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Revue frangaise des laboratoires DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DES MICROSPORIDIES INTESTINALES A.-M. DELUOL * [2_ 1. GF:NERALITES Les microsporidies sont des protozoaires dont les spores sont tr~s r6pandues dans la nature. Un grand nombre de genres infestent les invertebres, mais ces parasites s'attaquent egalement aux vertebres. Jusqu'en 1973, cinq publications seulement font etat de microsporidioses humaines hypoth6tiques. En 1985, Desportes-Livage et al. identifient Enterocytozoon bieneusi dans les biopsies intestinales d'un patient sideen souffrant de diarrhee chronique. Depuis cette date, de nombreux cas ont 6t6 decrits chez les patients atteints de sida et une deuxieme microsporidie intestinale a 6t6 d~crite en 1992 : Encepha/itozoon intestina/is qui donne egalement des atteintes extra-intestinales et que I'on peut retrouver dans les urines. 2. I~PIDI:!:MIOLOGIE Les microsporidies intestinales ont une part importante dans 1'6tiologie des diarrhees inexpliqu6es chez les patients infestes par le VIH. La pr6valence varie selon les 6tudes et se situe entre 6 et 30 %. La distribution geographique est ~tendue au monde entier et des travaux recents font etat de la pre- sence de ces parasites dans les diarrh6es des voyageurs immunocomp6tents. 3. MORPHOLOGIE Dans les selles, la spore est la forme parasitaire qui sera mise en evidence. Elle est ovalaire, de petite taille : 1,5 IJm/0,5 IJm pour Enterocytozoon bieneusi ; 2,2 pm/11Jm pour Encephalitozoon intestinalis. Elle poss6de une double enveloppe. En microscopie 61ectronique, on note la presence d'un sporo- plasme (cytoplasme + 1 noyau). L'616ment caract~ristique est le filament polaire attach~ & un disque d'ancrage situ6 & la partie ant~rieure de la spore et qui s'enroule en un nombre variable de spires (5 & 6). 4. CLINIQUE Ces microsporidies provoquent chez les patients sideens, & un stade avanc6 de I'immunod6pression, des diarrh6es chroniques qui apparaissent lentement et deviennent importantes. Ces diarrh6es sont aqueuses, de volume variable et aggrav6es par I'alimentation. Elles ne sont ni glaireuses ni san- glantes, peuvent s'accompagner de naus6es et de vomissements et entrafner une perte de poids lente et continue. On remarque aussi une malabsorption des sucres et des graisses. 5. DIAGNOSTIC 5.1. EXAMENS PARASITOLOGIQUES 5.1.1. RECHERCHE DES SPORES DE MICROSPORIDIES DANS LES SELLES (Enterocytozoon bieneusi et Encephalitozoon intestinalis) A. Par coloration • La coloration de Weber et al. a ~te d6crite la premiere en 1992 : elle utilise un colorant d~rive du trichrome de WheaUey. * Laboratoire de microbiologie- l~lnit~ de parasitologie-mycologie HOpital Rothschild 33, bd de Picpus - 75571 PARIS CEDEX 12 Revue fran~aisedes laboratoires

Diagnostic biologique des microsporidies intestinales

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Revue frangaise des laboratoires D I A G N O S T I C B I O L O G I Q U E

D E S M I C R O S P O R I D I E S I N T E S T I N A L E S

A.-M. DELUOL *

[2_

1. GF:NERALITES Les microsporidies sont des protozoaires dont les spores sont tr~s r6pandues dans la nature. Un grand nombre de genres infestent les invertebres, mais ces parasites s'attaquent egalement aux vertebres. Jusqu'en 1973, cinq publications seulement font etat de microsporidioses humaines hypoth6tiques. En 1985, Desportes-Livage et al. identifient Enterocytozoon bieneusi dans les biopsies intestinales d'un patient sideen souffrant de diarrhee chronique. Depuis cette date, de nombreux cas ont 6t6 decrits chez les patients atteints de sida et une deuxieme microsporidie intestinale a 6t6 d~crite en 1992 : Encepha/itozoon intestina/is qui donne egalement des atteintes extra-intestinales et que I'on peut retrouver dans les urines.

2. I~PIDI:!:MIOLOGIE Les microsporidies intestinales ont une part importante dans 1'6tiologie des diarrhees inexpliqu6es chez les patients infestes par le VIH. La pr6valence varie selon les 6tudes et se situe entre 6 et 30 %. La distribution geographique est ~tendue au monde entier et des travaux recents font etat de la pre- sence de ces parasites dans les diarrh6es des voyageurs immunocomp6tents.

3. MORPHOLOGIE Dans les selles, la spore est la forme parasitaire qui sera mise en evidence. Elle est ovalaire, de petite taille : 1,5 IJm/0,5 IJm pour Enterocytozoon bieneusi ; 2,2 pm/11Jm pour Encephalitozoon intestinalis. Elle poss6de une double enveloppe. En microscopie 61ectronique, on note la presence d'un sporo- plasme (cytoplasme + 1 noyau). L'616ment caract~ristique est le filament polaire attach~ & un disque d'ancrage situ6 & la partie ant~rieure de la spore et qui s'enroule en un nombre variable de spires (5 & 6).

4. CLINIQUE Ces microsporidies provoquent chez les patients sideens, & un stade avanc6 de I'immunod6pression, des diarrh6es chroniques qui apparaissent lentement et deviennent importantes. Ces diarrh6es sont aqueuses, de volume variable et aggrav6es par I'alimentation. Elles ne sont ni glaireuses ni san- glantes, peuvent s'accompagner de naus6es et de vomissements et entrafner une perte de poids lente et continue. On remarque aussi une malabsorption des sucres et des graisses.

5. DIAGNOSTIC

5.1. EXAMENS PARASITOLOGIQUES

5.1.1. RECHERCHE DES SPORES DE MICROSPORIDIES DANS LES SELLES (Enterocytozoon bieneusi et Encephalitozoon intestinalis)

A. Par coloration • La coloration de Weber et al. a ~te d6crite la premiere en 1992 : elle utilise un colorant d~rive du trichrome de WheaUey.

* Laboratoire de mic rob io log ie - l~lnit~ de parasitologie-mycologie HOpital Rothschild 33, b d de Picpus - 75571 PARIS CEDEX 12

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- R6actif : - Chromotrope 2R (Harleco) ................................ 6 g - Fast green FCF ................................................. 0,15 g - Acide phosphotungst ique ................................. 0,70 g - Ajouter 3 ml d'acide ac6tique cristallisable. Laisser en contact 30 min. - Completer & 100 ml avec de I'eau distill6e. - Renouveler le colorant tous les mois.

- Technique : - Diluer les selles au 1/3 dans du formol & 10 %. - Preparer des frottis tr~s minces. - Fixer les frottis au m6thanol pendant 3 min ......................................................................................... - Colorer les lames pendant 90 min ........................................................................................................ - Laver pendant 10 secondes dans le m~lange suivant : acide ac6tique : 4,5 ml ; alcool & 90 °C : 995,5 ml. - Faire un second lavage dans I'alcool & 95 °C. - D~shydrater les lames par passages successifs dans I'alcool a 95 °C pendant 5 min ; I'alcool absolu pendant 10 min, puis dans le xyl~ne ou I'Heme De pendant 10 rain. - Lire au microscope & I'immersion 100.

Les spores de microsporidies apparaissent color6es en rose sur le fond vert clair de la pr6paration. La difficulte de lecture nous a incit6s & am61iorer la technique, de fa~on & obtenir un meilleur contraste des colorations.

• Technique de Weber modifi6e par Deluol et Mahoun - R6actif colorant :

- Chromotrope 2R (Sigma) 2,6 g - Acide phosphotungst ique 2,6 g - Acide ac6tique cristallisable 1 ml

M61anger, laisser reposer 30 min. Ajouter 100 ml d'eau distillee. Pr6parer des frottis f6caux & partir d'une selle d i lu te au 1/3 dans du formol a 10 %. Les d~poser dans une boTte contenant le r~actif colorant. Laisser agir pendant 3 heures. Rincer largement a I'eau acetique & 0,2 %. Contre-colorer pendant 30 secondes avec une solution de vert de malachite & 1 % . Rincer ~ I'eau du robinet et lire au microscope & I' immersion 100".

Les spores de microsporidies apparaissent ovo'fdes, mesurant de 1 a 2 IJm, color6es en rose satin~, avec une vacuole incolore tr~s nette plus ou moins importante. En outre, on note souvent la presence d'un point rouge fonce & un p61e de la spore. Les spores ainsi colorees se d~tachent tres bien sur le fond vert malachite de la preparation (figures 1, 2 et 3). Une technique commercialis6e par les laboratoires BMD utilise comme contre-colorant I'aniline bleue.

B. En fluorescence directe

Cette technique utilise un f luorochrome qui a une affinite selective pour la chitine (Van Gool et coll., Journal of Clinical Pathology, 1993, 46: 694-699). Elle n'est donc pas specifique des microsporidies, mais elle permet cependant d'etre utilis6e comme seconde technique, pour confirmer les r6sultats de la coloration. Les r6actifs sont commercialises par Biotrin International**. Les spores de microsporidies apparaissent sous forme ovofde avec une fluorescence bleue sur le fond noir de la preparation.

5.1.2. RECHERCHE DES SPORES DE MICROSPORIDIES DANS L'URINE

Seule Encephafitozoon intestinalis sera retrouv6e dans les urines.

Centrifuger les urines ; rincer le culot de centrifugation dans du PBS. Faire une cytocentrifugation ou un etalement sur lame et colorer par une des techniques pr~c6dentes ou par le Giemsa.

5.2. EXAMEN HISTOPATHOLOGIQUE

II se fera sur des biopsies intestinales (jejunum, duodenum). Le Giemsa donne d'excellents resultats. Enterocytozoon bieneusi parasite la partie apicale des ent6rocytes (figures 4 et 5), entra~nant une atro- phie des villosit6s et une destruction de la muqueuse, sans atteinte des cryptes, tandis qu'Encephafi- tozoon intestinalis est retrouv6e aussi dans le fond des cryptes et les macrophages de la lamina propria.

* Si on veut raccourcir le temps de coloration, on peut mettre le r6actif 30 secondes au micro-ondes (thermostat 8) et laisser agir pendant 20 min.

** Le microscope & fluorescence doit 6tre equpe de filtres speciaux pour effectuer cette r6action.

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FIGURES 1, 2, 3 Frottis de selles color,s par la technique de Weber modif i~e (G x 1650) :

les spores de microsporidies apparaissent colorees en rose sur le fond vert de la preparation.

Noter la presence d'une petite vacuole non color6e & un p61e de la spore.

FIGURE 4 Biopsie duod~nale (G x 825) :

les microsporidies apparaissent clans les cellules en position supranucl~aire, color~es en rouge violace par le Giemsa.

FIGURE 5 Biopsie duod6nale, apposition (G x 1650) :

les microsporidies apparaissent en position supranucleaire dans la cellule. Elles sont color~es en bleu avec un noyau rouge

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