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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002 21 Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches socioprofessionnelle et salariale du déclassement Emmanuelle Nauze-Fichet et Magda Tomasini* Au-delà du chômage et du temps partiel subi, le « déclassement » peut constituer une autre forme de sous-utilisation des compétences humaines sur le marché du travail. Le déclassement caractérise la situation des personnes « sur-diplômées » par rapport à l’emploi qu’elles occupent. Pour les jeunes, compte tenu de la forte croissance de l’offre de main-d’œuvre diplômée relativement à celle de la demande de travail qualifié, on peut penser que de telles situations se sont développées au cours des dernières décennies. Si, d’un point de vue humain, ces situations de déclassement peuvent être difficilement vécues, d’un point de vue économique, elles signifient également l’existence de ressources inexploitées. Mesurer l’ampleur du déclassement et apprécier son évolution dans le temps supposent toutefois de pouvoir fixer une norme d’adéquation entre catégories de diplômes et d’emplois, entreprise pour le moins délicate. Plusieurs approches complémentaires du déclassement des jeunes diplômés sont néanmoins envisagées : la première est basée sur une norme statistique d’adéquation entre diplôme et catégorie socioprofessionnelle, la deuxième sur le sentiment de la personne interrogée d’être ou non déclassée, la troisième sur la valorisation relative des personnes, en termes de salaire, par rapport aux personnes moins diplômées. Ces différentes approches incitent toutes à considérer le déclassement comme un phénomène non négligeable. La conjoncture joue un rôle important dans son ampleur ainsi que dans les possibilités de reclassement des individus déclassés. Des facteurs individuels peuvent être aussi déterminants. Les jeunes au chômage un an auparavant risquent davantage d’être déclassés. Le déclassement des jeunes femmes est aussi plus persistant que celui des jeunes hommes. MARCHÉ DU TRAVAIL * Emmanuelle Nauze-Fichet appartenait à l’Insee au moment de la rédaction de cet article et Magda Tomasini fait partie de la Dares. Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.

Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

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Page 1: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

21

Diplôme et insertion sur le marché du travail :approches socioprofessionnelle et salariale du déclassement

Emmanuelle Nauze-Fichet et Magda Tomasini*

Au-delà du chômage et du temps partiel subi, le « déclassement » peut constituer uneautre forme de sous-utilisation des compétences humaines sur le marché du travail. Ledéclassement caractérise la situation des personnes « sur-diplômées » par rapport àl’emploi qu’elles occupent. Pour les jeunes, compte tenu de la forte croissance de l’offrede main-d’œuvre diplômée relativement à celle de la demande de travail qualifié, on peutpenser que de telles situations se sont développées au cours des dernières décennies. Si,d’un point de vue humain, ces situations de déclassement peuvent être difficilementvécues, d’un point de vue économique, elles signifient également l’existence deressources inexploitées. Mesurer l’ampleur du déclassement et apprécier son évolutiondans le temps supposent toutefois de pouvoir fixer une norme d’adéquation entrecatégories de diplômes et d’emplois, entreprise pour le moins délicate.

Plusieurs approches complémentaires du déclassement des jeunes diplômés sontnéanmoins envisagées : la première est basée sur une norme statistique d’adéquationentre diplôme et catégorie socioprofessionnelle, la deuxième sur le sentiment de lapersonne interrogée d’être ou non déclassée, la troisième sur la valorisation relative despersonnes, en termes de salaire, par rapport aux personnes moins diplômées. Cesdifférentes approches incitent toutes à considérer le déclassement comme un phénomènenon négligeable. La conjoncture joue un rôle important dans son ampleur ainsi que dansles possibilités de reclassement des individus déclassés. Des facteurs individuels peuventêtre aussi déterminants. Les jeunes au chômage un an auparavant risquent davantaged’être déclassés. Le déclassement des jeunes femmes est aussi plus persistant que celui

des jeunes hommes.

MARCHÉ DU TRAVAIL

* Emmanuelle Nauze-Fichet appartenait à l’Insee au moment de la rédaction de cet article et Magda Tomasini fait partie de la Dares.Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.

Page 2: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

e diplôme constitue un atout majeur sur lemarché du travail. Gage de connaissances

acquises par la personne et indice d’un potentielproductif utilisable par l’entreprise, il favorisel’accès aux emplois les plus qualifiés et lesmieux rémunérés. Sur ce plan, les résultats 2001de l’enquête

Emploi

de l’Insee sont sans sur-prise. Pour les hommes comme pour les femmes,quelle que soit leur ancienneté sur le marché dutravail (1), la part d’actifs occupés exerçant unemploi non qualifié (2) diminue avec le niveaud’études (cf. tableau 1). De même, la rémunéra-tion médiane des salariés augmente nettementavec le niveau du diplôme (cf. tableau 2). Dansun contexte de chômage massif et donc de con-currence vive pour l’emploi, le diplôme permetégalement à son détenteur de se distinguerd’autres candidats à l’embauche moins formés.Il favorise, de ce fait, l’accès à l’emploi quelqu’il soit. Effectivement, en mars 2001, le tauxde chômage décroît nettement avec le niveau dediplôme, pour pratiquement toutes les catégoriesde sexe et d’ancienneté (cf. tableau 3).

Le diplôme joue donc un triple rôle : diminutiondu risque de chômage, facilité d’accès auxemplois les plus qualifiés et les mieux payés. Ilparaît logique que ces rôles soient particulière-ment décisifs en début de carrière. En effet, lediplôme constitue alors, pour l’essentiel, le seulsignal pour les entreprises du potentiel des indi-vidus. Par la suite, au fil de leur parcours profes-sionnel, les individus peuvent valoriser en plusleurs expériences professionnelles, leurs forma-tions complémentaires et leurs promotionséventuelles. Chaque année, cependant, la pro-portion de diplômés au sein des jeunes actifs aeu tendance à s’élever, exacerbant la concur-rence pour les emplois qualifiés. Ainsi, parmiles actifs ayant achevé leurs études depuis moinsde cinq ans, le pourcentage de ceux qui ont aumoins le baccalauréat s’est élevé de 44 % en1990 à 67 % en 2001. De même, la part de ceuxqui détiennent un diplôme d’études supérieuresest passée de 28 % en 1990 à 45 % en 2001.Dans ces conditions, les jeunes travailleurs ont-ils réellement les moyens de valoriser leur for-mation initiale ou doivent-ils ajuster leurs pré-tentions en fonction du risque de chômage ?

La valorisation de la formation sur le marché du travail

’il est logique que le diplôme joue un rôleplus marqué en début de vie active, on peut

s’attendre à ce que les liens entre formation,

d’une part, et risque de chômage, qualificationde l’emploi ou niveau de rémunération, d’autrepart, soient plus étroits en début de carrière ettendent à se relâcher avec l’ancienneté sur lemarché du travail. Qu’en est-il en réalité ? (1) (2)

Le rôle du diplôme au cours du cycle d’activité

À niveau d’études donné, l’ancienneté sur lemarché du travail influe tant sur le risque de chô-mage que sur les caractéristiques moyennes desemplois accessibles. Le taux de chômage est plusélevé pour les actifs les plus récents et diminuepour les plus anciens (cf. tableau 3). Comparerl’amplitude des taux de chômage pour différen-tes durées d’ancienneté pourrait ainsi être trom-peur. De même, à niveau de diplôme donné, lepourcentage d’actifs occupés exerçant un emploinon qualifié diminue avec l’ancienneté (exceptépour les femmes sans diplôme) par la valorisa-tion progressive d’expériences professionnellesde plus en plus significatives (cf. tableau 1).Enfin, les salaires médians s’accroissent égale-ment avec l’ancienneté (cf. tableau 2). Parailleurs, la dispersion des salaires augmente au fildu cycle d’activité, en relation avec la plusgrande complexité des parcours professionnels(Baudelot et Glaude, 1989).

Compte tenu de ces tendances générales, troisindicateurs de comparaison ont été construitspour apprécier l’évolution du rôle du diplômeau cours du cycle d’activité (cf. tableau 4 etencadré 1).

Conformément à l’intuition, le diplôme joue unrôle déterminant en début de carrière pour ce quiconcerne la facilité à trouver un emploi(cf. tableau 4). Pour les hommes comme pour lesfemmes, l’intensité du

lien entre diplôme et ris-que de chômage

décroît nettement avec l’ancien-neté. Il est, par ailleurs, systématiquement plusélevé pour les femmes. En revanche, l’apprécia-tion des

liens diplôme-qualification

et

diplôme-salaire

en fonction de l’ancienneté sur le marchédu travail aboutit à des résultats

a priori

surpre-nants. Ainsi, pour les femmes, le lien diplôme-qualification est nettement plus faible en début

L

S

1. Dans le cadre de cet article, l’ancienneté sur le marché du tra-vail est appréhendée à partir de l’ancienneté de sortie du systèmescolaire. Il s’agit d’une approximation. En effet, les deux duréespeuvent, dans certains cas, ne pas coïncider, si par exemplel’individu connaît une période d’inactivité non scolaire entre la finde ses études et son entrée sur le marché du travail.2. La distinction entre emplois « qualifiés » et « non qualifiés »est celle retenue dans Chardon (2001).

Page 3: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

23

Champ : ensemble des actifs occupés (hors contingent) ayant achevé leurs études initiales.Source : enquête

Emploi

2001, Insee.

Champ : ensemble des salariés (hors contingent) ayant achevé leurs études initiales.Source : enquête

Emploi

2001, Insee.

Champ : ensemble des actifs (hors contingent) ayant achevé leurs études initiales.Source : enquête

Emploi

2001, Insee.

Tableau 1

Part des emplois non qualifiés en mars 2001 selon le sexe, l’ancienneté et le diplôme

En %

Ancienneté de sortie du système scolaire

Moins de 5 ans De 5 à 10 ans De 10 à 19 ans De 20 à 29 ans 30 ans ou plus

Hommes

Sans diplôme ou CEPBEPC, CAP, BEPBaccalauréatBaccalauréat + 2 ou supérieur

Ensemble

58,541,724,94,8

23,5

50,328,217,33,2

17,7

37,717,410,32,0

15,9

30,410,23,70,7

12,1

23,18,33,30,8

12,4

Femmes

Sans diplôme ou CEPBEPC, CAP, BEPBaccalauréatBaccalauréat + 2 ou supérieur

Ensemble

66,558,530,75,4

22,5

63,149,125,24,1

22,0

70,640,114,32,7

26,4

64,833,610,51,7

28,8

60,525,9

9,61,2

35,7

Tableau 2

Salaire net médian en équivalent temps plein en mars 2001 selon le sexe, l’ancienneté et le diplôme

En francs (en euros)

Ancienneté de sortie du système scolaire

Moins de 5 ans De 5 à 10 ans De 10 à 19 ans De 20 à 29 ans 30 ans ou plus

Hommes

Sans diplôme ou CEPBEPC, CAP, BEPBaccalauréatBaccalauréat + 2 ou supérieur

Ensemble

5 700 (869)6 300 (960)

6 613 (1 008)9 000 (1 372)

7 042 (1 074)

6 283 (958)6 800 (1 037)7 583 (1 156)

10 500 (1 601)

7 908 (1 206)

7 042 (1 074)7 800 (1 189)9 300 (1 418)12 692 (1 935)

8 500 (1 296)

7 583 (1 156)9 000 (1 372)11 523 (1 757)15 167 (2 312)

9 500 (1 448)

8 125 (1 239)9 684 (1 476)

13 000 (1 982)16 380 (2 497)

9 500 (1 448)

Femmes

Sans diplôme ou CEPBEPC, CAP, BEPBaccalauréatBaccalauréat + 2 ou supérieur

Ensemble

4 700 (717)5 460 (832)5 780 (881)

8 000 (1 220)

6 500 (991)

5 000 (762)5 800 (884)6 283 (958)

9 000 (1 372)

7 033 (1 072)

5 336 (813)6 200 (945)

7 517 (1 146)10 000 (1 524)

7 200 (1 098)

5 500 (838)6 921 (1 055)8 825 (1 345)11 750 (1 791)

7 545 (1 150)

5 460 (832)7 700 (1 174)

10 267 (1 565)12 600 (1 921)

7 042 (1 074)

Tableau 3

Taux de chômage en mars 2001 selon le sexe, l’ancienneté et le diplôme

En %

Ancienneté de sortie du système scolaire

Moins de 5 ans De 5 à 10 ans De 10 à 19 ans De 20 à 29 ans 30 ans ou plus

Hommes

Sans diplôme ou CEPBEPC, CAP, BEPBaccalauréatBaccalauréat + 2 ou supérieur

Ensemble

41,817,612,6 8,7

15,6

25,911,7 5,8 4,2

9,3

15,4 5,9 5,4 3,0

6,9

9,8 4,5 4,5 3,2

5,5

7,74,23,54,2

5,5

Femmes

Sans diplôme ou CEPBEPC, CAP, BEPBaccalauréatBaccalauréat + 2 ou supérieur

Ensemble

51,630,417,6 9,8

18,4

36,220,412,1 6,0

13,2

27,212,7 8,7 5,6

11,9

17,5 8,7 6,1 3,2

9,1

9,87,46,63,3

7,9

Page 4: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

de vie active et tend à augmenter avec l’ancien-neté (les résultats concernant les hommes sontmoins nets). Quant au lien diplôme-salaire, ilapparaît très élevé à tous les niveauxd’ancienneté : le diplôme explique environ lamoitié de la dispersion des salaires, ce quiprouve que le niveau de formation joue avec per-sistance sur l’ensemble de la carrière salariale.Mais le lien apparaît étonnamment plus faiblepour les actifs les plus récents : la part de lavariance des salaires expliquée par le niveau dediplôme augmente d’environ 10 points entre lesactifs de moins de cinq ans d’ancienneté et ceuxayant une ancienneté de 20 à moins de 30 ans.

En début de carrière, les liens diplôme-qualification-salaire se sont relâchés

Si on remonte au début des années 1990, la hié-rarchie des avantages conférés par le diplôme en

fonction de l’ancienneté est plus conforme àl’intuition. En effet, pour les hommes en 1990,les deux indicateurs des liens diplôme-qualifi-cation et diplôme-salaire sont plus élevés endébut de vie active et s’atténuent avec l’ancien-neté (cf. graphiques I et II). Le rôle de la forma-tion apparaît alors plus déterminant dans laphase d’insertion sur le marché du travail. Pourles femmes, cela n’est déjà pas vrai en ce quiconcerne le lien diplôme-qualification.

Par la suite, au moins jusqu’en 1998-1999, lesliens diplôme-qualification et diplôme-salairese sont distendus pour les plus jeunes (moins decinq, voire moins de dix ans d’ancienneté) alorsque, pour l’essentiel, ils se maintenaient tout aulong de la décennie pour les actifs plus anciens.Le devenir des jeunes sortants du système sco-laire paraissait ainsi de plus en plus incertain.Sur les dernières années, on observe un certainresserrement des liens pour les actifs de moins

Champ : ensemble des actifs (hors contingent) ayant achevé leurs études initiales, le champ étant restreint aux salariés pour les indica-teurs (2) et (3).Source : enquête

Emploi

2001, Insee.

Tableau 4

Intensité des liens du diplôme avec le chômage, la qualification et le salaire en mars 2001 selon le sexe et l’ancienneté

Ancienneté de sortie du système scolaire

Moins de 5 ans De 5 à 10 ans De 10 à 19 ans De 20 à 29 ans 30 ans ou plus

Hommes

Lien diplôme-chômage (1)Lien diplôme-qualification (2)Lien diplôme-salaire (3)

0,270,440,46

0,240,460,53

0,170,460,56

0,110,440,57

0,080,400,55

Femmes

Lien diplôme-chômage (1)Lien diplôme-qualification (2)Lien diplôme-salaire (3)

0,300,370,46

0,260,390,49

0,220,450,51

0,180,460,55

0,080,450,53

1. Statistique V de Cramer calculée sur le tableau de contingence croisant diplômes et statut d’actif (actif occupé ou chômeur).2. Statistique V de Cramer calculée sur le tableau de contingence croisant diplômes et catégories socioprofessionnelles.3. Coefficient de détermination R

2

dans la régression du salaire en équivalent temps-plein sur les indicatrices de diplôme.

Encadré 1

TROIS INDICATEURS DE MESURE DU BÉNÉFICE DU DIPLÔME SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

Pour examiner l’intensité du

lien entre diplôme et ris-que de chômage

, on calcule une statistique de dépen-dance caractérisant le tableau de contingence croisantles nomenclatures de diplômes et les deux statutsd’actifs (en emploi ou au chômage). On retient ainsi unindicateur dérivé du traditionnel « chi-deux » : le « V deCramer », qui varie de 0 (indépendance) à 1 (liaisonfonctionnelle). Cette statistique permet de comparerl’intensité de la liaison de deux variables qualitativesdans des tableaux de contingence d’effectifs diffé-rents.

De même, l’importance du

lien diplôme-qualification

est évaluée à partir de la statistique « V de Cramer »

caractérisant le tableau de contingence croisant lesnomenclatures de diplômes et de catégories sociopro-fessionnelles. Le champ d’analyse a, par ailleurs, étérestreint aux seuls actifs occupant un emploi salarié,pour lesquels la nomenclature des catégories socio-professionnelles peut être plus facilement hiérarchisée.

Enfin, l’intensité du

lien entre diplôme et salaire

(pourles actifs occupant un emploi salarié) est estimée àpartir des coefficients de détermination (R

2

) caractéri-sant les régressions du salaire net (en équivalenttemps plein) sur les indicatrices de la détention des dif-férents diplômes, une fois éliminées les observationsdes déciles extrêmes.

Page 5: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

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de cinq ans d’ancienneté, inflexion délicate àinterpréter compte tenu du manque de recul.

Évaluer l’adéquation entre diplômeet emploi occupé

Comment analyser de telles évolutions ? Si ondécompose de manière détaillée le lien attenduentre le niveau de diplôme et les caractéristiques

des emplois occupés, on peut mettre en avantdifférents types d’explications au relâchementglobal de ce lien, selon le niveau auquel on situele relâchement (cf. schéma).

En effet, l’adéquation supposée entre diplôme etemploi repose d’abord sur celle attendue entrecompétences individuelles et qualification del’emploi. Le diplôme informe sur ces compéten-ces, puisqu’il constitue normalement le gage de

Graphique I

Évolution du lien diplôme-qualification depuis 1990*

A - Hommes

B - Femmes

* Voir note 2 du tableau 4.Champ : ensemble des salariés (hors contingent) ayant achevéleurs études initiales.Source : enquêtes

Emploi

1990 à 2001, Insee.

0,30

0,35

0,40

0,45

0,50

0,55

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

4 ans et - 5 à 9 ans 10 à 19 ans

20 à 29 ans 30 ans et +

0,30

0,35

0,40

0,45

0,50

0,55

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Graphique II

Évolution du lien diplôme-salaire depuis 1990*

A - Hommes

B - Femmes

* Voir note 3 du tableau 4.Champ : ensemble des salariés (hors contingent) ayant achevéleurs études initiales.Source : enquêtes

Emploi

1990 à 2001, Insee.

0,40

0,45

0,50

0,55

0,60

0,65

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

4 ans et - 5 à 9 ans 10 à 19 ans

20 à 29 ans 30 ans et +

0,40

0,45

0,50

0,55

0,60

0,65

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Schéma de représentation du lien formation-emploi

Diplôme

Catégorie socioprofessionnelle

(1) (signal et gage) (3) (signal)

Compétences individuelles(potentielles et acquises)

(2)

Qualification de l’emploi occupé

Rémunération

Page 6: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

certaines connaissances acquises dans le cadredu cursus de formation et un indice plus générald’aptitudes individuelles, dont notamment lacapacité plus ou moins forte à se former. Parailleurs, au niveau de l’emploi, on peut supposerune certaine correspondance entre ses différen-tes caractéristiques (qualification et rémunéra-tion) au sens où, à spécialité professionnelledonnée, on s’attend logiquement à ce que la hié-rarchie des salaires corresponde à celle des qua-lifications. Enfin, on peut supposer que la caté-gorie socioprofessionnelle reflète correctementla qualification de l’emploi occupé.

Partant de ce schéma, on peut envisager en pre-mier lieu un relâchement au niveau du lien entrediplôme et compétences

(

flèche 1 du schéma

)

.En effet, la forte tendance passée à l’allonge-ment de la durée des études s’est traduite parune élévation du niveau moyen de formationinitiale au fil des générations et par un affluxtrès important de diplômés du baccalauréat etdes études supérieures. La pyramide desniveaux de formation initiale s’est épaissie parle haut. De ce fait, la valeur des diplômes, toutau moins telle qu’elle est perçue par les entrepri-ses (sinon en termes de qualité, du moins en ter-mes de pouvoir sélectif), a pu se détériorer glo-balement selon un mécanisme d’« inflation desdiplômes » (Green

et al.

, 1999). On peut en effetenvisager que, pour les titres scolaires qui sontdevenus proportionnellement plus répandus, ilexiste une plus grande hétérogénéité des compé-tences individuelles, ces dernières étant enten-dues au sens des aptitudes potentielles des per-sonnes plus que des aptitudes acquises dans lecursus de formation.

Deuxième explication envisageable, le relâche-ment pourrait se situer au niveau du lien entreles compétences individuelles et la qualificationde l’emploi occupé (flèche 2 du schéma). Au-delà du problème de précision du signal apportépar le diplôme, un tel phénomène pourrait tra-duire, dans un contexte de pénurie relatived’emplois, une augmentation des cas de« déclassement » parmi les jeunes actifs, c’est-à-dire des situations où

la personne occupe unemploi pour lequel elle possède un niveau deformation supérieur à celui normalementrequis

(3). En effet, compte tenu des difficultéssur le marché du travail, notamment un taux dechômage particulièrement élevé pour les jeunes,et sans autre atout professionnel, ces dernierspourraient être contraints d’accepter plus fré-quemment des emplois sous-qualifiés, faute detrouver des emplois adaptés à leur formation.

De telles explications sont susceptibles d’éclai-rer tant le relâchement du lien diplôme-qualifi-cation que celui du lien diplôme-salaire.D’autres facteurs ont pu, par ailleurs, contribuerà l’atténuation du lien entre qualification et caté-gorie socioprofessionnelle (flèche 3 du schéma).Ainsi au sein des différentes catégories socio-professionnelles, les nouveaux emplois créésnécessitent souvent la mise en œuvre de techno-logies de plus en plus sophistiquées, en relationnotamment avec l’informatisation croissante despostes de travail. En supposant la capacité à uti-liser ces technologies proportionnelle au niveaude diplôme, ceci peut justifier que ces nouveauxemplois requièrent un niveau de formation supé-rieur et, sans doute, une rémunération plus éle-vée. C’est ce qu’on appelle l’hypothèse de

« progrès technique biaisé »

(Fondeur, 1999).Dans ces conditions, ce qui est apparu commeun relâchement du lien diplôme-qualificationpourrait traduire, en partie, une évolution de laqualification des emplois au sein des différentescatégories socioprofessionnelles.

Le déclassement : un hiatus entre compétences individuelles et emploi occupé

La deuxième explication, celle liée au déclasse-ment, est plus particulièrement étudiée ici. Ledécalage constaté par le passé entre le rythme deprogression du nombre des diplômés et celuides postes de travail qualifiés, décalage résul-tant tant de facteurs structurels et institutionnels(« explosion scolaire », exonérations sur les bassalaires encourageant au développementd’emplois peu qualifiés) que de facteurs con-joncturels (évolution du chômage) peut en effetexpliquer une plus forte fréquence des situationsd’inadéquation entre formation, d’une part, etqualification et salaire, d’autre part. Ce déclas-sement recouvre une sous-utilisation de la main-d’œuvre potentielle qui dépasse les seuls cons-tats du chômage et du sous-emploi, au sensusuel du terme (cas des personnes travaillantinvolontairement à temps partiel et souhaitanttravailler davantage). Il peut influer sur la moti-vation des jeunes salariés comme sur leur pro-

3. Cette définition usuelle du déclassement suppose de manièresous-jacente l’existence d’une norme d’adéquation entre forma-tion et emploi, justifiant l’utilisation du terme « normalement ».Elle met de fait à part l’éventuel problème de relâchement du lienformation-compétences envisagé précédemment. Loin d’êtreanodine, cette question de sémantique est au cœur de la grandeconfusion régnant autour de la notion de « déclassement ».L’interprétation qui en est faite ici est bien de la distinguer nette-ment de celle d’« inflation des diplômes ».

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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

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ductivité. Il invite, par ailleurs, à nuancer, enpartie, le discours sur les pénuries de main-d’œuvre qualifiée. Le déclassement mérite doncune attention toute particulière, même s’il n’estpas toujours aisé de faire la part entre cetteexplication et celles du progrès technique biaiséou de l’inflation des diplômes.

Le déclassement et le lien formation-emploi

e déclassement

(overeducation)

a faitl’objet de nombreuses études. Malgré une

définition (à peu près) unanime :

« est considérécomme déclassé tout individu dont le niveau deformation initiale dépasse celui normalementrequis pour l’emploi occupé »

, l’interprétationexacte du concept et l’analyse de ses causes etde ses effets varient fortement, en fonctionnotamment des hypothèses retenues par les éco-nomistes sur le fonctionnement du marché dutravail. En particulier, les différentes approchesthéoriques des liens entre formation et emploine permettent pas, pour la plupart, d’envisagerde sous-utilisation significative ou durable descompétences

individuelles sur le marché du tra-vail, selon la définition stricte du déclassementretenue ici. Pour envisager l’existence de telles

situations, que l’intuition et l’observation auquotidien permettent difficilement d’écarter, onse réfère ici plus particulièrement au modèle deconcurrence pour l’emploi, dans une analyse dudéclassement comme « résultante de change-ments de file d’attente » (cf. encadré 2).

Le déclassement comme problèmede file d’attente

Le

modèle de concurrence pour l’emploi

(Thurow, 1975) suppose que les salaires, étantassociés à la hiérarchie des postes dans l’entre-prise, sont prédéterminés. Dans ces conditions,les ajustements sur le marché du travail se fontpar les quantités, d’où la notion de« concurrence pour l’emploi ». Par ailleurs, lescaractéristiques de productivité sont supposéesattachées aux postes de travail et non aux indi-vidus. Les entreprises cherchent alors à embau-cher les personnes dont les coûts de formationsont les plus faibles et utilisent pour cela lediplôme comme indicateur de l’aptitude à êtreformé. Elles choisissent donc les candidats lesplus diplômés parmi l’ensemble des deman-deurs d’emploi. Ainsi, selon ce modèle, leniveau relatif de formation des individus estplus important que leur niveau absolu dans lamécanique d’ajustement conjoncturel entreoffre et demande de travail.

L

Encadré 2

LES APPROCHES THÉORIQUES DES LIENS ENTRE FORMATION ET EMPLOI

Fondeur (1999), Green

et al.

(1999) et Sloane

et al.

(1999) proposent chacun une revue de détail des diffé-rentes approches théoriques des liens entre formationet emploi. Trois grandes approches se distinguent :celle fondée sur la théorie du capital humain, celle fon-dée sur la théorie de l’appariement et les approches àla base des modèles de signalement, au sein desquelsse distingue le modèle de concurrence pour l’emploi.C’est donc la logique de ce dernier modèle que l’onprivilégiera pour éclairer l’interprétation et l’analyse dudéclassement proposée ici. Les autres approches per-mettent toutefois de préciser la complexité des liensentre formation et emploi qui relèvent vraisemblable-ment aussi en partie de ces différents schémas théori-ques.

Selon la

théorie du capital humain

, la formation consti-tue un investissement conduisant à accroître les capa-cités productives d’un individu, ces dernières détermi-nant entièrement la qualification et la rémunération del’emploi occupé. Le niveau d’éducation ne constitue,par ailleurs, qu’une composante parmi d’autres ducapital humain, à côté notamment de l’expérience etdu savoir faire (Mincer, 1974). Dans un cadre où lemarché du travail est supposé pleinement efficient, les

entreprises, qui cherchent à maximiser leur profit, onttout intérêt à utiliser au mieux les compétences despersonnes employées. On peut ainsi envisager queces dernières adaptent systématiquement le profil despostes de travail aux compétences des personnesembauchées. Une telle approche met en doute la pos-sibilité de situations de déclassement à proprementparler. La théorie du capital humain envisage malgrétout l’existence de périodes où les individus, ou lasociété, investissent dans l’éducation au-delà desbesoins en main-d’œuvre diplômée. Un tel déséquili-bre est néanmoins supposé temporaire, se résorbantnaturellement par le jeu des réactions des individus etdes entreprises (Freeman, 1976). Les premiers sont eneffet incités à investir moins dans l’éducation, comptetenu de la baisse de son rendement. Les secondessont encouragées à modifier leur organisation produc-tive, pour bénéficier du moindre coût du travail qualifié.

Selon la

théorie de l’appariement

(Jovanovic, 1979), ledéclassement est également appréhendé comme unphénomène de court terme, mais selon un tout autreraisonnement. Cette fois, la possibilité de mauvaisappariements entre offreurs et demandeurs de travailest supposée résulter du manque d’informations déte-

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28

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

nues par les agents (sur les compétences des person-nes ou sur les caractéristiques des emplois) et du coûtpour acquérir ces dernières (coût des procéduresd’entretien ou coût de recherche d’emploi, par exem-ple). Selon une telle théorie, les situations de déclasse-ment constitueraient pour les individus des erreurs deparcours, dans la phase de recherche d’un emploiadéquat. Ces situations ne seraient néanmoins quetemporaires, les individus déclassés étant incités àquitter leur emploi afin d’en obtenir un mieux adapté àleur niveau de compétence. Inversement, les situa-tions de « surclassement » (cas où le niveau de forma-tion initiale des personnes est inférieur à celui norma-lement requis pour l’emploi occupé) sont envisagéescomme pouvant être plus durables. En effet, dans uncontexte où la demande de main-d’œuvre diplôméeexcèderait l’offre, un travailleur surclassé peut êtreincité à rester dans l’entreprise, car cette situation luiest financièrement favorable. De son côté, l’entreprisepeut envisager de garder une personne surclassée.D’une part, cela lui permet d’épargner de nouveauxcoûts de prospection et d’embauche. D’autre part, lapersonne surclassée peut compenser progressive-ment l’insuffisance de sa formation initiale par l’acqui-sition d’expérience et de savoir-faire.

Les

modèles de signalement

s’appuient également surl’hypothèse d’une information imparfaite des agentssur le marché du travail. En particulier, les employeursne connaissent pas la productivité réelle des candidatsà l’embauche. Le diplôme constitue alors pour lesentreprises un signal les aidant à identifier les person-nes ayant les capacités productives adéquates(Spence, 1973). De leur côté, les travailleurs investis-sent dans l’éducation pour fournir des signaux clairsaux employeurs, leur permettant d’accéder à desniveaux d’emploi et de salaire élevés. Selon une telleapproche, le système éducatif joue avant tout un rôlede sélection des compétences « potentielles » (aptitu-des à s’adapter ou à se former aux emplois), plus quede développement des compétences « effectives »(connaissances théoriques ou pratiques). L’utilisationdu diplôme comme critère d’appariement est fondésur l’hypothèse que le coût d’acquisition d’un titre sco-laire est d’autant plus faible que le potentiel des indivi-dus est élevé. Une diminution exogène d’un tel coûtd’acquisition peut ainsi brouiller le signal associé auxdiplômes et engendrer un phénomène de dévaluationdes titres scolaires, plus que de développement dudéclassement au sens strict. Le

modèle de concur-rence pour l’emploi

(Thurow, 1975), auquel se réfèrelargement l’analyse développée dans l’article, s’inscritdans la lignée d’une telle approche, mais en ruptureavec le cadre néoclassique de la plupart des autresmodèles de signalement.

Le modèle de concurrence pour l’emploi de Thurow

Dans son ouvrage

« Generating Equality »

, Thurow(1975) s’interroge sur les mécanismes économiques àl’origine des inégalités de revenus. Dans l’analyse tra-ditionnelle, le salaire est supposé être la variable cléd’ajustement entre l’offre et la demande de travail.Conformément à cette approche, on doit s’attendre à

ce que cette variable « équilibrante » soit peu disper-sée, une fois pris en compte les différents facteursd’hétérogénéité de la productivité individuelle du tra-vail. Or, selon Thurow, la statistique peine à mettre enévidence des groupes d’individus aux salaires réelle-ment homogènes. Ce constat parmi d’autres l’incite àenvisager une autre description de la mécanique derégulation sur le marché du travail, en alternative àl’hypothèse de concurrence par le salaire (

« wagecompetition »

).

Le modèle de concurrence pour l’emploi (

« jobcompetition »

) développé par Thurow repose sur l’idéequ’une part essentielle des compétences nécessairespour occuper un emploi donné n’est réellementacquise qu’en occupant l’emploi. Les compétencesprofessionnelles seraient donc largement transmisesde manière plus ou moins formelle dans le cadre dutravail (

« on-the-job training »

). De même, la producti-vité du travail constitue selon lui une caractéristiqueattachée à un emploi donné et non à la personne quioccupe cet emploi. Du côté de l’offre de travail, lesindividus se différencient alors, non par leur producti-vité, mais par le coût nécessaire pour les former àoccuper tel ou tel emploi. Pour un emploi et un individudonné, ce coût est une fonction du bagage personnelde la personne (

« background characteristics »

), c’est-à-dire de ses aptitudes innées, son niveau d’éduca-tion, son expérience professionnelle, etc. Du côté de lademande de travail, les emplois sont hiérarchiséspréalablement à l’embauche, selon une grille de quali-fications qui correspond aux différentiels de producti-vité des emplois. Cette grille détermine en mêmetemps la grille des rémunérations, qui est donc engrande partie fixée préalablement aux embauches.Dans le cadre de ce modèle, le salaire ne peut ainsiconstituer une variable d’ajustement conjoncturelentre offre et demande de travail, puisqu’il est large-ment prédéterminé.

La logique de régulation du marché du travail est alorsla suivante. Pour chaque emploi, qui constitue enmême temps une opportunité de formation profes-sionnelle, il existe un ensemble de candidats poten-tiels. Ces derniers forment une file d’attente (

« laborqueue »

) au sein de laquelle les employeurs privilégientceux pour lesquels ils anticipent les plus faibles coûtsde formation, compte tenu des indications qu’ils pos-sèdent sur leur bagage personnel. En particulier, pourles nouveaux entrants sur le marché du travail, leniveau de formation initiale constitue l’indicateur privi-légié sinon unique du coût de formation anticipé. Entreplusieurs candidats à caractéristiques identiques, lechoix de l’employeur s’apparente ensuite à une loterie.Ainsi, au niveau global, en fonction du nombre et de lastructure des emplois offerts, parallèlement au nombreet aux caractéristiques des candidats à l’emploi, desindividus identiques en termes de bagage personnelpourront se voir proposer des emplois de qualifica-tions, salaires et opportunités de formation profession-nelle différents. Répondant à son objectif, le modèlede concurrence pour l’emploi est ainsi effectivementsusceptible d’expliquer l’importance des inégalités desalaires au sein de groupes de personnes

a priori

rela-tivement homogènes.

Encadré 2 (suite)

Page 9: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

29

La concurrence pour l’emploi implique auniveau macro-économique l’existence d’une

filed’attente

en tête de laquelle se trouvent les indi-vidus les plus diplômés relativement à l’ensem-ble des demandeurs d’emploi. Comme l’illustrel’analyse de Fondeur (1999), une telle vision dufonctionnement du marché du travail est suscep-tible d’expliquer le développement de situationsde déclassement en période de pénuried’emplois qualifiés. En effet, à niveau dediplôme donné, en fonction de la longueur de la« file d’attente » pour un type d’emploi donné,les individus sont amenés à arbitrer entre pro-longer leur attente (c’est-à-dire rester au chô-mage) ou changer de file d’attente (c’est-à-direpostuler pour des emplois moins qualifiés).

En première lecture, une telle approche ne permetpas de situer une norme « absolue » d’adéquationentre formation initiale et qualification del’emploi (puisque ce sont les positions relativesqui jouent). Elle permet surtout d’expliquer lecaractère plus ou moins lâche des liens statisti-ques observés, en fonction du plus ou moinsgrand déséquilibre existant entre les pyramidesrespectives des compétences et des qualifications.Malgré tout, on peut bien considérer ces phéno-mènes de

changements de file d’attente

commepouvant être à l’origine d’une sous-utilisation descompétences. En effet, les individus concernéssont caractérisés

a priori

par un « bagagepersonnel » tel qu’ils pourraient occuper demanière rentable des emplois plus qualifiés, doncplus productifs (cf. encadré 2). De façon sous-jacente d’ailleurs, Thurow envisage bien une con-trainte « absolue » d’adéquation, puisqu’il consi-dère que l’employeur

« recherche des personnespour lesquelles le coût nécessaire à les former estinférieur au surplus de la production marginaled’un emploi sur sa rémunération »

(« he wouldlike to find employees whose training costs areless than the existing gap between a job’s margi-nal product and its wage »)

.

Facteurs macroéconomiquesdu déclassement et stratégies des agents

Au niveau macroéconomique, le déclassementapparaît, parallèlement au chômage, commeune forme de sous-emploi liée à une pénuried’emplois qualifiés. L’origine d’une telle pénu-rie peut être conjoncturelle (insuffisance glo-bale de la demande de travail) ou structurelle(insuffisance relative de la demande de travailqualifié au regard de l’offre de main-d’œuvrediplômée). Ainsi, selon Chauvel (1998),

« ladévalorisation [des diplômes (4)] n’est pas le

résultat de la seule diffusion des diplômes, maisle fait d’un décalage entre le rythme de progres-sion des diplômes et celui de la croissance despostes qualifiés ». Dans un contexte de chô-mage élevé, l’acceptation de situations dedéclassement peut par ailleurs révéler une préfé-rence croissante pour la stabilité de l’emploi, audétriment de sa qualité ou de sa rémunération.

Quelle que soit l’origine macroéconomique dudéclassement, le phénomène est susceptible des’amplifier par le jeu des différents acteurs surle marché du travail. Ainsi, conscients de la stra-tégie d’écrémage des entreprises au sein descandidats à l’emploi, les individus peuvent êtreincités à poursuivre leurs études, en vue d’obte-nir un diplôme qui leur procure une meilleureplace dans la file d’attente pour l’emploi. Cetype de comportements conduit à amplifier ledécalage entre les rythmes de croissance descompétences offertes et requises. Réciproque-ment, les entreprises peuvent se permettre dedevenir de plus en plus exigeantes quant auniveau de diplôme détenu par les candidats àl’emploi, pour un poste à pourvoir à qualifica-tion requise donnée.

Dans ces conditions, il existe des forces conver-gentes qui peuvent tendre à créer la spirale d’unniveau de diplôme toujours plus élevé pour unposte de travail identique. Ceci rend d’autantplus complexe la détermination de l’origineréelle du déclassement. Inversement, l’élévationdu niveau de formation initiale offre l’opportu-nité, au moins à long terme, d’un développe-ment de la qualification des emplois. On ne peutdonc simplement attribuer aux seuls facteursstructurels l’origine du déclassement. Il estd’ailleurs possible que, dans un contexte dediminution continue du chômage, les forcespuissent cette fois converger pour accélérer unretour à la « normale », même si on peut penseraussi que les habitudes prises en matière derecrutement ne s’abandonnent pas si facilement.

Mesurer le déclassement :une entreprise délicate

ux difficultés pour cerner le concept dedéclassement et ses facteurs explicatifs,

correspondent des difficultés tout aussi impor-tantes pour quantifier le phénomène. La mesure

4. On peut interpréter cette « dévalorisation des diplômes »comme du « déclassement », si on considère qu’elle ne touchequ’une fraction des diplômés.

A

Page 10: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

30 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

du déclassement suppose en effet de pouvoirdéfinir dans quel cas la formation initiale cor-respond ou non à la qualification requise pourl’emploi occupé, c’est-à-dire dans quel cas larelation formation-emploi peut être considéréecomme « normale » (cf. encadré 3). Cet exer-cice peut être aussi compliqué par les phénomè-nes exposés précédemment d’inflation desdiplômes et de progrès technique biaisé.

Pour mesurer statistiquement le déclassement, ladémarche utilisée par Forgeot et Gautié (1997),à partir de l’examen empirique des tableauxannuels de contingence croisant diplômes etcatégories socioprofessionnelles, peut être sys-tématisée (cf. encadré 3). Une analyse des écartsà l’indépendance (au sens du chi-deux (5)) per-met en effet d’établir simplement chaque annéeune table de correspondance diplôme-catégoriesocioprofessionnelle (CS). Celle-ci décrit la

norme « statis-tique » du moment et permet derepérer, en fonction de cette norme, les person-nes « sur-diplômées » ou « sous-diplômées »par rapport au type d’emploi occupé, c’est-à-dire respectivement en situation de« déclassement » ou de « surclassement ».

5. Soient X, le niveau de diplôme et Y, la catégorie socioprofes-sionnelle, pouvant prendre respectivement les modalités X1, ...,Xi, ..., Xp et Y1, ..., Yj, ..., Yq. Soient n l’effectif total, nij l’effectif ducouple (Xi, Yj) , ni. et n.j les effectifs marginaux des modalités Xi etYj.Sous l’hypothèse d’indépendance entre X et Y, l’effectif théori-que du couple (Xi, Yj) est : n*ij = (ni. n.j)/n. Pour chaque case (i,j),on peut alors considérer en première approximation que la situa-tion diplôme-profession est :- « normale » si nij > n*ij (concordance fréquente entre les moda-lités Xi et Yj),- « atypique » si nij < n*ij (concordance rare entre les modalités Xiet Yj).Dans le deuxième cas, on détermine si la situation « atypique »correspond à du « surclassement » ou à du « déclassement », ensituant « hiérarchiquement » la case (i,j) par rapport aux cases (i,j’)et (i’,j) considérées comme « normales ».

Encadré 3

LES MESURES DU DÉCLASSEMENT

Les différentes mesures envisagées dans les travauxempiriques internationaux sont généralement classéesen trois grandes catégories : l’approche « normative »,l’approche « statistique » et l’approche « subjective »(Fondeur, 1999 ; Battu et al., 2000).

L’approche « normative » repose sur l’analyse du con-tenu en formation qui est a priori nécessaire pour occu-per telle ou telle profession ou, réciproquement, dutype de professions auxquelles prépare tel ou teldiplôme. Cette analyse détaillée permet d’établir unetable de correspondance entre diplômes et profes-sions. La mesure du déclassement s’appuie alors sur lacomparaison du niveau de formation détenu avec celui« normalement » requis pour l’emploi occupé. Cetteapproche est largement utilisée aux États-Unis sur labase du « Dictionnary of Occupationnal Titles ». Elle aété également utilisée en France par Affichard (1981) àpartir du « code DPJ » (1). L’approche « normative »,qui peut paraître la plus naturelle et la plus objective,suppose un important travail d’analyse à la base. Lestravaux, déjà anciens, fondés sur cette approche necorrespondent peut-être plus à la situation actuelle.

L’approche « statistique » propose de définir plus sim-plement les correspondances « normales » à partir dece qui ressort de l’analyse statistique comme étant lessituations les plus fréquentes. Elle est généralementutilisée comme substitut à la première méthode,lorsqu’on ne dispose pas de table de correspondance« normative » suffisamment récente. Aux États-Unis, laméthode « statistique » la plus courante consiste àestimer, profession par profession, le niveau moyend’études. Une personne est alors considérée commedéclassée si son niveau d’études dépasse de plusd’un écart-type le niveau moyen de la profession.Cette méthode est très critiquée. Elle suppose que le

niveau d’études puisse être assimilé à une variablecontinue et repose sur un choix, qui peut paraître arbi-traire, de fixer le seuil du déclassement à partir d’unedéviation d’un écart-type par rapport à la moyenne.

En France, Forgeot et Gautié (1997) proposent uneapproche statistique novatrice, fondée sur une analyseempirique du tableau de contingence croisant diplô-mes et catégories socioprofessionnelles (CS). À partirdes données de l’enquête Emploi de mars 1986, sur lechamp des jeunes de 18 à 29 ans en situation d’emploinon aidé (2), ils établissent une table de correspon-dance diplôme-CS fondée à la fois sur les parts relati-ves de chaque type de diplôme pour une CS donnéeet, réciproquement, sur les parts relatives de chaqueCS à un niveau de diplôme donné. Les situationsdiplôme-CS statistiquement normales sont donc cel-les où, d’une part, le diplôme débouche fréquemmentsur un emploi de cette CS et, d’autre part, les emploisde cette CS sont occupés fréquemment par des per-sonnes détenant ce diplôme. On analysera dans lecadre de cet article une telle approche.

Enfin, l’approche « subjective » repose sur le senti-ment propre des personnes à l’égard de leur travail. Cesentiment est appréhendé à partir de questions trèsdiverses dans les différentes enquêtes étrangères, les

1. Il s’agit d’un code distinguant neuf groupes professionnels.Il a été construit lors des travaux préparatoires au VIIe Plan pourpermettre explicitement le rapprochement des nomenclaturesde classement des emplois avec les critères de qualificationdes individus, en fonction principalement du niveau de forma-tion requis pour occuper les emplois.2. Hors contrats de formation en alternance, contrats emploi-solidarité, etc.

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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002 31

Sur la période 1990-2001, la norme « statis-tique » ainsi établie n’est pas stable dans le temps(cf. tableaux 5 et 6). Certains diplômes permet-tent d’accéder plus difficilement à une profes-sion donnée. C’est le cas par exemple des bacca-

lauréats généraux, qui ouvrent moins facilementl’accès à la catégorie socioprofessionnelle destechniciens. De manière équivalente, l’accès àune CS donnée nécessite un niveau de diplômeplus élevé. Pour être ouvrier non qualifié, il n’est

réponses étant comparées aux caractéristiques objec-tives de la personne interrogée :

- dans l’enquête américaine PSID : « Combiend’années de formation initiale sont nécessaires pourobtenir un emploi tel que le vôtre ? » (How much formaleducation is required to get a job like yours ?),

- dans l’enquête britannique SCELLI : « Si aujourd’huiune personne était candidate sur un poste du type decelui que vous occupez actuellement, de quelles qua-lifications éventuelles aurait-elle besoin pourl’obtenir ? » (If they were applying today, what qualifi-cations if any, would someone need to get the type ofjob you have now ?),

- dans une enquête britannique réalisée par l’univer-sité de Birmingham en 1996 auprès de deux cohortesde diplômés ayant achevé leurs études en 1985 et1990 : « Le diplôme que vous avez obtenu en 1985 ou1990 constituait-il une exigence pour le travail qui cor-respond à votre principal emploi actuel ? » (Was thedegree gained in 1985 or 1990 a requirement in the jobspecification for your current main employment ?),

- dans cette même enquête : « Dans le cadre de votreprincipal emploi actuel, à quel point êtes vous insatis-fait de la comparaison entre la nature de votre travail etle niveau de vos qualifications ? » (How dissatisfied areyou with the match between your work and your quali-fications (in your current main job) ?).

La faiblesse de cette approche repose sur le choixdélicat de la formulation de la question et de l’étendue

des réponses possibles. Il est ainsi possible que ceséléments influencent en quelque sorte la réponse despersonnes interrogées, ou qu’un manque de clartéconduise à des interprétations différentes d’un indi-vidu à l’autre. Par ailleurs, les réponses subjectivespeuvent dans certains cas refléter d’autres phénomè-nes que celui que l’on cherche à observer. C’est-à-direque l’approche subjective pourrait être brouillée pardes caractéristiques individuelles inobservables (tellequ’une insatisfaction au travail d’un autre ordreinfluençant négativement la réponse au moment del’interrogation, etc.). Malgré tout, c’est une approcheprécieuse, car plus encore que l’état « objectif » dedéclassement, le sentiment de déclassement peutavoir d’importantes conséquences sur la motivationdes salariés, leur implication dans le travail et lamanière dont ils abordent leur carrière.

En France, l’Enquête permanente sur les conditions devie des ménages (EPCVM), réalisée par l’Insee, com-porte dans son volet annuel d’octobre une questionsusceptible de cerner le sentiment de déclassement :« Actuellement, diriez-vous que : (1) vous êtes plutôtinsuffisamment formé pour l’emploi que vousoccupez ; (2) votre niveau de formation est plutôt bienadapté à votre travail ; (3) vous êtes plutôt surdiplôméou surqualifié pour votre emploi ; (9) ne sait pas. ». Ons’intéressera dans le cadre de cet article aux résultatsissus de cette enquête, avec prudence néanmoins,compte tenu de la faiblesse de l’effectif interrogé sur lechamp qui nous intéresse.

Encadré 3 (suite)

* Voir note de bas de page n˚ 5.Champ : ensemble des personnes ayant achevé leurs études initiales il y a moins de 5 ans et occupant un emploi salarié.

Tableau 5Table de correspondance diplôme-catégorie socioprofessionnelle issue de l’analyse des écarts à l’indépendance sur l’année 1990*

Diplôme

Catégorie socioprofessionnelle

Cadre, professeur, ingénieur

Profession intermédiaire

TechnicienEmployé qualifié

Employé non qualifié

Ouvrier qualifié

Ouvrier non qualifié

Grande école, 3e cycle universitaire

Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé

2e cycle universitaire Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé

Supérieur court (1er cycle, BTS, DUT)

Sous-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé

Bacs généraux Sous-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé

Bacs techniques et professionnels

Sous-diplômé Sous-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé

CAP, BEP Sous-diplômé Sous-diplômé Sous-diplômé

BEPC Sous-diplômé Sous-diplômé Sous-diplômé

Certificat d’études, sans diplôme

Sous-diplômé Sous-diplômé Sous-diplômé Sous-diplômé

Page 12: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

32 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

* Voir note de bas de page n˚ 5.Lecture : les cases doublement encadrées signalent une modification de la norme statistique entre 1990 et 2001.Champ : ensemble des personnes ayant achevé leurs études initiales il y a moins de 5 ans et occupant un emploi salarié.

Graphique IIIPremier plan factoriel de l’analyse factorielle des correspondances entre le diplôme et la catégorie socioprofessionnelle en mars 2001

Légende : DIP1n : diplôme du supérieur à l’enquête Emploi de l’année n. Par exemple, DIP191 désigne le diplôme du supérieur à l’enquête Emploi 1991 ;DIP2n : diplôme de niveau bac + 4 à l’enquête Emploi de l’année n ;DIP3n : diplôme de niveau bac + 2 à l’enquête Emploi de l’année n ;DIP4n : baccalauréat général à l’enquête Emploi de l’année n ;DIP5n : baccalauréat technique ou professionnel à l’enquête Emploi de l’année n ;DIP6n : BEPC à l’enquête Emploi de l’année n ;DIP7n : BEP-CAP à l’enquête Emploi de l’année n ;DIP8n : sans diplôme à l’enquête Emploi de l’année n.

Lecture : l’analyse factorielle des correspondances porte sur le tableau de contingence 2001 croisant le diplôme et la catégorie socio-professionnelle. Le premier plan factoriel ordonne de manière croissante les diplômes et qualifications de la gauche vers la droite le longd’une parabole (effet Gutman). Les tableaux de contingence relatifs aux années antérieures, 1991 et 1996, sont traités en informationsupplémentaire. Hormis pour les bac + 5, les diplômes se sont déplacés dans le temps de la droite vers la gauche le long de la parabole,autrement dit, vers des emplois moins qualifiés.Champ : ensemble des personnes ayant achevé leurs études initiales il y a moins de 10 ans et occupant un emploi salarié.Source : enquêtes Emploi 2001, 1996 et 1991, Insee.

Tableau 6Table de correspondance diplôme-catégorie socioprofessionnelle issue de l’analyse des écarts à l’indépendance sur l’année 2001

Diplôme

Catégorie socioprofessionnelle

Cadre, professeur, ingénieur

Profession intermédiaire

TechnicienEmployé qualifié

Employé non qualifié

Ouvrier qualifié

Ouvrier non qualifié

Grande école, 3e cycle universitaire

Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé

2e cycle universitaire Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé

Supérieur court (1er cycle, BTS, DUT)

Sous-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé

Bacs généraux Sous-diplômé Sous-diplômé Sous-diplômé Sur-diplômé Sur-diplômé

Bacs techniques et professionnels

Sous-diplômé Sous-diplômé

CAP, BEP Sous-diplômé Sous-diplômé Sous-diplômé Sous-diplômé

BEPC Sous-diplômé Sous-diplômé Sous-diplômé Sous-diplômé

Certificat d’études, sans diplôme

Sous-diplômé Sous-diplômé Sous-diplômé Sous-diplômé

ouvrier qualifié

employé non qualifié

employé qualifié

techniciens

professionsintermédiaires

cadresDIP896

DIP796

DIP696

DIP596

DIP496

DIP396

DIP296

DIP196DIP891

DIP791

DIP691

DIP591DIP491

DIP391

DIP291

DIP191

DIP801

DIP701

DIP601

DIP501

DIP401

DIP301

DIP201

DIP101Axe1

Axe

2

ouvrier non qualifié

Page 13: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002 33

plus atypique, par exemple, d’être titulaire d’unbaccalauréat technique ou professionnel. Plusgénéralement, le graphique III met en évidenceun déplacement des diplômes durant la dernièredécennie vers des emplois de moins en moinsqualifiés, à l’exception des diplômes du supé-rieur qui sont les seuls à garder une position trèsproche de celle des cadres.

Cette évolution de la norme « statistique » posedes problèmes d’interprétation. Elle peut retra-cer l’évolution des qualifications requises parles nouveaux emplois au sein des différentescatégories socioprofessionnelles, selon l’hypo-thèse de « progrès technique biaisé ». Elle peutégalement refléter une dévalorisation généralede la formation initiale, au sens de l’hypothèsed’« inflation des diplômes ». Dans ces condi-tions, il paraît délicat d’établir un indicateur dedéclassement une année donnée à partir d’unetable de contingence d’une année passée, le ris-que étant de surestimer l’ampleur du phéno-mène. D’un autre côté, l’évolution apparente dela norme « statistique » peut aussi traduire unfort développement des situations de déclasse-ment, au point que certaines de ces situations nesoient plus atypiques, c’est-à-dire que l’anormalau sens « normatif » devienne « normal » ausens « statistique ». Ceci implique qu’il existe, à

l’inverse, un risque de sous-estimation du phé-nomène, si on décide d’en mesurer l’ampleur àpartir de la table de correspondance établiel’année courante.

Compte tenu de ces biais respectifs, on peut envi-sager en première approche d’encadrer le phéno-mène de déclassement et son évolution en éta-blissant une fourchette basée sur deux mesuresstatistiques : la première fondée sur la table decorrespondance établie au début de la dernièredécennie (l’année 1990 étant par ailleurs intéres-sante en tant que point de retournement à lahausse du chômage) ; la deuxième fondée sur latable de correspondance établie l’année courante.

Des divergences sur l’ampleurdu phénomène

Sur l’année 2000, on peut comparer trois mesu-res du déclassement au sein des actifs occupéssalariés ayant achevé leurs études il y a moins decinq ans (6) (cf. tableau 7). Les deux premières

6. En se limitant aux personnes ayant achevé leurs études, onexclut du champ les personnes en situation de cumul emploi-scolarité. On ne mesure pas ainsi les cas particuliers de déclas-sement correspondant aux « petits boulots » d’étudiants.

Champ : ensemble des personnes ayant achevé leurs études initiales il y a moins de 5 ans et occupant un emploi salarié.Sources : enquête Emploi 2000 et Enquête permanente sur les conditions de vie des ménages (EPCVM) 2000, Insee.

B - En fonction du diplômeEn %

Champ : ensemble des personnes ayant achevé leurs études initiales il y a moins de 5 ans, occupant un emploi salarié et titulaires d’undiplôme de niveau Bac ou supérieur.Sources : enquête Emploi 2000 et Enquête permanente sur les conditions de vie des ménages (EPCVM) 2000, Insee.

Tableau 7Fréquence des situations de déclassement en 2000

A - En fonction du sexeEn %

Ensemble(tous diplômes)

Titulaires d’un diplôme de niveau Bac ou supérieur

Ensemble Hommes Femmes

Approches « statistiques »Analyse des écarts à l’indépendance en 1990Analyse des écarts à l’indépendance en 2000

28,812,3

39,717,0

38,016,4

41,217,5

Approche « subjective »Question de l’enquête EPCVM 2000 23,2 22,1 23,4 20,8

Niveau de diplôme (*)

1 2 3 4 5

Approches « statistiques »Analyse des écarts à l’indépendance en 1990Analyse des écarts à l’indépendance en 2000

54,0 0,0

40,420,3

41,914,8

31,031,0

25,825,8

Approche « subjective »Question de l’enquête EPCVM 2000 22,3 8,0 27,8 21,4 23,6

* 1 : Baccalauréats techniques et professionnels ; 2 : Baccalauréats généraux ; 3 : Supérieur court (1er cycle, BTS, DUT) ; 4 : 2e cycle universitaire ; 5 : Grande école, 3e cycle universitaire.

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34 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

mesures, « statistiques », s’appuient sur l’ana-lyse des écarts à l’indépendance appliquée auxtables croisant diplômes et catégories sociopro-fessionnelles en 1990 et 2000. La troisièmemesure, « subjective », s’appuie sur les répon-ses à la question posée dans l’Enquête perma-nente sur les conditions de vie des ménages(EPCVM) de l’Insee. On obtient une fourchettetrès large du pourcentage de déclassés qui, selonla mesure retenue, varierait entre 12 % (selon lanorme statistique de 2000) et 29 % (selon lanorme statistique de 1990). La mesure subjec-tive conduit à une valeur intermédiaire (23 %)plutôt proche du haut de la fourchette. En seconcentrant pour la suite sur les titulaires d’undiplôme de niveau égal ou supérieur au bacca-lauréat (7) on obtient là encore une fourchettetrès large du pourcentage de déclassés en 2000,qui varie entre 17 % (selon la norme statistiquede 2000) et 40 % (selon la norme statistique de1990), la mesure subjective conduisant à unevaleur intermédiaire de 22 %.

Étant donnée l’ampleur des divergences obte-nues entre les différentes évaluations, qui,objectivement, ne permettent pas réellement deprivilégier une mesure plus qu’une autre, on nepeut qu’être prudent sur l’appréciation del’importance du phénomène. Malgré tout, lestrois résultats relatifs aux diplômés de Grandesécoles et du 3e cycle tendent à se rejoindre, lanorme statistique étant stable à ce niveau dediplôme et la mesure subjective conduisant àune évaluation similaire d’un quart de déclas-sés. Ce résultat, qui paraît robuste au choix de lamesure, incite à considérer que le phénomène dedéclassement n’est certainement pas négligea-ble, même après les précautions évoquées ci-dessus.

Une approche du déclassement par les salaires

ace aux problèmes rencontrés pour appré-cier l’adéquation entre diplôme et catégorie

socioprofessionnelle, on peut envisager de con-sidérer une autre approche du déclassement,fondée cette fois sur la correspondance entrediplôme et rémunération. En effet, dans quellemesure peut-on réellement considérer parexemple comme déclassé un jeune diplômé dusupérieur court (BTS, DUT, Deug) qui occupeun poste d’employé mais gagne un salaire decadre ? Une approche par les salaires permetd’éviter le délicat problème du classement hié-

rarchique des catégories socioprofessionnelles,alors que le salaire est clairement une variableordonnée. Elle peut également se justifier d’unpoint de vue théorique. En effet, la formationinitiale constitue une composante du capitalhumain et la préparation d’un diplôme peuts’interpréter de ce fait comme un investissementen capital, le niveau de salaire représentant alorsune forme de « retour sur investissement ».L’approche salariale du déclassement s’inscritpar ailleurs naturellement dans le cadre dumodèle de concurrence pour l’emploi deThurow. En effet, selon ce modèle, le salaired’un individu n’est pas le fruit d’un ajustementsur le marché du travail, mais le reflet de la hié-rarchie des postes dans l’entreprise, préalable-ment fixée, les ajustements se faisant sur leniveau de l’emploi. Dans ces conditions, ilparaît légitime d’utiliser le salaire pour mesurerle rang de l’individu quant à l’emploi occupé. (7)

Une mesure du déclassement « salarial »

Pour les salariés ayant achevé leurs études ini-tiales il y a moins de cinq ans, la comparaisondes distributions de salaire (8) associées àchaque diplôme permet d’ordonner ces derniersen fonction de leur rentabilité salariale(cf. graphiques IV et V) (9). Il suffit par exemplede comparer les médianes sur le graphique V(points d’ordonnée 0,5). Sans trop de surprise,on obtient comme classement des diplômes enmars 2001 : 1. Grande école ou 3e cycleuniversitaire ; 2. 2e cycle universitaire ; 3. Supé-rieur court ; 4. Baccalauréat ; 5. Aucun diplômeou diplôme inférieur au baccalauréat. En parti-culier, les distributions des deux types de bacca-lauréat (technique ou professionnel et général)sont pratiquement confondues, les rémunéra-tions du baccalauréat général n’étant dansl’ensemble que très légèrement inférieures (10).

À partir de cette hiérarchie, on se propose d’uti-liser la mesure suivante de déclassement« salarial » : « un individu sera considéré comme

F7. Il existe, en effet, une césure de plus en plus marquée entreles bacheliers et les moins diplômés, dans un contexte où le bac-calauréat constitue clairement l’objectif national recherchécomme norme de formation initiale de la population.8. On considère plus précisément le salaire net mensuel expriméen équivalent temps plein.9. Les distributions des salaires selon les diplômes des nonbacheliers étant quasiment confondues, c’est la distribution desalaire de l’ensemble des non bacheliers qui est représentée.10. Au début des années 1990, la rémunération des baccalau-réats généraux était au contraire supérieure, mais il semble queles entreprises privilégient de plus en plus les diplômes profes-sionnels, engendrant a priori de moindres coûts de formationinterne.

Page 15: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002 35

déclassé au sens des salaires si plus de x % desindividus titulaires du diplôme immédiatementinférieur gagnent mieux que ce dernier ».

La mesure dépend ainsi du quantile y % = 1 - x %que l’on retient pour fixer le seuil de déclasse-ment. On peut privilégier la médiane (50 %), cor-

respondant à un déclassement de premier ordre,ou retenir par exemple le premier quartile(25 %), ce qui correspondrait plutôt à un déclas-sement de second ordre.

On construit ainsi une mesure relative dudéclassement salarial qui ne permet pas réelle-

Graphique IVDistributions des salaires par diplôme en mars 2001

Champ : ensemble des personnes ayant achevé leurs études initiales il y a moins de 5 ans et occupant un emploi salarié.Source : enquête Emploi 2001, Insee.

Graphique VCourbe cumulative des salaires par diplôme en mars 2001

Champ : ensemble des personnes ayant achevé leurs études initiales il y a moins de 5 ans et occupant un emploi salarié.Source : enquête Emploi 2001, Insee.

0

0,02

0,04

0,06

0,08

0,1

0,12

0,14

0,16

0,18

0,2

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

Salaire par tranche de 500 francs

Fré

quen

ce

bac+5 bac+4 bac+2 bac général bac tech. non bacheliers

0

0,25

0,5

0,75

1

1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35

supérieur

bac+4

bac+2

bac général

bac pro

non bachelierFon

ctio

n cu

mul

ativ

e

Salaires brut mensuel équivalent temps pleinen tranches de 500 francs

Page 16: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

36 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

ment d’estimer dans l’absolu « le » nombre ou« le » pourcentage de personnes déclassées.Malgré tout, on aboutit à un indicateur assezlisible et qui présente, par ailleurs, un certainnombre d’avantages par rapport aux mesuresstatistiques du déclassement « socioprofession-nel » (au sens de la relation diplôme-CS). Pre-mièrement, les emplois occupés étant hiérarchi-sés en fonction de leur rentabilité salariale etnon en fonction de leur CS, la mesure de déclas-sement salarial n’est pas affectée par le phéno-mène de « progrès technique biaisé » puisque cephénomène concerne le lien « qualification-CS ». Deuxièmement, étant donné que le salairedes individus n’est pas apprécié dans l’absolumais relativement à celui des titulaires de diplô-mes inférieurs, la mesure est moins biaisée parle mécanisme d’« inflation des diplômes ». Ellereste affectée par la hausse supposée de l’hété-rogénéité des aptitudes potentielles au sein desdiplômes devenus proportionnellement plusrépandus. Mais, d’une part, aucune mesure nepermet de cerner directement ces potentiels.D’autre part, en tant que mesure relative,l’approche retenue du déclassement salarialn’est pas affectée par l’éventuelle translationvers le bas des niveaux médians des diplômés(la hiérarchie des diplômes, base de construc-tion de la mesure, résiste largement aux évolu-tions temporelles). La mesure n’est pas non plusaffectée par la modification de la structure de lapopulation des jeunes selon le diplôme. Eneffet, à structure des diplômes constante, le tauxde déclassement salarial au sein des jeunesbacheliers et diplômés du supérieur est très peudifférent du taux de déclassement courant(cf. graphique VI). Enfin, cette mesure relative,qui repose sur des critères indépendants dutemps, apparaît plus robuste pour analyser

l’évolution du phénomène, en lien notammentavec la conjoncture générale sur le marché dutravail.

La mesure n’est pas pour autant exempte delimites. Elle peut ainsi être affectée par touttype de facteurs autres que ceux étudiés et con-tribuant à l’hétérogénéité salariale de la popu-lation (disparités régionales, hétérogénéité parsecteur d’activité, etc.). On considèrera doncbien cette approche comme complémentaire,contribuant à enrichir l’analyse globale duphénomène de déclassement. Notons parailleurs que la comparaison des distributionsde salaire permet d’appréhender de manièresimilaire les situations de « surclassement » etde vérifier le caractère asymétrique du relâche-ment des liens entre diplôme et rémunération(cf. encadré 4).

Graphique VIComparaison entre le taux de déclassement courant et le taux de déclassement corrigé de l’effet de structure des diplômes

Champ : salariés ayant moins de 5 ans d’ancienneté sur le mar-ché du travail et titulaires d’un diplôme de niveau baccalauréat ousupérieur.Source : enquêtes Emploi 1990 à 2001, Insee.

decl bac décl bac corrigé de l'effet structurel

20

22

24

26

28

30

32

34

1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

Encadré 4

LE SURCLASSEMENT « SALARIAL »

Le surclassement « salarial » peut être défini demanière symétrique au déclassement « salarial » : unindividu sera considéré comme surclassé au sens dessalaires s’il gagne mieux qu’au moins y % des individustitulaires du diplôme immédiatement supérieur.

En retenant la médiane (y = 50 %) tant comme seuil dedéclassement que de surclassement, on peut vérifierle caractère non symétrique du relâchement des liensentre diplôme et rémunération. En effet, si on prendl’exemple des jeunes bacheliers (sortis du systèmescolaire il y a moins de cinq ans), on observe que, surla décennie, la diffusion du diplôme s’est accompa-gnée d’une plus grande incertitude sur les rémunéra-

tions en début de vie active. Néanmoins, parallèlementau décalage croissant entre offre de diplômés etdemande de qualifications, cette augmentation desdisparités salariales s’est surtout manifestée par unemoindre rentabilité relative de l’investissement dans lebaccalauréat, c’est-à-dire par un développement dessituations de déclassement. Ainsi, la part de jeunesbacheliers en situation de déclassement salarial(moins bien rémunérés que la moitié des non bache-liers) est passée de 26 % en 1990 à 39 % en 2001, soitune hausse de 48 %. Parallèlement, la part des sur-classés salariaux (mieux rémunérés que la moitié desdiplômés du supérieur court) est passée de 20 % à22 %, en hausse beaucoup plus réduite (13 %).

Page 17: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002 37

Comparaison des approches « socioprofessionnelle » et « salariale » du déclassement

On examine par la suite les résultats obtenusavec le seuil de la médiane (11), qui est le plusparlant. Il peut être intéressant de les compareravec ceux issus des mesures statistiques fondéessur la relation diplôme-CS. En particulier, onconfrontera en mars 2001 la mesure salariale àla mesure socioprofessionnelle fondée sur lanorme statistique de l’année courante. Rappe-lons que cette dernière n’est pas a priori affec-tée par les phénomènes de « progrès techniquebiaisé » et d’« inflation des diplômes », maisqu’elle est susceptible de sous-estimer forte-ment l’ampleur du déclassement (voir supra).

Sur l’ensemble des jeunes actifs salariés, bache-liers ou diplômés du supérieur, 31 % sont moinsbien payés que la moitié des titulaires dudiplôme inférieur (cf. tableau 8). Ce pourcen-tage est encore plus élevé pour les femmes(39 %) et pour les titulaires d’un baccalauréatgénéral (43 %). À l’inverse, le déclassementsalarial touche moins fréquemment les diplô-més de Grande école ou de 3e cycle universitaire(18 %) et les diplômés du supérieur court(25 %).

L’approche salariale ne coïncide avec l’appro-che par CS que pour 68 % de la populationconsidérée : 60 % ne sont déclassés selonaucune approche et seulement 8 % sont double-ment déclassés (cf. tableau 9-A). Les margessont donc importantes. En particulier, une forteproportion de personnes sont déclassées au sensdes salaires et occupent un emploi appartenant àune CS « statistiquement normale » (23 % duchamp). Ceci jette bien un doute sur la possibi-lité de fonder une norme diplôme-CS sur la base

des contingences observées l’année courante.Cela peut signifier également que l’observationde la CS ne suffit pas à apprécier toutes lesfacettes du déclassement subi par les individus.

Parmi les déclassés salariaux, non déclassés ausens de la CS, les femmes et les bacheliers sontsurreprésentés (cf. tableau 9-B). À l’inverse,une faible proportion de personnes sont déclas-sées au sens de la CS et non déclassées au sensdes salaires (9 %). Les diplômés de Grandeécole et de 2e ou 3e cycle universitaire y sontsurreprésentés. C’est-à-dire que bien qu’occu-pant un emploi a priori insuffisamment qualifié,ces derniers rentabilisent relativement bien leurformation initiale en termes de rémunération.

Les facteurs individuels et temporelsdu déclassement salarial (11)

La robustesse de la mesure de déclassement etsa possible mise en perspective avec la conjonc-ture de l’emploi conduisent à rechercher lesdéterminants du déclassement salarial et à lescomparer à ceux du déclassement socioprofes-sionnel.

Les principaux déterminants du déclassementsocioprofessionnel sont de trois ordres (Battuet al., 2000) : des facteurs individuels socio-démographiques (âge, sexe, nationalité, tranched’unité urbaine, etc.), des facteurs individuelsdécrivant l’insertion sur le marché du travail(situation un an avant l’enquête, type de contrat

11. D’autres seuils ont été étudiés par Lebon et al. (2001). Selonces travaux, la sensibilité de la norme aux fluctuations conjonctu-relles croît avec le seuil retenu. Ainsi, le premier quartile caracté-riserait davantage un déclassement de type structurel lié, parexemple, à l’incapacité de certains individus à valoriser leur for-mation initiale.

Tableau 8Fréquences de déclassement « salarial » en 2001 au seuil de la médiane*

En %

Hommes Femmes Ensemble

Grande école, 3e cycle universitaire 10,5 27,7 17,6

2e cycle universitaire 32,7 43,1 39,7

Supérieur court (1er cycle, BTS, DUT) 20,9 28,7 25,4

Baccalauréat technique ou professionnel 23,5 54,4 36,4Baccalauréat général 30,9 53,8 42,5

Ensemble des bacheliers et diplômés du supérieur 22,2 39,0 31,0

Tous diplômes (y c. non bacheliers) 14,5 30,6 22,2

* Selon cette approche, un individu est considéré comme déclassé si plus de 50 % des individus titulaires du diplôme immédiatementinférieur gagnent mieux que ce dernier (sachant par ailleurs que les bacheliers sont comparés aux non bacheliers).Champ : ensemble des personnes ayant achevé leurs études initiales il y a moins de 5 ans et occupant un emploi salarié.Source : enquête Emploi 2001, Insee.

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38 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

de travail, etc.) et enfin des facteurs environne-mentaux (secteur d’activité, taille de l’entre-prise, etc.). Ces déterminants sont mis en évi-dence dans l’approche salariale avec unerégression logistique conditionnelle au fait depouvoir être déclassé (12), autrement dit portantsur la population des bacheliers ayant moins de5 ans d’ancienneté sur le marché du travail(cf. tableau 10). Même si elle concerne unefrange réduite de la population du fait du condi-tionnement, elle semble préférable dans lamesure où elle conduit à des groupes d’indivi-dus (déclassés salariaux/non déclassés sala-riaux) qui ne sont pas disproportionnés, ce quipermet de réduire le risque d’erreur de prédic-tion dans la population des déclassés (Celeux,1990).

Être fils de cadre réduit le risque de déclassement salarial... (12)

La situation de référence est celle d’un hommerésidant seul en agglomération parisienne,exerçant un emploi dans une entreprise de plus

de 50 salariés du secteur marchand hors agri-culture et commerce, en contrat à durée indéter-minée un an auparavant et dont le père n’est pascadre.

Les caractéristiques socio-démographiquesjouent un rôle significatif dans le risque dedéclassement salarial. Ainsi, être une femme etvivre seul constituent deux facteurs d’accroisse-ment de ce risque (13). La vie en couple peutavoir deux effets contradictoires sur le risque dedéclassement, selon le statut du conjoint. Si leconjoint travaille, l’aversion au risque de chô-mage est moindre, et l’individu peut se permet-tre d’attendre un emploi dont la rémunérationest en adéquation avec son diplôme. En revan-che, si le conjoint est chômeur ou inactif, une

12. L’approche salariale retenue ne permet d’envisager dedéclassement que pour les bacheliers et diplômés du supérieur.En effet, l’analyse a conduit à regrouper l’ensemble des nonbacheliers, dans la mesure où les distributions de salaires ne sontpas clairement hiérarchisées pour les diplômes inférieurs au bac-calauréat.13. Sloane et al. (1999) ont croisé le sexe et le mode de cohabi-tation. Ici, la taille de l’échantillon empêche de le faire.

* Selon cette approche, un individu est considéré comme déclassé si plus de 50 % des individus titulaires du diplôme immédiatementinférieur gagnent mieux que ce dernier (sachant par ailleurs que les bacheliers sont comparés aux non bacheliers).Champ : ensemble des personnes ayant achevé leurs études initiales il y a moins de 5 ans, occupant un emploi salarié et titulaires d’undiplôme de niveau Bac ou supérieur.Source : enquête Emploi 2001, Insee.

B - Composition de chaque catégorie de croisementEn %

Champ : ensemble des personnes ayant achevé leurs études initiales il y a moins de 5 ans, occupant un emploi salarié et titulaires d’undiplôme de niveau Bac ou supérieur.Source : enquête Emploi 2001, Insee.

Tableau 9Déclassement « salarial » au seuil de la médiane* et « socioprofessionnel » en 2001 au sein des bacheliers et diplômés du supérieur

A - Noyau dur et marges des deux approchesEn %

Déclassement « socioprofessionnel » (norme 2001)

NON déclassement « socioprofessionnel »

(norme 2001)

Déclassement « salarial » 7,9 23,1

NON déclassement « salarial » 8,6 60,4

Noyau dur des déclassés

Noyau dur des non déclassés

Déclassés uniquement

au sens des salaires

Déclassés uniquement

au sens de la CSEnsemble

Structure par sexeHommes 39,5 53,4 32,2 55,7 47,6Femmes 60,5 46,6 67,8 44,3 52,4

Structure par diplômeGrande école, 3e cycle 23,4 18,7 4,7 28,9 16,7

2e cycle universitaire 38,3 13,8 17,1 25,9 17,5

Supérieur court 27,7 37,2 27,2 27,3 33,3Bac tech. ou profes. 0,0 20,2 30,2 0,0 19,2Bac général 10,6 10,1 20,8 18,0 13,3

Page 19: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

39

situation de déclassement peut être préférée aunon-emploi. Par ailleurs, être issu d’une familledont le père est cadre contribue à obtenir unemploi correctement rémunéré au regard de sondiplôme, peut-être grâce à une meilleure con-naissance des règles de négociations salarialesou par le bénéfice d’un réseau relationnel plusétendu. La probabilité d’être déclassé décroîtaussi avec la taille de la commune. Mais cet élé-ment peut être consécutif au défaut d’hétérogé-néité de la mesure (cf.

supra

).

...

une mauvaise insertion sur le marché du travail l’accroît

Moins un individu est inséré sur le marché dutravail, plus son risque de déclassement salarialest élevé. Conformément à l’approche dudéclassement par la file d’attente, accepter unemploi moins bien rémunéré permet à un indi-vidu de quitter une situation de chômage oud’inactivité. Ainsi, être au chômage un an aupa-ravant (respectivement inactif) augmente la pro-babilité de déclassement salarial de 11,4 % (res-pectivement 5,1 %). À l’inverse, le risque dedéclassement salarial est minimal lorsque la

personne était en contrat à durée indéterminée.Accepter un salaire inférieur à celui auquel onpeut prétendre s’inscrit dans la même logiqued’insertion professionnelle que d’accepter desmissions d’intérim ou des contrats à duréedéterminée.

L’environnement professionnel joue aussi

L’environnement professionnel dans lequels’insère un individu est également plus oumoins propice au déclassement selon quel’entreprise est plus ou moins grande et selon lesecteur dans lequel elle exerce son activité. Plusune entreprise est petite plus le risque de déclas-sement est élevé. Les secteurs de l’agriculture etdu commerce sont ceux où la probabilité d’êtredéclassé salarial est la plus grande. Enfin,commencer sa carrière dans la Fonction publi-que et accepter un emploi moins bien rémunéréest symptomatique de l’aversion au risque dechômage. En période de conjoncture difficile, lenombre de candidats aux concours de laFonction publique est plus élevé et ces candi-dats sont souvent sur-diplômés par rapport auxpostes.

Lecture : avoir été chômeur un an auparavant augmente le risque de déclassement de 10,9 points.Champ : ensemble des personnes ayant achevé leurs études initiales il y a moins de 5 ans, occupant un emploi salarié et titulaires d’undiplôme de niveau Bac ou supérieur.Source : enquête

Emploi

2001, Insee.

Tableau 10

Modélisation

logit

de la probabilité d’être déclassé salarial en mars 2001

Variation de probabilité en %

Facteurs socio-démographiques

Commune ruraleCommune de moins de 20 000 habitantsCommune de 20 000 à 200 000 habitantsCommune de plus de 200 000 habitants hors agglomération parisienne

Agglomération parisienne

6,06,44,24,5

Réf.

Homme

Femme

Réf.

4,0

Célibataire

Vie en couple

Réf.

- 0,5

Père non cadre

Père cadre

Réf.

- 0,7

Facteurs d’insertion sur le marché du travail

En CDI un an auparavant

Actif occupé hors CDI un an auparavantChômeur un an auparavantInactif un an auparavant

Réf.

5,210,94,9

Emploi hors CDD

CDD

Réf.

1,5

Facteurs environnementaux

Entreprise de moins de 10 salariésEntreprise de 10 à 49 salariés

Entreprise de plus de 50 salariés

2,11,7

Réf.

AgricultureCommerceEnseignement, santéAdministration

Autre

9,26,64,92,3

Réf.

Page 20: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

40

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

Des similitudes d’évolution entre tauxde chômage et taux de déclassement

L’interprétation du déclassement comme change-ment de file d’attente pour l’emploi conduit às’interroger sur les relations existant entre taux dedéclassement et conjoncture. Dans un marché dutravail imparfait, la donnée du taux de chômagede l’année passée constitue une source d’infor-mation pour les travailleurs qui peut les inciter àaccepter un emploi d’autant moins bien rémunéréau regard de leur diplôme qu’ils sont averses aurisque de chômage. L’allure similaire des courbesdu taux de chômage de l’année passée et du tauxde déclassement salarial de l’ensemble des jeunesactifs occupés (cf. graphique VII) rend compte dece phénomène (14). Ainsi, ce taux de déclasse-ment augmente continûment entre 1992 et 1995,soit une tendance identique à celle du taux dechômage BIT mesuré un an auparavant. Puis, il sestabilise entre 1996 et 1998, comme le taux dechômage de l’année passée. Enfin, en 1999,l’ajustement avec le taux de chômage estimmédiat : taux de déclassement et taux de chô-mage BIT décroissent simultanément.

Une analyse sur la seule population des jeunesbacheliers ou diplômés du supérieur conduitnaturellement à un taux de déclassement plusélevé mais dont le rythme de croissance audébut de la décennie 1990 est moins rapide puis-que ce taux n’est pas influencé par la modifica-tion de la structure par diplôme (bachelier/nonbachelier). Néanmoins, ce taux se stabilise aussientre 1996 et 1999, sans sembler bénéficier par-ticulièrement de l’embellie sur le marché du tra-vail malgré une baisse en 2000.

Une plus grande réactivité chez les bac + 5

L’évolution du taux de déclassement dans lapopulation des Bac + 5 est plus amplifiée, indi-quant une plus forte réactivité à la conjoncturepassée pendant la première moitié des années1990. En revanche, il suit plutôt la tendance dutaux de chômage BIT à la même date à partir de1996 avec une diminution à un rythme encoreplus rapide que celle du taux de chômage. Eneffet, le taux de chômage dans la population desplus diplômés étant plus faible, la file d’attenteest moins longue et il peut même se produireune pénurie de main-d’œuvre à certains éche-lons des entreprises. Enfin, on remarquera qu’ilexistera toujours un taux de déclassement struc-turel pour chaque niveau de diplôme lié en par-ticulier à l’aptitude plus ou moins grande d’unindividu à négocier son salaire, et ce quel quesoit le diplôme obtenu.

Le déclassement : une situation temporaire ? (14)

Accepter un emploi déclassé permet certes uneinsertion plus rapide sur le marché du travail,mais il est important de savoir si la personne aune chance d’occuper par la suite un emploi suf-fisamment rémunéré, ou si elle est destinée à undéclassement persistant. Dans le cas d’un déclas-sement durable, une des conséquences serait uneinégalité des trajectoires professionnelles pourun diplôme donné, selon la situation conjonctu-relle qui préside à l’entrée sur le marché du tra-vail. Pour analyser la persistance du déclasse-ment, on s’est concentré sur la phase d’entrée surle marché du travail en étudiant la situation un anplus tard des individus actifs occupés depuismoins d’un an sur un emploi déclassé.

Parmi les personnes qui ont pris un emploidéclassant en 2000, 28 % accèdent à un emploid’un niveau de salaire non déclassant l’année sui-vante. Mais deux déclassés salariaux sur cinq enmars 2000 le sont encore un an après, alors qu’unautre tiers n’a plus d’emploi. Il est possible que lasituation passée de déclassement soit appréhen-dée comme un signal négatif par les entreprises.Le diplôme ne joue aucun rôle dans l’accession àun emploi non déclassant un an plus tard, la répar-tition par diplôme des personnes qui ne sont plusdéclassées en 2001 étant identique à celle de lapopulation des personnes déclassées en 2000.

14. Le coefficient de corrélation de Pearson est de 0,84 et le

ρ

de Spearman de 0,72. Ce dernier correspond au coefficient decorrélation linéaire entre deux variables calculé sur les rangs etnon sur les valeurs de ces variables.

Graphique VII

Taux de déclassement salarial et taux de chômage de l’année passée

Champ : ensemble des personnes ayant achevé leurs études ini-tiales il y a moins de 5 ans et occupant un emploi salarié.Source : enquêtes

Emploi

1990 à 2001, Insee.

0

5

10

15

20

25

30

35

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

taux de déclassement bac+5 txchom txchom n-1 bacheliers

En %

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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

41

Une analyse des correspondances multiples(ACM) avec comme variables actives la situationde déclassement salarial en 2001 et la situation dedéclassement professionnel en 2000 sur la popu-lation des déclassés salariaux en 2000 permet dedécrire les différents parcours des individus.Néanmoins, ces résultats doivent être considérésavec prudence étant donné la faiblesse des effec-tifs concernés, dès lors que l’on essaie d’affinerles résultats par différents croisements. C’estaussi pourquoi aucune tentative de modélisationde type

logit

polytomique n’a été tentée.

Le cumul des deux types de déclassement rend plus difficile l’insertion

Une situation initiale où la personne cumuledéclassement salarial et déclassement profes-sionnel conduit un an après au chômage dansdeux cas sur cinq ou à une persistance du déclas-sement salarial dans un cas sur trois.

Le premier axe de l’ACM (cf. graphique VIII)met en évidence une nette corrélation entre lesindividus initialement déclassés professionnelset ceux qui n’ont plus d’emploi en 2001. Auchômage, inactifs ou partis sous les drapeaux,trois sur cinq ont quitté ou perdu un emploi àdurée limitée.

Déclassement persistant dans l’agriculture, l’agro-alimentaire, la construction et l’énergie

La situation de déclassement salarial peut êtreune situation d’attente. C’est notamment le casdes enfants d’agriculteurs, salariés de l’agri-culture ou des industries agroalimentaires qui,après avoir été aides familiaux, peuvent attendrede succéder à la tête de l’entreprise familiale(cf. graphique VIII). Il peut aussi s’agir d’indi-vidus cumulant un emploi salarié avec leur statutd’exploitant agricole. La construction et l’éner-gie sont aussi des secteurs où la persistance dedéclassement est plus élevée que la moyenne.

À l’opposé, les industries des biens intermédiai-res et des biens de consommation, ainsi que lesservices aux entreprises sont des secteurs pluspropices à un « reclassement » salarial des indivi-dus. Parmi les personnes déclassées en 2000, cel-les qui retrouvent un salaire non déclassant un anaprès sont plus âgées que la moyenne et sur-représentées dans l’agglomération parisienne ;elles sont davantage issues d’une famille dont lepère est cadre supérieur ou de profession libérale.

D’autres variables supplémentaires ont étéintroduites dans l’analyse telles que le sexe, lemode de cohabitation, la tranche d’effectif del’entreprise (et qui faisaient déjà partie des

Graphique VIII

Analyse des correspondances multiples sur la population des déclassés salariauxen 2000 (premier plan factoriel)

Champ : déclassés salariaux en 2000 ayant moins d’un an d’ancienneté sur le marché du travail.Source : enquêtes

Emploi

2000 et 2001, Insee.

agricultureagricultureindustries agro-alimentairesindustries agro-alimentaires

Bien de ConsoBien de Conso

Biens intermBiens intermédiairesdiaires

énergienergie

constructionconstruction

act.immoact.immo services aux particuliersservices aux particuliers

santsanté

administrationadministration

agglo Parisagglo Paris

contingentcontingent

PSEREPSERE

chchômeurmeurétudianttudiant inactifsinactifs

bac+5bac+5

25-30 ans25-30 ans

plus de 30 ansplus de 30 ans

p père agriculteurre agriculteur

père cadrere cadre

indindépendantspendantsenen 1999 1999aide familial en 1999aide familial en 1999

intintérim 99rim 99

apprenti 99apprenti 99

as larié du priv du privé 1999 1999stage 99stage 99

fonct 99fonct 99appelappelé 99 99

bac techniquebac technique

-1,50

-1,00

0,50

1,50

Non déclasséprofessionnel en2000

Sans emploi en2001Déclasséprofessionnel en2000-0,50

0,000,00

1,00

-1,00 -0,50 0,50 1,00

père prof.libérale

Non déclassé en 2001

Déclassé en 2001

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42

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

déterminants repérés du déclassement). Dans lecas du devenir des déclassés salariaux en 2000,aucune d’entre elles n’a un pouvoir descriptifparticulier (elles se projettent toutes près ducentre de gravité du nuage).

Une probabilité de reclassement plus élevée en période de bonne conjoncture

La probabilité d’occuper un emploi non déclas-sant un an plus tard sachant qu’on est déclassésur son premier emploi est variable au cours dutemps (cf. graphique IX) : elle est plus faible

entre 1993 et 1998 et plus élevée au début et à lafin des années 1990, dans des conjonctures rela-tivement plus favorables. Pendant toute ladécennie, les jeunes hommes ont plus de chanced’être non déclassés un an plus tard que les jeu-nes femmes (cf. graphique X). Alors qu’ils nereprésentent qu’un tiers des déclassés, leur partdans la population occupant un an plus tard unemploi non déclassant est proche de 50 %. Hor-mis en 1993 et 1995, la probabilité de ne plusêtre déclassé est supérieure à 30 % pour les jeu-nes hommes alors que cette même probabilitén’excède pas 28 % pour les jeunes femmes.Cependant, elles risquent moins de se retrouver

Graphique IX

Le devenir des déclassés depuis moins d’un an

Lecture : 30 % des personnes déclassées salariales en 1990occupent un emploi non déclassé l’année suivante.Champ : personnes déclassées salariales ayant moins d’un and’ancienneté sur le marché du travail.Source

:

enquêtes

Emploi

1990 à 2001, Insee.

Graphique X

Probabilité de reclassement par sexe

Champ : personnes déclassées salariales en 2000 ayant moinsd’un an d’ancienneté sur le marché du travail.Source : enquêtes

Emploi

1990 à 2000, Insee.

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100En %

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Sans emploi Déclassé Non déclassé

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

0,35

0,4

0,45

1990 19911992 1993 19941995 1996 19971998 1999 2000

Hommes Femmes

Graphique XI

Le devenir des déclassés

A - Femmes B - Hommes

Lecture : 30 % des femmes déclassées salariales en 1990 sont sans emploi l’année suivante.Champ : personnes déclassées salariales ayant moins d’un an d’ancienneté sur le marché du travail.Source : enquêtes

Emploi

1990 à 2001, Insee.

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1999 20001998

Sans emploi Déclassé Non déclassé

En %

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

1990 1991 1992 1993 19941995 1996 1997 19981999 2000

En %

Sans emploi Déclassé Non déclassé

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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

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sans emploi un an plus tard (cf. graphiques XI)mais cet avantage s’amenuise avec la dispari-tion progressive du service national, laquelle

contribue largement à la diminution de la proba-bilité, pour les jeunes hommes, d’être sansemploi après avoir été déclassé.

Les auteurs remercient les deux relecteurs anonymes ainsi que Didier Blanchet, François Brunet,Jean-David Fermanian, Yannick Fondeur, Jérôme Gautié et plus généralement les participants desséminaires de la DSDS et du département de la Recherche de l’Insee.

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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

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DÉCLASSEMENTS ET VALORISATION DES RESSOURCES ÉDUCATIVES

Saïd Hanchane et Éric Verdier

, Lest-Idep (1)

Cet article apporte un éclairage très stimulantsur l’insertion des jeunes en s’affrontant à unequestion cruciale pour les politiques d’éduca-tion et d’emploi : les « déclassements » des jeu-nes diplômés durant les premières années deprésence dans l’emploi. En effet, la concomi-tance d’un très fort développement, depuis15 ans, des niveaux de diplômes des jeunesgénérations et d’un taux de chômage juvénileassez résistant à cette amélioration globale descaractéristiques des nouveaux actifs, conduit às’intéresser de près aux conditions de valorisa-tion de ces ressources éducatives. C’est d’autantplus légitime et nécessaire que la France secaractérisait structurellement par la rareté desdiplômés et la prédominance de marchés inter-nes du travail régulés par des carrières fondéessur l’ancienneté (Maurice, Sellier et Silvestre,1982).

Une professionnalisation accruede la formation initiale

Cette croissance éducative s’est largementappuyée sur le développement de la formationprofessionnelle et technologique, avec la créa-tion des baccalauréats professionnels et le déve-loppement des BTS et DUT, donnant lieu deplus en plus souvent à des prolongations d’étu-des. L’expansion de l’éducation et de la forma-tion ne concerne donc pas seulement les flux deformés mais aussi la diversification de l’offre,avec la création de nouvelles filières et de nou-velles certifications. Celles-ci reposent davan-tage sur le principe d’une alternance école-entreprise. Ainsi le baccalauréat professionnel aété le premier diplôme dont le texte créateur adisposé que sa préparation devait réglementai-rement reposer sur une telle alternance, qu’ellesoit réalisée dans le cadre du lycée profession-nel ou de l’apprentissage. L’alternance introduitnécessairement une dose de spécificité dans descursus qui restent par ailleurs très normalisés.Au total, ce double mouvement de croissance etde diversification par la professionnalisationaccroît sensiblement, pour un niveau de forma-tion donné, les aptitudes professionnelles maisaussi la diversité et l’hétérogénéité de l’offre detravail (Dupray, 2000), ce qui rend plus sensible

encore la question du signalement des compé-tences dans les ajustements sur le marché du tra-vail.

En France, le diplôme et le niveau de formationrestent de puissants instruments de classementet d’identification sociale, plus qu’ils ne cristal-lisent des identités professionnelles ; le di-plôme, même « professionnalisé » signale desaptitudes plus qu’il ne règle à proprement parlerle fonctionnement de marchés professionnels dutravail (Eyraud, Marsden et Silvestre, 1990),comme c’est encore le cas en Allemagne, grâceà la crédibilité de la maîtrise professionnellequ’ils apportent (Möbus et Verdier, 2000). Dèslors, l’intérêt heuristique d’une approche en ter-mes de déclassement est indéniable : elle syn-thétise en effet la rencontre des stratégies indivi-duelles des jeunes en matière d’insertion,compte tenu des projets professionnels qu’ilsont pu former, et des politiques de recrutementdes entreprises, compte tenu de leurs attentes entermes de compétences pour un emploi donné etde la lecture qu’elles font des signaux dont sontporteurs les jeunes diplômés. (1)

Une approche pertinente :le déclassement salarial

Comme le soulignent très justement les auteurs,les inadéquations résultant de cette confronta-tion peuvent recouvrir en réalité plusieursmouvements : la dépréciation des capacités designalement des certifications ; des exigencescroissantes de niveaux de formation pour desemplois dont, par ailleurs, le classement conven-tionnel ne variera pas ; l’ajustement des attentesdes jeunes à un rationnement plus ou moins fortde l’emploi, au sein duquel, étant donné sa placedans le recrutement de la main-d’œuvre juvé-nile, l’emploi public joue un rôle régulateurimportant (Audier, 2000) ; d’Iribarne (1990)avait pu montrer en outre que, dans un pays où laréférence au statut et au rang social est très mar-quée, des allongements des durées du chômage

COMMENTAIRE

1. Laboratoire d’économie et de sociologie du travail - Cnrs,Universités de la Méditerranée et de Provence, Institut d’écono-mie publique, Aix-en-Provence et Marseille.

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46

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

d’insertion pouvaient être lues, pour certainescatégories de jeunes au moins, comme l’expres-sion d’une « résistance » au déclassement.

Les auteurs de l’article font à cet égard un triplechoix : le premier est de s’atteler à une approcheobjective du déclassement, qualifiée de statisti-que, en retenant, pour une année courante, descorrespondances « normales » entre diplôme etemploi (fréquence des débouchés d’un diplômesur une CSP et/ou un niveau relatif de salaire),le deuxième est de distinguer leur approche dudéclassement d’une lecture en termes d’infla-tion des diplômes et de biais au recrutement, letroisième est de ne pas se limiter à un seul cri-tère, le niveau de l’emploi ou de la catégoriesocio-professionnelle, mais d’introduire ladimension salariale.

Tout en reconnaissant que les différentes causesdes inadéquations évoquées ci-dessus sont diffi-ciles à distinguer en pratique, les auteurs s’attè-lent à une approche empiriquement très riche etprécise. L’introduction de la variable salarialepeu mobilisée jusqu’alors, l’attention étant prio-ritairement portée sur le déclassement au regardde la catégorie socio-professionnelle occupée,est une voie pertinente . Ainsi, tout en s’inscri-vant dans la lignée des travaux de Forgeot etGautié (1997), ils présentent des vues empiri-ques particulièrement novatrices sur le sujet :couplage d’une approche salariale et d’uneapproche par les catégories ; introduction descaractéristiques sociales et d’autres attributs des« déclassés » ; évolution de la situation indivi-duelle des individus au regard du déclassementafin, ce qui est fondamental, de tester sa durée ;prise en compte de la conjoncture, ce qui s’avèreprometteur pour l’analyse des tensions sur lemarché du travail. Cet article est donc particu-lièrement riche, d’autant qu’il ouvre des pers-pectives d’approfondissement et suscite desvoies de recherche complémentaires, notam-ment par les questions qu’il suscite.

Logiques de diplôme ou régulation concurrentielle de l’emploi ?

Accordant un pouvoir structurant à la demandede travail, les auteurs adoptent, parmi les diffé-rentes approches en termes de signalement, lemodèle de concurrence pour l’emploi de Thurow.Ce dernier est particulièrement adaptée à uneéconomie où prédominent des logiques de mar-

chés internes, ce qui fort longtemps a été mani-festement le cas de la France. Depuis lors, ainsique l’ont montré divers travaux (voir notammentGéhin et Méhaut (1993)) d’autres logiques, enparticulier en termes de marchés professionnels,ont tendu à s’introduire, parallèlement au déve-loppement de la professionnalisation de l’ensei-gnement. L’incomplétude de celle-ci a pu para-doxalement instiller des doutes sur les capacitésde signalement de certifications qui se multi-pliaient, d’autant plus qu’elles restaient norméespar des logiques de niveau d’éducation, ce quipeut-être contradictoire avec l’instauration d’unerégulation professionnelle (Verdier, 2001) ; lerecours à des CDD à l’embauche, en tant quepériode de test, est une réponse désormais habi-tuelle à ce type d’incertitude et plus développéeen France que dans les pays comparables (Ryan,2001). En outre, comme le souligne Gautié(2002), une large part des secteurs où existaienttraditionnellement des marchés internes s’est fer-mée aux jeunes, les services où prédomine unerégulation concurrentielle de l’emploi (Garonnaet Ryan, 1989) devenant les secteurs d’embaucheprivilégiés.

Certes, cette diversification des régulations dumarché du travail ne remet pas en cause le sys-tème de mesure et les indicateurs avancés parl’article. En revanche, elle conduit à être beau-coup plus prudent sur les interprétations qu’il nefaudrait pas limiter au seul déclassement,l’hypothèse d’une « crise des signaux » pouvantsoutenir des processus d’inflation des diplômeset l’interprétation en termes de

matching

, évo-quée au début de l’article, pouvant s’avérermieux adaptée

à des secteurs des services auxparticuliers. Tenter d’appliquer à une économieet un marché du travail diversifiés plusieurshypothèses et modèles de référence est une voie,sans conteste ardue, à laquelle nous invite cetarticle.

L’analyse longitudinale des déclassementset les dynamiques d’insertion

En outre, l’analyse temporelle des déclasse-ments et leurs conséquences sur les trajectoiresprofessionnelles nécessite l’usage de donnéeslongitudinales et la spécification de modèlesdynamiques d’insertion. D’une importance sou-lignée par les auteurs, cette dimension est abor-dée à la fin de l’article mais doit pouvoir êtreapprofondie dans des travaux ultérieurs.

Page 27: Diplôme et insertion sur le marché du travail : approches

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 354, 2002

47

En effet, confrontés à des déclassements dediplômés, l’analyste comme le décideur sontconduits à se demander si cette situation estdurable pour les individus en cause, en particu-lier lorsqu’elle positionne ces derniers sur dessegments du marché du travail où leur capitalhumain initial est sous-utilisé et risqueraitmême de se détériorer. Il s’agirait plus précisé-ment de mettre à l’épreuve l’hypothèse d’effetsde retour négatifs (

Negative feedback effects)

dus au déclassement (2),

suivant en cela

les pis-tes proposées par Taubman et Watcher (1986).Toute la question est en effet de savoir si ledéclassement donne lieu, à long terme, à unesegmentation étanche entre les emplois occupéspar les individus qui l’ont subi et ceux qui l’ontévité.

Il serait également intéressant de complétercette approche et celle proposée dans l’articlepar une mesure du rendement salarial de l’édu-cation des individus soumis au déclassement,afin de savoir si le marché du travail parvient

in fine

à valoriser leurs investissements éduca-tifs. Ainsi, selon un premier résultat tiréd’Hanchane et Moullet (2000), le taux de ren-dement associé au déclassement peut resterpositif. Autrement dit, l’investissement éduca-tif supplémentaire réalisé par les individusdéclassés peut être partiellement reconnu parle marché du travail. Pour le même emploi, les« déclassés » seraient mieux payés que ceuxdisposant du diplôme correspondant à la normed’emploi et le seraient encore mieux que lesindividus surclassés. Reste entière, à ce stade,la détermination du rendement collectif de cesdéclassements et plus généralement des efforts

entrepris en matière de démocratisation del’enseignement.

Dans cette perspective, user de sources sur lamobilité et l’insertion suffisamment « longues »est essentiel. L’intérêt est en outre de pouvoirmobiliser des variables de formation et d’éduca-tion plus riches que ce n’est le cas dans lesenquêtes

Emploi

utilisés ici, afin de mieux maî-triser l’hétérogénéité des individus, attenant enparticulier, à diplôme donné, aux parcours deformation et d’éducation antérieurs. Les sourcesrestent à construire, peut-être autour du paneld’élèves du Ministère de l’Éducation Nationale(jeunes entrés en classe de 6

e

en 1989) quidevient, progressivement, un panel de jeunessortis sur le marché du travail. (2)

Enfin, suivant en cela ce qui n’est qu’esquisséau début de l’article, ne faut-il pas continuer àprendre en compte le déclassement « subjective-ment » déclaré par les individus, dans la mesureoù il contribue à orienter leurs choix ultérieursen termes de mobilité ? Disposer pour un mêmeindividu de ses déclarations successives et d’unindicateur statistique tel que celui proposé iciserait particulièrement riche pour tester le poidsdes dimensions normatives sur les processusd’insertion, tant sont fortes en France les grillesde lecture du marché du travail et des parcourséducatifs attachées aux représentations del’emploi public et plus largement de l’emploistable ?

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2. Ces effets négatifs peuvent concerner aussi bien les salairesque les classifications des emplois ultérieurs.

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