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© Masson, Paris, 2006 Gastroenterol Clin Biol 2006;30:295-298 295 Cahier FMC Cahier FMC Revue bibliographique Emmanuel Mitry Deux études épidémiologiques Incidence et prise en charge des tumeurs endocrines digestives malignes en Côte d’Or Lepage C, Bouvier AM, Phelip JM, Hatem C, Vernet C, Faivre J. Incidence and management of malignant digestive endocrine tumours in a well defined French population. Gut 2004;54:549-53. Les données épidémiologiques de qualité concernant les tumeurs endocrines digestives (TED) sont rares et souvent difficilement interprétables en raison de la grande hétérogénéité des tumeurs présentées dans les séries. Ce n’est pas le cas de la série rapportée par Lepage et al. Les données épidémiologiques présentées sont en effet celles d’un groupe de 229 TED diagnostiquées entre 1976 et 1999 ayant des caractères histologiques de malignité validés (tous les comptes rendus anatomopathologiques ont été relus et les tumeurs classées selon les recommandations de la classification OMS 2000). Le taux d’incidence standardisé sur l’âge était de 0,76 cas pour 100.000 chez les hommes et 0,50 cas pour 100.000 chez les femmes. Les taux d’incidence dans les deux sexes ont augmenté au cours de la période d’étude. Globalement, les tumeurs de l’intestin grêle étaient les plus fréquentes représentant 39 % des cas, suivies des localisations coliques (27 %), pancréatiques (21 %) et gastriques (6 %). Les tumeurs endocrines appendiculaires sont dans la plupart des cas bénignes et ne représentaient dans cette série que 8 % des cas des TE intestinales. La chirurgie reste le traitement principal de ces tumeurs qui ont été opérées dans 88 % des cas, à visée curative dans 55 % des cas (environ 63 % des cas pour les tumeurs coliques et de l’intestin grêle contre seulement 38 % pour les TED pancréatiques). La proportion des malades dont la tumeur a été réséquée à visée curative ne s’est pas modifiée entre la période 76-87 et la période 88-99 suggérant l’absence d’amélioration du stade au diagnostic (environ 56 % des tumeurs étaient métastatiques au moment du diagnostic). Les taux de survie relative à 5 et 10 ans étaient de 50 % et 41 % sans amélioration du pronostic au cours du temps. Plusieurs facteurs étaient significativement associés à la survie : le stade tumoral, le traitement chirurgical à visée curative, le sexe féminin, l’âge inférieur à 65 ans et la localisation tumorale au niveau de l’intestin grêle. Ces données épidémiologiques issues d’une population non sélectionnée montrent principalement une tendance à l’augmentation d’incidence des TED malignes sans amélioration de leur pronostic, qui est moins bon que celui rapporté dans les séries hospitalières. L’analyse précise des modalités de prise en charge est difficile en l’absence de données concernant, par exemple, l’utilisation des analogues de la somatostatine. L’utilisation des analogues de la somatostatine expliquerait l’amélioration de survie observée au Pays-Bas Quaedvlieg PF, Visser O, Lamers C, Janssen-Heijen ML, Taal B. Epidemiology and survival in patients with carcinoid disease in the Netherlands — An epidemiological study with 2391 patients. Ann Oncol 2001;12:1295-300. Une autre série épidémiologique intéressante est celle rapportée par deux registres néerlandais. Cette série de près de 2400 malades ayant une « tumeur carcinoïde » diagnostiquée entre 1989 et 1996 est complémentaire de l’étude rapportée par le registre bourguignon en raison de l’inclusion de tumeurs endocrines bénignes et en particulier appendiculaires. Ceci explique probablement que le taux d’incidence observé soit supérieur à celui rapporté dans l’autre étude (1,95 cas pour 100.000 habitants). Les tumeurs carcinoïdes du tube digestif représentaient 62 % des cas analysés et l’appendice était la localisation principale représentant 27 % des cas. Les tumeurs endocrines appendiculaires étaient le plus souvent bénignes, métastatiques dans seulement 1,6 % des cas, diagnostiquées dans ¾ des cas avant l’âge de 45 ans, et survenant le plus Service d’Hépato-Gastroentérologie et Oncologie Digestive, AP-HP, CHU Ambroise Paré, Boulogne. Tirés à part : Service d’Hépato-Gastroentérologie et Oncologie Digestive, CHU Ambroise Paré, AP-HP, 9, avenue Charles de Gaulle, 92100 Boulogne. E-mail : [email protected]

Deux études épidémiologiques - Incidence et prise en charge des tumeurs endocrines digestives malignes en Côte d’Or

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© Masson, Paris, 2006 Gastroenterol Clin Biol 2006;30:295-298

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Cahier FMC

Revue bibliographique

Emmanuel Mitry

Deux études épidémiologiques

Incidence et prise en charge des tumeurs endocrines digestives malignes en Côte d’Or

Lepage C, Bouvier AM, Phelip JM, Hatem C, Vernet C, Faivre J. Incidence and management of malignant digestive endocrine tumours in a well defined French population.Gut 2004;54:549-53.

Les données épidémiologiques de qualité concernant les tumeurs endocrines digestives (TED) sont rares et souvent difficilement interprétables en raison de la grande hétérogénéité des tumeurs présentées dans les séries. Ce n’est pas le cas de la série rapportée par Lepage et al. Les données épidémiologiques présentées sont en effet celles d’un groupe de 229 TED diagnostiquées entre 1976 et 1999 ayant des caractères histologiques de malignité validés (tous les comptes rendus anatomopathologiques ont été relus et les tumeurs classées selon les recommandations de la classification OMS 2000). Le taux d’incidence standardisé sur l’âge était de 0,76 cas pour 100.000 chez les hommes et 0,50 cas pour 100.000 chez les femmes. Les taux d’incidence dans les deux sexes ont augmenté au cours de la période d’étude. Globalement, les tumeurs de l’intestin grêle étaient les plus fréquentes représentant 39 % des cas, suivies des localisations coliques (27 %), pancréatiques (21 %) et gastriques (6 %). Les tumeurs endocrines appendiculaires sont dans la plupart des cas bénignes et ne représentaient dans cette série que 8 % des cas des TE intestinales.La chirurgie reste le traitement principal de ces tumeurs qui ont été opérées dans 88 % des cas, à visée curative dans 55 % des cas (environ 63 % des cas pour les tumeurs coliques et de l’intestin grêle contre seulement 38 % pour les TED

pancréatiques). La proportion des malades dont la tumeur a été réséquée à visée curative ne s’est pas modifiée entre la période 76-87 et la période 88-99 suggérant l’absence d’amélioration du stade au diagnostic (environ 56 % des tumeurs étaient métastatiques au moment du diagnostic). Les taux de survie relative à 5 et 10 ans étaient de 50 % et 41 % sans amélioration du pronostic au cours du temps. Plusieurs facteurs étaient significativement associés à la survie : le stade tumoral, le traitement chirurgical à visée curative, le sexe féminin, l’âge inférieur à 65 ans et la localisation tumorale au niveau de l’intestin grêle. Ces données épidémiologiques issues d’une population non sélectionnée montrent principalement une tendance à l’augmentation d’incidence des TED malignes sans amélioration de leur pronostic, qui est moins bon que celui rapporté dans les séries hospitalières. L’analyse précise des modalités de prise en charge est difficile en l’absence de données concernant, par exemple, l’utilisation des analogues de la somatostatine.

L’utilisation des analogues de la somatostatine expliquerait l’amélioration de survie observée au Pays-Bas

Quaedvlieg PF, Visser O, Lamers C, Janssen-Heijen ML, Taal B. Epidemiology and survival in patients with carcinoid disease in the Netherlands — An epidemiological study with 2391 patients.Ann Oncol 2001;12:1295-300.

Une autre série épidémiologique intéressante est celle rapportée par deux registres néerlandais. Cette série de près de 2400 malades ayant une « tumeur carcinoïde » diagnostiquée entre 1989 et 1996 est complémentaire de l’étude rapportée par le registre bourguignon en raison de l’inclusion de tumeurs endocrines bénignes et en particulier appendiculaires. Ceci explique probablement que le taux d’incidence observé soit supérieur à celui rapporté dans l’autre étude (1,95 cas pour 100.000 habitants). Les tumeurs carcinoïdes du tube digestif représentaient 62 % des cas analysés et l’appendice était la localisation principale représentant 27 % des cas. Les tumeurs endocrines appendiculaires étaient le plus souvent bénignes, métastatiques dans seulement 1,6 % des cas, diagnostiquées dans ¾ des cas avant l’âge de 45 ans, et survenant le plus

Service d’Hépato-Gastroentérologie et Oncologie Digestive,AP-HP, CHU Ambroise Paré, Boulogne.

Tirés à part :Service d’Hépato-Gastroentérologie et Oncologie Digestive,

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