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  1 Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et messieurs les ministres, Chers collègues, Avant de répondre à la motion de censure déposée par nos collègues de droite   puisque c’est l’objet de cette discussion  permettez-moi de revenir quelques instants sur le contexte de ce débat, et sur ce projet de loi pour la croissance et l’activité, qui fait l’objet de la procédure engagée mardi après - midi par le gouvernemen t. Vous l’avez-vous-même noté, monsieur le ministre de l’économie : vous avez réuni, sur chacun des articles de votre projet de loi, une majorité de députés en séance, au cours d’une discussion parlementaire dont nous reconnaissons qu’elle fut consistante, qu’elle fut respectueuse et qu’elle fut sur un certain nombre de points fructueuse. Mais l’usage de cet article 49-3, dans le même temps, vient reconnaître une autre réalité : sur l’ensemble de votre texte, il n’existait pas de majorité dans cette assemblée.  Cette contradiction apparente n’est pas le fruit du hasard  : elle témoigne de la diversité des majorités successives réunies sur chaque aspect de votre projet de loi protéiforme, et donc de l’absence de cohérence générale de ce texte dans son ensemble. Nous vous avions dit, dès le dépôt de votre projet, que nous étions circonspects sur la méthode qui consistait à lier entre elles des mesures n’ayant rien à voir les unes avec les autres.  Nous avions dit, Monsieur le premier ministre, que cette méthode risquait de voir se coaguler des oppositions, plutôt que de permettre de dégager des compromis dynamiques. Elle ne permettait pas une discussion poussée, vous contraignait à recourir sans doute plus que de besoin à des ordonnances sur des sujets extrêmement sensibles -  je pense au droit de l’environnement - alors même que nous sommes instruits par l’expérience que dans ces domaines, le travail parlementaire, la prise en compte des réalités du terrain, permettent le plus souvent une œuvre législative plus efficiente. Nous avions dit, Monsieur le ministre de l’économie, que de nombreuses dispositio ns de ce projet de loi ne pouvaient pas faire l’objet d’une mise en œuvre sans être profondément amendées et retravaillées avec l’ensemble des composantes de la majorité.  Je pense ici notamment au travail dominical, question sur laquelle une nouvelle loi est indispensable   car l’insuffisance de la Loi Maillé est patente, notamment en termes de garanties pour les salariés   mais qui mérite mieux que quelques articles au sein d’un projet de loi qui a vu 150 nouveaux articles s’accumuler au cours de cette première lecture. Nous avions dit enfin que le développement de l’activité économique passait à notre sens par des choix plus clairs et plus déterminés, par un meilleur ciblage des actions de l’Etat en faveur des secteurs économiques d’avenir, et notammen t de ceux liés à  la transition écologiq ue. Car si l ’objectif est bien de favoriser une croissance durable et l’emploi, comme ce projet de loi l’affirme dans son titre, la question écologique, l’accompagnement économique de la transition énergétique sont des conditions essentielles et indispensables, auxquelles il aurait été nécessaire que nous travaillions plus profondément. Voilà les raisons pour lesquelles nous avions annoncé mardi midi que le groupe écologiste s’apprêtait à ne pas voter votre projet de loi.

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    Monsieur le Prsident, Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et messieurs les ministres, Chers collgues, Avant de rpondre la motion de censure dpose par nos collgues de droite puisque cest lobjet de cette discussion permettez-moi de revenir quelques instants sur le contexte de ce dbat, et sur ce projet de loi pour la croissance et lactivit, qui fait lobjet de la procdure engage mardi aprs-midi par le gouvernement. Vous lavez-vous-mme not, monsieur le ministre de lconomie : vous avez runi, sur chacun des articles de votre projet de loi, une majorit de dputs en sance, au cours dune discussion parlementaire dont nous reconnaissons quelle fut consistante, quelle fut respectueuse et quelle fut sur un certain nombre de points fructueuse. Mais lusage de cet article 49-3, dans le mme temps, vient reconnatre une autre ralit : sur lensemble de votre texte, il nexistait pas de majorit dans cette assemble. Cette contradiction apparente nest pas le fruit du hasard : elle tmoigne de la diversit des majorits successives runies sur chaque aspect de votre projet de loi protiforme, et donc de labsence de cohrence gnrale de ce texte dans son ensemble. Nous vous avions dit, ds le dpt de votre projet, que nous tions circonspects sur la mthode qui consistait lier entre elles des mesures nayant rien voir les unes avec les autres. Nous avions dit, Monsieur le premier ministre, que cette mthode risquait de voir se coaguler des oppositions, plutt que de permettre de dgager des compromis dynamiques. Elle ne permettait pas une discussion pousse, vous contraignait recourir sans doute plus que de besoin des ordonnances sur des sujets extrmement sensibles -je pense au droit de lenvironnement - alors mme que nous sommes instruits par lexprience que dans ces domaines, le travail parlementaire, la prise en compte des ralits du terrain, permettent le plus souvent une uvre lgislative plus efficiente. Nous avions dit, Monsieur le ministre de lconomie, que de nombreuses dispositions de ce projet de loi ne pouvaient pas faire lobjet dune mise en uvre sans tre profondment amendes et retravailles avec lensemble des composantes de la majorit. Je pense ici notamment au travail dominical, question sur laquelle une nouvelle loi est indispensable car linsuffisance de la Loi Maill est patente, notamment en termes de garanties pour les salaris mais qui mrite mieux que quelques articles au sein dun projet de loi qui a vu 150 nouveaux articles saccumuler au cours de cette premire lecture. Nous avions dit enfin que le dveloppement de lactivit conomique passait notre sens par des choix plus clairs et plus dtermins, par un meilleur ciblage des actions de lEtat en faveur des secteurs conomiques davenir, et notamment de ceux lis la transition cologique. Car si lobjectif est bien de favoriser une croissance durable et lemploi, comme ce projet de loi laffirme dans son titre, la question cologique, laccompagnement conomique de la transition nergtique sont des conditions essentielles et indispensables, auxquelles il aurait t ncessaire que nous travaillions plus profondment. Voil les raisons pour lesquelles nous avions annonc mardi midi que le groupe cologiste sapprtait ne pas voter votre projet de loi.

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    Non parce quil constituerait une rgression insupportable du droit social comme le prtendent certains. Mais parce que sans tre la loi du sicle comme la dit justement le prsident de la rpublique, cette loi constituait nos yeux une occasion manque et que sur des sujets nos yeux essentiels, le point dquilibre navait pas t atteint. Un nombre non ngligeable de collgues dautres groupes de gauche tait dans le mme tat desprit, et vous avez mesur le risque de voir le texte rejet par lAssemble. En engageant la responsabilit du gouvernement sur ce texte, par lutilisation de larticle 49-3 vous vous saisissez certes dune arme constitutionnelle, Monsieur le premier ministre. Mais cest une procdure par nature dexception, et dans une dmocratie parlementaire apaise, les procdures dexception sont toujours le signe dune impasse. Pour les dput-e-s cologistes, il convient de tirer les consquences de cette impasse dans laquelle toute la majorit est actuellement engage. On entend les commentateurs discuter pour savoir si cet usage du 49-3 signe, ou non, lchec du gouvernement sur ce texte. Querelles byzantines, bien loin des proccupations des Franais. Sachons reconnatre la ralit et ne nous lanons pas dans ces jeux dltres : la vrit, cest que limpasse dont je parlais linstant, cest toute la majorit qui y est engage, et que cest la majorit dans son ensemble qui doit trouver en son sein le moyen den sortir pour continuer aller de lavant. Et la premire condition pour sortir de limpasse, cest de ne pas se lancer, les uns et les autres, dans une bataille strile de recherche des responsabilits, de stigmatisations, dchanges de petites phrases qui font peut-tre du bien au moment o on les prononce, mais qui ne font que creuser des fosss et que rendre plus difficile lindispensable travail colllectif quil nous appartient de raliser. En un sens, Monsieur le premier ministre, - faisons en sorte qu quelque chose malheur soit bon - ce vote de tout lheure permettra deux clarifications : il permettra de mesurer, en comptant celles et ceux qui sy associeront, quil nexiste pas de majorit alternative dans cette assemble, et il permettra de dfinir, en comptant ceux qui refusent dy apporter leur voix, les contours de ce quest la majorit et le champ qui doit tre dsormais le vtre, le ntre. Oui, sachons tirer les consquences de cet pisode parlementaire malheureux. En tirer les consquences, cela signifie dabord renouer le dialogue au sein de la majorit, de toute la majorit. Nous savons que notre majorit est diverse, que diffrents courants politiques sy expriment et la composent. Cest la traduction dune ralit qui est celle de la gauche dans notre pays. Une gauche avec laquelle les cologistes travaillent, quils enrichissent de leur vision et de leurs propositions. Le scrutin majoritaire vient certes bien souvent craser cette ralit, jallais dire quil tente de le faire, mais il ne peut leffacer, et toujours, la ralit simpose au cours de la discussion parlementaire. Cette diversit, ces contradictions parfois, il nous faut en faire une force, et il nous faut vivre avec pour rformer notre pays. Nous savons le faire, nous avons su le faire avec ce gouvernement, je pense notamment lexercice dmocratique fructueux de la loi de transition nergtique qui nous a permis, en premire lecture, daboutir des compromis ambitieux, quil nous faudra dailleurs rtablir aprs quelques pisodes malheureux de la discussion du texte au Snat.

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    Cest cet esprit qui doit tous nous animer car cest pour cela que les Franais nous ont lus ici : pour trouver entre nous les ncessaires compromis dynamiques, ceux qui permettent davancer, de mettre en uvre de vrais changements, en tenant compte des approches de chacune des composantes de la majorit. Tirer les consquences de cette squence politique, cela signifie ensuite inflchir quand il le faut la politique gouvernementale, lenrichir si vous prfrez, en y intgrant pleinement les impratifs environnementaux, et en tirant enfin tous les bnfices conomiques de la transition cologique. En tirer les consquences, cela signifiera enfin revenir, lors des lectures venir de la Loi Macron, sur les dispositions les plus controverses du texte et notamment sur le recours aux ordonnances sur le droit de lenvironnement, sur les inquitudes exprimes par les associations et les syndicats de salaris et sur le respect des dispositions de la loi ALUR. Voil pour lavenir. Mais parlons du prsent. Le prsent, cest ce qui nous runit et justifie cette sance, un peu particulire, de lAssemble nationale, au cours de laquelle nous devons nous prononcer sur un texte celui de la motion de censure dpose par le groupe UMP-, clairs par lexplication de Monsieur Jacob. Pour ce qui nous concerne, nul suspense : les cologistes ne voteront bien entendu en aucun cas la motion de censure annonce par le groupe UMP. Cette position nous lavons prise ds mardi soir. Avant mme davoir lu votre texte, chers collgues de droite, avant mme davoir entendu le prsident Jacob. Parce que nous sommes lucides : il suffit de voir lattitude de la droite snatoriale en ce moment mme dans le dbat sur la loi de transition nergtique pour constater que lcologie na rien attendre de la droite. Et la lecture du texte de la motion de censure que vous avez dpose, lcoute attentive, mme si elle fut souvent pnible, de lintervention de notre collgue Jacob, ne font que renforcer cette position. Votre motion de censure, Monsieur Jacob, en appelle une rforme de lEtat dont chacun a pu mesurer ce quelle signifiait en entendant le prsident de votre mouvement ce matin la radio : cest le retour la rgle aveugle du non-remplacement dun fonctionnaire sur deux partant la retraite, cest--dire moins denseignants, moins de policiers, moins dinfirmiers. Les cologistes ne vous prteront pas main forte. Cette politique-l, les cologistes nen veulent pas. Votre motion de censure, Monsieur Jacob, en appelle une rforme du systme social dont chacun peut mesurer ce quelle signifierait en examinant les amendements que vous dposez lors de lexamen des projets de loi de financement de la scurit sociale : ce seraient moins de garanties pour les assurs sociaux, ce serait la remise en cause de laide mdicale dEtat, ce serait la priorit donne au dveloppement des offres de soins prives. Ce nest pas un fantasme, pas un procs dintention : cest ce que vous proposez ici mme chaque anne. Les cologistes ne vous prteront pas main forte. Cette politique-l, les cologistes nen veulent pas. Votre motion de censure en appelle une rforme du droit du travail dont nous savons ce quelle recouvre : une drgulation gnralise, la fin de la dure lgale du temps de travail, comme la rappel Monsieur Fillon. Les cologistes ne vous prteront pas main forte. Cette politique-l, les cologistes nen veulent pas.

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    Bref, votre motion de censure en appelle une politique conomique librale totalement dcomplexe celle-l mme que vous navez dailleurs pas mise en uvre au cours de vos 10 annes de pouvoir, et pour cause : cette politique-l, les Franais nen veulent pas. Et les cologistes ne vous prteront pas main forte. Il est dailleurs intressant de noter que dans votre texte dune page, qui se veut tout la fois rquisitoire contre la politique gouvernementale et profession de foi en faveur dune autre orientation, vous nayez pas une seule fois trouv le moyen dvoquer les dfis climatiques et environnementaux. Non, dcidment, cette politique-l, les cologistes ne peuvent apporter leurs voix. Parce que, si comme dans toutes les familles politiques, nous connaissons des nuances, des diffrences de points de vue, il est une conviction qui anime toutes et tous les cologistes : la politique du pire est toujours la pire des politiques. Vous le savez sans doute, les cologistes sont favorables un 49-3 lAllemande : en Allemagne, le chancelier fdral peut faire lobjet dune motion de renvoi constructive : lassemble se prononce alors sur un programme alternatif, et sur un candidat choisi pour remplacer le chancelier. Cette procdure a le mrite de la clart et vite les alliances de circonstance, jallais dire contre-nature. Notre dmocratie na rien gagner la constitution de fronts du refus uniquement capables de dire non, mais incapables de proposer une alternative. Cet pisode parlementaire, dont nous vivons ce soir un pilogue attendu, peut servir et pourrait inspirer la mise en uvre, en France, dune telle rforme de la censure. Notre vie dmocratique y gagnerait. Voil ce que je souhaitais vous dire, messieurs les ministres, chers collgues, au nom des dput-e-s du groupe cologiste : nous ne voterons pas cette motion de censure parce quelle ne mne nulle part. Par notre vote daujourdhui, monsieur le premier ministre, nous vous disons clairement que les cologistes ne sont pas dans lopposition. Que toute la majorit se remette au travail, anime de lesprit de responsabilit que les Franaises et les Franais attendent de nous. Cela suppose un dialogue renforc, cela suppose une coute plus attentive, cela suppose de reconnatre au Parlement le rle qui doit tre le sien.