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BIOLOGIE ET PÉRINATALITÉ REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2015 - N°470// 73 article reçu le 29 octobre 2014, accepté le 21 janvier 2015 © 2015 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. RÉSUMÉ Les allo-immunisations anti-érythrocytaires chez la femme enceinte sont des situations rares mais qui peuvent avoir de graves conséquences pour le fœtus et le nouveau-né. L’identification de ces immunisations doit être faite pendant la grossesse et non en urgence devant les complications anémiques fœtales ou hyperbilirubinémiques postnatales. Le diagnostic d’incompatibilité fœto-maternelle (IFM) est purement biologique. Le suivi biologique des patientes allo-immunisées doit être bien conduit en respec- tant pendant la grossesse le calendrier de surveillance des agglutinines irrégulières et en effectuant, en cas de positivité, des titrages et dosages pondéraux réguliers de ces anticorps anti-érythrocytaires. En fonction du type d’anticorps, de sa concentration ou de son titre et du terme de la grossesse, un schéma de suivi biologique avec, au-delà d’un certain seuil, mise en place d’une surveillance clinique va pouvoir être organisé afin d’anticiper les moyens médicotechniques de prise en charge de la mère et de son enfant. Par ailleurs, les progrès en biologie moléculaire ont permis d’améliorer le diagnostic de ces IFM avec notamment la mise en place du diagnostic non invasif des incompatibilités grâce au génoty- page des groupes sanguins du fœtus sur sang maternel pour les gènes RHD et KEL1. Enfin le diagnostic des IFM érythrocytaires et le succès de leur prise en charge reposent sur un dialogue multidisciplinaire entre biologistes spécialistes de l’immunohématologie périnatale, obstétriciens et néonatologistes. Incompatibilités érythrocytaires – maladie hémolytique – recherche et identification d’agglutinines irrégulières – titrage/dosage d’anticorps – génotypage de groupe sanguin fœtal. Stéphanie Huguet-Jacquot a , Cécile Toly-Ndour a , Anne Cortey b , Bruno Carbonne b , Agnès Mailloux a, * Diagnostic et suivi biologiques des allo-immunisations anti-érythrocytaires chez la femme enceinte a UF de biologie du CNRHP Pôle de biologie médicale et pathologie Hôpitaux universitaires de l’Est Parisien (AP-HP) Site Saint-Antoine 184, rue du Faubourg Saint-Antoine 75571 Paris cedex 12 b UF clinique du CNRHP Pôle de périnatalité Hôpitaux universitaires de l’Est Parisien (AP-HP) Site Armand-Trousseau 26, av. du Docteur Arnold-Netter 75571 Paris cedex 12 * Correspondance [email protected] SUMMARY Diagnosis and management of the alloimmunized pregnancy The red blood cells alloimmunizations in pregnancy are rare situations but can have serious consequences for the fetus and the newborn. The identification of these immunizations must be done during pregnancy and not urgently face to complications of fetal anemia or postnatal hyperbilirubinemia. The diagnosis of feto- maternal incompatibility (FMI) is biological, based on a well conducted biological monitoring : respect during pregnancy of recommendation for antibodies screening and titration or dosage of these antibodies. According to the type of antibody, its concentration or its titration and the term of pregnancy, a biological monitoring scheme will be develop and if necessary a clinical follow-up will be introduced to anticipate medical and technical means to follow the pregnancy. Moreover, the advances in molecular biology have improved the diagnosis of these FMI including the non-invasive diagnosis of incompatibilities, the fetal blood group genotyping from maternal blood for RHD and KELL genes. Finally the diagnosis of erythrocyte FMI and the success of their treatment based on a multidisciplinary dialogue between biologists specialized in perinatal immunohematology, obstetricians and neonatologists. Red blood cells incompatibility – hemolytic disease of fetus and new-born – antibodies screening – antibodies identification – antibodies titration/dosage – blood group genotyping. 1. Introduction Les incompatibilités fœto-maternelles (IFM) anti-érythrocytaires sont des situations obstétricales rares. On dénombre 1 à 2 femmes alloimmunisées sur 1 000 en dehors des incompatibili- tés ABO. Le processus d’allo-immunisation résulte d’une suite de phénomènes liés à l’introduction d’un antigène étranger dans la circulation maternelle (hémorragie fœto-maternelle avec introduction d’antigènes d’origine paternelle exprimée par le fœtus, transfusion incompatible) entraînant la production d’anticorps chez la mère. La traversée transplacentaire des anticorps maternels de type IgG va se faire via les récepteurs FcgRn présents sur le placenta dès le premier trimestre de la grossesse. Le taux fœtal d’IgG à 20 SA (semaines d’aménorrhées) est de 10 % du taux maternel et peut être supérieur à celui-ci en fin de grossesse. Ces anticorps une

Diagnostic et suivi biologiques des allo-immunisations ... · dialogue between biologists specialized in ... avec des dilutions du sérum du patient. Le pouvoir d’activation des

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BIOLOGIE ET PÉRINATALITÉ

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2015 - N°470// 73

article reçu le 29 octobre 2014, accepté le 21 janvier 2015

© 2015 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

RÉSUMÉ

Les allo-immunisations anti-érythrocytaires chez la femme enceinte sont des situations rares mais qui peuvent avoir de graves conséquences pour le fœtus et le nouveau-né. L’identifi cation de ces immunisations doit être faite pendant la grossesse et non en urgence devant les complications anémiques fœtales ou hyperbilirubinémiques postnatales. Le diagnostic d’incompatibilité fœto-maternelle (IFM) est purement biologique. Le suivi biologique des patientes allo-immunisées doit être bien conduit en respec-tant pendant la grossesse le calendrier de surveillance des agglutinines irrégulières et en effectuant, en cas de positivité, des titrages et dosages pondéraux réguliers de ces anticorps anti-érythrocytaires. En fonction du type d’anticorps, de sa concentration ou de son titre et du terme de la grossesse, un schéma de suivi biologique avec, au-delà d’un certain seuil, mise en place d’une surveillance clinique va pouvoir être organisé afi n d’anticiper les moyens médicotechniques de prise en charge de la mère et de son enfant. Par ailleurs, les progrès en biologie moléculaire ont permis d’améliorer le diagnostic de ces IFM avec notamment la mise en place du diagnostic non invasif des incompatibilités grâce au génoty-page des groupes sanguins du fœtus sur sang maternel pour les gènes RHD et KEL1. Enfi n le diagnostic des IFM érythrocytaires et le succès de leur prise en charge reposent sur un dialogue multidisciplinaire entre biologistes spécialistes de l’immunohématologie périnatale, obstétriciens et néonatologistes.

Incompatibilités érythrocytaires – maladie hémolytique – recherche et identifi cation d’agglutinines irrégulières –

titrage/dosage d’anticorps – génotypage de groupe sanguin fœtal.

Stéphanie Huguet-Jacquota, Cécile Toly-Ndoura, Anne Corteyb, Bruno Carbonneb, Agnès Maillouxa,*

Diagnostic et suivi biologiques des allo-immunisations anti-érythrocytaireschez la femme enceinte

a UF de biologie du CNRHPPôle de biologie médicale et pathologieHôpitaux universitaires de l’Est Parisien (AP-HP)Site Saint-Antoine184, rue du Faubourg Saint-Antoine75571 Paris cedex 12

b UF clinique du CNRHPPôle de périnatalitéHôpitaux universitaires de l’Est Parisien (AP-HP)Site Armand-Trousseau26, av. du Docteur Arnold-Netter75571 Paris cedex 12 * [email protected]

SUMMARY

Diagnosis and management of the alloimmunized

pregnancy

The red blood cells alloimmunizations in pregnancy are rare situations but can have serious consequences for the fetus and the newborn. The identifi cation of these immunizations must be done during pregnancy and not urgently face to complications of fetal anemia or postnatal hyperbilirubinemia. The diagnosis of feto-maternal incompatibility (FMI) is biological, based on a well conducted biological monitoring : respect during pregnancy of recommendation for antibodies screening and titration or dosage of these antibodies. According to the type of antibody, its concentration or its titration and the term of pregnancy, a biological monitoring scheme will be develop and if necessary a clinical follow-up will be introduced to anticipate medical and technical means to follow the pregnancy. Moreover, the advances in molecular biology have improved the diagnosis of these FMI including the non-invasive diagnosis of incompatibilities, the fetal blood group genotyping from maternal blood for RHD and KELL genes. Finally the diagnosis of erythrocyte FMI and the success of their treatment based on a multidisciplinary dialogue between biologists specialized in perinatal immunohematology, obstetricians and neonatologists.

Red blood cells incompatibility – hemolytic disease of fetus and new-born – antibodies screening –

antibodies identifi cation – antibodies titration/dosage – blood group genotyping.

1. Introduction

Les incompatibilités fœto-maternelles (IFM) anti-érythrocytaires sont des situations obstétricales rares. On dénombre 1 à 2 femmes alloimmunisées sur 1 000 en dehors des incompatibili-tés ABO. Le processus d’allo-immunisation résulte d’une suite de phénomènes liés à l’introduction d’un antigène étranger dans la circulation maternelle (hémorragie fœto-maternelle avec introduction d’antigènes d’origine paternelle exprimée par le fœtus, transfusion incompatible) entraînant la production d’anticorps chez la mère. La traversée transplacentaire des anticorps maternels de type IgG va se faire via les récepteurs FcgRn présents sur le placenta dès le premier trimestre de la grossesse. Le taux fœtal d’IgG à 20 SA (semaines d’aménorrhées) est de 10 % du taux maternel et peut être supérieur à celui-ci en fi n de grossesse. Ces anticorps une

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est primordial. Quel que soit le statut RH1 de la patiente, cette recherche est obligatoire au 1er trimestre de la gros-sesse. Si la patiente est RH1 négatif, elle sera renouvelée au 6e et 8e mois de grossesse. Ces RAI durant la grossesse ont un intérêt purement fœtal. Seule la RAI réalisée en fin de grossesse a un intérêt transfusionnel chez la mère avec une durée de validité de 3 jours. Toute RAI positive doit être obligatoirement suivie d’une identification de cette agglu-tinine. Il est impératif de déterminer la spécificité de l’anti-corps puisque le risque de développement d’une maladie hémolytique du nouveau-né dépend de la spécificité de cet anticorps. On distingue 4 grands groupes d’anticorps en fonction du risque d’atteinte fœtale et/ou néonatale. Le premier groupe comprend les 3 anticorps les plus dange-reux en anténatal que sont les anti-RH1, les anti-KEL1 et les anti-RH4. Le deuxième groupe contient les anti-RH3 dont Il faut également se méfier à taux élevés. Les anticorps du troisième groupe n’ont été que de manière exceptionnelle et à très forts taux décrits comme pouvant être responsables du développement d’une anémie fœtale sévère. Enfin le quatrième groupe comprend des anticorps dont le risque est quasi exclusivement en postnatal (tableau I).

2.2. Paramètres de l’anticorps influençant le risque hémolytiqueLe risque hémolytique va dépendre de plusieurs paramètres dont le 1er est comme nous venons de le voir, la spécificité de l’anticorps. Ensuite il va dépendre de l’affinité de l’anti-corps pour les globules rouges. Ce paramètre englobe de nombreux facteurs : mode d’immunisation, spécificité de l’anticorps, génétique, nombre de grossesses incompa-tibles. L’affinité d’un anticorps vis-à-vis d’un antigène est appréciée par la technique de titrage réalisé par un test indirect à l’antiglobuline (test de Coombs indirect) mettant en contact des hématies tests natives (non traitées par des enzymes) avec des dilutions du sérum du patient.Le pouvoir d’activation des récepteurs Fc par l’anticorps influence quant à lui directement son activité hémolytique. Il est fonction de la sous-classe d’immunoglobuline pro-duite : IgG1 ou IgG3 quasi exclusivement et de la glycosy-lation de la partie Fc terminale (Fcg). Des tests fonctionnels de type ADCC (cytotoxicité dépendante des anticorps) mettant en présence le sérum de la patiente avec des macrophages permettent d’évaluer l’activité cytolytique de l’anticorps. Ils ne sont plus réalisés de manière courante bien que très informatifs.Enfin la concentration en anticorps influence directement le pouvoir hémolytique de l’anticorps. On observe une très grande variation des taux en anticorps (gamme très large pouvant aller de 1 ng à 100 μg/mL). Le dosage pondéral permet d’apprécier cette concentration en anticorps, le titrage permet de l’approcher d’une manière moins précise.Les 3 anticorps principalement impliqués dans les anémies fœtales sévères sont les suivants. L’anti-D (RH1), ayant une incidence clinique durant la

grossesse, est toujours présent au 1er trimestre de gros-sesse mais il peut être en limite de détection. L’utilisation de technique de RAI utilisant des hématies traitées par des enzymes (papaïne) facilite donc sa détection. Le principal piège est de le confondre avec un anti-RH1 passif résiduel consécutif à une injection d’IgG anti-D (IgRhD).

fois dans la circulation fœtale forment des immun-complexes antigène-anticorps sur le globule rouge fœtal, ce qui entraîne une immunoadhérence et une érythrophagocytose par les macrophages spléniques. La gravité de l’atteinte est due à une immuno-hémolyse fœtale et néonatale, entraînant la sur-venue d’une anémie fœtale pouvant aboutir, sans traitement et dans les formes les plus sévères, à un état d’anasarque et à une mort fœtale in utero, et/ou d’une anémie néonatale avec hyperproduction de bilirubine. Cette bilirubine s’accumule en post-natal ayant pour conséquence un risque d’ictère dès les premières heures de vie pouvant aller jusqu’à une encéphalopathie hyperbilirubinémique (ictère nucléaire) par fixation de bilirubine non liée (forme neurotoxique) au niveau des noyaux gris centraux en l’absence de prise en charge immédiate et adaptée. L’incidence clinique des IFM est de 4/1 000 naissances [1].Le diagnostic des IFM est purement biologique basé prin-cipalement sur l’identification d’agglutinines irrégulières et le titrage/dosage des anticorps. Les résultats de ces examens biologiques vont permettre d’évaluer le risque hémolytique en anté- et postnatal et ainsi définir la prise en charge de la grossesse. De façon plus récente les techniques de génotypage de groupe sanguin fœtal ont permis d’adapter cette prise en charge.

2. Outils biologiques pour

le diagnostic et le suivi des

incompatibilités fœto-maternelles

2.1. La recherche d’agglutinines irrégulièresLe diagnostic des IFM repose avant tout sur la recherche d’an-ticorps anti-érythrocytaire ou agglutinines irrégulières (RAI). Le respect du calendrier des RAI au cours de la grossesse

Tableau I – Allo-anticorps courants

et risque de maladie hémolytique du nouveau-né.

Spécificité

(nomenclature

traditionnelle)

Spécificité

(nomenclature

numérique)

Risque

d’anémie fœtale

Maladie

hémolytique

néonatale

Anti-D Anti-RH1 OUI après 15 SA OUI

Anti-Kell Anti-KEL1 OUI après 15 SA OUI

Anti-c Anti-RH4 OUI après 20 SA OUI

Anti-E Anti-RH3 RARE (3e trimestre)

OUI

Anti-e Anti-RH5 Exceptionnel OUI

Anti-Fya Anti-FY1 Exceptionnel OUI

Anti-Jka Anti-JK1 Exceptionnel OUI

Anti-Kpa Anti-KEL3 Exceptionnel OUI

Anti-M Anti-MNS1 Exceptionnel OUI

Anti-A Anti-ABO1 NON OUI

Anti-B Anti-ABO2 NON OUI

Anti-C Anti-RH2 NON OUI

Anti-Fyb Anti-FY2 NON OUI

Anti-Jkb Anti-JK2 NON OUI

Anti-S Anti-MNS3 NON OUI

Anti-G Anti-RH12 NON OUI

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L’anti-Kell (KEL1) provoquant une anémie fœtale sévère est toujours présent en début de grossesse à des titres très élevés supérieurs au 1/64. L’utilisation d’hématies traitées par des enzymes n’est d’aucun intérêt pour détecter cet anticorps puisqu’il est d’emblée présent à de forts taux. Le principal piège est la finesse des agglutinats qu’il forme avec les globules rouges, ce qui peut rendre la lecture du titrage en technique indirecte à l’antiglobuline très délicate (recours à un laboratoire de référence souhaitable).

L’anti-c (RH4) impliqué dans une anémie fœtale sévère est également toujours présent au 1er trimestre de la gros-sesse. Là encore, il peut l’être en limite de détection. Sa détection est très facilitée par l’utilisation de technique utilisant des hématies traitées par des enzymes (papaïne). Le principal piège est de se fier à une simple technique de titrage puisque le titre souvent faible (anticorps de très faible affinité pour les globules rouges) est non prédictif d’une atteinte fœtale.

2.3. Le dosage pondéralLa technique de dosage pondéral peut être réalisée pour tous les anticorps du système RH : anti-RH1(D), anti-RH2(C), anti-RH3(E), anti-RH4(c), anti-RH5(e). La technique de référence est une technique d’hémag-glutination automatisée en flux continu (Autoanalyser®). Des hématies tests de phénotype RH:1,2,3,4,5 traitées par la broméline, en milieu macromoléculaire, sont mises en présence du sérum des patientes. Le flux continu et la présence de spires d’incubation permet à la réaction antigène-anticorps de se réaliser. Après élimination des agglutinats et lyse des hématies restantes non aggluti-nées, l’auto analyseur réalise une mesure photocolorimé-trique de l’hémolysat, inversement proportionnelle à la concentration en anticorps. La comparaison des mesures d’absorbance avec une gamme étalon d’anticorps de concentration connue permet de déduire la concentra-tion pondérale apparente de l’anticorps testé. C’est une technique lourde avec un coefficient de variation élevé de 5 à 20 %. C’est pourquoi une augmentation du taux en anticorps n’est considérée comme significative que pour des variations au-delà de 30 %. Il existe 2 variantes dans ce dosage. La variante 2 temps utilise des hématies prétraitées par la broméline ce qui facilite la fixation des anticorps sur les hématies et permet un dosage global de toutes les fractions d’immunoglobulines (toutes les sous-classes d’IgG et IgM). Pour la variante 1 temps la broméline est introduite directement dans le circuit, les anticorps IgG3 sont en grande partie détruits ce qui permet le dosage des anticorps de moyenne ou de haute affinité, essentiellement des IgG1. Le résultat du dosage pondéral des anti-RH1 s’exprime en μg/mL, en unités internationales (IU/mL) ou en unités locales (unités CHP/mL) avec la correspondance suivante : 1 μg d’IgG anti-RH1/mL = 50 UI = 250 UCHP. Pour les autres anti-corps du système RH le résultat s’exprime uniquement en unité locale [2].Le dosage pondéral a permis de déterminer des taux critiques au-delà desquels on observe un risque d’anémie fœtale sévère définis en fonction de l’âge gestationnel. Ces taux permettent d’alerter le clinicien pour qu’un suivi

spécifique du fœtus soit mis en place (échographie fœtale et surtout mesure du pic systolique de vélocité au niveau de l’artère cérébrale moyenne). Ce suivi spécifique est destiné à identifier des signes d’anémie commandant une intervention thérapeutique (transfusion fœtale, déclen-chement de l’accouchement…) [1].Cependant, la valeur prédictive du dosage d’anticorps ne doit pas être surestimée car il n’explore pas la capacité de l’anticorps à activer les récepteurs Fcg des macrophages et il existe en plus des variables fœtales pouvant atténuer le potentiel hémolytique des anticorps.

2.4. Le titrage des anticorpsPour les anticorps du système RH et également les autres anticorps, la technique de titrage peut être réa-lisée. La technique de référence fait appel au test indi-rect à l’antiglobuline (TIA ou test de Coombs indirect) en tube sur hématies-test normales en force ionique physiologique à 37 °C. Le sérum à étudier est mis en présence d’hématies tests possédant l’antigène cible. Après incubation, les hématies tests sur lesquels les anticorps présents dans le sérum maternel se sont fixés sont lavées et centrifugées au contact d’une antiglobuline anti-IgG humaine. Après remise du culot en suspension, la lecture des agglutinats est macroscopique. Le titre en anticorps correspond à l’inverse de la plus grande dilution géométrique du sérum pour laquelle on observe une agglutination visible à l’œil nu. Une première lec-ture directe, avant l’ajout de l’anti-IgG, permet de voir si une composante IgM (anticorps ne passant pas la barrière placentaire) est présente. Le titre va dépendre en partie de la concentration en anticorps mais surtout de son affinité vis-à-vis de l’antigène cible. Il en découle qu’un anticorps de haute affinité peut avoir un titre très supérieur à un anticorps de faible affinité en dépit d’une concentration beaucoup plus faible. Ceci rend compte des fréquentes discordances observées entre le titre et la concentration de l’anticorps et de l’impossibilité d’éta-blir une corrélation serrée entre ces deux paramètres. L’exemple le plus flagrant est celui de l’anti-RH4. Cette technique n’est pas standardisée et il existe une grande variabilité inter-laboratoires.En parallèle du titrage, un score d’agglutination peut être calculé. Ce paramètre prend en compte l’intensité des réactions d’agglutination observées pour chaque dilution du sérum positive. Il est un reflet plus précis de la concentration et de l’affinité de l’anticorps et permet, un peu plus finement que le titrage, d’appréhender le profil hémolytique de l’anticorps.De nombreuses variantes de techniques de titrage sont utilisables, notamment les techniques en gel, calquées sur les techniques de recherche d’agglutinines irrégu-lières. Elles donnent généralement des valeurs de titres plus élevées. Les seuils décisionnels cliniques ont été définis avec la méthode classique de TIA et ne peuvent donc être appliqués aux autres techniques de titrage.Pour la surveillance de la femme enceinte, il est recom-mandé de réaliser des titrages comparatifs avec le sérum précédent. Pour que l’augmentation d’un titrage soit considérée comme significative, il faut plus d’une dilu-tion d’écart avec le sérum précédent.

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2.5. La technique de microtitrage des anti-RH1L’injection prénatale d’immunoglobines anti-RH1 (IgRH) peut rendre difficile le diagnostic d’immunisation anti-RH1 chez les femmes enceintes RH1 négatif et être à l’origine de méprises regrettables. La technique de microtitrage permet de répondre à 3 questions suite à une injection d’IgRH.1. Est-ce que l’anticorps trouvé dans le sérum de la patiente est uniquement explicable par un anti-RH1 passif ou une allo-immunisation anti-RH1 est-elle associée ?

2. Est-ce que la quantité d’anticorps restante dans le sang maternel est suf-fisante pour protéger une patiente d’une hémorragie fœto-maternelle sachant que pour avoir une efficaci-té optimale de 100 % l’ap-port en IgG anti-RH1 doit être supérieur à 20 μg/mL GR RH :1 ?3. Est-ce qu’il est néces-saire de recourir à un dosage pondéral, à utili-ser seulement en seconde intention pour trancher des cas incertains (anti-RH1 supérieur à 24 ng/mL) ?Le microtitrage est une technique simple d’hémag- glutination en support gel permettant à tout labo-ratoire de répondre de manière satisfaisante à ces 3 questions (figure 1) [3]. L’intensité de l’hémagglu-

tination de différentes dilutions de l’échantillon contenant un anti-RH1 est comparée avec celle d’une gamme d’un standard anti-RH1 (même principe de réaction qu’une recherche et identification d’agglutinines irrégulières). La concentration de l’anti-RH1 présent dans l’échantillon est égale à l’inverse de la dernière dilution réactive de l’échantillon multiplié par la concentration de la dilution du standard anti-RH1 avec la même intensité d’aggluti-nation. La concentration mesurée est exprimée en ng/mL (figure 2). Elle est comparée à la concentration attendue

Figure 1 – Résultat de microtitrage anti-RH1 chez les accouchées RH1 négatif

ayant reçu une ou plusieurs injections d’IgRH.

Pour la patiente pointée par la flèche une immunisation anti-RH1 jusqu’alors méconnue a été mise en évidence avec cette technique.

Figure 2 – Présentation de la technique de microtitrage :

comparaison de l’hémagglutination en support gel Liss-Coombs sur hématies RH : 1,-2,-3,4,5 papaïnées

du sérum de la patiente par rapport à un standard anti-D.

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dont le calcul est établi à partir de la figure 3 en fonction du délai d’administration de l’IgRh et de sa posologie. Une concentration en anti-RH1 inférieure ou égale à la concentration attendue permet de conclure à un anti-RH1 passif. A contrario, une concentration en anti-RH1 supé-rieure à la concentration attendue doit faire évoquer une alloimmunisation anti-RH1. La technique de microtitrage est donc la seule qui puisse répondre de manière précise à l’absence ou non d’une alloimmunisation anti-RH1.

2.6. Les techniques de génotypageDans les allo-immunisations avérées, RH1, KEL1 et RH4, la connaissance du génotype fœtal permet de faire le dia-gnostic d’incompatibilité fœto-maternelle et de justifier une surveillance fœtale lourde et contraignante. Suite à l’isole-ment et au séquençage des gènes RHD, RHCE et KEL1, le génotypage fœtal RHD, KEL1, RHc par amplification PCR a rapidement trouvé une application diagnostique dès le milieu des années 1990 à partir de l’ADN des cellules amniotiques. Néanmoins, cette méthode s’appuie sur un geste invasif d’amniocentèse, qui comporte un risque de pertes fœtales et un risque d’hémorragie fœto-maternelle qui pourrait réactiver une immunisation et/ou favoriser l’apparition de nouveaux anticorps. Les génotypages RHD et KEL1 fœtal non invasifs sur sang maternel ont été développés dans les années 2000. Ils présentent l’avantage d’éviter les risques fœtaux et d’ag-gravation de l’immunisation liés aux prélèvements invasifs. Ce sont désormais des techniques validées et éprouvées qui ont révolutionné le suivi de la femme enceinte [4, 5].Ces techniques non invasives ont vu le jour suite à la décou-verte en 1997 par Y.M. Dennis Lo et ses collaborateurs que l’ADN présent dans le plasma des femmes enceintes comprenait de 1 à 6 % d’ADN d’origine fœtale sous forme acellulaire. Chez les femmes enceintes, il est possible par une technique d’amplification génique à partir de l’ADN extrait du plasma maternel, d’amplifier des gènes portés par le fœtus et pas par sa mère (Brevet Oxford University). Cette découverte a rendu possible la détermination non invasive du génotype du sexe fœtal – par amplification du gène SRY – et le génotypage RHD fœtal non-invasif à partir du sang des femmes enceintes RH1 négatif sous réserve qu’elles ne possèdent pas dans leur génome des séquences non exprimées du gène RHD interférant avec le test. Des séquences spécifiques du gène RHD, l’exon 7 (plus spécifique mais absent chez certains sujets RHD partiels), l’exon 10 (le mieux conservé) et l’exon 5 sont amplifiées à partir de l’ADN plasmatique extrait (Kit « Free DNA Fetal Kit® RhD » commercialisé par la société Biorad).En cas de positivité du test, une surveillance spécifique est justifiée. En cas de négativité, cette surveillance n’est pas nécessaire. Le risque d’un faux négatif du génotypage pourrait avoir ici des conséquences dramatiques, ce qui justifie tous les moyens pour éviter cet écueil. Dans ce contexte, il apparaît essentiel de ne jamais rendre de résul-tat négatif définitif sans un contrôle systématique sur un 2e prélèvement à distance du premier. En cas de résultat positif, ce contrôle n’est pas nécessaire. En cas de résultat ininterprétable, pouvant correspondre à un variant RhD (RH1) positif, le fœtus doit être considéré comme positif jusqu’à la naissance. Cet examen est accrédité selon la norme EN NF ISO 15189 au CNRHP depuis 2012.

De même, le génotypage KEL1 non-invasif est pratiqué au CNRHP depuis octobre 2010 et accrédité depuis 2013. Il est basé sur 3 étapes.1. PCR spécifique de l’allèle KEL1 en temps réel réalisée en triplicat et permettant de mettre en évidence la pré-sence d’ADN KEL1 d’origine fœtale dans le plasma maternel.2. PCR de l’exon 7 du gène ABO en temps réel en simpli-cat, permettant de déterminer la quantité d’ADN maternel3. PCR d’un ADN traceur de maïs en temps réel permettant de valider l’étape d’extraction de l’ADN.Afin de limiter tout risque d’erreur, le résultat est validé à partir de 2 tests indépendants et il est vérifié sur un 2e pré-lèvement prélevé un peu plus tard dans la grossesse [6].Le génotypage RHc non invasif est actuellement en cours de développement au CNRHP.

3. Diagnostic et suivi biologique

des allo-immunisations anti-

érythrocytaires en pratique

Lors de la découverte d’une RAI positive en cours de grossesse le schéma de suivi va dépendre de la spéci-ficité de cet anticorps. On distingue 3 grands groupes d’anticorps (figure 4).Pour les anti-RH1, anti-RH4, anti-RH3 et anti-KEL1 pour lesquels il existe un risque d’anémie fœtale sévère in utero, on va tout d’abord phénotyper le procréateur pour l’antigène cible. Si ce dernier est trouvé de phénotype incompatible, un génotypage fœtal est proposé pour le RHD et le KEL1, enfin un titrage et un dosage sont réalisés et renouvelés toutes les 2 à 3 semaines.Pour les anti-FY1, anti-FY2, anti-MNS-1, anti-MNS-3, anti-JK1, anti-JK2 où le risque est avant tout en postnatal, on va là aussi phénotyper le procréateur pour l’antigène cible. Si ce dernier est phéno-incompatible l’anticorps sera titré/dosé à 3 mois puis à 8 mois de grossesse.

Figure 3 – Concentration en anti-RH1 attendue suite à une

injection d’IgRH 300 μg faite à 28 SA en IV. La concentration

en anti-RH1 diminue de moitié toutes les 3 semaines.

La positivité de la RAI après une injection va dépendre de la dose et du délai d’injection ainsi que de la sensibilité de la RAI.

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Pour les anti-RH3, tout dépend des taux au premier trimestre de grossesse ; pour des taux faibles (inférieurs à 100 UCHP/ml), il suffit de réévaluer le taux de l’anticorps vers 7 puis 8 mois de grossesse. Dans les autres cas, un dosage mensuel est nécessaire à partir du 5e mois.Pour tous les autres anticorps, on réalise un titrage/dosage à 3 mois de grossesse puis à 8 mois car ce taux sera prédictif de l’atteinte postnatale.Pour les laboratoires réalisant des titrages d’anticorps, il est recom-mandé de réaliser un dosage pon-déral de base lors de la découverte d’un anti-RH1 ou d’un anti-RH4.Le suivi peut être ensuite réalisé par simple titrage mais dès que les titres dépassent le 1/8 pour les anti-RH1 et le 1/4 pour les anti-

RH4, il est recommandé de réaliser un dosage pondéral car le suivi est plus précis et cela permet de détecter le plus précocement possible les signes de réactivation de l’immunisation.

3.2. Interprétation des titrages et dosages d’anticorpsEn situation d’incompatibilité, le taux maternel des anti-corps est relié au risque d’anémie chez le fœtus. Plus le taux est élevé et plus le risque survient tôt durant la grossesse. Les valeurs de titre et de dosage pondéral sont donc à interpréter en fonction du terme de grossesse (tableau II), le taux des anticorps et son évolution condi-tionnant les modalités de prise en charge obstétricale. Ces taux peuvent être d’emblée inquiétants, ou initialement rassurants et le rester. Parfois, le taux d’anticorps peut s’élever brutalement, d’où la nécessité de le mesurer à intervalles réguliers. Enfin, le titre et le dosage des anti-corps permettent de définir des valeurs seuils critiques d’alerte, au-delà desquelles un suivi clinique anténatal spécifique doit être déclenché.

Enfin pour les anti-lewis, anti-HI, les auto-anticorps, les autopapaïnes pour lesquels il n’y a aucun risque de maladie hémolytique en anté et en postnatal aucun autre examen n’est réalisé.

3.1. Calendrier des titrages et dosagesLa fréquence des titrages et dosages d’anticorps dans le sérum maternel est guidée par le risque de réactivation de l’immunisation.Pour les anti-RH1 et anti-RH4, le risque de réactivation est permanent à tous les stades de grossesse. C’est pourquoi pour les anti-RH1, il est recommandé de les quantifier tous les 15 jours à partir de 18 SA.Pour les anti-RH4, la fréquence des dosages>/titrages est toutes les 2 à 4 semaines à partir de 18 SA. Si le taux atteint 100 UCHP/mL, les dosages seront alors à faire toutes les 2 semaines comme pour le 3e trimestre de grossesse.Pour les anti-KEL1, le risque de réactivation est très faible en cours de grossesse donc la réalisation d’un titrage 1 fois par mois est suffisante.

Figure 4 – Dépistage et surveillance des incompatibilités fœto-maternelles

au cours de la grossesse.

Tableau II – Valeurs seuils critiques d’alerte des principaux anticorps à risque fœtal.

Anti-RH1Dosage pondéral (titre

au moins égal au 1/16e)

4 μg/mL

(1 000 U CHP)

3 μg/mL

(750 U CHP)

2 μg/mL

(500 U CHP)

1 μg/mL

(250 U CHP)

0,7 μg/mL

(175 U CHP)

Anti-KEL1 Titre > 1/128 1/128 1/64 1/16 1/16

Anti-RH4

Anti-RH3

Dosage pondéral (titre

au moins égal à ¼)

3 000U CHP/mL

1 500U CHP/mL

1 000U CHP/mL

750U CHP/mL

500U CHP/mL

Semaines d’aménorrhée 18 24 28 32 36

En situation d’incompatibilité, le risque d’anémie fœtale sévère dépend du taux de l’anticorps et de l’âge gestationnel. Par exemple, un anti-RH1 dosant 1 μg/mL expose un fœtus Rh positif à un risque d’anémie sévère seulement à partir de 7 mois de grossesse (32e semaine d’aménorrhée). Pour un taux de 4 μg/mL le risque apparaît dès 18 semaines.Titre : test indirect à l’antiglobuline – hématies-test normales-lecture macroscopique des agglutinats.Dosage pondéral : seul l’anti-RH1 est couramment exprimé en μg/mL (1 μg = 5 UI = 250 U CHP).CHP : centre d’hémobiologie périnatale.

BIOLOGIE ET PÉRINATALITÉ

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2015 - N°470// 79

3.3. Schéma de suivi d’une allo-immunisation anti-RH1Suite à l’identification d’un anti-RH1 chez une femme enceinte en début de grossesse, un génoty-page RHD fœtal sur plasma mater-nel est proposé à partir de 12 SA pour diagnostiquer une incompa-tibilité fœto-maternelle RHD, en parallèle un tirage et un dosage de l’anti-RH1 sont réalisés (figure 5).Si le génotypage RHD fœtal est trouvé négatif sur 2 prélève-ments, il n’y a pas à craindre une incompatibilité fœto-maternelle RHD pour la grossesse en cours et la surveillance est levée. Nous conseillons tout de même de continuer à réaliser une RAI toutes les 6 semaines, ces patientes étant plus à risque de développer de nouveaux anticorps. Si le fœtus est génotypé RHD positif, la sur-veillance va dépendre du taux en anticorps. Si la concentration est inférieure à < 1 μg/mL, il n’y a pas de risque d’anémie fœtale sévère dans l’immédiat, la surveillance échographique proposée est stan-dard avec en parallèle un dosage d’anticorps tous les 15 jours à partir de 18 SA. Si cette concentration est supérieure à 1 μg/, il existe un risque de développement d’une anémie fœtale sévère, c’est pour-quoi une surveillance échogra-phique morphologique et doppler hebdomadaire est mise en place dès 18 SA avec en parallèle un dosage d’anticorps réalisé toutes les 2 semaines.

3.4. Schéma de suivi d’une allo-immunisation anti-KEL1Suite à l’identification d’un anti-KEL1 chez une femme enceinte en début de grossesse, un génotypage KEL1 fœtal sur plasma maternel est proposé à partir de 13 SA pour diagnostiquer une incompatiblité fœto-maternelle KEL1, en parallèle un tirage de l’anti-KEL1 est réalisé (figure 6).Si le génotypage KEL1 fœtal est trouvé négatif sur 2 prélè-vements, il n’y a pas à craindre une incompatibilité fœto-maternelle KEL1 pour la grossesse en cours et la surveil-lance est levée avec simplement une RAI à réaliser toutes les 6 semaines. Si le fœtus est génotypé KEL1 positif sur 2 prélèvements, la surveillance va dépendre du taux en anticorps. Si le titre est inférieur à 1/32, il n’y a pas de risque d’anémie fœtale sévère dans l’immédiat, la sur-veillance échographique proposée est standard avec en parallèle un titrage d’anticorps tous les mois à partir de 18 SA. Si ce titre est supérieur à 1/32, il existe un risque de

Figure 5 – Schéma de prise en charge d’une patiente alloimmunisée anti-RH1.

Figure 6 – Schéma de prise en charge d’une patiente alloimmunisée anti-KEL1.

développement d’une anémie fœtale sévère, c’est pour-quoi une surveillance échographique morphologique et doppler hebdomadaire est mise en place dès 18 SA avec en parallèle un titrage d’anticorps réalisé 1 fois par mois.

4. Conclusion

Si les incompatibilités ABO représentent la plus grande cause des maladies hémolytiques néonatales actuellement, les autres incompatibilités fœto-maternelles, beaucoup plus rares, n’ont pas disparu. À côté des incompatibilités fœto-maternelles (IFM) de spécificité anti-RH1 en nette diminution suite à la mise en place de l’immunoprophy-laxie Rh systématique de la 28e semaine d’aménorrhée, les incompatibilités anti-RH3, RH4 et KEL1 prennent de l’importance aussi bien en ante- qu’en postnatal. Le dia-gnostic de toute incompatibilité doit être fait pendant la

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grossesse et non en urgence, devant les complications anémiques fœtales ou hyperbilirubinémiques postnatales. Celui-ci repose sur un suivi biologique bien conduit : le res-pect pendant la grossesse du calendrier de surveillance des agglutinines irrégulières (notamment la RAI du 1er trimestre chez la femme enceinte avec si possible l’utilisation de technique enzymatique et l’indentification des anticorps en cas d’une RAI positive), des titrages et des dosages pondéraux réguliers des anticorps anti-érythrocytaires. De plus, de nombreux progrès ont permis d’améliorer le diagnostic des IFM avec la mise en place du diagnostic non invasif des incompatibilités, le génotypage des groupes sanguins du fœtus sur sang maternel pour les gènes RHD et KEL1 (RHc en cours de validation). Enfin d’un point de

vue clinique, le suivi par vélocimétrie Doppler de l’artère cérébrale pour les complications anémiques fœtales, l’uti-lisation de nouvelles thérapies postnatales (photothérapie, développement de traitements adjuvants), et l’évolution des thérapeutiques transfusionnelles ont contribué à révo-lutionner la prise en charge des IFM. En conclusion, le diagnostic des incompatibilités fœto-maternelles érythro-cytaires et le succès de leur prise en charge reposent sur une coopération et un dialogue multidisciplinaire entre obstétriciens, néonatologistes et biologistes spécialistes de l’immunohématologie périnatale.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de

conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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