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Révision : spécificité de la description littéraire (texte 2) : approfondissement • Frontières de la description Compte tenu de l’importance des notions qui se concentrent dans la description, il nous a semblé intéressant de faire de cette fiche un approfondissement des études de la fiche précédente. Comme dans les deux textes de la fiche précédente, le passage descriptif se repère par un chan- gement des temps verbaux qui passent du passé simple (pour les actions) à l’imparfait (pour la description). Deux phrases (Auprès des œuvres […] du capitaine Nemo.) donnent un aperçu global de ce qui va être décrit en détail. La proposition « je fus interrompu par ce mot » interrompt à son tour la description.

Description

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DESCRIPTION

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Page 1: Description

– l’utilisation de verbes à la voix passive (le corps est recouvert par le manteau […] et n’estouvert […], elle est surmontée […], la bouche […] est armée […]) ;

– l’emploi de termes scientifiques (structure, espèce, polypes, transverse, entonnoir tentaculaire,couronne tentaculaire, ouverture antérieure, organes locomoteurs, organes de préhension,mandibules) ;

– des explications par synonymie (un corps, ou masse abdominale).

• Utilisation d’une documentation scientifique dans une description littéraire (texte 2) :

Certaines caractéristiques de la description scientifique sont modifiées :

– l’imparfait et le passé simple, temps du récit, remplacent le présent ;– l’emploi du pronom je (on n’apparaît qu’une fois) ;– la présence forte de celui qui décrit, un être passionné, comme l’indiquent les marqueurs desubjectivité (de très curieux spécimens, une virgulaire admirable, les échinodermes remar-quables…) ;– peu d’emplois de la forme passive ;– le choix des termes scientifiques se fait au nom de leurs sonorités qui se répondent et riment(tubipores, gorgones, madrépores/virgulaire, ombellulaires, alcyonnaires/astéries, holothu-ries/des éponges douces de Syrie/des isis des Moluques/une virgulaire admirable des mersde Norvège…). Le lecteur de Jules Verne, à l’inverse du lecteur scientifique, sera porté de moten mot par la musique, sans même avoir besoin de comprendre la signification de chaqueterme ;– l’énumération rapide, sans explication, en résulte.

Certains aspects de la description scientifique sont conservés :

– le lexique très spécialisé du classement (embranchement, spécimens, groupes, section, col-lection, individus) ;– l’ordre de classification scientifique (l’embranchement des zoophytes, deux groupes despolypes et des échinodermes, dans le premier groupe, dans les échinodermes) ;– l’abondance des termes scientifiques (tubipores, gorgones, éponges, isis, pennatules, virgulai-re, ombellulaires, alcyonnaires, madrépores, astéries, étoiles de mer, pantacrines, comatules,astérophons, oursins, holothuries). Mais, comme on l’a vu, le souci du lecteur, notamment à pro-pos des problèmes de lisibilité posés par le taux élevé de ce vocabulaire spécialisé, amène l’ajoutd’un prédicat plus familier (des gorgones disposées en éventail, des éponges douces de Syrie,une virgulaire admirable des mers de Norvège, des ombellulaires variées, Dans les échino-dermes, remarquables par leur enveloppe épineuse…).

Révision : spécificité de la description littéraire (texte 2) : approfondissement

• Frontières de la description

Compte tenu de l’importance des notions qui se concentrent dans la description, il nous a sembléintéressant de faire de cette fiche un approfondissement des études de la fiche précédente.

Comme dans les deux textes de la fiche précédente, le passage descriptif se repère par un chan-gement des temps verbaux qui passent du passé simple (pour les actions) à l’imparfait (pour ladescription).

Deux phrases (Auprès des œuvres […] du capitaine Nemo.) donnent un aperçu global de ce quiva être décrit en détail.

La proposition « je fus interrompu par ce mot » interrompt à son tour la description.

131Commencer et finir un récit

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Page 2: Description

• Contenu et organisation de la description

Cette description par énumération est encadrée par un point de vue sentimental du regardeur,colorée par une tonalité : la joie, l’étonnement du connaisseur.

On trouve, intégrées à la description, les réactions du regardeur et celles du lecteur (le regardeurdu regardeur).

La description est caractérisée par :– un vocabulaire spécialisé sous forme de listes démesurées d’animaux marins ;– une syntaxe en énumération de groupes nominaux ;– une mise en scène théâtrale : les objets sont montrés derrière des vitrines classant et étiquetantdes raretés naturelles, autour d’une vasque « électriquement éclairée ».

Dans l’extrait proposé ci-dessus,par deux fois, l’énumération se fait à l’intérieur d’une même phrase :(Dans le premier groupe, […]. Dans les échinodermes, […] ).

• Fonctions de la description

1- Portrait du regardeur :

– le regardeur est un curieux: la curiosité du spécialiste pour les coquillages rares est légitime.– le regardeur est un scientifique:il a les connaissances pour nommer et classer ce qu’on lui donneà voir, ce qui justifie la précision de la description et l’utilisation d’un lexique spécialisé.– le regardeur est un passionné, comme l’indiquent les marqueurs de subjectivité :

- des adjectifs qualificatifs : « élégantes », «admirable », « remarquables », « inestimable » ;- un superlatif absolu : « de très curieux spécimens » ;- un superlatif relatif : « les plus précieux produits de la mer »…- des adverbes dans les expressions : « qui eussent jamais été livrées, a si sagacement clas-sés, se serait pâmé certainement ».

Cette description aide à poursuivre le portrait du regardeur (commencé précédemment), scien-tifique précis,méticuleux,savant… mais peut-être aussi ostensiblement trop savant,ou tout sim-plement, jubilant à la vue de tant de curiosités.

Ici aussi, nous avons le sentiment du regardeur : on voit les choses à travers le regard d’un per-sonnage.

2- Portrait de l’hôte (Nemo) :

Après avoir eu le sentiment du regardeur (le professeur Aronnax), nous avons celui du collec-tionneur (le capitaine Nemo), limite finale de la description.

Le collectionneur indique qu’il estime avoir un avantage sur le naturaliste qu’il a devant lui :nonseulement il connaît les objets présentés, mais il les a recueillis lui-même en ayant fouillé tou-tes les mers du monde.

Cet avantage sur Aronnax, Nemo le lui a déjà affirmé : « Vous avez poussé votre œuvre aussiloin que vous le permettait la science terrestre.Mais vous ne savez pas tout, vous n’avez pastout vu. » (p. 98)

Nemo est un ingénieur, un voyageur, un marin, un savant omniscient, quasiment un démiurge, uninitiateur.

Le voyage que vont faire Aronnax et ses compagnons n’est d’ailleurs pas un voyage ordinaire :«Vous allez voyager au pays des merveilles », lui a dit Nemo, en annonçant, de manière prophé-tique, la suite (et la fin) du roman :

Je vais revoir dans un nouveau tour du monde sous-marin – qui sait, le dernier peut-être? – tout ce que j’ai pu étudier

au fond de ces mers tant de fois parcourues, et vous serez mon compagnon d’études. À partir de ce jour, vous entrez

dans un nouvel élément, vous verrez ce que n’a vu encore aucun homme – car moi et les miens nous ne comptons plus–,

et notre planète, grâce à moi, va vous livrer ses derniers secrets. (p. 99)

132 Commencer et finir un récit

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Page 3: Description

3- Fonction narrative :

Cette description n’a pas pour objet d’apporter des explications au lecteur. La subjectivité duregardeur vise plutôt à donner une impression d’exhaustivité, de démesure, de puissance infi-nie du capitaine Nemo.

Elle justifie, par avance, l’attitude d’Aronnax qui déclarera : « Je n’éprouvais nul désir de quitterle capitaine Nemo. Grâce à lui, grâce à son appareil, je complétais chaque jour mes étudessous-marines, et je refaisais mon livre des fonds sous-marins au milieu même de son élé-ment. » (p. 364)

4- Fonction réflexive :

Comme dans le texte 2 de l’activité précédente, il est aussi fait appel à la connivence.

Il y a mise en connivence du regardeur et du personnage principal, au travers de leur passionpour l’étude scientifique : « Vous êtes de ceux qui ont fait eux-mêmes leur trésor. »

Il y a aussi mise en connivence du regardeur avec le lecteur, le lecteur qui est, en quelque sorte,le regardeur du regardeur : « on conçoit ma joie de professeur », «un conchyologue un peu ner-veux se serait pâmé certainement devant d’autres vitrines ».

5- Fonction métatextuelle :

Cette description peut aussi avoir pour but d’intriguer le lecteur qui se demande comment JulesVerne a pu amasser une telle documentation,tout comme le narrateur s’interroge «à quelle sour-ce il (le capitaine Nemo) puisait pour satisfaire ainsi ses fantaisies de collectionneur». (p.114)

Nous touchons ici à une fonction métatextuelle de la description : le personnage se pose lesquestions du lecteur.

N. B. : cette fonction est nouvelle. On ne la trouvait pas dans l’activité précédente.

6- Fonction de diffusion du savoir :

« Il s’agit de disposer, à l’intérieur du récit, les savoirs de l’auteur, qu’ils proviennent de sesenquêtes ou de ses lectures. Carnets, fichiers, dictionnaires encyclopédiques, livres théo-riques… autant de supports nécessaires au descripteur réaliste. » (André PETIJEAN, revuePratiques n° 55, septembre 1987, p. 62)

Comment Jules Verne procède-t-il pour intégrer sa documentation dans son récit ?

Différents procédés permettent de théâtraliser ce savoir (et de justifier les descriptions) :• le savoir est délégué à des personnages spécialistes : le professeur Aronnax et le capitaineNemo.• le narrateur visite le domaine du propriétaire du « savoir » ;• à l’intérieur du territoire visité, se trouvent des lieux prétextes introduisant la description(fenêtres, hublots, vitrines) ;• l’acte de transmission du savoir de l’écrivain prend ici l’apparence de fiches techniquesdirectement injectées dans le roman ;• cette insertion de termes scientifiques devient langage poétique par les rimes qui la par-sèment.

N. B. : cette fonction non plus n’existait pas dans l’activité précédente.

Consigne de lecture n° 1

Dans le texte 1, relevez les termes scientifiques.

Consigne de lecture n° 2

Dans le texte 2, où commence et où finit la description ? Sur quels éléments vous appuyez-vouspour justifier votre réponse ?

133Commencer et finir un récit

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