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Colloque SHF : «Ruissellement , Lyon 30 nov-2 déc 2020 » Jean-Paul Ducatez, Grégory Seiller, Erwan Allard – Diagnostic de ruissellement par hydrologie distribuée.
Docs/RUISS :ns/1
Diagnostic hydrologique et proposition d’aménagements contre le
risque inondation par hydrologie distribuée sur le bassin versant de la
Chère
Jean-Paul DUCATEZ1, Grégory SEILLER1, Erwan ALLARD1 1 DHI, 2/4 rue Edouard Nignon 44300 Nantes, France, [email protected]
Des inondations sont survenues plusieurs fois en France ces dernières années, comme à Châteaubriant (44) en juin 2018.
La Chère, qui traverse la ville, a un bassin versant dont la typologie est fréquente : une partie amont assez rurale et
agricole pour une vallée habitée et urbanisée. Les ruissellements, accentués par des cultures parfois à sol nu et les zones
imperméabilisées, provoquent un apport de volume d’eau dans les cours d’eau rapide et conséquent. Une fois arrivés
aux abords de la ville, ces apports sont parfois supérieurs aux capacités d’écoulement des rivières calibrées par les
ouvrages urbains. Un modèle hydrologique via MIKE SHE a permis de constituer un diagnostic distribué du
fonctionnement du bassin, de connaître les processus naturels à l’échelle de la parcelle et d’identifier les zones de
production, les axes préférentiels d’écoulement et les zones d’accumulation. Ce modèle a été couplé avec un modèle
hydraulique unidimensionnel (MIKE HYDRO) afin d’identifier en même temps les verrous hydrauliques et les zones
inondées en centre urbain. Grâce à ce modèle, des aménagements contre les inondations ont été proposés et leurs effets
simulés afin d’en juger la pertinence. Ce type de modèle permet d’intégrer des ouvrages écrêteurs sur cours d’eau, des
ralentisseurs sur les axes de ruissèlements, des suppressions de verrous hydrauliques, l’impact d’un programme de
replantation de haies ou encore les effets d’un changement des pratiques culturales. L’évaluation des changements qui
surviennent sur le bassin versant est réalisée de manière dynamique pour une meilleure gestion du risque inondation.
Mots-clefs : Ruissellements, hydrologie distribuée, inondations.
Hydrological diagnosis and proposal for flood risk management by
distributed hydrology on the Chère catchment area
Flood events has occurred several times in France in recent years, as in the city of Châteaubriant in June 2018. The
watershed of the river Chère, which cross the city centre, has a common typology: the upstream part is rural and
agricultural when the valley is inhabited and urbanized. The runoffs, accentuated by the bare soils and the paved areas,
cause a flash water discharge in the streams sometimes bigger than the flow capacity of the river structures in the city. A
distributed hydrologic model (MIKE SHE) was set up to diagnose the watershed behavior and to learn about the natural
processes, the runoff production area, flow axis and accumulation area at the local and global scale. This model has
been coupled with an 1D hydraulic model (MIKE HYDRO) in order to identify the dysfunction caused by any structure.
Thanks to the models, solutions were designed to protect against the floods and tested with simulations. This type of model
allows to simulate effects of new structures on rivers, but also on flow axis, effects of hedges replantation and changes in
cultivation practices. The evaluation of the changes in the watershed is made dynamically for a better flood risk
management.
Key words : runoff, distributed hydrology, floods.
Colloque SHF : «Ruissellement , Lyon 30 nov-2 déc 2020 » Jean-Paul Ducatez, Grégory Seiller, Erwan Allard – Diagnostic de ruissellement par hydrologie distribuée.
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INTRODUCTION
Sur le bassin versant de la Chère à Châteaubriant (44), un épisode orageux intense en juin 2018 a causé des
inondations par débordement de cours d’eau mais également par ruissellement. La Chère et son affluent le
Rollard traversent le centre de Châteaubriant et leurs morphologies sont donc fortement influencées pour les
ouvrages présents. Lors de cet événement, les apports en eau de leurs bassins versants respectifs ont été si
importants et rapides qu’ils ont dépassé les capacités de protection prévues par les ouvrages écrêteurs. Les
objectifs de l’étude menée ont été de décrire le fonctionnement à la fois hydrologique et hydraulique du bassin
versant, et d’étudier les effets de plusieurs scénarios d’aménagements de protection contre les inondations.
Une modélisation par hydrologie distribuée a été mise en place et a l’avantage, par rapport aux modèle globaux,
de pouvoir connaître la contribution des ruissellements sur le territoire à travers une cartographie détaillée de
la production du ruissellement.
SITE D’ETUDE
Le bassin versant de la Chère à Châteaubriant (78 km2) est situé au Nord du département de Loire-Atlantique
(Figure 1). La partie étudiée se concentre sur les communes de Châteaubriant et de Soudan, où elle prend sa
source. La Chère traverse le lieu-dit habité du Nid Coquet à Soudan puis le centre bourg de Châteaubriant en
se séparant en deux bras. La confluence du Rollard, un de ses affluents, avec la Chère se trouve en plein de
centre de la ville ce qui rend le réseau hydrographique complexe au sein de la ville.
Figure 1 : Carte de localisation du bassin versant de la Chère à Châteaubriant, Loire-Atlantique.
L’EVENEMENT DE REFERENCE
Le 11 juin 2018, entre 100 et 110 mm sont tombés en l’espace de huit heures. Cet événement, dont la période
de retour est difficile à estimer par le manque de données horaires à la station pluviométrique, a été précédé
par un autre événement le 9 juin où 30 mm sont tombés en une heure, favorisant la saturation des sols. Le débit
enregistré en aval de la ville de Châteaubriant a atteint 14,5 m3/s, qualifiant la crue de vicennale. Cet événement
a causé des inondations un peu partout sur le bassin versant et notamment dans le centre urbain de
Châteaubriant où de nombreux bâtiments ont été impactés (Figure 2).
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Figure 2 : Emprise des inondations (gauche) et photo aérienne lors de l'événement du 11 juin 2018.
Les quatre retenues sèches situées en amont de la zone urbaine et dimensionnées pour des pluies décennales
(378 000 m3 de rétention possible) ont toutes été remplies et sont passées en surverse.
CARACTERISTIQUES DU BASSIN VERSANT
Topographie
Le bassin de la Chère est constitué de plaines et de vallons successifs, faisant de la vallée de la Chère une
vallée peu encaissée (Figure 3). En amont, des plateaux précèdent des versants à forte pentes.
Figure 3 : Topographie du bassin versant. Source : IGN Référentiel à Grande Echelle (RGE)
Textures des sols
Les textures rencontrées (voir Figure 4) sur le bassin versant de la Chère sont assez homogènes et sont
principalement représentées par des complexes limono-sableux à limono-argileux en fonction de la topo
séquence rencontrée du le bassin versant. Aux sols limono-sableux bien drainés des plateaux succèdent des
sols plus hydromorphes sur les interfluves et progressivement argilo-limoneux à mesure de la proximité des
vallées. Les traces d’hydromorphie témoignent de la saturation progressive des sols (parfois peu profonds) due
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à un substrat partiellement imperméable. Ces sols sont à la fois sensibles aux mécanismes de production
Hortonien et aux mécanismes d’écoulements par saturation des bas-fonds.
Figure 4 : Carte des sols. Source : AgroCampus Ouest
Occupation du sol
Le bassin versant de la Chère est composé essentiellement de terres agricoles (33% de terres arables et 14%
de terres agricoles hétérogènes) et de prairie (39%). Les forêts sont très minoritaires sur le territoire (3%). Le
bassin versant est, à l’exception de la zone urbanisée de Châteaubriant, essentiellement rural. La proportion de
prairie sur le bassin versant est notable et n’est pas restreinte aux seules vallées. Les parcelles à nu en juin 2018
ont été différenciées de celles couvertes pour mieux appréhender les phénomènes de ruissellement (Figure 5).
Figure 5 : Occupation du sol sur le bassin versant, représentatif d'un mois de juin. Source : OCS à Grande Echelle, IGN 2013.
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METHODE
Pour étudier le fonctionnement hydrologique et hydraulique du bassin versant, une modélisation numérique a
été mise en œuvre. L’objectif est de développer un outil permettant de reconstituer un événement historique
intense ayant causé des inondations et d’être adaptable pour la modélisation de scénarios d’aménagement. Pour
ce faire, deux modèles ont été couplés dynamiquement sur l’ensemble du bassin versant : le premier est réalisé
à l’aide de MIKE SHE pour modéliser les processus hydrologiques, le deuxième est réalisé à l’aide de MIKE
HYDRO RIVER pour modéliser les processus hydrauliques.
La modélisation avec MIKE SHE
MIKE SHE permet la modélisation des processus hydrologiques comme l’infiltration, le ruissellement voire
l’érosion des sols à l’échelle de la parcelle. Ces processus (évapotranspiration, interception par les plantes,
infiltration, écoulements de surface, interaction avec la nappe) sont décrits dans des mailles, 100 m2 dans cette
étude, à partir d’équations à base physique et des données intrinsèques des bassins versants : topographie,
occupation du sol jusqu’au type de culture à la parcelle, texture des sols. Adaptable, il permet une fois le
modèle calé d’étudier les impacts d’aménagements diffus. L’occupation du sol (croisement entre les données
OCS GE 2013 et Registre Parcellaire Graphique de l’IGN) permet de décrire l’impact de la végétation sur
l’interception et l’évapotranspiration (Kirstensen & Jensen, 1975). Les textures de sol, à dominance limono-
sableuse sur le bassin de la Chère1, donne les paramètres pour le calcul de l’infiltration (Rawls, Brakensiek, &
Miller, 1983) via l’écoulement gravitaire et les équations de Green et Ampt (Green & Ampt, 1911; van
Genuchten, 1980; Richards, 1931). Ainsi, la saturation du sol est détaillée dans une discrétisation verticale de
la maille. Une attention particulière a été portée à l’influence de la couverture végétale sur l’infiltration, les
sols du bassin de la Chère pouvant présenter des phénomènes de battance favorisés lorsque que les cultures
ont été récoltées. Enfin, les écoulements de surface sont calculés par la méthode des différences finies et de
l’approximation de l’onde diffusive des équations de Barré de Saint-Venant à partir les données
topographiques (Lidar 1m étendue avec un RGE 5m) et d’occupation du sol pour déterminer la rugosité. Les
obstacles à l’écoulement comme les voiries sont soit corrigés directement sur la donnée, soit représentés dans
le modèle MIKE HYDRO River. La continuité des ruissellements avec les cours d’eau est assurée par le
couplage entre MIKE SHE et MIKE HYDRO River.
La modélisation avec MIKE HYRO River
Les effets hydrauliques comme les verrous provoqués par de potentiels ouvrages ou la gestion de vanne de
régulation ont été simulés grâce à MIKE HYDRO River, qui calcule les écoulements unidimensionnels par la
résolution des équations de Barré de Saint-Venant. Aussi, les hauteurs d’eau et les débits sont connus en tout
point du linéaire des cours d’eau modélisés. Ce modèle hydraulique permet donc de décrire les 80 ouvrages à
l’aide de canalisation, dalots, orifices ou encore des seuils. Le fonctionnement des six ouvrages de protection
contre les inondations et des deux étangs traversés par la Chère et ses affluents sont ainsi représentés et
analysés. Cette précision est d’autant plus nécessaire dans un contexte urbain où la présence de ponts et
ouvrages industriels sont de potentiels verrous hydrauliques, et où la Chère se sépare en plusieurs bras et reçoit
les apports du Rollard.
Le modèle couplé
Les deux modèles communiquent et échangent des débits dynamiquement soit par les apports de ruissellement
aux cours d’eau (MIKE SHE vers MIKE HYDRO), soit par débordement de ceux-ci dans le lit majeur (MIKE
HYDRO vers MIKE SHE). Ces deux modèles constituent in fine un seul et unique modèle, calibré à partir de
l’événement de juin 2018 et ont été vérifiés sur celui de décembre 2013, vecteur d’inondations lui aussi. Pour
chaque événement, une étape d’initialisation du modèle a été nécessaire afin de rendre compte d’une saturation
préalable du sol : les conditions hydrologiques qui précèdent l’événement jouent donc un rôle dans les débits
atteints dans les cours d’eau. Il est ainsi tout à fait possible de comparer deux événements avec des antécédents
hydrologiques différents. Le calage, notamment des paramètres hydrauliques, se base sur les mesures de niveau
et de débits disponibles ainsi que l’emprise de zone inondée de chaque événement.
1 Programme Inventaire Gestion et Conservation des Sols - Région Pays de la Loire – Echelle 1/1 250 000
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RESULTATS
Le modèle a su reproduire l’événement de juin 2018 à travers le débit enregistré à la station. Ce débit montre
deux pics : un premier pic issu des ruissellements urbains, et un deuxième, plus lent mais plus large, issu du
régime fluvial de la Chère et du bassin versant rural amont (Figure 6).
Figure 6 : Résultats de calage (gauche) et de validation (droite).
Une fois les modèles calés, le diagnostic a pu être réalisé en déterminant les zones de production du
ruissellement, les axes préférentiels d’écoulement et de concentration du ruissellement et les zones
d’accumulation à travers les hauteurs d’eau (Figure 7), les vitesses, le taux d’infiltration ou encore le volume
ruisselé et/ou infiltré (Figure 8).
Figure 7 : Hauteur d'eau maximale pour l'événement du 11 juin pour le bassin amont.
Figure 8 : Volume ruisselé en pourcentage pour l'événement du 11 juin pour le bassin amont.
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Une vision détaillée des processus sur le bassin versant aide à l’identification des axes importants de
ruissellement et permet d’envisager une stratégie d’aménagements dispersés sur le territoire. L’objectif est
d’avoir une approche de réduction des apports en amont des zones d’enjeux en ralentissant les écoulements et
de réduire le débit de pointe à proximité des habitations.
Deux scénarios d’écrêtements ont pu être comparés : (1) avec ouvrages écrêteurs sur les cours d’eau mêmes,
avec création de digue et (2) avec ouvrages dispersés sur les axes de ruissellement, profitant de la topographie
et des éléments structurants déjà présents, pour un volume total de 106 000 m3. Par ailleurs, les effets de
suppression des verrous hydrauliques souvent présent en zone urbaine ont pu être également être simulés. Dans
un scénario complémentaire, MIKE SHE a également permis de quantifier les impacts d’un programme de
replantation de haies sur le ralentissement des écoulements à l’échelle du bassin versant. Pour cela, sur un
linéaire de haies préalablement choisi (perpendiculaire aux axes de ruissellement, position en fin de parcelle),
les conductivités hydrauliques à saturation ont été doublées (Kiepe, 1995) et le coefficient de rugosité réduit.
Cette étude a permis de définir un programme d’aménagement global sur la réduction du risque inondation en
combinant des ouvrages écrêteurs et un programme de replantation de haie sur l’ensemble de la partie amont.
Elle a aussi mis évidence l’influence aggravante de seuils présents dans les cours d’eau.
CONCLUSIONS
L’association d’un modèle d’hydrologie distribuée et d’un modèle hydraulique d’écoulement présente
l’avantage de pouvoir apprécier les différents processus hydrologiques se produisant à une maille fine intra
parcellaire et de calculer leur conséquence à la fois globale à l’échelle du bassin versant et à la fois locale à
l’échelle des enjeux. Cette méthode nécessite cependant d’accéder à de nombreuses données décrivant le
territoire (occupation du sol, texture des sols, mesures hydrométriques etc.) et de données de calage pour
améliorer la justesse et la robustesse des modèles.
Les différents processus hydrologiques étant reproduits à l’échelle de la maille de calcul, ils peuvent être
représentés et communiqués grâce à une cartographie sur l’ensemble du territoire pour une meilleure prise de
décision individuelle et collective. La production de cartographie permet par ailleurs la création du support de
communication diffusable auprès du grand public. Les effets à petite échelle tels que les changements de
pratiques culturales, les changements d’occupation des sols, l’organisation de l’exploitation des sols agricoles
et les opérations de désimperméabilisation des communes peuvent être évalués de manière dynamique pour
une meilleure gestion du risque inondation.
Colloque SHF : «Ruissellement , Lyon 30 nov-2 déc 2020 » Jean-Paul Ducatez, Grégory Seiller, Erwan Allard – Diagnostic de ruissellement par hydrologie distribuée.
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REFERENCES
DHI. (2001). MIKE SHE Reference guide V2. Aarhus, Denmark.
Green, W., & Ampt, G. (1911). Studies in soil physics. J Agric Sci (England), 4, 1-24.
Kiepe, P. (1995). No Runoff, no Soil Loss: Soil and Water Conservation in Hedgerow Barrier Systems.
Wageningen Agricultural University.
Kirstensen, K., & Jensen, S. (1975). A model for estimating actual evaporation from potential
evapotranspiration. Royal Veterinary and Agricultural University, Nordic Hydrology, 170-188.
Rawls, W., Brakensiek, D., & Miller, N. (1983). Green-ampt Infiltration Parameters from Soils Data. Journal
of Hydraulic Engineering, 109, 62-70.
Richards, L. (1931). Capillary conduction of liquids through porous mediums. Journal of Applied Physics,
318-333.
van Genuchten, M. (1980). A closed-from Equation for Predicting the Hydraulic Conductivity of Unsaturated
Soils. Soil Science Society of America Journal, 882-898.