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Diagnostic sur la mise en place de potagers sur toits dans l'agglomération grenobloise 1

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Diagnostic sur la mise en

place de potagers sur toits

dans l'agglomération

grenobloise

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Table des matières

1. Remerciements……………………………………………………………………. 3

2. Contexte

2.1 L'agriculture urbaine et péri-urbaine……………………………………… 3

2.2 Les cultures sur toit……………………………………………………….. 4

2.3 L'agriculture urbaine à Grenoble………………………………………….. 5

3. Méthode…………………………………………………………………………… 9

4. Résultat des étude bibliographique et études de cas………………………………. 9

5. Résultat des enquêtes…………………………………………………………….. 10

6. Aspect productif et expérimentation……………………………………………... 13

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1. Remerciements

Ce travail collectif a mobilisé un nombre important d'acteurs. Nous souhaitonsparticulièrement remercier l'équipe de l'association Contrevent, les étudiants du projet tutoré dumaster 2 – Techniques, Sciences et Décisions 2015-2016, les stagiaires de l'Institut de GéographieAlpine, les personnes qui ont accepté de bien vouloir répondre à nos questions dans les entretiens etenquêtes réalisées, les bénévoles et salariés de l'association Cultivons nos toits, et les financeurs decette étude.

2. Contexte

2.1 L'agriculture urbaine et péri-urbaine

L’agriculture urbaine est une activité qui consiste à produire en ville une partie de nosaliments : des fruits, des légumes, des champignons mais aussi des élevages réduits de poissons,insectes, abeilles, lapins ou volailles. Cette pratique est une des solutions envisagée par l’ONU pourfaire face aux défis de sécurité alimentaire, d'urbanisation et de périurbanisation croissante dans lemonde. Un concept nouveau dans nos pays occidentaux certes, mais en pleine expansion : selon laFAO elle serait pratiquée par plus 700 millions d’habitants. Détroit en est l'exemple le plus frappant,autrefois fleuron de l’industrie automobile et du rêve américain, la ville incarne aujourd'hui toutesles limites du capitalisme autodestructeur. Après avoir perdu la moitié de sa population en un demi-siècle, la ville est en train de renaître par l'agriculture urbaine : les habitants ont décidé de reprendreen main leur alimentation et plus de 1 500 fermes et jardins urbains ont vu le jour sur les centainesd’hectares laissés vacants dans la ville (écoles, rond points, toits...).

Cette pratique est une réponse à un problème issu de la relégation des espaces agricoles loindes espaces urbains, et de notre système de libre-échange actuel qui permet d'acheter de lanourriture à l'autre côté de la planète. En effet, la distance entre les espaces de production et lesespaces de consommation met en tension l'approvisionnement en denrées comestibles si la chaîneest rompue, comme par exemple en cas de défaut de carburant pour le transport. La ville de Parispar exemple ne possède que 3 jours de réserves alimentaires, et pourrait être en situation critique lejour où le prix de l'essence sera si cher que les transporteurs seront immobilisés. Ce conceptd'autonomie alimentaire des villes fait réfléchir dans un contexte où l'urbanisation ne cesse decroître, et le nombre de paysan ne cesse de diminuer. Cette diminution favorise les grands groupesagro-alimentaires qui n'en deviennent que trop indispensables pour l'alimentation : cette situationquestionne la sécurité alimentaire des organisations humaines.

Certaines villes se sont déjà engagées sur la voie de la transition alimentaire afin derelocaliser la production de denrées alimentaires dans un rayon restreint autour de leur centre : ainsila ville d'Albi, disposant de 5 jours de réserves alimentaires, s'est fixé l'objectif, à l'horizon 2020, depermettre à tous les habitants de se nourrir de denrées produites dans un rayon de 60 kilomètres

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autour de la préfecture tarnaise. Ces villes font figure d'exemple pour les autres, avec des actionsconcrètes comme la préemption de 73 ha de friche mise à disposition d'agriculteurs pour 70€/an/haà condition que la production soit entièrement biologique, et qu'elle soit réinjectée en circuit courtdans le marché local. Souvent, ces démarches de relocalisation de la production alimentaires'accompagnent également d'un engagement pour une production de qualité, situant l'agricultureurbaine et péri-urbaine dans un champ qui questionne les façons de produire de la nourriture.Différentes pratiques innovantes comme l'agro-écologie ou la permaculture viennent nourrir lavolonté de produire des denrées alimentaires saines tout en respectant la qualité des sols et del'environnement de manière plus générale, avec un soin particulier aux rejets dans la nature. Cespratiques utilisent des techniques agricoles diverses comme la culture en pleine terre, la culturehors-sol, les cultures verticales, l'hydroponie, l'aquaponie ainsi que de nombreux modeséconomiques et organisationnels tels que les jardins communautaires, les jardins individuels, lesjardins partagés, les fermes... Dans la suite de ce document nous nous intéresserons à différentesinitiatives d'agriculture urbaine : sur toit et en pleine terre, dans un premier temps au niveaumondial puis à l'échelle de notre agglomération (Grenoble) et essayerons d'adresser un certainnombre de recommandations afin de favoriser le développement de ces initiatives.

2.2 Les cultures sur toit

Scandinavie, Amérique du Nord, Sibérie... Depuis des siècles, la végétation est présente surles habitations traditionnelles dans de nombreuses régions de la planète. Souvent prélevée dansl’environnement immédiat, la couche végétale offrait aux habitants une protection thermiqueparticulièrement bienvenue durant les hivers rigoureux et permettait de protéger les constructions.

Le Corbusier1 soulignait également l’importance de l’utilisation du toit d’un bâtiment. Eneffet, dans cet ouvrage, il liste cinq éléments essentiels dont le toit-terrasse, c’est à dire lerenoncement au toit traditionnel en pente et permettant l’accès à un solarium, un terrain de sport ouencore une piscine. Pourtant, la culture française ne s’intéresse que très peu à cette cinquièmefaçade, celle-ci est généralement encombrée de matériels techniques divers et bien que parfoishabillée de panneaux photovoltaïques ou plus récemment recouverte de végétaux non comestiblespour l'isolation du toit, celle-ci n’est pas conçue pour être utilisée et son accès reste souventpérilleux.

Néanmoins, l’apparition de projets immobiliers à toit plat de grandes envergures (centrecommerciaux, bâtiments industriels...), combinée à une pression foncière croissante dans les villes,l’idée de végétaliser ces grandes surfaces souvent laissés inaccessibles commence à faire sonchemin. Les réalisations commencent à se multiplier ces dernières années, les techniques se sontaméliorées et cela nous amène aujourd'hui à redécouvrir les qualités de cette cinquième façade pourses multiples potentialités. Désormais, des projets d’agriculture urbaine sur les toits se concrétisentcomme les “Lufa Farms” au Canada qui cultivent 29.000 m² de toits et distribue plus de 3 000paniers par semaine, UrbanFarmers AG en Suisse et en Allemagne qui produit des légumes et du

1 Le Corbusier & Pierre Jeanneret , « Les cinq points d'une nouvelle architecture », 1927

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poisson grâce à une technique innovante (l'aquaponie) ou encore le “Jardin perché”, un jardincollectif de 600 m2 sur le toit d'un gymnase a Paris.

Aujourd’hui, de New York à Singapour en passant par Londres et Paris, la plupart desgrandes villes intègrent ou encouragent la végétalisation des toitures dans leurs projets d’urbanismeet d’architecture. L’intérêt ne se mesure plus seulement en terme d’isolation: un toit végétalisécontribue aussi à la gestion des eaux de pluie, au rafraîchissement de la ville, à la biodiversité etdans le cas de jardins, à une volonté de produire local, de supprimer les circuits de distribution, decultiver des produits de qualité et d’accentuer le lien social d’un quartier en proposant un lieu deverdure au milieu de la ville.

Malgré ces avantages, les cultures sur toit se heurtent à des freins normatifs et techniques :

• Pour préserver la toiture, la portance du toit doit être suffisante pour supporter en plus du

poids du substrat de culture, de l'eau d'irrigation qui gonfle ce substrat, celui des autresinstallations annexes (cabanon à outils, …) et celui des personnes.

• Pour assurer la sécurité sur le toit, espace aérien par définition, des gardes-corps doivent être

installés.

• Et enfin, l'accessibilité au toit doit être rendue possible et auquel cas des travaux

d'aménagements (ascenseur, escalier, …) doivent être réalisés, en prenant en compte lesnormes d'accessibilité en vigueur, notamment l'accès aux personnes à mobilité réduite.

Ces freins ne sont pas des obstacles infranchissables, mais nécessitent un engagement de la part duou des propriétaires du toit. Cet engagement est d'une part financier car des travaux coûteuxpeuvent être nécessaires, et d'une part juridique car les propriétaires engagent leur responsabilité parrapport aux éventuels sinistres qui pourraient se déclencher suite à des défauts de mise en place desaménagements. Une façon de diminuer les risques liés aux cultures sur toit est d'intégrerdirectement ces contraintes lors de la fabrication du bâtiment : les frais d'installation seront réduits,l'accessibilité pourra être prévue dans le respect des normes et la toiture pourra être renforcée à laconception du bâtiment. Cette solution, plus simple, exclue par contre la possibilité d'utiliserl'existant et encourage la course effrénée à la construction, dont on sait les effets néfastes pourl'environnement.

2.3 L'agriculture urbaine à Grenoble

Il y a une sensibilité réelle des habitants de l'agglomération grenobloise à l'agricultureurbaine et un nombre conséquent d'initiatives en lien avec la production alimentaire. On compteplus de 50 jardins (collectifs ou à parcelles individuelles, sociaux, ouvriers, ...), 6 vergers, 40systèmes de distribution de paniers (AMAP, paniers paysans, …), 6000 composteurs individuels et63 sites de compostage collectif dans l'agglomération de Grenoble. Ces initiatives sont soutenuespar les collectivités territoriales par le biais de subventions, de mise à disposition d'espacescultivables, d'aide logistique grâce aux services des espaces verts…

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Cependant, la demande est loin d’être satisfaite : sur la seule commune de Saint Martin d'Hères,voisine de Grenoble, on compte 214 parcelles individuelles et l'attente pour l'attribution d'uneparcelle est longue : la mairie est actuellement en train de traiter les demandes de l'année 2009 etl'attente varie de 6 à 10 ans en fonction des demandes qui viendront. La difficulté d'accès à la terre,problématique récurrente chez les paysans, touche également les agriculteurs urbains, et d'autantplus en territoire urbains où les jardins sont en compétition avec les constructions immobilières duesà l'urbanisation.

C'est pour apporter une réponse au manque d'espace cultivable disponible que des projets decultures sur les toits ont vu le jour à Grenoble : l'Association Française de Culture Hors-Sol a lancé2 projets de culture sur toit en utilisation la technique de l'hydroponie sur les toits de la bibliothèquedu centre-ville de Grenoble (office du tourisme) et de la Casemate. Ces projets ont fait leurs preuvesen terme de production mais les jardins n'ont pas pu survivre jusqu'à aujourd'hui faute de suivi,d'entretien, de durabilité des matériaux utilisés. Aujourd'hui Cultivons nos toits a démarré deuxprojets (la Casemate et une copropriété à Seyssinet-Pariset) et un jardin devrait voir le jour dans lequartier de Hoche en centre ville, mais ces initiatives restent marginales à l'échelle du parcimmobilier en comparaison à la quantité de toits potentiellement cultivables sur l'agglomération.

En effet, une étude a été réalisée en 2015 par Bérangère Deforche alors en Master Sciencedes sociétés et de leur environnement à l'université Lumière Lyon 2 en partenariat avec l'INRIA,afin de cartographier les toits plats sur les communes de Grenoble et Saint Martin d'Hères.

A partir de différents bases de données majoritairement issues de l'IGN (BD Topo, Ortho-Photo,Google Earth, IRIS et ESNET) et datant de 2009, Bérangère a produit une cartographie des toitsplats des deux villes en différenciant les bâtiments par usage (industriel, résidentiel oucommercial) :

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L'analyse précise des données numérique permet d'avoir accès au potentiel de surface utile parusage des bâtiments :

Il y a donc un potentiel représentant au total 170 ha de surface disponible sur les toits des villes deGrenoble et Saint Martin d'Hères. Ce chiffre est quantitativement important, mais il est intéressantde le comparer avec celui des usages agricoles (actuellement en pleine terre) que l'on retrouve surl'agglomération grenobloise : cela permet de savoir si ce potentiel est dérisoire par rapport àl'activité agricole du territoire ou si au contraire, ce potentiel permettrait d'augmenter de manièreconséquente la surface totale cultivée, au sol et sur les toits. En répertoriant les surfaces agricolesdédiées au maraîchage (les surfaces de grandes cultures en sont exclues car ces grandes cultures ne

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sont pas reproductibles sur un toit) dans un rayon de 10 km, on totalise une surface de 180 ha, unchiffre comparable à la surface des toits plats sur les deux villes concernée par l'étude.

Cette comparaison, qui exclut les autres villes de l'agglomération, nous permet donc d'affirmer quele potentiel de développement des activités agricoles est grand, même s'il faut toujours nuancer cerésultat par une étude au cas par cas de la faisabilité technique (portance, accessibilité, sécurité) del'installation d'espaces cultivés sur les toits.

Face au faible nombre d'initiatives au sein de notre Métropole, nous avons décidés de mener undiagnostic afin de préciser le potentiel des cultures sur toit qui pourraient voir le jour, ainsi qued'établir une démarche pour assurer la pérennité des jardins mis en place.

Nous nous sommes également posé la question du public de ces jardins : les avantages de la culturepotagère étant établis, à qui ces avantages vont-ils bénéficier ? Si Cultivons nos toits cherche àrépondre à des besoins sociaux transversaux, l'association est très attachée à l'inclusion des publicsprécaires dans sa démarche participative. C'est ainsi que nous porterons une attention particulièresur les réalisations au sein des logements sociaux dans les quartiers populaires.

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3. Méthode

L’agriculture urbaine est un thème récent dans le milieu académique. Il est traité en premier lieu pardes chercheurs militants, qui étudient des expérimentations en cours et n’ont pas pour but deconstruire un cadre théorique. Nous avons donc décidés d'entamer un processus de recherche-action, permettant de traiter une problématique tout en s'inspirant des expérimentations du terrain ets'assurer que le projet suive bien la réalité des différents acteurs investis. Ce processus permettra dedéterminer le fonctionnement des jardins partagés et d'établir la démarche à suivre pour mettre enplace des jardins pérennes sur les toits de l'agglomération grenobloise.

Ce diagnostic vise à :

• Évaluer les potentiels écologiques, économiques et sociaux des cultures sur toiture dans

l’agglomération grenobloise ;

• Conseiller et guider les décisions publiques future, dans l’intérêt de la société civile et des

citoyens ;

• Permettre aux acteurs locaux de consolider leurs connaissances et leurs capacités d’action ;

• Faciliter l’appropriation des jardins par les citoyens, notamment en analysant les

caractéristiques de l’agriculture urbaine populaire (jardins ouvriers, autogérés, familiaux) ;

La méthode qui a été appliquée est la suivante : tout d'abord, une étude bibliographique et desétudes de cas ont été réalisées pour étudier les initiatives existantes en France et sur le bassingrenoblois et dégager de grands principes. Ensuite, une phase d'enquêtes conscientisantes2 (selon laméthodologie de Raymond Debord) a été réalisée auprès de différents acteurs de l'agricultureurbaine, acteurs sociaux, collectivités, habitants… Les enquêtes réalisées auprès des habitantsétaient avant tout des enquêtes qualitatives visant à déterminer l’intérêt porté au jardinage, le tempsdisponible, les habitudes de consommations. Elles permettent également d'évaluer l'engagementpotentiel des personnes rencontrées et de déterminer les conditions de mise en place de jardinspérennes.

4. Résultat des études bibliographiques et études de cas

L'étude bibliographique et les études de cas ont permis d'analyser différentes typologiesd'organisation de jardins en explorant sur une quinzaine de projets différents les critères suivants :

2 Raymond Debord, « Enquête et conscientisation », Praxis n° 3, mars 2001

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• Nombre de personnes impliquées

• Type de quartier d'implantation

• Taille de la surface concernée

• Types de publics concernés

• Type de structure / Gouvernance

• Type de financement

• Jardin Expérimental ou Jardin productif

• Aspects positifs / négatifs

Si la taille du jardin (en superficie et public) et son implantation varient, un organe de gouvernancecollectif, souvent associatif, est présent dans 88 % des jardins, ainsi qu'un accompagnement aujardinage, qu'il soit technique ou collectif, dans 63 % des jardins étudiés.

On note également la pérennité des jardins co-construits avec les habitants, ce qui permet une plusgrande appropriation du jardin et assure son bon fonctionnement. A contrario, des démarchesportées uniquement par des institutions ou des propriétaires sociaux ont parfois du mal à trouverleur public car ces démarches ne prennent pas suffisamment en compte l'intérêt des habitants etfixent des cadres matériels qui sont inadaptés à leur usage par le public. On peut citer l'exemple dela résidence Le Candide, à Vitry-sur-Seine : la résidence a été conçue par l'architecte Bruno Rollet,qui a intégré divers usages de la toiture dont un espace cultivable en bacs. Cette conceptionreprésente un très beau projet architectural mais n'a pas été partagée avec les habitants : les usagesdes habitants n'ont pas été pris en compte et très peu d'habitants se retrouvent dans ce projet deculture en bacs : seulement 2 familles sur les 29 qui habitent la résidence cultivent leur toit. Il fautégalement savoir que les modifications de l'aménagement de la toiture sont impossibles sansl'accord de l'architecte : les garde-corps ont été relevés pour respecter les normes de sécurité en cequi concerne les enfants, mais qu'aucun autre aménagement n'a été réalisé pour améliorer lafréquentation du jardin.

Afin de préciser ces premiers résultats, des enquêtes auprès d'habitants, d'acteurs de l'agricultureurbaine et des logements sociaux ont été réalisées.

5. Résultats des enquêtes

Pour détailler ces premiers éléments, nous avons enquêté auprès d'acteurs qui animent le réseau del'agriculture urbaine dans l'agglomération : l'association Brin d'Grelinette, les jardins de Kedros, lesjardins de la Poterne et du Coleopterre, le jardins des Cairns.

Il apparaît bien une demande d'espace cultivable sur l'agglomération (les jardins sont pleins à

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craquer), mais les premiers résultats sont confirmés par les expériences de ces acteurs : il sembledifficile de se passer d'un accompagnement au jardinage, quel que soit le public et d'autant plus s'iln'est pas sensibilisé en premier lieu. Cet accompagnement participe d'une logique plus grandeintégrant également une structuration collective et un certain degré de gestion en commun du jardin.

Il nous tenait à cœur d'étudier la réalisation de jardins sur les toits en quartier populaire, attendu queles bénéfices de ces projets pourraient aller spécifiquement vers ceux qui en ont le plus besoin.

Afin d'étudier la faisabilité de ces projets, nous avons donc enquêté auprès d'acteurs des logementssociaux : Associations d’Habitants du Grand Grenoble (LAHGGLO), l'OPAC 38, ACTIS, AteliersPopulaires d'Urbanisme, la Confédération Nationale du Logement.

Il apparaît que certains bailleurs sociaux sont engagés déjà depuis quelques années dans laréalisation de jardins partagés en bas d'immeuble (comme le jardin du Kédros, au sein d'unerésidence gérée par l'OPAC 38) et sont intéressés par le potentiel de réduction des charges dechauffage et ventilation dû à l'isolation du bâtiment. Il apparaît également une sensibilitéparticulière à l'implication des habitants au sein de leur propre lieu de vie, car elle garantit unmeilleur climat au sein du bâtiment et donc moins de relations conflictuelles avec le bailleur.

Les bailleurs rencontrés favorisent la constitution d'une structure collective de type associative afind'avoir des représentants qui puissent jouer le rôle d'interlocuteur auprès du bailleur.

Enfin, des pistes ont été évoquées afin de réunir des habitants de logements sociaux autour d'unprojet de jardin sur toit en mobilisant par exemple la liste d'attribution des logements sociaux. Cetaspect a son importance pour pouvoir co-concevoir un jardin qui correspond aux attentes deshabitants.

Enfin, pour avoir une vision plus globale du public de ces jardins, nous avons réalisé 131 enquêtesauprès d'habitants de l'agglomération. Ces enquêtes permettent d'évaluer l'intérêt pour l'agricultureurbaine en général et les jardins sur les toits en particulier. Elles ont été réalisées auprès d'un publicdéjà sensibilisé.

Voici les résultats de ces enquêtes :

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Non Oui % Oui14 116 88,55%75 56 42,75%21 77 58,78%

9 122 93,13%< 2H > 2H % > 2H

49 82 62,60%

Plus d'espaces verts dans le quartier ?Déjà investi dans un jardin ?Sinon, intéressé par jardiner ?Favorable à l'implantation D'un jardin sur votre toit ?

Combien de temps par semaine ?

Parmi les personnes rencontrées, un nombre important se déclare sensible au vert dans sonenvironnement et favorable à l'implantation d'un jardin sur les toits.

Les résultats sont similaires lorsque l'on restreint le champ de l'enquête aux quartiers populaires : 91% se déclarent intéressés par la pratique du jardinage, 96% des personnes rencontrées sedéclarent favorable à l'implantation d'un jardin sur leur toit et 63% des personnes souhaiteraientavoir un jardin.

Les analyses précédentes se confirment lors de la discussion engagée, et permise grâce à l'aspectsemi directif de l'enquête : le besoin d'accompagnement revient avec insistance, notamment parmiles personnes qui ne jardinent pas actuellement par manque de compétences mais qui jardineraientvolontiers. Le temps que les personnes rencontrées sont prêtes à investir au jardin permet égalementde co-construire en amont le projet avec les futurs usagers du jardin, ce qui garantit sa pérennité.

Ce travail permet de conclure quant à l'intérêt porté à l'environnement en général et au jardinage enparticulier sur le bassin grenoblois et les longues listes d'attentes pour l'obtention d'une parcelleprouve bien l'intérêt qu'il y aurait à développer des jardins sur des toits.

L'étude des aspects techniques et normatifs nous apprend que ces projets sont plus complexes maispas impossible à mettre en œuvre, et le recensement des toits plats dans la région grenobloisepermet de mesurer la grande disponibilité de ces espaces aujourd'hui inutilisés. Par exemple, lesbailleurs sociaux rencontrés se sont exprimés en faveur des jardins sur les toits et disposent d'unparc immobilier très important.

L'étude précise des structures portant des projets de jardins partagés montre que pour que le jardinsoit un succès, il est nécessaire d'accompagner le public dans l'activité de jardinage mais égalementde l'impliquer en amont pour la définition précise de ses attentes et dans la gestion de la structurecollective qui correspond.

Ce travail nous a amené à établir une méthode pour la mise en place d'un jardin sur un toit etgarantir sa durabilité. Cette méthode se détaille en différents points :

• Contacter d'une manière ou d'une autre les futurs usagers du jardin. La façon d'entrer en

contact diffère selon les personnes/ la structure qui porte le projet : si un groupe d'habitantsest déjà constitué, le travail est en bonne voie, sinon il faudra réaliser une phase d'enquêteterritorialisée et réunir les personnes intéressées.

• Identifier le toit candidat et en négocier l'accès avec le propriétaire

• Faire faire une étude structure du bâtiment par un bureau d'étude afin d'être au courant des

possibilités matérielles (limite de poids à rajouter sur le toit, ...)

• Définir avec un premier groupe de personnes motivées les grandes lignes du jardin en

partant des envies et intérêts des membres du groupe

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• Faire grossir le groupe de travail en communicant autour de ce travail collectif et affiner les

propositions

• Mettre en regard les propositions avec les possibilités techniques et normatives

• Installer le jardin après avoir modifié les propositions si besoin

• Organiser une forme d'accompagnement correspondant aux besoins définis par le groupe de

travail (charte d’organisation, attribution des parcelles, animations hebdomadaires, ...)

• En fonction de l'évolution du jardin, remanier les termes du contrat d'accompagnement en

fonction de la progression des jardiniers et/ou des nécessités

Mais si notre travail portait majoritairement sur les structures collectives de jardinages (type jardinpartagé), ce diagnostic nous a permis de nous rendre compte qu'une partie des personnesrencontrées était sensibilisée à la qualité de leur alimentation, mais n'avait pas le temps ou l'envie des'investir sur une parcelle pour produire leur propre nourriture. Au vu du recensement des toits plats,il est permis d'imaginer une production et distribution en circuit court à destination des habitantsvivant non loin du toit productif.

6. Aspect productif et expérimentation

Afin de démontrer qu'il est possible de cultiver sur tout types de toits avec peu de moyens etdes résultats, nous avons décidé d'expérimenter des cultures dans des bacs avec moins de 10 cm desubstrat (poids des bac avec substrat < 30kg). Pour cette première expérience sur toit nous avonsmis en culture des plantes potagères classiques : tomates, aubergines, poivrons, courgettes,concombres, courge et quelques aromatiques afin de pouvoir étudier leurs réactions face à la faibleprofondeur de substrat, ce grâce à des notations hebdomadaires de croissance, et ainsi adapter notreméthode de production pour les projets à venir. La consommation en eau est également unevariable que nous avons tenu à contrôler : pour cela nous avons expérimenté différents substrats(évaporation, rétention d'eau..) et mis en place un système d’irrigation automatisé et relié à unpluviomètre afin de ne pas arroser en cas de pluie.

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Malgré un lancement tardif (juin) l'expérience s'est révélée plus qu'intéressante. Nous avons utilisé50 m² de surface au sol (12,6 m² cultivables) et très peu investi grâce a la récupération d'une grandepart des matériaux. Le temps de conception et de mise en place a été estimé à 120h de travail, quantà l'entretien, il s'est avéré relativement faible une fois l’installation terminée (2 à 3 heures parsemaine). La production a été significative : plus de 30kg de légumes ont été récoltés au cours del'été, malgré quelques inconvénients (attaques d'oiseaux et mildiou).

Cette première expérience nous rend très optimiste quant au potentiel de la culture sur toit. L'annéeprochaine, nous souhaitons continuer à expérimenter sur ce toit : nous disposerons alors de 200 à300 m² de surface au sol. En commençant la production plus tôt et en investissant d'avantagel'espace, nous espérons multiplier par 20 notre production sur ce même toit et essaimer cetteinitiative sur d'autres toits de la ville. Le potentiel de culture sur toit est important, comme lacartographie l'a démontré, et nous permet d'envisager l'installation de projet de jardinage partagé àdestination des habitants, mais également de penser à cultiver un espace suffisant pour créer unmodèle de distribution en circuit court permettant de créer des emplois de maraîcher urbain. Cetteinitiative sera alors reproductible car dépendante seulement de la surface cultivée si le modèle dedistribution est fonctionnel.

Il reste encore du travail avant de démontrer et théoriser la viabilité économique de ce typed'initiative mais nous sommes convaincus que le métier d'agriculteur urbain est un métier d'avenirpour notre société. Que cela soit sur les toits plats ou les espaces inutilisés en ville (espaces verts,friches...), la production alimentaire en ville devient un enjeux de société aux multiples facettesassociant lien social et circuits courts dans une logique de développement durable.

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