Acta Bot. Ga/lica. 2005, 153 (2). 257-264.

Resume de these d'Etat

Determinisme, dynamique et modelisation spatiale de Ia diversite floris­rique dans un contexte de deprise pastorale : application a Ia gestion durable des espaces montagnards sous influence mediterraneenne

par Damien Marage

ENG REF, LeRFOb UMR JNRA-ENGREF I 092, 14 rue Girardet. CS 4216. F-54 042 Nancy cedex 169

Mots-des : Alpes - habitat naturel - pastoralisme - regression logistique - SIG.

Key-words : Alps - natural habitat - grazed ecosystem - GIS - logistic regres­sion.

Cette these a ete preparee sous Ia co-direction de Jean-Claude Rameau et Jean-Jacques Brun et soutenue le 22 janvier 2004 a I' Ecole nationale du genie rural, des eaux et fon!ts, centre de Nancy, au sein de I'UMR INRA-ENGREF 1092 laboratoire d'etudes ressources forets-bois ; elle comporte 236 pages plus des annexes. Elle est disposible en ligne sur le serveur Pastel a http://pastel.paristech.org/

I. INTRODUCTION GENERALE

Elabore et inscrit dans Ia crise environnementale contemporaine (Larrere & Larrere, 1997), le concept de biodiversite, revele par le Sommet de Ia Terre ( 1992 ), constitue le cadre d 'une reflexion sur les relations entre I'Homme et le monde qui l'entoure. La transformation et Ia fragmentation des habitats naturels, consequences des changements globaux, entrainent une erosion et une perte de biodiversite. Les exces et les menaces qui en decoulent consti­tuent les fondements de cette crise. Devant cette crise d'ampleur mondiale, Ia societe s'in­terroge, se remet en question et presse le monde scientifique d 'apporter des elements de reponse (Drouin, 1991 ). Des lors, comment prevenir cette perte, d'autant plus que Ia neces­site d'intervenir se fait pressante sans que Ia fa.;on d'agir soit toujours definie avec exac­titude?

Relever ce defi suppose Ia maitrise d'outils conceptuels et methodologiques appropries. QueUes postures adopter face a Ia preservation de Ia biodiversite? II ne s'agit plus de pro-

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teger, de Ia presence et de !'action de !'Homme, Ia nature. II faut reussir a federer les mul­tiples acteurs qui participent a l'amenagement du territoire, par Ia mise en valeur des res­sources en tenant compte des interactions complexes qui lient l'activite humaine et les systemes ecologiques. La biodiversite apparait alors comme un concept-de pour designer Ia co-evolution des systemes ecologiques et socio-economiques (Aubertin eta!., 1998).

Les populations vegetales se renouvellent et persistent selon l'heterogeneite spatiale et Ia variabilite temporelle des facteurs environnementaux. Ces facteurs sont assujettis a des regimes regionaux de perturbations (Blonde!, 1995). A travers le concept de perturbation, de nombreux travaux ont integre les pratiques agricoles, pastorales ou forestieres comme analogues aux perturbations naturelles.

Puisque ces actions font peser des menaces sur Ia biodiversite, il est legitime de vouloir connaitre et evaluer Ia part de ces derniers dans les mecanismes de persistance et de fonc­tionnement des ecosystemes. Toute Ia difficulte reside alors dans Ia distinction entre les causes allogenes et autogenes (Odum eta!,. 1979). Bazzaz ( 1983) soutient qu'il est prefe­rable de s' ecarter de ce de bat, de sorte de ne plus focaliser sur I' origine de Ia perturbation (humaine versus naturelle), mais bien sur les caracteristiques du regime de perturbations. Pour !'auteur,« les problemes ne sont pas de savoir ce qui cause Ia perturbation mais quel­le est Ia nature et les consequences de Ia perturbation et comment font les especes et les populations pour y repondre en terme ecologique et evolut(( », ce qui fait dire a Lepart ( 1997) qu' « il n )·a presque pas de systeme dont lefonctionnement so it entierement expli­cable par le jeu desfacteurs nature Is. Mais a I 'inverse, iln )·a presque pas de systeme dans le fonctionnement et Ia dynamique duquel les processus naturels ne jouent un role deter­minant. Les systemes sont anthropises au artificialises, mais its ne sont ni anthropiques ni artificiels » et de conclure que, pour traiter les problemes lies a Ia conservation des espaces et des especes, il est necessaire de comprendre les liens fonctionnels et perpetuels entre les systemes ecologiques et les societes qui les utilisent. La voie de l'ecologie historique est ouverte. A ce propos, Odum ( 1971) declarait que « historical research in ecology must be conducted with an open mind and without a preconceveid goal ((we are to fit!(r unders­tand the biotic communities as wefind then today». Ainsi, l'ecologie a su « reconnaitre I 'homme com me un element structurant des ecosystemes et des paysages, com me une sour­ce de perturbations, com me un nouveau moteur de I 'evolution des changements qu 'if impose a Ia planete » comme le souligne Lefeuvre ( 1981 ), et Blandin ( 1997) de conclure qu' « ilfaut admettre qu 'if n :v a plus Ia natured 'un cote, I 'hom me de /'autre», si bien qu'il est maintenant necessaire d'integrer cette complexite et de devoir Ia rendre intelligible.

L' interaction entre ecosystemes et systemes socio-economiques conduit a I' emergence d'une entite nommee ecocomplexe. Pour Blandin et Lamotte ( 1988), ce qui fonde son exis­tence, « c 'est Ia combinaison d 'une structure et d 'un fonctionnement pro pres iss us d 'une histoire particuliere. II correspond a des ensembles d ;ecosystemes interactifs. Ace niveau apparaissent des proprietes nouvelles. liees a Ia structure des mosai"ques. a Ia diversite du (( grain )) des ecosystemes. au reseau d 'interf"aces qu 'ils forment, aux flux d 'energie. de matiere et d 'organismes que Ia structurefavorise au contrarie. a I 'existence de populations ne se maintenant que par Ia coexistence les differents ecosystemes necessaires a leurfonc­tionnement ». L'ecocomplexe est indissociablement un patrimoine nature! et culture!.

La deprise agricole puis les politiques agricoles d'harmonisation europeenne ont concouru a une mutation, au niveau local, de l'espace rural. En particulier, Ia part de l'ac­tivite pastorale dans l'espace montagnard diminue inexorablement. Une vegetation ligneu­se se developpe dans des zones jusque Ia vouees au pastoralisme. Cette dynamique de recolonisation fait peser des incertitudes sur l'avenir de cette activite et par consequent sur

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Ia permanence meme de !'occupation humaine d'une partie du territoire. Ce processus de recolonisation doit s'accompagner d'une analyse des systemes socio-economiques passes et actuels. En effet, l'activite agropastorale pluriseculaire, en fac;onnant l'espace nature!, fut tres probablement source de diversite a l'echelle du paysage (Blonde! & Aranson, 1995).

Dans le contexte de Ia deprise pastorale des espaces montagnards, si « Ia tache est de db•elopper un modele integre qui represente les liaisons entre les systemes biologiques, physiques et humains dont dependent Ia hiodiversite »(Holling. 1992), de multiples inter­rogations restent en suspens quanta l'echelle spatiale et temporelle des modeles a biitir. En ce qui concerne l'echelle spatiale, !'imprecision du modele risque d'etre d'autant plus importante que le comportement individuel d'un gestionnaire, au sens foncier du terme, devient stochastique. En revanche, a l'echelle d'un ecocomplexe, une cohesion sociale se forge, !'ensemble des proprietaire etant assujetti au meme systeme macroeconomique. A cette echelle, Ia modelisation peut devenir intelligible : le modelisateur peut cerner les pro­cessus, leurs consequences et envisager des scenarios dans les trajectoires dynamiques des ecosystemes et de leur biodiversite. Les limites structurales et fonctionnelles etant spatia­lisees, l'amenagement durable d'un territoire sera d'autant plus efficace que les interac­tions, indispensables au renouvellement des populations infeodees a I' espace gere, jouent essentiellement a I' interieur de celui-ci (Lamotte, 1985 ). Mais les composantes et le fonc­tionnement d'un territoire sont si complexes a apprehender que Ia simplification du syste­me, pour concevoir Ia modelisation. peut probablement aboutir a des erreurs de transcription et de comprehension de ses caracteristiques et de ses processus. II est clair que, dans tous ces cas, Ia resolution des problemes ne peut se faire qu'en prenant en comp­te l'heterogeneite spatio-temporelle et en combinant des approches concernant plusieurs niveaux d'organisation. L.:apport de Ia geomatique s'avere done crucial.

Cette these se voudrait une contribution a Ia reconnaissance de I' ecologie historique et spatiale comme outil conceptuel et operationnel pour evaluer le poids de l'anthropisation dans le fac;onnement des paysages vegetaux. Ce theme central est envisagee sous !'angle de Ia persistance taxonomique et ecologique des communautes vegetates. Elle voudrait egalement apporter une meilleure comprehension globale aux determinismes et aux fonc­tionnements des ecocomplexes dans un contexte bioclimatique et socio-economique pour lequel les enjeux de conservation des especes et des espaces sont plus que jamais primor­diaux.

Le contexte des montagnes calcaires sous influence mediterraneenne, touchees par Ia deprise agricole, sera le cadre de notre reflex ion. Dans les Hautes-Alpes, un bassin versant, haut-lieu de l'endemisme franc;ais et inscrit dans un site Natura 2000, servira de base a nos investigations.

II. RESULTATS

Le bassin versant du Petit Buech (Hautes-Alpes, France), inscrit dans le site Natura 2000 n° FR 9301511 Devoluy- Durban- Charance, m'a permis de tester uncertain nombre d'hypotheses sur Ia dynamique de Ia vegetation. sa diversite et sa productivite dans un contexte de deprise pastorale.

L.:elaboration d'un plan d'echantillonnage, biiti dans un cadre probabiliste sous SIG, a permis, en croisant les regimes de perturbations passes (cadastre napoleonien de 1808) et actuels ( vues aeriennes de 1948. 1971, 1981, 1993 ), de mettre en relation les composantes

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de Ia biodiversite vegetale (richesse specifique exprimee, richesse potentielle, biomasse) au sein de compartiments ecologiquement homogenes. La caracterisation des regimes de perturbations passes s'est appuyee sur les resultats acquis dans le cadre du programme LIFE Heritage bioculturel fares tiel: Cette strategie d 'analyse a perm is de reconstituer de maniere diachronique (sur 200 ans) et synchronique, par un grand nombre de releves (227), Ia dynamique de Ia vegetation et de ses composantes dans ces montagnes sous influence mediterraneenne.

A. Menaces pour Ia persistance taxonomique Dans notre secteur d'etude, Ia richesse specifique herbacee par placette decline au cours

de Ia succession ecologique. Elle passe en moyenne de 38 ± 1,1 especes, dans les pelouses, a 36 ± I ,2 dans les fruticees, puis a 27 ± I, 7 dans les forets recentes et en fin a 19 ± I ,6 dans les forets anciennes.

En combinant Ia charge pastorale (niveau de perturbation) et le deficit hydrique cumu­li: (stress abiotique), nous observons un patron de diversification de communautes confor­me aux predictions de Grime ( 1973, 1987) et Tilman ( 1997) : plus le stress abiotique et Ia charge pastorale sont importants, moins les communautes se diversifient, et ce quel que soit le stade dynamique.

La richesse du tapis herbace des forets anciennes est particulierement affectee par le paturage a mesure que le deficit hydrique cumule croit. La richesse specifique moyenne chute brutalement de 20,9 a 9,2 especes pour les sites les plus xeriques.

En ('absence de perturbation, les pelouses et fruticees semblent tendre vers un equilibre moyen de 40 especes pour les premiers et de 35 especes pour les seconds. En revanche, les forets recentes voient leur ric hesse moyenne augmenter de 21 ± 7,0 a 34 ± 6,0 especes a mesure que le niveau de stress hydrique croit. Ce gain taxonomique s'explique par Ia pre­sence de micro-eboulis qui favorisent l'adjonction de taxons xerophiles ou/et rupicoles. Dans les forets anciennes, I' erosion floristique est en revanche une fonction lineaire crois­sante du niveau de stress hydrique.

Ces resultats s'inscrivent tout a fait dans le courant de ceux obtenus ces dernieres annees dans les travaux consacres aux consequences de Ia sous-utilisation des complexes agro­sylvo-pastoraux.

B. Menaces pour Ia persistance ecologique Dans les espaces pastoraux voues a Ia deprise, I' erosion floristique peut avoir des conse­

quences a long terme sur le recrutement de Ia vegetation dominante actuelle. La banque de graines du sol constitue un reservoir genetique latent. Encore faut-il qu'elle soit capable de remplir ce role par une bonne similarite avec Ia vegetation en place et qu'elle puisse s'ex­primer par le maintien d'un regime de perturbations adequates.

Nos resultats demontrent que i) Ia densite et Ia richesse de Ia banque de graines des pelouses et des fruticees sont superieures dans les zones non paturees, ii) que Ia similarite entre Ia vegetation et Ia banque de graines augmente au cours de Ia succession, puis decroit dans les forets anciennes, et iii) que Ia banque de graines de ces forets est tres differente en terme de composition et de richesse par rapport a celle des forets recentes. Les tests de correlations de matrices (tests de Mantel) prouvent que ce sont des facteurs locaux qui structurent Ia banque de graines quel que soit le stade dynamique. Les banques de graines etudiees dependent done directement de Ia vegetation en place.

Dans notre contexte montagnard sous influence mediterraneenne, Ia vegetation privile­gie Ia reproduction vegetative aux depens de Ia creation de banque de graines longevives.

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Par consequent, les possibilites de restauration ecologique sont quasi nulles, seul le main­tien du pastoralisme devrait permettre Ia persistance de Ia biodiversite en place.

C. Modelisation spatiale de Ia biodiversite et de ses composantes L'utilisation conjointe de Ia statistique et des SIG offre un cadre tres performant pour

I'analyse et Ia prediction spatiale en ecologie. Face a des situations tn!s complexes, ces outils permettent d'offrir une aide a Ia decision pour les acteurs et decideurs locaux.

Ces possibtlites offertes par les SIG ont ete pleinement utilisees au cours de notre recherche. Nous avons travaille principalement avec ESRI™ Arc/Info® pour Ia numerisa­tion, Ia digitalisation et I'analyse spatiale (module GRID et TIN) et avec ERDAS™ Image® 8.4 pour l'orthorectification et le mosa·iquage des vues aeriennes.

Prediction spatiale de populations endhniques menacees Nous avons analyse Ia distribution d'une endemique des Alpes sud-occidentales,

Eryngium spinalba Viii. dans notre site d'etude. Alors qu'elle est globalement peu mena­cee sur son aire de repartition, ses populations declinent par Ia fermeture de ses habitats preferentiels (pelouses et Iandes), dans un contexte de deprise pastorale. II est done crucial d'estimer Ia distribution potentielle de cette espece afin de mener des inventaires cibles et de suivre l'etat de ses populations.

Apn!s filtrage par le stade dynamique tenant compte de I'ancien mode d'occupation du sol, nous avons pu predire sa probabilite de presence par regression logistique multiple, en fonction de )'altitude, de I' exposition et de Ia charge pastorale. Le 0 2 ajuste est egal a 0.42. Le succes global de Ia prediction est de 96%.

Prediction spatiale des communautes vegetales Relier le patron d'assemblage des communautes a des variables environnementales qui

soient spatialisees revet un enjeu considerable dans le suivi de I'etat de conservation des habitats naturels et de leur richesse au sein du reseau Natura 2000. Cet enjeu est primor­dial dans le cadre de l'amenagement durable de l'espace rural. Face aux menaces d'exten­sification des activites humaines, cet etat est remis en question. La cartographie des habitats est le point de passage oblige avant toute action concertee de gestion. Malgre les efforts d'harmonisation et de vulgarisation pour Ia description des habitats et leurs carto­graphies, ce travail reste un exercice difficile et couteux.

A I'echelle de notre bassin versant experimental inscrit dans un site Natura 2000, notre objectif a ete de predire les principaux habitats par des- variables ecologiques et anthro­piques spatialisees, de comparer Ia concordance entre Ia carte simulee et Ia carte des habi­tats observes.

Les donnees de calibration des modeles sont issues de 227 placettes, echantillonnees de maniere probabiliste sous SIG et localisees par GPS. Apres I' ordination (AFC) et Ia clas­sification (CAH) des communautes, des regressions logistiques multiples ont ete realisees pour calibrer les modeles. La validation interne utilise les techniques de reechantillonnge Uackknife) et le calcul de AUC (area under curve) derive de Ia methode ROC (receiver ope­rating characteristic).

Les pelouses a Seslerie bleue sur sols desatures, les fruticees a Berberis et Amelanchier, les hetraies-sapinieres neutrophiles a Geranium noueux et les hetraies calcicoles seches presentent les meilleurs qualites de prediction.

Nos resultats confirment le role pilote des variables climatiques dans )'organisation spa­tiale des principales communautes vegetales de ce bassin versant.

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La prediction cartographique est realisee au format GRID au pas de 50 m. La concor­dance entre les cartes simulees et observees est calculee par le Kappa de Cohen. Les meilleures concordances sont rencontrees avec les hetraies-sapinieres neutrophiles a Geranium noueux et les pelouses a Seslerie bleue sur sols desatures.

Grace a notre analyse diachronique, basee sur le cadastre napoleonien ( 1808) et les dif­ferentes missions de vues aeriennes ( 1948, 1971, 1993 ), no us avons pu mettre en eviden­ce le role de Ia continuite ecologique dans Ia prediction spatiale des communautes vegetales. En effet, Ia concordance spatiale est correlee avec le nombre de changement d'etat de !'occupation du sol et les pratiques de gestion. Les hetraies-sapinieres neutro­philes sont toutes des forets anciennes (absence de changement de l'etat boise en futaie depuis 1808 ), alors que les hetraies calcicoles seches sont en partie des forets anciennes (le plus souvent traitees en taillis) et en partie des forets recentes (recolonisation apres arret du paturage).

Dans le cas des complexes agro-pastoraux ou les pelouses a Seslerie bleue sur sols desa­tures n'ont pas change d'etat (pelouse) ni de pratiques (piiturage estival) depuis 1808, Ia qualite du modele de prediction et Ia concordance spatiale sont tres satisfaisantes. Mais dans le cas des fruticees a Berberis et Amelanchier, Ia concordance spatiale est mauvaise carle nombre de changement d'etat est tres grand (en moyenne de 3 a 5 depuis 1808) bien que le modele de prediction soit correct.

III. CONCLUSION GENERALE

Plus que les processus nature Is, ce sont de plus en plus les activites anthropiques qui condi­tionnent !'evolution de l'environnement. Au xxe siecle, le concept d'anthroposysteme a pu prendre le pas sur celui d'ecosysteme (Leveque, 2000). II etait done indispensable de s'interroger sur les mecanismes socio-economiques et politiques qui etaient a l'origine de ces transformations. Nous avons vu avec succes que le recueil d'informations spatialisees sur l'histoire des pratiques agro-pastorales et forestieres constituait un apport significatif aux determinismes et a Ia prediction spatiale des especes et des communautes vegetales etudiees. Nous avons pu montrer le poids re!atif de l'anthropisation dans Ia structure et le fonctionnement des complexes forestiers et agro-pastoraux. Le role fonctionnel majeur que joue !'ancien mode d'occupation du sol dans Ia persistance ecologique des communautes a ete souligne. La mesure retrospective de l'intensite de perturbation qu'il pouvait repre­senter a ete integree par les complexes agro-pastoraux. Les especes qui ont evolue dans ce regime de perturbations ne sont plus adaptees a Ia reconquete forestiere. Ce poids anthro­pique est fonction des echelles de temps et d 'espaces. Puisque tout systeme vivant est dote d'une memoire (Blonde!, 1995), nous pensons qu'elle se caracterise, pour les ecocom­plexes, par Ia continuite historique des processus ecologiques permettant Ia persistance taxonomique.

Dans Ia demarche de gestion durable, c'est bien a l'echelle des zones tests qu'il faudra conduire les etudes prenant en compte a Ia fois les parametres du milieu et les donnees juri­diques, en particulier legislatives et reglementaires, qui affectent I' organisation socio-eco­nomique. II faudra done coupler les modeles de prediction obtenus avec des parametres socio-economiques (Weber et a!., 2001 ). C'est dans cette perspective que nous nous sommes inscrit a l'echelle d'un bassin versant, car !'articulation entre les modalites de ges­tion et les processus ecologiques est optimale a cette echelle (Lamotte, 1985).

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Les bases theoriques et methodologiques qui viennent d'etre proposees nous indiquent l'ampleur et l'etendue de Ia tache a venir: determiner et predire, au sein des habitats natu­rels, Ia persistance des populations vegetates et leur statut patrimonial dans un environne­ment fluctuant. La constitution et Ia mise en commun de bases de donnees sur les traits de vie, !'acquisition de donnees sur l'histoire des ecosystemes, Ia modelisation ecologique couplee a des parametres socio-economiques devraient permettre de combler rapidement nos lacunes. Mais nous serons encore loin d'avoir « Ia main mise sur taus les processus de Ia Terre », comme l'estimait Vernadsky ( 1945 ), car force est de constater que l'immensite de notre savoir collectif a produit l'immensite de nos ignorances individuelles. La recherche interdisciplinaire et transversale devient implicite pour tenter de modeliser de fa~on plus precise et realiste les ecosystemes historiquement crees, modifies et geres par !'Homme.

Les choix de gestion et d'amenagement ne peuvent intervenir qu'apres avoir defini les seuils au-dela desquels les persistances taxonomique et ecologique sont rompues. Ces seuils ne peuvent etre etablis en soi, car ils sont etroitement dependants des ecocomplexes etudies. Si nous poursuivons Ia fleche du temps, avec pour corollaire Ia baisse, voire !'ar­ret de !'exploitation agricole et pastorale, que se passera-t-il ? Le paysage, puissant reve­lateur de l'equilibre entre les mutations d'un territoire a un instant donne, doit-il etre maintenu sous perfusion pour lui conserver sa forme traditionnelle ?

La tendance a !'abandon des exploitations va, durant les prochaines annees, perdurer en raison de Ia poursuite de Ia globalisation des marches agricoles decides par les grands trai­tes internationaux. La concentration sur une production de qualite, assortie de labels regio­naux, I 'augmentation de Ia valeur ajoutee par une transformation des produits et leur commercialisation regionale semblent aujourd'hui le point de passage oblige pour Ia perennisation de l'activite pastorale montagnarde (Gotz eta/., 2002). Face a Ia montee en puissance d'un systeme economique toujours plus (( spatialivore », le role ecologique des ecosystemes montagnards ne risque-t-il pas de s'effacer pour etre supplante par son role social et recreatif? Mais c 'est perdre, dans ce cas, le patrimoine bioculturel qui s' est accu­mule au fil des generations. Nous ne devons pas renoncer a abandonner cet heritage bio­culturel. Au-dela de l'amenagement du territoire, doit se profiler une veritable politique de I' environnement.

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