218
Faculté d’architecture La Cambre – Horta 19 place Flagey 1050 Bruxelles Année accadémique 2011- 2012 Session de septembre Diagnostic du classement de la vallée du M’Zab au patrimoine mondial Messahel Myriam Travail de Fin d’Etudes (Grand TFE) Deuxième année du grande de master en architecture

Diagnostic de la classification du M'Zab au patrimoine mondial

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Mémoire du grade de Master en Architecture

Citation preview

Faculté d’architecture La Cambre – Horta 19 place Flagey 1050 Bruxelles Année accadémique 2011- 2012 Session de septembre

Diagnostic du classement de la vallée du M’Zab au

patrimoine mondial

Messahel Myriam

Travail de Fin d’Etudes (Grand TFE) Deuxième année du grande de master en architecture

  2  

Remerciements Ce mémoire a été enrichi par l’intervention de nombreuses personnes que j’ai eu la chance de rencontrer tout au long de mon parcours. Je tiens à remercier mon promoteur Victor Brunfaut pour sa disponibilité et son intérêt pour ce sujet de travail. Les personnes ayant eu une expérience au M’Zab nous ont permis à élagir notre vision de cette région tellement enrichissante. Je remercie Philippe Lauwers de nous avoir permis de comprendre la période à laquelle il a œuvré à la préservation du M’Zab ; il nous a également permis de prendre un certain recul par rapport nos observations dans la vallée. Mes remerciements les plus sincères vont au grand homme qu’est André Ravéreau. Nous avons eu la chance de nous enrichir de ses enseignements lors de longs entretiens qui nous ont permis de mesurer l’importance de son engagement auprès des Mozabites. Il restera certainement la personnalité qui a plus marqué l’histoire du M’Zab au siècle dernier. Sa compagne Manuelle Roche, à qui nous rendons hommage, est parvenue à rendre toute sa splendeur à la vallée par ses magnifiques clichés. Nous remercions Zouhir Ballalou et Younes Babanedjar pour les entretiens ayant permis de mieux comprendre les enjeux de conservation au M’Zab après le départ d’André Ravéreau. Nous remercions Kacem, Ahmed et tous les habitants mozabites nous ayant accompagné lors de notre séjour. Avec leur sympathie habituelles, ils nous ont guidé à travers les merveilles du M’Zab Je remercie Nourredine Messahel, qui nous a guidé au M’Zab et enrichi de son expérience de professeur à l’université de Sétif. Je remercie ma famille et mes amis qui m’ont soutenue durant mes études d’architectures et particulièrement mes sœurs Sarah et Sabrina dont la motivation et le soutien étaient à toute épreuve.

  3  

Table des matières

Page Remerciements

Introduction……………………………………………………………………………7 Problématique actuelle du M’Zab…………………………………………………….11 Structure et méthodologie…………………………………………………………….15 Positionnement personnel de l’expérience mozabite…………………………………19

1. Le Choc, le Déni

1.1 Découverte de la region………………………………………………………23 1.2 Rencontre avec Younes Babanedjar………………………………………….29 1.3 Les observations dans les ksour et palmeraies………………………………. 33

Structure du ksar…………………………………………………………….. 33 Structure de la palmeraie……………………………………………………..39

1.4 Les recommandations de l’Office de Protection et Préservation de la Vallée du M’Zab………………………………………………………………………...41 L’Atelier aujourd’hui…………………………………………………………47

2. La Colère

2.1 Découverte des villes satellites…………………………………………………53 2.2 Rencontre avec Zouhir Ballalou………………………………………………..59 2.3 Les observations des nouvelles constructions…………………………………..65 Les facteurs politiques…………………………………………………………..65 Les facteurs culturels……………………………………………………………65 Les facteurs sociaux……………………………………………………………..67 Les facteurs urbanistiques et architecturaux………………………………….....67 2.4 Les nouveaux plans du Ministère de la Culture…………………………………69

3. Le Marchandage

3.1 Découverte de la vie mozabite…………………………………….……………..75 3.2 Rencontre avec Rasnama Kacem et Ahmed……………………………………..79 3.3 Les observations des nouvelles maisons mozabites……………………………...85 La maison mozabite traditionnelle……………………………………………….85 La maison mozabite aujourd’hui…………………………………………………91 Causes et signes de l’évolution sociale…………………………………………..93 3.4 Les projets de l’habitant …………………………………………………………97

  4  

  5  

4. La Dépression

4.1 Découverte de la région et retour…………………………………………101 Implatation d’un ksar et système de développement……………………..103 Développement actuel de la vallée………………………………………..105 4.2 Rencontre avec Philippe Lauwers………………………...………………109 4.3 Les inondations de 2008…………………………………………………..113 4.4 Les « nouveaux ksour » : le cas de Tafilalt……………………………….121 Le projet participatif de Tafilalt…………………………………………..123

5. L’Acceptation

5.1 Les rapports de l’UNESCO………………………………………………135 5.2 Rencontre avec André Ravéreau…………………………………………143 5.3 Cartographie de l’évolution de la vallée du M’Zab………………………149 Phases d’évolution………………………………………………………..149 La phase précoloniale……………………………………………...…154 La phase colonial……………………………………………………..156 La phase d’indépendance…………………………………………….158 Les plans d’urbanisme……………………………………………………160 Le plan Ravéreau……………………………………………………..160 Le plan Speer…………………………………………………………162 Le Plan d’Urbanisme Directeur (PUD)………………………………164 Le Plan de Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (PDAU)…….166 Les Plans d’Occupation du Sol (POS)………………………………..168 Le Plan Permanent de Sauvegarde et de Mise en Valeur du Secteur Sauvegardé 5.4 Conclusion ………………………………………………………….…….170

Annexes………………………………………………………………………………..180 Lexique ………………………………………………………………………………..208 Bibliographie…………………………………………………………………………..210 Iconographie……………………………………………………………………………216

  6  

  7  

Introduction La pentapole de la vallée du M'Zab, dont la première ville fut fondée au XI e siècle, est située à 600 kilomètres au sud de la capitale algérienne, Alger. Implantée dans le désert du Sahara, elle est composée de cinq villes fortifiées éloignées de quelques kilomètres les unes des autres le long de l'oued M'Zab. La vallée, qui s'étend sur près de 50 km², est inscrite au patrimoine national en 1971 et au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1982 - principalement suite aux démarches de l'architecte français André Ravéreau. La particularité de la vallée réside dans son organisation ingénieuse en villes fortifiées appelées ksour (singulier: ksar). Les cinq villes composant la pentapole furent construites successivement selon les mêmes éléments structurants et possèdent leur identité propre: El Atteuf (1012), Bounoura (1046), Ghardaïa (1048), Ben Isguen (1347) et Mélika (1350). Il existe également deux autres ksour situés plus loin dans la vallée, Berriane (fondée en 1679) et Guerrara (en 1630), qui n'entreront pas dans le cadre notre étude. Les ksour sont construits selon le même type d'organisation spatiale. Chaque ksar se compose systématiquement de trois éléments: le ksar qui est le lieu de résidence, la palmeraie qui permet l'agriculture et devient un espace de résidence estivale possédant son système de partage des eaux, le cimetière et les aires de prières extérieures (Moçalla). Ces trois éléments indissociables ont permis, durant près d’un millénaire, l’établissement d’une société à part entière. Le fondement de cette société - basée sur les principes fondamentaux de la religion musulmane qui sont le respect de soi, des autres et de la nature - a réussi à perdurer de manière magistrale pendant des siècles en jouissant des maigres ressources du sol tout en les préservant pour les générations futures. Cette vallée et ses habitants sont un témoignage vivant qu’un développement durable est non seulement bénéfique pour l’écologie mais également pour la formation des nouvelles générations. La tradition et le savoir-faire constructif des premiers ibadites est un exemple à suivre et dont il faut tirer des leçons d’architecture ou d’urbanisme mais avant tout d’humanisme : au M’Zab, chaque individu, en pleine connaissance de ses droits, se sent responsable de ses actes et de son patrimoine. C’est probablement le secret de la longévité de son système socio-culturel et religieux. L'implantation d'un système urbain dans une région hostile et au climat aride tel que celui du Sahara nécessite une organisation très stricte. L'occupation spatiale fait preuve d'une adaptation au site de manière à tirer profit des ressources très peu disponibles. Cette organisation est le fruit d'un savoir faire ancestral acquis depuis la fondation de l'État rostémide implanté au Maghreb dont la capitale au VIIe siècle était Tahert. Les Mozabites, habitants de la vallée du M'Zab, ont mis en place un système de barrages et de captage des eaux de l'oued afin de pouvoir développer des cultures dans les palmeraies. La vallée étant située dans une région désertique et aride, les crues de l'oued n'ont lieu que deux fois par an, laissant son lit tari le restant de l'année. Ce système permettait de capter, de stocker et de redistribuer les rares ressources hydriques de la vallée. Il permit aux Mozabites d'établir de vastes étendues de palmeraies avec une culture à trois étages: les palmiers

  8  

  9  

couvrant l'ensemble et créant ainsi un micro climat, les arbres fruitiers et la culture potagère en bas. L'équilibre établi entre homme et milieu a été fondamental compte tenu des conditions climatiques peu favorables et de la rareté de l'eau. Les structures mises en place comme les palmeraies répondaient aux seuls besoins de la population sans mettre en danger les ressources pour les générations futures. Ce développement, que l'on pourrait qualifier aujourd'hui de durable, a permis la pérennisation de la vie dans la vallée pendant plusieurs siècles. Cet équilibre de l'organisation du territoire a cependant été perturbé vers la fin de la période coloniale française notamment par la nouvelle économie liée aux découvertes pétrolières dans la région. L'arrivée d'autres groupes ethniques et les changements socio-économiques ont eu un impact sur les comportements individuels et ont modifié l'organisation territoriale.

  10  

  11  

Problématique actuelle du M'Zab La région du M'Zab possède un vaste patrimoine culturel immatériel millénaire dont le savoir-faire constructif et de gestion du territoire est un élément fondamental. L'équilibre créé entre les ksour, leurs palmeraies, leurs cimetières et le paysage naturel constitué de collines et de cours d'eau occasionnels constitue une unité fonctionnelle harmonieuse. Le système constructif et le procédé d’urbanisation de la vallée a été respecté jusqu'à la moitié du XXe siècle. Depuis, on constate une forte augmentation démographique dans la vallée ; ce qui a mené à une densification des ksour et une urbanisation rapide et non planifiée aux abords des villes. Depuis sa classification au patrimoine national puis mondial de l'UNESCO en 1982, les nouvelles constructions doivent êtres conformes aux recommandations précisées par l'Office de Protection et de Promotion de la vallée du M'Zab dans les ksour. Cependant, les besoins des habitants changent avec l'avènement des nouveaux moyens de construction et peu reconstruisent conformément aux recommandations. Les reconstructions des maisons de ksar se font dans des matériaux modernes au détriment des matériaux locaux. La question de la patrimonialisation de la vallée entraine diverses difficultés que le gouvernement et les institutions locales peinent à résoudre. D’une part, le classement de la vallée a permis une certaine prise de conscience par la wilaya de la valeur d’un tel patrimoine, engendrant une série d’infrastructures visant à valoriser son architecture – dont l’actuel Office de Protection et de Promotion de la Vallée du M’Zab. Cette organisation a pour but premier de protéger et de restaurer le patrimoine urbain, mais elle ne jouit que d’un pouvoir consultatif au regard des nouvelles constructions initiées par le Ministère de la Culture. Ce dernier, conscient de la notoriété d’un patrimoine classée à l’UNESCO, n’a de cesse de vouloir promouvoir une telle culture millénaire au détriment de son aspect local. La promotion de la vallée, de la part de l’office et de la wilaya, est un facteur non négligeable des changements apparus ces dernières décennies. Cette théorie remet en question les fondements et les principes de base de l’initiative de l’UNESCO. La question est de savoir mettre en lumière les réels apports bénéfiques et les conséquences néfastes du classement d’un quelconque élément architectural. Si dans certains cas le classement permet - dans un réel respect des habitants et de la faune locale - de préserver des espaces menacés, nous estimons qu’au M’Zab le classement n’a pas eu l’effet escompté. Au détriment des intentions de son initiateur, André Ravéreau, le classement de la vallée l’a poussée vers un développement rapide et excessif au service du tourisme et du commerce de gros.

  12  

  13  

Les constructions s'accumulent autour des ksour et menacent les palmeraies, autrefois lieux de résidence estivale, qui se transforment en habitations permanentes. Les constructions apparaissent sur les flancs de collines, modifiant l'aspect initial et le relief naturel de la vallée. La densification des palmeraies et l'occupation d'espaces naturels mettent en péril l'équilibre de la vallée et mènent à une conurbation entre les ksour de Ghardaïa, Ben Isguen et Mélika. Ces extensions urbaines menacent non seulement les espaces oasiens mais occupent également les flancs de l'oued qui a même été partiellement bétonné. Ces constructions aux abords de l’oued et les initiatives de la wilaya de bétonner le lit de ce dernier entre Ghardaïa et Beni Isguen est considéré, pour notre part, comme les deux erreurs les plus graves commises par la wilaya et l’Office de Protection et de Promotion de la Vallée du M’Zab. Ces deux éléments ont définitivement défiguré le système organisationnel initial et aussi mis en péril la vie des Mozabites. De tels projets n’auraient jamais du obtenir l’aval des autorités locales, vu les rapports d’experts et les études annonçant des dangers imminents. Les crues de l’oued sont un facteur aléatoire et trop imprévisible pour initier de telles constructions à ses abords. Il est de la responsabilité des architectes de s’opposer à l’exploitation de terres inondables, et bien que ceux-ci ne soient pas experts en hydrographie, il nous semble être de leur devoir de s’informer des risques de ces zones. Des études antérieures à 2008 ont été menées par des géographes, hydrographes, ingénieurs et chercheurs soit en urbanisme, soit en architecture traitant des risques liées aux crues exceptionnelles du M’Zab. Ces études seront retranscrites en annexes? afin d’offrir un panel d’informations traitant du sujet. En 2008, l'oued M'Zab a connu une crue très importante et a dévasté certains quartiers situés dans des zones inondables. Ces inondations ont été particulièrement dévastatrices au niveau matériel et ont causé la mort d'une quarantaine de personnes dans le quartier de Baba Saad situé dans la palmeraie de Ghardaïa. L'urbanisation anarchique met donc non seulement en péril le paysage de la vallée mais devient un danger pour les populations s'installant dans ces zones exposées aux crues. Cependant, les habitants ne sont que peu conscients du danger malgré la campagne de sensibilisation de l’Office de Promotion et de Protection de la Vallée du M’Zab. Ses vidéos traitant davantage de la valeur de l’architecture ksourienne n’accusent que formellement les constructions extra-muros. Les habitants à la recherche d’une construction neuve ont donc tendance à investir dans les terrains de palmeraie offrant à la fois fraîcheur et liberté urbanistique de construction. Il nous est difficile d’affirmer que ces habitants ignorent totalement les risques encourus, mais suite à une rencontre d’un habitant des nouveaux quartiers de la palmeraie de Ghardaïa, ce dernier nous semblait peu préoccupé par les inondations. Habiter une maison à quatre façades semble valoir le risque de s’exposer à une crue exceptionnelle.

  14  

  15  

Structure et méthodologie Le processus de recherche et les finalités de ce travail de fin d’études est le produit de deux années de recherches. En premier lieu, des recherches bibliographiques ont apporté une certaine connaissance théorique du M’Zab, relatée pour la plupart, par des architectes, urbanistes et anthropologues français ayant étudié cette région lors de la colonisation de l’Algérie (entre 1830 et 1962). Ces récits et comptes rendus de la vie saharienne se situent dans un contexte historique de pays colonisateur cherchant, en principe, à argumenter le besoin de la France d’apporter une civilisation et une technologie en faisant abstraction de l’identité culturelle millénaire des peuples sédentaires ou nomades. Paradoxalement, dans le cas de la vallée du M’Zab, le peu d’architectes et urbanistes ayant eu la chance de découvrir cette région (entre 1880 et 1962) se sont vu confronter à un établissement humain dépassant toute espérance dans une région désertique. De grands architectes tels que le Corbusier ou Pouillon s’en sont inspiré dans leurs architectures et théories. Il est presque évident que l’architecture avant-gardiste du M’Zab (en matière d’éco-construction et de développement durable) ait donné des leçons à ceux qui pensaient y amener du progrès. L’orientation des villes, des habitations, leur organisation spatiale, bioclimatique et leurs toitures plates se retrouvent étrangement dans les maisons modernistes du Corbusier. Le dimensionnement des habitations, le rapport entre l’homme et la construction présents dans le savoir-faire millénaire mozabite n’est que le principe de base du Modulor si reconnu. Et si le mérite de tels architectes est aujourd’hui enseigné dans les plus grandes écoles d’architecture, c’est sans mentionner que la pratique de ces théories ont fait leurs preuves à travers des siècles voire un millénaire. L’Algérie, longtemps grenier de la France, regorge de trésors patrimoniaux, architecturaux mais également culturels. C’est pourquoi le cas d’étude de la vallée du M’Zab nous semble idéal pour valoriser un patrimoine trop peu reconnu. En premier lieu, nous aborderons l'historique de la vallée et les origines de sa population pour comprendre le fonctionnement et l'organisation des ksour. Le contexte historique et politique ayant mené les ibadites à fuir d’abord le Moyen-Orient et ensuite le nord du Maghreb est un facteur primordial dans le choix du site de la vallée. Les pratiques sociales qui en découlent sont liées aux conditions rigoureuses de vie dans la chebka ( topographie similaire à un réseau en grille) du M’Zab. L'organisation sociale à l'origine de cet urbanisme égalitaire est liée à l'historique religieux de ses habitants et à la volonté de s'isoler pour échapper aux attaques ennemies. Les Mozabites ont réussi à organiser leurs villes selon les principes stricts de leurs convictions spirituelles. Le système de vie dans la vallée et plus précisément dans la maison mozabite ont été mis en lumière par l'architecte André Ravéreau, architecte en chef des monuments historiques d'Algérie de 1965 à 1971. Nous nous appuierons ici sur un entretien que nous avons eu la chance de pouvoir réaliser lors de rencontres avec l'architecte. Les systèmes constructifs, la conception architecturale de la ville et de la maison témoignent d'une adaptation au climat influençant le mode de vie d'une population.

  16  

  17  

Nous tenterons d'établir par la suite une chronologie de l'évolution de la vallée depuis la colonisation française en précisant les facteurs de changement qui ont mené à la croissance de la vallée. Les divers facteurs économiques, politiques et sociaux qui ont mené à une extension extra-muros des villes seront mis en parallèle avec la cartographie établie pour une meilleure compréhension des phases d’évolution urbaine. La cartographie et l’historique de la vallée sera produite d’après les sources suivantes:

• Une bibliographie d’époque coloniale ou des récits historiens à plusieurs époques

• Une cartographie d’époque empruntée à l’Office de Protection et de Promotion de la Vallée du M’Zab (Ghardaïa)

• Une cartographie effectuée par l’architecte André Ravéreau et son Atelier de Restauration du M’Zab

• Des documents issus du Système d’Information Géographie (SIG): Cartes et relevés topographiques

• Du Plan de Développement d’Architecture et d’Urbanisme (PDAU) de Ghardaïa datant de 2008 et l’actuel (en phase d’élaboration)

• Du Plan d’Aménagement du Territoire de Ghardaïa (PATW) • Des Plans Permanents de Sauvegarde et de Mise en Valeur des Secteurs

Sauvegardés (PPSMVSS) • Des photographies issues d’imagerie satellite, des constatations et visites sur le

terrain L’hypothèse de départ sera de déterminer la nature de l’évolution du patrimoine sauvegardé. Les recherches et entretiens sur le terrain nous aiderons à déterminer si la conservation de la vallée en l’état est réellement d’actualité ou si la croissance du pays et de la région ont eu raison d’une organisation du patrimoine millénaire. Qu'est devenue la vallée après sa classification? Quel est le rapport entre l'architecture patrimoniale et l'architecture de développement des dernières décennies? A la suite d'un voyage sur place et d'entretiens avec les architectes de l'Office de Protection et de Promotion de la Vallée du M'Zab et avec le directeur du Ministère de la Culture de Ghardaïa, nous avons pu mesurer l'importance de la problématique liée à la croissance de la vallée. La croissance démographique dans la vallée, engendrant une crise du logement, pousse les habitants à développer des quartiers aux abords des ksour. De manière non planifiée, certaines palmeraies se sont vues investies de manière intensive menant à une conurbation des ksour. Depuis les deux dernières décennies, deux nouveaux “ksour” ont vu le jour sur les flancs de la vallée, tentant de reprendre les systèmes constructifs du M'Zab en utilisant des matériaux locaux dans un souci d'intégration dans le paysage. A l'heure actuelle, le PDAU (Plan directeur d'Aménagement et d'Urbanisme) est en cours de renouvellement. La priorité actuelle est d'arrêter toute construction urbaine dans la vallée et de déplacer les pôles de commerce de gros vers des zones industrielles à quelques kilomètres afin de désengorger la vallée de ces pôles engendrant un trafic routier non négligeable entre les ksour.

  18  

  19  

Positionnement personnel de l’expérience mozabite Le M’Zab est une région riche et célèbre de par son architecture, sa culture et son climat. Il existe de nombreux écrits sur ce sujet qui ont, à plusieurs reprises, perturbé l’élaboration de ce travail. La question initiale portait sur la transcription architecturale d’une organisation sociale basée sur des fondements religieux. La communauté mozabite a organisé tout son système urbain sur des valeurs de partage et d’équité entre les habitants. Ces principes ayant puisé leurs influences dans des écrits religieux, ont permis l’élaboration d’une vie influencée en permanence par la religion. Par la suite, l’utilisation de techniques de construction locales a permis d’offrir une sobriété et une simplicité architecturale d’une grande finesse. Ce résultat architectural, nous l’avons découvert il y a quelques années grâce à une photographie aérienne du ksar de Ghardaïa dans l’aéroport d’Alger. Cette image nous a démontré que l’Algérie possédait de nombreux sites historiques bien plus au sud des sites archéologiques de Djmila ou M’Sila que nous avions visité. Ces sites romains impressionnants ne possédaient que peu de valeur de découverte pour l’étudiante en latin de l’époque. L’architecture du M’Zab avait cette intrigante faiblesse d’être faite de terre et de pierre, face aux blocs de granit des sites romains, et à la fois cette force de se hisser au sommet d’une colline, érigeant ainsi fièrement sa maîtrise totale de la science. Ce patrimoine se situe dans la continuité de notre découverte de la restauration. En effet, cet aspect de l’architecture a été initié lors de cours sur la conservation et la restauration des pierres naturelles suivis à Istanbul. Un autre regard a alors été posé sur cette ville, celui de la restauration d’un patrimoine datant du XIe siècle. Afin d’établir un historique du sujet, des recherches bibliographiques et cartographiques ont été menées. Les récits et reportages photographiques sont nombreux, particulièrement entre 1940 et 1970. La plupart de ces travaux ont été effectués par des Français, scientifiques ou romanciers, décrivant minutieusement les aspects de la vallée. À travers ces clichés tirés à profusion en noir et blanc, il était aisé de se faire une image mentale du M’Zab. Bien que nous projetions d’y aller - près de cinquante années plus tard - conscients que la vallée aurait connu des années de progrès technologiques. Toutefois, l’organisation territoriale en ksar-cimetière-palmeraie devait être inchangée; le M’Zab devait être identifiable visuellement. La complexité du travail bibliographique demandant un regard critique au niveau de l’époque des récits, de leurs auteurs et de leurs objectifs a provoqué un glissement de la question initiale: la retranscription architecturale et urbanistique d’un mode de vie basé sur une idéologie religieuse laissant place à une question plus actuelle ; les conséquences du classement de la vallée au patrimoine mondial de l’UNESCO sur l’urbanisme du M’Zab. Les rencontres avec Philippe Lauwers, André Ravéreau, Younes Babanedjar, Zouhir Ballalou, Rasnama Kacem et Ahmed nous ont, à chaque étape, apporté une vision différente de cette région.

  20  

  21  

Ils ont, à différents degrés, suscité étonnement, émerveillement, déception, révolte et résignation de notre part. Face à ces sentiments contradictoires, il a été difficile de prendre position sans pour autant adopter une position extrême. Aujourd’hui encore, notre avis reste très mitigé et c’est la raison pour laquelle nous avons pris la décision, de faire état notre propre expérience du M’Zab. Le cas d’étude reste la restauration et la conservation de la vallée, mais les clés de lecture seront données par les rencontres qui ont accompagné le parcours de recherche. Chaque chapitre introduit une personne recontrée et une problématique propre à la vallée. Nous nous proposerons, comme grille de lecture, de présenter les différentes phases de ce travail comme les phases vécues lors d’un deuil. Nous suivrons en cela la description analytique du deuil telle qu’énoncée par Elisabeth Ku ̈bler- Ross intitulé Five stages of grief#. Le deuil, loin d’être une expérience négative, sera ici utilisé comme un processus nécessaire de délivrance face aux événements ayant enclenché un changement radical dans la situation établie au début du travail. L’élément perdu lors de cette étude sera l’image mentale établie lors des recherches bibliographiques. Les cinq étapes abordées sont basées sur le modèle d’Elisabeth Kübler-Ross:

2. Le choc, le déni : Phase de découverte de la perte. Le sujet refuse de croire à la perte.

3. La colère: Phase caractérisée par un sentiment de colère face à la perte. La culpabilité peut s’installer.

4. Le Marchandage: Phase de négociations, chantages.

5. La Dépression: Phase caractérisée par une grande tristesse, remise en question,

détresse.

6. L’Acceptation: Dernière étape où le sujet se reprend. La réalité de la perte est mieux comprise et acceptée. Le sujet a réorganisé sa vie en fonction de la perte.

  22  

Fig. 1 Vue aérienne du ksar de Ghardaïa avec la place du marché et la mosquée

Fig.2 La vallée du M’Zab de nuit

  23  

1. Le Choc, le Déni

1.1 Découverte de la région

Aujourd’hui, le M’Zab intrigue et intéresse au delà de la Méditerranée. Grâce aux médias et à Internet, on peut facilement avoir un aperçu de la pentapole et de ses trésors. Rien de plus simple que de réserver son séjour auprès d’un grand hôtel ou des rares maisons d’hôtes et de prendre un vol pour Ghardaïa après avoir fait les démarches nécessaires auprès de l’ambassade pour obtenir un visa touristique en Algérie. Ce n’est pas totalement de cette manière que nous avons procédé. Originaire du pays, nous avons demandé l’aide d’une personne connaissant bien la région afin d’être encadrée dans les premiers jours. Ainsi s’est donc déroulée notre découverte du M’Zab.

Nous savions que l’organisation territoriale suivait rigoureusement le principe suivant lequel chaque ksar possédait sa propre palmeraie et son propre cimetière. Il en existait cinq, le plus important administrativement étant Ghardaïa. Étant donné que ce ksar avait connu une promotion il y a quelques décennies, nous nous attendions à ce que Ghardaïa se soit étendue au delà de son enceinte de fortification et que de nouveaux quartiers aient vu le jour aux abords immédiats. Nous cherchions donc à découvrir ces nouvelles constructions adjacentes et, éventuellement, à pouvoir les quantifier afin d’en faire état. Ceci était sans compter la réalité actuelle, dépassant de loin nos attentes.

C’est après une correspondance à Alger que nous survolons de nuit la vallée scintillante telle une coulée de lumière entre les roches. L’atterrissage et la descente sur le tarmac sont les premiers contacts avec le sol et notre premier réflexe a été de lever les yeux au ciel pour découvrir une nouvelle voûte céleste. Nous récupérons nos bagages à l’aéroport Noumerat Moufri Zakaria et prenons la route pour rejoindre la vallée. Nous découvrons un minaret au détour d’un virage et devinons un ksar trahi par l’organisation concentrique de maisons autour de la mosquée. Incapable de deviner de quel ksar il s’agit, notre guide nous éclaire et nous en découvrons d’autres, noyés dans les quartiers environnants. Nous arrivons à notre hôtel “El Djanoub” 1 et avons hâte de découvrir la région dès le lever du soleil.

                                                                                                               1  L’hôtel  El  Djanoub  est  l’œuvre  de  l’architecte  français  Pouillon  ayant  séjourné  dans  la  vallée  au  milieu  du  XXe  siècle.  Architecte  de  renommée  en  Algérie,  il  a  été  chargé  de  la  construction  d’hôtels,  de  la  wilaya  de  Ghardaïa  ainsi  que  d’un  centre  culturel  dans  la  vallée.  Ses  

  24  

Fig.3 Place du marché de Ghardaïa Fig.4.5.6 Marchands de Cheich, dattes et souvenirs

  25  

L’hôtel luxueux reçoit aujourd’hui les étrangers dont le séjour est soit touristique soit professionnel mais est également le point de rencontre des délégations d’experts en urbanisme lors des colloques et conférences sur le patrimoine, aujourd’hui mondial, de la vallée du M’Zab. La journée est consacrée à la visite des ksour. Nous prenons donc la voiture pour arriver dans le quartier français de Ghardaïa où se situent les administrations, écoles et bureaux de poste nécessaires au statut économique actuel de wilaya. L’entrée dans l’ancien ksar se fait par une rue commerçante étroite menant à la place du marché. Bruyante, vivante et lumineuse, cette place suggère un panorama d’arcades derrière lesquelles des maisons montent jusqu’à un minaret fièrement dressé au centre de la perspective. Les marchands du souk proposent plusieurs types de marchandises. Parmi celles attendues ; les dizaines de variété de dattes de l’oasis et des truffes blanches. Il est bien sûr aujourd’hui possible de trouver tout type de breloques allant des tajines en terre cuite de décoration aux chapelets en bois, le tout redoré de la notification « made in Taïwan ». Les commerces de souvenirs sont dispersés dans les arcades encerclant la place, exposant des tapis aux motifs de Ben Izguen ou kabyles. Le soleil illumine l’ensemble de la place, laissant les petites ruelles adjacentes dans l’ombre. Cette place du marché marque la porte de l’ancienne enceinte, en la quittant vers le minaret, nous rentrerions dans l’ancien ksar. Nous voilà à peine engagés dans la rue semblant mener tout droit à la mosquée qu’on homme nous interpelle : les ruelles du ksar ne sont pas accessibles aux étrangers depuis quelques années. Il existe des guides officiels proposant un circuit bien étudié dans le ksar afin de perturber le moins possible la vie des habitants. Malheureusement, pour les personnes ayant quelque peu étudié la région, il est décevant de voir leur voyage de centaines de kilomètres limité à quelques rues menant à la mosquée. La mosquée est un lieu interdit de visite, il est à peine possible de deviner une salle de prière par une porte éloignée.

Malgré notre effort de concentration sur les règles générales d’urbanisme rendant la vie dans le ksar respectueuse de la vie privée, nous ne pouvions fermer les yeux sur les infractions telles que le non-respect de la hauteur des murs. Nombreuses ont été les confrontations avec un rehaussement de terrasse par des murs en blocs de béton que l’on n’a même pas pris la précaution de recouvrir du revêtement traditionnel. Ces extensions illégales jurant avec le cadre général empêchent l’ensoleillement des terrasses voisines, droit pourtant inaliénable. Les murs des maisons traditionnelles n’ont pas été conçus pour supporter une telle charge additionnelle et il n’est pas surprenant de voir les fissures que provoque ce type d’extensions. La menace structurelle que représente ce luxe de se protéger du regard des voisins fausse également toutes les lois de regards établies anciennement.

  26  

Fig.7 Reconstruction complète d’une maison en blocs de béton (Ghardaïa)

  27  

Il existe par ailleurs de nouvelles constructions entièrement établies suite à la démolition d’une maison traditionnelle. L’Office de Protection et de Promotion de la Vallée du M’Zab (OPVM) recommande l’application de mesures de restauration des anciennes maisons afin de conserver ces précieuses sources d’enseignement traditionnel en matière d’architecture. Cependant il est de coutume pour certains habitants, ne souhaitant pas faire de demande de démolition pour construction neuve auprès de l’OPVM, de laisser l’état de délabrement de la maison mener à la ruine de cette dernière. Cette démarche est liée à leur volonté absolue de posséder une construction neuve synonyme de confort et de salubrité, leur permettant par la même occasion un agencement d’espaces plus grands. Les moyens techniques actuels permettent, grâce au béton armé, d’avoir des portées bien plus longues que celles des troncs de palmiers d’antan offrant une plus grande liberté d’agencement intérieur.

La visite n’aura pas duré plus d’une demi-heure mais nous avons encore quatre autres ksour à découvrir. Nous allons à Beni Izguen, ville bien plus fermée que Ghardaïa, car elle tient à garder sa réputation de ville sainte. Ici, on ne peut accéder à la place du marché en dehors des heures de vente à la criée2, événement propre à ce ksar. Une cuisinière, une moto, une armoire sans porte attendent en plein soleil. Les marchands reviennent de la mosquée après la prière de l’après-midi et installent leurs affaires. Le souk commence, rendant - pour quelques heures - son fond sonore à cette place désertée.

Lors de la visite du ksar nous découvrons la mosquée, l’ancienne mosquée avec son minaret bas et la tour de guet au sommet de la colline. Le groupe d’une trentaine de touristes se divise alors en petits ensembles de cinq personnes pour grimper au sommet de la tour. Le panorama nous fait découvrir l’ouest de la vallée et les brides de palmeraies environnantes. A notre grand étonnement, nous balayons du regard un tapis de constructions étendu de Beni Izguen au lit de l’oued. Cherchant la palmeraie de Beni Izguen, nous dirigeons notre regard vers Melika mais les constructions persistaient malgré un fond plus vert. C’est probablement à ce moment-là que notre recherche des nouveaux quartiers s’est rectifiée en recherche des palmeraies survivantes. Notre questionnement sur les constructions nouvelles s’est redirigé un moment sur la place des sites anciens. Quelle place pouvaient encore avoir des ksour offrant un confort relatif à ses habitants au sein d’une urbanisation contemporaine répondant à une demande des locaux ? La réponse à cette question déboucherait probablement sur la vision de ces ksour qui deviendraient soit des monuments à visiter soit le foyer des ‘vrais’ Mozabites attachés à leurs constructions ancestrales.

                                                                                                               2  Il  s’agit  d’un  étrange  mélange  d’objets  dépareillés  semblant  tout  droit  sortir  d’une  décharge,  mais  le  principe  ancestral  de  cette  vente  aux  enchères  est  une  satire  du  système  capitaliste.  Des  hommes  surenchérissent  des  objets  dont  ils  n’ont  aucune  utilité  dans  une  atmosphère  théâtrale.      

  28  

Fig.8 Rehaussement en blocs de béton Fig. 9 Passage couvert de ksar Fig 10. Maison dégradée (ksar de Ghardaïa) (Beni Isguen)

Fig.11 Chantier de reconstruction d’une maison de ksar abandonnée à l’état de ruine Utilisation de nouveaux matériaux : coffrage en bétion, armatures en acier. (ksar de Beni Izguen)

  29  

1.2 Rencontre avec Younes Babanedjar

Dans le cadre de notre mémoire, il nous était primordial d’aller à la rencontre de l’atelier du M’Zab. Aujourd’hui renommé en Office de Protection et de Promotion de la vallée du M’Zab, les architectes travaillent encore dans les locaux restaurés rue de la Palestine. Nous avons été accueillie par deux architectes visiblement habitués à la visite d’étudiants algériens et étrangers. Il nous a été posé la question du sujet de notre étude et nous répondions avec assurance jusqu’à ce que notre regard se pose sur une carte affichée au mur du bureau. Cette carte faisait état des inondations du 1er octobre 2008. Nous les avons questionné à notre tour sur ces inondations et il nous a été proposé des cartes sur le sujet. Les architectes nous ont cordialement mis un bureau à disposition le temps de notre séjour au M’Zab afin de pouvoir accéder aux documents nécessaires.

Younes Babanedjar, architecte et directeur de l’Office de Protection et de Promotion de la Vallée du M’Zab nous a été présenté. C’est avec précaution que nous lui avons fait part de notre inquiétude quant aux nouvelles constructions découvertes la veille. Conscient du danger, il a voulu nous rassurer en nous expliquant les moyens mis en place pour le prochain Plan Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (PDAU) afin d’arrêter ce processus d’urbanisme ; à savoir l’interdiction totale de constructions dans le secteur sauvegardé. Les recommandations du plan visent à arrêter les principales problématiques de la vallée:

• L’arrêt immédiat de l’invasion de la palmeraie par des constructions

neuves. Cet objectif sera maintenu par une interdiction générale de toute construction additionnelle située dans le secteur sauvegardé. Les palmiers disparaissent massivement à chaque construction, menaçant le seul espace vert de la vallée offrant un climat agréable en été. La conséquence ultime de cette invasion mènera à la transformation du M’Zab en une ville complètement constituée de constructions comme l’a déjà expérimenté Marrakech. Anciennement ville oasis, Marrakech est totalement urbanisée actuellement, perdant son identité et sa fonction initiale. Il serait plus que déplorable de constater ce type de résultat au M’Zab.

• La protection des sites naturels entourant la vallée. Ce point sera respecté

par la mise en place du premier point car au delà des palmeraies, les flancs de collines sont également menacés par de nouveaux quartiers (tels que Tafilalt). Ces nouvelles constructions défigurent les limites visuelles de la vallée et en modifient la ligne d’horizon. En effet, la conurbation des ksour n’est pas l’ultime danger car les flancs de collines commencent à être investis risquant, à long terme, de devenir un lien entre la vallée et ses villes satellites.

  30  

  31  

• La question de l’urbanisation des lits inondables de l’oued M’Zab. Décision prise suite aux inondations mortelles de 2008 et aux dégâts matériels ayant poussé les habitants à s’installer dans les préfabriqués à quelques kilomètres de la vallée. Nous nous interrogeons sur la gestion future des familles relogées. L’interdiction formelle de construction dans les lits non-exploités sera certainement la première phase. Reste encore la question des habitations ayant subit des dégâts importants. La décision de démolir totalement ces quartiers afin d’élargir le lit de l’oued ne sera certainement pas prise en raison d’un coût trop élevé. Elle serait pourtant la décision la plus sage afin d’éviter que ce type de catastrophe ne se reproduise. Nous supposons que ces quartiers seront timidement réhabilités et qu’après quelques années, les mémoires auront oublié le risque des crues exceptionnelles et d’autres personnes reviendront investir ces constructions à la position stratégique.

• La question de la démolition des constructions traditionnelles dans le ksar.

La campagne de sensibilisation de la valeur du patrimoine auprès des habitants ne semblant pas porter ses fruits, il s’agit de de trouver une alternative afin de pallier cette disparition du patrimoine architectural. Le ksar de Mélika est actuellement le plus menacé. Pour nous donner une idée de l’ampleur des dégâts, il nous a été mis entre les mains un rapport trimestriel des constructions illégales. Le plan de Mélika était inondé de couleurs désignant les démolitions et reconstructions illicites, les extensions et les rehaussements. Ce rapport est envoyé systématiquement aux autorités de la wilaya à titre indicatif dans l’espoir de voir une action concrète se réaliser. Cela fait quelques années que ces rapports sont envoyés par l’OPVM et restent sans réponse.

Le directeur de l’OPVM nous explique avoir personnellement étudié, dans le cadre de ses études, le cas de développement de la vallée et l’avoir mis en parallèle avec les fondements urbanistiques des écrits mozabites. En l’espace d’un siècle, la disparition progressive de l’application de certaines règles a transformé le M’Zab en ce que nous connaissons actuellement. Ce sont ces conclusions personnelles qui ont mené M. Babanedjar à s’engager auprès de la vallée en tant qu’architecte à l’OPVM. Nous déplorons quelque peu la disparition de la hargne avec laquelle il dénonçait les pratiques récentes dans son positionnement actuel. Nous lui avons demandé pourquoi les pouvoirs ne démolissaient pas, à titre d’exemple, une construction illégalement édifiée. La réponse de Younes Babanedjar illustrait sa volonté de mettre fin à cette croissance urbaine ; il serait le premier à se joindre à nous si nous démolissions de manière exemplaire. A moitié satisfaite de cette réponse d’un office qui n’a qu’une valeur consultative, il nous fallait encore savoir si les autorités mettraient en place une telle manœuvre. Nous reposerons cette question plus tard au pouvoir exécutif.

  32  

Fig. 12 Plan de Ghardaïa en 1956

Fig. 13 Ksar de Ghardaïa

  33  

1.3 Les observations dans les ksour et palmeraies

Notre connaissance relative au ksar comprenait plusieurs thèmes : son aspect structurel, architectural, sa composition et son organisation, ses aspects religieux et profanes, ses établissement sociaux et politiques… Pour comprendre ce qui sépare, dans l’essence même de l’organisation, les ksour et les nouveaux quartiers, nous rappelons les principaux fondements de l’établissement d’un ksar. Ces bases nous serviront à tirer des conclusions sur les nouvelles constructions s’établissant dans les palmeraies.

La structure du ksar L'aspect de la ville mozabite est une masse de constructions recouvrant un piton rocheux. À son point culminant, on y retrouve la mosquée avec son minaret de forme obélisque avec des pinacles arrondis dressés vers le ciel. Autour de la mosquée se répartissent les maisons étagées l'une au-dessus de l'autre avec leurs terrasses et leurs portiques. En contrebas se situe la place du marché sur laquelle débouchent les rues commerçantes. L'ensemble est entouré de palmeraies, de cimetières et du site naturel. Vue aérienne du ksar de Ghardaïa. Source : Google earth Les éléments composant un ksar sont : la mosquée, les habitations, le souk, les puits, les voies de circulation et le système défensif. L'unique mosquée du ksar symbolise l'unité sociale de la communauté ibadite. La mosquée étant un lieu sacré et d'une grande importance spirituelle, elle occupe une place centrale dans le ksar et surplombe les habitations. Le marché, quant à lui, joue un rôle économique - considéré comme profane - et trouve sa place à côté des remparts. Il constitue un espace commun entre l'intérieur et l'extérieur du ksar. Ksar de Ghardaïa. Source : Office de Protection et de Promotion de la Vallée du M'Zab Les voies de circulation se divisent en ruelles publiques et privées, certaines sans issue en fonction de leur statut. Les ruelles sans issue ne sont fréquentées que par les personnes qui y habitent. Le ksar possède plusieurs portes menant aux espaces extérieurs comme les palmeraies ou les cimetières. L'alimentation en eau s'effectue par des puits disposés dans différents quartiers afin d’extraire l'eau de la nappe phréatique.

Le ksar est structuré selon des données climatiques, défensives, économiques et sociales. Le facteur social est une donnée importante quant à la manière selon laquelle s'organise la vie dans les rues. On retrouve systématiquement des dualités dans l'agencement de l'espace : intérieur/extérieur, public/privé, religieux/profane, vivant/mort, homme/femme.

  34  

Fig. 14 Dualité Sacré/ Profane et orientation du ksar

  35  

Les éléments constituant l'intérieur du ksar sont propres aux membres de la société. Chaque membre est responsable et garant de l'ensemble de la société, attribuant à la communauté du M'Zab une unité homogène et indivisible. L'accès du ksar est interdit à l'étranger et c'est pour cette raison que l'emplacement du souk se situe dans la périphérie du ksar, empêchant les caravanes et les commerçants étrangers de pénétrer dans le ksar. L'extérieur est tout ce qui se situe en dehors des remparts. Le marché devient donc un point d'articulation entre l'intérieur et l'extérieur.

C'est la dualité public/privé qui définit la hiérarchisation des différents espaces. Les rues principales sont communes à tous les habitants du ksar alors que les rues secondaires sont propres au quartier (dans lequel sont rassemblés les membres d'une même fraction). Les rues sans issue sont collectives pour le groupe de maisons y étant établies. Le religieux/profane influence le positionnement des équipements du ksar. La structure urbaine se développe du haut vers le bas ; ce qui a trait à la religion est placé en hauteur, exerçant une domination sur les habitations. Dans chacun des ksour, la mosquée est située sur le point le plus haut de la colline. Tout ce qui est considéré comme profane comme l'activité économique liée au marché est placé dans le bas de la cité. Cependant, le travail est une partie importante de la vie et on ne peut parler réellement de rupture entre le profane et le religieux. L'Ibadisme aspire à ce que l'Islam n'ait pas trait uniquement à la pratique spirituelle (rupture?) mais englobe les activités de la vie quotidienne. La répartition entre les espaces habités et les cimetières constitue une opposition entre dynamique et statique. Le ksar est un espace animé tandis que tout signe de vie est absent du cimetière. Dans les cimetières, il n'y a pas de pierre tombale mentionnant le nom de la personne décédée. Seule une distinction est faite entre les hommes et les femmes (une ou deux pierres posées au niveau de la tête et des pieds) et des poteries placées par les familles pour identifier les morts. Puisque les membres de la société sont égaux durant leur vie (pas de signe de richesse dans la construction, pas de surélévation de façade, pas de palais...) il doivent l'être aussi après leur décès. L'homme et la femme possèdent chacun des fonctions sociales qui se complètent selon la doctrine ibadite. Au M'Zab, la fonction de l'homme est de travailler afin de nourrir la famille qui est sous sa responsabilité, tandis que la femme est chargée d'élever les enfants. Ceci est lisible dans la structure urbaine avec une distinction entre les espaces masculins et féminins. La mosquée est commune aux hommes et aux femmes mais la place du marché est exclusivement masculine. Les rues et ruelles appartiennent aux femmes. La maison est l'espace de la femme et l'endroit dans lequel elle exerce ses fonctions et passe le plus de temps.

  36  

Fig. 18 Ouest eddar Fig. 19 Ikomar et sa colonnade

Fig. 20 Chebek

Fig. 15 Espace cuisine Fig. 16 Etage terrasse Fig. 17 Espace de stockage à l’étage  

  37  

Conclusion sur le ksar De par sa classification et les ordonnances liées aux hauteurs, le ksar garde son aspect général de construction unitaire. Cependant il existe des constructions entièrement neuves qui ne passent pas inaperçues lors du déplacement dans les ruelles. Certaines vues aériennes permettent de repérer aisément les constructions hors normes se distinguant par leur architecture récente. Malgré des surfaces de parcelles particulièrement restreintes (en moyenne de 7 mètres sur 7 mètres), le volume des nouvelles maisons de ksar est bien supérieur à celui d’une maison traditionnelle. Si les constructions neuves ne reprennent plus le système traditionnel c’est que la maison ancienne ne répond plus aux demandes de confort des nouvelles générations. Cependant, de nombreuses familles continuent à vivre dans ces maisons qu’ils ont préféré restaurer ou rénover en y apportant des éléments qualifiés de ‘modernes’ tels que le carrelage ou des portes en bois. Nous avons visité deux maisons datant de plusieurs siècles dans lesquelles des familles sont heureuses d’habiter. Les espaces ne sont pas tous utilisés de la même manière qu’au siècle dernier mais trouvent de nouvelles fonctions et s’adaptent à des besoins plus actuels. Ces cas prouvent bien qu’il est possible de vivre avec tous les éléments électroménagers actuels sans pour autant doubler le volume de la maison intra-muros du ksar. Il avait été reproché, lors du classement, de vouloir maintenir la population à un niveau de vie moyenâgeux en restaurant des maisons détériorées. C’était sans compter les nombreux avantages climatiques de ces constructions qui permettent d’économiser une quantité non négligeable d’énergie (climatisation et chauffage). Pour introduire la conclusion sur les nouvelles constructions, nous tenons particulièrement à mettre l’accent sur un point fondamental évoqué précédemment : « Chaque membre est responsable et garant de l’ensemble de la société attribuant

à la communauté du M’Zab une unité homogène et indivisible ». Ce principe sur lequel on ne s’attarde plus à notre époque a toute son importance dans la transformation de la vallée aujourd’hui. Car au M’Zab, comme ailleurs dans le monde occidental, l’individu prime sur la communauté. L’individualisme, à divers niveaux, nuit à l’évolution d’un peuple avec son progrès. La concurrence établit alors ses règles et les individus ne progressent plus de manière équitable. Dans la continuation de la pensée individualiste vient se consolider le besoin de montrer sa supériorité en la traduisant, entre autres, dans l’expression architecturale de sa demeure. Il nous a été donné l’occasion d’apercevoir des maisons de dimensions bien supérieures à celles des ksar ne répondant pas toujours à un besoin d’espace. Nous préciserons plus tard en détail les différences entre les maisons traditionnelles et celles construites à l’heure actuelle extra-muros dans le chapitre lié aux contacts avec les habitants mozabites.

  38  

Fig. 21 Palmeraie de Beni Isguen

Fig. 22 Croquis de terrasses d’une maison de palmeraie

  39  

La structure de la palmeraie La palmeraie est un élément structurant de l'occupation du territoire. Les palmeraies s'étendent sur tout le long du lit de la vallée. Ce sont des oasis artificielles témoignant de la volonté de l'homme qui a pu créer - au sein d'un site aride et désert - un écosystème nécessaire à la vie. Les cultures mises en place dans ces oasis sont une ressource agraire indispensable à l'établissement de la ville. Elles offrent des arbres fruitiers, certains légumes et des palmiers produisant une grande variété de dattes. Ce microclimat est la preuve d'une organisation sociale défiant les conditions les plus rudes d'une région rocheuse.

La palmeraie est la propriété d'un ksar. Chaque ksar ayant sa propre palmeraie, celle-ci constitue une des limites de sa croissance. La propriété des terrains de la palmeraie se fait par accord entre les familles cofondatrices et divise la palmeraie en parcelles de jardins. A l'origine, aucune habitation n'était établie dans la palmeraie, seules quelques tours de guet étaient présentes pour des raisons défensives mais surtout pour surveiller les arrivées des crues de l'oued et pouvoir prévenir la population en cas de montée dangereuse du niveau des eaux. Ensuite sont venus s'établir quelques abris de bois pour finalement, vers la fin du XIXe siècle, être remplacés par des constructions solides en briques de terre. C'est vers les années 1880 que la région fût découverte par l'armée française et - puisque les Mozabites n'autorisaient pas l'étranger à vivre entre les murs d'enceinte des villes - que les Français s'installèrent aux limites de la ville, et dans les palmeraies, créant un quartier français.

Les habitations implantées et investies lors des périodes de fortes chaleurs permettent un climat agréable grâce à l'humidité et à l'ombre des palmiers. Ces habitations secondaires sont construites en briques de terre crue posées sur un soubassement de pierres et de chaux. La construction en terre est rendue possible grâce au système hydraulique permettant la sédimentation de la terre portée par les crues. Cette terre cultivable particulièrement fertile fait également office de matériau de construction. Ce système hydraulique a été conçu de manière à accomplir toutes les opérations de captage, de drainage, de répartition et de stockage des eaux. Il est composé d'un ensemble d'ouvrages tels que des retenues sur les collines, des barrages, des peignes à l'entrée des canaux souterrains, des rigoles, des fentes de distribution, etc. Tous ces éléments permettent de tirer profit des rares crues de façon optimale. Ce réseau a été élaboré suite à des calculs pointilleux afin de distribuer en eau, et de manière équitable, les jardins. En effet, la quantité d'eau distribuée par parcelle dépend du nombre de pieds de palmiers plantés dans le jardin.

  40  

Fig. 23 Place du marché le 29 juillet 1962 immortalsiée par Manuelle Roche

  41  

Les maisons de la palmeraie sont donc investies en été ce qui permet aux propriétaires de les entretenir et de récolter les fruits du jardin. Cette organisation traditionnelle de jardinage et d'entretien estival tend à se perdre d'après les habitants. Lors de la visite de la palmeraie de Ghardaïa avec un habitant mozabite, ce dernier déplorait le désintérêt des jeunes pour la palmeraie. Aujourd'hui rares sont les jeunes gens qui perpétuent la tradition en participant à l'entretien des cultures mais également à celui des rigoles destinées à guider l'eau vers les cultures et les pieds de palmiers. Les puits sont donc de moins en moins utilisés et certains sont scellés suite à des accidents domestiques.

1.4 Les recommandations de l’Office de Protection et Préservation de la Vallée du M’Zab

Nous allons tout d’abord replacer cette institution dans l’histoire afin de mieux comprendre son rôle et son pouvoir sur les décisions relatives à l’urbanisme mozabite. Ces informations nous ont été transmises avant notre voyage lors d’un entretien avec André Ravéreau. Nous connaissions alors sa fonction principale et attendions de faire état de sa position actuelle lors de notre visite. Le classement de la vallée ayant engendré un changement important dans le système pratique de construction, cet atelier a joué un rôle délicat entre les autorités et les habitants mais devait également évoluer de par l’ampleur des projets initiés. Par la suite, nous ferons état des mesures envisagées pour une sauvegarde efficace des monuments et des sites historiques. Il est essentiel de comprendre d’ores et déjà que malgré son devoir exclusivement consultatif, l’OPVM dispose de moyens de pression non négligeables auprès des autorités afin de conserver le patrimoine. Ceci est lié à la valeur de son pouvoir consultatif, car tout projet doit obtenir l’aval de l’OPVM pour l’octroi d’un permis d’urbanisme. Sauvegarde de la vallée du M'Zab et création de l'Atelier d'Études et de Restauration de la vallée du M'Zab Tout commença dans les années 1960, lorsque l’Algérie a acquis son indépendance après une période d’opposition au régime colonial. Le drapeau vert et sang flottant fièrement sur les toits de la place du marché, le M’Zab célébrait alors sa dernière indépendance. Bien que les mozabites n’aient jamais vraiment appartenu ni à l’empire ottoman, ni au régime français, la fierté nationale d’être à nouveau libre restait une occasion de prôner ses origines en rassemblant les notables et les cheiks de la cité. Ces images, prises par la photographe Manuelle Roche, témoignent d’une époque où Mozabites et Français associaient leurs savoirs afin de construire un avenir meilleur. Les prises aériennes exceptionnelles pour l’époque, ont immortalisé une dernière fois l’empreinte originale des constructions sahariennes avant tout “parasitage” moderniste.

  42  

 Fig.  24  Hotel  ex-­‐Rostomide  à  Ghardaïa  construit  par  l’architecte  Fernand  Pouillon  

Fig.25 Vue de la cour intérieure de l’hôtel El Djannoub construit par Fernand Pouillon

  43  

Suite à l’indépendance, les Français furent gracieusement remerciés et invités à regagner leur terre d’origine. Mais quelques années plus tard, le wali d’Alger proposa à André Ravéreau, qui avait une connaissance théorique et pratique du patrimoine algérien, le poste d’architecte en chef des monuments et sites historiques d’Algérie. N’ayant aucune formation en architecture de restauration mais une réelle volonté de retourner vers cette région qui lui a tant apporté, André Ravéreau accepta l’offre et se chargea alors des monuments à préserver.

Au M’Zab, le grand architecte Pouillon projette de construire un splendide complexe hôtelier destiné à la diaspora française offrant une vue imprenable sur le ksar de Ghardaïa. Les terrasses du ksar, comme expliqué précédemment, sont un endroit exclusivement réservé aux femmes. C’est en quelque sorte l’unique lieu où elles sont libres de circuler sans voile et sans restriction aucune. Permettre à des touristes étrangers d’avoir une vue plongeante sur ces espaces intimes est donc de l’ordre du sacrilège. C’est offrir une vue panoramique sur l’espace le plus personnel des femmes mozabites. Le wali3 de Ouargla, responsable des travaux à Ghardaïa contacte donc l’architecte en chef des monuments et sites pour avoir son aval. André Ravéreau refuse catégoriquement cette construction en hauteur argumentant que c’était contre tout principe de la société mozabite. Le wali lui fait alors comprendre qu’il ne l’appelait pas pour essuyer un refus mais André Ravéreau reste sur ses positions. Il est même bien décidé à tout mettre en œuvre pour empêcher cette construction. C’est alors qu’il décide de composer un dossier complet traitant de Ghardaïa et des principes de constructions découverts lors de son séjour sur place. Il l’envoie au bureau du wali de Ouargla et est immédiatement convoqué par celui-ci. Lors de la rencontre des deux hommes, le wali, convaincu par les arguments de Ravéreau, décide alors d’ouvrir une cellule destinée à la préservation du site. Il demande le financement, les moyens et les architectes nécessaires à Ravéreau et parvient à lancer l’Atelier d’Études et de Restauration de la vallée du M’Zab. C’est ainsi qu’est né le premier atelier traitant de l’architecture de la vallée du M’Zab. N’ayant pas d’architectes disponibles dans la région, André Ravéreau fit venir des quatre coins d’Europe, des architectes récemment diplômés pour les initier au système constructif du M’Zab. Les jeunes architectes italiens, suisses, français et belges devaient remettre en question toute leur formation moderniste de l’époque pour se rendre à l’évidence de la simplicité du M’Zab. L’expérience saharienne était avant tout humaine et sensorielle, elle a permis non seulement à André Ravéreau mais aussi à ses disciples de comprendre que l’architecture change en fonction de la latitude.

                                                                                                               3  En Algérie, Haut fonctionnaire responsable d’une wilaya, Le Nouveau Petit Robert, 2003  

  44  

  45  

Le climat sec et aride du M’Zab demande une maîtrise rigoureuse des éléments d’architecture et une connaissance parfaite des besoins en lumière et chaleur d’une maison. Philippe Lauwers est un de ces jeunes étudiants qui, une fois son diplôme de La Cambre en poche, décide de partir vivre l’experience du M’Zab. Une expérience qui, encore aujourd’hui, n’est pas prête de s’effacer dans sa pratique de l’architecture. Deux autres Belges ont rejoint l’atelier et, chacun accompagné de sa compagne, furent chargés d’effectuer des relevés dans des maisons destinées à être démolies. C’était en cela que consistait principalement le travail de l’atelier; faire un relevé architectural d’un patrimoine amené à disparaitre. Il s’agissait de répertorier, de classer, de photographier, de dessiner et d’archiver des maisons qui tombaient en ruine. Leurs proprietaries désireux d’une construction neuve, préféraient les laisser à l’abandon jusqu’à ce que leur état ne permette plus de restauration. Ils démolissaient alors la maison de son grand-père, effaçant ainsi une histoire de l’architecture qui disparaissait de jour en jour. Ces pratiques, loin de dater du siècle dernier ont toujours eu lieu et, encore aujourd’hui, trouvent leur place au sein de chaque ksar. C’est en quelque sorte, le cycle naturel de renouvellement des maisons du ksar. Cependant il est possible d’entretenir annuellement les maisons en les blanchissant à la chaux de fond en comble. Solidifiant les fissures et donnant une nouvelle hygiène à la maison, cette pratique ancestrale est encore utilisée par certains habitants. Ces deux jeunes hommes, de certains Didillon et Donnadieu, décidèrent de publier leurs travaux de relevé en les ponctuant d’analyses anthropologiques rédigées par l’œil de leurs compagnes ethnologues. Ce récit de l’expérience mozabite n’est sans doute pas le meilleur reportage photo publié à l’époque mais il reprend minutieusement les pratiques sociétales de la cité. Il relate les pratiques culturelles et religieuses, les rapports entre hommes et femmes, la place de la femme au sein du foyer et de la famille et l’influence de la religion dans la vie quotidienne. Habiter le désert est un outil précieux de travail pour quiconque désire découvrir la tradition mozabite vue par un Européen. Bien sur, notre vision personnelle de la société est différente des écrits datant du siècle dernier mais les temps ont changé et leur perception d’une culture étrangère semble toujours insolite. Notre connaissance profonde de la culture algérienne et de la pratique de l’Islam en Algérie nous permet d’avoir un double sens critique vis-à-vis de ces rapports. D’une part, l’architecte belge de La Cambre se permettrait de remettre en question le contexte historique du récit. D’autre part, l’Algérienne musulmane ne tolère que moyennement l’intervention de quatre “experts” du nord de l’Europe dans l’intimité des foyers mozabites, en particulier de leur illustration des habitations, le plus souvent insalubres pour témoigner d’une situation de vie précaire. Il suffit de comparer la noirceur des clichés de Didillon et deDonnadieu à la luminosité des photographies de Manuelle Roche (pourtant contemporains) pour se rendre compte de la perception différente du M’Zab.

  46  

Fig. 26 Carte du secteur sauvegardé de la vallée du M’Zab

  47  

L’Atelier aujourd’hui Lors de notre visite sur place, il nous a été expliqué l’évolution de l’atelier après le départ des architectes européens. Cinq architectes l’auraient repris afin de lui donner davantage de pouvoir. Il a été reproché à l’atelier d’être constitué d’un trop grand nombre d’architectes étrangers par rapport aux architectes locaux. En effet, André Ravéreau aurait été perçu comme un étranger à la cité donnant des leçons aux habitants intra-muros. Transformé en Office de Promotion et de Protection de la Vallée du M’Zab (OPVM) il rassemble aujourd’hui des historiens, des architectes, des archéologues, des ingénieurs en génie civil, des techniciens chargés du travail sur terrain et des assistants de recherche. Le directeur précédent de l’OPVM est Zouhir Ballalou. Lorsqu’il était effectif à l’OPVM, il a veillé à ce que les édifices publics en construction respectent l’architecture de Ghardaïa à l’instar des lycées et administrations construits par les architectes français. Les recommandations actuelles de l’OPVM En 1992, le statut de l’office a changé car Ghardaïa était devenue le chef-lieu de la wilaya. Son statut de département technique consultatif à une phase obligatoire pour toute construction neuve. Ce changement s’est opéré suite au décret présidentiel mis en place par le conseil d’administration. Grâce à sa nouvelle influence, l’OPVM soutient un nouveau plan à grande échelle : le secteur sauvegardé de la vallée du M’Zab. Ce plan définit clairement le périmètre de classement de l’espace culturel et historique de la vallée du M’Zab. Lors du processus de classement de la vallée en tant que patrimoine national en 1972 et mondial en 1982, aucun périmètre précis englobant l’ensemble des éléments patrimoniaux n’avait été dessiné. D’autre part, lors des dernières décennies, la vallée a vécu d’importantes mutations socio-économiques qui se répercutèrent de manière néfaste sur le patrimoine. Elles ont mené à une urbanisation accélérée du territoire et à des transformations du cadre bâti des ksour. Conséquences qui s’expliquent principalement par l’augmentation rapide de la démographie et les changements relatifs aux mœurs des habitants.

  48  

Fig. 27 Mosquée de Sidi Brahim à El Atteuf classée parmi les monuments religieux a été une source d’inspiration pour le Corbusier

  49  

Le secteur reprend les monuments historiques suivants :

• Les ruines des premiers ksour berbères (Aoulaoual à El Atteuf, Baba Saâd à Ghardaïa, ...)

• Les monuments religieux regroupant de nombreuses mosquées et des lieux de prières (Sidi Brahim à El Atteuf, Cheikh Ba M’hamed à Beni Izguen, ...)

• Les ouvrages défensifs (le rempart de Ben Izguen, les bordjs de palmeraie...)

• Les ouvrages hydrauliques (ouvrage de partage des eaux de la palmeraie de Ghardaïa avec ses barrages, le grand barrage de Ben Izguen, ...)

• Les souks de ksar (la place du marché de Ghardaïa, souk de Ben Izguen,...)

Les limites du périmètre sont définies les oueds, des barrages et la route nationale (RN1). Les objectifs de ce plan visent, dans les grandes lignes, à préserver le patrimoine bâti et naturel en arrêtant leur processus de dégradation. L’instauration d’un cadre de concertation entre les acteurs concernés permettrait de faire valoir cet outil juridique définissant précisément l’objet de la loi relative au patrimoine culturel. Ce plan encourage l’urbanisation en cité-jardin dans les nouveaux pôles d’extension pour maintenir l’écosystème oasien. Pour ce qui est des monuments et sites à conserver, il est proposé d’en définir les zones de servitudes et de mettre en place un système de signalisation pour faciliter leur repérage. Nous pouvons conclure que ce plan, complété par le Plan Permanent de Sauvegarde et de Mise en Valeur du Secteur Sauvegardé (PPSMVSS), est un outil technique et juridique de protection, de restauration et de réhabilitation du patrimoine présent dans la vallée. Il s’agit en quelque sorte d’un inventaire des monuments et sites à préserver reprenant également la limite géographique du territoire soumis au classement de l’UNESCO.

  50  

  51  

  52  

Fig 1. Ville satellite en arrière plan, côté droit. Ksar de Mélika à gauche.

Fig. 2 Besoins en habitats et équipements dans la vallée estimés par le PDAU

  53  

2. La Colère 2.1 Découverte des villes satellites La croissance économique de la région a engendré une forte demande de zones industrielles et de commerce de gros. Ces fonctions, rappelant le domaine initial des Mozabites qui est le commerce, demandent une grande surface d’exploitation ayant un accès direct à la route pour le déplacement des marchandises. Nous savions que la vallée ne survivait plus de ses cultures de dattes et que la découverte du pétrole dans la région avait changé le statut de Ghardaïa. Nous nous attendions à trouver quelques industries regroupées en dehors de la vallée mais n’avions pas d’idée claire de ces zones; la documentation sur les environs du secteur sauvegardé étant presque inexistante. Nous n’avions donc pas d’image visuelle des plateaux adjacents, et il s’agissait ici de découvrir complètement les dessous du système économique de Ghardaïa. Il nous a été donné l’occasion de découvrir une des zones satellites de la vallée à notre arrivée. En effet, à partir de l’aéroport Noumerat Moufri Zakaria - situé à 16km de Ghardaïa - il nous a fallu traverser une zone industrielle. La route transsaharienne n’offrait aucune construction à ses abords, il n’y avait qu’un parterre de roches faiblement éclairé par la lune. Cette zone industrielle constituait le premier panorama en entrant dans la périphérie de Ghardaïa mais après quelques instants, le désert de roche réapparu. Plus tard lors de notre séjour, après avoir visité les ksour, nous sommes partis à la découverte de ces villes satellites en compagnie du directeur de la Culture au sein de la wilaya de Ghardaïa. Nous avons quitté le centre administratif pour emprunter la route nationale vers le nord. En premier lieu, la zone industrielle de Bouharoua s’ouvre sur avec une clinique construite par le directeur de la Culture lui-même. Cette grande construction blanche introduit le début d’une urbanisation par des bâtiments culturels tels que la maison de la manufacture du M’Zab et son patrimoine culturel ou des éléments architecturaux comme le palais de justice encore en construction. Des industries et des habitations sont disposées entre ces édifices publics et cette extension prend des allures de ville linéaire autonome avec son école et ses commerces.

  54  

Fig. 3 Vue aérienne des zones d’extension au nord de la vallée et urbanisme de Oued N’Chou

  55  

Nous dépassons cette première ville pour aller jusqu’à une certaine ville dénommée Oued ‘N’Chou4, située à 25 km de Ghardaïa. En aval de la route, nous apercevons un vaste camp de préfabriqués. Une réponse a notre questionnement a très vite été apportée ; il s’agissait de ‘chalets’ destinés à reloger les victimes des inondations de 2008. Cela faisait donc quatre ans que certaines familles vivaient sans eau courante en plein milieu des plateaux rocheux à quelques kilomètres de Bouharoua. Jamais, lors de nos entretiens, il n’a été question de construire des habitations en faveur des personnes ayant perdu leur logement ni même de restaurer d’anciennes maisons pour les y placer. Une partie des victimes auraient été placées à Oued N’Chou, construit rapidement suite à un besoin urgent et sans réelle étude préalable. Le PDAU de 2012 est toujours en cours d’élaboration et nos questionnements portent, entre autres, sur les mesures concrètes à ce propos. Nous arrivons à Oued N’Chou et constatons que cette cité d’habitations ne semble pas avoir le même succès que Bouharoua. En premier lieu, cette ville ne comporte aucun service; ni école, ni commerce, ni entreprise, ni même espace de rencontre. Nous avons observé la construction (ou plutôt la réaffectation) d’une infrastructure imposante en mosquée car il s’agit d’un lieu important pour un ibadite, lui offrant la possibilité de pouvoir pratiquer son culte dignement. Le bilan de cette nouvelle “ville” à laquelle on ne peut accéder qu’en voiture n’est pas à la hauteur des attentes de ses habitants. L’urbaniste n’a pas porté d’attention aux modes de vies locales en concevant des habitations semi-collectives. Chaque maison d’un ou deux étages est partagée entre deux ou trois familles ; impensable pour une famille mozabite qui est, pour la plupart du temps, nombreuse et conviviale. Ces familles se partagent traditionnellement les étages en fonction des générations mais certainement pas avec des familles “étrangères”. Un entretien avec un habitant a confirmé nos doutes: “ Ici, on ne se sent pas tout à fait propriétaire de notre maison car tous les étages ne nous appartiennent pas. Et puis il n’y a rien ici, pas de commerces… Mais c’est comme ça en Algérie, on met toujours les chameaux avant les bœufs!(sic)”

                                                                                                               4  Oued  ‘N’Chou  était  le  premier  projet  d’extension  de  la  vallée  suggéré  par  André  Ravéreau.  Il  souhaitait  y  reproduire  le  système  évolutif  des  constructions  dans  la  vallée  en  y  insérant  une  toute  nouvelle  entité  de  l’ordre  du  ksar.  Cette  nouvelle  ‘ville’  permettrait  de  répondre  à  la  croissance  démographique  en  épargnant  les  palmeraies  et  sites  naturels  environnant  les  cinq  ksour.  Ce  projet  est  resté  au  stade  d’esquisse  lorsque  André  Ravéreau  a  quitté  définitivement  le  M’Zab.  

  56  

Fig. 4 Ruelle du nouveau ksar de Tafilalt

  57  

Si certaines villes satellites sont dédiées à l’industrie comme Bouharoua ou Ourginou d’autres en revanche répondent mais bien des réponses à la demande croissante de logement comme ici à Oued N’Chou. Nous avons constaté la présence d’autres noyaux d’habitations bien plus proches des ksour, en particulier dans les environs de Beni Isguen. Une muraille se présentant comme une enceinte de défense encercle un nouveau ksar. Cet ensemble d’habitations - qui n’a de ksar que le nom - se situe en face de Beni Isguen, sur un flanc de colline adjacent à sa palmeraie, et est assez présent dans le paysage. Malgré son effort de rappel à l’architecture traditionnelle, cette construction neuve ne reprend pas le système de construction de la vallée entre autres par son implantation. Elle se trouve trop près d’un ksar et n’investit en rien ses environs (pas de palmeraie propre ou de communication avec son espace environnant). Portant le nom de Tafilalt, cet urbanisme avait pour intention de valoriser les avantages écologiques et économiques de l’architecture mozabite. Les matériaux locaux comme la chaux, la pierre et le sable ont été utilisés en grande quantité pour donner à ce ksar l’aspect d’un élément en harmonie avec le territoire. Force est de constater que le résultat jure moins avec le cadre naturel que les constructions de verre et de béton de Bouharoua, bien que son rapport avec le ksar de Beni Isguen affaiblisse son caractère traditionnel. Un autre ksar appelé lui Tinammirine s’est implanté sur les plateaux de la chebka du M’Zab. Construit en pierre locale, son architecture a également voulu réduire son empreinte écologique et son énergie grise. Ce qui est remarquable dans la démarche constructive, c’est la dimension participative du projet. Les autorités, les concepteurs et les habitants sont impliqués dans les décisions, ce qui responsabilise les citoyens sur ce qui n’est plus un lieu habitable mais le fruit de leur investissement personnel. Nous développerons ultérieurement ce sujet pour comprendre le système établi par les architectes et les résultats obtenus actuellement.

  58  

Fig. 5. 6 Enceinte de fortification de Bounoura avant et après l’intervention de l’OPVM

Fig. 7. 8 Restauration d’une maison de ksar

  59  

2.2 Rencontre avec Zouhir Ballalou Zouhir Ballalou est le directeur actuel du Ministère de la Culture de la wilaya de Ghardaïa. Mais son expérience de la vallée a évolué de diverses manières. Originaire de la région, il a travaillé avec André Ravéreau lorsque ce dernier était architecte au M’Zab. Son admiration pour lui l’a d’ailleurs poussé à en faire un citoyen d’honneur de la vallée du M’Zab lors d’une récente cérémonie officielle. Il est devenu architecte auprès de l’OPVM pour ensuite en devenir directeur pendant plusieurs années. Ce n’est que fin 2011 qu’il a été placé à la tête du Ministère de la Culture, poste à responsabilité et initiateur de projets dans la vallée. Grâce à sa fonction, il participe à des colloques internationaux sur la préservation du patrimoine et met en avant la richesse culturelle du M’Zab. Lors de notre entretien avec Zouhir Ballalou, nous l’avons interrogé en premier lieu sur sa fonction antérieure de directeur de l’OPVM et les démarches de l’office. L’aspect relatif à la restauration a été mis en avant par l’ancien directeur, dont les premières restaurations de maison traditionnelles initiées en 1996 dans le ksar de El Atteuf - initiative qui a permis de restaurer près de 2 600 maisons dans toute la vallée. Selon ses dires, la restauration n’était pas une donnée économique intéressante avant les démarches de l’office. Il nous a fait part des autres monuments historiques restaurés ainsi que la réhabilitation de près d’une centaine de puits de palmeraie qui avaient été abandonnés jusque là. Nous l’avons interrogé sur les mesures prises pour pouvoir conserver une unité urbaine dans la vallée malgré les styles architecturaux différents apparaissant depuis quelques décennies. Ces mesures sont liées au système de sauvegarde de zones : il s’agit en premier lieu de les définir pour ensuite en restaurer les monuments et les systèmes urbains. C’est l’Agence Spatiale Algérienne qui est chargée de fournir les imageries aériennes par satellite. La priorité est de définir les zones inondables afin de limiter les dégâts naturels. Les outils du Système d’Information Géographique (SIG) sont par exemple utilisés par l’OPVM pour définir le plan de sauvegarde, mais ils sont indispensables à presque toute étude urbaine.

Cependant, pour pouvoir entreprendre des projets de développement au sein de la vallée, il faut convaincre l’État de débloquer des fonds auprès du Ministère des Finances. Pour mieux comprendre le processus il faut connaître la hiérarchie des organismes, constituée - par ordre d’importance - du Ministère (État), de la wilaya, de la daïra et de la commune.

  60  

Fig. 9. Hiérarchie des entités administratives

Fig. 10 Découpage administratif de la wilaya et pôles d’attraction

Ministère  des  binances  (Etat)  

Daïra  

Commune  

Ministère  de  la  culture  (Wilaya)  

  61  

En ce qui concerne le plan de sauvegarde, seuls le Ministère et la wilaya sont impliqués ; le Ministère des Finances est concerné par les démarches liées au plan tandis que la wilaya se charge de définir le travail à fournir au bureau d’étude spécialisé (URBATIA en l’occurrence). Ce plan de sauvegarde, rappelons-le, a pour objectif de restaurer les quartiers et de désengorger la vallée du commerce de gros. Ces commerces, de voitures par exemple, seront repoussés vers l’extérieur du secteur sauvegardé. L’entretien avec Younes Babanedjar, directeur actuel de l’OPVM, ne nous ayant pas totalement satisfait au sujet des rehaussements de terrasses du ksar, nous avons reposé la question à l’autorité en question (Zouhir Ballalou, directeur du ministère de la culture) Sa vision des choses est quelque peu différente et ses explications sont évasives. Selon lui, malgré les plans de sauvegarde, les constructions illicites continuent à proliférer : il existe effectivement un laisser-aller au niveau du contrôle par les autorités. Depuis les inondations, les gens reviennent habiter dans le ksar, protégé par son implantation en hauteur. Par ailleurs, le ksar connaît une plus-value par ses travaux d’entretiens tels que le pavement neuf du sol et la peinture des façades. Les propriétaires de maisons investissent donc dans leur bien et se permettent des extensions en bloc de béton nu sans aucune crainte. Cette impunité des autorités locales serait liée à la crise de logement ayant touché la vallée suite aux inondations. Les autorités locales sont diminuées de leur pouvoir faute de moyens. Mais la raison principale serait la crainte d’une révolte publique : depuis le printemps arabe de 2011, les autorités se font très discrètes en Algérie. La peur que ce printemps arabe inspire aux Mozabites que c’est au citoyen de faire loi paralyserait les autorités en matière de répression. Le directeur du ministère de la culture dévie alors le discours sur ce que les autorités ont pu sauver, c’est à dire les sites naturels, en rendant les flancs de collines interdits à la construction. Nous reposons alors la question d’une démolition exemplaire d’une façade non-conforme. Il nous répond qu’aujourd’hui, le plan de sauvegarde est imposable aux tiers, mesure appliquée par l’État. Une démolition de façade a eu lieu à Ben Isguen pour non conformité. Un particulier serait même poursuivi en justice pour un percement destiné à des tuyauteries techniques dans un rempart de Mélika. Il nous rappelle que le plan de sauvegarde consiste également à protéger le paysage contre les antennes de téléphonie mobile. En cas de non conformité, l’OPVM fait une demande pour que la police d’urbanisme verbalise. C’est ensuite au procureur de la République de prendre des mesures de répression. Ce n’est qu’au terme de cette procédure que l’action sur place peut être initiée. Le processus étant lent, fastidieux et bien sûr ralenti par les craintes du printemps arabe, presque aucune répression n’est présente dans la vallée, laissant au bon vouloir du citoyen le choix architectural de son bien.

  62  

  63  

Citoyen natif du M’Zab, Zouhir Ballalou semblait être la bonne personne pour nous éclairer sur l’identité relative à cet endroit. La question portait autant sur l’identité territoriale que sur l’identité citoyenne. Sa réponse était celle du directeur du Ministère de la Culture mais également celle d’un enfant du pays. L’identité territoriale, en premier lieu, se présente comme une unité autonome. A l’époque, chaque ksar constituait une unité indépendante autonome, comparable à une ville-État telle que Monaco. Il existait une identification par ville relative à la spécialité de chacune : El Atteuf possédait une forte population de bouchers, Beni Isguen s’était spécialisée dans l’ameublement et les tissus, Mélika était reconnue pour ses poteries… Il existait pourtant une concertation générale traitant du bien commun qui s’étendait sur l’ensemble de la vallée dont le point de rencontre était la mosquée Ami Saïd. Cette mosquée n’appartenait à aucun ksar et symbolisait le lieu neutre de rassemblement des notables de chaque ville. L’identité d’un citoyen était donc strictement liée à son ksar respectif. Aujourd’hui, tout le monde se sent de Ghardaïa. Il faut savoir que la population générale a changé : il y réside aujourd’hui des Algérois, des Sétifiens et d’autres citoyens des villes du nord de l’Algérie n’ayant aucune origine mozabite. Ce sont simplement des travailleurs ayant afflué dès l’expansion économique de la région. Les nomades ont également été sédentarisés au M’Zab par les Français. Les ibadites ne sont donc plus la population exclusive qui leur octroyait le statut de communauté fermée. Ils sont toujours présents mais l’identité générale de la vallée prime sur tout aspect religieux ou ksourien. L’identité des habitants est donc celle de toute la vallée, formant un tout indissociable. Reste toutefois la présence des origines, qui se traduit principalement dans les comportements au quotidien. Zouhir Ballalou soutient l’identité générale d’appartenance à Ghardaïa mais fait la distinction entre les ‘vrais’ Mozabites et les Mozabites actuels. N’est pas un vrai Mozabite descendant d’une famille fondatrice qui le veut, et cela se ressent. Il existe, à titre d’exemple et sans prétention aucune de vérité absolue, des habits typiques de l’ancien M’Zab tel que le saroual. Le saroual du M’Zab, plissé d’une manière particulière, est porté quotidiennement par les ‘vrais’ Mozabites et est souvent accompagné de la coiffe traditionnelle. Ces signes distinctifs sont d’une part, une habitude vestimentaire liée au climat (ventilation des habits et ensoleillement) et d’autre part, une démonstration de la fierté de ses origines.

  64  

Fig. 11 Constructions non planifiées sur les flancs de colline (Beni Isguen). Ksar de Tinemmirine en arrière plan.

  65  

2.3 Les observations des nouvelles constructions La phase de croissance économique du M’Zab, initiée lors de la colonisation française, a connu son apogée après l’indépendance en 1962. L’État algérien promut l’économie dans une politique nationale d’investissement. Le M’Zab, sous l’influence de l’État, entra dans cette politique basant essentiellement son économie sur le secteur industriel après 1965. C’est suite à cet élément déclencheur que la première zone industrielle est apparue à Ghardaïa, composée d’industries tant du domaine public que privé. Cette relance économique a enclenché une explosion démographique liée à la croissance naturelle mais surtout au mouvement migratoire des travailleurs. Cette démographie galopante s’est traduite concrètement par l’invasion des palmeraies par des habitations et la transformation générale du tissu urbain de la vallée. De nouvelles typologies de construction sont apparues telles que des dépôts ou des garages, dans un style architectural totalement étranger et ayant recours à des matériaux en tout genre, sans réel souci d’adaptation au style local. Et ceci malgré l’ordonnance de 1969 ayant abouti au classement des sites et monuments historiques du M’Zab. Les facteurs expliquant ce changement soudain de l’urbanisme du M’Zab sont les suivants. Les facteurs politiques : Lors de la colonisation française, la création de nouvelles institutions administratives et militaires coloniales ont eu une certaine influence sur les institutions traditionnelles. Bien que créées en parallèle et ignorant le fonctionnement de ces dernières, elles ont mené à la limitation de leur pouvoir. La halga, le conseil exécutif, et d’autres se sont donc retrouvés limités dans leur domaine d’exécution. Suite à l’indépendance, la marginalisation des institutions communautaire s’est poursuivie. La création d’institutions gouvernementales au niveau local a chargé ces dernières de l’application des stratégies et des programmes de l’administration centrale. Les facteurs culturels : La communauté mozabite, bien qu’insoumise aux pouvoirs centraux à l’origine, a été influencée par la culture nationale adoptée par l’État algérien : la communauté mozabite s’est peu à peu imprégnée des cultures algériennes et étrangères. Les moyens d’information nationaux et internationaux, l’école nationale, l’université et l’affluence d’étrangers ont participé à la création d’une nouvelle culture mozabite, qui a par la suite induit l’apparition de nouvelles pratiques sociales. Ce nouveau mode de vie, tendant d’avantage vers l’individualisme social, débouche sur une nouvelle forme d’urbanisme et d’architecture.

  66  

  67  

Les facteurs économiques : L’industrialisation a bousculé les systèmes de production locaux. Elle a fait apparaître un nouveau modèle de production, transformant les habitudes socio-économiques et effaçant les valeurs traditionnelles qui persistaient encore. L’économie liée à la culture des palmeraies ne rapportant pas assez, les jardins ont été négligés. L’entretien quasi inexistant de l’oasis l’a convertie somme toute en lieu de plaisance, les industries s’étant converties en réels centres d’intérêt. La croissance économique liée à l’industrie a engendré une forte demande dans le domaine de la construction, répondant à cette grande affluence de travailleurs. L’expansion de l’industrie alla de pair avec celle des travaux publics apportant une croissance démographique dépassant les capacités de la vallée. Les zones industrielles se sont démultipliées aux abords de la vallée, mais elles n’étaient pas pourvues de logements ni même de quartiers annexés pouvant accueillir les nouveaux travailleurs. La région nord-saharienne a connu un fort essor à travers la découverte du pétrole à Hassi Messaoud (situé à 280 km au sud-est de la vallée du M’Zab) et à Hassi R’mel (40 km au nord). Source indéniable de développement, cette découverte amena davantage de nouvelles populations dans la vallée. Les facteurs sociaux : La réduction du rôle des institutions traditionnelles a limité leur autorité à quelques affaires sociales et religieuses uniquement. Ces institutions veillant de près à la solidarité et à la solidité des liens entre les habitants ont été affaiblies, avec comme conséquence le début de la désagrégation des liens familiaux et sociaux. C’est ainsi qu’apparaissent des disparités sociales à travers l’émergence de groupes et de catégories socio-économiques. Cette différence est ressentie au niveau des habitations neuves qui traduisent davantage l’abondance de ses habitants, particulièrement en matière de grandeur. Les facteurs urbanistiques et architecturaux : La subite demande en logement a été exaucée par une série de constructions non réglementaires. Cette production massive et rapide de logements s’est faite au détriment de la réglementation urbanistique, architecturale et hydraulique. L’application d’une réglementation nationale ne prenait pas en compte les spécificités du M’Zab et l’avis des spécialistes de l’atelier n’était demandé qu’à titre consultatif. Cette production d’une nouvelle architecture hybride n’est que la continuité de l’introduction de styles architecturaux étrangers au M’Zab.

  68  

Répartition des unités industrielles (privées)

Lieud’implant. Commune

Zone Industrielle

Zone Urbaine

Zone d‘Activité

Total Unités

Effectif Emploi

Ghardaïa

- 51 - 51 514

El Ménéa - - 03 03 130

Daya - 03 01 04 14

Berriane - 19 11 30 517

Metlili - 02 02 04 46

Guerrara 14 12 - 26 386

El Atteuf - 06 01 07 38

Zelfana - 03 03 06 28

Sebseb - - - - -

Bounoura 54 05 - 59 1512

Hassi El F’Hel - - - - -

Hassi El Gara - 04 - 04 16

Mansoura - - - - -

Total 68 105 21 194 3179

Fig. 12 Tableau de répartition des industries de la wilaya de Ghardaïa

Fig. 13 Causes à effet de la croissance urbaine de la vallée

  69  

2.4 Les nouveaux plans du Ministère de la Culture Les zones industrielles ayant un impact important sur l’ensemble de la vallée, leur organisation et développement doit être supervisé. L’outil urbanistique traitant des pôles de croissance est le PDAU. Ce Plan Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme tracé en 1992 possède une mise en application de vingt ans. Il traite de l’aménagement du territoire de la commune de la même manière que le Plan d’Urbanisme Directeur (PUD) qui avait déjà proposé Ourgihnou comme site d’extension. L’agence URBATIA chargée de ces deux plans possède une connaissance de la région de par son expérience en tant que bureau d’études locales. Le PDAU, mis à part les points récurrents tels que la préservation de la vallée ou la promotion des espaces oasiens, propose des sites pour les pôles de croissance:

● Ourgihnou (préalablement établi par le PUD) ● Hamrayat (au nord-est d’El Atteuf) ● Tilemssassine (au sud-est d’El Atteuf) ● Bouhraoua (au nord de Ghardaïa)

Ourgihnou, de par son implantation préalable par le PUD, est la seule zone suffisamment éloignée de la vallée (plus de 10 km). Les autres pôles sont considérés comme une continuité de l’agglomération de Ghardaïa, liée à cette dernière par les nouveaux quartiers installés aux abords immédiats du ksar. De par leur proximité, les zones de croissances sont en relation directe avec la vallée, imposant leur impact visuel et augmentant les problématiques liées à l’évacuation des eaux usagées.

Les pouvoirs publics ont constaté le dépassement du plan par la réalité du terrain en 2006, un problème récurrent avec l’établissement de tout plan ayant trait au développement de l’urbanisme dans la vallée. La décision d’entreprendre sa révision avant terme n’a toutefois pas abouti à un plan avant la date d’échéance prévue pour 2012.

Un des objectifs de ce plan est de désengorger la vallée du commerce de gros ainsi que du trafic qu’il engendre. Une étude a été consacrée à la déviation de l’itinéraire de la voirie des poids lourds hors de la vallée. Elle est arrivée à son stade final en mars 2012 et devrait donner naissance à un nouvel axe spécifique aux engins de gros tonnage 5. Ces camions encombrent la circulation routière, particulièrement au niveau de Ghardaïa, par le manque de voies secondaires et l’étroitesse du périmètre urbain à traverser.

                                                                                                               5 AZZOUG F., Ghardaïa: l'évitement des poids lourds, objet d'étude, dans El Watan, le 8 mars 2012  

  70  

Fig. 14 PDAU Plan de Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme

  71  

L’objectif est de dévier le nouveau réseau routier au niveau de Oued ‘N’Chou (à 20km au nord du chef-lieu de la wilaya) pour réaliser le croisement des deux axes routiers nationaux : la RN1 et la RN49 desservant les grandes agglomérations d’El Menée et de Zelfena en direction de Ouargla. L’allègement du trafic de la route nationale éloignera les camions de gros tonnage du centre ville de Ghardaïa et de Bounoura, particulièrement touchées, tout en permettant de créer de nouvelles zones d’activité le long de ce nouveau tronçon.

La question du trafic au sein de la vallée est une problématique importante car Ghardaïa serait devenue la ville la plus encombrée du sud6 à cause de sa démographie menant à une explosion du parc automobile. Certains quartiers atteindraient les 5 000 habitants au km2, contrairement aux anciens quartiers de Beni Isguen. L’encombrement que l’on pouvait observer sur les grands axes touche à présent des artères secondaires, donnant à ce phénomène des proportions inquiétantes. Plusieurs élus locaux et associations ont dénoncé le problème, allant jusqu’à mettre en cause le laxisme de l’administration devant ce constat nécessitant une démarche prospective. Approximativement 10 000 logements ont été réalisés sur les deux rives de l’oued et sur les collines surplombant le ksar de Ghardaïa, ainsi que douze sièges administratifs au profit de l’État. Ces facteurs d’expansion de la vallée convergent pour augmenter le parc automobile, menant à une asphyxie des réseaux routiers. Cependant, de meilleures décisions de l’administration auraient dû être exemplaires. Les responsables ont longtemps pris le parti d’ignorer cette problématique en continuant à construire des infrastructures, telle qu’une assemblée populaire de la wilaya bâtie à la hauteur d’une oasis jouxtant l’actuel siège de la wilaya. De nombreux projets auraient pu être implantés hors du secteur sauvegardé, comme l’imposant palais de justice réalisé dans le nouveau centre urbain de Bouhraoua.

La création de nouveau pôles en dehors de la vallée tente de résoudre des problèmes tels que la surpopulation, l’industrialisation ou l’encombrement lié aux commerces mais en font émerger de nouveaux tels que leur mauvaise planification ou leur besoin direct avec la vallée. Ces nouvelles zones sont gourmandes en eau, extrayant de grandes quantités dans la nappe albienne sans proposer de système de traitement. Des décharges émergent aux alentours et aucune station de traitement ou de recyclage n’est envisagée dans le nouveau plan. Lorsque le développement est pensé, il privilégie les besoins immédiats de logement ou d’industrie sans penser aux déchets dont le problème n’est pas nouveau. Les zones ne servent que sournoisement la vallée, sans lui proposer de moyens de se développer de manière écologique et respectueuse de l’environnement alors qu’une bonne gestion de chantier contribuerait à réduire les déchets de la construction.

                                                                                                               6    AZZOUG R., Ghardaïa, la ville la plus encombrée du sud, dans El Watan, Le 14 janvier 2012, Alger  

  72  

  73  

  74  

Fig. 1 Les hommes discutent sur la place du marché de Ghardaïa

Fig. 2 Tournoi de football à Beni Isguen

  75  

1. Le Marchandage 3.1 Découverte de la vie mozabite Après la découverte des ksour et le logement dans un hôtel français, nous avons décidé d’aborder la vallée sous un autre angle. Nous avons passé le reste de notre séjour dans une maison d’hôtes située dans la palmeraie de Beni Isguen. Cette ancienne habitation de palmeraie reconvertie en petite auberge possédait une architecture traditionnelle à deux étages liés visuellement par une chebka. Nous avons expérimenté l’architecture qui, par son organisation, pousse à la rencontre et à la convivialité. Pour rejoindre le ksar de Beni Isguen, il est possible de marcher jusqu’au quartier le plus proche appelé Moumou et de prendre le bus ou de continuer à pied. La plupart des Mozabites vivant dans les palmeraies possèdent une voiture, qui reste le moyen de transport le plus rapide pour se rendre au travail. Cependant, l’âne est encore utilisé dans le transport de pierres. À proximité de notre maison d’hôte se construisait une nouvelle habitation sur un terrain rocheux. Nous passions tous les jours devant et quelques fois, un âne chargé accompagnait le maçon sur le chantier. Nous en avions également observé dans le ksar de Ghardaïa, car c’est un moyen efficace de transporter des objets lourds ou encombrants - la voiture étant trop large pour les ruelles du ksar. Cet animal n’est bien sûr plus aussi nécessaire et présent dans la vie quotidienne des Mozabites, certains l’ayant remplacé dans les ksour par des scooters. La place du marché de Ghardaïa reste un lieu important. Elle accueille une fois par semaine le grand marché et les autres jours, quelques vendeurs. À chaque fois que nous nous y rendons, la place est peuplée de personnes très différentes. Une large masse blanche, presque comme une sculpture, orne un côté de la place. Cet anneau sur lequel sont assis des hommes semble être un petit forum. Des vieillards portant le chèche sur la tête, des jeunes hommes, des adolescents, tous investissent cet espace et partagent des discussions sur des sujets de société. Ils ne discutent pas brièvement, beaucoup restent un long moment, comme les retraités pour lesquels ce lieu est une étape du quotidien. Un espace de rencontre, de soutien et d’observation de la vie dans la place. La place du marché est un point de rendez-vous. Lorsque je devais rencontrer un habitant du M’Zab, la rencontre se faisait sur la place, à partir de laquelle il est aisé de se rendre un peu partout. Telle une porte d’accès pour les habitations du ksar ou la mosquée, elle permet également de se repérer pour accéder aux stations de bus. En sortant du ksar, une station accueille les bus allant vers Beni Isguen et les autres ksour. Lorsque l’on emprunte la rue marchande pleine de vendeurs de légumes et de quelques poissonniers, celle-ci débouche sur une place extérieure de laquelle partent les bus vers les nouveaux quartiers de la palmeraie de Ghardaïa.

  76  

Fig. 3 Système de captage des eaux de l’oued. Elles entrent par ce peigne et s’engagent dans les galeries Fig. 4 Les eaux ruissellent dans les rues et pénètrent dans les jardins par cette fente dans le mur

  77  

C’est de cet endroit que nous avons pris le bus en compagnie d’un habitant pour visiter l’oasis et son système de partage et de distribution des eaux classé - au même titre que les ksour - au patrimoine de l’UNESCO. Nous sommes arrivés sur ce terrain parsemé de puits permettant l’aération et l’entretien de ce système millénaire. Les eaux de l’oued sont triées par une structure en peigne pour pouvoir les subdiviser et les redistribuer équitablement. C’est en se déplaçant dans les ruelles de la palmeraie que l’on comprend mieux la dernière phase. L’eau sort de son système de séparation souterraine pour être distribuée dans les ruelles. Chaque mur, propriété d’un habitant, possède une fente d’une largeur et d’une hauteur calculée pour ne laisser entrer qu’une quantité spécifique d’eau. Cette quantité est octroyée non pas en fonction de la grandeur du terrain mais du nombre de pieds de palmiers s’y trouvant. L’eau ruisselle alors jusqu’aux palmiers et plantations par des sillons terminant ce réseau complexe de redistribution équitable. Sur le retour, cet habitant prénommé Kacem nous fait remarquer la taille des habitations. Nous nous arrêtons devant une maison rouge grenat de trois étages avec garage. Il me fait remarquer que ce type de construction n’existait pas il y a quelques décennies et que désormais, c’était devenu normal de construire toujours mieux que son voisin. En face, le lit de l’oued tari s’improvisait terrain de football durant sa jeunesse. Aujourd’hui cet endroit de la palmeraie porte les marques des inondations. Un peu plus loin, nous apercevons la mosquée de la palmeraie. Les eaux sont montées jusqu’à mi-hauteur du minaret et notre accompagnateur semble en connaître la raison. Mis à part le fait que cette crue était exceptionnelle, la largeur du lit de l’oued a été réduit une dizaine de mètres en amont de la mosquée, favorisant le débordement des eaux. Les constructions s’implantant chaque jour davantage dans les zones inondables, elles ont poussé au rétrécissement du lit. Pour mieux le définir, ses rives ont été bétonnées et un pont a été construit à l’endroit le plus étroit. Les eaux qui n’ont plus la largeur nécessaire pour s’écouler débordent et circulent sur les espaces qui leur sont naturellement destinés. Cet endroit n’est pas le seul dans la vallée : lors de nos discussions avec les architectes de l’OPVM, il nous avait été confié qu’il existait neuf goulots d’étranglement tout le long de l’oued. Ces cas de construction dans les zones inondables sont présents sur une majorité de l’oued traversant la vallée. Le besoin en logement a mené à une crise poussant tous les habitants à investir le peu de terrains libres. Les autorités, pourtant conscientes des dangers des crues, ont laissé les habitants négocier avec les facteurs naturels pour posséder une maison au cœur de la vallée. L’opportunité de posséder un bien situé favorablement valait la peine de prendre ce risque, aussi dangereux soit-il. Aujourd’hui, ce ne sont plus les instances religieuses qui statuent, après consultations scientifiques, sur les décisions à prendre pour le bien des habitants. Les comportements individualistes poussent à saisir l’opportunité immédiate sans réelle consultation communautaire ou de spécialistes pouvant renseigner les dangers encourus.

  78  

  79  

3.2 Rencontre avec Kacem et Ahmed Ahmed est le propriétaire de la maison d’hôtes dans la palmeraie de Beni Isguen. Aux petits soins pour ses clients, il est à la tête d’une petite agence de tourisme organisant logement, visites de la vallée, excursions dans la région et dîners. Il organise des programmes en fonction de la durée du séjour de ses clients et les reçoit des quatre coins de l’Algérie et de l’Europe. Originaire de Beni Isguen, il a entrepris une reconversion dans le tourisme après avoir été dans le commerce durant de longues années. L’opportunité de faire carrière dans le domaine du tourisme s’est présentée lorsque la valeur mondiale du patrimoine local a pris de l’ampleur. L’affluence de touristes a apporté une plus-value à la vallée, mais certains imprévus mettent Ahmed en difficulté. Nous avions rencontré un groupe de touristes séjournant une nuitée à l’auberge et le jour de leur départ, ils n’ont pu décoller car la totalité des avions de l’aéroport de la vallée étaient cloués au sol pour le décompte annuel des stocks de carburant. Cet inventaire a immobilisé la vallée une journée entière, privant une à une les stations essences de leur marchandise, créant des embouteillages d’usagers terrifiés à l’idée de se retrouver le réservoir vide. Ahmed, face à cette situation imprévue, s’est plaint en se demandant comment il pouvait être possible de développer le tourisme avec ce type d’évènements. Il s’est chargé d’aller récupérer le groupe qui n’est finalement parti que le jour suivant, manquant leur correspondance vers la France. Ce groupe venait d’une autre maison d’hôtes, dans une autre partie de la palmeraie. Un soir, alors que nous rentrions à pied, nous avons été reconnus par le chauffeur de bus qui nous a aimablement proposé de nous déposer à notre auberge. Comme il devait aussi récupérer les bagages du groupe à l’autre auberge, nous avons eu l’occasion de découvrir une autre maison de palmeraie réaffectée en auberge. A notre grand étonnement, nous y avons trouvé des chambres relativement neuves construites les unes à côté des autres, dont certaines sont de réels bungalows. Cette architecture d’hôtel côtier avec son petit jardin collectif n’était pourtant pas implantée n’importe où. Nous savions qu’elle appartenait au propriétaire de la maison dans laquelle André Ravéreau avait habité. Cette notoriété, le propriétaire l’a rapidement rentabilisée en la louant en premier lieu puis en lui annexant des chambres afin d’augmenter le profit. Par la même occasion nous avons également pu visiter l’ancienne maison de l’architecte, à qui la vallée doit son classement, et remarquer qu’elle correspondait aux clichés de Manuelle Roche : certes, les tapisseries traditionnelles attachées au mur et le mobilier inapproprié dénaturent quelque peu l’image immaculée des murs blancs. Cependant, l’ambiance paisible que nous avons trouvée sur la terrasse devait probablement être celle d’autrefois.

  80  

  81  

Ce complexe possède une grande capacité d’accueil et permet de recevoir de grands groupes de voyageurs, contrairement à notre maison d’hôtes. Ces groupes visitent en masse les ksour, pouvant perturber la vie quotidienne de leurs habitants et créer certaines tensions. Un touriste anglais ayant une bonne connaissance de la langue arabe nous a fait part d’une situation assez particulière. Il se promenait à proximité du ksar de Beni Isguen lorsqu’il s’est retrouvé encerclé par de nombreux manifestants mozabites. Ces derniers défendaient fermement une cause qui leur semblait très importante mais le touriste n’a pu comprendre le tamazight dans lequel ils s’exprimaient. Intrigué, il interrogea quelques hommes autour de lui sur la raison de cette manifestation mais chacun lui répondit qu’il n’en avait aucune idée. La situation lui semblant étrange, il trouva finalement quelqu’un qui accepta de lui répondre. Le rassemblement d’habitants de Beni Isguen visait à mettre en place des mesures vis-à-vis des touristes. Les Mozabites voyaient certains touristes visitant leur ksar comme une intrusion dans leur vie privée, mais ce n’était pas l’unique raison. En période de fêtes de fin d’année catholiques, les touristes les célébraient de manière inappropriée au M’Zab, donnant de mauvais exemples à la jeunesse locale. Les habitants de Beni Isguen ont toujours revendiqué son statut de ville sainte et sont particulièrement attentif à sa réputation. L’affluence du tourisme a ses avantages et ses inconvénients, mais la crainte des habitants est son influence sur la culture ancestrale. Les migrations de travailleurs, les médias ou les touristes sont des facteurs véhiculant des cultures diverses, amenant la création d’une nouvelle culture mozabite. C’est pourquoi certains habitants, très attachés à leur culture ancestrale, ne tolèrent que très peu la présence de touristes, particulièrement dans les vieux ksour.

  82  

  83  

Kacem est un jeune retraité natif du M’Zab. Il a fait une carrière dans l’informatique en France et a travaillé à la wilaya de Ghardaïa. Il habite dans une grande maison unifamiliale qu’il a choisi de construire dans un nouveau quartier de la palmeraie de Ghardaïa. Cette construction relativement neuve est une de ces maisons spacieuses visant à accueillir une famille nombreuse, lui offrant bien plus d’espace que nécessaire. Cette organisation est liée aux demandes ayant changé et aux références de résidences que l’on peut trouver dans les quartiers huppés d’Alger : les Mozabites qui décident de revenir habiter au M’Zab après avoir travaillé dans des villes du Nord en rapportent les références, tant architecturales que culturelles. Les vastes terrains de palmeraie donnent carte blanche aux propriétaires en matière de surface investie et il ne reste plus rien du dimensionnement de l’habitat en fonction des mesures d’un homme. Kacem nous a expliqué qu’à la fin de sa carrière, il se demandait où il voulait s’installer pour passer sa retraite. Très attaché à sa terre, il nous confie qu’il s’est posé la question de savoir qui il était. Selon lui, son identité principale est définie par l’endroit d’où il vient. Ce sujet est souvent abordé lors de conversations informelles entre intellectuels, et bien que les avis divergent, la conclusion reste unanime. Être Mozabite, cela peut inclure voyager pour son travail quitte à rester de longues années loin du M’Zab mais toujours revenir à sa terre d’origine. La vallée ayant une identité particulièrement forte et indépendante des pouvoirs centraux fait que l’on se sent d’abord Mozabite bien avant d’être Algérien. Ce retour systématique est un facteur de la hausse de la démographie du M’Zab : après une carrière de commerçant ou autre en dehors de la vallée, les Mozabites reviennent investir et construire au M’Zab afin de permettre son développement. Cependant, la décision de revenir dans la région est avant tout sentimentale et identitaire.

  84  

Fig. 5 Hauteur d’un mur de terrasse en fonction du regard. Dessin d’André Ravéreau

  85  

3.3 Les observations des nouvelles maisons mozabites

La maison mozabite traditionnelle

Au M'Zab, toutes les habitations suivent le même système d'organisation intérieure. La maison s'organise autour d'un espace central qui distribue les chambres au rez-de-chaussée et se compose de trois niveaux : le rez-de-chaussée, l'étage et la terrasse qui est accessible. Les habitations ne sont pas creusées dans la masse rocheuse, elles sont simplement posées sur le site. Depuis peu, certaines maisons sont dotées de caves (Tamadmourt) lorsque la topographie du terrain le permet.

La maison est constituée d'espaces bien définis dont chaque fonction est nécessaire au confort quotidien de ses habitants. Le concept le plus marquant dans l'organisation intérieure des maisons réside dans le fait qu'une maison est conçue pour une femme.

La femme est l'élément central de la famille car c'est elle qui est gardienne de l'espace de la maison : elle organise son lieu de vie en fonction de ses besoins et ceux de ses enfants. A l'origine, l'activité créative de la femme était le tissage de tapis, et chaque foyer possédait son métier à tisser et son pilon à grain pour le pain.

La maison mozabite présente des similitudes avec les maisons du bassin méditerranéen, comme son articulation autour d'un patio central, mais elle possède des particularités liées au climat et aux pratiques sociales. Dans leur organisation antérieure, les grandes demeures étaient conçues pour la cohabitation de plusieurs familles. Ainsi, lorsque les enfants grandissent et fondent à leur tour une petite famille, ils s'installent dans les appartements à l'étage de la maison. Au M'Zab, la fonction de la maison s'est vue réduite à une seule petite famille. Cette unité familiale présente cependant des espaces pouvant accueillir des parents durant un séjour.

Les maisons sont introverties et ne présentent que de très petites ouvertures sur la rue afin de s'abriter des regards. Les façades ne présentent aucun signe de richesse, elles sont recouvertes d'un crépis appelé « pied de poule » dont le relief permet de porter une grande partie d'ombre sur celles-ci.

  86  

Fig. 6 Archive de plans d’habitation à El Atteuf. L’agencement des pièces se fait en fonction de la parcelle

  87  

Selon les principes d'urbanisme, aucune maison ne peut porter ombre sur son voisin. Elles ne peuvent avoir un vis-à-vis ou une surélévation par rapport à la construction voisine. En général, aucune construction ne peut porter de tort à un tiers (qu'il soit voisin ou simple passant dans la rue) par son mur mitoyen, par sa cheminée, par les infiltrations du bloc sanitaire, par son écurie, etc.

Les dimensions de la maison sont en moyenne de sept mètres sur sept. Son plan carré initial s'adapte en fonction de la parcelle mais la distribution des différents espaces de vie reste identique. Les espaces de la maison sont pensés pour répondre rationnellement aux besoins de ses habitants, qui au M'Zab sont avant tout de s'abriter et de cohabiter en harmonie.

L'accès au rez-de-chaussée se fait par une entrée en chicane (Sqifa) qui empêche tout accès visuel à l'intérieur de la maison. En effet, pendant les périodes de fortes chaleurs, la porte peut rester ouverte pendant la journée, créant une ventilation avec le Chebek (ouverture zénithale de l'espace central). Le Chebek est la seule ouverture du rez-de-chaussée, elle mesure en général un mètre cinquante sur un mètre cinquante. Ce système de patio ouvert provient de l'architecture des maisons méditerranéennes, mais les dimensions de l'ouverture se sont vues réduites pour des raisons climatiques. L'intention au M'Zab est de capter une quantité de lumière qui n'apporte pas trop de chaleur à l'intérieur de la maison. Cette ouverture grillagée (Chebek signifie grille) peut être couverte d'une natte en cas d'ensoleillement trop important.

La maison traditionnelle est dénuée de tout mobilier, les objets et ustensiles sont déposés dans des niches creusées dans le mur ou y sont accrochés, ce qui libère au maximum la surface habitable.

Depuis l'entrée en chicane, un escalier donne un accès direct à l'étage où se situe le salon des invités (N'douira). Les escaliers sont généralement placés dans la partie nord de la maison pour ne pas porter d'ombre sur le Chebek. Au cœur de la maison se situe l'espace principal appelé Ouest Eddar (milieu de la maison en arabe), éclairé et ventilé par le Chebek. C'est un espace pluridisciplinaire dans lequel se déroulent diverses activités quotidiennes comme la cuisine, la lessive, le tissage, la prière, etc. Lorsqu'on rentre dans l'espace central, différentes pièces sont disposées autour de celui-ci : la pièce la plus proche est le séjour familial (Tizefri), souvent orienté vers le sud-est, un espace cuisine qui n'est pas fermé pour permettre la ventilation par le Chebek, des chambres pour les parents et les grands-parents, un bloc sanitaire et un petit espace de rangement. A l'origine, une écurie était prévue pour l'âne au rez-de-chaussée, raison pour laquelle les portes des maisons sont très larges : elles devaient permettre à un âne chargé de rentrer, l'âne étant l'unique moyen de transport dans les étroites rues du ksar.

  88  

  89  

Un second escalier accessible par l'intérieur de la maison dessert l'étage supérieur qui ne couvre que la moitié de la surface du rez-de-chaussée. Une partie de l'étage comporte les chambres des enfants et le séjour pour les invités (N'douira), un espace cuisine et un bloc sanitaire, le restant de la surface étant utilisé comme terrasse. On retrouve également une chambre des réserves qui se situe souvent entre le coin cuisson et l'escalier pour le stockage des denrées alimentaires et des dattes. Les portiques formant la galerie d'étage (Ikomar) sont orientés vers le sud-est et le sud-ouest, offrant ainsi à la maison un ensoleillement optimal en hiver et un ombrage en été. Cette orientation permet aussi de se protéger des vents froids d'hiver et des vents de sable. Le dernier étage de terrasse (Tamnayet) est distribué par un escalier partant de la terrasse du premier étage. La terrasse est investie en journée pendant la période hivernale et la nuit pendant l'été. Les terrasses des maisons sont des espaces exclusivement féminins : accessibles entre elles, elles forment un réseau de communication parallèle à celui des rues extérieures.

La conception de la maison introvertie, avec son système d'aération centrale et son orientation, permet aux habitations de bénéficier d'un certain confort thermique. Les mouvements d'air à l'intérieur de la maison et le contrôle des apports solaires créent en quelque sorte un microclimat au sein même de l'unité d'habitation.

  90  

Fig. 7 Maison dans les nouveaux quartiers d’El Atteuf par le bureau d’architecture ACCA

  91  

La maison mozabite aujourd’hui L’usage de la maison du M’Zab a bel et bien évolué, malgré la constance du climat aride du Sahara. Cet abri étudié pour pallier le manque de fraîcheur tout en tirant le meilleur parti des rayons lumineux s’est métamorphosé en résidence quelque peu européanisée. Les espaces traditionnels se retrouvent dans l’organisation générale, à l’exception de ce qui avait trait aux animaux domestiques : il n’existe plus de larges portes pour faire passer l’âne chargé, ni de local de stockage de denrées comme les dattes. L’espace central n’est plus le lieu convivial et polyvalent servant tantôt au tissage de tapis tantôt à la cuisine. Cet Ouest eddar est un patio presque exclusivement destiné à la déambulation et à la distribution des diverses pièces. Cet espace presque fondamental de la vie du foyer est devenu un espace sans fonction propre apportant de la lumière. Comme en témoignent ces plans de maison dans les nouveaux quartiers d’El Atteuf, le plan de la maison s’est rigidifié pour dessiner des chambres et salles de dimensions identiques pour des fonctions variées. L’Ouest eddar en possède presque les mêmes proportions. Des portes apparaissent entre l’Ouest eddar et les chambres, séparées auparavant par des rideaux ou laissées ouvertes. L’intimité de la nouvelle maison mozabite requiert des chambres plus spacieuses et réduit de facto les espaces communs. L’individualisme de la société et au sein même de la cellule familiale redessine des espaces s’assimilant davantage aux maisons unifamiliales du nord de l’Europe qu’aux habitations kabyles. Et si dans la maison kabyle (qu’elle soit Amazigh ou du Djurdjura), l’espace de la cour centrale joue un rôle prépondérant dans la vie quotidienne, on n’en retrouve plus l’importance dans ces nouveaux plans. Et bien que le dernier espace extérieur se situe au deuxième étage (appelé “terrasse”), il est cependant recouvert et percé d’une ouverture très restreinte bien inférieure à celle d’un Ouest eddar traditionnel.

Les façades des maisons ont également subi quelques changements au niveau des percements. Initialement, les ouvertures peu nombreuses étaient destinées à l’aération ; elles se situent aujourd’hui au niveau des chambres ou des séjours. Ces ouvertures plus larges permettent aux habitants d’avoir des vues sur l’extérieur, renversant l’introversion initiale de la maison traditionnelle. Ces ouvertures sont malheureusement présentes dans certaines maisons rénovées de ksar, ce qui constitue une infraction grave vis-à-vis des restrictions imposées aux constructions classées dont l’allure doit être respectée afin de préserver le paysage urbain du ksar.

Le mode de vie actuel induit l’apparition d’appareils électroménagers et de mobilier moderne. Ces éléments tels que l’évier, le réfrigérateur, la cuisinière, le climatiseur, les tables et chaises… sont intégrés dans l’aménagement spatial. L’introduction de ces éléments dans une maison ksourienne traditionnelle ne s’accorde pas toujours avec la structure spatiale des maisons classées. C’est peut-être un élément influant sur le choix d’un Mozabite de construire une nouvelle maison permettant un certain confort technologique plutôt que de devoir s’adapter à des espaces exigus. La nécessité de

  92  

  93  

posséder ces éléments technologiques au XXIe siècle ne peut être remise en cause, bien que l’organisation de la maison mozabite ne soit pas conçue pour supporter cette évolution dans les pratiques sociales ni au niveau de sa surface ni de son aménagement. Causes et signes de l’évolution sociale La société mozabite est parvenue à conserver son mode de vie austère et ses pratiques ancestrale jusqu’à l’indépendance de l’Algérie, son annexion à l’autorité française n’ayant pu avoir d’influence sur son organisation sociale. Bien que les nombreux commerçants aient eu des contacts avec des personnes étrangères à la vallée par le biais de leurs échanges commerciaux, les Mozabites ont toujours tenu à garder une autonomie vis-à-vis du monde extérieur. Les changements culturels se sont enclenchés lors de l’indépendance de l’Algérie en 1962, conséquence de la soumission de son pouvoir à l’État de manière spontanée. Les institutions sociales ancestrales ont vu leur pouvoir affaibli par les institutions étatiques. Ces institutions veillaient à la pérennité de la doctrine ibadite austère, prohibant tout signe de richesse ou de luxe. Elles jouaient un rôle prépondérant de régulateur social et économique dans l’optique de maintenir un équilibre qui se répercutait sur tous les aspects de la vie (social, culturel, économique, architectural et urbain).

Le remplacement de ces structures traditionnelles par des instituions étatiques ne gérant plus que les aspects techniques de l’urbanisme ou de la société n’a pas été sans conséquences. Les codes culturels et sociaux comportementaux se sont peu à peu affaiblis, faisant place à un certain laxisme de la part des institutions nationales. Les citoyens mozabites se sont progressivement sentis dispensés et affranchis des règlementations sociales strictes établies depuis des siècles. Cette prise de liberté par rapport aux règles ibadites s’est renforcée par l’arrivée d’autres cultures et leur influence sur le quotidien. On peut ressentir ces changements à différents niveaux, comme la migration de toute la famille - jusque là réservée exclusivement aux hommes, l’individualisation de la petite famille par rapport à la famille élargie, et l’ostentation de la richesse dans la vie publique.

  94  

  95  

Le flux de nouvelles populations, ajouté à la sédentarisation des nomades par les Français, a provoqué une augmentation de la population du M’Zab de 45% entre 1960 et 19657. La cohabitation de nouveaux modes de vie qui avaient envahi la société a créé des tensions entre les différentes communautés. Cette période a été accompagnée par l’introduction de matériaux modernes dans le domaine de la construction tels que l’acier, le verre et le béton ainsi que de nouvelles formes d’habitations. Les habitations pavillonnaires firent leur apparition, créant une rupture avec le mode traditionnel d’habiter. De nouveaux quartiers se sont implantés dans les poches vides aux alentours de ksour avec l’appui des institutions locales ; la municipalité de Ghardaïa avait distribué des lots de terrains en 1982 avec une surface de 200 m2 par parcelle8.

L’implantation des habitations en parcellaire, les nouveaux matériaux de construction et les changements dans l’usage de la maison ont renforcé la traduction architecturale d’une nouvelle culture mozabite en rupture avec les fondements ancestraux. On constate cependant davantage de changements dans le domaine technique que dans le domaine socio-religieux de l’espace domestique. En effet, l’organisation intérieure n’a fait que renforcer la séparation entre les espaces masculins et féminins : le sous-sol est destiné aux hommes et la démultiplication des entrées complexifie le parcours des deux types d’usagers.

                                                                                                               7   BENYOUCEF B., "Le M'Zab, Parcours millénaire", Alger : Editions Alpha, 2010  8    Ibid.

  96  

Fig. 8 Association pour les enfants handicapés mentaux soutenue par Kacem (AAHMG)

  97  

3.4 Les projets de l’habitant D’un point de vue urbanistique, la ville tend à se développer de manière individualiste, les logements se désolidarisent en se construisant de plus en plus loin dans les palmeraies. Cependant, lorsque l’on va à la rencontre des habitants, on se rend compte de l’importance de la solidarité de la communauté : la présence des préceptes religieux influe en effet sur l’entraide rassemble les Mozabites, même si les habitations s’éloignent du ksar. A titre d’exemple, pour les célébrations de mariage, des aides de la communauté peuvent être attribuées aux familles des futurs mariés pour le financement de la cérémonie traditionnelle. La communauté entière se sent responsable et veille à ce que chacun puisse vivre dignement et subvenir aux besoins de sa famille. L’installation de ce système date de la fondation même du premier ksar et son application est encore rigoureusement surveillée par les conseils religieux de chaque ksar. En parallèle, de nouvelles infrastructures profitant à la communauté voient le jour. Kacem est un membre actif d’une association pour l’éducation d’enfants souffrant de déficience mentale. Son engagement auprès de l’Association d’Aide aux Handicapés Mentaux de Ghardaïa (créée en 1993) consiste en une assistance à la population fragilisée des handicapés mentaux par une prise en charge dans des établissements spécialisés. Son projet, et celui des autres membres de l’association, vise à sensibiliser l’opinion publique pour leur offrir la possibilité d’acquérir une certaine autonomie et s’insérer socialement. L’appel à la solidarité permet de satisfaire le plus grand nombre de demandes des familles et de continuer le développement du travail en réseau. Le choix de Kacem de revenir au M’Zab pour des raisons identitaires ne consiste donc pas simplement en son installation dans la vallée mais également en son investissement personnel au sein de la communauté. Il apporte, par son expérience en dehors de la vallée, des connaissances permettant à la communauté de développer de nouvelles formes d’entraide. Il est important pour lui d’apporter une contribution personnelle au service de la communauté puisqu’il ne manque de rien et a mené à bien ses propres projets. Bien que les Mozabites suivent davantage un schéma individualiste en matière de logement, cette démarche n’entrave pas le développement d’initiatives à caractère social. La société mozabite continue à s’articuler autour du principe fondamental de la solidarité de ses membres. Le facteur socio-religieux en tant qu’élément propre à leur identité reste d’une importance cruciale contrairement aux principes urbanistiques.

  98  

  99  

  100  

Fig. 1 Petite place de Metlili

Fig. 2 Elément défensif converti en maison (ksar de Metlili)

  101  

1. La Dépression 4.1 Découverte de la région et retour Après la découverte de la vallée et de ses zones d’extension, nous sommes allés visiter une ville voisine située à 42 km au sud-ouest. Cette ville fortifiée du XIIe siècle a été construite par les Chaâmba, ensemble de tribus venues de la région qui est actuellement l’Arabie Saoudite. Le ksar de Metlili est agencé de manière très différente qu’au M’Zab. Le seul élément de fortification encore préservé est une maison d’enceinte s’adaptant au site rocheux. Malgré quelques ressemblances de style au niveau des façades de maison avec celles du M’Zab, son paysage urbain est très différent. Il est implanté sur une surface plane, contrairement aux pitons rocheux de la vallée, et ses ruelles sont larges. La distribution de la ville semble plus simple et plus lisible, mais le vieux ksar possède une surface relativement restreinte. Le ksar possédait également une palmeraie de petite surface et une seconde annexée au ksar, dont il ne subsiste plus que quelques parcelles de palmiers dans les nouveaux quartiers. Visiblement, la croissance démographique a touché plusieurs villes de la région et affecté particulièrement les zones de cultures, réduisant considérablement leur surface. L’industrie et le pétrole, influant davantage sur l’économie que la production de dattes, a fait perdre aux palmeraies leur statut de surface rentable. Metlili, ksar isolé, a eu tendance à s’étendre mais reste loin de l’extension des ksour de la vallée qui forme à présent un élément de liaison dense entre Ghardaïa, Mélika et Beni Isguen. De ce que nous savions des principes de fondation d’un ksar, nous avons constaté que le système de développement mozabite en cas de démographie croissante n’a pas été appliqué.

  102  

Fig. 3 Coupe schématique dans la vallée

  103  

Implantation d’un ksar et système de développement :

L'implantation au sein de la vallée du M'Zab est à l’époque un choix stratégique. Désireux de vivre paisiblement à l'abri des attaques ennemies, il est judicieux pour les Mozabites de s'installer dans une dépression afin de pouvoir surveiller les éventuelles arrivées d'ennemis par les flancs des plateaux. De plus, les constructions en aval sont difficilement repérables depuis les environs. L'implantation des ksour au sommet des collines est également un système défensif permettant la construction d'une enceinte tout autour du ksar.

La construction en hauteur permet surtout de s'abriter des zones inondables, libérant ainsi les terres cultivables. L'orientation des ksour se fait vers le sud-est afin de profiter des rayons chauds du soleil d'hiver et de se protéger des vents froids hivernaux provenant du nord-ouest. Le choix du site d'implantation des ksour est à la fois stratégique et défensif contre les menaces extérieures, mais également préventif contre les menaces naturelles d'inondations.

Le processus d'urbanisation de la vallée a commencé sous la gestion de l'assemblée religieuse Halga El Azzaba en collaboration avec les chefs de familles fondatrices. Avec le choix du site d'implantation, les règles d'urbanisme, d'architecture et d'hydraulique ont été mises en place avant le processus de construction qui s'est échelonné entre le XI e et le XIV e siècle.

Les ksour sont situés sur des pitons rocheux éloignés d'un à deux kilomètres les uns des autres, à l'exception du ksar d'El Atteuf construit sur un tournant de l'oued en aval de 6 km du ksar de Bounoura. Chaque ksar est dimensionné en fonction de sa capacité d'accueil, déterminant sa taille maximale pour pouvoir y annexer les cimetières qui forment avec le lit de l'oued et le début de la palmeraie les limites de croissance de la ville. Lorsque les constructions parviennent à ces limites, un autre ksar doit être construit selon les mêmes principes.

La conception d'un ksar se fait du haut vers le bas. Les familles cofondatrices construisent en premier lieu la mosquée sur le point culminant de la colline avant d’implanter les habitations autour de celle-ci en cercles concentriques suivant la déclivité du terrain. Les habitations descendent jusqu'en contrebas où sont disposés les remparts de la ville. Le souk (marché) est situé en dehors des remparts car la dimension économique s'y produisant est considérée comme une activité profane par opposition aux activités sacrées placées en hauteur : la mosquée et les habitations.

  104  

Fig. 4 Situation de la vallée avant le XIX e siècle

  105  

La palmeraie du ksar est découpée en fonction des fractions fondatrices sur plusieurs hectares. Les terrains de cultures accueillent des constructions, résidences secondaires pour les habitants du ksar. Ces habitations - offrant une fraîcheur naturelle - sont investies en été lorsque la chaleur du ksar devient peu supportable. Les arbres fruitiers et les palmiers sont entretenus par les habitants pendant cette période estivale.

Cette composition harmonieuse de ksar / palmeraies / cimetières dessine le tableau harmonieux du paysage oasien. La vie dans les ksour et les palmeraies rythme la vie dans la vallée en fonction du climat et des saisons.

Le développement actuel de la vallée Le statut de chef-lieu de wilaya qu’endosse la vallée du M’Zab constitue le point central des quatre communes de Dayat Bendahoua, Ghardaïa, Bounoura et El Atteuf. Cette responsabilité lui octroie l’opportunité de se développer économiquement tout en reconnaissant son statut historique et culturel. Ce changement de statut a cependant engendré de nombreuses perturbations au niveau de son territoire et de sa structure sociale traditionnelle, menaçant son authenticité. Son image d’organisation initiale en différents ksour est clairement affaiblie par la conurbation des ksour de Ghardaïa, Mélika, Beni Isguen et Bounoura, ainsi que par l’investissement des poches vides de la vallée. La densité de ce nouveau tissu urbain rend difficile sa gestion ; l’explosion démographique engendra une urbanisation par à-coup et une série de constructions illicites malgré un manque de réserves foncières. Ce rythme de développement de la wilaya eu des conséquences irréversibles, en particulier au niveau du chef-lieu qui abrite plus de la moitié de l’ensemble des habitants de la wilaya. Par conséquent, la majorité des charges inhérentes à la population de toute la wilaya se trouve concentrée dans la vallée du M’Zab. La vallée se retrouve confrontée à des problématiques de différents ordres. A l’échelle territoriale, des extensions diffuses se sont établies sans prendre en considération la capacité du territoire. Certaines s’implantent dans les bassins versants et les affluents de l’oued M’Zab, mettant en péril la population et l’ancien système hydraulique. Ceci engendre un rétrécissement du lit mineur de l’oued, représentant un danger de débordement lors de fortes crues. Ces constructions utilisent intensivement les ressources du territoire, notamment les nappes aquifères. L’équilibre paysager établi entre les ksour est mis en péril par les constructions sur les sites naturels des bords de la vallée.

  106  

Fig. 5 Evolution entre Gardaïa et Beni Isguen en 1953

Fig. 6 Evolution en 1962 .

  107  

Les monuments historiques délimitant le territoire de la vallée tels les bordjs sont également menacés par l’urbanisation. Ceci sans compter la prolifération de décharges illicites polluant l’environnement et les nappes souterraines par le sol peu perméable du milieu. A l’échelle urbaine, le principe d’urbanisation en cité-oasis a disparu, laissant place à un tissu hétérogène issu principalement d’une urbanisation illicite sans aucune logique organisationnelle. Les anciens ksour se trouvent étouffés par cette conurbation limitant les perspectives visuelles sur l’organisation du territoire. L’unique pôle administratif datant de l’époque coloniale n’a pas suivi le processus de développement le long de l’oued, concentrant toutes les institutions aux portes de Ghardaïa. Il engendre un trafic dense mais également une densification en commerces et services au dépend des autres entités urbaines. L’absence d’un réseau routier structuré influe négativement sur la desserte du tissu urbain, entraînant des encombrements de la circulation aux heures de pointe. La présence d’activités comme les fabriques de la petite et moyenne industrie ou les entrepôts sont nuisibles et encombrent la vallée. En dehors de la vallée, il est à signaler la présence de quatre nouvelles zones d’extension - Ourghinou, Bouhraoua, Hamrayat et Noumerat - qui connaissent déjà un développement très rapide. Il est cependant regrettable de constater que ce ne sont que de grands ensembles d’habitats sans réelle structuration urbaine et sans aucun service pouvant offrir des emplois. Ces annexes nécessitent un rattachement quotidien au pôle premier qu’est la vallée. Bouhraoua et Oughinou sont particulièrement visés, conçus comme Oued N’Chou pour répondre exclusivement à une demande de logement sans aucune référence à l’urbanisation traditionnelle. A l’échelle architecturale, nous avons constaté la disparition d’un certain nombre de maisons traditionnelles dans les ksour. Ces témoins de l’art mozabite sont démolis, transformés ou rehaussés de transformations illicites. Les maisons de palmeraie sont également victimes d’abandon et bien souvent démolies pour les remplacer par de nouvelles formes architecturales étrangères à la localité. Les nouvelles constructions sont liées à une utilisation intensive de l’énergie pour le chauffage et la climatisation, ce qui induit des coupures de courant électrique suite aux surcharges du réseau, particulièrement durant la saison chaude. Ces problématiques de plus en plus présentes tendent à banaliser l’architecture de la vallée, l’éloignant de son cachet original. Force est de constater que le système millénaire d’urbanisation a définitivement perdu de sa force par l’envahissement des nouveaux tissus urbains mais semble également avoir disparu totalement des projets de développement de la vallée. Cette expérience architecturale est pourtant source d’un grand nombre d’enseignements sur la maîtrise de l’organisation territoriale et l’équilibre harmonieux entre l’homme et son environnement naturel.

  108  

  109  

4.2 Rencontre avec Philippe Lauwers Nous avons rencontré un ancien membre de l’Atelier d’Étude et de Restauration de la vallée du M’Zab (AERVM), aujourd’hui architecte en Belgique. Il a appris, aux côtés d’André Ravéreau, à comprendre les particularités de l’architecture du M’Zab. Outre le rôle de l’atelier de consigner les maisons en voie de démolition, il s’agissait d’analyser l’architecture afin de pouvoir en déceler les erreurs et éviter de les reproduire. Cette formation de l’atelier sensibilisait les jeunes architectes venus de l’étranger sur l’importance de l’influence climatique dans la composition de l’architecture. Cette expérience pratique de l’architecture bioclimatique leur permettait de conseiller les architectes sur la pertinence de leurs plans en vue de nouveaux projets dans la vallée. Les membres de l’atelier participaient également à des chantiers afin de se familiariser avec le savoir-faire des maçons et les autres techniques de construction. Cet atelier fût le premier à sensibiliser la population sur la valeur de son patrimoine architectural en tentant d’intégrer les principes de l’architecture mozabite dans les nouvelles constructions afin d’éviter une invasion de formes architecturales inconnues à la vallée qui auraient modifié l’unité urbaine. Aujourd’hui, l’OPVM tente tant bien que mal de poursuivre la mission de l’atelier mais les innombrables constructions illicites rendent la préservation du paysage urbain difficile. Il faut faire une distinction entre le M’Zab et son histoire. Le M’Zab a été construit à une certaine époque dans un contexte politique particulier. Certains facteurs ont influencé son organisation mais la grandeur de cet urbanisme réside en son adaptation au climat local et à ses contraintes. De l’implantation des ksour sur les pitons rocheux afin d’éviter le danger des crues à l’orientation des maisons pour profiter de la lumière en évitant la chaleur et les vents de sable, tout a été rigoureusement pensé au M’Zab. Une étude minutieuse de chaque élément, la prise en compte de la totalité des facteurs naturels, la maîtrise de l’utilisation des matériaux locaux sont des démarches rigoureuses qui ont permis la mise à bien de ce projet d’installation dans le désert. La rationalité avec laquelle les constructions ont été abouties est un élément bien plus important que tout ce qui est relatif à l’esthétisme. La beauté de la construction se retrouve dans la simplicité de l’architecture. Tout élément architectural d’ordre décoratif sans fonction élémentaire est banni pour ne laisser que le nécessaire.

  110  

  111  

L’ensemble de ces facteurs pris en considération est source d’enseignement. La leçon à tirer du M’Zab est celle de l’aboutissement d’une organisation urbaine et sociale ayant permis une vie dans le désert durant plusieurs siècles. Cette leçon d’architecture est à discerner de la situation actuelle du M’Zab, car les transformations urbaines n’ont suivi ni le système préalablement établi, ni le système de création d’un nouveau ksar lorsque les autres arrivent à saturation, ni même la prise en compte des facteurs climatiques. Aujourd’hui, la technologie permet de palier toute une série d’inconforts, ne demandant plus à l’homme de s’adapter au lieu. L’architecture n’est plus bioclimatique, elle est une réponse à une demande de surface et de besoins divers. C’est la maison qui s’adapte aux envies de l’homme et non plus à ses besoins ou au climat. L’architecture produite actuellement au M’Zab n’est plus ce qu’elle était à l’origine car elle est influencée par une certaine forme de mondialisation. La consommation d’éléments tels que la climatisation ou le chauffage ont permis aux habitants de prendre une certaine distance avec l’architecture traditionnelle en offrant la possibilité de reproduire une architecture du Nord. L’intérêt pour les Mozabites de reproduire ce type d’architecture réside dans la possibilité de posséder les éléments ménagers de notre époque et de se sentir citoyen du XXIe siècle. La possibilité de posséder un garage pour la voiture, devenue besoin indispensable pour une vie professionnelle dans la vallée, constitue un de ces nombreux avantages des nouvelles constructions. Ce qui aurait amené ce nouveau mode de vie est l’acceptation et l’insertion de ce qui est toujours resté aux portes des ksour, à savoir les cultures étrangères au M’Zab. Les comportements, pour la plupart venus de latitudes supérieures, ne sont pas toujours adaptables au climat local. Les nouveaux modes de vies sont venus perturber l’organisation sociale et se sont fait ressentir dans l’agencement urbain.

  112  

Fig.7 Carte de Gestion de l’eau

Fig. 8 Carte piézométrique de la nappe albienne (avril 2008)

  113  

4.3 Les inondations de 2008

Le Ministère de la Culture, en association avec l'Office de Protection et de Promotion de la Vallée du M'Zab, a effectué de nombreux travaux de réhabilitation et d'assainissement des puits présents dans les palmeraies et dans les ksour. Ces travaux se situent dans une optique de préservation du patrimoine dans l'espoir de relancer les pratiques agraires dans les palmeraies. Depuis les inondations de 2008, de nombreux puits ont été détériorés et l'abandon de certains jardins n'a pas favorisé leur entretien. Il est à remarquer que les puits destinés à l'agriculture phoenicicole (agriculture des palmeraies) et au ravitaillement en eau des ksour puisent l'eau de la nappe phréatique située en profondeur car l'eau de surface est rare - comme dans toute région saharienne. Les puits exploitant la nappe phréatique sont estimés à plus d'un millier et prélèveraient annuellement 40 000 m3 d'eau. La nappe phréatique située à près de 25m de profondeur pouvait alors répondre aux besoins de ce type de culture. Cependant, depuis l'établissement vers les années 1980 d'une agriculture plus importante dans la vallée, le besoin en eau n'a cessé de croître et c'est dans la nappe profonde que les agriculteurs sont allés puiser les volumes d'eau nécessaires. On recense actuellement 33 forages captant près de 31 hm 3 dans la nappe albienne. Découverte vers les années 1930, cette nappe s'étend de l'Algérie à la Libye à près de 300m de profondeur. Le puisage dans cette nappe est de plus en plus fréquent et de plus en plus important car les eaux de la nappe phréatique deviennent de moins en moins salubres. Les travaux d'assainissement ont débuté en 1974 mais n'ont toujours pas abouti, et il est aujourd'hui question de promouvoir des systèmes de lagunages pour traiter les eaux usées ; un grand nombre d'entre elles sont malheureusement encore déversées dans la nappe phréatique en raccordant les conduites d'évacuation directement aux puits abandonnés. Ces pratiques inadmissibles rendent non seulement les eaux de la nappe phréatique impropres à la consommation mais poussent également à l'abus d'extraction des eaux de la nappe albienne, ce qui a pour conséquence une montée des eaux de l'oued et la remontée des eaux polluées par les puits lors de fortes crues. La carte suivante montre une dépression de la surface piézométrique9 entre Mélika et Ghardaïa, probablement liée à une activité intensive de pompage.

                                                                                                               9  La surface piézométrique est la profondeur par rapport à la surface au sol de la limite entre la zone saturée et la zone non saturée dans une formation aquifère.

 

  114  

Fig. 9 Coupe géologique schématique de la vallée du M’Zab

Fig. 10 Coupe géologique des nappes aquifères de la vallée du M’Zab

  115  

Le puisage intensif dans la nappe phréatique et les eaux usées rejetées dans celle-ci augmentent son taux de pollution. Une étude bactériologique a été effectuée en 2005 pour déterminer le taux de DBO5 présent dans l'eau de la nappe phréatique. La demande biochimique en oxygène (DBO) est la quantité d'oxygène nécessaire à l'oxydation des matières organiques biodégradables par les bactéries. En d'autres termes, elle permet de déterminer la quantité biodégradable dans la charge polluante carbonée des eaux usées10. Elle est calculée au terme de cinq jours à 20°C dans l'obscurité, c'est pourquoi on parle de DBO5. Cette mesure est exprimée en milligramme d'oxygène nécessaire pendant cinq jours pour dégrader la matière organique contenue dans un litre d'eau.

Il ressort de cette étude que la concentration générale est inférieure à 4mg/L dans la vallée, excepté dans le centre ville de Ghardaïa où elle est particulièrement élevée : 11mg/L. Ce taux élevé est lié à la forte urbanisation de cette zone, engendrant un rejet élevé d'eaux usées ou de fosses septiques. Il existe probablement une infiltration de la nappe par un réseau d'assainissement dégradé.

Depuis la seconde moitié du XXe siècle, l'urbanisation de la vallée n’a de cesse de croître, au détriment des espaces agricoles. Les besoins en eau, qui alimentaient principalement les palmeraies et les travaux domestiques des ksour, ont augmenté considérablement avec l'agriculture, l'industrie et l’accroissement de la densité de population dans la vallée. La carte suivante témoigne du pourcentage d'urbanisation et de cultures de la vallée : sur une surface totale de 3 261,88 hectares, 67% est occupée par l'urbanisme soit 2 179,33 hectares. Les zones agricoles ne représentent quant à elles plus que 33% de la surface totale, soit 1 082,55 hectares. Il est à noter que sur cette carte sont recensées les palmeraies, ce qui n’induit pas implicitement que celles-ci soient entièrement végétalisées : la plupart sont partiellement urbanisées soit par de petites maisons traditionnelles de palmeraies soit par des constructions plus importantes comme sur la photo (située dans la palmeraie de Beni Isguen). Malgré les efforts de l'Office de Promotion et de Promotion de la vallée du M'Zab établissant un secteur sauvegardé dans lequel toute nouvelle construction est formellement interdite, de nouvelles constructions de maisons dans les palmeraies ne cessent malheureusement d'apparaître. La rapidité de construction grâce aux nouveaux matériaux favorise la prolifération des constructions illégales dans le secteur sauvegardé.

                                                                                                               10  Université de Bordeaux http://hse.iut.u-bordeaux1.fr/lesbats/tpdbo/texte.htm  

  116  

Fig. 11 Variations de la DBO dans la nappe phréatique de la vallée (2005)

Fig. 12 Carte d’occupation du sol dans la vallée (2008)

Fig. 13 Maison en construction dans la palmeraie de Beni Isguen. En l'espace de dix jours, cette maison est montée de deux étages

  117  

Ces constructions n'ayant pas fait de demande préalable de permis d'urbanisme auprès de l'Office de Protection et de Promotion de la Vallée du M'Zab ne respectent ni l'interdiction de construction dans le secteur sauvegardé ni les recommandations établies quant au respect des règles d'urbanisme et de construction.

Le 1e octobre 2008, la vallée a connu une crue exceptionnelle de l’oued M’Zab. L’oued est sorti de son lit, inondant de nombreux quartiers situés dans les palmeraies et dévastant tout particulièrement celle de Ghardaïa. Les eaux sont montées rapidement, ne laissant pas le temps à la population d’évacuer ces quartiers dont certaines constructions se sont effondrées. Le bilan officiel de ces inondations s’élève à 43 morts, 86 blessés et 4 disparus. Les dégâts matériels sont estimés à 2 000 habitations détruites, 2 600 fortement endommagées et 11 000 logements nécessitant des réparations limitées. Dans certains quartiers les plus touchés, comme celui de Baba Saad situé dans la palmeraie de Ghardaïa, les eaux sont montées à plus de trois mètres.

Ces pertes humaines et ces dégâts matériels ont alerté les autorités, les confrontant à leurs responsabilités. Les décisions de reloger provisoirement les familles dans des « chalets » à quelques kilomètres de la vallée ont été prises rapidement parallèlement à des mesures de « sécurisation » du M’Zab. Un mois après la catastrophe, le ministre des ressources en eau Abdelmalek Sellal déclarait avoir définitivement sécurité la wilaya de Ghardaïa des inondations. La solution réside, selon ses dires, en l’élaboration de trois barrages sur les oueds Labiodh, Boubrik et Laâdhira qui permettraient de mettre fin aux crues trop abondantes car ce sont les trois affluents de l’oued M’Zab. Il explique que lors des inondations, la première tranche du barrage de l’oued Labiodh n’avait pas encore été réalisée mais que celui-ci a été achevé au début du mois de novembre. Le ministre a cependant dénoncé le non-respect de l’urbanisme en avançant un argument historique :

« Ce qui a rendu la tâche plus difficile, c’est que durant la décennie noire11, on ne respectait plus l’urbanisme. Les gens ont construit dans des oueds. L’homme a été indiscipliné et la nature est venue reprendre ses droits. »12

                                                                                                               11  La  décennie  noire  désigne  la  guerre  civile  algérienne  opposant  le  gouvernement  algérien  (armée  nationale  populaire)  aux  différents  groupes  islamistes  (Front  Islamique  du  Salut  FIS,  Groupe  Islamique  Armé  GIA…).  Ces  luttes  armées  visant  initialement  le  gouvernement  ont  rapidement  ciblé  la  population  civile  pendant  les  années  90.  La  population  algérienne  a  connu  la  perte  de  60  000  à  150  000  de  ses  citoyens,  poussant  nombre  d’entre  eux  à  s’expatrier  ou  à  se  déplacer.  12  Abdelmalek Sellal dans "Ghardaïa est définitivement sécurisée", par RAHMANI D., dans El Watan, le 5 novembre 2008, Alger  

  118  

Fig. 14 Carte des zones inondables

  119  

En effet, il est à noter que durant les années noires, le gouvernement menait un combat acharné contre les groupes islamistes perpétrant des massacres dans de nombreuses régions d’Algérie. Afin d’assurer leur sécurité, un grand nombre de citoyens s’est déplacé dans des régions moins touchées par le terrorisme. Certains d’entre eux sont venus se réfugier à Ghardaïa qui semblait être une zone épargnée par les attaques sanglantes. L’urbanisme à cette période n’était pas une priorité pour l’État et les constructions illicites dans le lit de l’oued auraient pu se développer sans opposition de la part des autorités.

En 2012, les autorités locales ont programmé une opération visant la démolition d’un millier d’habitations érigées aux abords de l’oued M’Zab. Le Front des Forces Socialistes (FFS) s’oppose à cette démarche, argumentant qu’elle ne cible que les riverains de l’oued alors que les différents quartiers de Ghardaïa recensent quelque 1 500 logements illicites que les autorités passent sous silence. Cet argument est légitime mais la priorité est la protection des civils contre des phénomènes naturels dévastateurs. La démarche de démolition des constructions aux abords de l’oued est une initiative positive si elle est réellement entreprise car ces zones seront définitivement interdites de construction et serviront éventuellement d’espace d’élargissement du lit actuellement bétonné de l’oued. Pour l’instant, aucune démolition n’a été entreprise mais étrangement, les autorités ont démoli le siège du FFS à Ghardaïa.

Approximativement 60% des berges de l’oued, sur la base d’une hauteur d’eau de 7 mètres dans le lit mineur de l’oued, auraient été inondées à une hauteur d’un mètre d’eau. Le débit des eaux a été estimé à 1 300 m3/s - assez puissant pour détruire des constructions - mais il a également emporté des ovins dont les cadavres enfouis sous la boue supposaient un risque d’épidémie. L’eau souillée s’est infiltrée dans la terre, contaminant des nappes phréatiques. La gestion de l’eau est d’une grande importance dans la région et la mise en place de stations d’épuration de l’eau et d’un système d’égouts est essentielle. Les eaux fossiles ne doivent plus être l’unique apport en eau. Il serait intéressant de mettre en place une gestion de l’oued M’Zab, basée sur des études préalables prenant en compte l’urbanisme et les changements climatiques, d’amont en aval, traversant les zones urbaines et les palmeraies.

  120  

 

Fig. 15 Dégâts des inondations dans la palmeraie de Ghardaïa

Fig.  16.  17  Pont  de  la  SNTV                Fig.  18.19  Les  eaux  ont  décoloré  les  murs  à  3m  de  hauteur  dans  le  quartier  de  Baba  Saad

  121  

4.4 Les « nouveaux ksour » : le cas de Tafilalt Le projet de Tafilat a débuté en 1997 dans le but de créer une extension du ksar de Beni Isguen qui connaissait une saturation de sa population intra-muros. Le projet avait comme intentions innovantes de restaurer les anciens préceptes de la communauté mozabite basés sur la foi et la solidarité. Pour mieux comprendre ce nouveau projet, il est judicieux de rappeler le système ancestral de développement de la vallée.

La construction d'un autre ksar dans le processus d'urbanisation de la vallée du M'Zab ne résultait par automatiquement de la saturation du dernier ksar. Il était possible qu'un nouveau ksar soit construit avant que le précédent s'étende au-delà de son noyau initial. La création de nouveaux ksour est également liée à l'arrivée de nouvelles fractions ibadites suite au succès des ksour existants. Il s'agit d'une volonté de démultiplier des centres urbains indépendants afin de préserver, dès leur fondation, le territoire propre à chaque cité. Ce système garantit l'occupation de l'ensemble du territoire de la vallée de manière équilibrée.

« ...Si une communauté veut construire un ksar, d'une façon collective ou individuelle, elle peut le construire sur son terrain ou sur un terrain qui ne lui appartient pas, mais avec l'accord de son propriétaire, ou sur un terrain qui n'appartient à personne. Lorsque les gens de cette communauté tombent d'accord sur la création de ce ksar, ils s'entendent sur la répartition des terrains à urbaniser. Ils fixent ensemble rues et ruelles, leur largeur et longueur, ses équipements (…) Et tout cela avec l'accord de l'ensemble des membres et l'avis de leur chefs et savants »13

A l'arrivée de nouvelles familles ibadites, ces dernières devaient adhérer à la communauté établie sur place, construire leur ksar en définissant sa taille maximale en délimitant son espace aux usages d’habitat, de culture et d’enterrement. Cet espace réservé est déterminé de manière à ce que les ressources soient suffisantes par rapport aux besoins des habitants du ksar dans sa taille maximale. Lorsque la capacité maximale des constructions d'habitations est atteinte, la construction d'un autre ksar s'impose.

                                                                                                               13  Cheikh Abou El Abbas Ahmed EL FORSATAL, « El kisma oua aussoul el aradin » (manuscrit ibadite s.l,s.d), p 97  

  122  

Fig. 20 Vue générale de Tafilalt

Fig. 21 Une porte d’entrée du ksar

  123  

Le projet participatif de Tafilalt Cet ensemble de logements bâti sur une colline en amont de Beni Isguen est une réponse à la crise de logement touchant ce ksar. Son implantation est située sur un site en hauteur afin de ne pas porter davantage préjudice aux palmeraies déjà affaiblies par l’occupation massive d’habitants sur les sites cultivables. Ce projet a tenté de diminuer la demande croissante en logement dans la vallée de manière planifiée - contrairement à la croissance urbaine incontrôlée accroissant le phénomène d’individualisation. Les intentions de ce projet étaient de répondre aux demandes de la classe moyenne de Beni Isguen tout en intégrant le contexte économique, la cohésion sociale et l’héritage patrimonial de la région. Ce projet social à but non lucratif a été entrepris par la fondation Amidoul dans un esprit communautaire de création de logements destinés aux ménages à faible et moyen revenu. L’action de différents acteurs financiers rend ce projet innovant : l’État (le programme du logement social participatif), les futurs acquéreurs (les habitants de Beni Isguen) et l’association Amidoul. L’État a contribué en grande partie au budget du projet, allant jusqu’à financer la moitié du coût de certains logements. En effet, depuis quelques années, l’Algérie investit dans une politique de logement favorisant, par diverses formules, l’accès à la propriété. Elle tente de pallier la crise touchant ce secteur en donnant la priorité aux populations les plus démunies. Le projet de Tafilalt a bénéficié de l’aide financière accordée aux logements sociaux participatifs. Cette aide initialement dédiée aux biens étatiques et en aucun cas à des sociétés privées a été accordée exceptionnellement aux promoteurs privés d’Amidoul. La réalisation des habitations implique la participation du demandeur de logement qui s’engage à verser des apports périodiques sous conditions. La moitié de la valeur du logement doit être versée par le demandeur et les versements complémentaires sont étudiés au cas par cas en fonction des dimensions de la construction et des moyens de l’acquéreur. La particularité du projet est que les institutions traditionnelles apportent un soutien au demandeur et prennent en charge, avec l’aide de la communauté, une partie ou la totalité de la somme nécessaire si le demandeur ne peut la verser. Le coût pris en charge par la solidarité de la communauté rend ces logements de classe moyenne accessibles à des ménages à faible revenu. En contrepartie, ces derniers devront participer au chantier et s’investir tout au long des travaux. Une aide collective s’est donc organisée dans l’intérêt général, témoignant d’une forte cohésion sociale. Les matériaux locaux comme la pierre, la chaux ou le plâtre ont été privilégiés pour des raisons écologiques mais ont également permis de rendre les habitations plus accessibles en en diminuant le coût de construction.

  124  

1. L’entrée, 2.La cour, 3.Le patio, 4.Bureau, 5. Cuisine, 6. Pièce du métier à tisser, 7. Chambre, 8. Sanitaires. Fig. 22 Plans d’une maison de Tafilalt

  125  

Les promoteurs ont mis à profit l’implication des habitants sur le chantier pour les questionner, au fur et à mesure de l’état d’avancement, sur la qualité des espaces. En fonction de l’investissement des espaces par les habitants, ils étaient interrogés sur les espaces traditionnels, sur leurs usages et leurs nouvelles exigences afin de pouvoir transformer le logement. Ces informations ont permis de faire quelques modifications sur les constructions débutées plus tard, raison pour laquelle il existe plusieurs types de plans qui varient également en fonction de la topographie du site. Les maisons réinterprètent le système traditionnel en y introduisant de nouvelles fonctions telles que la cour ou le bureau. La cuisine devient une nouvelle pièce et la communication entre les deux étages qui était assurée autrefois par la chebka est désormais limitée à la cour. Les institutions traditionnelles restent actives dans le projet même lorsqu’un îlot est achevé. Elles participent à l’attribution des logements et tentent de répartir la population dans les îlots de manière à encourager la mixité sociale à l’intérieur de la nouvelle cité. Elles assistent les membres de l’administration dans leurs décisions mais ne possèdent pas le pouvoir exclusif dont elles jouissaient jadis. L’organisation du ksar de Tafilalt, qui n’a de ksar que le nom, est calquée sur celle des anciens ksour reprenant le système de ruelles, placettes et passages couverts. La similarité des façades sur lesquelles aucun signe de richesse n’est affiché respecte le système égalitaire de la société qui ne doit laisser apparaître aucun signe de différence sociale. Malgré sa volonté de préserver la tradition architecturale de la vallée, les rues sont davantage ordonnées et la plupart d’entre elles sont accessibles en voiture. Cette donnée de ville moderne distingue cet urbanisme de celui des ksour ancestraux en modifiant la dimension des rues et leur rôle de distribution. Le passage accordé aux véhicules induit une certaine distance entre les façades qui laisse respirer le ksar mais anéantit l’intimité de l’ancien système. Le soleil pénètre ainsi plus facilement dans les rues, les rendant moins agréables à parcourir lors de la saison chaude. L’introduction de la voiture dans le ksar a imposé la nécessité de parkings. Le programme de Tafilalt ne s’est pas limité au logement mais offre également une école, des commerces, des lieux de prière et des crèches. Le ksar est aujourd’hui encore en croissance et davantage d’équipements sont en construction pour répondre à la demande se ses habitants.

  126  

  127  

L’urbanisme de Tafilalt ne se situe pas réellement dans le système ancestral d’urbanisation de la vallée. Il n’inclut pas la création d’une palmeraie, bien que sa présence puisse prêter à polémique. Il est vrai que la vente de dattes ne possède plus le même intérêt économique qu’autrefois, mais la palmeraie permet également la culture d’arbres fruitiers et de cultures potagères qui permettraient de limiter la consommation importée dans la vallée et l’impact écologique qu’elle induit. Le choix du site d’implantation menace également le paysage naturel de la vallée : l’architecture, malgré son intégration chromatique correspondant au paysage, investit les flancs de collines aujourd’hui classées comme secteur sauvegardé. L’orientation ancestrale des ksour vers le sud-est n’a pas été prise en compte, ce qui livre le ksar aux vents froids et à un ensoleillement trop faible en hiver. Cependant, ce projet possède certaines qualités autres qu’une simple réponse à la demande croissante en logement. En créant un nouveau site, le projet contribue à la préservation de la palmeraie de Beni Isguen de l’invasion des constructions. L’habitat mozabite est revalorisé tout en s’intégrant au contexte économique actuel et grâce aux aides de l’État. Toutefois, le facteur le plus important dans la réussite de ce projet est la valorisation de la cohésion sociale et des coutumes ancestrales. L’implication des futurs acquéreurs soutenue par l’entraide sociale permet de créer un attachement au bien immobilier. L’engagement financier mais surtout physique dans le chantier responsabilise l’habitant et renforce son identité d’appartenance au ksar. L’adaptation des logements, ainsi que l’échange entre habitants et concepteurs, permet de créer de nouveaux scénarios d’habitat réellement adaptés aux modes de vie actuels. La participation de ce projet est sans aucun doute son point fort mais il n’a rien d’une découverte, car ce système était appliqué à l’époque de la fondation de chaque ksar. Les organisations religieuses traditionnelles et les trésoriers travaillaient ensemble en consultant les citoyens pour créer des habitats fonctionnels. Il n’existait pas d’architecte à l’époque, seulement des bâtisseurs qui travaillaient ensemble à l’établissement d’une ville équitable. Avec les nombreux changements survenus depuis ces temps, les hommes ont ignoré cette connaissance et ont eu tendance à vouloir se construire seuls. L’individualisme n’est pas le seul responsable, car les habitants ayant migré du nord n’ont pas appliqué le système traditionnel. Initialement, si une nouvelle fraction d’ibadites voulait s’installer au M’Zab et qu’aucun ksar ne leur permettait de s’y établir, ils devaient en construire un nouveau, avec l’accord du propriétaire des terres. Les vagues migratoires ont commencé à construire aux abords du ksar de Ghardaïa. Toutefois, il eut été envisageable de construire un « nouveau ksar » en aval de la vallée pour s’y établir. Bien sûr, cela aurait demandé de l’apprentissage en matière d’urbanisme auprès des institutions traditionnelles préétablies, de la main-d’œuvre et des maçons qualifiés, des fonds conséquents…

  128  

  129  

  130  

Fig.  1  Chantier  de  pavement  de  la  place  du  marché  

   

 Fig.  2  Restauration  de  la  mosquée  de  Bounoura

  132  

1. L’Acceptation

5.1 Les rapports de l’UNESCO La vallée connaissant une urbanisation effrénée et l’installation de styles architecturaux menaçant le cachet de la vallée, un arrêté ministériel fut promulgué le 28 juin 1968, initiant le classement du M’Zab comme site historique. C’est en 1971 que la vallée du M’Zab a été hissée au rang de patrimoine national. Lors de cette initiative de sauvegarde, l’atelier d’étude et de restauration de la vallée du M’Zab a été créé sous la direction d’André Ravéreau. Plusieurs plans de la vallée ont alors été établis pour la protection des sites historiques, tels que le plan Ravéreau (1962, le plan Speer (1973) ou le Plan d’Urbanisme Directeur (1987). L’objectif de l’atelier, plus tard transformé en Office de Protection de le Promotion de la Vallée du M’Zab, est de préserver le patrimoine et en valoriser le cachet architectural. Des recherches sur les sites archéologiques et la constitution d’archives ont été mises en place afin de pouvoir informer et sensibiliser la population sur la valeur de leur patrimoine. Le décret du 17 novembre 1992 ayant modifié le statut de l’atelier en OPVM requiert l’avis conforme de ce dernier pour :

-­‐ Tous travaux d’aménagement et d’urbanisme à l’intérieur du périmètre classé de la vallée

-­‐ Tous travaux de construction et de démolition quel qu’en soit la nature, y compris les travaux en sous-œuvre

-­‐ Tous travaux de restauration et de ravalement de façade, de démolition partielle tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des constructions existantes

-­‐ Tous travaux de remblaiement ou de déblaiement susceptibles d’apporter des modifications morphologiques au site

-­‐ Tout projet d’infrastructure ou programme d’équipement

De nombreux chantiers d’entretien et de restauration sont été entrepris par l’OPVM à l’image de la réhabilitation des ouvrages défensifs (remparts de Bounoura) et le pavement de la place du marché de Ghardaïa. Malheureusement, ces interventions ponctuelles n’ont pas suffit à préserver l’image de la vallée, inexorablement envahie par les constructions illicites.

  134  

  135  

En 2005, un nouveau décret exécutif est promulgué pour la création et la délimitation du secteur sauvegardé de la vallée du M’Zab. L’abondance des textes relatifs à la conservation et à la bonne volonté des responsables de l’OPVM, ne sont pas parvenus à obtenir des rapports totalement positifs de la par du comité de l’UNESCO. Les principales menaces identifiées dans les rapports sont :

-­‐ Un développement lié aux changements socio-économiques et à la croissance démographique, entraînant une importante pression urbaine

-­‐ Une dégradation de l’environnement, une croissance urbaine incontrôlée dans les palmeraies et le lit de l’oued, ayant pour conséquence un impact visuel des nouvelles constructions sur les collines

-­‐ Une absence d’un cadre juridique de protection et d’un plan de sauvegarde -­‐ Une perte du savoir-faire et des matériaux traditionnels pour la

réhabilitation de l’architecture vernaculaire -­‐ Une perte du système traditionnel de gestion et de distribution de l’eau -­‐ Des risques d’inondations et de pollution de la nappe phréatique.

En 2002, le rapport de l’Unesco fait mention d’un financement prévu en 2003 appuyant l’élaboration d’un plan préliminaire de conservation et de développement de la vallée. Le rapport suivant datant de 2004 précise les aspects négatifs de la vallée :

-­‐ Une demande est faite à l’état dans le but de classer la vallée du M’Zab en tant que secteur sauvegardé et d’élaborer son plan de protection et de mise en valeur

-­‐ L’état est prié de restaurer l’équilibre du réseau hydraulique dans une perspective de développement durable

-­‐ Une définition des zones non constructibles est demandée pour la protection des qualités urbanistiques

En 2006, le rapport fait état de sa satisfaction par rapport au plan de sauvegarde et félicite les démarches concernant la réhabilitation du réseau hydraulique traditionnel. Il déclare cependant regretter que le plan permanant de sauvegarde et de mise en valeur, initié dès 2001, soit toujours à l’état de projet et demande l’accélération de son élaboration ainsi que la définition des zones non aedificandi. En 2008, le comité du patrimoine mondial encourage l’état à soumettre une requête d’assistance internationale en vue de la contribution d’experts chargés d’assister les responsables locaux dans la réalisation du plan de sauvegarde et de gestion prévu pour 2010.

  137  

  139  

Nonobstant les rapports inquiétants de l’UNESCO, le patrimoine urbain et architectural du M’Zab est considéré parmi les mieux préservés d’Algérie. En comparaison avec les Casbah d’Alger et de Constantine, les ksour sont dans un état de conservation relativement respectable. L’attachement de la population locale à son héritage ancestral est une particularité importante de ce respect de l’architecture. La dimension sociale doit être mise en valeur à travers un rôle important dans chaque projet de réhabilitation des systèmes constructifs traditionnels. Malgré les efforts des organismes locaux, le patrimoine se dégrade et cette perte est majorée par la lenteur de la mise en place du plan permanant de sauvegarde.

Les rapports successifs de l’UNESCO ont été effectués entre 2002 et 2010, rendant compte des détériorations et non respect de certaines constructions d’époque. Cependant, malgré les constats accablants et les recommandations, l’état des ksour n’a eu de cesse de se dégrader. Malgré les recommandations de l’OPVM, les nouveaux quartiers informels se sont propagés dans les palmeraies, évitant ainsi des démolitions dans les ksour. Cet intérêt pour les nouveaux quartiers a en quelque sorte laissé leur sacralité aux ksour. Mais la restauration et la sauvegarde de ces derniers n’étaient pas une priorité pour les habitants et les dirigeants. La notoriété qu’a acquise la vallée en l’espace de quelques décennies a attiré nombre d’experts et de chercheurs dans divers domaines, venant des quatre coins de l’Algérie et d’Europe. Malgré ces délégations de représentants en développement durable et en conservation de patrimoine millénaire, aucune mesure d’urgence n’a réellement été prise pour freiner les dégradations. Il aurait été dans l’intérêt de tous d’établir des sanctions envers les démolitions et les reconstructions sans permis d’urbanisme. Malheureusement, les responsables chargés de la sauvegarde de M’Zab suite au départ d’André Ravéreau n’ont pas été à la hauteur de la lourde responsabilité qui leur a été confiée. Le classement de la vallée en temps que patrimoine mondial nécessitait un réel engagement de la part des autorités concernées afin de préserver au mieux le paysage urbain et culturel. La meilleure option, le cas échéant, eut été d’ignorer la réelle valeur patrimoniale au profit de son développement de croissance naturelle au sein du désert. Il est certes regrettable d’admettre qu’une démarche positive de sauvegarde puisse mener à la menace d’un patrimoine, mais force est d’admettre que la vallée se situe dans ce cas de figure.

  140  

  141  

  143  

5.2 Rencontre avec André Ravéreau C’est à cet architecte français, qui a vécu quelques années au M’Zab avant de devenir architecte en chef des monuments et sites historiques à Alger, que l’on doit le classement de la vallée au patrimoine national puis mondial en 1982. Ayant observé longuement les méthodes de construction mozabites et habité l’architecture d’une maison de palmeraie, il a porté un intérêt tout particulier à ce savoir-faire. André Ravéreau nous a fait part de son expérience au M’Zab et de ses théories lors d’un entretien que nous avons eu la chance d’effectuer avant notre départ à Ghardaïa. En premier lieu, nous l’avons interrogé sur le lien entre l’histoire des ibadites et la retranscription de leur expérience dans l’architecture au M’Zab. Selon lui, l’ingéniosité des ibadites résidait en leur capacité à abandonner des systèmes architecturaux inappropriés ; cette communauté a effectué une réelle remise en question de l’habitat en fonction des données climatiques et de leur expérience personnelle.

L'ingéniosité de la construction mozabite provient de sa faculté d'adaptation au climat et au site dans lequel elle est implantée. Cette évolution de l’habitat s’inspire des constructions antérieures des Ibadites, remodelées par les constructions sahariennes préexistantes.

Lors de leur déplacement vers la vallée du M’Zab, les ibadites ont réalisé un changement particulier vis-à-vis de leur mode de vie. Les habitations luxueuses et spacieuses de Sédrata (située plus au nord) dans lesquelles vivaient plusieurs générations sont un modèle que les ibadites choisirent de ne plus reproduire au M’Zab car les conditions environnantes n’étaient pas les mêmes. Les ruines retrouvées à Sédrata témoignent de l’architecture de grandes demeures s’articulant autour d’un patio large de type méditerranéen. Ce système, qui permettait de faire rentrer une grande quantité de soleil dans la maison, ne pouvait être transposé au M'Zab - où l'on cherche principalement à se protéger des forts apports de chaleur.

Le commerce des ibadites avec le bassin méditerranéen, mais également avec l'Afrique subsaharienne, leur a permis de devenir de très bons voyageurs spécialisés dans l'achat et la revente. Cette activité avec les populations subsahariennes leur a apporté une connaissance partielle du désert et des caravansérails proches de la vallée du M'Zab.

Lorsque la population a du reconstruire une ville après la destruction de Tahert, les constructeurs se sont en premier lieu renseignés sur l'habitat auprès des populations sahariennes avoisinantes. La faible présence de nomades sédentarisés qui ne possédaient pas les mêmes habitudes de vie les ont renseignés sur quelques éléments nécessaires à un établissement dans le désert.

  144  

Fig. 3 Hôtel des Postes de Ghardaïa construit par André Ravéreau en 1967

Fig. 4 Hôtel des postes reconverti en Algérie Telecom en 2012

  145  

La population ibadite a subi une entière remise en question aussi bien dans l'organisation de la vie de tous les jours que dans leur architecture. Il n'était plus question de richesse ostentatoire qui leur avait valu la destruction de leur ancienne ville : la simplicité et la pauvreté se sont vues retranscrites dans le geste du constructeur. La maison du M'Zab n'est plus que le résultat d'un espace qui d'une part conserve l'intimité de la famille et d'autre part, protège des contraintes climatiques. Il n'y a plus lieu de construire de palais puisque les hommes sont égaux. L'énergie collective se devait de servir l'intérêt de la communauté en construisant des murs de fortification autour des ksour et des barrages.

« La société progresse dans l’utilisation de son environnement en étant toujours dans son site mais n’est pas maîtresse de son progrès, alors que les ibadites ont évolué dans la simplicité ; Faire de moins en moins à la recherche de l’équilibre. C’est en cela que la construction des ibadites est unique. »14 Ces constructions, dont le plan avait savamment été élaboré pour l’épanouissement d’une femme élevant ses enfants, ont fait l’objet de nombreuses observations de sa part. L’architecture de la maison mozabite mettait en place des éléments tels que l’entrée en chicane pour préserver l’intimité des foyers (ce qui permettait également de créer un appel d’air dans la maison, initié par la chebka). L’organisation de la maison en fonction de la journée et de la nuit, de l’été et de l’hiver comme expliqué précédemment, est un modèle d’architecture bioclimatique. L’architecte français fût cependant témoin de changements d’ordre urbain et architectural dans la vallée, menaçant le paysage établi par la population ibadite. Des projets de complexes hôteliers commençaient à émerger et dans l’intention de contrer leur réalisation, André Ravéreau mis en place un dossier décrivant les effets néfastes qu’ils pouvaient avoir sur le patrimoine architectural et culturel de la vallée. Cette opposition enclencha la mise en place du classement de la vallée aux monuments et sites. Ce choix stratégique de protection de l’espace urbain et naturel épargna à la vallée nombre de projets de grande ampleur entrepris à l’époque. La protection de l’environnement ne faisait pas partie des préoccupations des architectes de l’époque, raison pour laquelle André Ravéreau admet avoir utilisé du béton pour ses ouvrages. Avec le recul, il souligne le manque de logique de cette démarche puisqu’elle entraine une importation de matériaux tels que l’acier, le béton ou le bois de coffrage qui n’est pas disponible dans la région. L’utilisation du béton peut être remplacée par une certaine maîtrise des matériaux locaux.

                                                                                                               14  Nous  nous  référons  ici  à  l’entretien  avec  André  Ravéreau  

  146  

  147  

Il prend pour exemple le linteau qui est droit et horizontal sur une porte ou une fenêtre grâce au béton armé. Cette horizontale peut être reproduite par un arc reprenant les charges du mur soulignées par un linteau en bois qui redessinerait l’horizontale de la fenêtre. Les techniques de constructions sont à réadapter pour valoriser ce savoir-faire des corps de métiers comme les maçons, capables de façonner un mur avec des pierres de diverses tailles. Selon lui il faut faire comme avant en utilisant des pierres et du plâtre, matériaux locaux ayant de nombreux avantages thermiques, esthétiques ou encore économiques tout en réduisant l’impact écologique lié au transport. D’autre part, André Ravéreau soulève une question fondamentale, celle de la construction par les habitants. Au fur et à mesure des années, les personnes sont devenues de plus en plus assistées dans la construction de leur maison, jusqu’à y devenir presque étrangers. Les architectes, entrepreneurs et maçons qualifiés ont le monopole du chantier et le futur habitant ne participe que financièrement à la concrétisation de son projet : il est laissé dans l’ignorance dans le but de créer une dépendance totale aux corps de métiers qualifiés. « Dans l’urbanisme il y’a une logique sociale. Ce serait bien si on apprenait aux gens à faire de la self-construction »15 Nous rappelons que le M’Zab a été fondé par une communauté très soudée. La construction de chacun des ksour n’a été possible que grâce à l’entre-aide et à la solidarité. Il n’existait pas un concepteur ou un constructeur unique : l’ensemble de la population s’est concertée, mobilisée et mise à l’œuvre pour monter, pierre par pierre, la forteresse qui leur assurerait une vie paisible. Le retour à ces valeurs d’entre-aide et l’investissement de chaque citoyen dans la construction de sa propre maison permettrait de lui faire prendre conscience de la valeur de son bien et de l’importance des principes constructifs ancestraux. La participation est sans doutes un premier pas vers la construction responsable dans les environs de la vallée du M’Zab.

                                                                                                               15  De  l’entretien  avec  André  Ravéreau  

  148  

  149  

5.3 Cartographie de l’évolution de la vallée du M’Zab Les phases d’évolution Nous avons précédemment abordé les facteurs de changements survenus depuis la période d’indépendance jusqu’à nos jours. Ces facteurs économiques et sociaux, entre autres, ont eu des conséquences néfastes sur le développement de la vallée - aboutissant à l’urbanisme que nous connaissons aujourd’hui. Nous allons à présent retracer brièvement les périodes du M’Zab qui permettent de situer les grandes influences extérieures et qui peuvent se diviser en trois ensembles : la phase précoloniale, la phase coloniale et la phase d’indépendance. Nous illustrerons les phases de changement jusqu’à aujourd’hui sur les cartes de l’évolution de la vallée du M’Zab.

- La phase précoloniale

1. La période d’isolement (Xe au XIVe siècle)

Cette période se caractérise par un isolement presque complet vis-à-vis de l’extérieur : parfaitement volontaire et maîtrisé, il vise la préservation de l’identité idéologique de la communauté ibadite. Cette communauté s’est reconstituée dans un milieu hostile dans le but de se maintenir à l’abri des menaces que constituaient les pouvoirs centraux et régionaux.

Les ibadites du M’Zab ont installé une solide organisation sociopolitique, menant à la construction des ksour et de leurs palmeraies ainsi qu’à leur conversion en mozabites. Les mozabites sont donc des citadins de la vallée du M’Zab pratiquant le culte ibadite, issu de la religion musulmane.

Ils vécurent des phases difficiles pendant lesquelles la nourriture dépendait exclusivement de leurs cultures de palmeraies souvent menacées par la sécheresse. Dans l’obligation de recourir à d’autres denrées vitales, les mozabites se sont mis à la recherche de ressources extérieures à la vallée, établissant ainsi un nouveau réseau commercial.

Durant cette période, nous pouvons conclure à un isolement presque total de la communauté repliée sur elle-même. Les règlements adoptés pour la sécurité au niveau religieux, social et architectural sont établis conformément aux fondements de la communauté. La dépendance de l’agriculture comme seule source nourricière et l’égalité de tous les hommes sont également des caractéristiques particulières de cette époque.

  150  

  151  

2. La période d’ouverture (XIVe au XIXe siècle)

A l’aube de cette ouverture, des vagues de commerçants se sont déplacées vers le nord durant les périodes d’échanges commerciaux. Les premières présences de ces commerçants sont estimées au XIVe siècle par les historiens. Lors de la période ottomane, les ibadites ont mis en place divers pôles économiques dans la plupart des villes du nord du Maghreb.

L’objectif de ce commerce était exclusivement d’investir les revenus dans la vallée pour permettre le développement des ksour et des palmeraies. C’est grâce à cet apport financier extérieur que la vallée a connu un épanouissement appréciable, particulièrement au niveau de la culture des palmeraies.

Les centres urbains économiquement influents que sont devenus les ksour doivent beaucoup à cette stratégie commerciale : Ghardaïa a ainsi développé sa nouvelle fonction de station commerciale très prisée sur la route saharienne reliant le nord au sud.

Cette influence économique a nourri les ambitions des fractions nomades, dispersées un peu partout dans le Sahara, de venir s’installer au M’Zab.

Durant cette période, l’ouverture des mozabites vers d’autres communautés de différentes idéologies et pratiques sociales est exclusivement limitée aux échanges commerciaux. Une certaine diversité s’installe entre les membres de la communauté par ces déplacements, mais l’esprit de solidarité et d’entre-aide reste bien présent tout comme le respect des règlements établis.

  153  

  154  

- La phase coloniale

Allant de 1882 à 1962 pour le M’Zab, cette phase commença par une structuration du territoire qui permit à l’état français de mieux contrôler la région. Une infrastructure routière a été mise en place, reliant les diverses villes du M’Zab entre elles et avec l’extérieur de la vallée. Afin de mieux contrôler et recenser la population du désert, les communautés nomades et semi-nomades ont été sédentarisées dans une nouvelle agglomération rurale crée en 1868 dans la palmeraie de Ghardaïa : Daya ben Dahoua.

« Les conditions de vie nouvelles offertes aux Chaambas par l'exploitation industrielle de certaines zones du Sahara est en train de bouleverser complètement la structure traditionnelle de ces groupes humains. Les Caravanes sont maintenant supplantées par les camions, l'élevage de type traditionnel s'avère trop aléatoire, les besoins en main-d'œuvre convenablement rémunérée sur les chantiers ont considérablement augmenté.

Tous ces facteurs accélèrent la désagrégation des grandes tribus et de l'esprit communautaire qui conditionnait leur survie. De plus, l'administration mise en place par la France qui était conçue pour des sédentaires s'est depuis longtemps efforcée de sédentariser les nomades en leur offrant des avantages matériels qu'il leur était difficile de refuser. Ce mouvement de sédentarisation ne fera que s'accentuer, mais, comme le fait remarquer P.Passager, chaque médaille à son revers, et le prolétariat ksourien s'accroît simultanément. L'ère des grands nomades et des caravanes paraît être sur le point de s'achever, tout au moins dans cette région du désert. Comme partout, des structures sociales inchangées depuis des siècles, et qui paraissaient immuables, sont en voie de disparition en même temps que risque de se diluer progressivement la pureté raciale de ces groupements. »16

Les français pour leur part, s’installèrent dans un nouveau quartier destiné aux européens. Ce quartier de type administratif et résidentiel est venu se greffer au ksar de Ghardaïa, le long de la route la reliant à Beni Izguen. Ce quartier est devenu l’actuel centre ville de Ghardaïa dans lequel se situent les bureaux de la wilaya.

                                                                                                               16    RUFFIE J., DUCOS J., LARROUY G., Etude hémotypologique des populations Chaambas de la région du M'Zab (département des oasis), Bulletins et mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, 1962

  155  

  156  

De nouvelles typologies architecturales sont apparues, principalement le long des nouveaux axes routiers, convertis avec le temps en véritables tracés de croissance urbaine. Les bâtiments sont par conséquence venus s’y aligner de manière européenne, les convertissant peu à peu en boulevards, tandis que des façades davantage ouvertes et des habitations de type pavillonnaire sont progressivement apparues.

La croissance du M’Zab a été appuyée par les découvertes, dans les années 1950, du pétrole dans la région et de la nappe albienne. Ces éléments firent entrer le M’Zab dans une dynamique d’expansion économique et démographique modifiant son influence dans le Sahara.

Cette période coloniale est donc définie par une ouverture forcée de la communauté par l’oppression coloniale qui n’a pas tenu compte des spécificités sociales et historiques. L’établissement d’institutions gouvernementales, comme expliqué précédemment, écrase l’importance des institutions traditionnelles. L’apparition d’une nouvelle population dans la région et le renforcement des disparités sociales dans la communauté sont des facteurs additionnels ayant bloqué le processus de formation des ksour.

  157  

  158  

- La phase d’indépendance

Après l’indépendance de 1962, Ghardaïa a gardé son statut colonial de commune jusqu’en 1974, où elle a acquis le statut de Daïra (sous-préfecture) rattachée à la wilaya de Laghouat avant d’être promue définitivement au rang de wilaya comptant 13 communes.

Durant la première décennie d’indépendance, la vallée entra dans une politique nationale d’investissement, principalement dans le domaine industriel. Des industries ont alors investi une zone dans les environs de la vallée, ce qui a relancé l’économie locale. De nombreuses transformations du tissu urbain se sont fait ressentir, notamment au niveau des palmeraies essentiellement liées aux mouvements migratoires attirés par cette offre d’emplois. La vallée a été envahie par de nouveaux types d’habitations et de dépôts ayant recours à des styles architecturaux étrangers à la vallée et construits avec des matériaux qui ne le sont pas moins.

Une ordonnance relative à la protection des sites et monuments historiques a définitivement classé le M’Zab en 1971 parmi les sites du patrimoine national. Ce classement a été renforcé par l’établissement d’un plan relatif au secteur sauvegardé en 2005.

Cette phase se présente comme une continuité de l’ouverture de la société d’une manière non structurée et portant préjudice à sa culture. Les institutions traditionnelles ont continué de s’affaiblir, ne traitant plus que quelques affaires sociales. Les institutions gouvernementales prirent des décisions au détriment de la culture de la vallée. Le M’Zab s’est vu placé dans de grands projets nationaux qui ne sont pas particulièrement conformes à ses spécificités. La croissance économique est basée essentiellement sur l’industrie et les travaux publics, ce qui a déclenché une affluence d’individus dépassant les capacités de la vallée.

  159  

  160  

Les plans d’urbanisme

- Le plan Ravéreau - Le plan Speer - Le Plan d’Urbanisme Directeur PUD - Le Plan Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme PDAU - Les Pland d’Occupation du Sol POS - Le Plan Permanant de Sauvergarde et de Mise en Valeur du Secteur

Sauvegardé PPSMVSS

Le plan Ravéreau (1962- 1972) :

Le premier plan d’urbanisme du M’Zab réalisé par l’atelier reprenait les données topographiques de la vallée et l’implantation des ksour le long de l’oued. Ces plans, d’une valeur historique intéressante, permettent de rendre compte de la situation dans les années 1970, quelques années après l’indépendance. Le site est alors presque totalement vierge et se partage entre ksour, palmeraies et cimetières.

Ce plan est le premier outil qui tente de déterminer les grandes lignes de la croissance urbaine. Dans le but de préserver ce patrimoine local, André Ravéreau initia une campagne de sensibilisation autour de l’importance de cet héritage auprès des citoyens et des pouvoirs publics. Le plan dessiné par l’atelier a établi les recommandations suivantes:

- Protéger les vues sur les ksour - Préserver le caractère traditionnel du site - Empêcher l’extension du nouveau tissu urbain

Pour soutenir ce dernier point, plusieurs propositions ont été envisagées : des zones d’extension, la décentralisation et l’accroissement des équipements existants mais aussi la création d’un nouveau tracé de voies pour une meilleure desserte de la vallée.

La réalité du terrain, ses enjeux et les problèmes étaient cependant trop conséquents et complexes pour être résolus par ces suggestions. Le processus effréné d’urbanisation informelle progressait de manière exponentielle dans une totale impunité.

Les constructions les plus récentes sont le quartier juif “Chahben el ihoudi” au sud du ksar de Ghardaïa et le quartier français. Cette population juive a fuit dès que l’Algérie est devenue indépendante, cédant ces habitations aux rares étrangers de la vallée. C’est d’ailleurs dans la rue de Palestine que vînt s’installer l’Atelier du M’Zab. Aujourd’hui, ce quartier reste un quartier vivant de commerce à proximité de la place du marché et des institutions de la wilaya. La synagogue, laissée à l’abandon, fait aujourd’hui l’objet d’un appel à projet de restauration pour les architectes. Depuis janvier 2011, elle n’a toujours pas trouvé preneur. C’est pourtant un élément historique important de Ghardaïa, unique lieu de culte judaïque présent aux limites du ksar.

  161  

  162  

Le plan Speer (1973 – 1988) :

Les autorités algériennes ont demandé un second plan d’urbanisme, réalisé par l’architecte allemand Albert Speer, chargé de reconstruction urbaine par Hitler lors de la Seconde Guerre Mondiale. Ce plan s’inscrit dans une perspective de quinze ans allant de 1973 à 1988. Les premières esquisses furent présentées dès 1973, mais il faudra attendre 1977 pour en élaborer le plan final. Ce plan se présente avec une zone industrielle, des objectifs de densification du tissu existant et de nouveaux espaces urbains sans réelle analyse urbaine préalable relatant l’histoire des lieux.

Les propositions prévoient des extensions systématiques à l’intérieur de la vallée sans tenir compte du patrimoine existant. Ses objectifs étaient totalement opposés à ceux du plan précédent visant probablement à répondre à des statistiques pour la durée et l’exécution du plan. La vallée, souffrant déjà d’insuffisance en eau potable et d’évacuation des eaux usées, n’a pu être allégée de ces problèmes par les propositions de Speer. Au contraire, la densification des unités urbaines existantes et la création de nouvelles n’ont fait qu’aggraver la situation.

Les objectifs du plan:

- Tracé basé sur des études urbaines quantitatives et non sur une observation qualitative du patrimoine

- Création de nouveaux pôles urbains à caractère résidentiel dans la palmeraie avec un réseau routier de passage réduisant l’espace de culture

- Création de nouveaux noyaux urbains dans des terrains inondables ou des sites sensibles

- Création d’une zone industrielle en aval de la palmeraie d’El Atteuf, bouleversant l’ordre de son territoire

- Fixation de la hauteur limite des habitations du ksar à 9m au lieu de 7,5m initialement fixée par la réglementation traditionnelle. Cette mesure constitue encore aujourd’hui, une atteinte à l’équilibre formel des ksour

Le plan Speer a été fortement critiqué par l’Atelier d’Etudes et de Restauration de la Vallée du M’Zab qui a émis des réserves de fond pour préserver le site historique en limitant l’extension extra-muros.

  163  

Fig. 5 Plan d’Urbanisme Directeur

  164  

Le PUD (1987 – 2002):

Le Plan d’Urbanisme Directeur a été élaboré par le bureau d’études local “URBATIA”. Ont été proposées comme orientations:

- Création d’une zone d’extension - Nouveau schéma de voirie - Production d’un cadre bâti de qualité adapté aux particularités de la région - Protection des sites historiques et préservation des terres agricoles

Ourgihnou a été proposé pour le site d’extension, offrant 400 Ha de terres. Situé à 16 km au nord de Ghardaïa, le long de la route nationale desservant le M’Zab et Berriane, ce site avait préalablement été proposé par Ravéreau pour l’extension en système ksourien de la vallée vers 1963. Le PUD a également proposé le site de Bouraoua, côté droit de la Route Nationale 1, avant d’être transféré vers le côté gauche de la route. Bouharoua s’étend aujourd’hui de part et d’autre de la RN1, proposant une diversité de fonctions allant du musée de la culture mozabite à des commerces de gros ou des logements.

Comme le plan précédent, ce plan s’est basé sur des données urbaines quantitatives sous-estimant bien souvent les données démographiques réelles. Les réponses proposées quant aux demandes d’habitat et d’équipement ne sont donc pas objectives.

  165  

Fig. 6 PDAU de Ghardaïa

  166  

Le PDAU (1992 – 2012)

Le Plan Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme est en fonction pour une période de 20 ans. Il a été tracé selon la nouvelle réglementation d’urbanisme relative à la loi n° 90-29 du 1er décembre 1990. Cet outil traite de l’aménagement du territoire de la commune et de ses entités urbaines (comme pour le PUD). C’est d’ailleurs la même agence URBATIA qui a été chargée de sa mise en forme.

Les grandes lignes de ce plan concernent les points suivants:

- La préservation de la vallée - La promotion des espaces oasiens - Les extensions à l’intérieur et à l’extérieur de la vallée sous la dénomination de

“pôles de croissance”

Ces pôles de croissance sont proposés dans les sites de:

- Ourgihnou (préalablement établi par le PUD) - Hamrayat (au nord-est d’El Atteuf) - Tilemssassine (au sud-est d’El Atteuf) - Bouhraoua (au nord de Ghardaïa)

Ces pôles, à l’exception de Ourighnou situé à plus de 10 km de la vallée, sont considérés comme une continuité de l’agglomération de Ghardaïa aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la vallée. De par leur proximité, ces derniers sont en relation directe avec la vallée, imposant leur impact visuel sur les flancs de la vallée et augmentant les problématiques liées à l’évacuation des eaux usagées.

Les pouvoirs publics, ayant constaté le dépassement du plan par la réalité du terrain en 2006, ont décidé d’enclencher sa révision avant terme. Cette révision est établie par le bureau URBATIA mais n’a pas abouti avant la date d’échéance prévue pour 2012.

Le PDAU, en phase de diagnostique en décembre 2011, est en cours d’élaboration et ne sera publié qu’au terme de cette année 2012. De nouveaux relevés topographiques étaient effectués lors de notre visite sur place à l’aide des outils de repérage satellites algériens.

Les points importants à retenir du PDAU sont la mise en place de pôles de croissance octroyant à Ghardaïa un statut de pôle encore plus important dans la vallée. Ces pôles, initialement conçus pour palier aux demandes de logement, sont devenus des quartiers informels alourdissant la liste des tares liées à la ville.

  167  

Fig. 7 Secteur Sauvegardé

Fig. 8 PPSMVSS

  168  

Les POS

Divers Plans d’Occupation du Sol ont été établis suite à une recommandation du PDAU. Ces plans se sont adaptés aux emplacements des sites historiques des ksour dans l’esprit d’un plan de sauvegarde. Le premier plan a été initié à l’occasion des festivités du premier millénaire du ksar de El Atteuf en 1996. La démarche s’est poursuivie pour l’ensemble des ksour de la wilaya.

C’est le bureau URBAT qui a été chargé de réaliser ses plans. Ce bureau a accumulé une certaine expérience en réalisant auparavant les plans de sauvegarde de trois ksour ainsi que plusieurs études de restauration de monuments historiques.

La mise en place de ces plans a rapidement entrainé la prise en charge des travaux d’urgence, la restauration des maisons traditionnelles et des infrastructures appartenant aux ksour.

Le PPSMVSS

Le Plan Permanant de Sauvegarde et de Mise en Valeur du Secteur Sauvegardé est une conséquence de la nouvelle réglementation classant la vallée du M’Zab comme secteur sauvegardé. Ce secteur sauvegardé s’étend sur une surface de 54 km2 englobant la totalité de la vallée et ses affluents. Ce plan est proposé comme une réponse aux problèmes liés à la préservation et au développement actuel de la vallée, mettant en valeur sa richesse historique et culturelle.

  169  

  170  

5.4 Conclusion La vallée du M’Zab a été urbanisée au XIe siècle selon des principes très stricts établis en fonction des principes religieux mais avant tout du climat et du site hostile dans laquelle elle était établie. Le partage du territoire en fonction des terres inondables et des sites à l’abri des crues de l’oued a permis l’installation d’une communauté capable de vivre en quasi autarcie durant plusieurs siècles. L’architecture et l’urbanisme se sont développés en fonction d’un savoir-faire ancestral jusqu’à ce que des facteurs étrangers à la vallée viennent perturber ses pratiques traditionnelles. Notre développement dans ce mémoire a soulevé d’une part certaines problématiques en opposition aux principes traditionnels et d’autre part, des évolutions positives pour le futur de la vallée. Si le bilan semble amer dans son ensemble, c’est qu’il est la conséquence d’une expérience et d’un ressenti personnel trop souvent confortés par les avis d’experts consultés sur place. Si l’on parvient à prendre du recul par rapport à certaines pratiques déplorables, le M’Zab conserve toutefois une force et une unité indéniable. Cet établissement humain est la démonstration qu’avec une certaine organisation et une grande rigueur, il est possible d’offrir une certaine qualité de vie en adaptant son urbanisme aux contraintes locales tout en tirant le meilleur parti des éléments naturels. Certains habitants de ksar n’hésitent pas, entre autres, à laisser certaines maisons se dégrader jusqu’à la ruine afin de pouvoir les reconstruire totalement, en passant outre les recommandations de l’OPVM qui conseille une restauration du bien patrimonial. La campagne de sensibilisation auprès de la population par le biais de fascicules ou de vidéos valorisant l’architecture mozabite ne semble pas avoir assez d’impact sur les habitants attirés par les constructions neuves. La destruction au sein des ksour est un problème auquel le prochain PDAU tentera de palier au même titre que l’urbanisation effrénée de la vallée, l’occupation des sites naturels entourant la vallée et l’urbanisation des lits inondables. La gestion des villes satellites est également une question mentionnée dans les intentions du plan directeur. Qu’il s’agisse des sites liés au développement économique de la vallée comme Bouharoua ou ceux consacrés au logement tels que Oued N’Chou, chaque site doit être géré au mieux afin de contrôler leur croissance. Il est primordial de revoir l’organisation générale de Oued N’Chou qui manque cruellement d’équipements propres qui lui attribueraient une certaine autonomie. La planification de ce site s’est faite sans étude préalable et dans la hâte de reloger certaines victimes d’inondations. La nécessité pour ces sites de se rattacher à la vallée ne fait qu’accroitre les difficultés qu’elle tente de gérer.

  171  

  172  

Le ministère de la culture et la wilaya admettent avoir été dépassés par la prolifération des constructions illicites mais soutiennent l’interdiction totale de construction dans le secteur sauvegardé. Le ministère de la culture mène néanmoins un programme de création d’équipements à Ghardaïa comprenant 7,64 ha de constructions (débuté en 2011). Les prises de positions et les décisions des autorités ne sont pas totalement cohérentes lorsqu’on compare les recommandations et les pratiques sur le terrain. La vallée se retrouve dans une situation ambiguë, tiraillée entre son développement social et culturel de par sa promotion en temps que chef-lieu de wilaya et sa valeur historique de site classé au patrimoine mondial. Depuis la moitié du XXe siècle, de nombreux changements se sont opérés dans la vallée, déclenchés par la relance économique opérée après l’indépendance. L’industrie est apparue dans la vallée, amenant avec elle une population de travailleurs indispensable à son développement. D’autre part, depuis la colonisation française, de nouvelles institutions se sont peu à peu établies, faisant concurrence aux institutions traditionnelles et leur confisquant l’autorité administrative. Les institutions traditionnelles ont été marginalisées et affaiblies, laissant place au pouvoir de l’état. Les nouvelles populations de migrants ont apporté des cultures étrangères à la vallée, entraînant l’apparition d’une nouvelle culture mozabite inspirée par l’extérieur. De nouveaux comportements sont apparus et l’individualisme s’est retranscrit dans l’architecture : inspirée d’autres latitudes et construite avec des matériaux étrangers à la vallée tels que le béton, le verre ou l’acier, elle s’est installée dans la vallée, investissant les palmeraies. Les palmeraies subissent aujourd’hui le lourd tribut d’une négligence de la part des autorités qui, à l’origine, distribuaient ces terres pour palier à la crise démographique. Depuis, les palmeraies sont devenues des espaces à préserver mais de nombreux nouveaux quartiers s’y sont installés et leur surface continue de se réduire. L’ignorance des habitants et l’inconscience des autorités, pourtant informées des risques encourus, a poussé les limites des quartiers dans les lits inondables de l’oued M’Zab. L’investissement de ces espaces à moindre coût situés à proximité des ksour a eu de lourdes conséquences ; les eaux violentes de la crue de l’oued ont fait des dizaines de morts lors des inondations de 2008. Cette catastrophe est d’autant plus tragique qu’elle était prévisible et annoncée par de nombreux experts. Malgré les changements survenus dans la région et leurs déplacements sur de longues périodes en dehors de la vallée, les Mozabites restent très attachés à leur terre et à leur culture. Le retour vers la vallée se fait systématiquement et s’accompagne souvent d’un réel désir d’investissement auprès de la population. Même si leur mode de vie a été influencé par leurs voyages et que leurs constructions en sont inspirées, la solidarité et l’entre-aide sont des valeurs qui restent très présentes. L’identité du Mozabite issu de l’Ibadisme reste fidèle à sa culture et les changements notoires dans la vallée n’ont pas atteint certaines pratiques socio-religieuses. Les habitations, pour leur part, ont subit quelques changements liés au mode de vie actuelle.

  173  

  174  

Les espaces se sont adaptés aux équipements électroménagers mais ont quelque peu perdu la subtilité de l’agencement traditionnel. Le grand espace lumineux polyvalent au cœur de la maison traditionnelle Ouest Eddar a laissé place à des espaces aux fonctions bien définies comme la cuisine, la salle à manger, le salon… Les portes apparaissent, synonyme d’intimité de l’individu qui remplace l’intimité générale de la famille. L’orientation en fonction de l’ensoleillement et des vents de sable n’est plus prise en compte puisque la température est désormais contrôlée par les systèmes de chauffage et de climatisation. Le savoir-faire ancestral et l’adaptation au site permettant de créer un microclimat au sein de la maison a été abandonné au profit d’un confort thermique assisté. L’organisation du territoire savamment établie par les ibadites a offert la possibilité d’établir des cultures dans les palmeraies. Le système de partage et de redistribution des eaux de l’oued est un exploit qui rappelle encore aujourd’hui l’importance qu’il faut accorder à la gestion de l’eau dans la vallée. Dans sa croissance, la vallée n’a pas développé de réel système de traitement des eaux usagées ; l’eau est un élément précieux dans le désert et l’assainissement des eaux permettrait leur réutilisation. Cette question est aujourd’hui étudiée alors que le progrès n’avait jusqu’ici été utilisé que pour puiser des eaux dans la nappe albienne, les nappes phréatiques étant victimes de la pollution. Une gestion générale de l’eau passant également par le tracé de l’oued M’Zab est essentielle pour palier au problème de pollution des nappes et limiter les risques d’inondation. La question du respect de l’environnement est abordée avec davantage de sérieux dans les nouveaux projets. L’ensemble de logements de Tafilalt est un exemple de construction avec des matériaux locaux et des techniques anciennes de maçonnerie en pierre et l’utilisation du plâtre. Ce projet à caractère participatif a permis à des familles modestes d’accéder à la propriété grâce notamment à la solidarité ancestrale établie par les institutions traditionnelles. Un grand nombre de pratiques sociales traditionnelles pourraient apporter des réponses aux problématiques que connaît le M’Zab actuellement. Les institutions traditionnelles sont gardiennes de principes qui ont permis à la fois la fondation de la pentapole et sa pérennisation durant un millénaire. Leur affaiblissement par les autorités locales a progressivement amoindri la valeur de règles indispensables à la vie dans un milieu désertique. Les plans liés à la sauvegarde des monuments et sites ont été en grande partie initiés suite à une demande du comité du patrimoine mondial. La wilaya, quant à elle, se charge d’autre part d’établir des plans au service du développement économique de la vallée. Bien qu’en charge des plans de sauvegarde, la wilaya prend peu d’initiatives quant à leur élaboration, préférant faire des recommandations relatives aux monuments et sites dans les plans d’aménagement urbain.

  175  

  176  

L’installation de personnes étrangères au M’Zab ne s’est pas effectuée de manière cohérente. Ils y ont importé leur mode de vie non-compatible avec le climat et les pratiques locales alors que c’était à eux de s’adapter et de s’établir de manière conforme aux règles établies. Le développement de la vallée doit aller dans le sens du progrès tout en consultant les institutions traditionnelles qui permettront de rétablir un équilibre entre la population et l’urbanisme. Les habitants doivent rétablir un lien avec l’architecture qu’ils côtoient quotidiennement et prendre conscience des conséquences que peuvent avoir des comportements irresponsables comme la construction aux abords de l’oued. Le rôle des autorités, en collaboration avec les institutions locales, serait entre autres de confronter les habitants avec la réalité en faisant appel à une nouvelle forme d’éducation. Les principes ancestraux responsables de la réussite de ce patrimoine millénaire sont certes anciens mais extrêmement modernes, devançant de loin nos théories actuelles de « développement durable ». Par conséquent, un urbanisme contemporain durable et esthétique peut être atteint par l’application de ces principes, tout à fait appropriés aujourd’hui. Le patrimoine matériel sauvegardé, grâce au classement de la vallée par André Ravéreau, n’est rien sans le savoir-faire et la connaissance ancestrale que ce dernier a tenté de mettre en lumière dans ses ouvrages. Désormais, les autorités doivent conscientiser la population en matière de respect de l’identité du M’Zab afin de ne pas dénaturer le paysage naturel. Le non-respect des règlementations doit mener à des sanctions de manière à faire respecter l’ordre établi. L’évolution de la vallée doit prendre un tournant décisif au plus vite pour préserver le paysage encore sauf aujourd’hui. Le retour à des valeurs traditionnelles et la sensibilisation à l’environnement sont des démarches positives que l’on retrouve dans le projet de Tafilalt. Une réelle volonté de changement est possible pour autant que la population fasse preuve de motivation. Par respect des anciens, les Mozabites se doivent de préserver au mieux le patrimoine qui leur a été légué pour le transmettre aux générations futures en perpétuant la philosophie du M’Zab.

  177  

  178  

  179  

  180  

Annexes

Historique des Ibadites

Afin de mieux comprendre l'organisation et le mode de vie dans la vallée du M'Zab, il est fondamental de comprendre l'histoire de la communauté qui s'y est installé. Cette dernière a organisé tout son mode de vie selon la doctrine Ibadite et a réuni plusieurs familles venues dans la vallée afin de vivre en harmonie selon leur préceptes religieux.

Les Ibadites sont une branche des Kharajites qui est la plus petite branche de l'islam parallèle au sunnisme et au chiisme. Les Ibadites, pacifistes, refusèrent de prendre part aux guerres de succession du prophète Mohammed et décidèrent de fuir le Moyen-Orient. En 770, Ibn Rostem, contemporain de Charlemagne, commença par édifier Tahert qui deviendra par la suite la capitale de l'empire Rostomide. Le site de la ville est choisi en fonction de ses accès facilement défendables: à près de 1000 mètres d'altitude, il est couvert sur toutes ses faces par les collines voisines. Son approvisionnement en eau est assuré par des sources et des oueds proches. La ville est située à un point de passage fréquenté de longue date la destinant ainsi à devenir un point d'échange pour tout type de commerce comme celui de l'or venu du Soudan.

L'état Rostomide connu une longue période de prospérité et d'épanouissement. Drainant un commerce quasiment international de l'or, des esclaves et du sel, Tahert acquiert une grande influence et gagne en opulence et en richesse.1

1 MONTAGNON P., Histoire de l'Algérie. Des origines à nos jours, éditions Pygmalion, 1998, Paris

  181  

  182  

Attisant la convoitise des états voisins, Tahert fut prise en 909 par les Fatimides chassant les Ibadites de leur territoire. Ceux-ci se décident alors de choisir le désert comme lieu adéquat pour préserver leur idéologie. Ils fondèrent une nouvelle ville située à quelques kilomètres au Sud-Est de Ouargla: Sédrata. De nombreux vestiges exposés dans les musées nationaux témoignant du raffinement de son architecture furent retrouvés et attestent de la grande connaissance de la pratique de l'art islamique des Ibadites. Les habitations de Sédrata étaient luxueuses, décorées de marbre et d'autres matériaux issus du commerce maritime.

Revêtement en plâtre sculpté (Sedrata)2

Le luxe et le faste de cette cité, ses fondements idéologiques et intellectuels en contradiction avec les royaumes voisins ont abouti a une attaque de la ville par ceux-ci. Elle fut attaquée une première fois en 1075 par les Hamadites et complètement détruite en 1274. Sedrata disparut sous les sables après s'être développée remarquablement au sein d'une oasis.

Suite à ces attaques incessantes, les Ibadites avertis avaient envoyé des « géographes traditionnels » afin de trouver une site favorable à l'implantation d'une nouvelle cité qui leur permettrait de concrétiser leur volonté de vie introvertie. Il s'agissait de trouver un endroit aride difficilement accessible par leurs ennemis et stratégiquement défendable. C'est donc dans la Chebka du M'Zab que la communauté Ibadite choisit de s'installer. Le choix d'un site où l'eau n'est pas présente en permanence est une volonté spécifique. L'eau étant l'élément d'implantation primordial pour toute civilisation, sa rareté assurait en quelque sorte le découragement des ennemis.

Chaque ksar possède sa propre palmeraie et son système d'irrigation, cimetière et aires de prières. Vivant éloignée et isolée du monde extérieur, la population a pu developer sa propre organisation socio- politique, ses propres traditions, son économie, son organisation religieuse, résistant à toute tentative d'invasion durant une dizaine de siècles.

En juillet 1830, l'armée française commence son occupation de la ville d'Alger pour ensuite gagner tout le nord de l'Algérie. Plus tard, en 1850, l'occupation du sud prit place avec l'annexion de Laghouat et ensuite celle du M'Zab en 1882.

  183  

  184  

La population française était absente des zones appelées « palmeraies » jusqu'à la fin du XIX

e

siècle3

Suite à l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962, Ghardaïa préserva son statut administratif de commune accordé à l'époque coloniale. Suite au découpage administratif qui eu lieu en 1974, elle a acquis le statut de daïra (subdivision administrative de la wilaya regroupant plusieurs communes) rattachée à la wilaya de Laghouat. Elle fut enfin promue au range de wilaya suite au dernier découpage administratif de 1984.

2 CANESTRARI C., Colajanni L., Pazienti M., La colonizzazione del territorio: il modello

francese. L'Algeria tra il 1830 e il 1962

  185  

  186  

Organisation Socio-politique

Fuyant l'instabilité des pouvoirs religieux de l'époque, les Ibadites s'efforcèrent à mettre en place leur propre organisation sociale qui régirait les comportements adéquats à une vie en communauté. Dans un lieu aussi retiré et hostile où tout était à faire, ils ont été obligés de s'organiser socialement, économiquement et politiquement. Les lois régissant les comportements sont à respecter au risque de se voir imposer une excommunication, perte de tous les droits mozabites.

Les fondements d'organisation socio-politique et religieuse, s'appliquant à l'ensemble des cités et régissant principalement l'urbanisme sont profondément inspirés des principes d'égalité de la religion. Tout ksar est organisé comme une entité autonome avec un territoire délimité pour sa partie urbaine, sa palmeraie et son cimetière. Ces infrastructures répondent aux besoins matériels et spirituels des habitants ; dans les ksour, les règles régissent les structures nécessaires comme la mosquée, les habitations, les rues dans le but de créer un équilibre et un respect de l'intimité des habitants.

Les lois régissant l'urbanisme se basent sur des règles coutumières subsistent encore malgré le changement s'opérant depuis quelques décennies dans la vallée. Certaines de ces règles furent établies dès la fondation des ksour, d'autres sont initiées par l'action des oulémas en matière de jurispridence au sein des conseils de Ami Saïd et de Ba Abderrahmane El Kurti (voire structures religieuses).

Règles de l'habitat :

2. – La hauteur du bâti doit être en harmonie avec les habitations environnantes. Il est interdit à quiconque d'obstruer la perspective du soleil estival à ses voisins. S'il désire élever le mur de sa demeure de son côté, il est tenu obligatoirement à céder l'équivalent de la hauteur voulue ; c'est-à-dire à réduire la surface de sa demeure, sans pour cela dépasser 7,5 m à partir du niveau du sol. Il est également interdit de créer tout balcon, en particulier ceux donnant sur la rue, Ils ne cadrent guère avec le type d'architecture locale, ni avec le climat de la région, en plus du fait qu'ils sont susceptibles de créer des tensions avec le voisinage

3. – Les constructions doivent être couvertes par des terrasses plates. L'élévation de tout autre forme de plafond est interdite, à l'exception bien sûr de l'échelle d'escalier ou de dômes d'aération.

4. – La mitoyenneté est tolérée (c'est-à-dire les maisons accolées les unes aux autres), le cas échéant, la distance qui doit séparer les constructions doit être d'au moins deux mètres. Il est interdit de créer toute ouverture susceptible de donner sur le voisinage.

5. – Il est également conseillé d'éviter plus d'un porte de garage. Sa dimension ne doit point excéder 2,5m x 2,5m. Il est recommandé d'intégrer le garage dans le corps du bâti. Tout artifice de décoration de façade est interdit.

6. – Toutes les constructions doivent obéir à l'exigence d'équilibre général de niveaux dans l'optique d'une sauvegarde permanente de l'harmonie de la cité.

7. – Les murs de clôture doivent être conformes à la norme locale, c'est-à-dire

  187  

  188  

8. construits avec des matériaux locaux dans leur expression la plus simple en évitant tout élément de décoration étrangère à la région ainsi que toute autre forme de clôtures modernes.

L'unité de la forme :

● – Toutes les constructions doivent laisser transparaître une simplicité et une uniformité à même de garantir la sauvegarde de l'harmonie générale de la cité.

● – Toutes les façades doivent être intégrées dans le cadre général et le corps de bâtisses de la cité pour une meilleure harmonie de la forme.

● – Les ouvertures, en particulier celles qui donnent dans les rues, doivent être horizontales et limitées. Elles permettent ainsi de limiter les circulation de l'air chaud et d'éviter les vents de sable à l'intérieur afin de conserver une température stable avec le respect des mœurs générales.

● – Quant à la couleur, toutes les constructions nouvelles ou anciennes doivent adopter une couleur sable ou proche. Cette couleur se distingue par sa parfaite intégration dans l'environnement bâti. De plus, l'impact de son changement au fil du temps es limité, contrairement aux autres couleurs qui subissent des variations par l'effet des éléments, les rapprochant finalement de la couleur sable.

● – Les murs extérieurs ne doivent pas présenter de surface lisse. La rugosité qui leur est imposée les prémunie des effets nocifs des éléments. Elle limite en particulier leur exposition au soleil engendrant des tâches d'ombres permanentes sur le mur.

● – Les affiches publicitaires doivent être intégrées dans le corps architectural général, à l'exception de celles qui, en elles-même, constituent un élément de décoration urbaine.

● – La création d'arcades est interdite ) l'exception des places ou des rues marchandes.

● – La forme architecturale qui convient le mieux au climat sec et chaud est celle qui permet un minimum de luminosité en été et un minimum de perte de chaleur en hiver. A cet effet, il est ���préférable que l'orientation de la construction soit vers le sens sud-est qui permet de bénéficier des rayons de soleil en hiver et de s'en prémunir en été. Quant aux surfaces exposées, il est préférable qu'elles fassent l'objet d'une étude judicieuse qui permet la meilleure adaptation de leur volume et de leur former de manière à permettre un maximum d'ombrage qui leur confère une beauté particulière.

● – Toute construction qui déroge à l'harmonie des sites classés et quelle que soit sa nature est considérée interdite. L'arrachage de palmier est également interdit, ainsi que toute atteinte aux espaces verts en général, Il faut en tenir compte lors de l'élaboration des études.4

  189  

  190  

Première page du manuscrit « El kisma oua ausol El Aradine »

Suite à la création de l'organisation socio-politique par Aboubaker El Forsatai, son fils conçu un règlement qui développe, consolide et résume tout le patrimoine oral en matière d'architecture, d'urbanisme et d'hydraulique ( dans le milieu urbain comme dans le milieu rural). Ce manuscrit, adopté par la communauté et appliqué pour le developpement des ksour s'intitule « El kisma oua ausol El Aradine » (Le partage et les origines des terrains)

Les règles générales émanant de ce manuscrit sont les suivantes :

– Il ne faut pas nuire, ni aux autres ni à soi-même.

– Il faut repousser le mal et attirer le bien, se prémunie contre le mal prime sur la quête du ���bien.

– En cas de conflit l'intérêt collectif prime sur l'intérêt privé.

– Les objectifs justifient le chois des moyens

– L'obéissance de la société dans la production architecturale à des structures législatives et de ���gestion.

– La production architecturale est une responsabilité collective.

  191  

  192  

La communauté mozabite a établi un régime théocratique contenant deux types de structures :

– Les structures sociales profanes qui assurent le pouvoir exécutif

– Les structures religieuses qui les dominent et gèrent les affaires religieuses : Halgate El Azzaba ���(assemblée religieuse). Même si cette assemblée est religieuse, elle possèdera un pouvoir législatif jusqu'à l'arrivée de l'armée française en 1882. ���Les structures sociales

– La fraction (achira): ���La fraction est une unité administrative qui joue un rôle essentiel dans la vie quotidienne de la population. Chaque fraction regroupe une famille au sens large autour d'un ancêtre commun qui donne son nom à la fraction. Elle s'occupe des veuves, des orphelins et des déshérités. Elle règle les mœurs quotidiennes, résout les conflits et prononce l'excommunication (Tébria) à l'égard des membres ayant transgressé les règles de conduites.

– L'assemblée exécutive (layaane) : ���Cette assemblée rassemble un membre de chaque fraction et traite des affaires concernant l'ensemble du ksar. Chaque ksar possède sa propre assemblée exécutive. Elle établit des règlements concernant le comportement civique entre les membres de la société comme la sécurité de la ville, l'entraide ou l'entretien et la réparation des édifices communautaires.

– L'assemblée El Kourti : ���L'assemblée El Kourti rassemble les chefs des assemblées exécutives de tous les ksour de la vallée. Elle siège dans un lieu neutre et possède les mêmes missions que les assemblées exécutives mais à l'échelle de l'ensemble de la vallée. ���Les structures religieuses

– L'assemblée religieuse Halga El Azzaba : ���C'est l'assemblée la plus importante et la plus influente. Elle est constituée de 12 membres (Cheiks) considérés comme l'élite religieuse et forme le conseil qui gouverne spirituellement la vie du ksar. Chaque membre possède un rôle bien spécifique tel que l'appel à la prière pour le muezzin de la mosquée, la direction des prières pour l'imam, la gestion des biens de la mosquée pour le trésorier...���Ce sont les membres de l'assemblée qui ont la responsabilité de prononcer les mariages et les divorces, assurent l'entre-aide à l'égard des démunis. ���Il existe également une assemblée des femmes veillant à l'application des recommandations de la Halga des Azzaba et de l'information auprès des femmes.

  193  

  194  

– L'assemblée Ammi Saïd :

Il s'agit d'une assemblée de Cheiks réunissant chaque assemblée des Halga El Azzaba de l'ensemble de la vallée du M'Zab. Elle se réuni dans un lieu neutre, comme une mosquée de cimetière ou une aire de prière selon un calendrier défini. Les membres de l'assemblée sont chargés de délibérer les instructions religieuses (Fatwa) et les règlements (Ittifaqiat) qui ont force de loi, applicables à l'ensemble de la communauté mozabite. Elle peut siéger également au titre de cour suprême.

Schéma explicatif de l'organisation Socio-politique au M'Zab 5

5 BABANEDJAR Y.,Principes et règles de la fondation et du développement des Ksour de la vallée du M'Zab

Organisation des ksour

Le site de la vallée du M'Zab se situe dans une région désertique aride du Sahara du Nord algérien à 600 km au sud d'Alger. La vallée d'étend sur une longueur d'approximativement 20 km de long sur 2,5 km de large taillé dans la Hamada, un plateau rocheux et désertique. Cette région offre des conditions naturelles particulièrement hostiles à tout établissement humain. Le plateau de roche calcaire est découpé de vallées s'enchevêtrant les unes aux autres formant ainsi une découpe topographique qui s'apparente à une grille. Cette réseau de vallées a valu à la région le nom de Chebka (filet) du M'Zab. L'oued M'Zab s'écoule du Nord-Ouest au Sud-Est uniquement lors de fortes précipitations, ses crues apparaissent à intervalles très irréguliers. Les crues ont lieu en automne et au printemps et peuvent être d'une année à l'autre soit faibles soit au contraire, très abondantes.

  195  

  196  

Climat

Le climat de cette région désertique est caractérisé par de fortes chaleurs en été et la sècheresse de l'air.

Les hivers sont doux comme dans les autres régions du Sahara. – Température

Elle est caractérisé par un grand écart de température entre les température diurnes et nocturnes et entre l'été et l'hiver.���Pendant la période de chaleur qui s'étend du mois de mai au mois de septembre la température moyenne est de 36°C (maxima enregistré: 46°) et les températures hivernales se situent aux environs de 9°C et peuvent atteindre des minima de -1°C.

– Vent���Le vent est le facteur principal de la topographie désertique. Le Sirocco, vent chaud d'été souffle en

moyenne onze jours par an, de mai à septembre, dans la région de Ghardaïa.

Les vents de sable soufflent du sud-est environ 20 jours par an et sont particulièrement fréquent pendant les mois de mars, avril et mai. Des tempêtes de sables pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres de haut peuvent apparaître durant ces périodes de vents.

Les vents d'hiver quand à eux sont froids, relativement humides et viennent du Nord-Ouest – Pluviométrie

Les précipitations sont très faibles en varient en moyenne entre 13 et 68 mm pendant une période de quinze jours par an.���Cette moyenne s'explique par des années à, relativement, fortes précipitations variant entre 50 et 60mm et des années dites de sécheresse pendant lesquelles les précipitations ne dépassent pas les 20 à 30 mm.6

Le site de la vallée du M'Zab était habité bien avant l'arrivée des Ibadites. Des vestiges témoignent de l’existence de villes antérieures aux constructions ibadites. La vallée aurait été un lieu de passage pour les populations nomades s'arrêtant dans des caravansérails. Des vestiges des premiers ksours Berbères sont présents dans la vallée tels que le Ksat de Talazdit ou de Aoulawal dans les alentours d'El Atteuf.

Des gravures préhistoriques ont même été découvertes dans plusieurs plateaux entourant le M'Zab. Ceci prouve la possibilité d'établissement humain dans la vallée, même minime. Le M'Zab a donc connu diverses étapes historiques, de la préhistoire à nos jours en passant par la période islamique précédent l'installation des Ibadites. Les populations ayant précédé les Ibadites possédaient une connaissance du territoire dont les Ibadites s'inspirèrent pour fonder leurs cités.

Chebka du M'zab

La vallée du M'Zab est un site rocheux et irrégulier traversé par un oued. Afin de pouvoir établir des cultures, les premiers habitants se sont donc trouvés dans l'obligation de garder les terres cultivables particulièrement rares dans cette région et de construire sur les masses rocheuses. Les palmeraies sont donc établies sur les terres cultivables et définissent la limite de chaque ksar. Le partage des terres pour chaque ksar se fait par un système d'affectation juridque entre les fractions cofondatrices. Chaque ksar a droit à sa zone d'habitation, sa palmeraie et son espace de cimetière. Il existe également des aires de prières à ciel ouvert

  197  

  198  

(Moçalla) qui font occasionnellement office de lieu de réunion pour les assemblées religieuses. Elles sont situées en dehors des ksour, à proximité des cimetières car c'est là qu'a lieu la dernière prière pour le mort et d'autres traditions religieuses.

Les bordjs sont des tours de guet situées tout le long de la vallée au niveau des crêtes. Implantées à des endroits stratégique, ces tours jouent un rôle de contrôle au même titre que les minarets. Ces points en hauteurs permettent également d'observer l'arrivée de crues.

L'eau étant la préoccupation majeure et la ressource fondamentale à la pérennisation de la vie dans la vallée, il fallait trouver un moyen efficace pour pouvoir capter et stocker l'eau de l'oued lors de ses crues pour les périodes de sécheresse. Il s'agissait également de pouvoir répartir équitablement l'eau pour l'irrigation des jardins pour tout le territoire de l'amont (palmeraie de Ghardaïa) jusqu'à l'aval (palmeraie de El Atteuf) en passant par les palmeraies intermédiaires de Mélika, Ben Isguen et Bounoura).

L'oued M'Zab et ses affluents constituent, en plus de leur apport vital en eau, une continuité et un prolongement des territoires des ksour. C'est un élément directeur qui établit des tracés et dessine la direction des axes de circulation entre les ksour.

De manière à répartir équitablement les ressources du territoire et éviter leur épuisement, les fondateurs ont interdit toute construction urbaine ou de palmeraie en amont de la palmeraie de Ghardaïa. C'est pour cela que les ksour plus récents de Berriane et Guerrera sont situés à quelques kilomètres de la vallée le long de deux autres oueds : Zegrir et Ballouh.

Présentation des cinq ksour���L'urbanisation progressive de la vallée du M'Zab a engendré la création des cinq ksour suivants :

  199  

  200  

Le ksar d'El Atteuf « Tadjninte »:

Le ksar d'El Atteuf fut le premier ksar du processus d'urbanisation de la vallée du M'Zab. Sa date de fondation remonte à 1012 sur un tournant de l'oued. Suite à un litige interne entre les fractions du ksar, une seconde mosquée fut construite dans l'enceinte du ksar. Il est à noter, qu'en général, une seule mosquée est à la base construite par ksar, témoignant de l'unité communautaire régnant chez les Ibadites. Chacune des mosquées possède un minaret en forme d'obélisque.

Le site étant habité avant l'arrivée des ibadites au M'zab et la fondation du premier ksar, des cités existantes comme Agharm n'Alaouel ou Agherm n'Talazdit se retrouvent actuellement englobées par la palmeraie de El Atteuf. Les habitants n'étaient pas ibadites mais mutazilites et furent convertis et devinrent part de la population ibadite habitant dans les nouveaux ksour.

Le ksar de El Atteuf sur la gauche. En blanc, la mosquée de Sidi Brahim

Le ksar de Bounoura « At Bounour »

Une fraction de Sédrata vint s'installer au M'Zab encouragée par le succès du ksar d'El Atteuf. Le ksar de Bounoura fut construit 1046 sur l'emplacement des ruines d'un ancien ksar formant le premier noyau sur le sommet de la colline. Il s'élargit en périphérie autour du noyau ancien. L'ensemble des maisons situées sur la limite rocheuse du site donnant sur l'oued M'Zab (côté ouest) sont des maisons remparts qui forment un front défensif pouvant atteindre une hauteur de vingt mètres. Du côté est, ce sont les fortifications du premier ksar qui font office de limite.

Bounoura est entourée de cimetières qui s'étendent sur de vastes surfaces limitant ainsi l'extension de la ville. Les cimetières sont très respectés et dans la pratique ibadite, tout

Le ksar de Bounoura et sa palmeraie

  201  

  202  

Le ksar de Ghardaïa « Taghardaït »

Le ksar de Ghardaïa, fondé en 1048, est la capitale de la vallée du M'Zab et de la wilaya du même nom. Surnomée « la perle des oasis » c'est le ksar le plus étendu et autour duquel sont répartis un grand nombre d'équipements et d'infrastructures socioculturelles et économiques. Son tissu urbain s'articule de manière radio concentrique autour de la grande mosquée située au sommet de la colline. Le noyau initial du ksar renferme encore l'ancien souk « Rahba » mais après diverses extensions, la place du marché s'est trouvée repoussée à la périphérie du ksar. Aujourd'hui, cette place est englobée dans le ksar par de nouvelles extensions de la ville. Elle représente une activité économique très dynamique à l'échelle locale et régionale.

corps inhumé devient propriétaire de tout ce qui est en dessous et au dessus de sa tombe rendant ainsi impossible tout déplacement des morts. Les cimetières sont ainsi devenus les uniques espaces qui ne connaissent pas de modification dans le temps. Ils sont des zones tampons entre la cité traditionnelle et le reste de l'urbanisation contemporaine.

Ksar de Bounoura

Le ksar de Ghardaïa

  203  

  204  

Le ksar de Mélika « At Mlichete » ���Situé à équidistance des ksour de Ghardaïa et de Beni Isguene, le ksar de Mélika fut fondé en 1350 sur le flanc de la plus haute colline de la vallée. C'est le ksar offrant le plus large panorama sur les cités et bénéficiant des derniers rayons du coucher de soleil. Le ksar de Mélika aurait été construit en deux phases, la première en 1018 et la seconde en 1350. La particularité de Mélika réside dans le fait que son souk est situé à côté de la mosquée, au croisement des axes principaux est-ouest et nord-sud. Mélika était réputée pour la confection de poterie et la cuisson de la chaux dans ses fours traditionnels. ���Le ksar de Mélika

Le ksar de Beni Isguen « At Isdjene » ���Beni Isguen a conservé, depuis sa fondation en 1347, son modèle d'organisation spatiale y compris son mur d'enceinte bordé de tours de guet.���Le ksar est né de la fusion de cinq petits villages : Boukaiou sur la rive gauche de l'oued N'tissa près du grand barrage de Ben Isguen, Tirichine sur la rive droite de l'oued, Morqui sur la colline du même nom, Aghnounaï après le barrage et Tafilelt qui est le noyau du ksar actuel où se regroupèrent les habitants de tous les autres villages. ���Beni Isguen, considérée comme un ville sainte est riche en bibliothèques privées dans lesquelles on peut consulter de nombreux manuscrits et ouvrages concernant la société et la législation ibadite (agriculture, droit, hydraulique, architecture, etc). Le ksar est situé à égale distance des ksour de Mélika et de Bounoura, au confluent de l'oued M'Zab et de l'oued N'tissa. L'oued N'tissa constitue sa limite naturelle. ���Les deux entrées principales de la ville au Nord et au Sud possèdent de grandes portes (Bab Chergui et Bab Gherbi) et les trois autres portillons mènent aux différents cimetières et à la palmeraie. L'ensemble du réseau de rue aboutit au souk de forme triangulaire réputé pour son ancestrale vente aux enchères (ou vente à la criée).

Ksar de Melika

  205  

  206  

Le ksar de Ben Isguen et le lit de l'oued N'tissa

La construction d'un autre ksar dans le processus d'urbanisation de la vallée du M'Zab ne résultait par forcément de la saturation du dernier. Il était possible qu'un nouveau ksar soit construit avant que le précédent s'étende au delà de son noyau initial. La création de nouveaux ksour est également lié à l'arrivée de nouvelles fractions ibadites suite au succès des ksour existants. Il s'agit d'une volonté de démultiplier des centres urbains indépendants afin de leur préserver, dès leur fondation, le territoire propre à chaque cité. Ce système garantit l'occupation de l'ensemble du territoire de la vallée de manière équilibrée.

« ...Si une communauté veut construire un ksar, d'une façon collective ou individuelle, elle peut le construire sur son terrain ou sur un terrain qui ne lui appartient pas, mais avec l'accord de son propriétaire, ou sur un terrain qui n'appartient à personne. Lorsque les gens de cette communauté tombent d'accord sur la création de ce ksar, ils s'entendent sur la répartition des terrains à urbaniser. Ils fixent ensemble rues et ruelles, leur largeur et longueur, ses équipements (...) Et tout cela avec l'accord de l'ensemble des membres et l'avis de leur chefs et savants »9

A l'arrivée de nouvelles familles ibadites, ces dernière devaient adhérer à la communauté établie sur place, construire leur ksar en définissant sa taille maximale en délimitant son espace aux usages habitations, culture et enterrement. Cet espace réservé est déterminé de manière à ce que les ressources soient suffisantes aux besoins des habitants du ksar dans sa taille maximale. Lorsque la capacité maximale des constructions d'habitations a été atteint, la construction d'un autre ksar s'impose.

9 Cheikh Abou El Abbas Ahmed EL FORSATAL, « El kisma oua aussoul el aradin » p 97

  207  

  208  

Lexique Ksar (pl. Ksour): ville fortifiée Moçalla : aire de prière Wilaya : division administrative du territoire Daïra : subdivision de la wilaya dans l’administration territoriale algérien Chebka (ou Chebek) : du mot signifiant grille en arabe. Ouverture zénithale couverte d’une grille qui permet l’éclairage naturel du rez-de-chaussée de la maison mozabite. Chebka du M’Zab : qualification de la topographie de la région par sa similarité à un réseau en grille dessiné par les vallons dans les plateaux. Halga (des Azzabas) : assemblée religieuse composée de douze membres émettant des instruction concernant la vie religieuse et sociale. Timsiridine : assemblée des femmes rattachée à la Halga des Azzabas Majliss (Ammi Saïd): assemblée des clercs (cheikhs) réunissant les représentants de chaque Halga des Azzabas de chaque ksar Cheikh : responsable religieux Oued : cours d’eau Tamadmour : cave de la maison mozabite Sqifa : entrée en chicane N’douia : pièce de réception des invités situé a premier étage Ouest eddar : milieu de la maison en arabe, espace central du rez-de-chaussée distribuant les chambres. Lieu polyvalent dans lequel est situ l’espace cuisine. Tizefri : séjour familial de la maison Ikomar : galerie de colonnes orientée vers le sud pour un ensoleillement optimal Tamnayet : dernier étage de terrasses Bordj : tour de guet fortifiée Wali : En Algérie, Haut fonctionnaire responsable d’une wilaya Souk : Marché

  209  

  210  

Bibliographie

- ADELKHAH & MOUSSAOUI A., Les mosquées, Espaces, institutions et pratiques, revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 2009, France

- ALMI S., Urbanisme et colonisation présence française en Algérie, éditions Mardaga, 2002, Sprimont

- BENYOUCEF B., "Le M'Zab, Parcours millénaire", éditions Alpha, octobre 2010, Alger - CANESTRARI C., Colajanni L., Pazienti M., La colonizzazione del territorio: il modellofrancese. L'Algeria tra il 1830 e il 1962, Franco Angeli/ Storia urbana editore,1983, Milan - Collection Mémoires, Alger 1860-1939 Le modèle ambigu du triomphe colonial, Autrement éditons, 2001, Condé-sur-Noireau - DIDILLON H.& JM., DONNADIEU C.&P., Habiter le désert. Les maisons mozabites, Mardaga, 1995, Bruxelles - ECO U., Come si fa una tesi di laurea, Le materie umanistiche, Tascabili Bompiani, 2010, Bergame - KOUMAS A. Nafa C., L'Algérie et son patrimoine. Dessins français du XIXe siècle, Monum, éditions du patrimoine, 2003 - KUBLER-ROSS E., Death and Dying, The study of society, second edition, The Dushkin Publishing Group, 1977, Guildford - LENCLOS JP.&D., Couleurs du Monde, Géographie de la couleur, Le Moniteur, 1999, Paris - MELIA J., Ghardaïa, Charpentier, 1930, Paris

- MONTAGNON P., Histoire de l'Algérie. Des origines à nos jours, éditions Pygmalion, 1998, Paris - POTIE P., BAUDOUI R., RAVEREAU A., l'Atelier du désert, Parenthèses, 2003, Marseille - PREVOST V., Les Ibadites: De Djerba à Oman, la troisième voie de l'Islam, Brepols, 2010, Turnout - ROCHE M., Le M'Zab, Architecture ibadites en Algérie, Arthuraud, 1970

- ROCHE M., Le M'Zab, cités millénaires du Sahara, E&C éditions, 2003, Esparon

- RAVEREAU A., Le M'Zab, une leçon d'architecture, Sindbad Actes Sud, 2003, Arles - RAVEREAU A., Le sens & l'équilibre, E&C éditions, 2003, Esparon

- RAVEREAU A., La Casbah d'Alger, et le site créa la ville, Sindbad Actes Sud, 2007, Arles

- RAVEREAU A., Le privilège de l'Ombre, galeries et portiques du monde méditerranéen (Inedit) - RAVEREAU A., Carnet de voyage en Algérie (Inedit) - RAVEREAU A., Les Mosquées (Inedit)

  211  

  212  

- RUFFIE J., DUCOS J., LARROUY G., Etude hémotypologique des populations Chaambas de la région du M'Zab (département des oasis), Bulletins et mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, 1962, Paris

- SAID EW., L'Orientalisme, L'Orient créé par l'Occident, Seuil, 1997, Lonrai

Travaux - KHODJA M.Ali, Sauvegarde des tissus anciens à travers la réhabilitation des maisons traditionnelles

cas de la vallée du M'Zab, Conférence Internationale sur la Médina, Tlemcen, 13 et 14 mai 2008 - BABANEDJAR Y., Principes et règles de la fondation et du développement des Ksour de la vallée du

M'Zab: une pertinence toujours d'actualité, ENSA Grenoble, Septembre 2008 - BENSAHA H., BENSAHA L., ACHOUR M., Réflexions pour préserver l'environnement: cas de la

vallée du M'Zab (Algérie), Labo. de Protection des Ecosystèmes de Zones Arides et Semi-Arides, Université Kasdi Merbah, Ouargla, 2010

- MADANI S., DIAFAT A., Heritage and New Community Projects In The M'Zab: Case of Tafilalt in Beni

Isguen - Algeria, Laboratoire PUVIT, Université F.A. de Sétif, 2010 - Ecole d'architecture de Nantes, Une médina en transformation: Travaux d'étudiants à Mahdia Tunisie,

Etablissements humains et environnement socio-culturel 52, Organisation des Nations Unines pour l'éducation, la science et la culture, Paris, 2003

Articles - AZZOUG R., Ghardaïa, la ville la plus encombrée du sud, dans El Watan, Le 14 janvier 2012, Alger - AZZOUG F., Ghardaïa: l'évitement des poids lourds, objet d'étude, dans El Watan, le 8 mars 2012,

Alger - BALLALOU Z., Revitalisation urbaine pour la sauvegarde du patrimoine.(article)

www.rehabimed.net/Publications/Actes …/zouhir%20ballalou.pdf - BENALI N., "Après les ksour, sauvons la palmeraie", dans El Watan, le 8 juillet 2008, Alger - HADJ DAOUD A., SOS, vallée du M'Zab en péril, dans El Watan, le 16 avril 2006, Alger - HADJI H., Ghardaïa. Le FFS dénonce la politique d'urbanisme de la wilaya, dans El Watan, le 19

janvier 2012, Alger - ZELLA L., Peut-on rendre l'âme aux oasis algériennes?, dans El Watan, le 29 août 2006, Alger - KOUADER A., Oued N'Chou (Ghardaïa). Les établissements de service public font défaut, dans El

Watan, le 6 février 2012, Alger - MAKEDHI M., Familles sinistres des inondations de Ghardaïa et des autres wilayas, dans El Watan,

le 15 octobre 2008, Alger - RAHMANI D., "Ghardaïa est définitivement sécurisée", dans El Watan, le 5 novembre 2008, Alger

  213  

  214  

- R.P., "Les autorités démolissent le siège du FFS à Ghardaïa", dans El Watan, le 19 juin 2012, Alger - SCHMITT Th. M., Protection du patrimoine culturel et transformation socioculturelle: la "vallée du

M'Zab" Publications - Journal officiel de la République Algérienne N°61, 13 Dhou el Kaada, 143, 21 octobre 2010 - Algérie, Manière de voir, Le Monde diplomatique n°121, février-mars 2012, Paris Rapports - Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture, Décisions adoptées par le

Comité du patrimoine mondial à sa 26e session (Budapest 2002), 1 août 2002, Paris - Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture, Décisions adoptées par le

Comité du patrimoine mondial à sa 28e session (Suzhou 2004), 29 octobre 2004, Paris - Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture, Décisions adoptées par le

Comité du patrimoine mondial à sa 30e session (Vilnus 2006), 23 août 2006, Paris - Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture, Décisions adoptées par le

Comité du patrimoine mondial à sa 32e session (Québec 2008), 31 mars 2009, Paris - Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture, Décisions adoptées par le

Comité du patrimoine mondial à sa 34e session (Brasilia 2010), 3 septembre 2010, Paris Reportages - PAVARD Cl., La Lumière du M'Zab - Los Ibbadìes del M'Zab, TVE Outils urbanistiques - PATW Plan d'Aménagement du Territoire de la Wilaya de Ghardaïa, 2011

  215  

  216  

Iconographie

1- Le Choc Fig. 1 http://yannarthusbertrand2.org/ Fig. 2. http://ghardaiatourisme.com/site/photos/mzab/ Fig. 3.-11 © Messahel Myriam Fig. 12 Office de Protection et de Promotion de la vallée du M’Zab Fig. 13-22 © Messahel Myriam Fig. 23 Manuelle Roche dans L’Atelier du désert Fig. 24 Nabil Benmoussa www.panoramio.com

Fig. 26 Office de Protection et de Promotion de la Vallée du M’Zab Fig. 27 © Messahel Sarah

2- la Colère Fig. 2 Révision de l’étude du PDAU de la vallée du M’Zab, UBATIA, 2007 Fig. 2 Google Earth, 2012 Fig. 4 © Messahel Myriam Fig. 5-8 Ballalou Z. dans Réhabilitation des villes à secteurs sauvergardés, en Europe et au Maghreb, 2011 Fig. 10 PATW Plan d’Aménagement du Territoire de la Wilaya, ANAT, 2011 Fig. 11 © Messahel Myriam Fig. 11 PATW Plan d’Aménagement du Territoire de la Wilaya, ANAT, 2011 Fig. 13 Babanedjar Y. dans Principes et règles de la fondation et du développement des Ksour de la vallée du M'Zab, 2008 Fig. 14 PDAU Plan de Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme, URBATIA

3- Le Marchandage Fig. 1. 4 © Messahel Myriam Fig. 5 Dessin d’André Ravéreau Fig. 6 Archives de l’Office de Protection et de Promotion de la Vallée du M’Zab Fig. 7 Bureau d’architecture ACCA Fig. 8 Association d’Aide aux Handicapés Mentaux de Ghardaïa (AAHMG)

4- La Dépression

Fig. 1.2 © Messahel Myriam Fig. 3 Babanedjar Y. dans Principes et règles de la fondation et du développement des Ksour de la vallée du M'Zab, 2008 Fig. 4 Archives de l’Office de Protection et de Promotion de la Vallée du M’Zab Fig 5. 6 Benyoucef B. dans Le M’Zab, parcours millénaire, 2010 Fig. 7 Journal officiel de la république Algérienne N°61, 13 Dhou el Kaada, 1431, 21 octobre 2010

  217  

  218  

Fig. 8. 9. 11 BENSAHA H., BENSAHA L., ACHOUR M. dans Réflexions pour préserver l'environnement: cas de la vallée du M'Zab, 2010

Fig. 12 Outils du SIG

Fig. 13 © Messahel Myriam

Fig. 14 Office de Protection et de Promotion de la Vallée du M’Zab

Fig. 15. 19 Rapport des inondations de 2008 OPVM

Fig. 20. 22 Messahel Mounia dans Tafilalt, un porjet communautaire pour la sauvegarde du M’Zab

5- L’acceptation Fig. 1.2 Ballalou Z. dans Réhabilitation des villes à secteurs sauvergardés, en Europe et au Maghreb, 2011 Fig. 3 Manuelle Roche dans l’Atelier du désert Fig. 4 © Messahel Myriam Fig. 5. 6 B.E.T URBATIA Ghardaïa Fig. 7. 8 Office de Protection et de Promotion de la Vallée du M’Zab