalité.

Pendant la période féodale, on a vu par quels moyens le roi s’est attaché à réduire les puissances féodales pour asseoir son autorité, pour agrandir son domaine. Et simultanément, en agrandissant son autorité et son domaine, le roi se fait des alliés de plus en plus nombreux, des alliés qu’avec le temps il va se subordonner en les gratifiant toujours de quelques faveurs. Qui sont-ils ?

Ces alliés, il les trouve principalement dans les rangs des roturiers, des hommes libres, et il use des moyens les plus divers pour se les rattacher. C’est ainsi que dès le 14ème et le 15ème siècles, la voie de la fonction publique est source de promotion sociale pour des milliers de roturiers. Autrement dit, ce sont des milliers de roturiers qui entrent au service du roi en qualité d’officier, et ces hommes vont occuper une position enviable. Et d’ailleurs, ces officiers, parce qu’ils exercent de hautes fonctions, vont finir par obtenir l’anoblissement, l’exercice de la charge élevée procure l’anoblissement.

Et donc, aux 14ème et 15ème siècles, on voit apparaître une nouvelle catégorie nobiliaire (la noblesse s’ouvre de nouveau) : on va parler de la noblesse de robe. Alors que l’ancienne noblesse, c’est la noblesse d’épée. On verra que les politiques royales à l’égard des villes s’inscrive aussi dans ces actions menées contre la féodalité.

Mais il existe un dernier élément de dépassement de la féodalité, d’amoindrissement de la féodalité dont l’étude n’a pas encore été abordée : les villes médiévales, ces villes qui, à partir du 11ème siècle, connaissent un bel essor, un réel développement et le seigneur va trouver dans ces villes de véritables adversaires. Ils vont s’opposer précisément parce que la seigneurie et la ville reposent sur des systèmes différents. Quels sont les éléments d’opposition ?

Le système seigneurial est adapté à la vie rurale puisque ce système repose sur la possession et l’exploitation du sol et avec la seigneurie, on est dans un système qui est relativement autarcique, fermée. La seigneurie est conçue pour se suffire à elle-même. Et la seigneurie a une justification : sa principale justification est d’assurer la défense de la population paysanne, une population de très faible densité.

Que représente le régime urbain ? Il est à l’opposé du précédent dans la mesure où la valeur sociale n’est plus la terre mais l’argent et l’argent s’obtient en développant les échanges commerciaux. Et par

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conséquent, l’économie de la ville, contrairement à l’économie seigneuriale qui est fermée, est ouverte, c’est une économie d’échanges. Et il y a un autre aspect beaucoup plus important, c’est que la présence seigneuriale pour les gens de la ville est de plus en plus une source de gêne parce que précisément l’économie urbaine est une économie d’échanges, une économie par conséquent qui a besoin de rapidité, qui rejette les entraves. Or, le seigneur, un peu partout, a instauré des entraves au commerce, il a instauré des péages sur les ponts, les rivières et les chemins, il lève des taxes quand les marchandises passent ; les péages freinent la libre circulation des marchandises, qui freinent le commerce. Et puis, si la présence du seigneur est une gêne, cette présence est désormais inutile pour une raison très simple : les villes n’ont plus besoin de protecteur parce que nombre d’entre elles sont abritées par une solide sature de remparts, elles organisent leur défense et à l’intérieur de la ville, les citadins organisent leur propre milice.

C’est pourquoi la ville ne s’accommode plus guère de la proximité du seigneur et entre les deux systèmes, il existe désormais un antagonisme très fort. Il existe désormais une identité urbaine de la ville et une identité urbaine qui se vérifie dans bien des domaines (sur le plan politique et administratif, sur le plan sociale et culturel, sur le plan économique et architectural). Tout oppose ces deux mondes.

Pour schématiser, la ville du moyen-âge présente trois aspects essentiels :- Les habitants des villes prennent conscience de l’inadaptation du système seigneurial à leurs besoins.

Par conséquent, des villes, en grand nombre, vont essayer d’échapper à la tutelle seigneuriale, c’est-à-dire que certaines villes vont réussir à acquérir une dimension politique. Cela veut dire que, de plus en plus, la ville est un lieu où s’exerce le pouvoir.

- Mais la ville n’est pas que cela. Elle va également servir de foyer, de lieu à l’expansion des connaissances, elle va être le lieu du renouveau culturel. Cela veut dire que la ville du moyen-âge qui est un lieu de pouvoir est aussi un lieu de savoir.

- La ville du moyen-âge devient le lieu où les artisans vont se fixer, le lieu où l’économie marchande va s’épanouir. C’est aussi un lieu de travail différent qui existait dans le domaine seigneurial.

Section I – L’émancipation politique des villes.La renaissance urbaine des villes qui démarre au 11ème siècle est un phénomène comme tant d’autres,

un phénomène européen. Et une renaissance qui est due à l’essor économique et à des facteurs démographiques. Ces villes se sont dépeuplées dans les siècles précédents alors elles se repeuplent au 11ème siècle avec le retour de la sécurité. Viennent s’installer en ville des artisans, des marchands, des ruraux en grands nombres qui espèrent trouver une activité dans la ville (ils fuient la campagne qui ne peut plus les faire vivre). Et ces villes se repeuplent tellement que les anciens remparts ne peuvent plus contenir la population. Alors des nouveaux quartiers (phénomène ancien) se construisent en dehors des murailles, du bourg (en dehors, foris, du bourg, burgus : foris burgus) : c’est l’apparition des faubourgs. C’est l’apparition des faubourgs. Les villes redeviennent des centres économiques et les échanges se multiplient avec le monde rural, un monde qui a besoin d’écouler sa production.

Un essor économique de ces localités qui s’appuie toujours sur un esprit d’association, un esprit qui développe la volonté émancipatrice de ces villes.

A partir du 12ème siècle, les artisans se regroupent en communauté de métiers, des communautés dotées de statuts et qui règlementent les professions d’artisan, autrement dit, l’esprit associatif se développe et cet esprit aura de très importantes incidences à tout point de vue.

En effet, ces pratiques associatives urbaines (confréries, ghildes, etc) ont favorisé le développement économique de la ville et en même temps, elles ont donné de la force au mouvement urbain, un mouvement appelé le plus souvent le mouvement communal, mouvement dirigé contre le seigneur.

Les bourgeois des villes, enrichis par le commerce et organisés dans le cadre d’associations, peu à peu, prennent conscience de leur force et ils souhaitent intervenir dans la vie politique et administrative

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de leur ville. Et pour cela, ils doivent se libérer, s’affranchir de la tutelle ancienne du seigneur, pour se prendre en charge. Ils aspirent à des responsabilités politiques et administratives.

Selon les circonstances, selon les lieux, selon les rapports de force locaux, les villes vont obtenir plus ou moins complètement leur émancipation ou rester dépendantes.

§ 1 : Les caractères du mouvement communal.Dans le mouvement communal, il y a une connotation politique. C’est en quelque sorte une prise de

conscience collective ; les habitants des villes du moyen-âge prennent conscience de leur identité. Ils sont différents des autres, ils n’ont pas les mêmes intérêts que le seigneur. Ils savent qu’ils sont ceux qui réussissent économiquement. Ils ont donc conscience d’eux-mêmes et cela leur donne de la détermination. Et donc, un peu partout, vont s’exprimer des mouvements contestataires et avec une vigueur quelques fois très importante qui va se communiquer d’une ville à l’autre, d’une région à l’autre. Et ceux qui apportent les nouvelles sont les marchands (ils véhiculent les idées).

Que réclament les hommes des villes ? Des allègements d’impôt et un statut juridique spécifique adapté à leur genre de vie urbain. Et ils réclament pour leur ville une organisation administrative propre. Donc, se développe un peu partout en Europe un mouvement qui émane de ces hommes libres, un mouvement de revendication dans toutes ces villes du moyen-âge.

Comment ce mouvement s’est exprimé ? Comment ont réagi ceux qui exercent leur tutelle ? Comment le roi réagit-il ? Face à ce mouvement, les seigneurs ont réagi ; leurs réactions ont pris des formes variées et le roi a réagi à sa façon, d’une façon plus ou moins opportuniste.

A – Les attitudes variées des seigneurs.Si le seigneur réagit, c’est qu’il apprend à un moment donné qu’il y a dans une des villes de sa

seigneurie un mouvement de revendication et il apprend parce que le plus souvent, il est saisi des requêtes de la collectivité. Généralement, il n’a pas trop le choix, il accepte de dialoguer et aux termes de discutions, il finit par accorder des privilèges. Quelques fois, les négociations sont longues. Et le seigneur a pu se dire que son attitude conciliante à l’égard de la ville lui sera profitable ; il se dit que l’essor, le développement de la ville aura pour lui, à terme, des retombées fiscales intéressantes, il percevra beaucoup plus d’impôts s’il y a plus de monde et pour cela, il doit concéder des privilèges. Il y a donc un profit futur escompté.

Mais il y a autre chose : la concession de privilèges, de libertés procurent parfois au seigneur un bénéfice immédiat. Le plus souvent, il vend les privilèges. Il agit par esprit de gain.

Mais il n’y a pas que cela. Si le seigneur accorde des privilèges, c’est peut-être aussi parce qu’il est animé par des intentions politiques. Cela veut dire qu’il manifeste une intention libérale (il accepte d’accorder des privilèges) pour éviter, peut-être, une crise éventuelle, un affrontement armé avec la population (ce qui serait préjudiciable à tout le monde). Dans cette stratégie politique seigneuriale, le seigneur sait aussi que les villes représentent un potentiel militaire, elles peuvent devenir si on leur accorde des privilèges, des alliées. Et elles peuvent constituer, à l’occasion, de solides bastions défensifs. Il y a une multitude d’avantages si le seigneur accepte de concéder des privilèges.

Dans ces hypothèses, qu’il s’agisse d’un octroi de privilèges gratuit ou moyennant finance, le mouvement d’émancipation revêt un caractère pacifique. Dans de nombreuses régions françaises, ce mouvement a été pacifié ; par exemple, dans le Sud-Ouest de la France, il n’y a jamais eu de conflits avec le seigneur ou même dans le centre. C’est dans le Nord et dans l’Est de la France que cela s’est moins bien passé.

Le mouvement a été assez fréquemment violent ; il a pu revêtir dans ces régions un caractère insurrectionnel. Dans ces régions, la féodalité est beaucoup plus développée et le seigneur refuse de négocier. Alors comment venir à bout de cette autorité seigneuriale ? Dans certaines villes du Nord, comme la ville d’Amiens, de Lans, de Cambrai, d’Arras, le mouvement a été insurrectionnel. Ce sont les schémas pacifiques qui prédominent.

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B – L’attitude opportuniste du roi.L’attitude du roi varie selon la localisation des villes, selon que les villes sont situées dans son

domaine ou, au contraire, sont des villes situées sur des territoires seigneuriaux. Il y a donc deux situations.

Pour ce qui est des villes du domaine :Le roi est chez lui et il veut donc éviter les troubles. Alors il agit de la façon suivante : il fait en sorte

de n’accorder aux villes de son domaine aucune véritable autonomie, aucune liberté politique. Pourquoi ? Parce que cela aurait pour résultat de diminuer son pouvoir. On est à une époque où les Capétiens partent à la conquête de l’autorité, ils veulent reconstruire leur pouvoir perdu contre les seigneurs. Dans ces conditions, les villes du domaine ne se voient pas accorder ces privilèges là mais on leur donne quelque chose. On leur accorde des privilèges mais qui sont limités (ils reçoivent des chartes) ; par exemple, ils reçoivent des privilèges économiques, fiscaux (et c’est ce qui intéresse le plus). Les villes restent sous tutelle royale.

En revanche, lorsqu’il s’agit de cités relevant de seigneurs rivaux du roi :Le roi a une attitude inverse : il encourage le mouvement d’émancipation des villes. Il veut faire des

villes, en quelque sorte, ses alliées contre les seigneurs. C’est là un moyen qui s’inscrit dans la politique d’ensemble du Capétien ; il s’agit pour lui de construire l’Etat royal et pour construire cet Etat, il est nécessaire d’affaiblir les autres formes de pouvoir, il faut affaiblir le pouvoir seigneurial. Et donc, pour cela, il lui faut devenir l’allié objectif des bourgeois.

L’autorité du roi en sera d’autant plus renforcée, accrue que le soutien qu’il apporte aux villes lui permettra un jour mais beaucoup plus tard, lorsqu’il aura reconstruit son autorité, de s’ingérer, de s’intéresser aux affaires des villes, de mettre sous tutelle ses anciennes alliées autrement dit.

§ 2 : Les structures urbaines.Les villes du moyen-âge n’ont pas les dimensions que nous leur connaissons aujourd’hui, le monde

médiéval est très peu peuplé. Il n’y a que quelques grandes villes : Paris (50 000 habitants, ce qui représente une ville moyenne aujourd’hui), Toulouse (12 000 à 15 000), Bordeaux (10 000 à 12 000). La vie urbaine (ou citadine) est en fait une mince frange de la population. Cependant, ce phénomène urbain va avoir une très grande importance, une immense portée parce que la ville va véritablement devenir le centre nerveux de la vie régionale et vraiment, elle se distingue désormais du simple village et elle s’en distingue à plusieurs points de vue : sur le plan de sa structure sociale et sur le plan de sa structure politique.

A – La ville, nouvelle structure sociale.Au 12ème siècle, chaque ville devient une réalité socio-juridique, c’est-à-dire que chaque ville se

distingue bien du reste parce que la ville possède un droit qui lui est propre. Jusque là, il y avait des groupes dans la société qui avait un droit spécifique : les nobles avaient un statut juridique, les hommes d’Eglise avaient leur statut privilégié. Désormais, les citadins, les bourgeois des villes ont leur propre statut qui les sépare des masses paysannes assujetties. Et ce droit est consigné dans un texte, dans une charte dans laquelle sont énumérés les droits obtenus par la négociation ou par la force, par les bourgeois et cette charte est très importante parce qu’elle va être la loi de la ville qu’il va falloir respectée.

Cette charte se présente toujours comme un acte unilatéral et émanant de la seule volonté du seigneur. En réalité, cette charte traduit l’accord passé après négociation, entre les parties, entre le seigneur et les bourgeois. Ces chartes urbaines sont très nombreuses, il en existe des centaines et leur contenu est très varié. Mais, quand même, on retrouve toujours la même tendance ; il se dégage de ces texte une tendance commune concernant la condition, les droits, les obligations des habitants. Les chartes se présentent comme une succession d’articles souvent désordonnée.

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Il s’agit toujours de mettre fin aux anciennes subordinations seigneuriales ou alors de réduire la tutelle ancienne. Cela veut dire que ces nouveaux privilèges, ces libertés accordées dans la charte, ces franchises apparaissent comme une rupture avec les pesanteurs du passé. Seulement, pour acquérir ces libertés, pour en bénéficier, il faut quand même remplir des conditions, il faut acquérir le statut de bourgeois et cela n’est pas automatique.

1°) Les libertés municipales.On retrouve toujours dans les différentes chartes municipales. Elles sont présentées de façon

désordonnées. Ces libertés sont multiples et il faut les classer. Les juristes les classent de manière astucieuse.

a) Du point de vue civil. Quelles sont ces libertés ?La condition des personnes connaît de profondes transformations. Adage médiévale : « l’air de

la ville rend libre ». La population citadine est formée d’hommes libres, c’est-à-dire qu’elle est formée de roturiers à l’exception de quelques nobles dans certaines citées. Et les contraintes relatives au servage ont disparu, c’est-à-dire que dans la ville du moyen-âge, il n’y a pas de formariage ni de mainmorte. Les citadins peuvent se marier librement, ils peuvent transmettre leurs biens librement. Ils peuvent, de leur vivant, contracter. Ils peuvent se déplacer où ils veulent. Ils peuvent transporter leurs marchandises en toute liberté.

b) Les charges militaires. Les charges militaires connaissent de sensibles allègements. D’ailleurs, souvent, elles sont totalement supprimées. Et quand ces charges subsistent, les convocations à l’armée sont réduites à quelques jours dans l’année avec toujours l’assurance pour les habitants de pouvoir rentrer chez eux chaque soir. En réalité, la principale obligation militaire de l’habitant de la ville est de participer à la défense militaire de la ville parce que les villes du moyen-âge organisent leur protection, elles ont une milice locale. Et puis, il faut aussi assurer la surveillance des remparts autours de la ville, tous les bourgeois valides vont assurer ce service.

c) L’abaissement de la fiscalité seigneuriale. Certaines villes reçoivent des avantages très importants. Certaines obtiennent la suppression de la taille que dans les textes on appelle la queste. Plus fréquemment, la taille ne disparaît pas complètement, elle subsiste mais quand elle subsiste, on dit que son montant est abonné : cela veut dire que le montant de la taille n’est plus arbitraire, il est définie.

En ce concerne la fiscalité indirecte, elle s’allège. Cela veut dire beaucoup moins de banalités, les redevances seigneuriales diminuent. Globalement, il y a un allègement de la fiscalité ancienne. Mais il faut bien que la ville vivent, puissent développer ses infrastructures, une autre fiscalité se développe parce que les villes ont besoin de ressources, de couvrir leurs dépenses et donc, pour les couvrir, elles doivent instaurer des taxes spéciales. Autrement dit, il y a une fiscalité urbaine qui va se développer.

d) Les garanties judiciaires. Parmi ces villes, certaines sont restées sous tutelle, la liberté n’est pas la même pour toutes. D’autres villes ont réussi à devenir autonome, à se débarrasser de la tutelle seigneuriale. Dans des villes qui ont réussi, que se passe-t-il au niveau de la justice ? Les bourgeois ont leurs propres tribunaux, ils ne dépendent plus de la justice du seigneur. Dans les villes restées dépendantes, le tribunal seigneurial reste compétent mais quand même, même dans ce cas, les bourgeois, désormais, obtiennent des garanties de bonne justice.

Quelles sont-elles ? L’habitant capable de fournir une caution suffisante échappe à l’arrestation préventive, il se présentera à son procès (celle qu’on retrouve le plus dans les chartes). L’autre question concerne les amendes : le montant des amendes infligées n’est plus arbitraire, il est tarifié. C’est une rupture avec les pratiques seigneuriales (le montant était discrétionnaire). Dans la ville, les modes de preuve archaïques disparaissent, autrement dit, les ordalies sont remplacées par des preuves rationnelles (l’écrit par exemple). Il y a une autre garantie judiciaire : le jugement n’a plus lieu au château, il a lieu

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dans la ville. Cette panoplie de garanties judiciaires vient conforter les libertés individuelles des bourgeois.

Mais qui va bénéficier de ce statut ? Le nouveau résident était antérieurement un homme de la campagne, d’une autre ville. Pour devenir bourgeois de cette ville et bénéficier des garanties, il va falloir remplir des conditions.

2°) L’acquisition de la qualité de bourgeois.L’entrée en bourgeoisie n’est pas automatique. Etre bourgeois, cela veut dire avoir acquis un statut

social et juridique au moyen-âge et donc le postulant doit remplir plusieurs conditions. Quelles sont-elles ?

a) L’obligation de résidence. Le bourgeois est rattaché à une ville déterminée et une ville qui lui donne sa qualité, son statut.

Cela veut dire que lorsqu’il arrive dans une ville déterminée, il n’est pas encore bourgeois (il pouvait être bourgeois d’une autre ville mais quand il la quitte pour aller s’établir ailleurs, il perd cette qualité).

Dans la mentalité médiévale, on estime que la condition de bourgeois se mérite, cela veut dire que cette condition ne peut pas être acquise instantanément. Pour l’acquérir, le nouveau bourgeois va devoir effectuer un stage, une période pendant laquelle il va démontrer sa volonté de s’établir durablement dans la ville et de vivre comme les autres bourgeois. Il va montrer sa volonté de s’intégrer dans une communauté, accepter l’intégration où finalement tous se connaissent et où il y a une convergence d’intérêts économiques et politiques et sociaux. Il y avait une durée : la condition d’un an et un jour. Et au bout de cette durée, il peut devenir bourgeois.

Seulement, pour cela, on exige de lui bien davantage.

b) L’exigence d’un certain niveau de fortune immobilière. Cela veut dire que l’indigent, le pauvre ne pourra pas entrer en bourgeoisie et les statuts, les

chartes, bien souvent, imposent au futur bourgeois de faire bâtir une maison ou d’acheter une maison bâtie dans la ville. Et une maison d’une certaine valeur. On peut s’interroger sur les raisons. Il existe un profil du bourgeois : c’est celui qui manifeste des aptitudes à l’enrichissement, par son activité commerciale et à la vie des affaires.

Il y a une autre raison à cette obligation d’avoir une maison dans la ville ; en effet, l’existence d’intérêts immobiliers dans la ville symbolise en quelque sorte le caractère permanent de l’attache du bourgeois à la ville. Et il y en a une dernière : cet homme qui s’est installé, que va-t-il faire de sa vie ? Il va devenir artisan, ou marchand. Mais il peut faire de mauvaises affaires et sa maison servira de garantie à ses créanciers qui la saisiront.

c) L’adhésion au droit municipal. La charte est la loi de la ville et il est normal que le nouveau résident adhère à ce droit. Il va

appartenir à une communauté qui obéit à ce droit. Pour cela, on va faire prêter serment au nouveau bourgeois ; dans ce serment, il s’engage à respecter le droit en usage. Et ce serment s’accompagne du versement d’une somme qui correspond à un droit d’entrée du nouveau bourgeois dans la communauté et ce droit d’entrée, qui varie d’une charte à l’autre, est versé aux autorités municipales.

Les villes du moyen-âge présentent un particularisme social et juridique qu’elles prolongent d’ailleurs d’une dimension politique.

B – La ville, nouvelle structure politique.Le schéma précédent pourrait être adapté aux différentes villes. En revanche, sur le plan politique, les

statuts montrent que l’organisation politique et administrative des villes est très variée. C’est-à-dire que sur le plan politico-administratif, chaque ville constitue un cas d’espèce, chaque ville a sa structure

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particulière. Alors les historiens ont pris l’habitude de classer ces villes sur ce plan et ils ont dégagé trois catégories de ville :

- Les villes de franchise ;- Les villes de consulat ;- Les villes de commune.

La première distinction que l’on peut faire est la suivante : les villes de franchise sont des villes qui ont des franchises mais qui ne sont pas autonomes politiquement et administrativement. Ce sont des villes qui restent soumises à l’autorité du seigneur. Alors que les autres, communes et consulats, ont quand même un principal point commun : elles sont parvenues à une autonomie importante, ont réussi à se libérer partiellement ou totalement de l’autorité ancienne. Cela veut dire que ces villes ont leurs structures propres administratives, ce sont des citées qui prennent leur destin en main, qui sont des centres de pouvoir. 1°) Les villes de franchises   : des villes soumises à l’autorité du seigneur.

Ce sont des villes qui ont des statuts juridiques mais le statut juridique de ces villes de franchise résulte toujours de l’initiative seigneuriale. Et dans cette première catégorie, le seigneur local conserve son pouvoir traditionnel, son pouvoir de ban, c’est-à-dire que ce seigneur conserve sur la ville des prérogatives d’administration, de justice. Cela veut dire qu’il a dans la ville un agent qui exerce un pouvoir délégué, le prévaut, autrement dit un homme qui incarne sur place l’autorité seigneuriale.

D’ailleurs, ces villes de franchises sont aussi appelées les villes de prévauté. Ces villes sont les plus nombreuses dans le royaume, leur effectif domine, dans de nombreuses régions de France, en particulier, sur le domaine royal, il n’existe que ce type de ville. Mais il en a un grand nombre en dehors du domaine. Exemple : la ville d’Angers, d’Auxerre, de Bourges, de Tours, d’Orléans. Il y a une ville qui est sur le domaine royal et qui a son importance, Lorris-en-Gâtinais. Et puis, la ville de Paris est une ville de franchise mais elle a un statut particulier.

Ces villes ne bénéficient d’aucune liberté politique, cela veut dire qu’elles ne sont pas des personnes morales et elles restent rattachées comme par le passé à la seigneurie, au domaine seigneurial, sous l’autorité du prévaut. Il arrive quand même que certaines possèdent un début d’organisation administrative ; elles ont des sortes de conseillers municipaux mais sous l’autorité du représentant seigneurial, du prévaut. Elles doivent avoir un corps de ville avec des représentants municipaux mais elles restent subordonnées, elles ne sont pas autonomes : c’est leur grande caractéristique.

Exemples de villes ayant une organisation municipale : la ville de Beaumont-en-Argonne a obtenu une charte en 1182 et la charte prévoit que la ville aura un collège de douze syndiques et ces représentants municipaux sont élus par l’assemblée des habitants.

La ville de Paris : l’autorité est détenue par un personnage, le prévaut de Paris qui est représentant du roi. Cependant, Paris a un statut très particulier parce qu’alors que l’autorité est détenue par le prévaut, il existe une organisation de marchands, ces marchands sont organisés dans le cadre d’une hanse, dite des marchands de l’eau : c’est l’association corporative la plus puissante de la ville et ces marchands parviennent à s’affirmer comme les portes paroles de la bourgeoisie parisienne. A la tête de la hanse, il existe un prévaut des marchands qui est assisté de quatre personnages, les échevins, qui sont élus par l’assemblée des marchands et ils en arrivent à constituer une véritable municipalité parisienne dès la f-13ème siècle. Et une municipalité qui va avoir des attributions en matière commerciale et économique. Cette hanse a des armoiries qui restent aujourd’hui les armes de la capitale (un bateau, une nef toujours à flot). Mais à Paris, le droit de justice et le pouvoir de contraindre restent au représentant du roi, au prévaut du roi.

Ces villes sont dépourvues de personnalité juridique puisqu’elles restent sous l’aumédiance des seigneurs. Mais évidemment, elles sont quand même assez différentes des villes d’autrefois, traditionnelles dans la mesure où même si elles restent administrativement, politiquement dépendantes,

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le seigneur local ou le roi ne peut pas faire autrement que de leur accorder certains privilèges, certaines exemptions. Sinon, si l’autorité ne donnait rien, les citadins partiraient vers d’autres lieux offrant des privilèges, les citadins s’allieraient. Ces privilèges qui sont accordés aux citadins par le seigneur sont des exemptions fiscales principalement, des libertés économiques, des privilèges militaires, judiciaires.

En résumé, la ville de franchise n’est pas autonome ; par conséquent, elle n’a pas de personnalité juridique, elle ne s’administre pas elle-même mais elle a quand même des privilèges à caractère économique.

Les chartes concédées à ces villes de franchise fixent le degré de l’emprise seigneuriale et elles contiennent une énumération des privilèges urbains.

La charte de Lorris-en-Gâtinais a été accordée par le roi Louis 7 en 1155 et c’est une charte qui va connaître une large diffusion et elle servira de modèle à une centaine de petites villes. La charte de Beaumont-en-Argonne sera également reprise par des dizaines de localités de Champagne et de Lorraine.

2°) Communes et consulats   : des villes autonomes. Ces villes de communes, de consulats, que l’on présente comme des villes autonomes

politiquement et administrativement, ont obtenu, tantôt par la force, tantôt par la persuasion, le privilège d’accéder à une entière personnalité juridique. On va dire que ces cités sont des personnes morales et plus précisément des collectivités de droit public. Et ces collectivités se gouvernent elles-mêmes, sans intermédiaire seigneurial. Ces agglomérations autonomes sont dénommées communes ou consulat. Mais les deux catégories présentent des différences.

a) Les villes de commune. * L’origine des communes.

Ces communes, on les rencontre dans des régions où le commerce est actif, dans les régions où la prospérité est la plus grande. Ce sont des régions où les bourgeois obtiennent de nombreuses garanties contre l’arbitraire seigneurial. Il s’agit surtout du Nord et de l’Est de la France (la Picardie, la Flandre, l’Artois). Des régions où la féodalité est demeurée très rigoureuse et dans ces régions, l’autonomie a été acquise parfois par la force à la suite d’une insurrection, parfois par l’argent.

En effet, dans ces villes du Nord, souvent, les habitants des villes ont eu à souffrir pendant longtemps des abus, des exactions des seigneurs ou de leurs représentants. Peu à peu, les habitants de ces villes, en prenant de la force, s’organisent et ils créaient des organisations urbaines puissantes, des organisations qui ont pour objectif de protéger ces marchands et leur famille, ainsi que leurs biens. Ce sont de véritables associations de paix : faire régner la paix. Elles prennent un nom : les « conjuratio ».

Les membres de ces associations s’engagent par serment à vivre en paix entre eux et le cas échéant, à se battre contre le seigneur local jusqu’à l’obtention de la liberté. C’est la raison pour laquelle, pour désigner ces villes, on parle de communes jurées. Ces associations sont de véritables groupes d’auto-défense et qui ont, à l’origine, un caractère antiseigneurial très marqué et les gens appartenant à ce groupe urbain ont tous le même profil, bourgeois, marchands, etc. Les nobles et les clercs sont exclus de la commune.

* L’administration de la commune.La commune est une personne morale de droit public et donc une personne morale qui a réussi à

se libérer de l’autorité seigneuriale. La commune va donc s’administrer elle-même, elle va se doter d’une forme de gouvernement. La direction des affaires de la ville est confiée à deux organes caractéristiques ; dans chaque commune, il y a un maire et un corps de ville (conseil municipal).

Le maire préside le corps de ville et il est désigné selon des modes très variables de ville à ville, il peut être élu, coopter, désigner par le sortant. Son rôle est de convoqué le corps de ville et de présider les séances. Il représente en toute circonstance la ville, cela veut dire que la ville est amenée à passer des actes juridiques qui sont scellés : c’est le maire qui détient les sceaux de la ville. La ville est entourée de

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murailles, il y a donc des portes : c’est le maire qui a les clefs des portes. La ville se protège, elle a sa garnison militaire, sa milice : c’est le maire qui commande la milice.

Le corps de ville est composé d’un nombre variable d’hommes qui se réunissent en conseil en fonction de l’importance de la ville. En fonction de l’importance de la ville, ils sont de 12 à 24 et sont de noms variables : les jurés, les échevins, les jurats. Ils sont élus selon des modalités variables et quelques ils ne sont pas élus, ils sont désignés par les sortants. Quelques fois, ils sont élus par un collège restreint ; dans d’autres villes, ils sont élus par l’assemblée générale des chefs de famille. Il prend des décisions d’ordre administratif, judiciaire et les membres de ce corps municipal appartiennent tous aux familles bourgeoises.

* Les attributs de la personnalité morale.Quels sont les signes concrets révélateurs de cette personnalité morale ? La commune doit

authentifier ses actes ; elle a un sceau et la possession du sceau implique la capacité juridique = la preuve que la ville a la personnalité juridique. Elle a aussi une boîte qui permet de centraliser les recettes municipales, une caisse qui symbolise l’indépendance financière de la ville. Et puis, il y a un bâtiment qui est l’hôtel de ville et au-dessus, il y a une petite tour, le beffroi, qui est le témoignage de la puissance militaire et dans cette tour, il y a une cloche qui sert à appeler les bourgeois aux assemblées, aux armes. Elle a les clefs des portes qui sont un signe d’autonomie. Lorsqu’un prince, un seigneur s’empare de la ville, on lui remet solennellement les clefs de la ville.

En réalité, il n’en est rien.

* La commune, seigneurie collective.La commune apparaît comme une seigneurie collective ; cela veut dire que la ville de franchise

est incorporée dans la seigneurie alors que pour la commune, c’est différent. La commune constitue à elle-seule une seigneurie collective.

La conséquence est qu’une telle assimilation, cela veut dire que désormais, la ville est incorporée au système vassalique et on retrouve finalement le schéma traditionnel ; elle est comprise dans la vassalité d’un seigneur supérieur. C’est-à-dire que les chefs de la commune, maire, conseil municipal, doivent l’hommage et la fidélité comme vassaux à un seigneur supérieur. Et ils doivent rendre des services : le service d’ost, l’aide au conseil, l’aide au quatre cas (l’aide financière).

Et comme c’est une seigneurie collective, la commune exerce sur son territoire l’ensemble des droits féodaux, c’est-à-dire que ces autorités édictent des règlements. La ville, comme tout seigneur, a sa propre juridiction, sa haute justice, et les juges st les membres du corps municipal. Sur le plan militaire, la commune est maîtresse de sa milice, elle l’organise et puis, elle a la maîtrise de ses finances, a des ressources et s’occupent de l’infrastructure urbaine, des améliorations à apporter à la ville. Elle ressemble à une seigneurie.

b) Les villes de consulat. Les villes de consulat qui sont quelque peu différentes des communes.

* L’origine des consulats.Il y a une différence avec les communes parce que la formation des villes de consulat est plus

tardive que celle des communes. Ce sont des villes qui se multiplient alors que les communes apparaissent dès le d-11ème siècle. On les appelle les villes de consulat et le régime de ces villes a été inspiré de celui des cités de l’Italie du Nord.

Et c’est la raison pour laquelle le système des consulats se diffuse d’abord dans le Midi de la France : Béziers, Montpellier, Nîmes, Harles. Et le système des consulats va s’étendre dans des régions plus lointaines, en particulier, on va trouver de nombreux consulat dans le Sud-Ouest de la France, dans des villes comme Périgueux, Brive, dans des villes qui ont le statut de consulat. Les consulats vont également toucher la vallée du Rhône, les Alpes, le Massif central, la ville de Toulouse.

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L’influence italienne est une explication mais à l’origine des consulats, il n’y a pas seulement cette influence ; en effet, les consulats français sont nés d’une évolution du régime seigneurial. Cela signifie que dès le 11ème siècle, les seigneurs du Midi s’entourent pour gouverner leur seigneurie de notables urbains appelés les consules, des hommes qui vont avoir des tâches d’administration et de justices. Peu à peu, au fil du temps, ces notables vont réussir à écarter d’une façon pacifique, plus ou moins, l’autorité seigneuriale et peu à peu, ils vont réussir à doter leur ville d’une personnalité juridique.

Mais, à la différence de nombreuses communes, les consulats sont toujours issus d’un mouvement pacifique et c’est la raison pour laquelle leur autonomie politique est parfois moins complète que dans les communes. Dans les consulats, il n’y a pas de « conjuratio » parce que dans le Midi, le régime seigneurial n’était pas très rigoureux et le seigneur s’accommodait de collaborer avec les citadins. Dans les consulats, on ne trouve pas le caractère exclusif de la commune, c’est-à-dire que dans le consulat, on va trouver des nobles, des clercs à côté des bourgeois. Et d’ailleurs, il apparaît que des postes de magistrats municipaux sont souvent réservés à des nobles.

* L’administration du consulat.La structure du consulat se présente généralement de la façon suivante : dans le consulat, on

trouve une assemblée générale des habitants, ce sont les chefs des principales familles nobles et bourgeoises. Elle délibère sur les affaires les plus importantes de la ville.

Il existe un conseil plus restreint et c’est un organe qui choisie le plus souvent les chefs de la ville qu’on appelle consules et les consules constituent donc le troisième organe ; ils sont l’équivalent du maire. A Toulouse, ce sont les capitouls. Ils représentent l’organe exécutif de la ville et leur nombre varie selon l’importance de la ville ; il y en a de 12 à 24 ; ils sont désignés pour une courte période.

Les consulats n’ont pas de maire. Les consules qui jouent le rôle du maire sont dotés de pouvoirs égaux et aucun n’a de préséance sur les autres ; simplement, le corps consulaire qui décide est présidé par chaque consule à tour de rôle. Et ces consules dirigent la ville, les rouages gouvernementaux de la cité.

Ces consulats, comme les communes, sont des personnes morales de droit public qui sont dotés des attributs de la personnalité morale et ils sont aussi comme les communes des seigneuries collectives, autrement dit, les consulats eux-aussi sont compris dans la pyramide féodale ; ce qui diffère, c’est l’origine et l’organisation de la ville. Ces villes ont un caractère apparemment plus démocratique que les communes ; elles regroupent une population diversifiée réparties dans les différents quartiers.

En réalité, le pouvoir dans ces consulats restent aux mains de quelques familles. D’ailleurs, au 13ème siècle, le régime du consulat est souvent déchiré par des factions internes, les familles s’opposent et quelques fois aussi au petit peuple. Pour sortir de la crise, on fait appel à un personnage, le plus souvent étranger à la ville, le podestat, qui se substitue pendant un an environ au pouvoir consulaire incompétent et il devient le chef unique de la ville.

Conclusion   : On a donc vu les traits principaux du mouvement communal, un mouvement qui s’inscrit dans un

contexte favorable. Aux temps prospères des 12ème et 13ème siècles, répondent les épreuves des 14ème et 15ème siècles ; en effet, quelles sont ces maux ?

Ces deux siècles sont des siècles de crises religieuse et politique et c’est aussi la période de la guerre de 100 ans, la période des grandes épidémies et en particulier, il y eu au m-14ème siècle, trois ou quatre années terribles en Europe, c’est la période 1348-1351, l’Europe a eu à souffrir de l’épidémie de la peste (1348-1351) et une partie de la population européenne a été décimée et on pense que la France a perdu environ le quart de sa population.

La conséquence de ces périodes pénibles a été la récession économique, le dépeuplement des campagnes, le peuplement des villes. Et ces nombreux malheurs viennent nourrir une violence populaire, une violence extrêmement fréquente au 14ème siècle parce que les couches populaires s’appauvrissent, se prolétarisent et au cours de ces violences populaires, on réagit contre la fiscalité.

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Donc les antagonismes sont très nombreux, les flambées de violence sont soudaines et nombreuses. Alors, le roi, dans ce contexte difficile, va profiter de la conjoncture pour intervenir dans les affaires des villes, les villes qui en général, désormais, éprouvent des difficultés financières, administratives, qui sont du aux maux du temps, qui, bien souvent, ont à souffrir d’une gestion déficiente. Alors, dans ces villes mal gérées, le roi rétablit l’ordre et de plus en plus, il contrôle la gestion financière des villes et bien souvent, il remplace les autorités municipales par des agents royaux. Certaines villes sont en faillite totale, certaines communes ; alors comme elles ne peuvent plus gérer, le roi supprime le statut de commune et ces communes sont transformées en ville de franchise par le roi, en villes subordonnées au roi et perdent leur statut de commune.

Mais la grande transformation, c’est le statut nouveau, c’est le développement de certaines villes que l’on va appeler « les bonnes villes ». Ce sont des villes qui apparaissent dans le centre de la France et qui vont devenir de plus en plus, au-delà de la classification faite (villes de franchise, de commune, de consulta), le type courant des villes françaises ; ces bonnes villes des 14ème et 15ème siècles sont des cités qui s’inscrivent dans la politique de reconquête royale et ces villes sont sous protection royale et ont un statut, le roi leur donne des privilèges. Ce sont des privilèges en matière de justice, de protection militaire, de monnaie (elles frappent leur propre monnaie), mais il y a une contrepartie, c’est-à-dire le devoir de fidélité au roi et la charge d’impôts. Une ville qui a des privilèges, des obligations, qui n’est pas perdante parce que dès le 14ème siècle, ce type de ville fait généralement la ville la plus importante et a tendance à devenir capitale locale et c’est toujours une ville qui conservent ses structures anciennes, traditionnelles, elle a comme par le passé son administration, ses magistrats municipaux mais, désormais, sur les villes s’exerce le contrôle royale.

Les libertés des villes acquises au dépend des seigneurs aux 11ème -12ème siècles ont été perdues au profit du roi aux 14ème et 15ème siècles. A la renaissance de ces villes des 12ème-13ème siècles est lié un renouveau culturel.

Section 2 : La ville, lieu d’expansion des connaissances.Au 11ème siècle, en effet, le savoir est peu rependu, il appartient à quelques uns ; on est dans une

société guerrière où on se bat sans trop réfléchir. Le savoir est dispensé par quelques uns, par l’église ; il est dispensé au niveau du village, de la paroisse, donc les petites écoles qui sont tenues par les prêtres locaux et le prêtre de la paroisse enseigne à quelques enfants. Il leur apprend les rudiments, les bases de ce qu’il faut connaître : apprentissage de la lecture, du calcul. Mais, il y a des enfants qui peuvent apprendre davantage ; il existe un second niveau, des écoles supérieures qui sont tenues à un autre niveau dans le cadre d’un monastère ou dans le cadre de la cité de l’évêque, de la cité épiscopale.

L’enseignement comporte plusieurs matières, il comporte toujours sept matières et ces disciplines forment ce que l’on appelle les arts libéraux ; on les appelle comme ça par opposition aux arts mécaniques. Les arts libéraux sont répartis dans deux cycles ; dans le premier cycle, on apprend la grammaire (règles grammaticales, essentielles dans l’apprentissage des langues), la rhétorique (l’art de bien parler) et également, la dialectique (l’art de bien raisonner). Et ensuite, dans le second cycle, on apprend des choses que l’on connaît : l’arithmétique (la géométrie), l’astronomie et enfin, la musique.

Mais bientôt, on va apprendre davantage parce qu’au 12ème siècle, le champ des connaissances s’élargit car à ce moment-là, dans ce siècle de renouveau du droit romain, d’éveil de la culture gréco-romaine, dans ce siècle qui voit le développement du droit canonique, des disciplines intellectuelles nouvelles apparaissent, c’est-à-dire que désormais, les arts libéraux bénéficient de l’enrichissement du savoir, on voit apparaître de nouvelles sciences (la théologie, la médecine, le droit). Et pour enseigner ces disciplines, de nouvelles écoles vont se constituer : pour les enseigner allaient être créées les premières universités.

§ 1 : Les origines des universités.Les premières universités se sont créées d’une façon empirique et tout au long du moyen,

jusqu’au 15ème siècle, de nombreuses villes vont se doter de semblables institutions savantes.

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A – Les premières universités.A l’origine, les premières universités existent en petit nombre ; la première université est celle de

Bologne, de Paris et celle de Montpellier et puis l’université d’Oxford. Ces universités ont donc eu un point de départ qui résultent toujours de l’acclimatation d’une science nouvelle ; c’est ainsi que Bologne est lié à la renaissance du droit romain, à la diffusion du décret de Gratien. La théologie est enseignée à Paris et la ville où on a commencé à enseigner la médecine est Montpellier.

Dans ces villes, la présence de bons maîtres a favorisé l’augmentation du nombre d’étudiants, la diversification des matières enseignées, seulement, tout cela ne suffisait pas pour faire une véritable université, c’est-à-dire pour faire une institution autonome, reconnu. Souvent, la création véritable d’une université a du passer par une lutte, c’est-à-dire que les intéressés, les maîtres et les étudiants, ont du à un moment donné s’opposer aux pouvoirs publics, des pouvoirs publics qui, à l’origine, étaient assez hostiles à ces créations nouvelles, cela veut dire que les premières universités sont presque toutes nées d’une conquête collective, d’une lutte contre les pouvoirs publics. Le meilleur exemple est fourni par l’histoire de la naissance de l’université de Paris et remonté au 12ème siècle où cette université n’existait pas encore ; au 12ème siècle, en effet, les étudiants parisiens fréquentent des écoles, plusieurs écoles dispersées dans Paris, des écoles monastiques de la rive gauche et puis, aussi, l’école épiscopale qui se situe dans l’île de la cité.

Comment va-t-on passer de ces écoles épiscopales et monastiques dispersées dans la ville aux universités ? Comment va-t-on réaliser cette fusion ? Ces écoles vont fusionner sur un fonds de lutte. Ce sera d’abord une lutte avec l’autorité municipale, parisienne ; les étudiants au moyen-âge étaient généralement étrangers à la ville et ces étudiants, en général, étaient assez turbulents et ils étaient souvent à l’origine d’actes de délinquance, et très souvent, on retrouvait ces étudiants devant la juridiction municipale et cette juridiction municipale était généralement encline à condamner les étudiants, elle était assez partiale. En l’année 1200, le roi, Philippe Auguste, donne satisfaction aux requêtes des étudiants parce que les étudiants voulaient être exonérés de la justice du prévaut de Paris. Ce qu’ils voulaient, c’est relever de la justice ecclésiastique. Désormais, les étudiants seront traduits devant le tribunal de l’évêque, de l’officialité et ce tribunal ecclésiastique est un tribunal moins rigoureux que le tribunal laïc. Les étudiants obtiennent ce privilège.

Les étudiants se heurtent aussi à l’autorité de l’évêque parce que l’évêque, en effet, avait une autorité sur le régime scolaire des études et c’est lui qui délivrait l’autorisation d’enseigner, c’est-à-dire que c’est l’évêque qui délivrait la licence d’enseignement. Le problème est que cette licence, il la livrait de façon discrétionnaire ; ce n’était pas des critères intellectuels qui étaient retenus, la licence était délivrée comme une sorte de grâce par l’évêque.

Pour les étudiants, la licence d’enseignement devait couronnée l’acquisition d’un savoir et donc, pour que la licence devienne un grade, les étudiants vont se coaliser contre l’évêque de Paris et ils s’adressent directement à l’autorité supérieure, au Pape de Rome. Le Pape leur donne gain de cause, autrement dit, à partir du d-12ème siècle, à partir de 1215, le cours des études et les règles de délivrance du grade sont fixés. Il y a deux grades : le baccalauréat et la licence. Et cette année-là, en 1215, l’université des maîtres et étudiants de Paris, après ce climat de lutte, est créée et elle obtient ses premiers statuts. Une nouvelle institution était née et que l’on va appeler l’universitas et ce type nouveau d’institutions était patronné par le Pape, le sein siège. Ce type d’institutions allait être étendu à d’autres villes.

B – La naissance des universités provinciales.Après Paris, l’université de Toulouse est reconnue par le roi en 1233 et la création de cette université

fait suite à une demande du roi et cette création ne correspond pas directement à la volonté d’acclimater une science nouvelle ; elle répond à une arrière-pensée politique, c’est-à-dire le désir de développer un enseignement théologique pour venir à bout de l’hérésie cathare, albigeoise.

En 1235, est fondée l’université d’Orléans qui pendant longtemps a été réputée par l’importance de sa faculté de droit puisque cette université a profité de l’interdiction de l’enseignement du droit romain à Paris. A la même époque, a été fondée Montpellier ainsi que l’université d’Angers.

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L’histoire des universités du 14ème siècle est liée à celle de la papauté d’Avignon et donc on va créer des universités dans certaines villes comme à Avignon, à Cahors, à Grenoble ou à Perpignan. D’ailleurs, comme l’histoire de ces universités était liée à la ville d’Avignon, l’histoire de certaines de ces universités sera éphémère, certaines disparaîtront comme l’université de Cahors. En revanche, les créations du 15ème siècle ont eu beaucoup de persistance et elles seront généralement de belles créations : l’université de Aix-en-Provence, Poitiers, Bordeaux (1441 par l’archevêque de Bordeaux, Pey Berland).

Ces universités médiévales, en réalité, sont très différentes des universités que nous connaissons aujourd’hui.

§ 2 : Le statut des universités.L’université du moyen-âge présente trois aspects fondamentaux : elle possède un caractère

international, elle est dotée d’une solide organisation corporative et c’est aussi une institution privilégiée.

A – Le caractère international de l’université.Ce qui apparaît, c’est l’existence d’un profond décalage ; cela veut dire que l’université, d’un côté, ne

dispose pas de moyens, en particulier, il n’existe pas d’établissements d’enseignement ; où les étudiants sont-ils installés ? Généralement, les cours ont lieu dans des édifices religieux, quelques fois dans des salles louées à des particuliers. En revanche, si l’université a peu de moyens, elle a un rayonnement international, autrement dit, elle possède énormément d’attrait.

Quelles sont les causes de ce rayonnement international de l’université du moyen-âge ? La première : les universités, quel qu’elles soient, relèvent d’un pouvoir universel, d’un même pouvoir, le pouvoir du Pape. C’est-à-dire que le Pape donne au grade conféré une valeur générale, cela veut dire que ces grades peuvent être invoqués dans toute la chrétienneté. Par conséquent, peu importe le lieu de délivrance du grade, il est valable partout.

La deuxième : l’étudiant du moyen-âge se déplace volontiers à travers l’Europe, il va d’une université à l’autre, d’autant que les universités sont peu nombreuses.

La troisième : il n’existe pas de barrière linguistique parce que tout le monde à la même langue, le latin. Les ouvrages et les méthodes d’enseignement sont à peu près partout semblables. En ce qui concerne les maîtres, les premiers appartiennent au clergé régulier et ils se déplacent d’une université à l’autre.

B – L’organisation corporative de l’université.Chaque université représente un corps et elle représente une personne morale, autrement dit, une

personne structurée, administrée.

1°) La structure de l’université.La structure de chaque université comporte deux éléments.

a) Les nations. Les étudiants d’origine diverses ont besoin d’avoir un critère de rattachement et ce critère est la

langue maternelle, d’origine. Et donc au sein de chaque université, les étudiants se groupent en nation et à l’intérieur de l’université, les nations sont elles-mêmes de véritables personnes morales et elles sont elles-mêmes fortement structurées : chaque nation a ses représentants, ses statuts, ses ressources.

b) Les facultés. L’étudiant du moyen-âge peut accéder à l’une des trois facultés : théologie, droit ou médecine.

La naissance des facultés est donc liée à la spécificité des sciences nouvelles et la faculté est présidée par un doyen, un doyen désigné chaque année au moyen-âge par les maîtres.

Dans ces facultés, le grade initial était le baccalauréat qui était obtenu après quatre ans d’études minimum et le titulaire du baccalauréat pouvait commencer à participer à des tâches d’enseignement et

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le bachelier poursuivant ses études pouvait devenir maître après avoir obtenu le grade de licencié, une licence progressivement renforcée du doctorat.

2°) L’administration de l’université.a) Les autorités administratives.

Chaque nation a un chef qu’on appelle le procureur, chaque faculté a un doyen et à la tête de l’université, il y a le recteur et l’élection du recteur se fait à deux degrés ; les délégués des différentes facultés élisent des grands électeurs et ces grands électeurs se réunissent de la même façon que les cardinaux qui élisent le pape, ils se réunissent en conclave, et là, ces grands électeurs font le choix du nouveau recteur. Un recteur dont les fonctions sont importantes puisqu’il préside le haut conseil de l’université, au sein duquel se débattent les questions de la vie universitaires.

Qui participe à ce conseil ? On trouve les procureurs des nations et les doyens des facultés. Et la mission du recteur est importante parce que sa principale mission est de conserver les privilèges du corps. Si ces privilèges sont bafoués, le recteur peut déclarer la grève générale des cours. Et c’est un personnage important parce qu’il a un droit d’entrée au conseil du roi lorsque les privilèges de l’université sont menacés.

Les pouvoirs du recteur, en général, sont brefs ; généralement, le recteur est élu pour un trimestre et ses pouvoirs sont prolongés pour la durée de l’année universitaire.

b) Le personnel gravitant autour des maîtres et des écoliers (ou escholiers). Ce personnel est peu nombreux ; on va d’abord trouver un greffier qui est chargé d’enregistrer

tout ce qui intéresse l’administration de l’université, de la faculté. Un autre personnage : c’est le receveur, celui qui perçoit les revenus, les taxes. Un autre : le grand bedeau qui est un personnage qui achetait sa charge au roi et c’était une sorte

d’économe qui était préposé à la direction matérielle de l’université. Et on trouve d’autres bedeaux, les huissiers des maîtres, c’est-à-dire lors des cérémonies

officielles, les huissiers doivent précédés les maîtres et ils ont une mission importante, ils interviennent dans les salles de cours et ont permission de faire la police dans les salles de cours lorsque les étudiants sont trop bruyants.

Il y avait aussi des personnages très utiles qui étaient des experts qui avaient pour mission de taxer à leur juste prix les logements occupés par les maîtres et les étudiants.

Mais il existait aussi des fondations privées qu’on appelait collèges et qui étaient destinées à nourrir et à loger les étudiants méritants et peu fortunés. Par exemple, à Paris, il y avait un collège, le collège de Sorbonne, et c’est devenu La Sorbonne et a été créé en 1258 par Robert de Sorbon qui était l’aumônier de Saint-Louis.

Enfin, un certain nombre de métiers dépendait de l’université ; c’était les corporations de libraires, de papetiers, de relieurs, de parcheminiers, des corporations qui relevaient de l’université.

C – Les privilèges de l’université.Ces privilèges sont nombreux. D’abord, les maîtres et les étudiants avaient le statut de clerc, ils

jouissaient donc d’un privilège de juridiction, c’est-à-dire qu’ils relevaient de la juridiction ecclésiastique, de l’official. De la même façon, maîtres, étudiants et personnel administratif, sont exonérés de charges militaires et ils possèdent des avantages fiscaux, notamment, ils ne sont pas soumis au paiement de la taille. Toute atteinte à l’université entraine une riposte immédiate du corps qui peut être la grève, la sécession, c’est-à-dire que les maîtres et les étudiants, au lieu de faire grève, quittent la ville et s’installent dans une autre ville. Par exemple, en Italie, certains maîtres et étudiants ont fait sécession et ont quitté l’université en 1222 l’université de Boulogne et ont créé ailleurs une autre université, l’université de Padoue. De la même façon, maîtres et étudiants d’Oxford, certains d’entre eux ont fait sécession et c’est ainsi que l’université de Cambridge est née.

En contrepartie de ces privilèges, les maîtres et les étudiants ont des obligations ; la première est le costume, ils doivent revêtir la robe de clerc, il leur est interdit de porter les armes, de s’adonner aux jeux

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de hasard, de fréquenter les cabarets, tous les lieux malhonnêtes. Il faut dire que ces prescriptions n’étaient pas observées en général. D’ailleurs, les bagarres entre étudiants étaient nombreuses et en particulier, les étudiants aimaient bien se battre contre les soldats du guet.

Dans l’histoire des universités, le 13ème siècle a marqué une époque brillante. Les universités étaient donc des lieux, les premiers lieux de savoir et de raisonnement et ce sont des lieux qui véritablement ont cristallisé l’étendue des progrès accomplis dans le champ de la connaissance et de la culture. Seulement, le 14ème siècle est un siècle de calamité et l’université est comme les autres institutions ; elle connaît une grave crise et elle souffre des maux que connaît son époque. Et surtout, elle va souffrir du grand schisme d’occident (période de la f-14ème et d-15ème siècle au cours de laquelle l’autorité du Pape est contestée et une période au cours de laquelle il y aura simultanément plusieurs papes, le Pape de Rome et le Pape installé à Avignon) ; l’église est divisée, affaiblie. A ce moment-là, elle souffre d’une profonde crise interne et à ce moment-là, c’est la fin de l’universalisme universitaire et l’université se sépare peu à peu de la papauté et perd le caractère international, universel qu’elle avait ; elle prend peu à peu un caractère national, autrement dit, elle s’éloigne de la papauté et se rapproche du roi.

Au 15ème siècle, cette université sur laquelle le roi veille ; d’ailleurs, le roi Charles 5 avait usé de cette formule pour désigner la cité, « la fille aînée du roi ». Et l’université française au 15ème siècle est appelé de plus en plus a joué un rôle politique et notamment, elle est représentée aux états-généraux du royaume et elle donne des conseils au roi. Elle se range à l’époque du conflit entre Armagnacs et Bourguignons dans le clan anglo-bourguignon et se montre hostile à Jeanne d’Arc et participera à sa condamnation ; pour ces raisons, elle se discrédite pour un temps auprès du peuple et auprès du roi. D’ailleurs, à la f-15ème siècle, le roi Louis 11 manifeste une certaine hostilité envers l’université et lui retire certains privilèges. L’université du 15ème siècle est donc politisée et cette université accompagne l’ascension de l’Etat. L’université de la fin du moyen-âge est au cœur de l’avènement du monde moderne et à ce moment-là, elle est porteuse d’idées neuves annonciatrices des institutions du monde moderne et donc, l’université du 15ème siècle ne vit pas coupée du monde, elle vit dans le siècle, au milieu du monde dans lequel elle évolue.

La ville du moyen-âge est un lieu de pouvoir et aussi un lieu de savoir. Cette ville est aussi le siège d’un bel essor économique ; elle est le siège à peu près exclusif de la production de l’artisan, le siège des lieux d’échanges.

Section 3 : La ville, lieu de développement économique.La croissance économique des 12ème et 13ème siècles est fondamentalement agricole, démographique

mais elle se caractérise aussi par le progrès des activités de transformation et par une animation accrue des échanges, du commerce. Donc la fonction économique de la ville émerge et croît et le phénomène urbain s’épanouie là où se concentre l’artisanat, où se déroulent les échanges.

Dans la société urbaine, tout concoure pour organiser, pour règlementer la vie économique, cela veut dire qu’avec ce développement très important de la règlementation, l’espace de liberté des producteurs et des marchands est des plus réduits. Alors, le seigneur locale est soucieux de tirer des profits de ces nouveaux secteurs lucratifs et veut imposer ses règlements tandis que les marchands veulent se protéger contre ces interventions et surtout, au-delà du seigneur et des règlements, ceux qui freinent la dynamique des initiatives individuelles, c’est l’influence de l’église sur l’économie, l’influence des théologiens et des canonistes.

Dans quelle mesure peuvent-ils représenter un frein pour l’économie ? Ils se montrent défiants envers la multiplication des richesses. L’église du moyen-âge condamne la richesse et l’église, dans ce sens, est frein au développement de l’économie et expose une véritable morale économique. L’église est la première institution à essayer de protéger le consommateur en développant la notion de « juste prix ». L’église explique que la vente est injuste dès lors qu’elle excède, va au-delà de l’estimation communément admise ou qu’elle dépasse le coût de production accrue de la légitime rétribution du travail. Il faut punir les manœuvres tendant à fausser les prix et l’église condamne le prêt à intérêt ; il faudra attendre la f-18ème siècle pour que le prêt ne soit plus condamner et aujourd’hui, il y a deux

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notions différentes dans le droit, le prêt à intérêt qui est licite et l’usure qui est sanctionnée. Au moyen-âge, le prêt à intérêt et l’usure sont synonymes. Autrement dit, pour l’église, l’argent ne doit pas être source de profit, le seul revenu licite est celui qui provient du travail, tout le reste est bénéfice immérité et pêché.

Ces idées motrices en matière économique connaîtront une traduction laïque et elles imprègneront la règlementation des activités. D’autre part, le moteur de la concurrence, du gain, est bloqué par une importante règlementation dont se sont dotées les villes. Cette règlementation des villes est faite de prescriptions destinées à satisfaire le consommateur, c’est-à-dire que les professionnels ont un devoir de fournir au meilleur prix, de fournir en quantité suffisante, en qualité irréprochable. Et pour tout cela, l’économie du moyen-âge ignore le régime de liberté, on va dire que l’économie du moyen-âge est une économie ordonnée et elle est règlementée à la fois dans le domaine des échanges et dans le domaine de la production.

§ 1 : L’organisation commerciale   : foires et marchés. A – Des lieux privilégiés, relais du grand commerce   : les foires.

Dès le d-12ème siècle, apparaissent de grandes foires qui auront leur plein épanouissement au d-13ème siècle ; ces foires étaient des manifestations que l’on ne connaît plus aujourd’hui, qui duraient plusieurs semaines. Les foires du moyen-âge étaient accès sur le commerce de gros, on échangeait de grosses quantités. Elles sont des rassemblements de marchands professionnels et souvent, ce sont des professionnels venant de régions très éloignées parfois. Et les premières fois ont été organisées par les associations de marchands mais le développement de ces foires résultent de deux causes majeures : la première est la reconnaissance par le roi ou le seigneur local qui leur donne un statut et puis, leur développement résulte aussi de leur situation géographique privilégiée sur les grandes routes commerciales, c’est ainsi que vont connaître un grand développement les foires du Languedoc, du Midi, les foires normandes, de Rouan, il y avait aussi la foire de Paris (la foire du « lendit ») mais surtout, les plus grandes foires du moyen-âge ont été les foires de Champagnes parce qu’elles étaient très bien situées géographiquement, elles étaient situées donc entre la Flandre, premier centre textile et premier région industrielle d’Europe et l’Italie qui était la plaque tournante du commerce oriental.

1°) Le régime juridique des foires.a) La personnalité morale.

Ce sont des personnes morales, c’est-à-dire que la foire a des droits et des biens et elle peut passer des contrats de la même façon qu’elle a ses représentants et elle a sa juridiction spécifique composée de jurés qui sont désignés par des associations marchandes. Elle a son sceau puisqu’elle peut sceller les actes qu’elle passe ; elle a sa police ; elle a aussi des immeubles pour loger les marchands et des immeubles qui servent d’entrepôts.

b) Les privilèges de la foire. Les foires sont spécialement favorisées et elles reçoivent des privilèges d’un personnage de haut

rang, c’est soit un grand seigneur, un prince territorial ou le roi.Les marchands allant à la foire ou en revenant sont placés sous la sauvegarde du seigneur, c’est-

à-dire que pour se déplacer sur des routes qui ne sont pas sûres, les marchands reçoivent de l’autorité ce que l’on appelle un conduit de foire moyennent paiement de taxe (une sorte de passeport).

Pendant la durée du voyage et pendant la durée de la foire, le marchand ne peut pas être logé de mesure de contrainte, de représailles, de contraintes pour des motifs extérieurs à la foire, les poursuites sont suspendues. C’est-à-dire qu’il ne peut pas y avoir pendant que le marchand est en foire de saisie pour dette, de faillite, on ne peut pas engager contre lui de poursuite judiciaire.

Et puis, le prêt à intérêt est permis pendant la durée de la foire. Contre les marchands, le droit d’aubaine est supprimé, le seigneur ne peut pas saisir les biens du marchand s’il mourait.

2°) L’impact juridique des foires   : la naissance du droit des affaires.

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Le droit des affaires est né dans les foires du moyen-âge et connaît un beau développement. L’activité des foires dépendait d’un calendrier très précis et chacune d’elle durait plusieurs semaines et pendant ces foires, le volume des échanges était impressionnant. Et donc ces foires étaient des foires d’argent et par conséquent, ces foires allaient favoriser un droit des affaires.

a) Le développement des institutions de crédit. Notamment, c’est dans la foire que l’on va pratiquer la lettre de change qui va servir

d’instrument de paiement ; celui qui émet une lettre de change va pouvoir bénéficier d’un certain délai pour payer avec cette lettre. Et se développe également la technique très rependue aujourd’hui, l’escompte qui est une technique qui permet d’obtenir un crédit à cours termes : celui qui détient une lettre de change la remet à un banquier qui lui prête une somme d’argent et le banquier pourra récupérer les sommes correspondantes avec des intérêts supérieurs.

b) La création des juridictions commerciales. Les foires du moyen-âge suscitent la création de ces juridictions, autrement dit les tribunaux de

commerce d’aujourd’hui ont des origines très anciennes. On est à l’origine des tribunaux de commerce.La foire nécessite une police et cette police a pour mission de veiller au maintien de l’ordre, de

surveiller la qualité des marchandises, entretenir les lieux de foire, de surveiller le cours des ventes et des monnaies. Le seigneur qui a créé la foire nomme des agents qui constituent cette police et ces agents sont appelés les gardes des foires. Et ces gardes qui ont des missions de police vont avoir aussi des fonctions juridictionnelles et ils jugent au nom de l’autorité qui a créé la foire les litiges et les infractions commises durant la foire.

Mais peu à peu se développe une juridiction autonome qui va prendre des caractères qu’elle ne perdra jamais, autrement dit, elle se dotera d’une procédure sommaire, simple et rapide, convenant parfaitement aux intérêts des marchands, et cette juridiction se dotera aussi de voies d’exécution efficaces.

c) Un droit des contrats profitant de la redécouverte du droit romain. Le conduit de foire qui assure la sauvegarde des marchands, de leurs biens, de leurs

marchandises, il est en réalité celui qui protège le marchand pendant son voyage contre tous les risques ; il est l’ancêtre du contrat moderne d’assurance. Mais, dans ces foires du moyen-âge, d’autres types de contrats se développent, notamment aparaît le contrat de commande, la commenda : c’est une forme de société commerciale, c’est une société dans laquelle le marchand qui a besoin d’argent emprunte de l’argent à quelqu’un qui a du capital, à un capitaliste, que l’on va appeler le commanditaire. Ces deux hommes passent ensemble un contrat de commande ; il y en a un qui apporte son activité de marchand, et l’autre apporte son argent. Ce contrat-là va donner naissance plus tard à une forme de société en commandite simple qui est une société de personnes et non pas une société de capitaux.

Se repend aussi la commission qui est une sorte de contrat de mandat. Puis très vite, les marchands vont ressentir le besoin de créer un droit spécial pour eux parce que ce droit spécial des marchands est tout à fait indispensables parce que les marchands qui se rencontrent dans ces foires sont d’origine fort diverses, de régions d’Europe différentes (des Français, des Saxons, des Espagnols, des Flamands, etc.), ils passent des contrats et tout de suite se pose le problème du droit applicable et la question évidemment prend de l’importance : si un litige s’élève à propos du contrat, sous quel droit va-t-on juger ? Est-ce qu’on va appliquer le droit local, le droit du marchand italien, le droit du marchand flamand ? Il faut un droit de référence.

C’est le droit romain puisqu’au 11ème siècle, le monde occidental a redécouvert le droit romain et le droit romain retrouvé va permettre un renouveau du droit des contrats, des obligations ; c’est ainsi qu’on retrouve dans ces textes, dans les compilations de l’empereur Justinien, on retrouve la vente romaine, le contrat de vente, de mandat de société très développés chez les Romains et cela va permettre d’enrichir le droit des affaires. Et puis, aux 12ème et 13ème siècles, paraissent des recueils, les premiers recueils pratiques de droit commercial imprégnés de droit romain ; ce sont des recueils de coutumes

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souvent de telle ou telle foire, avec du droit romain dedans ; ce sont aussi des recueils de jugements des tribunaux commerciaux et aussi des recueils de droit maritime dont certains sont très connus comme par exemple, le recueil Le consulat de la mer qui concerne le droit maritime de la méditerranée, et puis il y a aussi les Rôles d’Oléron qui concerne le droit maritime de l’Atlantique. Et puis, se rependent aussi des ouvrages de la pratique pour les négociants, faciles à consulter et qui sont des encyclopédies pratiques qui donnent au marchand des renseignements monétaire, juridique qui quelques fois offrent des modèles de contrats de société, de lettres de change.

B – La régularisation des échanges locaux   : les marchés. La foire est un lieu de rencontres de professionnels, un lieu d’échanges de marchandises de valeur.

Le marché est très différent ; il est toujours orienté vers la consommation, c’est-à-dire que sur le marché, on vend des produits courants. Il est en quelque sorte l’axe de la vie citadine, il est le lieu où les marchands vendent leur surplus, où les bourgeois trouvent leur ravitaillement quotidien, c’est aussi le lieu où l’artisan écoule sa production. Le marché est une petite manifestation qui va durer une demi-journée ou une journée, qui se tient deux à trois fois dans la semaine et il se tient dans les villes d’une certaines importance. Et les autorités lui accordent toujours beaucoup d’attention et les autorités multiplient les prescriptions pour assurer la régulation des échanges locaux et dans la ville du moyen-âge, assurer un approvisionnement suffisant du marché, c’est une préoccupation constante. Cette société du moyen-âge est une société de pénurie, où l’on manque souvent, où les disettes sont toujours à craindre donc on veille à l’approvisionnement du marché parce que si le marché n’est pas suffisamment approvisionné, c’est le risque de troubles sociaux fréquents dans la ville.

Les gens des environs qui viennent approvisionner le marché bénéficient toujours d’une sauvegarde municipale. Et pour garantir l’approvisionnement du marché et pour que les ressources des campagnes y arrivent, on interdit toujours aux gens des villes d’aller à la rencontre des marchands pour se fournir par avance et cette prescription, on les trouve jusqu’à la Révolution. Tout le monde est à égalité, les transporteurs n’ont pas le droit de vendre en chemin, autrement dit, les seules transactions licites sont celles qui ont lieu dans l’enceinte du marché. D’ailleurs, le jour du marché, la vente en boutique est suspendue, cela veut dire que le jour du marché, les offres et les demandes se concentrent au marché, le marché qui jouie d’un monopole.

Et diverses prescriptions st destinées à assurer le bon fonctionnement du marché. La première règle est que chaque marchand occupe la place qui lui est assigné et en général, les étalages sur le marché sont regroupés par catégories de produits, il s’agit de permettre au consommateur de comparer les prix et la qualité.

Les premières heures du marché sont réservées à la vente en détail et ensuite, lorsque le consommateur est servi, les marchands de la ville peuvent procéder à des achats en gros. Mais le citadin qui le désire peut toujours acquérir de ces derniers au prix coûtant une portion des biens acquis, cela veut dire que les achats de détail sont toujours prioritaires. Et il en ressort que sur le marché médiéval, la vente direct du producteur au consommateur est considérée comme la plus saine, on se méfie énormément des intermédiaires et d’ailleurs, le pouvoir municipale essaye d’écarter ces intermédiaires.

Sur le marché, sont toujours présents des agents officiels qui sont là pour contrôler la régularité des échanges ; certains de ces agents sont là pour vérifier la qualité des biens, pour contrôler les balances et les mesures et puis d’autres procèdent aux opérations de pesages, de mesurages pour les ventes en gros.

§ 2 : L’organisation de la production   : les communautés de métiers Ce petit monde de la production artisanale se répartie en communautés de métiers, chacune

représentant un petit groupement professionnel, hiérarchisé. Des structures que nous innovons aujourd’hui. Et ceux qui exercent la profession correspondante doivent obligatoirement faire parti de ce groupement (cordonniers, bouchers, maçons, etc. => corps de métiers).

Pour désigner ces communautés, on emploie souvent le mot corporation ; en réalité, ce mot corporation n’est apparu qu’au 18ème siècle, il est comme d’autres vocables (exemple : féodalité, capitalisme).

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Au début du moyen-âge, il s’est produit une tendance à l’association marchande, on parlera des ghildes, des hanses ; ce phénomène associatif a favorisé la naissance de ces communautés. Les hommes du moyen-âge sont particulièrement assemblés dans le cadre de ces confréries pour prier, à des fins pieuses, liturgiques dans le cadre de la confrérie. Et ces réunions vont donner l’occasion aux artisans de débattre de questions professionnelles, il est normal que lorsqu’on se réunit quelque part (rassemblement par affinité) ; les gens exerçant la même profession vont avoir tendance à se rassembler pour débattre de leurs problèmes communs, on évoque des questions matérielles, professionnelles. Si bien que les hommes vont en venir à se rassembler spontanément par métier où on évoquera ces questions professionnelles dans le cadre de chaque confrérie. Cela veut dire que chaque métier aura sa confrérie et son saint patron ; on parlera de questions propres à la profession. La communauté de métiers est donc une organisation professionnelle et à partir de la deuxième moitié du 12ème siècle, la communauté de métiers se détache de la confrérie ; cela veut dire que désormais, dans chaque métier, on va avoir deux structures, la communauté professionnelle et la confrérie qui servira à la prière.

Il faut ajouter que souvent, la naissance de la communauté de métiers dérive du pouvoir, d’une initiative du pouvoir, c’est-à-dire le pouvoir seigneurial, municipal suivant le type de ville, autrement dit, un pouvoir local qui cherche à encadrer les transactions, la production et à encadrer toujours pour les mêmes raisons comme il l’a fait pour les villes, c’est-à-dire pour des raisons fiscales, d’ordre public. La responsabilité du pouvoir seigneurial, municipal, c’est de faire en sorte qu’on offre des marchandises de qualité, qu’on envoie sur le marché des marchandises de qualité et faire en sorte que l’approvisionnement soit suffisant. Ce que veut le pouvoir local, municipal, c’est encadrer, surveiller l’activité de production, économique et naturellement, le contrôle de l’activité, de la production est beaucoup plus facile, plus aisé dès lors que les professions sont organisées en communautés de métiers ; il est beaucoup plus facile de contrôler une organisation que de contrôler des individus isolés, c’est pour cela que ces communautés naissent, le pouvoir les encourage et cela lui permet de mieux les contrôler.

Au 13ème siècle, les communautés de métiers ou métiers sont des professions statutairement définies, officiellement organisées. Et au temps de Louis 9, la ville de Paris qui a été initiatrice en ce domaine, dans les années 1260-70, compte une centaine de métiers organisés et ces communautés se répartissent dans les spécialités les plus diverses, ce sont des métiers de l’alimentation, du textile, du cuir, des métaux, les principales professions nécessaires à la vie quotidienne.

Cela veut dire qu’on est loin des artisans qui se réunissaient pour prier et pour discuter, là, on était dans une phase de spontanéité, sociologique de l’association et on passe dans un second temps de cette phase sociologique, on passe à une phase juridique puisque tous ces petits groupements sont reconnus par l’autorité, juridiquement dès lors qu’ils se dotent de statuts rédigés. Et c’est ainsi que vers 1268, sous Louis 9, le prévaut de Paris, Etienne Boileau, rédige un livre intitulé Le livre des métiers, un livre qui contient les statuts d’une centaine de métiers parisiens. Et plus tard, les villes de province vont elles aussi se doter de statuts semblables.

Les métiers présentent des caractéristiques communes et ils sont contrôlés par les pouvoirs publics.

A – L’organisation des communautés professionnelles.On retrouve toujours le même schéma.

1°) La hiérarchie professionnelle.Tout métier, quel qu’il soit, inclut plusieurs catégories de personnes ; chaque catégorie correspond à

un degré hiérarchique.

a) Les apprentis. Ce sont les jeunes, quelques fois les enfants, qui s’initient à la profession. L’apprentissage veut

dire faire un stage généralement de plusieurs années chez un patron et pour cela, le patron va passer un contrat avec les parents de l’apprenti. Et de plus en plus, le contrat d’apprentissage sera un acte passé chez les notaires (sous l’Ancien Régime, au 17ème-18ème siècle, c’était quasi systématique).

Dans ce contrat, il est prévu dans presque tous les cas que l’apprenti vit chez son maître, il est nourrit et logé et il apprend le métier. Et le maître exerce sur l’apprenti les droits d’un père, la puissance

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paternelle est déléguée. C’est-à-dire que le maître a un droit, voire un devoir, de garde, de surveillance, un droit de correction. Et les parents versent une pension dont le montant varie généralement en fonction de la durée du contrat et la durée est très variable ; la durée moyenne d’un contrat d’apprentissage est de quatre ans mais ce peut être moins dans les métiers où l’apprentissage est simple, ce peut être deux ans ; en revanche, dans les métiers très difficiles, très techniques, l’apprentissage peut aller jusqu’à dix ans (exemple : le métier d’orfèvre). L’apprentissage peut débuter à l’âge de 10 ou 12 ans, l’âge terminal peut être 18 ou 20 ans ; dans les métiers de force (métiers de charpentier), l’apprentissage ne peut pas commencer avant 15 ou 16 ans.

Quand l’apprenti commence à rendre des services, quand il commence à rapporter à son maître, il est parfois prévu, stipulé dans le contrat que le maître lui versera une petite rétribution.

Lorsque l’apprentissage s’achève, le jeune peut en théorie, postuler à la maîtrise, devenir maître. La réalité, dans la quasi totalité des cas, il ne le peut pas parce qu’il manque de moyens financiers pour s’établir à son compte. Alors, il va passer par un stade intermédiaire ; il va devenir pendant quelques années ouvrier, valet, bientôt on dira compagnon ; et cet ouvrier va percevoir un salaire pendant ces quelques années.

b) Les valets ou compagnons. Ils seront donc dans le courant du moyen-âge des compagnons et ce sont donc des gens bien

formés et qui vont assister le maître dans l’atelier, dans la boutique. Le maître et le valet, au départ, concluent un contrat d’embauche et ce contrat précise les conditions de travail, il précise la durée, le montant du salaire. A l’origine, le montant du salaire est une somme d’argent, c’est également le logement chez le maître et la nourriture chez le maître. Il n’en demeure pas moins que le moyen-âge a connu quelques phénomènes de grèves, des coalitions, des rébellions d’ouvriers ; ces mouvements de grèves st restés exceptionnels justement parce qu’il existait à ce moment-là des rapports solidaires que nouaient les relations de travail dans l’atelier et les rapports de vie quotidienne parce que les maîtres et ouvriers vivaient à peu près de la même façon et le cadre de vie et de travail était le même.

c) Les maîtres. C’est donc le degré supérieur de la hiérarchie. La plupart de ces maîtres sont donc installés,

c’est-à-dire qu’ils disposent d’une boutique ou d’un atelier. Ils ont le plus souvent les deux, tout simplement parce qu’ils produisent et ils vendent, ils commercialisent ce qu’ils ont fabriqué. Ils assument les risques de leur entreprise et ils en recueillent les gains et généralement, cette entreprise reste très petite, elle est toujours de très modeste dimension, ils travaillent avec très peu d’auxiliaires, ils peuvent avoir un apprenti, un ou deux compagnons, souvent, ils sont seuls avec leur épouse, le maître fabrique et la femme commercialise.

Pour accéder à ce statut, à la maîtrise, il faut réunir plusieurs conditions :- Il faut être capable ; c’est-à-dire que pour pouvoir postuler à la maîtrise, il faut toujours justifier du

temps légal d’apprentissage et éventuellement le temps de compagnonnage. D’ailleurs, à la fin du 13ème siècle, se repend une habitude ; on va exiger dans la plupart des professions du candidat à la maîtrise qu’il réalise un ouvrage et cet ouvrage, il le présentera à l’agrément des chefs du métier (on va l’appeler le « chef d’œuvre »).

- Disposer de moyens financiers suffisants pour acheter une boutique, pour verser également des droits d’entrer dans le métier, cela veut dire que lorsqu’un nouveau maître entre dans le métier, il doit verser une somme d’argent à l’autorité publique et l’autre droit d’entrée à la communauté de métier qui le reçoit.

- Une autre obligation du maître qui arrive dans le métier, c’est aussi offrir un banquet, une « buvette » aux membres du métier et parfois cela coûte cher.

- Prêter serment d’observer le droit du métier, les statuts.

2°) La communauté de métiers   : personne morale.

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Ce sont les maîtres et les compagnons, pas les apprentis qui sont exclus. D’ailleurs, la communauté va se restreindre parce qu’à partir du 14ème siècle, la communauté sera les maîtres seuls, les ouvriers en seront exclus ; cela veut dire que les ouvriers ne pourront pas participer à la vie communautaire, assister aux assemblées de la communauté et effectivement, la communauté organise périodiquement des assemblées générales.

Cette a pour fonction de traiter les affaires du métier et de désigner les chefs du métier, des chefs dont le nombre va varier en fonction des effectifs du métier parce que les effectifs des professions sont très variables (exemple : dans une grande ville, dans la communauté des cordonniers, ce sera 100 maîtres, dans la communauté des fabricants de cartes à jouer, ce sera une demi douzaine). Et ces chefs, on les appelle les jurés, les syndiques, les gardes et ces chefs sont désignés par l’assemblée des maîtres ; quelques fois, ils ne sont pas désignés par l’assemblée des maîtres, ils sont cooptés par les sortants, quelques fois encore, ils sont désignés par l’autorité municipale ou seigneuriale.

Concernant les chefs de la communauté, ils administrent le patrimoine de la communauté, un patrimoine qui est assez réduit, et ils sont les chefs des finances de la communauté et ils représentent leur communauté en justice. Et puis, ils exercent un pouvoir disciplinaire sur les membres de leur métier. La survivance, ce sont aujourd’hui les conseils de l’ordre. Ils font respecter les statuts, le droit du métier, ils arbitrent les conflits entre maîtres, ils surveillent les conditions de travail et puis, ce sont les chefs du métier qui apprécient les conditions de capacité des candidats à la maîtrise. C’est une attribution extrêmement importante : ils veillent à la qualité des produits, autrement dit, ils sont la police du métier et donc ils se rendent en inspection dans les boutiques ou les ateliers ; et quand un objet est mal fait, mal conditionné, ils procèdent à des saisies. Une de leurs principales missions, indépendamment du fait qu’ils se rendent dans les boutiques pour saisir, c’est de lutter contre les fraudeurs parce qu’il y a des gens qui ne sont pas membres du métier et qui travaillent en fraude du métier, des gens qui n’appartiennent pas à la communauté. Ils pourchassent le travail clandestin tout simplement parce que ce travail vient enfreindre le monopole de la communauté du métier.

3°) Les règles disciplinaires.Ces règles disciplinaires sont écrites dans les statuts et concernent d’abord le régime du travail. Mais

à cette époque, il n’y avait pas de lois sur la durée du travail et le travail durait longtemps. Au moyen-âge, la durée du travail s’aligne sur l’éclairage solaire et cela veut dire que la durée du

travail varie selon les saisons ; on peut travailler 14 ou 15 heures par jour. Le travail de nuit est interdit pour plusieurs raisons ; il est interdit en raison des risques d’incendie ; parce qu’on se défie du travail secret, il faut travailler à la vue de tous.

Et, concernant le régime du travail, de nombreuses prescriptions des statuts concernent la qualité des produits, autrement dit, dans les statuts, on indique d’une façon très détaillée quels sont les matériaux à utiliser pour fabriquer tel objet, les matériaux à rejeter, on décrit les procédés d’élaboration, autrement dit, il s’agit de réaliser un produit de qualité.

D’autres prescriptions sont également très présentes dans les statuts, elles s’attachent à maintenir l’harmonie entre les maîtres du métier ; autrement dit, il y a des valeurs morales qui sont constamment proclamées dans les statuts et auxquelles il faut se tenir : l’honnêteté, se montrer honnête et loyal envers les autres maîtres et la règle que l’on retrouve dans tous les métiers, c’est le partage, c’est une règle à laquelle nul ne doit déroger, cela veut dire que le maître du métier ne doit pas détourner la clientèle de son voisin, de pas détourner la main-d’œuvre d’un maître voisin, autrement dit, s’il y a sur le marché un certain nombre d’ouvriers, il faut pouvoir se les partager de façon équitable. Il faut également se partager les fournitures et les matières premières.

Et la règle, c’est n’avoir qu’une seule boutique, autrement dit, il s’agit dans tous les cas, dans tous les métiers, de se répartir équitablement le marché ; autrement dit, le système corporatif rejette toute idée de concurrence et donc, en excluant toute idée de concurrence, le système corporatif rend impossible l’innovation. Il y a avec les systèmes corporatifs une opposition radicale entre le corporatif et le capitalisme puisque le corporatif empêche l’innovation et la concurrence.

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Enfin, l’esprit de corps qui existe dans ces communautés de métiers fait parti des prescriptions statutaires, passe par l’entraide, par le souci de solidarité, autrement dit, les maîtres en difficultés doivent toujours être aidés, on est dans une société où la protection sociale est inexistante et c’est dans le cadre de ces petits groupements que l’on va pouvoir développer un début de protection sociale. La corporation va aider les maîtres malades, infirmes qui ne peuvent plus travailler. A partir du moment où il y a corporation, on ne devient pas mendiant et la corporation apporte une aide ; de la même façon que la corporation apporte une aide aux veuves et aux orphelins de maîtres ; on essaye d’apprendre aux orphelins le métier. Elle organise les funérailles des maîtres du métier.

B – Une organisation du travail contrôlée par la ville.Cela veut dire que la ville organise la tutelle des métiers et elle fait pour différentes raisons.

1°) Une tutelle variable selon les métiers.En réalité, il existe plusieurs catégories de métiers. Il y a dans la ville du moyen-âge des métiers qui

échappent au système corporatif ; autrement dit, il existe des métiers dit libres, des métiers qui ne font l’objet d’aucune règlementation professionnelle spécifique. Ces métiers libres restent simplement soumis au règlement de police de la ville. En revanche, de nombreux métiers sont organisés en corporation ; il en existe deux catégories :

- Les métiers réglés : ce sont des métiers qui ont des statuts et des statuts qui émanent des autorités de la ville, la ville qui exerce un contrôle très strict sur les métiers présentant un intérêt majeur, ce sont les métiers de la consommation comme la boulangerie, la boucherie, etc ; il faut que le marché soit bien approvisionné.

- Et puis, parmi les corporations, il y a surtout des métiers qui sont dit jurés, ce sont des métiers dotés d’une assez large autonomie administrative, autrement dit, des métiers qui ont la capacité de faire leurs statuts eux-mêmes et ces statuts sont ensuite approuvés par les pouvoirs publics, par l’autorité royale.

2°) Les justifications du contrôle.La tutelle qui pèse sur les métiers prend sa source dans le pouvoir de police qu’exerce l’autorité

publique. L’autorité publique contrôle en effet toutes les activités économiques, autrement dit, ce que veut l’autorité municipale, c’est faire prévaloir une économie bonne et loyale, autrement dit, on veut une économie favorable au consommateur. Ce qui justifie le contrôle de l’autorité, ce sont à la base des préoccupations économiques mais ce ne sont pas les seules.

Les corporations sont des associations qu’il faut surveiller parce qu’elles peuvent représenter une menace pour l’ordre public ; certaines d’entre elles, en effet, sont solidement organisées et certaines pourraient servir de siège au départ d’une révolte dans la ville, elles pourraient développer des actions contraires au visé du pouvoir.

Le contrôle de la ville sur les corporations est d’autant plus justifié que ces groupements ont dans la ville un rôle considérable à jouer puisque leur rôle premier est d’assurer la production, alimenter le commerce, mais elles ont d’autres fonctions publiques. Notamment, garder les murailles de la ville, assurer la fonction militaire ; cela incombe aux différents métiers de la ville par roulement ; c’est à partir des métiers de la ville que l’on recrute la milice et puis certains métiers sont spécialement chargés du service de lutte contre les incendies.

Certaines grosses corporations ont pu servir d’assise au pouvoir urbain, autrement dit, certaines corporations puissantes ont pu servir d’assise au pouvoir et ont pu fournir les principaux magistrats municipaux, membres du conseil de ville du fait de leur puissance.

A la f-13ème siècle, de nombreux facteurs viennent perturbés le commerce, notamment les foires perdent de leur importance parce que les commerçants cessent de se déplacer, ils se fixent dans certaines villes mais, ce qui est décisif dans cette décadence des foires, c’est qu’il y a la guerre et notamment la guerre de 100 ans, qui entrainent le déclin de l’économie et les foires disparaissent, notamment les grandes foires de Champagnes qui se déplacent vers la rive droite du Rhin, d’autres foires du midi de la France se déplacent vers le nord de l’Italie. Les échanges ne vont plus se faire sur terre mais par la mer

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entre méditerranée, atlantique. Le 14ème siècle est une période récession économique qui ne remet pas en cause les structures de l’activité urbaine et le marché et la corporation, tout cela subsiste, demeure et d’ailleurs, le système corporatif va s’étendre à des professions qui étaient jusque là libres et le système corporatif fait parti de ces institutions que les temps modernes conserveront jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, jusqu’à la Révolution française.Troisième partie : Les temps modernes   : poussées novatrices et conservatisme.

Les temps modernes débutent au 16ème siècle, sur une toile de fonds héritée du passé médiéval. Ces temps modernes voient des poussées novatrices. Bien évidemment, on note au 16ème siècle des éléments de permanence, c’est d’une part la suprématie du secteur rurale, on retrouve la hiérarchie des trois ordres, le système des corps, les droits seigneuriaux, le régime des tenures. Mais il faut noter les importantes mutations du 16ème siècle qui creusent un fossé avec le passé et on peut, du fait de ces mutations, parler effectivement de temps modernes (chapitre 1). En suite, lorsque s’ouvre le 18ème siècle, l’arsenal des institutions du moyen âge et que les siècles suivants ont parachevé demeure, poursuit son existence. On peut donc parler de conservatisme institutionnel, alors il faut réformer parce que le conservatisme est toujours dangereux. Il y a au niveau de l’Etat un manque de volonté de réformes radicales et de réformes qui présentent un risque croissant. Mais à partir des années 1750, l’équilibre économique et sociale traditionnelle est rompu et à ce moment-là, vers 1750, les symptômes d’une grave crise du régime se multiplient et des symptômes économiques et sociaux y sont annonciateurs de la Révolution française (chapitre 2).

Chapitre 1 : Les poussées novatrices des XVI ème et XVII ème siècles. Le 16ème siècle est le début des temps modernes et est novateur sur bien des plans. Dans le domaine

politique, le pouvoir s’affirme. Et il y a le domaine des idées, de la pensée, le 16ème siècle connaît une véritable révolution et on peut sire que sur ce terrain, l’héritage médiévale est doublement malmené.

L’époque moderne est dominée par la rupture de l’unité de la communauté chrétienne avec la réforme et c’est l’essor de la communauté protestante. D’autre part, les valeurs intellectuelles du moyen-âge sont partiellement abandonnées ; en effet, avec la renaissance est bâtit une autre morale accès sur l’individu, sur l’homme et cette nouvelle morale est appelée l’humanisme du 16ème siècle. Au 16ème siècle, on voit naître l’esprit scientifique et puis, le droit romain connaît sa seconde renaissance. De la même façon, dans le cadre de ces évolutions, on observe des mutations en matière d’enseignement ; en effet, au 16ème siècle, l’enseignement universitaire connaît un certain déclin, à ce moment-là, les universités recrutent peu et à ce moment-là, le progrès scientifique dans cette société moderne se fait en dehors des universités et c’est en dehors des universités que se diffuse le nouvel enseignement d’inspiration humaniste.

En dehors de l’université, François 1er créait en 1530 une institution appelée à un bel avenir, le collège royal qui deviendra par la suite le collège de France, une institution prestigieuse.

Le 16ème siècle connaît une réforme de grande envergure ; au moyen-âge, les arts libéraux étaient intégrés dans le cycle universitaire. A l’époque de la renaissance, l’enseignement de ces arts libéraux est désormais dispensé dans des collèges avec organisation en classes successives, cela veut dire que la renaissance a créé l’enseignement secondaire avec plusieurs classes. Par exemple, à Bordeaux, au 16ème siècle, on créait le collège de Guyenne.

Mais le 16ème siècle voit aussi des changements sur le plan économique et social ; en effet, sur le plan économique, l’Europe entre dans la troisième phase de son expansion. Il y avait eu une première phase d’expansion qui s’est déroulée entre l’Antiquité et les premiers siècles du moyen-âge, c’est la phase de l’économie méditerranéenne, autrement dit, tous les échanges se font dans ou autours de la méditerranée. Il y a eu une seconde phase, la phase de l’économie du moyen-âge, c’est une économie au niveau de l’Europe, dans un cadre géographique plus large. On entre dans l’époque moderne et le 15ème siècle est la phase trois de l’histoire économique parce qu’au 15ème siècle, l’économie étouffe dans son cadre européen ; les européens ont besoin de nouveaux espaces et on passe alors à la phase que les

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historiens de l’économie appellent « l’économie-monde », une économie qui se dilate à l’échelle de la planète.

Puis, sur le plan social, la structure sociale, traditionnelle, connaît elle-même certains bouleversements.

Section 1 : Une économie dilatée, affairiste et capitaliste.Cette période est celle d’une grande expansion mais à cette grande expansion, il existe des freins, des

limites.§ 1 : L’expansion économique.

L’expansion économique s’exprime doublement ; elle s’exprime d’abord dans le développement de l’espace qui achemine l’économie à sa forme mondiale. Puis, l’expansion s’exprime aussi dans l’essor du capitalisme.

A – Le développement du commerce international.Dans l’économie des temps modernes, évidemment, la base de l’organisation économique, cela reste

le secteur local, c’est-à-dire le travail de la terre, le marché local, tout simplement parce que c’est de ce secteur local traditionnel que dépend la survie de la majeure partie de la population. Or, cette population de la France est en nette augmentation et l’augmentation existe partout en Europe mais c’est beaucoup plus net en France. Les forces numériques agissent positivement sur la production agricole et aussi sur la production artisanale ; elles agissent positivement sur la reprise du commerce. Mais cette époque, c’est surtout celle des grands voyages atlantiques, c’est le temps des découvertes, c’est le temps de la prise de possession du monde par les puissances européennes. Autrement dit, les européens mettent le pied dans des régions qui étaient inexploitées jusque là et des régions qui vont être appelées à une activité intense et avec ces grands voyages, le centre de gravité économique est changé, de nouvelles routes économique s’ouvrent et s’établit alors à partir du 16ème siècle un vaste réseau de relations maritimes (marché triangulaire), qui se tisse sur l’Atlantique et le Pacifique.

Ces territoires nouveaux présentent de l’intérêt pour les européens ; le premier intérêt est qu’ils offrent des produits nouveaux, qui étaient inconnus jusque là ou que les européens ne possédaient qu’en petite quantité. L’autre intérêt est que ces nouvelles régions vont offrir à l’Europe un vaste champ d’investissements et notre intérêt, c’est que l’Europe va rapporter de certains de ces territoires une masse de métaux précieux et cet apport va agir très fortement sur la vie économique de l’Europe. Et ces arrivages d’or et argent proviennent en quasi-totalité des colonies portugaises et espagnoles. Autrement dit, l’Europe et le commerce occidental se retrouvent tout à coup en possession de ce dont ils avaient le plus besoin, c’est-à-dire l’abondance monétaire et l’Espagne, en quelques années, se retrouve avec ces arrivages très importants couverte d’or, ce sont des galions espagnoles qui arrivent chargés d’or. Le résultat est que l’Espagne n’est guère productrice et donc elle dépend de ses voisins pour son approvisionnement. Il se produit donc une hémorragie espagnole ; le résultat, c’est donc l’enrichissement monétaire fret cet enrichissement va être considérable.

Les échanges internationaux, inter européen, extra européen, augmentent d’intensité, de volume. Les états européens se battent, rivalisent pour l’hégémonie économique et cette hégémonie appartient à ceux qui ont la plus grande puissance politique et militaire, c’est-à-dire à ce moment-là, l’Espagne, le Portugal, l’Angleterre, la France et la Hollande. Et cette puissance est liée bien entendue à la formation de l’Etat parce que c’est l’Etat qui organise l’économie ; cette économie est organisée dans un cadre, non plus urbain, mais dans une cadre national et l’Etat dispose de moyens que d’autres unités ne peuvent avoir et dispose des moyens qui lui permettent de faire respecter ses intérêts économiques à l’extérieur et seul le grand Etat organisé a la possibilité de se lancer dans la conquête coloniale.

B – L’essor du capitalisme. Deux précisions : le vocable « capitalisme » n’apparaîtra qu’au 19ème siècle mais le fait capitaliste est

antérieur au 19ème siècle. La seconde remarque, c’est que le capitalisme a eu des antécédents médiévaux avec le grand commerce, avec ses pratiques ; c’est-à-dire qu’il a du exister au moyen-âge non pas un

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capitalisme industriel mais un capitalisme commercial. Donc il ne faut pas négliger ces racines médiévales du capitalisme mais il faut dire que le capitalisme prend véritablement de l’essor au 16ème siècle dans une conjoncture singulièrement modifiée.

1°) Le comportement capitaliste.Les idées du 16ème siècle sont en rupture avec la pensée économique du moyen-âge, qui était

véhiculée par l’église. Autrement dit, au 16ème siècle, l’humanisme et la réforme font confiance à l’individu, à ses capacités d’action, de création. Désormais, au 16ème siècle, la profession marchande, qui avait mauvaise réputation au moyen-âge, est valorisée ; d’ailleurs, ce qui est très net, c’est qu’il existe une opposition entre protestants et catholiques sur le plan de l’économique ; les catholiques du 16ème siècle condamnent la richesse alors que les protestants valorisent la richesse, la réussite économique. Donc, il existe au 16ème siècle une pensée nouvelle qui incite l’homme à s’affirmer, qui déculpabilise l’acquisition des richesses, qui favorise la naissance du nouvel état d’esprit bourgeois, c’est-à-dire le courage du risque, le goût de l’action pour s’enrichir, la volonté d’entreprendre (la soif de richesse). Tout cela fait partie des réalités du 16ème siècle.

2°) Les premiers instruments du capitalisme.A compter du 16ème siècle, de nombreux progrès ont favorisé l’essor du capitalisme ; le machinisme

appartient au futur, au 19ème siècle. Cependant, même si le capitalisme industrielle du 19ème siècle, la production connaît des perfectionnements dans certains secteurs comme par exemple la production minière, la verrerie, la fabrication drapière, les constructions navales et l’imprimerie. La main-d’œuvre et les investissements augmentent dans ces secteurs, si bien que les négociants utilisent désormais la comptabilité qui permet à tout moment de faire le bilan d’un compte, de chiffrer le gain ou la perte d’un trafique. Et on recourt de plus en plus à la lettre de change (moyen de paiement différé). Les foires ont décliné mais il existe désormais les bourses de commerce où l’on fait des transactions sur marchandises, sur valeurs, autrement dit, on voit apparaître des marchés financiers. Le crédit se développe ; il est nécessaire à l’expansion maritime, au commerce lointain.

Des atouts qui participent à l’expansion capitaliste, une expansion réelle mais une expansion quand même qui connaît des freins.

§ 2 : Les freins à l’expansion . Ils sont de trois ordres.

A – Les pesanteurs médiévales.En effet, la France du 16ème siècle demeure rurale, elle est rurale à plus de 99 % de sa population. Il

n’existe pas de marchés à l’échelle du pays. Il existe une multitude d’économies locales. Pourquoi cette situation ?

Cette situation tient principalement à faible capacité des transports, elle tient aussi aux difficultés de communication et ces difficultés sont accrues, aggravées par l’existence de douanes intérieures. La plupart des tâches de transformation restent artisanales et elles restent enserrées dans le cadre corporatif, autrement dit, elles restent enserrées dans un système étouffant qui repose sur une règlementation tatillonne, une discipline rigoureuse, un esprit de monopole, autrement dit, on se situe à l’antipode du capitalisme.

Pesanteurs médiévales, cela veut dire qu’il manque au capitalisme ses instruments les plus efficaces. Quels sont les instruments juridiques efficaces ? Ce sont les sociétés commerciales. La forme sociétaire reste très peu développée et les sociétés existantes ont le plus souvent un caractère familial ; ce sont ces sociétés de personnes. Cela veut dire que les grosses sociétés de capitaux, comme aujourd’hui la société anonyme, n’existent pas encore. Il faudra beaucoup de temps pour que les sociétés de capitaux se développe en France, pour le capitalisme triomphe véritablement, il faudra attendre une loi de 1867. La grande manufacture n’existe pas encore, c’est le système de l’atelier qui prévaut.

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Par conséquent, pour tout cela, les acteurs du capitalisme sont encore peu nombreux et le capitalisme industriel n’existe pas, et il s’agit principalement d’un capitalisme commercial et financier que développe une petite élite bourgeoise.

B – Les ingérences de l’Etat   : le mercantilisme. Au moment où l’Europe se développe, s’ouvre au monde, elle se constitue en nations puissantes ;

cela veut dire que presque partout en Europe s’implantent des gouvernements centralisés, exigeants, ce sont les Tudors en Angleterre, Isabelle de Castille en Espagne et c’est François 1er en France. Et ces gouvernements disposent de puissants moyens pour orienter l’économie et tous ces gouvernements ont besoin d’argent et donc, ils vont développer une politique économique que l’on appelle le mercantilisme.

Le mercantilisme repose sur plusieurs principes, c’est une politique économique de l’Etat. Le premier de ces principes : c’est le principal, la richesse d’un Etat est avant tout fonction de

l’accumulation de métaux précieux (cela veut dire se procurer des métaux précieux), c’est le but essentiel de l’activité économique. Il faut prendre des mesures pour se procurer de l’or et de l’argent. A partir de là émerge un deuxième principe.

Le deuxième principe : pour se procurer de l’or et de l’argent, pour avoir un stock le plus important possible, l’économie nationale doit se développer sur tous les plans pour fournir le marché intérieur, il s’agit de se passer des produits étrangers et l’économie doit être en mesure de fournir le plus de produits possible à l’étranger. Autrement dit, en important peu, en achetant peu, et en exportant beaucoup, on accroît son stock d’or, on obtient une balance commerciale positive. Et donc, pour cela, pour obtenir ce résultat, il faut développer une politique dirigiste de l’Etat ; cela veut dire que le pouvoir politique doit discipliner l’économie, et dans ce contexte, puisque le pouvoir politique contrôle l’économie, le capitalisme naissant qui repose sur la libre entreprise connaît de sérieuses entraves.

Le mercantilisme connaître son apogée au 17ème siècle avec son Premier ministre Colbert. Malgré tout, le mercantilisme a marqué tout l’Ancien Régime jusque vers 1750, c’est-à-dire jusqu’à ce que se produise une réaction libérale.

C – La récession du XVII ème siècle. Ce que l’on sait, c’est que le 17ème siècle est le siège d’une récession économique de longue durée.

autrement dit, l’Europe est en crise au 17ème siècle ; cette crise atteint l’Europe du Sud vers 1620-30. Elle se développe un plus tard au Nord. La reprise se fera un peut partout vers 1730-1740.

Les causes demeurent incertaines, en tout cas, elles sont multiples, elles se sont ajoutées les unes aux autres.

La première cause : les guerres. Elles ont été nombreuses, les puissances européennes se sont souvent opposées au 17ème siècle, sous le règne de Louis 14.

Il y a la réduction du stock métallique. Il y en a beaucoup moins.C’est aussi au 17ème siècle la faiblesse technologique.C’est la survivance de vieilles structures qui bloquent le développement capitaliste comme par

exemple, la survivance des corporations.Mais après le beau 16ème siècle, le 17ème siècle a été appelé le siècle de fer ; c’est donc un siècle qui

subit une crise de grande ampleur qui se manifeste par le déclin de la production, la chute des revenus et les difficultés du commerce.

Section 2 : Une société victime de l’inflation et subordonnée.Evidemment, il faut parler des structures sociales parce que les structures sociales sont forcément

atteintes par la conjoncture économique et puis par l’entrée dans l’âge adulte de l’Etat.

§ 1 : Les répercutions sociales d’une conjoncture inflationniste. L’un des traits majeurs de l’histoire des faits économiques des temps modernes est l’afflue des

métaux précieux qui arrivent d’abord d’Afrique et surtout d’Amérique. Et ces métaux précieux arrivent

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en Espagne, principalement à Séville. Entre le début de l’expansion et la période la plus faste (entre les années 1520 et les années 1600), il y a eu une évolution spectaculaire en matière d’arrivage d’argent.

C’est ainsi qu’entre 1521 et 1530, il est arrivé au total à Séville, en Espagne, 148 kg d’argent. Entre 1601 et 1610, il est arrivé 2 213 000 kg d’argent, soit 15 000 fois plus. Le résultat a été une hausse important des prix. Jean Gaudin a écrit une théorie quantitative de la monnaie et il a établit le lien entre l’élévation des prix et l’abondance du stock métallique. Ce qui apparaît, c’est le stock métallique a augmenté beaucoup plus vite que la production des denrées et le résultat est obligatoire : trop d’argent, pas assez de produits, les prix ont monté, cela veut dire tout simplement que les espèces métalliques se sont dévalorisées. Et l’inflation a eu des conséquences sociales variables ; elle a pu profiter à une franche étroite de la société qui a su en tirer partie.

Mais globalement, les diverses composantes sociales ont souffert de cette conjoncture d’inflation. Si on examine la situation des nobles, les nobles sont exclus du circuit des affaires en vertu de leur statut et au 16ème siècle ; déroger, faire du commerce alors qu’on est noble est très grave. Si le noble déroge, il est dès lors assimilé à un roturier, il est astreint au paiement de la taille jusqu’à ce qu’il est cessé son activité dérogeante. Cela veut dire que la vie des affaires est fermée à la noblesse. Il reste à la noblesse l’entrée dans le clergé (occuper des hautes fonctions ecclésiastiques) et il y a aussi le service du roi.

Quelques activités industrielles sont considérées comme non dérogeantes ; par exemple, la verrerie, les maîtres verriers étaient souvent des nobles et puis, les maîtres de forges étaient aussi souvent des nobles. Mais le plus souvent, le noble vit de ses terres, il vit de ses rentes or, au 16ème siècle, les goûts de luxe se développent, le désir de paraître alors que les revenus fonciers de la noblesse diminuent pour une raison : le cens est une redevance dont le montant est fixe et par conséquent, les revenus de la noblesse diminuent alors que les prix connaissent une hausse.

Dans le monde paysan, il existe des différences de conditions ; la hausse des prix agricoles profite à une minorité de paysans, il s’agit de paysans qui détiennent des exploitations agricoles importantes (plus de 20 hectares) et il s’agit généralement de paysans qui pratiquent le commerce du bétail (éleveurs) ou des grains (céréaliers). Au dessous, figure une moyenne paysannerie ; on trouve les tenanciers traditionnels, il y a aussi des alleutiers, des fermiers, des métayers qui sont à la tête d’exploitations entre cinq et dix hectares. Ce sont des gens qui travaillent et qui vivent comme au moyen-âge et les familles de ces groupes pratiquent l’autoconsommation et occasionnellement, on vend des surplus sur le marché local, ce qui permet de payer les impôts. Mais, il y a aussi un troisième groupe : les paysans démunis. Ceux qui possèdent un petit bout de terrain, et ceux-là sont fort nombreux ; c’est ceux qu’on appelle les manouvriers, les brassiers, ceux qui ont très peu pour vivre. Ils ne peuvent pas vivre de leur terre alors il leur faut un salaire d’appoint et donc, ils vont se placer comme domestiques, comme journaliers. A une époque où ils sont tellement nombreux, la demande d’emploi est tellement importante de leur pratique les salaires qui leurs sont versés sont très faibles.

Le monde de l’artisanat lui aussi qui est constitué de petits patrons travaillant en atelier, est lui aussi touché. Il est organisé en communautés de métiers et les artisans, face à l’inflation, sont inquiets comme les autres catégories sociales et ils se tournent de plus en plus vers la corporation, vers le métier juré. Ils sont d’ailleurs en cela encouragés par le pouvoir monarchique. Et les règles corporatives, de fermeture du métier, deviennent de plus en plus strictes, c’est-à-dire que les métiers se protègent de plus en plus contre la concurrence et d’autre part, les conditions d’accès au métier sont de plus en plus difficiles et donc, les enfants de maîtres deviennent prioritaires, on leur facilite l’accès au métier. Le protectionnisme s’accroît.

Finalement, dans le monde du travail, seul une petite partie de la bourgeoisie tire profit de cette conjoncture inflationniste. C’est la bourgeoisie commerçante qui fait du commerce lointain, qui fait des opérations d’importations et d’exportations, ou la bourgeoisie qui oriente son activité sur les produits de luxe, celle qui travaille dans l’imprimerie, les soieries, l’orfèvrerie. Dans ces périodes de crises, les produits de luxe se vendent bien.

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§ 2 : La subordination de la société.Dans cette société, la population dans son ensemble souffre de cette conjoncture inflationniste et

parallèlement à cela, la société est subordonnée. Si l’on reprend les différentes catégories sociales, on constate que la monarchie se subordonne la noblesse, autrement dit la noblesse est entretenue dans une sorte de domesticité dorée ; cela veut dire que désormais, la haute noblesse vit auprès du roi, autour du roi, elle mène la vie de cour. Et cette noblesse bénéficie des énormes largesses du monarque (elle ne vit pas sur ses terres mais à Versailles auprès du roi) et la stratégie politique du roi est de tenir captive l’élite aristocratique, avoir la noblesse auprès de soi pr la surveiller, la contrôler.

En dehors de la cour, sur le terrain des activités, la monarchie encourage au 17ème siècle la création mais en même temps, si elle encourage la création, elle en assure le contrôle. Et a commencé, dans un monde où la liberté n’existe pas, par les activités de l’esprit, les activités intellectuelles parce qu’évidemment, dans les régimes autoritaires, les individus les plus dangereux sont les intellectuels. On est dans le cadre d’une monarchie autoritaire et donc les activités de l’esprit ne sont pas libres et notamment depuis le 16ème siècle, aucun ouvrage ne peut être publié sans autorisation préalable : c’est la censure. L’Ancien Régime a largement pratiqué la censure. Et notamment, toujours dans le cadre des activités de l’esprit, le pouvoir étatique a créé sous l’Ancien Régime les grandes académies.

Pourquoi ? Pour encadrer l’élite intellectuelle et naturellement, la principale académie créée au 17ème siècle, c’est l’académie française qui est née à l’initiative de Richelieu, il s’agit de contrôler la vie intellectuelle. Mais en même temps, la monarchie contrôle non seulement la noblesse et les intellectuels, mais toute l’activité économique : l’artisanat, l’industrie, etc. Ainsi, la monarchie créait des manufactures ; ces manufactures reçoivent des privilèges du roi mais en même temps, alors qu’elles sont privilégiées, ces industries sont très réglementées, contrôlées et le roi, au 17ème siècle, créait des inspecteurs des manufactures, c’est-à-dire que sur les entreprises françaises qui sont des verreries, des fabriques de soie, de porcelaine, pèse une véritable tutelle étatique. Le commerce et la marine, autres secteurs de l’activité économique, sont eux-mêmes très réglementés avec les grandes ordonnances de Colbert, avec notamment la célèbre ordonnance de 1673 sur le commerce et l’ordonnance de 1681 sur la marine.

La monarchie se dote d’une armature efficace pour contrôler l’économie et les meilleurs agents régionaux de la monarchie sont les intendants. Les 16ème et 17ème siècles ont été des siècles de mutations ; cela justifie pleinement l’emploi de l’expression « époque moderne ». Au 18ème siècle, se produisent des évolutions économiques, sociales, des évolutions qui participent à la crise de la fin de l’Ancien Régime.

Chapitre 2 : La crise de la fin de l’Ancien Régime.

La société de la fin de l’Ancien Régime connaît d’importantes évolutions mais en même temps, cette société qui a évolué conserve l’héritage médiéval, ce qui créait un contexte explosif.

Section 1 : Les évolutions décisives de la deuxième moitié du XVIII ème siècle. Dans le domaine économique, un développement spectaculaire a lieu, un développement en dehors

du cadre rural, ce qui bouleverse encore une fois l’équilibre social.

§ 1 : L’essor industriel et commercial.On arrive à la fin de l’Ancien Régime ; la France reste un pays agricole et ce pays est en retard par

rapport à l’Angleterre. L’industrie française est une industrie principalement rurale, une industrie émiettée mais quand même, on constate dans cette deuxième m-18ème siècle un début de mécanisation et apparaissent les premières fabriques de grande taille et on voit dans certains secteurs apparaître des machines à vapeur qui vont permettre d’accomplir un travail plus performant et ces machines à vapeur, les premiers métiers à filer, à tisser arrivent d’Angleterre parce que l’Angleterre, quelques années auparavant, a fait sa révolution industrielle, la France ne la fera que dans le courant du 19ème siècle. Et donc, on fait grâce aux machines un certain nombre de progrès en France dans le domaine de l’industrie

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textile et dans la chimie. Et surtout, dans ce monde qui change plus ou moins rapidement, ce qui progresse le plus, c’est le grand commerce international. La France de la deuxième m-18ème siècle conserve des colonies qui lui rapportent. La France conserve la Martinique et la Guadeloupe, une partie de l’île de Saint-Domingue, elle conserve également des comptoirs de commerce au Sénégal, en Guinée et en Inde. Elle conserve aussi deux îles, celle que l’on appelle alors l’île de France qui deviendra l’île Maurice et l’île Bourbon qui deviendra la Réunion.

Les richesses de ces colonies arrivent dans les ports de la métropole. Le commerce se fait de deux façons : il existe un commerce en droiture, cela veut dire que les bateaux partent des ports français et vont dans les colonies, reviennent et repartent. Ils amènent des produits manufacturés dans les colonies et reviennent avec des produits des colonies, c’est un commerce direct. Mais à côté de cela, il y a également le commerce triangulaire, un commerce qui a donné lieu à la traite des esclaves ; le système était très simple et a fait la fortune de beaucoup : les bateaux partaient de la métropole chargés d’objets de petite valeurs et ces produits étaient déchargés sur les côtes d’Afrique contre un contingent d’esclaves, ces esclaves étaient conduits dans des conditions épouvantables dans les colonies et ils étaient vendus à des planteurs et le prix de la vente des esclaves permettait d’acheter des produits coloniaux, ces produits étaient ramenés en métropole et revendus dans toute l’Europe. Alors, forcément, avec ce trafic incessant, la France atlantique a connu un essor considérable et notamment, certains ports de l’Atlantique, Bordeaux, Nantes et La Rochelle en ont largement profité et ont fait leur fortune à ce moment-là. Des trafics qui ont permis de réaliser les splendeurs urbanistiques de ces villes.

Cette situation évolutive a des conséquences sur la structure sociale.

§ 2 : Le bouleversement de l’organisation sociale.Les phénomènes du chapitre précédent s’accentuent ; c’est-à-dire que l’on constate dans la deuxième

m-18ème siècle d’une part, une paupérisation de la noblesse, on constate parallèlement une ascension de la bourgeoisie et surtout de la grande bourgeoisie. Concernant les classes populaires, il est bien difficile lorsqu’on étudie la deuxième m-18ème siècle de connaître l’importance des classes populaires et il est difficile d’établir une frontière entre les classes populaires et la petite bourgeoisie.

Par exemple, lorsqu’on étudie les corporations d’artisans et de marchands, on constate que ces corporations de métiers peuvent cacher des réalités bien différentes, elles peuvent dissimuler des comportements variables, on constate que d’une corporation à l’autre, il peut exister une distance économique et sociale considérable ; par exemple, dans certaines corporations, il y a des gens qui sont de véritables entrepreneurs, de véritables marchands capitalistes, des gens qui parviennent malgré les interdictions à employer une main-d’œuvre abondante alors qu’il existe des corporations d’artisans pauvres, des gens qui ont du mal.

En tout cas, les corporations présentent un point commun : pauvres ou riches, elles s’accrochent à leurs privilèges et elles défendent leur monopole contre ceux qui n’appartiennent pas à leur petit monde. Elles introduisent des règles de numerus clausus, c’est-à-dire qu’on décide que dans tel métier de la ville, il y aura 30 maîtres et pas plus, on limite l’accès au métier, autrement dit, quelque uns vont se partager les places et d’autres n’y auront pas accès.

Que se passe-t-il dans ce cas-là ? Ils se rebellent et c’est ainsi que l’on voit se constituer des organisations ouvrières contre ces petits patrons qui veulent tout avoir que l’on va appeler les compagnonnages et les ouvriers qui travaillent chez les maîtres du métier sont donc compagnons et c’est au 18ème siècle que se développe le fameux tour de France, autrement dit, ils vont travailler chez les patrons d’une ville à l’autre. Cela devient un rituel obligatoire.

Ces corporations et ces compagnonnages, deux structures qui vont coexister, ne rassemblent qu’une petite partie du monde du travail parce que dans cette France rurale, il n’existe que très peu de salariés purs, la majorité des travailleurs dans la France du 18ème siècle sont mixtes, cela veut dire que les paysans et les ouvriers sont à temps partiel, autrement dit, ils cultivent leur petit lopin de terre, et à leurs heures, ils sont tisserands, forgerons, etc. Dans cette deuxième m-18ème siècle, on voit augmenter le nombre de domestiques ; on le trouve chez le grand bourgeois qui va employer une vingtaine. Le moindre artisan a une servante. Tout le monde a besoin de cette main-d’œuvre domestique et c’est la

Page 75: sophiasapiens.chez.comsophiasapiens.chez.com/archeologie/Histoire des... · Web viewEt cette suprématie du secteur rural va se retrouver jusqu’à la Révolution française. Cependant,

raison pour laquelle, au 18ème siècle, la main-d’œuvre de gens de maison représente au moins le dixième de la population urbaine.

La fin de l’Ancien Régime voit aussi se développer un phénomène nouveau, un phénomène migratoire, de déracinement comme jamais il n’en avait eu. Pourquoi ? Parce que le travail de la terre ne permet plus à beaucoup de subsister et par conséquent les ruraux sont de plus en plus nombreux au 18ème

siècle à sillonner la France pour louer leur force de travail à l’occasion de travaux saisonniers. Mais cette société française qui mute, qui change ne parvient pas à se libérer de son carcan

traditionnel, inégalitaire hérité du moyen-âge.

Section 2 : Le conservatisme social dangereux de la fin de l’Ancien Régime.Hérité du moyen-âge, l’inégalité à la fin de l’Ancien Régime reste le critère fondamental de la société

française. Les siècles précédents rendaient cette situation supportable parce que ces siècles du moyen-âge et de l’époque moderne offraient des possibilités d’ascension sociale, de franchissement des barrières sociales : un roturier pouvait accéder à la noblesse, un compagnon capable pouvait accéder à la maîtrise. Au 18ème siècle, le système de passerelles se réduit sensiblement ; ce système laisse place à une dangereuse politique d’exclusion.

§ 1 : Une société inégalitaire.Lorsqu’on évoque les inégalités de la société d’Ancien Régime, on songe à la division tripartite, en

trois ordres, on pense aux privilèges de la noblesse et du clergé. Il est vrai qu’à la fin de l’Ancien Régime, la société française est toujours organisée selon l’antique critère des 3 ordres. Le tiers-état est évidemment numériquement le plus important, c’est celui qui représente une grosse partie de la société, il va du plus haut bourgeois jusqu’au plus pauvre du petit peuple. Le tiers-état représente 98 % de la population française.

Mais la noblesse et le clergé préservent de très importants privilèges. Mais il existe à côté de la noblesse et du clergé privilégiés, dans cette société de fait d’Ancien Régime, d’autres inégalités qui touchent l’ensemble de l’édifice social. Les corporations ont d’importants privilèges puisqu’elles détiennent le monopole de l’activité. Si on regarde l’industrie française, dans l’industrie, parmi les nombreuses manufactures privées, certaines ont un statut particulier ; elles ont le statut de manufacture royale et un statut que leur procure des privilèges, qui leur procure des avantages financiers de la part de l’Etat, ce sont des prêts, des crédits, des primes, l’assurance d’un débouché. Si on examine le travail de la terre, il y a des catégories qui ne sont pas du tout privilégiées ; il existe encore des serfs à la veille de la Révolution. Et puis, il y a aussi le prolongement de la métropole dans l’économie à la fin de l’Ancien Régime, il existe des dizaines de milliers d’esclaves.

A la fin de l’Ancien régime, il existe encore des inégalités religieuses puisque la religion catholique reste la religion d’Etat et les sujets du roi doivent la pratiquer. L’Edit de Nantes qui accordait des droits aux protestants a été révoqué en 1685 ; cela veut dire que le protestantisme n’est plus toléré et les protestants sont persécutés, ils sont exclus de toute fonction publique. Et puis, il y a aussi la situation des juifs ; les juifs, qui ont souvent été maltraités dans l’histoire, ne sont pas perçus partout de la même façon. En particulier, les juifs de la France de l’Est subissent des mesures vexatoires, souvent ils sont arrêtés, persécutés. Alors que les juifs du Midi jusqu’à Bordeaux sont au contraire très assimilés et jouissent même de prérogatives. Il y a des familles juives qui ont figuré parmi les plus riches négociants de Bordeaux.

Cette situation d’inégalité se renforce donc dans la deuxième moitié du 18ème siècle et à ce moment-là, la société française connaît de dangereux blocages.

§ 2 : Une société d’exclusion.Les blocages existent dans le monde professionnel. Les maîtres des communautés de métiers ont

tendance à privilégier leur fils et leur gendre ; il existe donc un népotisme, l’habitude qui consiste à préférer les membres de sa famille, qui s’est renforcé. Ce qui est plus grave, c’est que la bourgeoisie se voit fermer l’entrée dans la noblesse. Jusqu’au 18ème siècle, la noblesse pouvait s’acquérir par l’exercice

Page 76: sophiasapiens.chez.comsophiasapiens.chez.com/archeologie/Histoire des... · Web viewEt cette suprématie du secteur rural va se retrouver jusqu’à la Révolution française. Cependant,

de certaines fonctions, charges. Au 18ème siècle, il se produit une réaction nobiliaire, cela veut dire que la promotion par la fonction publique, par l’exercice de certaines charges se raréfient. Par exemple, autrefois, lorsqu’un bourgeois exerçait une fonction parlementaire, il était anobli. Au 18ème siècle, les parlements décident de ne plus recruter que des gens issus de la noblesse. Et puis, il y a aussi le fait que le roi anoblit de moins en moins de roturiers. Il existe une mode au 18ème siècle, c’est de rappeler aux nouveaux nobles leurs origines roturières, c’est-à-dire qu’on fait la distinction entre le gentilhomme traditionnel, ancien et l’anoblie.

Pourquoi cette réaction nobiliaire ? Cette réaction est liée à la baisse des revenus de la noblesse et les nobles, qui s’appauvrissent, revendiquent auprès du roi le monopole de certains postes et en particulier le monopole du métier des armes qu’ils vont obtenir et au 18ème siècle, la plupart des écoles militaires sont réservées aux jeunes nobles. Et de la même façon, la noblesse de vieille souche entre désormais en force dans les ministères, dans les intendances ou encore dans le clergé. On constate par exemple qu’en 1789, tous les évêques de France sont nobles ; cela veut dire que la noblesse s’érige en caste.

Cette situation exaspère la bourgeoisie fortunée parce que la bourgeoisie, par son activité économique, représente le dynamisme de la nation mais elle voit son ascension sociale freiner. Et puis la réaction nobiliaire va s’exprimer sur un autre front, sur un autre terrain. Dans les années 1770-80, dans les campagnes, les seigneurs, les nobles donc, cherchent à augmenter les vieux droits seigneuriaux, le cens, et ils demandent à des juristes d’étudier les vieux contrats et puis, les nobles veulent faire revivre leurs anciennes prérogatives seigneuriales à la veille de la Révolution, comme le droit de chasse dans la forêt. Ces attitudes suscitent l’exaspération du monde rurale. Dans ces conditions, le tiers-état, bourgeois, paysans, artisans, n’a rien à perdre à un changement de régime.

Conclusion :Le conservatisme et le blocage de la société jouent en faveur de quelques uns. Et cela créait une

situation des plus dangereuses. Pourquoi ? La bourgeoisie monopolise les forces vives de l’économie et elle possède la fortune ; elle paye la majeure partie des impôts. En même temps, elle détient aussi la culture, les capacités intellectuelles. Et cependant, malgré tous ces atouts, elle ne parvient pas à avoir une influence sociopolitique marquante, elle est refoulée. Comme l’a exprimé un auteur, l’argent et le mérite butent contre la naissance. La bourgeoisie voit sa puissance intellectuelle et économique emprisonnée en quelque sorte, ce qui fait d’elle, inévitablement, une force révolutionnaire. Pour agir, cette bourgeoisie a besoin de troupes et justement, elle les possède ; elle possède l’infanterie nécessaire à la Révolution, c’est-à-dire les paysans qu’exaspèrent les seigneurs et leurs ouvriers des villes, les compagnons sans avenir. Et cette bourgeoisie contestataire est réceptive aux idées de l’opinion éclairée qui remet en cause tous les principes de l’organisation politique, économique, sociale du royaume, qui remet en cause toutes ces institutions d’Ancien Régime malades. Donc, l’idéologie des Lumières dénonce l’héritage historique, les traditions, les privilèges et les inégalités surtout ; cette nouvelle idéologie veut promouvoir la loi, la raison, la liberté, l’égalité, l’individu et la laïcité. Et en cela, on peut dire que cette bourgeoisie et cette opinion éclairée aiguisent les ardeurs populaires et les impatiences du peuple vont devenir explosives en 1789.