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pratique | virologie 20 OptionBio | Lundi 8 juin 2009 | n° 420 L’ infection chronique par le VHB est défi- nie par l’Ag HBs positif pendant plus de 6 mois. La réactivation du VHB est une complication reconnue du portage chroni- que du VHB, le plus souvent chez les patients immunodéprimés. La réactivation est carac- térisée par une augmentation de la charge virale du VHB, la réapparition de l’Ag HBs ou de l’Ag Hbe. Elle peut être asymptomatique ou symptomatique, allant jusqu’à une défaillance hépatique sévère. Épidémiologie L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à deux milliards le nombre de personnes qui sont, ou ont été, infectées par le virus de l’hépatite B (VHB), dont 370 à 400 millions sont porteurs chro- niques. L’hépatite B entraîne le décès d’un à deux millions d’individus par an, ce qui en fait un véri- table problème de santé publique. La prévalence varie de 3 à 5 % aux États-Unis, jusqu’à plus de 10 % en Asie. Physiopathologie Lors de l’infection aiguë par le VHB, c’est la réponse immune contre les antigènes viraux qui entraîne la nécrose hépatocytaire (destruction immunitaire à médiation cellulaire par recon- naissance d’antigènes viraux membranaires). Les hépatocytes infectés sont lysés par les lymphocy- tes T cytotoxiques CD8+. Deux mécanismes étroitement liés peuvent expli- quer l’hépatite due à la réactivation du VHB : – tout d’abord, l’immunodépression provoquée par l’administration d’agents cytotoxiques et immunodépresseurs conduit à une déplétion en lymphocytes T. Cette diminution de la réponse immunologique normale permet une réplication accrue du VHB et est ainsi responsable d’une toxi- cité hépatique directe ; – le second mécanisme expliquant l’épisode cli- nique d’exacerbation aiguë associé à la réactiva- tion résulte, quant à lui, du rebond immunologique post-chimiothérapie. En effet, avec l’arrêt de la chimiothérapie, la réponse immune reprend et conduit à la destruction des hépatocytes. Facteurs de risque Les réactivations du VHB ont été observées dans une grande variété de situations cliniques. La plus fréquente reste l’immunodépression, qu’elle soit iatrogène ou infectieuse. Ainsi, de nombreux cas ont été décrits lors de l’administration de chimio- thérapie immunosuppressive, mais également après des transplantations d’organe ou encore des greffes de moelle osseuse. Avec l’étendue de l’uti- lisation de certaines molécules immunodépriman- tes, des réactivations ont aussi été décrites dans le cadre de maladie auto-immune, de pathologie rhumatologique... L’infection par le VIH est égale- ment un facteur de risque de réactivation, ainsi que la surinfection par d’autres virus hépatiques tels que le VHA, le VHC et le VHD, en entraînant une perturbation de l’équilibre immunologique des patients co-infectés par ces virus. Présentation clinique Les manifestations cliniques de la réactivation du VHB apparaissent généralement 4 à 36 semaines après l’initiation de l’immunosuppression. Le plus souvent, la réactivation correspond à une élévation des ALAT asymptomatique. Des symptômes non spécifiques peuvent être présents tels que : – des nausées ; – une fatigue ; – une anorexie. Dans les cas les plus sévères, les patients peuvent développer une jaunisse, ou encore une décom- pensation hépatique sévère pouvant aller jusqu’à l’insuffisance hépatique. Diagnostic Différents critères de diagnostic de la réactivation du VHB ont été proposés comme une augmenta- tion du taux sérique des ALAT de 5 fois la normale, ou de plus de 3 fois la valeur initiale. Certains utilisent le nombre de copies d’ADN du VHB comme seul critère diagnostique. Il a finalement été montré que l’association de ces deux mar- queurs permettait d’augmenter le nombre de cas diagnostiqués. En effet, l’élévation de la charge virale du VHB peut précéder de quelques jours à quelques semaines l’augmentation des ALAT. Le diagnostic de réactivation du VHB est donc basé sur deux paramètres : – le taux sérique des ALAT ; – la charge virale du VHB. Traitement Lorsque le diagnostic de réactivation du VHB est posé, la mise en place du traitement antiviral doit être rapide car, même si la réactivation peut être résolutive spontanément, les conséquences clini- ques chez les patients immunodéprimés peuvent être sévères. Actuellement, le traitement de choix est la lami- vudine, avec peu d’effets indésirables et une bonne tolérance à la dose de 100 mg par jour. La durée n’est pas déterminée. Cependant, à la suite de l’apparition de cas de réactivation après 3 mois de traitement, il est recommandé 6 mois de traitement après la fin de l’immunodépression. Certains auteurs préconisent une durée encore plus longue, soit jusqu’à 1 an, en présence de facteurs de risque. Le problème majeur d’un trai- tement de longue durée par la lamivudine réside en l’apparition de résistance, en général 6 mois après le début de la thérapeutique. La résistance est définie par l’augmentation de la charge virale sous traitement alors que celle-ci était indétecta- ble. Il est alors possible d’utiliser d’autres molécu- les antivirales telles que l’adéfovir ou l’entécavir, engendrant moins de résistance. Recommandations Tous les patients allant recevoir une chimiothé- rapie doivent être dépistés pour le VHB avant la mise en route du traitement. Les patients présen- tant des facteurs de risque (naissance dans un Diagnostiquer et traiter une réactivation de l’hépatite B La réactivation du VHB, symptomatique ou non, est une complication du portage chronique du VHB observée dans de nombreuses situations cliniques, notamment l’immunodépression. Son diagnostic repose sur le taux sérique des ALAT et la charge virale du VHB. Le traitement de choix, devant être rapidement mis en place, est la lamivudine.

Diagnostiquer et traiter une réactivation de l’hépatite B

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20 OptionBio | Lundi 8 juin 2009 | n° 420

L’infection chronique par le VHB est défi-nie par l’Ag HBs positif pendant plus de 6 mois. La réactivation du VHB est

une complication reconnue du portage chroni-que du VHB, le plus souvent chez les patients immunodéprimés. La réactivation est carac-térisée par une augmentation de la charge virale du VHB, la réapparition de l’Ag HBs ou de l’Ag Hbe. Elle peut être asymptomatique ou symptomatique, allant jusqu’à une défaillance hépatique sévère.

ÉpidémiologieL’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à deux milliards le nombre de personnes qui sont, ou ont été, infectées par le virus de l’hépatite B (VHB), dont 370 à 400 millions sont porteurs chro-niques. L’hépatite B entraîne le décès d’un à deux millions d’individus par an, ce qui en fait un véri-table problème de santé publique. La prévalence varie de 3 à 5 % aux États-Unis, jusqu’à plus de 10 % en Asie.

PhysiopathologieLors de l’infection aiguë par le VHB, c’est la réponse immune contre les antigènes viraux qui entraîne la nécrose hépatocytaire (destruction immunitaire à médiation cellulaire par recon-naissance d’antigènes viraux membranaires). Les hépatocytes infectés sont lysés par les lymphocy-tes T cytotoxiques CD8+.Deux mécanismes étroitement liés peuvent expli-quer l’hépatite due à la réactivation du VHB :– tout d’abord, l’immunodépression provoquée par l’administration d’agents cytotoxiques et immunodépresseurs conduit à une déplétion en lymphocytes T. Cette diminution de la réponse immunologique normale permet une réplication accrue du VHB et est ainsi responsable d’une toxi-cité hépatique directe ;– le second mécanisme expliquant l’épisode cli-nique d’exacerbation aiguë associé à la réactiva-tion résulte, quant à lui, du rebond immunologique

post-chimiothérapie. En effet, avec l’arrêt de la chimiothérapie, la réponse immune reprend et conduit à la destruction des hépatocytes.

Facteurs de risqueLes réactivations du VHB ont été observées dans une grande variété de situations cliniques. La plus fréquente reste l’immunodépression, qu’elle soit iatrogène ou infectieuse. Ainsi, de nombreux cas ont été décrits lors de l’administration de chimio-thérapie immunosuppressive, mais également après des transplantations d’organe ou encore des greffes de moelle osseuse. Avec l’étendue de l’uti-lisation de certaines molécules immunodépriman-tes, des réactivations ont aussi été décrites dans le cadre de maladie auto-immune, de pathologie rhumatologique... L’infection par le VIH est égale-ment un facteur de risque de réactivation, ainsi que la surinfection par d’autres virus hépatiques tels que le VHA, le VHC et le VHD, en entraînant une perturbation de l’équilibre immunologique des patients co-infectés par ces virus.

Présentation cliniqueLes manifestations cliniques de la réactivation du VHB apparaissent généralement 4 à 36 semaines après l’initiation de l’immunosuppression. Le plus souvent, la réactivation correspond à une élévation des ALAT asymptomatique. Des symptômes non spécifiques peuvent être présents tels que :– des nausées ;– une fatigue ;– une anorexie.Dans les cas les plus sévères, les patients peuvent développer une jaunisse, ou encore une décom-pensation hépatique sévère pouvant aller jusqu’à l’insuffisance hépatique.

DiagnosticDifférents critères de diagnostic de la réactivation du VHB ont été proposés comme une augmenta-tion du taux sérique des ALAT de 5 fois la normale, ou de plus de 3 fois la valeur initiale. Certains

utilisent le nombre de copies d’ADN du VHB comme seul critère diagnostique. Il a finalement été montré que l’association de ces deux mar-queurs permettait d’augmenter le nombre de cas diagnostiqués. En effet, l’élévation de la charge virale du VHB peut précéder de quelques jours à quelques semaines l’augmentation des ALAT. Le diagnostic de réactivation du VHB est donc basé sur deux paramètres :– le taux sérique des ALAT ;– la charge virale du VHB.

TraitementLorsque le diagnostic de réactivation du VHB est posé, la mise en place du traitement antiviral doit être rapide car, même si la réactivation peut être résolutive spontanément, les conséquences clini-ques chez les patients immunodéprimés peuvent être sévères.Actuellement, le traitement de choix est la lami-vudine, avec peu d’effets indésirables et une bonne tolérance à la dose de 100 mg par jour. La durée n’est pas déterminée. Cependant, à la suite de l’apparition de cas de réactivation après 3 mois de traitement, il est recommandé 6 mois de traitement après la fin de l’immunodépression. Certains auteurs préconisent une durée encore plus longue, soit jusqu’à 1 an, en présence de facteurs de risque. Le problème majeur d’un trai-tement de longue durée par la lamivudine réside en l’apparition de résistance, en général 6 mois après le début de la thérapeutique. La résistance est définie par l’augmentation de la charge virale sous traitement alors que celle-ci était indétecta-ble. Il est alors possible d’utiliser d’autres molécu-les antivirales telles que l’adéfovir ou l’entécavir, engendrant moins de résistance.

RecommandationsTous les patients allant recevoir une chimiothé-rapie doivent être dépistés pour le VHB avant la mise en route du traitement. Les patients présen-tant des facteurs de risque (naissance dans un

Diagnostiquer et traiter une réactivation de l’hépatite B

La réactivation du VHB, symptomatique ou non, est une complication du portage chronique du VHB observée

dans de nombreuses situations cliniques, notamment l’immunodépression. Son diagnostic repose sur le taux sérique

des ALAT et la charge virale du VHB. Le traitement de choix, devant être rapidement mis en place, est la lamivudine.

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pays de haute endémicité, toxicomanie, parte-naires sexuels multiples, infection connue par le VIH...) doivent être dépistés avant tout traitement immunodépresseur (figure 1). Le dépistage initial comprend :– l’Ag HBs ;– les Ac anti-HBs ;– les Ac anti-HBc.Si l’Ag HBs est positif, d’autres marqueurs séro-logiques doivent être testés :– Ag HBe ;– Ac anti-HBe ;– charge virale du VHB.Les patients naïfs de toute infection par le VHB doivent être immunisés grâce à la vaccination, dans le but d’obtenir un taux d’Ac anti-HBs supérieur à 10 UI/mL. Plusieurs administrations ou l’utilisation de doses plus fortes peuvent être nécessaires pour arriver à immuniser les patients immunodéprimés.

Le traitement prophylactique de la réactivation du VHB est à privilégier par rapport au traite-ment curatif. Ainsi, il est proposé que tous les patients porteurs chroniques de l’Ag HBs com-mencent un traitement par la lamivudine, 100 mg par jour, au moins 7 jours avant le début du traitement immunosupresseur, et jusqu’à 6 mois après l’arrêt de celui-ci. Une durée d’ad-ministration plus longue (jusqu’à 1 an ou plus) peut être envisagée chez les patients ayant une charge virale élevée ou un Ag HBe positif avant l’immunodépression.Pour les patients ayant des Ac anti-HBc positifs mais non porteurs de l’Ag HBs et sans Ac anti-HBs, une dose de vaccination avec renouvellement des dosages 2 et 4 semaines après l’injection peuvent être réalisés. Chez les non-répondeurs, l’Ag HBe et la charge virale doivent être vérifiés. Les patients répondeurs ou ayant une charge virale négative ne nécessitent pas l’administration d’un traitement

préventif de la réactivation. Ils seront cependant suivis régulièrement grâce au dosage des ALAT et de la charge virale, pendant et jusqu’à 1 an de la fin de l’immunodépression. Le traitement par lamivudine est initié si la charge virale se positive ou si des signes cliniques de réactivation appa-raissent. |

MARIANNE PERRET

Interne en biologie médicale

Laboratoire de Bactériologie Virologie à l’Hôpital Lariboisière

[email protected]

RéférencePost A, Nagendra S. Reactivation of hepatitis B: pathogenesis and clinical implications. Curr Infect Dis Rep 2009 ; 11 : 113-9.

Figure 1 : Conduite à tenir avant immunodépression |