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Diotte c. Collège CDI 2014 QCCQ 858 COUR DU QUÉBEC « Division des petites créances » CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE LAVAL LOCALITÉ DE LAVAL « Chambre civile » DATE : 21 janvier 2014 ______________________________________________________________________ SOUS LA PRÉSIDENCE DU JUGE DENIS LE RESTE, J.C.Q. ______________________________________________________________________ N° : 540-32-025163-120 ANDRÉE DIOTTE, Partie demanderesse c. COLLÈGE CDI, Partie défenderesse ______________________________________________________________________ N° : 540-32-025164-128 MARIE-CLAUDE PARADIS, Partie demanderesse c. COLLÈGE CDI, Partie défenderesse ______________________________________________________________________ JUGEMENT ______________________________________________________________________ [1] Une preuve commune a été faite dans les dossiers 540-32-025163-120 et 540- 32-025164-128. [2] Andrée Diotte et Marie-Claude Paradis réclament 7 000 $ chacune du Collège CDI (ci-après désigné «CDI») en remboursement de cours devant mener à l'obtention d'une attestation d'études collégiales. 2014 QCCQ 858 (CanLII)

Diotte v CDI

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Diotte v. CDI College, civil action, court of Quebec

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  • Diotte c. Collge CDI 2014 QCCQ 858

    COUR DU QUBEC Division des petites crances

    CANADA

    PROVINCE DE QUBEC DISTRICT DE LAVAL

    LOCALIT DE LAVAL Chambre civile

    DATE : 21 janvier 2014

    ______________________________________________________________________ SOUS LA PRSIDENCE DU JUGE DENIS LE RESTE, J.C.Q.

    ______________________________________________________________________ N : 540-32-025163-120

    ANDRE DIOTTE,

    Partie demanderesse c. COLLGE CDI,

    Partie dfenderesse ______________________________________________________________________

    N : 540-32-025164-128

    MARIE-CLAUDE PARADIS,

    Partie demanderesse c. COLLGE CDI,

    Partie dfenderesse ______________________________________________________________________

    JUGEMENT

    ______________________________________________________________________

    [1] Une preuve commune a t faite dans les dossiers 540-32-025163-120 et 540-

    32-025164-128.

    [2] Andre Diotte et Marie-Claude Paradis rclament 7 000 $ chacune du Collge

    CDI (ci-aprs dsign CDI) en remboursement de cours devant mener l'obtention d'une attestation d'tudes collgiales.

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    [3] Les demanderesses estiment que le contenu du cours offert par CDI est affect de plusieurs lacunes et que les enseignants n'ont pas toutes les qualifications requises

    pour la spcialisation juridique.

    [4] Elles rclament 7 000 $ alors que les frais et services ducatifs facturs par CDI sont de 11 900 $ pour la totalit de cette formation.

    [5] Pour sa part, CDI conteste la rclamation allguant que ce sont les demanderesses qui ont volontairement quitt en cours de route la formation. N'ayant

    pas reu cette dernire jusqu' la fin, il est normal que tout le contenu des cours juridiques n'avait pas encore t prodigu aux lves.

    LES QUESTIONS EN LITIGE:

    [6] Les questions en litige sont les suivantes:

    Les enseignements reus sont-ils conformes aux reprsentations faites par CDI avant la signature du contrat d'inscription?

    La qualit des cours doit-elle tre remise en cause?

    LE CONTEXTE:

    [7] Andre Diotte est la recherche d'un tablissement offrant de l'enseignement suprieur afin de devenir adjointe juridique dans un bureau d'avocats. Elle n'a aucune

    exprience en secrtariat, mais est fortement intresse au programme offert par le Collge CDI.

    [8] Auparavant, elle a consult le site internet de CDI et regard certains messages

    publicitaires tlviss.

    [9] tant commis comptable de formation, elle possde dj tout le ct

    administratif.

    [10] Au dbut du mois d'aot 2011, elle rencontre un prpos de CDI qui lui vante ce type de programme et affirme qu'elle pourra, sans conteste, tre secrtaire juridique

    dans quelques mois.

    [11] Cette rencontre dure presque deux heures. Elle passe un examen de 30 45

    minutes afin de confirmer qu'elle est accepte pour cette formation.

    [12] Sa dure est de 1 080 heures pour un montant total de 11 900 $.

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    [13] Au dpart, elle croit que des cours magistraux lui seront offerts et qu'tant donn qu'il s'agit d'un collge priv, l'enseignement sera, tel que la publicit l'affirme, de

    niveau suprieur.

    [14] Pour sa part, Marie-Claude Paradis n'a ni exprience en secrtariat ni en comptabilit. Elle est massothrapeute.

    [15] Ella a connu madame Diotte dans le cadre de la formation offerte auprs de CDI.

    [16] Tout comme elle, avant de signer le contrat d'inscription ou d'achat de cours

    avec CDI, elle se fait convaincre par un de leurs reprsentants qu'elle sera secrtaire juridique. On vante la formation qui leur sera offerte et la qualit de l'enseignement suprieur de leurs professeurs.

    [17] Le contrat d'inscription avec CDI intitule le programme Lgal, ajoutant que ce programme conduit l'obtention d'une attestation d'tudes collgiales. Le mode

    d'enseignement y est dcrit comme tant magistral. La dure de l'enseignement prvue au contrat est de 840 heures en cours thoriques et pratiques en tablissement scolaire, plus 240 heures en milieu professionnel (stage).

    [18] Le dbut du programme est prvu pour le 17 septembre 2011, devant se terminer le 12 septembre de l'anne suivante. Des cours sont prodigus raison de 25

    heures par semaine.

    [19] Ds le dpart, la situation est problmatique. En effet, ds le premier jour de classe, le 12 septembre, aucun ordinateur n'est mis la disposition des lves. En fait,

    ils ne sont tout simplement pas prts. Plus d'une semaine est ncessaire afin que les tudiants puissent en bnficier.

    [20] Elles passent ensuite de deux quatre semaines apprendre les composantes internes de l'ordinateur, ce que les tudiants trouvent inutile.

    [21] La seconde partie vise des apprentissages auprs de Microsoft Office. cet

    effet, le professeur utilise le livre mot mot. Aucun exemple juridique n'y est contenu et l'ensemble des lves estime qu'ils auraient pu effectuer le mme travail directement

    leur domicile, puisqu'aucun cours magistral ne leur a t ainsi prodigu.

    [22] Questionns plusieurs reprises par l'ensemble des lves, les professeurs tentent de les rassurer quant au contenu juridique qui doit ventuellement leur tre

    offert.

    [23] Madame Diotte se plaint, entre autres, qu'elles apprennent plutt effectuer des

    calculs de versements hypothcaires, ce qu'elle estime inutile dans les tches d'une secrtaire juridique.

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    [24] En fait, le premier terme juridique qu'elles abordent ne sera qu'au mois d'avril, donc plus de sept mois aprs le dbut de cette formation.

    [25] Aussi, les lves se plaignent de l'absence continuelle des professeurs qui annulent plusieurs cours ou d'autres qui sont trs souvent en retard.

    [26] Souvent les lves apprennent, une fois s'tre dplacs au Collge CDI, que le

    cours n'aura pas lieu.

    [27] C'est la fin avril que madame Diotte quitte CDI.

    [28] Le 14 mai 2012, madame Diotte et madame Paradis expdient une mise en demeure Cline Caron de CDI o nous pouvons lire (pice P-2):

    [] Par la prsente, nous souhaitons l'annulation de notre Contrat d'inscription ou d'achat de cours avec le Collge CDI au programme Lgal [].

    Aprs plusieurs demandes et rencontres avec l'administration du collge dont la dernire rencontre, en date du 10 mai dernier, avec Madame Ann Circelli et monsieur Guy Ct ce sujet, et n'ayant obtenu aucune amlioration, nous en venons cette conclusion.

    Pour causes de lacunes concernant le contenu de cours, l'incomptence et le manque de structure des enseignants, l'absence de cours magistraux, nous ne sommes pas satisfaites du service rendu, car il n'est pas conforme la description qui en est faite dans le contrat ou lors de l'inscription au cours [] (sic)

    [29] En fait, plusieurs reprises mesdames Diotte et Paradis ont tent de s'expliquer avec la direction de CDI, mais en vain. Elles se plaignent qu'elles avaient, en fait,

    l'impression de s'acheter un diplme. Elles reoivent des notes de plus de 85 % alors qu' peine la demie de la matire est couverte pour chacun des chapitres d'enseignement.

    [30] chacun des examens, elles se rendent compte que la thorie reue en classe est loin de reprsenter le contenu des volumes d'enseignement. Elles devaient

    galement se voir prodiguer des cours de doigt pour le clavier d'ordinateur alors qu'elles n'en ont tout simplement pas.

    [31] plusieurs reprises, monsieur Ct de CDI les rencontre en classe pour couter

    leurs dolances, mais aucun ajustement n'est apport.

    [32] Il importe galement de rappeler que CDI a reu plus de 8 200 $ en prts et

    bourses pour chaque tudiant, directement du gouvernement.

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    [33] Une autre tudiante tmoigne. Pour sa part, elle a termin la formation. Il lui a t impossible de travailler dans un bureau d'avocats puisqu'elle ne possde nettement

    pas les comptences requises.

    [34] Les avocats l'ayant embauche ont mis un terme leur relation professionnelle puisqu'elle ne possde pas les connaissances requises, notamment des logiciels et des

    termes lgaux.

    [35] Elle indique au Tribunal qu' plusieurs reprises, elle tente de poser des questions

    sur le volet lgal, mais qu'aucun professeur n'est capable d'y rpondre.

    [36] un certain moment, elle est mme expulse d'un des cours de formation, parce que le professeur estime qu'elle pose trop de questions sur la matire enseigne. C'est

    la directrice qui doit intervenir afin qu'elle soit rintgre dans le cours. Il s'agit du cours de procdure juridique.

    [37] Elle ne travaille donc pas dans le domaine. Elle est actuellement dans le domaine de l'assurance.

    [38] Elle a pourtant obtenu d'excellentes notes auprs de CDI. Elle ne comprend pas

    pourquoi. Il est clair qu'elles taient survalues aux examens.

    [39] La situation est l'effet que les lves ont effectivement de trs bonnes notes

    puisqu'on ne les questionne que sur la matire enseigne et non pas sur tout le contenu du cours.

    [40] Pour sa part, Guy Ct, directeur des tudes pour CDI, explique que l'obtention

    d'un diplme habituel de secrtariat juridique comporte 1 800 heures de niveau secondaire. Pour eux, il ne s'agit pas d'un cours visant la formation de personnes afin

    qu'elles deviennent secrtaires juridiques.

    [41] C'est pourquoi la formation vendue porte le nom de Spcialiste en technologie de l'information applique la bureautique avec comme concentration Assistant

    administratif en milieu juridique. Sur 840 heures de cours, seules 240 touchent au juridique.

    [42] Ce cours est offert aux personnes qui dsirent travailler dans le milieu juridique au sens large. Pour lui, cela peut inclure les secrtaires juridiques d'avocats, de notaires, de conciliateurs ou autres. Le programme est donn par quatre enseignants

    diffrents, dont deux du domaine juridique, l'une tant greffire et l'autre avocate.

    [43] Ce cours existe depuis 2003. Sur 17 tudiantes inscrites au dpart dans la

    promotion des demanderesses, 10 seulement l'ont termin.

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    [44] Lorsque questionn quant l'opportunit d'offrir 60 heures de cours sur le logiciel Photoshop pour une secrtaire juridique, il confirme qu'il s'agit d'un essentiel

    pour ce type de profession, selon lui.

    [45] Il ritre que mesdames Diotte et Paradis auraient eu avantage poursuivre leur formation jusqu' la fin. tant donn qu'elles ont quitt la fin avril ou au dbut du mois

    de mai, elles ne peuvent maintenant se plaindre de ne pas avoir reu la formation leur permettant de devenir adjointes juridiques.

    [46] Quant aux absences et aux retards des professeurs, il prcise que ce n'est qu'exceptionnel. En fait, il banalise la situation.

    [47] De plus, les professeurs, dans leurs plans de cours, font la slection de certains

    chapitres seulement des volumes remis pour fins d'enseignement aux lves. Il est normal que les examens y faisant rfrence soient donc limits certaines notions de

    ces volumes.

    [48] C'est le stage qui, selon lui, permet aux tudiantes de se perfectionner et d'obtenir les rponses juridiques leurs questionnements. Ce n'est pas qu'aux

    professeurs d'y rpondre entirement.

    [49] La directrice de CDI, Ann Circelli, vante les mrites du Collge CDI. Ce dernier

    existe depuis plus de 40 ans et rappelle que leurs tudiants sont aussi des clients et qu'il lui est dj arriv, dans des cas trs graves seulement, de rembourser des lves. Elle raffirme que c'est au moment du stage que tout se met en place et que mesdames

    Diotte et Paradis auraient eu avantage poursuivre jusqu' la fin leur formation.

    [50] Le Tribunal doit donc dcider du bienfond des rclamations.

    LE DROIT APPLICABLE:

    [51] Le Tribunal considre important de dcrire les rgles et critres applicables dans

    le cadre du fardeau de la preuve.

    [52] Le rle principal des parties dans la charge de la preuve est tabli aux articles

    2803 et 2804 du Code civil du Qubec qui prvoient:

    2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prtention.

    Celui qui prtend qu'un droit est nul, a t modifi ou est teint doit prouver les faits sur lesquels sa prtention est fonde.

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    2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

    [53] Les justiciables ont le fardeau de prouver l'existence, la modification ou

    l'extinction d'un droit. Les rgles du fardeau de la preuve signifient l'obligation de convaincre, qui est galement qualifie de fardeau de persuasion. Il s'agit donc de

    l'obligation de produire dans les lments de preuve une quantit et une qualit de preuve ncessaires convaincre le Tribunal des allgations faites lors du procs.

    [54] En matire civile, le fardeau de la preuve repose sur les paules de la partie

    demanderesse suivant les principes de la simple prpondrance.

    [55] La partie demanderesse doit prsenter au juge une preuve qui surpasse et

    domine celle de la partie dfenderesse.

    [56] La partie qui assume le fardeau de la preuve doit dmontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable.

    [57] La probabilit n'est pas seulement prouve par une preuve directe, mais aussi par les circonstances et les infrences qu'il est raisonnablement possible d'en tirer.

    [58] Le niveau d'une preuve prpondrante n'quivaut donc pas une certitude, ni une preuve hors de tout doute.

    [59] En fait, mesdames Diotte et Paradis, allguent vice de consentement au sens

    lgal du terme. Elles prtendent que les reprsentations effectues par le reprsentant de CDI au moment o elles ont accept de signer le contrat d'achat des cours de

    formation les ont amenes croire qu'elles deviendraient secrtaires juridiques.

    [60] En fait, le cours, selon les reprsentations effectues l'audience par les reprsentants de CDI, n'est qu'une formation en technologie de l'information applique

    la bureautique ayant une concentration d'assistant administratif en milieu juridique.

    [61] Les dispositions suivantes du Code civil du Qubec sont importantes.

    6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.

    1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu' celui de son excution ou de son extinction.

    1400. L'erreur vicie le consentement des parties ou de l'une d'elles lorsqu'elle porte sur la nature du contrat, sur l'objet de la prestation ou, encore, sur tout lment essentiel qui a dtermin le consentement.

    L'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.

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    1401. L'erreur d'une partie, provoque par le dol de l'autre partie ou la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas o, sans cela, la partie n'aurait pas contract ou aurait contract des conditions diffrentes.

    Le dol peut rsulter du silence ou d'une rticence.

    1458. Toute personne a le devoir d'honorer les engagements qu'elle a contracts.

    Elle est, lorsqu'elle manque ce devoir, responsable du prjudice, corporel, moral ou matriel, qu'elle cause son cocontractant et tenue de rparer ce prjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire l'application des rgles du rgime contractuel de responsabilit pour opter en faveur de rgles qui leur seraient plus profitables.

    [62] Les notions de bonne foi, d'erreur, d'erreur inexcusable, de dol ngatif par

    silence ou rticence et de renonciation un droit sont donc au cur du prsent litige.

    [63] Notre collgue l'honorable Richard Landry, dans la dcision 7834101 Canada inc. Construction JSR 2011 c. Les plaques chauffantes pr-usines Copal (Canada)

    lte1, rappelle les principes juridiques applicables.

    []A) l'erreur

    [39] Dans leur trait sur Les Obligations, les auteurs Baudouin et Jobin donnent de l'erreur la dfinition suivante (page 277):

    Il est difficile de donner une dfinition juridique de l'erreur. L'erreur est une croyance qui n'est pas conforme la vrit, un dfaut de concordance entre la volont interne et la volont dclare qui ternit la parfaite intgrit du consentement l'acte juridique. L'admission de l'erreur comme cause de nullit du contrat est cependant soumise certaines restrictions, de manire protger la stabilit de l'ordre contractuel. Toute erreur ne donne donc pas droit l'annulation de la convention, mais seulement de celles d'un certain type, qui ont eu une influence dterminante sur le consentement.

    [40] Pour emporter nullit, l'erreur doit tre excusable, tel que prvu au second paragraphe de l'article 1400 du Code civil du Qubec. Ces auteurs crivent au sujet de cette exigence (page 283):

    Le Code civil du Qubec a adopt le point de vue du droit franais sur la question, en excluant l'annulation lorsque l'erreur est inexcusable. On retrouve dans cette nouvelle rgle le souci de la stabilit des contrats et

    1 705-22-013607-138.

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    l'ide, dj admise dans un contexte voisin, que chacun doit se renseigner avant de passer un contrat. On y verra aussi une marque trs claire de l'quit: si la faute de la victime se trouve tre la vritable cause de son erreur, il est injuste d'annuler le contrat et de priver ainsi le cocontractant de bonne foi de son bnfice.

    Au Qubec, pour priver la victime d'une erreur de son droit de demander la nullit du contrat, il faut tout le moins que la preuve de sa faute soit trs claire et que l'on tienne compte de facteurs tels que son inexprience dans le domaine. Pour valuer le caractre inexcusable de l'erreur, la jurisprudence doit tenir compte des circonstances particulires de chaque espce et adopter une apprciation in concreto de l'erreur; elle fera peser dans la balance notamment (comme pour la crainte d'ailleurs) l'ge, l'tat mental, l'intelligence, et la position professionnelle ou conomique des parties.

    [41] Selon ces mmes auteurs, l'erreur inexcusable doit tre interprte restrictivement et quivaudrait une faute lourde au sens de l'article 1474 du Code civil du Qubec ( la page 285):

    1474. Une personne ne peut exclure ou limiter sa responsabilit pour le prjudice matriel caus autrui par une faute intentionnelle ou une faute lourde; la faute lourde est celle qui dnote une insouciance, une imprudence ou une ngligence grossire.

    Elle ne peut aucunement exclure ou limiter sa responsabilit pour le prjudice corporel ou moral caus autrui.

    [42] C'est la partie qui invoque l'erreur de la prouver la satisfaction du Tribunal ( la page 291) mais c'est au cocontractant de prouver que l'erreur est inexcusable ( la page 292).

    [43] Me Vincent Karim, dans son trait sur Les Obligations, met les commentaires additionnels sur la preuve de l'erreur:

    Les tribunaux peuvent tre plus exigeants l'gard de celui qui invoque son erreur sur la nature de son engagement dans une clause d'un contrat valide. La preuve de l'erreur peut tre toutefois facile tablir lorsqu'une erreur est provoque par des manuvres frauduleuses de la part de l'autre contractant ou par son dol ngatif alors qu'il a eu l'obligation de renseigner, de bonne foi, sur la nature de l'engagement ou fournir les informations ncessaires pour que son contractant puisse donner un consentement clair et rflchi en toute connaissance de cause.

    [44] Sur le caractre inexcusable de l'erreur codifi au second paragraphe de l'article 1401 du Code civil du Qubec qui empche l'erreur d'tre cause de nullit, Me Karim prcise:

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    Dans un souci d'quit et pour sauvegarder la stabilit de l'ordre contractuel, le lgislateur a codifi cette rgle. En effet, cette rgle vite bon nombre d'injustices pour le contractant de bonne foi qui n'a pas subir l'incurie de l'autre partie.

    [45] Il prcise par ailleurs:

    Le caractre excusable de l'erreur est galement amplifi lorsque le contractant manque son obligation de renseigner son cocontractant qui s'est tromp quant aux modifications apportes.

    Pour dterminer si l'erreur invoque est excusable, et, par consquent, constitue un vice de consentement justifiant la nullit du contrat, il faut, d'une part, appliquer le test d'une personne prudente et raisonnable et, d'autre part, tenir compte de ses connaissances gnrales et de son jugement pour dterminer si elle a t ngligente en ne prenant pas l'initiative de s'informer.

    [46] L'erreur doit tre apprcie dans le contexte d'quit et de bonne foi prescrites par les articles 6 et 1375 du Code civil du Qubec. ce sujet, les auteurs Baudouin et Jobin crivent ( la page 131):

    De plus, comme on l'a vu, de nos jours la thorie du contrat ne repose plus uniquement sur l'autonomie de la volont et la stabilit contractuelle : la justice doit galement tre compte au nombre des fondements, si bien qu'un contrat ne sera valablement form et n'aura de force obligatoire que s'il respecte les exigences de la bonne foi. Enfin, si l'quit et la bonne foi attnuent l'autonomie de la volont sur le plan purement juridique, les rgles dcoulant des principes d'quit et de bonne foi auront normalement l'effet bnfique, long terme, de rapprocher la thorie juridique de ses applications pratiques. Il est donc important de tenter de cerner les notions d'quit et de bonne foi, puis d'en prciser les applications dans notre droit.

    [47] Ils ajoutent:

    Notions difficiles cerner s'il en est, la bonne foi et l'quit ne sont dfinies nulle part dans le Code. Comme ce sont deux concepts trs larges, l'objectif du lgislateur d'assurer une plus grande justice contractuelle ne saurait tre atteint en les enfermant dans des dfinitions rigides. Pour rpondre adquatement leur finalit juridique, on doit se limiter dgager certains paramtres gnraux qui leur sont propres. A cet gard, bonne foi et quit ont beaucoup en commun : les deux font appel la conscience du juge ou du lgislateur pour mieux servir la justice ; elles ont une fonction normative ; toutes les deux sont des notions au contenu imprcis et volutif, et, dans leur forme judiciaire, elles comportent une large part de discrtion ; enfin, derrire ces deux notions se profile une volont d'instaurer une nouvelle moralit contractuelle.

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    [48] titre d'exemples tirs de la jurisprudence des dernires annes, ont t juges inexcusables les erreurs suivantes:

    avoir sign une transaction en l'absence de circonstances particulires excusant de l'avoir fait;

    la signature d'une quittance claire dans les mmes conditions;

    [49] l'inverse, des erreurs ont t juges excusables dans les circonstances suivantes:

    signature de documents non lus suite des reprsentations ou rticences de la partie adverse;

    encaissement par mgarde d'un chque portant la mention paiement final et global de toutes sommes dues ;

    signature d'une quittance et d'une renonciation de poursuivre en croyant de bonne foi que d'autres rclamations seront considres ultrieurement;

    signature d'un acte de cautionnement personnel sans lecture pralable de l'acte mais dfaut du crancier de renseigner adquatement le signataire;

    acceptation d'une soumission prjudiciable au soumissionnaire par un client qui savait qu'elle contenait des erreurs majeures;

    erreur concernant l'tendue d'un terrain cd, sur les termes d'une offre de vente ou sur l'existence d'une garantie hypothcaire sur l'immeuble achet;

    signature d'un bail suite des reprsentations qui ne se sont pas ralises;

    divergence entre une lettre d'intention et le contrat de prt qui a suivi.

    [50] C'est donc par un examen attentif de l'ensemble des circonstances particulires de l'affaire dans lesquelles l'erreur a t commise que le juge doit apprcier si cette erreur est excusable ou non, chaque cas demeurant un cas d'espce. Les principes d'quit et de bonne foi en matire contractuelle jouent souvent un rle dterminant cet gard, comme on l'a vu et on le verra davantage plus loin.

    B) le dol incident

    [51] Les auteurs Baudouin et Jobin dfinissent ainsi le dol:

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    Le dol est le fait de provoquer volontairement une erreur dans l'esprit d'autrui pour le pousser conclure le contrat ou le conclure des conditions diffrentes. C'est donc l'acte, l'agissement qui provoque l'erreur.

    [52] L'avocat de Copal plaide qu'il y a eu dol ngatif, par rticence et silence. Baubouin et Jobin en donnent la dfinition suivante:

    La rticence est un dol ngatif. Elle consiste laisser le cocontractant croire une chose par erreur, sans le dtromper, spcialement en ne lui dvoilant qu'une partie de la vrit. Le silence est le fait de s'abstenir de rvler au cocontractant un fait important qui changerait sa volont de contracter. C'est une dloyaut par dissimulation. En pratique, cependant, on emploie rticence tantt dans son sens propre, tantt comme signifiant le silence. La doctrine classique enseignait autrefois que ni la simple rticence ni le silence ne pouvaient tre constitutifs de dol.

    [53] Ils ajoutent:

    L'article 1401 du Code civil, en incluant expressment la rgle que la rticence ou le simple silence peuvent constituer un dol, consacre l'volution jurisprudentielle antrieure et introduit peut-tre, dans le droit contemporain, un certain largissement du champ classique d'admissibilit de l'erreur provoque par le dol. Ainsi, dans certaines circonstances, un contractant doit prendre l'initiative de rvler une chose importante l'autre partie (par exemple silence coupable sur la nature du contrat ou rticence sur le dfaut de l'immeuble vendu). L'obligation d'information, au stade de la formation du contrat, est consacre. Toutefois, fonder l'obligation de renseignement sur le silence dolosif, strictement parlant, n'est pas toujours appropri, quand le dbiteur de l'obligation d'information agit sans intention malicieuse.

    [54] L'arrt Bail a consolid l'obligation d'information d'une partie envers une autre:

    Peu de temps avant l'entre en vigueur du nouveau code, la Cour suprme est venue consolider cette tendance et faire de l'obligation d'information, certaines conditions, une obligation gnrale; l'existence de cette obligation a t reconnue la formation et en cours d'excution du contrat. Dans certaines circonstances, donc, une partie ne peut plus se contenter de rpondre honntement aux questions de l'autre partie: elle doit prendre l'initiative de lui divulguer tous les faits qui sont normalement susceptibles d'influencer son consentement de faon importante. L'article 1401, alina 2 du Code civil est souvent prsent comme la codification de ce dveloppement majeur.

    [55] De mme:

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    Lorsqu'il s'agit d'identifier le fondement de l'obligation prcontractuelle de renseignement, la rticence dolosive et le silence dolosif, maintenant codifis l'article 1401, deuxime alina, sont souvent invoqus. Les rgles du dol, d'ailleurs, ne sont elles-mmes qu'une application particulire du principe de la bonne foi dans la formation du contrat, lequel est nonc l'article 1375. Lorsque l'un des contractants occupe une position privilgie par rapport l'autre, soit en raison de la connaissance qu'il a de certaines informations, soit en raison de son devoir d'en prendre connaissance, il doit parfois, pour ne pas tromper la confiance lgitime de l'autre, prendre l'initiative de fournir ce dernier certains renseignements cruciaux.

    [56] Pour sa part, Me Karim dfinit ainsi le dol par silence ou rticence:

    Le dol qui rsulte d'une rticence est appel dol ngatif en ce qu'une partie garde le silence sur une circonstance que l'autre partie aurait intrt connatre au moment de la conclusion du contrat.

    [57] On trouve un bon exemple de dol incident dans Guay c. 3015181 Canada inc. alors que la juge Lynne Landry reproche un vendeur d'actions d'avoir cach des informations pertinentes l'acheteur.

    C) l'quit et la bonne foi

    [58] Les auteurs Baudouin et Jobin consacrent 61 pages de leur ouvrage ces deux notions, soulignant qu'elles sont dsormais riges en principes gnraux du droit des obligations, annonant une mutation des droits des contrats (page 129). Ils crivent la page 131:

    De plus, comme on l'a vu, de nos jours la thorie du contrat ne repose plus uniquement sur l'autonomie de la volont et la stabilit contractuelle: la justice doit galement tre compte au nombre des fondements, si bien qu'un contrat ne sera valablement form et n'aura de force obligatoire que s'il respecte les exigences de la bonne foi.

    [59] Sur l'quit, ces auteurs crivent ( la page 133):

    En matire contractuelle, on peut considrer aujourd'hui que l'quit vise corriger soit un dsquilibre des valeurs changes en vertu du contrat, soit l'aspect indu ou trs prjudiciable du fardeau support par une partie. L'ensemble de la situation doit tre examin, soit les circonstances extrieures comme la situation personnelle des parties. L'quit voque donc le sentiment naturel du juste et de l'injuste, devant parfois, pour se raliser, aller contre ou par-del de la lettre de la loi; c'est une notion intuitive.

    [60] Sur la bonne foi , ils ajoutent ( la page 143):

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    On doit d'abord rappeler le sens subjectif, traditionnel, de la bonne foi. En fait, ce premier concept de bonne foi a deux acceptions dans le vocabulaire juridique. La premire est celle qui oppose bonne foi mauvaise foi: est de bonne foi toute personne qui agit sans intention malicieuse. Notons cet gard que l'article 2805 du Code civil dicte une prsomption gnrale et rfragable de bonne foi. Le deuxime sens traditionnel de la bonne foi est l'ignorance ou la perception errone de la ralit; une personne est de mauvaise foi lorsqu'elle agit en sachant qu'elle le fait de faon illgale ou illgitime.

    Ces deux acceptions de la bonne foi renvoient la disposition d'esprit dans laquelle se trouve une personne lorsqu'elle agit. Le Code civil en consacre une troisime, que l'on avait vu affirme dans une trilogie de la Cour suprme. Cette bonne foi, dite objective, a un sens beaucoup plus large, soit celui de norme de comportement acceptable. Selon le contexte, de telles normes ont une dimension morale, sociale, ou encore elles renvoient simplement au bon sens ou au raisonnable. La bonne foi est donc devenue l'thique de comportement exige en matire contractuelle (comme d'ailleurs dans bien d'autres matires). Elle suppose un comportement loyal et honnte.

    [61] Sur la bonne foi qui doit prvaloir pendant l'excution d'un contrat, on peut lire ( la page 175):

    Dans Houle, la Cour suprme a choisi la voie qui commande l'exercice raisonnable d'un droit, en se fondant justement sur le devoir d'agir de bonne foi. La bonne foi que l'on exige des parties ne peut donc plus tre entendue seulement dans son sens purement subjectif, c'est--dire le fait d'agir sans malice et en ayant une perception errone (ne pas savoir qu'on agit de faon illgitime ou illgale). C'est surtout la bonne foi dans son acceptation objective qui doit prsider la conduite des parties: chacun doit exercer ses droits en personne prudente et diligente. Cette norme trs large interdit mme l'usage de ses droits des fins compltement trangres celles prvues par les parties ou le lgislateur. Aucun droit, aucune libert ne peut chapper au contrle de l'abus de droit: il n'y a plus de droit absolu dsormais.

    [62] La bonne foi inclut des obligations de loyaut et de coopration . Par loyaut , on entend ( la page 183):

    quels comportements l'exigence de loyaut oblige-t-elle les parties? Comme standard juridique, la loyaut se dfinit d'abord, mais pas exclusivement, de manire ngative. Bien entendu, agir loyalement signifie tous le moins agir honntement et sans intention malveillante; cela voque aussi les notions de probit, de droiture et de fidlit. De plus, des auteurs estiment que la loyaut emporte aussi l'obligation d'excuter les prestations auxquelles l'on s'est engag comme une personne normalement respectueuse des rgles du jeu. Cette obligation pse sur le crancier comme sur le dbiteur; en effet, un

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    crancier ne peut rendre l'excution du contrat plus difficile ou plus onreuse ou non rentable pour son cocontractant afin de satisfaire ses propres intrts.

    [63] L'obligation de coopration implique qu'une partie doit collaborer avec l'autre pour permettre au contrat de produire son plein effet, et cette autre partie d'atteindre ses objectifs lgitimes et raisonnables ( la page 187).

    [64] Dans le mme sens, Me Vincent Karim, dans son trait sur Les Obligations reprend de tels propos sous l'article 1375 du Code civil du Qubec:

    Cette conduite objective ncessite que le comportement du contractant soit conforme une intention relle visant non seulement la ralisation de ses objectifs personnels, mais aussi, l'atteinte des objectifs communs du contrat et le respect des droits et intrts lgitimes de son cocontractant.

    [65] C'est donc l une approche altruiste des obligations qui s'imposent quelqu'un.

    [66] Sur la notion de bonne foi, Me Karim ajoute:

    Ainsi, la notion de bonne foi entrane plusieurs obligations corollaires telles l'obligation de renseignement, de conseil, de loyaut, de coopration et de confidentialit qui lient les parties tant lors de l'excution d'un contrat que dans un contexte de formations ou d'extinction d'un contrat.

    [67] Me Karim poursuit:

    En effet, l'apprciation de la bonne ou de la mauvaise foi d'une partie contractante ncessite d'abord une apprciation subjective qui doit tre circonscrite par une tude objective et rigoureuse de l'ensemble des faits pris dans leur contexte.

    Pour tre en mesure d'valuer le comportement d'une personne dans une situation donne, il faut appliquer un critre objectif en cherchant savoir quel aurait t le comportement d'une personne raisonnable dans les mmes circonstances.

    La rgle prvue l'article 1375 C.c.Q. relative l'obligation de bonne foi ne permet plus un contractant d'exercer ses droits contractuels ou d'excuter ses obligations de manire conforme la lgalit sans tenir compte des consquences qu'un tel exercice ou excution pourraient avoir sur les droits de l'autre partie. La conduite d'un contractant doit tre motive par le bon sens et l'quit envers l'autre contractant.

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    [68] L'obligation de coopration n'est pas satisfaite lorsque le dbiteur refuse de donner suite ses obligations en n'invoquant que des purs prtextes ( la page 102).

    [69] Me Karim fait ensuite le lien suivant entre la bonne foi et l'erreur:

    Par ailleurs, il est possible de sanctionner l'absence de bonne foi en se rfrant au concept de consentement vici par l'erreur (article 1400 C.c.Q.). Le manquement l'obligation de bonne foi peut faciliter la preuve de l'erreur et de son caractre dterminantEn d'autres termes, le dfaut du contractant de s'acquitter de son obligation de bonne foi peut amener le juge qualifier d'erreur excusable une erreur commise par le crancier de cette obligation qui, sans ce dfaut, serait probablement inexcusable. Ce manquement l'obligation de bonne foi constitue une fin de non-recevoir une dfense d'erreur inexcusable.

    [70] Quant au fardeau de la preuve, Me Karim mentionne ceci:

    La preuve de l'intention de nuire ou de l'exercice excessif ou draisonnable d'un droit n'est pas ncessaire pour que la responsabilit de la personne soit retenue selon l'article 1375 C.c.Q., tant donn qu'une telle preuve justifie une conclusion l'existence d'un abus de droit.

    [71] La Cour d'appel a maintes fois sanctionn la mauvaise foi d'un cocontractant.

    (Rfrences omises, emphase et soulignements du juge Landry)

    [64] Tel que le rappelle la directrice de CDI, les tudiants dans cette institution sont galement des clients puisqu'ils paient des sommes importantes pour leur scolarit.

    [65] Les dispositions prvues la Loi sur la protection du consommateur2 sont

    applicables.

    [66] Le Tribunal rappelle les articles pertinents cet effet.

    2. La prsente loi s'applique tout contrat conclu entre un consommateur et un commerant dans le cours des activits de son commerce et ayant pour objet un bien ou un service.

    8. Le consommateur peut demander la nullit du contrat ou la rduction des obligations qui en dcoulent lorsque la disproportion entre les prestations respectives des parties est tellement considrable qu'elle quivaut de

    2 RLRQ, c. P-40.1

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    l'exploitation du consommateur, ou que l'obligation du consommateur est excessive, abusive ou exorbitante.

    9. Lorsqu'un tribunal doit apprcier le consentement donn par un consommateur un contrat, il tient compte de la condition des parties, des circonstances dans lesquelles le contrat a t conclu et des avantages qui rsultent du contrat pour le consommateur.

    16. L'obligation principale du commerant consiste dans la livraison du bien ou la prestation du service prvus dans le contrat.

    Dans un contrat excution successive, le commerant est prsum excuter son obligation principale lorsqu'il commence accomplir cette obligation conformment au contrat.

    17. En cas de doute ou d'ambigut, le contrat doit tre interprt en faveur du consommateur.

    40. Un bien ou un service fourni doit tre conforme la description qui en est faite dans le contrat.

    41. Un bien ou un service fourni doit tre conforme une dclaration ou un message publicitaire faits son sujet par le commerant ou le fabricant. Une dclaration ou un message publicitaire lie ce commerant ou ce fabricant.

    ANALYSE :

    [67] En l'espce, le Tribunal estime que la preuve prpondrante tablit clairement que les reprsentations de CDI faites au moment du contrat d'achat de cours

    mesdames Diotte et Paradis taient l'effet qu'elles pourraient devenir secrtaires juridiques.

    [68] Certes, le plan de cours dcrit plutt cette formation comme tant une spcialit

    de la technologie de l'information applique la bureautique et est trs loin de la ralit des adjointes juridiques pour les bureaux d'avocats ou de notaires.

    [69] Le Tribunal conclut que les reprsentations faites avant la signature du contrat, voire mme lors de la signature du contrat, taient l'effet que l'on promettait aux tudiantes qu'elles deviendraient secrtaires juridiques.

    [70] En ralit, les enseignements prodigus taient loin d'tre pertinents et suffisants ce chapitre.

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    [71] Il est indniable que le contenu juridique est quasi absent. D'autre part, le choix du programme n'est absolument pas pertinent quant au but prcis recherch par

    mesdames Diotte et Paradis.

    [72] Pourquoi auraient-elles besoin de passer 60 heures sur le programme Photoshop alors que l'on prvoit peine 60 heures pour les actes de procdure civile

    sur un cours total de 1 080 heures?

    [73] Le Tribunal estime que la qualit et la quantit de l'enseignement n'taient pas

    au rendez-vous.

    [74] Aussi, la preuve prpondrante dmontre qu' de multiples reprises, il y a eu retards ou absences des professeurs.

    [75] Comment peut-on offrir des services de qualit en pareille situation et vouloir vraiment former des secrtaires juridiques?

    [76] Dans la formation qu'ont reue mesdames Diotte et Paradis, certains cours pourront, peut-tre, leur tre d'une certaine utilit dans leur parcours professionnel.

    [77] Usant de sa discrtion judiciaire, le Tribunal fixe 5 000 $ les sommes

    auxquelles a droit chacune des parties en remboursement partiel.

    [78] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

    [79] ACCUEILLE en partie la rclamation.

    [80] CONDAMNE Collge CDI payer Andre Diotte 5 000 $ plus les intrts au taux lgal major de l'indemnit additionnelle prvue l'article 1619 du Code civil du

    Qubec compter de l'assignation plus les frais judiciaires de 163 $.

    [81] CONDAMNE Collge CDI payer Marie-Claude Paradis 5 000 $ plus les

    intrts au taux lgal major de l'indemnit additionnelle prvue l'article 1619 du Code civil du Qubec compter de l'assignation plus les frais judiciaires de 163 $.

    __________________________________ DENIS LE RESTE, J.C.Q.

    Date daudience : 9 dcembre 2013

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