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Jean-Claude Richert-Schaub pour Cnfpt — Coopérations transfrontalières — 2006 1 Devoir maison – juillet 2006 Externes/Internes SUJET : Dans une première partie, vous rédigerez une synthèse du dossier joint. 10 points Responsable de la mise en place des actions territoriales de maîtrise des espaces publics de la Région de Cluster. Vous ferez des recommandations aux élus de votre collectivité afin de développer la coopération transfrontalière autour des axes économiques, environnementaux et sociaux. 10 points DOCUMENTS JOINTS Document n° 1 : Coopération transfrontalière et transnationale, la nouvelle Europe s’invente sur ses marges UnionCamerer — 2001 page 3 Document n° 2 : La coopération transfrontalière Guyane-Brésil page 6 Document n° 3 : La frontière : un jeu de contraires captivant page 10 Document n° 4 : Fonds structurels et politique régionale européenne 2007-2013: se préparer à la nouvelle donne Isabelle Compagnie - Novembre 2004 page 15 Document n° 5 : La frontière, zone de contacts ou de ruptures ? Henri Chamussy Professeur à l’Université de Grenoble. page 18

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Jean-Claude Richert-Schaub pour Cnfpt — Coopérations transfrontalières — 2006 1

Devoir maison – juillet 2006 Externes/Internes

SUJET : Dans une première partie, vous rédigerez une synthèse du dossier joint. 10 points Responsable de la mise en place des actions territoriales de maîtrise des espaces publics de la Région de Cluster. Vous ferez des recommandations aux élus de votre collectivité afin de développer la coopération transfrontalière autour des axes économiques, environnementaux et sociaux. 10 points DOCUMENTS JOINTS Document n° 1 : Coopération transfrontalière et transnationale,

la nouvelle Europe s’invente sur ses marges UnionCamerer — 2001 page 3 Document n° 2 : La coopération transfrontalière Guyane-Brésil

page 6 Document n° 3 : La frontière : un jeu de contraires captivant page 10 Document n° 4 : Fonds structurels et politique régionale européenne 2007-2013: se préparer à la nouvelle donne Isabelle Compagnie - Novembre 2004 page 15 Document n° 5 : La frontière, zone de contacts ou de ruptures ? Henri Chamussy Professeur à l’Université de Grenoble. page 18

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Document n° 6 : L’Eurocité basque :

une dynamique transfrontalière en devenir page 22 Document n° 7 Le Comité directeur de la Conférence du Rhin Supérieur s'est réuni le 23 juin 2006 page 31 Document n° 8 : Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales page 32

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Coopération transfrontalière et transnationale, la nouvelle Europe s’invente sur ses marges Séminaire organisé par Unioncamere et par Notre Europe à Bruxelles le 13 novembre 2001. 13 novembre 2001 COMPTE-RENDU DE JEAN-LOUIS ARNAUD AVANT-PROPOS DE JACQUES DELORS La disparition des frontières physiques et la liberté de circulation et d’échange entre les individus est l’expression la plus immédiate du rêve européen pour les citoyens de nos pays. Mais que se passe-t-il concrètement sur ces frontières censées être abolies - pour les actuels Etats membres - ou en passe de le devenir - pour les candidats à l’adhésion - ? C’est pour répondre à cette question que Notre Europe et Unioncamere ont organisé le 13 novembre 2001 un séminaire de réflexion à partir de six exemples de coopération transfrontalière et transnationale. Une nouvelle façon de construire et de vivre l’Europe s’invente sur ces frontières. Les thèmes de coopération ne coïncident pas exactement avec les priorités politiques de l’Union européenne, mais accordent une large part à la culture et à la communication, à l’éducation, à l’emploi, à la santé et parfois à l’immigration. En bref, ils reflètent les préoccupations quotidiennes des populations. Les acteurs également ne sont pas ceux de l’Europe de Bruxelles ; ce sont avant tout des municipalités, des associations et des petites et moyennes entreprises. N’en déplaise à ceux qui voudraient tout de suite plaquer un modèle institutionnel sur ces pratiques : ceci n’est pas l’Europe des régions. C’est quelque chose de plus simple et de plus innovant : l’expression d’une évidente communauté d’intérêts qui transcende les frontières nationales et la volonté de s’affranchir de ces barrières pour vivre plus facilement. Mais que de difficultés pour réaliser ce simple programme ! Absence de cadres juridiques et de circuits financiers pertinents, inadaptation des programmes communautaires et nationaux au fait transfrontalier : quinze ans après l’adoption de l’Acte unique, il semblerait que les administrations centrales prennent un malin plaisir à verrouiller les frontières nationales par des procédures. Lorsqu’il s’agit de coopérations entre régions des actuels et des futurs membres (trois des six cas étudiés), ces difficultés prennent des proportions excessives d’autant que les problèmes rencontrés ont parfois un caractère inédit : le sort des minorités ethniques, la sécurité policière, la lutte contre l’immigration clandestine. Les décisions prises récemment pour faciliter l’articulation entre les programmes INTERREG - pour les actuels Etats membres - et PHARE - pour les futurs adhérents - paraissent bien timides. Et pourtant l’effet d’intégration, la clef de la réussite de la réunification de l’Europe, est patent dans les cas étudiés. L’apprentissage de nouvelles méthodes de gestion publique, l’échange d’idées et le partage des

Document n° 1

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ressources pour le montage de projets communs jouent à plein. Quand on aura rappelé que les régions frontalières, les plus touchées par le choc de l’élargissement, regroupent 68% du territoire et 58% de la population des futurs membres, on aura mesuré la dimension de l’enjeu. Ce séminaire n’avait pas pour objet de définir ce que pourraient être les futurs programmes européens, mais plutôt de porter un regard différent sur ces zones frontalières, les voir comme des lieux d’opportunité et de créativité, et plus seulement comme des zones marginales sources de problèmes. Notre Europe s’honore d’y avoir contribué avec l’aide d’Unioncamere. Je suis reconnaissant à Marjorie Jouen d’en avoir été à la fois l’inspiratrice et la cheville ouvrière avec Alessandra Pasetti. L'Eurodistrict Sarrebruck Moselle Est Pour une coopération transfrontalière de meilleure qualité La coopération entre la France et l’Allemagne est fondée sur le traité de l’Elysée du 22 janvier 1963. Le 40ème anniversaire de ce traité a été l’occasion pour les chefs de gouvernement français et allemands de promouvoir la création d’ "Eurodistrict" permettant d’améliorer la coopération transfrontalière. Les responsables locaux de l’espace Sarrebruck – Moselle Est ont entendu cet appel et ont souhaité par courrier commun aux autorités nationales mettre en place cet outil de coopération. L’association Zukunft SaarMoselle Avenir a donc reçu le soutien des gouvernements français et allemands. Très symboliquement, le 5 mai 2004, sur le Pont de l’Amitié entre Grosbliederstroff (France) et Kleinblittersdorf (Allemagne), les communes et structures intercommunales de l’espace Sarrebruck – Moselle Est ont signé une résolution fixant les objectifs pour la constitution de cet Eurodistrict. Cette résolution constate que les conditions de coopération transfrontalière sont optimales dans l’espace Sarrebruck – Moselle Est : • l’agglomération Sarrebruck Moselle Est constitue une véritable conurbation sans aucune

frontière naturelle, regroupant plus d’un million d’habitants dans un rayon de 30 km, • elle est située dans l’espace de l’accord de Karlsruhe entre la France, l’Allemagne, le

Luxembourg et la Suisse, accord permettant une coopération transfrontalière des plus innovantes,

• les collectivités disposent de l’association Zukunft SaarMoselle Avenir qui a déjà fait ses preuves en matière de coopération transfrontalière,

• les gouvernements français et allemands souhaitent que de nouvelles structures de coopération transfrontalières se mettent en place.

Une étude réalisée en 2002 par le bureau d’études Urbanis de Strasbourg sur la préfiguration de l’agglomération transfrontalière Sarrebruck – Moselle Est insiste sur le fait que "sur le plan national français, l’agglomération est la première agglomération urbaine transfrontalière structurée". Ainsi, l’Eurodistrict sera créé entre les collectivités membres de l’association Zukunft SaarMoselle Avenir et sera ouvert aux autres collectivités de l’espace géographique en

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question. La forme administrative de l’Eurodistrict n’est pas encore définie mais le groupement local de coopération transfrontalière semble être la forme la plus pertinente. Il devrait être constitué en 2006. Par ailleurs, l’Eurodistrict sera le cadre permettant de mettre en place un schéma d’aménagement. Ce schéma d’aménagement SarrMoselle visera à définir le cadre de l’aménagement du territoire de l’agglomération. Une convention de coopération en matière d’aménagement du territoire sera aussi adoptée pour coordonner un développement commun de l’espace.

Rencontre franco-espagnole de haut niveau sur la coopération transfrontalière (Barcelone, 17 octobre 2005) Une rencontre franco-espagnole de haut niveau sur la coopération transfrontalière s’est tenue à Barcelone, le 17 octobre, sous la présidence du Premier Ministre et du Président du gouvernement espagnol. Le Premier Ministre était accompagné du Ministre des affaires étrangères, ainsi que des Ministres des Transports, de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer, du Ministre de la Santé et des Solidarités, du Ministre délégué à l’Industrie et du Ministre délégué à l’aménagement du Territoire. S’agissant de la rencontre portant sur la coopération transfrontalière, y ont participé également les Présidents des régions frontalières avec l’Espagne, à savoir l’Aquitaine, le Languedoc-Roussillon et le Midi-Pyrénées, ainsi que des Communautés autonomes frontalières avec la France (Catalogne, Aragon, Navarre, Pays Basque). Le principe de cette réunion avait été décidé lors du dernier Sommet franco-espagnol de Saragosse (décembre 2004) pour renforcer la coopération transfrontalière déjà importante entre nos deux pays, sur des sujets intéressant plus particulièrement cette dimension comme les infrastructures et la compétitivité, dans une perspective européenne. Le Ministre a eu à cette occasion un entretien avec son homologue espagnol, sur les questions d’actualité internationale et européenne ainsi que de coopération bilatérale.

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La coopération transfrontalière Guyane-Brésil Situation géopolitique Le plateau des Guyanes est un ensemble géologique situé entre l’Orénoque et l’Amazone. Il a été attribué en 1494 aux Espagnols par le pape Alexandre VI lors du traité de Tordesillas. Ce territoire que les Espagnols ne cherchèrent pas à coloniser a attiré les Français et les Portugais. Cette région connaîtra une longue période de colonisation dans un système esclavagiste. En 1822, le Brésil devient un empire indépendant. En 1848, l’esclavage est aboli en Guyane ; il le sera en 1888 au Brésil. Pendant de nombreux siècles, Français et Portugais ne s’entendirent jamais sur leurs frontières coloniales, ce qui explique l’existence du Contesté franco-brésilien sur le territoire de l’Amapa, situé entre les fleuves Oyapock et Araguari (cf carte).La découverte de l’or et le rush des mineurs dans cette zone amplifièrent le problème. C’est un arbitrage international au début du siècle qui délimitera la séparation entre la Guyane et le Brésil par le fleuve frontière Oyapock. Le territoire de l’Amapa fut donc rattaché à l’État brésilien du Para. Sur cette zone étaient installées des populations de langue française et créole. Il existe encore au Brésil quelques tribus amérindiennes où l’on parle toujours le créole, témoignage vivant d’une ancienne présence française. Le cadre départemental créé en 1946 jettera dans la pratique une exclusive sur les échanges commerciaux, financiers, culturels, etc., de la Guyane avec les autres pays. C’est désormais avec la France hexagonale et les autres départements d’outre-mer (DOM) que la Guyane échangera. La dynamique entre les populations de la Guyane française et du Brésil est provoquée par l’arrivée progressive d’immigrants brésiliens sur le territoire guyanais. Elle a pour point de départ la politique des grands travaux nécessités par la construction de la base spatiale de Kourou dans les années soixante. Les Brésiliens se sont installés progressivement et sans heurts. Hormis ce phénomène, il y a eu bien sûr de nombreux contacts informels, surtout entre les deux rives de l’Oyapock. La population guyanaise a une vision du Brésil et des Brésiliens qui s’est construite avec ces migrants. La coopération transfrontalière Guyane-Brésil est d’origine récente ; elle a été initiée par la politique étrangère de la France. La coopération France-Brésil À partir de 1964, quelques visites officielles se succèdent et des projets se mettent en place entre la France et le Brésil. L’arrivée de la gauche française au pouvoir ne remettra pas ce mouvement en cause. En 1985, le président de la République française, François Mitterrand, rencontra son homologue au Brésil. À cette occasion fut lancé le projet France-Brésil, un projet à caractère décentralisé, et il fut décidé de le proposer au plus grand nombre de régions en France. C’est dans ce cadre que le conseil régional de la Guyane décida, lors de sa séance plénière du 22 juillet 1986, d’organiser un voyage d’étude au Brésil. La délégation était composée de dix-sept personnes, dont dix élus. L’objectif consistait à sensibiliser et informer les élus en vue de susciter des relations privilégiées avec les régions du Nord et du Nord-Est du Brésil,

Document n° 2

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et d’organiser des opérations durables. Les élus ont insisté, à cette occasion, sur les difficultés rencontrées lorsqu’ils souhaitaient établir des relations avec l’extérieur. L’élu responsable de la délégation a déclaré, lors d’un bilan de ce voyage : « C’est la première fois que le conseil régional a eu l’occasion d’affirmer sa vocation et de discuter sur le plan international avec ses voisins. » L’apport concret de ce séjour a été la prise de contacts entre la région Guyane et certaines régions du Brésil, dans des secteurs intéressant le développement économique et culturel de la Guyane. On peut avancer que les élus ont découvert que leur éloignement par rapport aux centres de décision, de réflexion et d’expérimentation pouvait être surmonté par des échanges d’informations et d’expériences avec la zone brésilienne proche de la Guyane. De ce projet France-Brésil sont nées des initiatives de coopération entre associations ou institutions dans plusieurs domaines : la santé publique, avec un congrès sur la périnatalogie et un autre sur la dermatologie, la culture avec des échanges sur la musique populaire, et entre des associations d’archéologie. À partir de ce moment, les Guyanais affectionneront les voyages au Brésil, surtout à Bélem, et des hommes d’affaires y trouveront parfois leur compte. En novembre 1997, a eu lieu la rencontre au sommet entre le président Chirac et le président Cardaso à Saint-Georges, sur les bords du fleuve Oyapock, frontière de 700 km entre le territoire français et le Brésil. Les liens de coopération entre Guyane et Amapa, France et Brésil, Union européenne et Mercosur 1 furent mis en exergue. Le président de la République affirma dans son discours que la Guyane ajoutait une autre carte maîtresse : sa situation géographique privilégiée. Ces contacts ont permis d’édifier le cadre dans lequel l’Amapa et la Guyane peuvent engager et entretenir une coopération transfrontalière. Coopérer, c’est se rencontrer Pour le Brésil, selon son président, la première nécessité était de faciliter la rencontre et la communication entre les peuples de ces deux pays. Pour ce faire, il lui parut nécessaire de développer l’apprentissage de la langue du pays avec lequel on coopère. Les Brésiliens concrétisèrent un de leurs principaux objectifs en matière de coopération en inaugurant le 29 janvier 1999 le Centre d’État de langue et de culture française Danielle Mitterrand. Le but de ce centre était de favoriser l’apprentissage de la langue française aux enseignants, aux élèves des établissements scolaires à partir du niveau collège, aux cadres de la coopération franco-brésilienne, aux acteurs du tourisme, et au public en général. « Une langue, c’est une fenêtre ouverte pour comprendre un peuple », a déclaré Joao Alberto Rodrigues Capiberibe, gouverneur de l’Amapa. Une vingtaine d’enseignants du centre a bénéficié d’une formation organisée par le rectorat de Guyane, et a été accueillie dans les principaux établissements culturels de Cayenne. Ce séjour a été réalisé avec le concours du Fonds interministériel de coopération (FIC). Le Centre comporte aujourd’hui 2 400 élèves environ. Il possède une bibliothèque qui reste encore peu développée par manque de moyens. En mars 1999, lors de la visite de Jean-Jack Queyranne, secrétaire d’État aux Départements et territoires d’outre-mer, se sont tenues les deuxièmes rencontres transfrontalières. Elles se sont concrétisées par la signature d’un procès-verbal portant sur cinq domaines de la coopération, dont l’éducation, la culture et le sport, et insistant, notamment, sur le renforcement des échanges universitaires et une coopération en vue de la mise en place d’événements culturels réguliers.

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La coopération Guyane-Amapa : une base réaliste Du 19 au 22 mai 1999, lors de sa deuxième édition, le Salon du livre de Cayenne a eu pour invité d’honneur le Brésil et la présidente de l’association organisatrice a déclaré que ce choix s’inscrivait dans la dynamique de coopération régionale. Un stand présentait la région de l’Amapa et offrait au public un nouveau panorama des ouvrages de la région, des animations théâtrales et musicales, des contes, des informations sur la littérature de l’Amapa, la possibilité de rencontrer des auteurs de la région et des représentants des associations culturelles. Parmi les auteurs invités, Antonio Torres, auteur brésilien dont deux ouvrages ont été traduits en français : Cette terre, et Un Taxi pour Vienne d’Autriche 2. Né aux alentours de Bahia, il a déclaré avoir retrouvé avec émotion une certaine similitude entre Cayenne et la ville de son enfance. C’est à l’occasion du Salon qu’a paru, en édition intégrale chez Ibis Rouge (maison d’édition antillo-guyanaise), la thèse de Ciro Flammarion Cardoso, historien, professeur à l’université fédérale Fluminense à Rio de Janeiro, sur les aspects économiques et sociaux de la Guyane au XVIII e siècle. Il a expliqué avoir choisi ce thème vu l’abondance relative de documents sur la Guyane aux archives de Rio. Même si des échanges et des contacts culturels ont eu lieu avant 1998, c’est à partir de cette date que s’organisèrent un certain nombre de missions à caractère institutionnel, qui permettront aux partenaires culturels des deux régions de se connaître, de découvrir leurs établissements respectifs et leurs problématiques communes. Les contacts et échanges entre partenaires faciliteront l’impulsion que donnera la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) en encourageant les instances régionales à focaliser sur une semaine l’ensemble des actions culturelles de coopération, afin de mieux les afficher. C’est ainsi qu’est née la première semaine culturelle de la Guyane française à Macapa du 27 octobre au 1er novembre 1999. Pendant cinq jours, les délégations de la Guyane française, comprenant au total 122 personnes, ont rencontré leurs homologues amapéens et présenté au public des travaux et des spectacles dans plusieurs lieux de la ville de Macapa : le théâtre de Bacabeiras, le fort San José de Macapa, la foire du développement durable, le Centre de culture nègre d’Amapa… Vingt et un groupes ou associations ont réalisé de nombreuses prestations dans différents domaines : la musique, la danse, les arts plastiques, la mode vestimentaire, la gastronomie. Ils ont aussi créé un diaporama sur les grands thèmes de la Guyane, animé par un conférencier. À la bibliothèque publique Elcy Lacerda s’est tenu un mini-salon du livre. Il a été possible d’apprécier la très grande attirance des Brésiliens pour la culture et la langue françaises. Certains prolongements ont été immédiats : une exposition de peinture a été sollicitée pour prolonger son séjour dans d’autres galeries. Des groupes de musique et de danse ont été invités à participer à des festivals ou à des concerts en salle privée. Les institutions se sont entendues définitivement pour coopérer à la semaine de l’Amapa en Guyane. La semaine culturelle de l’Amapa s’est tenue du 25 au 30 juillet 2000. L’inauguration des manifestations a été marquée par la prise de possession d’un obélisque réalisé par des plasticiens de l’école d’art Portinari de Macapa. Cette réalisation symbolise la construction culturelle des deux peuples, de leurs racines amérindiennes à la culture métissée d’aujourd’hui.

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Il a été proposé des expositions d’art plastique, de céramique, d’artisanat traditionnel, d’art amérindien et d’archéologie. Les nombreux groupes musicaux ont présenté des spectacles de genres différents : du folklore, du populaire et du classique. Les arts de la scène et la littérature ont eu leur place. Concernant ces deux dernières disciplines, elles ont été mises en valeur par une exposition de livres laissant la part belle aux textes poétiques, une conférence sur l’histoire de la littérature de l’Amapa, des ateliers de découverte de la littérature par l’animation théâtrale en direction des enfants. Des rencontres de cette semaine entre les auteurs guyanais et amapéens est né un projet d’édition commune d’une revue poétique bilingue. Ces manifestations ont eu un réel impact sur le public guyanais et ont permis de faire un pas dans la compréhension mutuelle des peuples. Il est à noter qu’entre l’école de musique Walquiria Lima de Macapa et l’école nationale de musique et de danse Edgar Nibul, la coopération va bon train. De 1999 à 2000, trois échanges ont déjà eu lieu et un projet de convention doit être signé. Leurs objectifs sont orientés vers l’enseignement et la diffusion musicale. Leurs problèmes communs sont l’isolement culturel et le manque en matière de supports d’enseignement. Ils partagent également le désir de développer les musiques populaires et de mettre en œuvre les moyens pour assurer la maintenance instrumentale. Ils souhaitent mieux connaître leurs musiques respectives, les Guyanais désirant, par exemple, découvrir le rythme et les partitions de la musique brésilienne. Si les enseignants de Guyane ont permis à ceux du Brésil de s’améliorer dans la pédagogie de groupe, ceux de Guyane, d’une facture très classique dans leur enseignement, ont gagné en esprit d’ouverture. Continuer le chemin ensemble La maturation de la coopération au niveau institutionnel a demandé presque 20 ans. L’actualité nous montre que c’est dans le domaine culturel que le mouvement est le plus visible : les réalisations ont été probantes et les projets sont nombreux. Les acteurs de terrain souhaitent « continuer le chemin ensemble ». Ils reconnaissent facilement leurs points communs. Des avantages ont été évalués : exporter ce que l’on sait faire, améliorer la qualité dans ce que l’on montre, développer les contacts, donner plus d’audience aux artistes. Ceux qui ont expérimenté cette coopération souhaitent la mettre en œuvre et la pérenniser en la faisant entrer dans les mœurs. Le président de région a déclaré qu’il reste encore à « améliorer les rapports pour mieux se comprendre… pour finir avec les obstacles, les clichés, les mythes… ». La Guyane a du mal à gérer sa très grande pluri-ethnicité, issue du flux migratoire des gens pauvres venant du Brésil et des autres pays d’Amérique du Sud. L’image de la communauté brésilienne en Guyane reste négative bien que ce groupe soit important (10 % de la population), les contacts quotidiens et la langue très parlée. La coopération culturelle peut permettre aux migrants brésiliens d’être valorisés dans leur culture. Par ailleurs, il est clair que ces deux régions souffrent chacune de son côté d’une perception défavorable de la part des grands ensembles dont elles dépendent. Elles ont, cependant, de nombreux points communs, tels que leur histoire, leur situation géographique, leur culture, leur population, un environnement riche et fragile, leur développement économique et social et leur désir de valorisation identitaire. La coopération transfrontalière Guyane-Amapa a donc de bonnes bases pour être appréhendée. Le cadre est mis en place et les acteurs sont sensibilisés. Même si les mentalités demandent beaucoup de temps pour évoluer, cette voie est bien celle qui permettra à une Guyane moderne d’avancer sur de bons rails.

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La frontière : un jeu de contraires captivant Frontière, marche, ligne, limes, la multiplicité des dénominations témoigne de la complexité même de cet objet, qui délimite et pourtant permet le passage, qui est représenté traditionnellement sur une ligne sur les cartes géographiques et pourtant est aussi un espace, un territoire entre d'autres terres. La frontière ne peut donc que susciter l'interrogation en raison de sa nature difficile à cerner alors qu'elle-même sert à manifester une identité ou un être en opposant deux zones[1]. Elle s'impose comme signe marqué concrètement dans le paysage, qu'il s'agisse de haies, de barrières ou de bornes, mais elle est aussi chargée symboliquement : passer la frontière, c'est parfois une transgression qui, bien au-delà d'un signe politique, peut être morale ou religieuse. C'est qu'elle n'est pas qu'un repère spatial, mais aussi l'indice d'un changement de civilisation, d'état et finalement d'identité. Ce double caractère, à la fois spatial et donc concret, identitaire et donc symbolique, explique la polysémie du terme, mais aussi la multiplicité de ses formes puisqu'elle peut même être personnifiée dans des types comme le sont le contrebandier et le douanier, personnages qui ont inspiré la littérature comme l'opérette. F. Hartog[2] a aussi pu démontrer qu'Ulysse dans l'Odyssée est moins l'homme errant et aventureux que l'homme-frontière, témoignant en permanence la séparation entre l'hellénisme et la barbarie. L'affrontement entre deux parties supposé par l'existence de la frontière ne doit donc pas masquer la difficulté à penser cette limite qui, toujours entre deux, devient alors une source d'imaginaire et de mythes. L'incertitude qui naît finalement d'une réflexion sur la frontière et qu'a mise en valeur D. Nordmann dans ses travaux[3] et la conscience que la notion comme le mot vont bien au-delà de la définition de géopolitique à laquelle on la réduit trop souvent, ou des questions de transfert linguistique qui naissent de la traduction[4], ont amené alors l'envie de confronter des disciplines, des regards croisés pour mieux cerner ce qui échappe à une définition claire et pour saisir pourquoi le traitement de la frontière dans la littérature amène soit une confrontation à la limite de la caricature, soit l'évocation de mondes incertains et fuyants. La pluridisciplinarité du LAPRIL invitait à l'élaboration d'un colloque où géographes, historiens, philosophes, littéraires, musicologues et historiens de l'art réfléchissaient ensemble à cette notion et apportaient des éclairages différents. L'écart entre les disciplines et leurs méthodes de recherche pouvait faire craindre à une dispersion ou à des divergences profondes. Bien au contraire, la notion même de frontière en a été enrichie et des échos sont apparus entre des disciplines apparemment étrangères : quelle relation apparemment entre la musique contemporaine et l'éternel débat de l'œuf et de la poule ? En quoi l'œuvre de James Ensor est-elle proche des représentations de la frontière aussi bien dans l'œuvre de Chateaubriand que dans celle de Jacques Poulin ? La subjectivité de la frontière, la dialectique permanente entre la clôture et le passage, la question de l'identité et de l'altérité ont été ainsi des points d'ancrage de l'ensemble des communications. Des lignes de force se sont dégagées et ont été à l'origine de l'organisation de ce volume. Deux parties organisent ce volume : ce sont d'abord les regards croisés de différentes disciplines autour de la frontière, puis la place et le rôle de la frontière dans la littérature. Dans la première partie, le premier groupe de communications aurait pu être intitulé de la formule de Charles Ramond : « Comment se déterminent les frontières des catégories et des concepts ». La frontière en effet invite à la

Document n° 3

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catégorisation et- en tant que telle - à la subjectivité des catégories. Charles Ramond, à propos d'une boutade sur l'œuf et la poule, prend position dans la question philosophique de l'objectivité et de sa relation au réel, démontrant que « les frontières entre catégories ne seraient pas la projection, plus ou moins fidèle, de frontières entre entités réelle, singulières ou collectives ». Et de fait, l'article d'Hélène Velasco commence par une citation de Dino Buzzati mettant en cause l'existence de frontières. Le statut de la frontière spatiale, pourtant si ancrée dans les esprits paraît ainsi fragile et subjectif, alors même qu'elle a servi à construire l'identité de l'Etat-Nation : « Les frontières n'ont de sens que pour les populations qui croient en leur existence ou encore pour les populations qui ont appris à y croire »(H. Velasco). La construction de l'Union européenne en change en outre la nature : de barrières, elles deviennent un lien. Que désigne alors le nom de frontière ? L'analyse lexicale que mène Klara Korompany sur les désignations hongroises souligne le creux sémantique de ces appellations : l'étymon associe en effet à la fois le trait sémantique du pouvoir et du mouvement, la frontière étant à la fois lieu de passage et limite d'un pouvoir. L'étude de la statue au XVIIIe siècle, bien loin d'éloigner du propos, au contraire y ramène : le corps de la statue est en effet frontière entre le corps vivant et la forme morte, « limite entre le vivant et son simulacre ». C'est donc une limite au sens où le définit Aurélia Gaillard : « un territoire commun, qui n'est pas espace du même, qui se définit au contraire par un voisinage d'autre, un territoire à la fois de rapprochement et d'éloignement, un écart, si on le considère du seul point de vue englobant de tous les voisins (…) Autrement dit une utopie, non pas insulaire, une utopie continentale, de l'intérieur. » La frontière du ciel en est également l'illustration. L'opposition apparemment claire entre le ciel et la terre dans les cosmologies anciennes repose en fait sur une incertitude : la limite en est mouvante particulièrement au XVIe siècle où plusieurs cosmologies se mêlent et V. Giacomotto-Charra montre clairement l'évolution du débat, ses enjeux et les conséquences sur le statut respectif de l'homme et de Dieu. C'est que l'opposition manifestée par la limite ne signifie pourtant pas une permanence de la frontière. Outre sa mobilité, elle peut même aboutir à une négation : la frontière suppose en effet un territoire commun, ce qui fait dire à Nicolas de Cues que la limite n'existe plus dans un univers qui n'est plus que céleste, la terre n'échappant pas à ce statut. La question de Stéphane de Gerando à propos de la musique contemporaine prend alors tout son sens : la frontière est-elle une utopie ou une réalité ? Les définitions successives des compositeurs de la frontière, transition entre différents états sonores ou ponts, œuvre frontière, ou œuvre sans frontière entre l'existence et l'art finissant par un constat d'échec : « c'est bien une forme de présence qui traduit en définitive une absence de frontière, une présence dissimulée derrière les paravents de la modernité, comme pour mieux être ce que nous avons toujours été » (S. de Gerando). Mouvance, mais catégorisation, subjectivité et flou sémantique, mais évidence de l'impossible à définir, la frontière paraît ainsi comme un défi à l'esprit humain et comme une entité qui échappe à la définition. Pourtant, quoiqu'indéfinissable, elle est représentée et paraît comme fondamentale dans la perception à la fois de l'identité sociale et politique et de l'altérité. Hugo Bauza, à propos de l'espace de la pampa, démontre comment il devient lieu mythique de séparation entre la barbarie et la civilisation dans la littérature d'Argentine du XIXe siècle : cet espace -frontière de la civilisation où s'affrontent le personnage du gaucho et celui de l'indien devient manifestation de l'opposition ontologique entre les villes et le désert. La barbarie et la civilisation constituent deux

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thèmes antinomiques fondateurs de la civilisation romaine, mais la fin de l'empire romain en est aussi l'illustration : P. Cambronne affirme le déplacement des frontières aussi bien spatiales que religieuses entre « barbares » et Rome : la frontière est moins marque concrète du limes que construction d'une idéologie dont l'historiographie porte les traces. De même, le Rubicon n'existe que par la lecture que l'on en fait : selon S. Franchet d'Espérey, c'est moins l'acte que la parole qui donne lieu à la légende et à l'interprétation idéologique dans deux traditions opposées. La transgression politique marquée par le franchissement du Rubicon glorifie aussi le héros qu'est César. La frontière est ainsi construction d'une légende. Pourtant, le caractère mouvant de la frontière semble contradictoire avec son utilisation idéologique. J. P. Jourdan met en évidence les déplacements des frontières d'Aquitaine depuis l'Antiquité : la région n'est finalement qu'une entité récente dans ses limites actuelles, qui n'ont pourtant rien d'artificiel puisqu'elles reposent sur d'anciennes délimitations territoriales. C'est que la frontière est aussi lieu de mémoire : d'anciennes distinctions figurent, à la fois « fossilisées et vivantes », même si d'autres auraient pu être envisagées. Doit-on la nier complètement comme objet concret ? L'une d'entre elles s'impose pourtant comme élément du paysage : il s'agit des Alpes, bien plus reconnue au Moyen Age comme délimitation que les Pyrénées qui sont lieu de passage plutôt que clôture. I. Laboulais-Lesage, en s'intéressant aux premiers textes de géographie du XVIIIe siècle et tout spécialement au Voyage d'inspection de la frontière des Alpes en 1752 par le Marquis de Paulmy , montre combien le statut de frontière fut important car il a permis de découvrir l'espace de la montagne, de le décrire et de l'analyser. Mais la frontière est malgré tout liée à l'homme et peut même être incarnée par un être humain : tel est le cas de Roger de Saint-Lary, maréchal de Bellegarde. V. Larcade, par l'évocation de sa vie, démontre que le mesnage de la frontière n'a que peu à voir avec la proximité spatiale et peut même aboutir à la fiction littéraire dans une nouvelle de Mme de Villedieu. Ce passage du réel au fictif se mesure particulièrement dans l'évocation de la carte dans les oeuvres littéraires : c'est justement l'enjeu de l'œuvre de Jules Verne qui « éprouve la notion de frontière » (V. Partenski) dans une confrontation fictive entre le savoir et le monde. L'œuvre de James Ensor témoigne en revanche du refus de la frontière dans une polychromie qui est « la métaphore d'un multiculturalisme heureux »(L. Pearl) : les contraires s'y affichent et marquent une nation qui est en quête d'identité. La frontière n'est présente que pour montrer simultanément la multiplicité des différences. La frontière est donc révélatrice de la présence simultanée des contraires et l'un des termes qui la désignent, marche, en est la preuve puisqu'il signifie aussi bien la limite qu'une terre-carrefour. Mais c'est aussi le lieu d'aventure dans la littérature médiévale comme dans les jeux de rôle contemporains et F. Plet souligne ainsi la continuité de cette représentation de l'imaginaire de la frontière. Cet entre-deux du monde et cette ambivalence, qui permet pourtant la construction d'une identité, sont particulièrement mis en évidence dans la littérature où la frontière s'inscrit comme thématique importante aussi bien dans l'imaginaire que dans la définition du texte et du lieu de l'écriture. L'oeuvre de Salman Rushdie qu'analyse Patricia Barbe paraît l'illustration même d'une frontière qui inspire un écrivain, aussi bien dans l'approche socio-politique de l'Inde que dans la construction d'une identité face à un repère mouvant. Dire la frontière, c'est donc s'interroger sur son identité face au monde et cette frontière peut être exprimée par tout un jeu de métaphores.

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Mais ce peut être aussi un motif. Le passage de la frontière et tout spécialement le rôle du passeport relèvent sans doute de la réalité géopolitique de l'Europe du XIXe siècle mais, comme le souligne F. Bercegol, ils permettent aussi de développer un riche imaginaire de la frontière: le célèbre épisode de la Chartreuse de Parme marque ainsi à la fois l'ivresse de l'aventure où l'on peut défier l'autorité et l'humiliation du héros. F. Bercegol le rapproche d'un passage moins connu des Mémoires d'Outretombe où Chateaubriand subit l'épreuve de l'anonymat et est ainsi en proie à une crise d'identité. C'est aussi la figure du seuil dont M. Courrent montre toute l'importance dans l'Odyssée, sa polysémie entre barrière et lieu de passage ainsi que son inscription dans tout un réseau d'images. Passer la frontière amène un changement de comportement, voire d'être. Mais elle peut être rendue manifeste aussi par les murailles d'une ville qui, selon C. Croizy-Naquet qui analyse les romans médiévaux, servent de base matérielle à l'identité en distinguant entre l'extérieur et l'intérieur, c'est-à-dire, dans la mentalité médiévale, entre le sauvage et le civilisé, l'ignorance et le savoir, la faiblesse et la force, la soumission et le pouvoir. La force concrète de la frontière n'empêche pas qu'elle est avant tout manifestation d'une dialectique. C. Croizy-Naquet montre même son rôle fondamental dans l'écriture puisqu'elle délimite un champ d'écriture et ainsi une finalité. L'ambivalence de la frontière lui permet ainsi toutes les métamorphoses dans l'écriture, ce que montre M. Prat à propos d'E. Gibbon qui multiplie les rôles de la frontière dans son œuvre : culturelle ou politique, elle est significative d'une destruction créatrice dans sa mouvance. La métamorphose se mesure aussi aux héros qui l'incarnent. La Seconde Odyssée des successeurs d'Homère qu'évoque E. Stead se manifeste par la transformation du rôle d'Ulysse : il n'est plus homme-frontière, mais violateur de la frontière, d'où des interrogations ontologiques et métaphysiques, car la frontière, parce qu'elle est transgressée, met à l'épreuve le temps et l'identité des hommes. Le héros se constitue dans et par la frontière : le regard de géographe d'H. Velasco sur l'oeuvre de Mérimée, J. Gracq et D. Buzzati, met en évidence les figures de la frontière dans sa fonction de protection du territoire national ainsi que son rôle dans l'établissement du statut du héros. Un imaginaire se construit autour du personnage du contrebandier et en fait une figure héroïque. La frontière joue ainsi un double rôle dans la littérature: motif qui peut inviter à l'imaginaire, elle est aussi un moyen de circonscrire le texte, de le déterminer ou au contraire d'en abolir les limites. Ce rôle fondamental est particulièrement perceptible au théâtre et S. Bazile, en faisant un historique des scènes en rond dans les théories dramatiques du début du XXe siècle, signale le rôle à la fois symbolique et esthétique de la frontière, très différente dans ce type d'organisation de l'espace par rapport au théâtre classique, car il amène une relation autre avec les spectateurs comme avec les autres formes d'art. Mais c'est bien sûr la frontière entre le réel et le fantastique qui souligne le rôle esthétique, voire idéologique de la limite entre réel et fantastique. M. Dzunic-Dinjakovic, à partir d'un ensemble de romans européens, affirme la contamination polysémique entre fantastique et réel qui sont moins antonymes que l'on pense, dans la mesure où le réel relève du subjectif. La frontière semble plus opérante entre le régime diurne et le régime nocturne défini par G. Durand, ce que montre aussi D. Gachet. Elle souligne l'importance de la frontière comme figure spatiale récurrente de la littérature fantastique : c'est en particulier le passage qui amène la métamorphose physique, mentale et spatiale à l'origine du sentiment de l'étrange. W. Schnabel s'interroge sur cette même limite dans une perspective plus large, puisque c'est autour de la science-fiction et des découvertes scientifiques qu'il réfléchit sur la peur et l'expérience et sur les limites de l'humain. Il y a donc effet de brouillage entre le couple antonymique du réalisme et du fantastique, effet qui finalement est peut-être permanent dans l'écriture de la frontière : B. Louichon le souligne à propos d'Agota Kristof où elle

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montre comment le lecteur peut aboutir à des interprétations très différentes selon qu'il lit chaque roman séparément ou l'ensemble. L'objet-roman fonctionne ainsi comme un terrotoire et l'ensemble comme un paysage. Les frontières même matérielles s'abolissent et deviennent « poreuses » (B. Louichon). La frontière est donc pure fiction et joue avec la fiction : A. Soron à propos de Volskwagen Blues de Jacques Poulin souligne comment à partir d'un voyage et d'une carte, la frontière se fait récit dans une errance qui est aussi transgression et finalement effacement d'autrui pour une reconnaissance de soi. L'oeuvre de Barbey d'Aurevilly est aussi oeuvre de franchissement selon S. Vergeret, ce qui amène au dépassement de toutes les limites dans tous les domaines aussi bien moraux qu'esthétiques. Mais c'est l'intime lui-même qui est frontière, frontière face à l'autre ou frontière en soi. A. M. Binet montre comment F. Pessoa joue dans le Livre de l'Intranquillité du double qui est à la fois moi et autre et souligne l'importance du nom dans l'identité, importance avec laquelle l'auteur joue par le biais de l'anagramme. Un objet peut aussi servir de signe aussi bien pour le personnage que comme clôture textuelle. Tel est le cas de la fenêtre et de la porte dont L. Fraisse et C. Meyrat-Vol montrent le rôle déterminant dans des oeuvres pourtant bien différentes, Le manuscrit trouvé à Sarragosse de Potocki et les romans de Zola. L. Fraisse montre comment le thème de la maison d'en face est à la fois une expérience des limites, une expérimentation littéraire de la restriction du champ et une plongée dans les lois de la narration romanesque. C. Meyrat-Vol souligne l'omniprésence de la porte chez Zola, porte qui pourtant n'est pas ouverture, mais clôture et lieu de l'interdit pour les personnages, et pour l'écrivain appel à la liberté textuelle dans l'écriture. La frontière est ainsi rupture de soi, ou rupture avec les autres, comme l'affirme M. Demangeat à propos de J.J. Rousseau qui est « homme des frontières d'un univers intime toujours menacé ». Une même quête narcissique et désespérée se fait jour dans l'œuvre de Claude Cahun qui, comme le rappelle A. Lhermitte, intitule l'une de ses rares photographies « Frontière humaine ». Bien différente se présente la frontière dans les textes médiévaux : frontière des temps, frontières spatiales, frontière de la translatio, elle est aussi le moyen d'ouvrir le temps de l'aventure mais aussi de marquer « une impatience eschatologique » (M. Stanesco). La frontière peut aussi être exprimée et en même temps être niée : tel est le cas de l'opposition entre baroque et classicisme, notions antithétiques, s'il en est. C. G. Dubois montre ainsi leur affrontement dans les oeuvres, mais aussi leur conjonction qui finalement est plus intéressante que leur opposition. La frontière se nie ainsi alors même qu'elle s'exprime. Ambivalence, mouvance, identité et porosité, affrontement et conjonction, la frontière paraît ainsi riche de significations et d'imaginaire. Seuil, ligne, porte, fenêtre, elle se développe dans toutes sortes de motifs qui se marquent tous par leur polysémie, par un jeu sur le passage et la clôture, l'interdit et la liberté. Ce jeu de contraires permanent fait de la frontière un objet séduisant à étudier comme à écrire, car il permet toutes les expérimentations et l'interrogation permanente sur l'entre-deux. Ce colloque n'a certes pas répondu à toutes les interrogations, mais il a permis de mettre en évidence des croisements, des lignes de force, des échos dont cette présentation condensée laisse voir les récurrences.

Joëlle Ducos Bordeaux III-Michel de Montaigne

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Fonds structurels et politique régionale européenne 2007-2013: se préparer à la nouvelle donne Isabelle Compagnie - Novembre 2004 En Wallonie, au bord des routes ou à l'entrée de certains bâtiments ou expositions, on ne s'étonne plus de voir des panneaux portant la mention "réalisé avec l'appui de la Commission européenne". Et beaucoup de Wallons savent aussi que la province du Hainaut a été retenue comme région éligible à l'Objectif 1, l'Union européenne lui apportant par ce biais des moyens financiers imposants. S'il est une initiative communautaire où les communes wallonnes sont également bien présentes, c'est Interreg, dont le but est de créer des collaborations entre des régions transfrontalières. Toutes ces réalisations, ce sont les fonds structurels européens qui les ont cofinancées. Mais l'élargissement récent de l'Union européenne à dix nouveaux Etats membres ne restera pas sans effet sur l'utilisation et la répartition de ces fonds. En effet, si l'Union européenne des 25, avec ses 254 r égions , est l’une des zones économiques les plus prospères du monde, forte d’un marché intérieur et d’un potentiel humain de plus de 450 millions de citoyens, elle est, par rapport à l’Europe des 15, confrontée à des disparités économiques et sociales deux fois plus grandes. Des réorientations majeures sont donc prévues pour les années à venir. Nous vous les présentons. Au travers de sa politique régionale, l’Union européenne consacre plus du tiers de son budget à la réduction des écarts de développement entre les régions et des disparités de bien-être entre les citoyens. Le 14 juillet 2004, la Commission européenne a adopté ses propositions législatives pour la réforme de cette politique de cohésion. Ces propositions, qui prévoient que l'Union européenne lui consacre 336,1 milliards d'euros pour les années 2007 à 2013, sont axées sur quelques grands principes: concentration dans les régions les moins développées et donc dans les nouveaux Etats membres, maintien d'aides dans les anciens Etats membres, simplification et décentralisation des procédures. Concrètement, la Commission a présenté cinq propositions législatives: • un règlement sur les dispositions générales applicables aux fonds structurels; • un règlement pour chacun de ces trois fonds (Fonds européen pour le développement

régional ou Feder, Fonds social européen ou FSE, Fonds de cohésion); • un règlement instituant la création d'une structure transfrontalière de coopération; • une disposition prévoyant que le développement rural sera désormais rattaché

entièrement à la politique agricole commune et ne fera plus partie de la politique régionale;

Document n° 4

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• la suppression en tant que tel du programme Urban, destiné aux projets de développement des villes et quartiers en difficulté, les projets urbains pouvant toutefois être à l'avenir financés au titre des différents objectifs.

Le règlement général Voici un aperçu de ses éléments-clés. Les trois objectifs prioritaires actuels des fonds feront place en 2007 aux trois suivants. L'Objectif 1 devient l'objectif de "convergence"… Doté de 264 milliards d'euros, l'objectif Convergence sera centré sur les Etats ou régions dont le produit intérieur brut (PIB) par habitant n'atteint pas 75 % de la moyenne de l'UE élargie, ce qui est principalement le cas pour la majorité des nouveaux Etats membres. Un soutien transitoire et spécifique est prévu, sur un mode dégressif, pour les régions qui dépasseront l'indice de 75 % en raison de l'effet statistique de l'élargissement. L'Objectif 2 devient l'objectif de "compétitivité régionale et emploi"… Dans le reste de l'Union, une double approche, à laquelle seront consacrés 57,9 milliards d'euros, est proposée. Il s'agit, d'une part, à travers des programmes de développement régional (Feder), de renforcer la compétitivité et l'attractivité des régions et, d'autre part, à travers des programmes nationaux ou de niveau territorial approprié financés par le FSE, de favoriser, sur base de la stratégie européenne pour l'emploi, l'adaptabilité des travailleurs et des entreprises et le développement de marchés du travail orientés vers l'inclusion sociale. Toutes les zones non couvertes par l'objectif Convergence seront susceptibles de bénéficier de l'objectif Compétitivité. La coopération territoriale européenne évolue… L'enjeu est ici d'intensifier la coopération transfrontalière, la coopération au niveau des zones transnationales et les réseaux de coopération et d'échange d'expériences à l'échelle de l'ensemble de l'Union. Ces initiatives ne pèseront pas moins de 13,2 milliards d'euros. En outre, la coopération transfrontalière contribuera aux futurs Instrument européen de voisinage et de partenariat et Instrument de préadhésion, appelés à remplacer les actuels programmes de coopération extérieure Phare, Tacis, Meda, Cards, Ispa et Sapard. La participation communautaire Pour chaque axe prioritaire des programmes, la participation des fonds structurels aux dépenses publiques sera soumise aux plafonds suivants: • 85 % pour le Fonds de cohésion [1]; • 75 % pour le Feder ou le FSE dans l'objectif Convergence et, exceptionnellement, jusqu'à

80 % dans les pays bénéficiaires du Fonds de cohésion; • 50 % pour le Feder ou le FSE dans l'objectif Compétitivité régionale et emploi; • 75 % pour le Feder dans l'objectif Coopération territoriale européenne. Les règlements Feder, FSE, Fonds de cohésion et GECT Pour ne pointer que quelques éléments des règlements proposés, on relèvera en bref que: • dans l'objectif Convergence, un accent nouveau est mis sur l'action du Feder en matière

de recherche et d'innovation ainsi que d'environnement et de prévention des risques.

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Dans l'objectif Compétitivité régionale et emploi, cette action s'articulera sur un triptyque thématique: innovation et économie de la connaissance, environnement et prévention des risques, accessibilité aux services de transport et de télécommunication;

• l'action du FSE dans l'objectif Convergence mettra notamment en avant la bonne gouvernance et le renforcement des institutions;

• le champ d'action du Fonds de cohésion s'élargira à l'efficacité énergétique, aux énergies renouvelables, à l'intermodalité des transports ou encore aux transports urbains et collectifs;

• enfin, le dernier règlement proposé rendrait possible la création par les régions d'entités à capacité juridique, les groupements européens de coopération transfrontalière (GECT), pour organiser leur coopération. Ces structures chapeauteraient la mise en œuvre des programmes transfrontaliers sur la base d'une convention entre administrations nationales, régionales et locales ou autres services publics.

Les grands principes Si la réforme proposée maintient les principes de base du mécanisme de mise en œuvre (programmation pluriannuelle, partenariat, cofinancement, évaluation), elle contient une série d'innovations visant à améliorer l'efficacité de la politique de cohésion. Entre autres: • une approche plus stratégique de la programmation, basée sur les "orientations

stratégiques de la Communauté pour la cohésion" et les nouveaux "cadres de référence stratégique nationaux" présentés par les Etats membres et décidés par la Commission. Ces documents de référence remplaceront les actuels cadres communautaires d'appui, documents uniques de programmation (DOCUP) et compléments de programmation;

• une délimitationclaire de la nature et du partage des responsabilités entre les intervenants chargés de gérer le budget communautaire, de suivre et d'évaluer les actions: Etats membres, régions et organismes de mise en œuvre d'une part, Commission de l'autre;

• dans la même optique, une confiance accrue accordée aux systèmes de contrôle des Etats membres lorsque ceux-ci sont les principaux contributeurs financiers et que la Commission a obtenu l'assurance de la fiabilité de ces systèmes;

• une action plus cohérente de chaque fonds structurel (Feder, FSE) grâce au principe "un fonds par programme";

• en matière de gestion financière, divers éléments de simplification importants seront introduits. C'est ainsi, par exemple, que la contribution communautaire sera calculée uniquement sur la base des dépenses publiques ou encore que ce sont les règles nationales qui détermineront en grande partie l'éligibilité des dépenses.

Cette architecture législative simplifiée doit maintenant être débattue par le Etats membres. Mais, on le voit, de profonds changements sont dans tous les cas amenés à intervenir dans l'attribution des budgets. Et si des opportunités offertes par les fonds structurels pourront encore être saisies, ces réformes ne peuvent qu'inciter les pouvoirs locaux wallons à se montrer moins timides face aux programmes gérés directement par la Commission européenne, ou programmes "centralisés". Ne perdons pas de vue que plus de 300 programmes thématiques européens de financement sont accessibles aux collectivités locales, pour un poids total de 15 milliards d'euro

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Jean-Claude Richert-Schaub pour Cnfpt — Coopérations transfrontalières — 2006 18

La frontière, zone de contacts ou de ruptures ? Henri Chamussy est Professeur à l’Université de Grenoble. La frontière est un des thèmes les plus étudiés en géographie. Les espaces sont-ils créés par les frontières ou les frontières ont-elles délimiter les espaces ? Quelle est la signification du terme "frontière" ? Si l’on se bat depuis des siècles sur le sens du terme "géographie", un large consensus entoure le terme de frontière. En géographie, étudier les frontières, c’est étudier scientifiquement l’organisation de l’espace par les sociétés. C’est donc une science humaine mais qui ne peut ignorer les contraintes physiques qui sont des facteurs incontournables du concept de "frontière" Qu’est-ce qu’une frontière ? Est-ce une limite entre deux Etats souverains ? Mais alors, que dire des aéroports internationaux qui sont autant de frontières à l’intérieur d’un territoire, comme l’on prouvé les tristes évènements du 9 septembre. La frontière est-elle une séparation ou un lien ? A ce sujet, une image s’impose, celle d’un film de Christian Jacq avec Fernandel en 1957 : "La loi, c’est la loi" . Ce film raconte l’histoire fantaisiste d’un douanier français devenu apatride car l’on ne peut déterminer s’il est né dans la cuisine ( il serait italien) ou dans la salle de séjour ( il serait français) Le premier plan est consacré au suivi du tracé d’une ligne en pointillé symbolisant la frontière assorti du commentaire " A quoi sert une frontière ? A mettre en Italie ce qui est Italien et à mettre en France ce qui est Français" Cette phrase simple est loin d’être anodine car elle comporte de nombreux axes de réflexion. Bien que la notion de barrière linguistique soit souvent associée au terme de frontière, en Europe, les frontières sont rarement linguistiques comme en témoigne l’exemple de l’Alsace. La langue allemanique est plus proche des langues germaniques que franciques Frontière et mémoire Un lieu commun consiste à affirmer que les frontières de l’Europe sont stables et sérieuses, ce qui n’est pas le cas des frontières africaines par exemple. C’est oublier que bien que toutes les frontières européennes ou presque datent du XIXème ou du XXème, elles sont nombreuses à avoir bouger pendant cette courte période. Leur tracé révèle de très anciennes fracture comme la frontière de l’empire romain sous Théodose qui coïncide avec la ligne de partage serbo-croate

Document n° 5

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Frontières et mouvement Pour la première fois dans l’histoire du monde, des Etats, membres de l’U.E,. ont accepté librement d’effacer leurs frontières, de permettre la libre circulation à l’intérieur de leur espace commun et de partager la même monnaie. Si les regroupements économiques sont monnaie courante (MERCOSUR, ALENA, A.P.E.C., ASEAN etc...), c’est la première fois que des Etats abandonnent sans contrainte une grande partie de leur souveraineté. En réaction peut-être, ressurgissent de nouveaux nationalismes et l’on voit s’épanouir la recherche de racines identitaires allant à l’extrême jusqu’à la purification ethnique. Certaines régions réclament une indépendance autrefois perdue ( Catalogne) et simultanément une intégration dans l’U.E. ! La frontière est à la fois une marque d’indépendance et un besoin de protection puisque les pays baltes qui avaient revendiqué leur indépendance lors qu’ils étaient inclus dans l’empire soviétique, n’ont rien eu de plus pressé une fois devenus indépendants que de demander leur inclusion dans l’U.E. ! Telle revue de géographie éditée par souci de régionalisme ou de nationalisme, depuis peu dans une langue locale très ... localisée, a le privilège d’être lue exclusivement par les universitaires qui l’écrivent ! En voulant marquer leur différence, ces universitaires ont créé une frontière culturelle. Mais où commence la frontière ? Pour venir en Alsace depuis Grenoble, il faut accomplir un assez long périple en train et à Lyon, prendre le train vers Frankfurt am Main. A l’heure déjeuner, point de wagon restaurant mais un "Schnell Imbiss" où les prix sont affichés exclusivement en DM. Satisfaire sa faim devient alors un vrai problème quand il s’avère que la carte est exclusivement en allemand, que le serveur ne parle pas un mot de français et que les plats doivent être réglés exclusivement en DM ou en FF, les cartes de crédit et chèques n’étant pas accepté. Où était alors la frontière sinon sur le quai de la gare de la Part-Dieu à Lyon ? Débat "Quand on se promène dans Mulhouse, le nom des rues n’est pas en Allemand mais en Alsacien, ce qui fait que comme pour les Basques, le message est incompréhensible pour les non dialectophones", regrette un visiteur d’Aix en Provence de passage dans la région C’est que le choix du bilinguisme a fait l’objet de long débat, explique une adjointe au maire. Nous voulions marquer notre identité mais il est clair que lorsque que l’on pense bilinguisme en Alsace, on associe systématiquement le Français et l’Allemand car c’est ce qui a le plus de chance de réussir. Un bilinguisme Chinois- Français n’aurait que peu de succès dans la région. Autrefois, dit cette conseillère municipale, il était très difficile de savoir dans notre région ce qu’était une frontière. Interrogée, les grands-mères répondaient en Allemand en montrant l’Est " Par là, de l’autre coté...". Le tracé du Rhin n’était pas le même qu’aujourd’hui et les frontières ont souvent été modifiées au cours du dernier siècle Henri Chamussy se remémore un souvenir d’enfance. Louveteau pendant la guerre dans la

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Jean-Claude Richert-Schaub pour Cnfpt — Coopérations transfrontalières — 2006 20

région de Gex, il avait pris part avec ses camarades à une excursion dans la région de Ferney. Ravis, les enfants avaient posé (symboliquement) un pied en travers de la frontière avec la Suisse. Le contact avec la réalité fut brutal et la révélation de l’importance des frontières définitive, la Wehrmacht en patrouille les repoussa sans ménagement Dans le public, certains se rappellent d’angoissants souvenirs de passage de frontière à l’époque du Rideau de Fer. Il fallait parfois attendre derrière des chaînes. D’autres ont été refoulés à la frontière hongroise qu’ils n’ont pu franchir qu’après de multiples et tatillons contrôles. Nombreux sont ceux qui se souviennent des miroirs passés sous les voitures à la recherche d’éventuels clandestins. Comme cela semble loin..... Pour Henri Chamussy, la frontière est souvent un lieu de démonstration de l’autorité, par exemple entre le Liban et la Syrie où il faut de longues heures d’attente pour passer d’un pays à l’autre, géographiquement si proches et ayant de nombreux liens culturels, linguistiques, voire familiaux. Certaines frontières marquent ceux qui les franchissent comme les frontières Etats- Uniennes. D’autres s’effacent. Sur les cartes occidentales d’avant 1989, les limites des Etats sont tracées en continu à l’exception de la frontière RFA/ RDA qui est en pointillés. La frontière politique a disparu mais la frontière culturelle demeure. Les Osties et les Westies se distinguent toujours les uns des autres et les mariages mixtes sont encore des exceptions. La frontière perdure dans les esprits. Il existe d’autres traits en pointillé sur certaines cartes géographiques qui toujours reflètent des revendications politiques : le Maroc et le Sahara espagnol aujourd’hui ; l’Alsace entre 1871 et 1918 ; Israël qui n’existe pas sur des cartes éditées au Liban et dans la majeure partie du monde arabe musulman. Quelqu’un dans le public pose le problème des enclaves comme Gibraltar, Ceuta ou Melilla. Ce sont des frontières reconnues internationalement et quelqu’en soit l’origine, légales et reconnues. Même arrachée à la Chine à la suite de la guerre de l’opium en 1842, l’enclave britannique de Hong Kong a été respectée par les communistes chinois jusqu’en 1997, date de son rattachement légal à la Chine. Il est vrai que des intérêts économiques puissants des deux parties étaient en jeu. Le droit des peuples a disposer d’eux mêmes n’a que peu de valeurs devant des enjeux nationaux voir internationaux. On ne peut contester l’anglicité ou l’hispanicité de certains territoires aujourd’hui sans évoquer alors le statut de Mayotte. La volonté d’appropriation territoriale peut être forte. Un enseignant de l’université de Haute Alsace, Bernard Reitel se rappelle avoir vu en Argentine, des affiches proclamant " Las Maluinas son nuestras" alors que d’après les estimations, si l’on faisait un référendum, 100% des habitants des Malouines souhaitent rester anglais ! Pour Henri Chamussy, les frontières sont des périphéries extrêmes, propices souvent à tous les trafics. Outre le célèbre exemple du Triangle d’Or, il cite la zone inter frontière entre la Russie, la Corée et la Chine, ou les trafics vont bon train à travers des frontières sures et solides. Le trafic clandestin aidé par les téléphones portables, par exemple, est si intense, que les gouvernements ont fini par installer des relais, tout à fait officiels. La mafia étant bien sûr à la source de tous les échanges ( cf les revues Espace Géographique et Mappemonde) Les relations entre frontières et développement économique ont varié au cours de l’histoire. La théorie classique de Christaller était que les frontières étant en périphérie, elles étaient une contrainte, impliquant par exemple des ruptures de charge induisant de lourds frais. C’était vrai pour le chemin de fer où l’écartement des rails impliquait parfois un transbordement complet ( Espagne). Cela pénalisait donc l’économie avec un petit avantage local : des débouchés pour les secteurs du transport et de la logistique. Dans la théorie de la division internationale du travail, les frontières deviennent un avantage. On y trouve des opérateurs compétents, une main d’ouvre flexible, une perméabilité culturelle enrichissante. Si ce n’est pas une zone politiquement dangereuse, la frontière présente une rente

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Jean-Claude Richert-Schaub pour Cnfpt — Coopérations transfrontalières — 2006 21

différentielle et une rente de position. Si l’Europe progresse, toutes les anciennes frontières vont se développer alors que nationalement, certaines étaient considérées comme déprimées ( Belgique, Espagne). Est remise en cause la théorie centre- périphérie à moins que l’on admette une modification, les frontières devenant des centres et non plus des périphéries intégrées ou délaissées. Certains détails le montrent explicitement : A Modane, l’effectif de 400 douaniers a été réduit à 30 après l’application des accords de Schengen. Ne manquant pas d’humour, ils ont créé paraît-il une association " Douaniers sans frontières" .... Les maquiladoras sont des villes industrielles dont la particularité est d’être situées sur la seule frontière directe entre un pays développé, les Etats-Unis et un pays "en voie de développement" , le Mexique. Elles ont fait profiter économiquement les régions limitrophes de leur position de frontière. Ces avantages s’altèrent aujourd’hui avec l’extension de l’ALENA qui étend à tous les territoires des pays membres, les avantages autrefois consentis à la seule région frontalière. Ils ont cependant permis le développement économique d’une périphérie mexicaine délaissée même si pour les Américains, les objectifs étaient, en maintenant un protectionnisme sévère, de réaliser d’importants bénéfices en profitant des faibles coûts de main d’œuvre. ( Les chemises étaient fabriquées au Mexique mais les boutons cousus aux USA, ce qui permettait l’apposition de l’étiquette " Made in USA" ) Selon l’IRD ( Institut de recherche et de développement), les conséquences de l’installation d’usines sur la frontière Mexique- Etats- Unis ont été la désertification de certains villages dans les Etats du Nord. La frontière est poreuse quand les Etats- Uniens le souhaitent, ils ont besoin d’une main d’œuvre souple et bon marché pour faire fonctionner leur économie. Un enseignant renchérit que le protectionnisme n’est pas mort car aujourd’hui, les camionneurs américains refusent l’arrivée de leurs concurrents mexicains sur le marché "états-uniens". C’est prudent, répond Henri Chamussy, car les camions mexicains sont des dangers roulants. Mais frontière et protectionnisme ont toujours fait bon ménage. Il est assez piquant de constater que José Bové a engagé ses actions d’anti- mondialisation pour protester contre les restrictions que les Etats -Unis ont apporté à l’importation du roquefort français ! On voit aujourd’hui apparaître des contrôles où ils n’existaient pas, dans les gares, les aérogares, certaines gares routières. Les nouvelles frontières sont à l’intérieur des territoires. Aux USA, il n’y a pas de langue nationale. Chaque Etat choisit la sienne. En Californie, un référendum a proposé l’introduction de l’Espagnol à coté de l’Anglais. Cela a été rejeté par la communauté hispanique car pour eux, la maîtrise de l’Anglais reste un vecteur d’intégration. Pourtant, le dynamisme démographique des communautés d’origine mexicaine ou cubaine est beaucoup plus fort que celui des WASP. Ils sont majoritaires en Floride. On assiste ainsi à un effacement de la frontière linguistique et culturelle. En conclusion, la frontière est un objet géographiquement passionnant qui sépare et uni. La frontière suscite envie et revendications et sa conquête a souvent entraîné des conflits. Aujourd’hui encore, de nombreux territoires sont disputés (Erythrée - Éthiopie ; Irak- Koweït ; Inde- Pakistan) sans oublier les zones de conflits maritimes. L’assouplissement des contraintes de certaines frontières fait apprécier le progrès actuel (plus besoin de triptyque, de carnets de change, de visa, de passeport dans l’U.E.). Des frontières culturelles existent encore mais elles ont tendance à s’estomper elles aussi. Cependant, les frontières ne disparaissent pas, elles se modifient, se transforment. Notre monde est en perpétuelle mutation.