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Dis-moi que tu m'aimes (French Edition) - ekladata.comekladata.com/3c2xUD-KxBwNthoT6GGSnesZygs.pdf · DIS-MOI QUE TU M'AIMES ... Depuis combien de temps n'ai-je pas foulé le sol

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GrégoryLancelot

DIS-MOIQUETUM'AIMES

(Bientôtdisponibleenversionpapier.)

Exergue

Certainespersonnessontnéespouraffronterlavieseules,cen'estnibiennimal,c'estlavie.PAULOCOELHO.L'ALCHIMISTE.

Paris

Chapitre1BonjourParis !Depuiscombiende tempsn'ai-jepas foulé le solde laville lumière?Depuiscinq

ans?Depuisdixans?Non,enfait,celanefaitqu'unepetiteannéequejenesuispasvenueici.Onzemoispourêtreprécis.Entoutcas,celam'aparuuneéternité.C'estsûr,lepaysageestantipodedeceluide Tokyo.D'ailleurs, jeme demande jour et nuit pourquoi j'ai accepté de partir fairemonmaster definanceslà-bas.Labouffeest infecte.Lesgensparlentunelanguequejenecomprendspas.D'ailleurs,pourêtrefrancheethonnêteavecvous,pendantmesmoisd'exil,jen'aiapprisaucunmotdeJaponais.Si,justeunseul:sayonara,quiveutdireaurevoir.Heureusementqu'ilyal'anglais,quipermetdesefairecomprendreàpeuprèspartout.J'aidécidédemettrefinàmonaventurenipponesuruncoupdetête.Ilétaittempsquejemedécide,

cardanstroisjours,celan'auraitplusétépossible.J'auraisétécontraintederesterbloquéeaupaysduSoleilLevantuneannéedeplus,afindefinirmonmaster.Inenvisageable!Maiscevirageenépingleàcheveuxvaêtrebiennégocié.Les inscriptionsàParisDauphinesontclôturéesdans72heures, jevaisêtrejustedanslesclous.S'ilyavaiteuunproblèmedetiming,j'auraisbienpudéciderd'arrêtermesétudes,maiscelaauraitété

complètement inenvisageable. Mes parents, propriétaires d'une modeste exploitation agricole enNormandie,nemel'auraientpaspardonné.Ilssesaignent lesveinesafindepouvoirm'offrirunavenirmeilleurqueleleur.Sijegâchecettechance,ilyadefortesprobabilitésquejenesoisplusconsidéréecommeleurfille.Je tiensà remercierceuxquiont fait lapromotiondubien-fondédecepland'échangesetquim'ont

convaincuedemerendreauJapon.Merci,vousm'avezpermisdedécouvrircequ'estl'EnfersurTerre.Quelquechosequivousbrûleauferrougepourtoujours.(Bon,j'exagèreunpeu.)Cen'estpasencorelaTourEiffelquej'aperçoismaisl'intérieurduterminal2Edel'aéroportRoissy-

Charles-de-Gaulle.Çasentbon!Jenesaispassibeaucoupdemondeestémerveilléenobservantlavied'unbâtimentaéroportuaire,moisi.Voirtouscesgensquigrouillentcommedesfourmis,desvalisesquifoncentàcentàl'heure,celamefaitunbienfou,merassure.Maintenant, ilnemeresteplusqu'àmettre lamainsurCharlotte,monamiedetoujours,cellequeje

pourraistrèsbienappelermasœursiamoise,tantnoussommesproches.Jebalayeduregardlehall.Mehissesurlapointedespiedsafind'avoirunevuedelafourmilièreensurplomb.Non,jenelavoispas.Jesors mon portable, en espérant que celui-ci marche toujours après vingt heures de vol, une escale àShangaïetseptheuresdedécalagehoraire.Je l'allume, ildétecte leréseau.Affichel'heure.14heures.Visiblement,vul'ensoleillement,ilestbiencetteheure-là.L'horloges'estrégléeautomatiquement.C'estquandbienfoutucespetitsengins-là...—Lo!Elleestlà,àcinqmètresdemoi.Jenel'avaispasaperçu.Visiblement,cen'estpasmontéléphonemais

moiquiaidespetitssoucisdefonctionnement.Nousnousrejoignons,etquandellesetrouveàmahauteur,jemejettedanssesbras.Qu'est-cequeça

faitdubiend'êtreblotticontresajumelle.Leréconfortaprèstouscesmoisdebagnes,quelbienfoucelapeutfaire.C'estindescriptible,lesmotsmemanquentpourvousexpliquerça.Mais,ilyaquelquechosequicloche.Jeneressenspaslamêmesensationqu'autrefois.Quelquechoseàchanger,ilyaunpeuplusdedistance.C'estsûr,aprèsuneannéedeséparation,bienquel'onaitcommuniquéparinternet,celanepeutpasêtretoutàfaitêtrepareil.Etpuis,ilyalafatigueduvoyage,c'estsûrementpourcetteraisonque

jedisça.Ellemereniflecommeunchien.-Tusenslesushi,mesortelle.J'éclatederire.Etcommelerireestcontagieux,elleritàsontour.Toutcelasetermineenunfourire

généralisé,incontrôlable.Jesuisrassurée.MaCharlotteestbienlà.Noussommestouteslesdeuxautantfusionnellesqu'avant.Mavalisevabientôtarriversurletapisroulant.Pendantcetemps-là,nousenprofitonspourpapoter.

Celafaitunanquenousnenoussommespasvuesenvrai,nousavonstantdechosesànousdire...—J'aiunpeudemalàcomprendretadécision.Turisquesdeleregretter.Ilyadeuxjours,jeluiavaisfaitpartparSkypedemonchoixderevenirsurParis.Audépart,ellea

cruquec'étaituneblague.Quandjeluiaiditquenonetqu'elleacomprisquejenementaispas,j'aisentiqu'elle frôlait la syncope.Mon choix lui faisait énormément de peine. Selon cesmots, cette décisionserait hautement préjudiciable pourmon avenir professionnel. D'ailleurs, depuis 72 heures, dansmonentourage, tout lemonde tientcemêmediscours,commes'ilss'étaientmisd'accord.Toujours lemêmeargument : sur un CV, un cycle complet de deux années d'études au Japon en jette plus qu'unmastermorcelé,dontlecentredegravitésetrouveraitquelquepartentreParisetTokyo...Dansunsens,ilsontraison.Mais je pense que ce choix est plus raisonnable que celui de prendre le risque d'entamer uneannéedontilyadeforteschancesquejenelafinissepas.—Tusais,Charlotte, j'aibienréfléchi.Quand j'aiacceptédepartir là-bas, jenemesuispas rendu

compte à quel point cela est difficile de se retrouver éloigné de ses proches. De ses amis. De sameilleureamie.Desafamille.Bref,detouslesgensqu'onaime.—Maisilyainternet.Tucommuniquesavecnous.Noussommeslà.Pendanttoutecetteannée,nous

avonspenséàtoi,nousnet'avonspasabandonnée.—Oui,maisçanefaitpaspareil.Ilfautenfairel'expériencepourserendrecomptedecequeçafait.Ellemesaisitl'avant-brasetmeregardedanslesyeux.Elleavraimentenviequejereviennesurma

décision.—LesinscriptionsàDauphinefermentdanstroisjours.Sij'étaisàtaplace,jem'accorderaiscedélai

deréflexion.Maistuconnaismonpointdevue,tuesentraindefaireuneconneriemonumentale.Tunepeuxpasjouertonavenirprofessionnelsuruncoupdetête.Cepland'échangesestunechance.Rends-toicomptequebeaucoupdegenspaieraienttrèscherpourêtreàtaplace.Rends-toicompte:unefacquitedérouleletapisrougepourquetupuissesintégrerlesplusgrossesboîtes,c'estquelquechosedetrèsraredenosjours.Maintenant,tuaslescartesenmain,maisc'estunterriblegâchisquetut'apprêtesàfaire.— Je vais y réfléchir, concédé-je, même si je sais très bien que je ne reviendrai jamais sur ma

décision.Aprèsavoirrécupérémavalise,noustraversonsl'aérogare.Charlottes'estgaréedansunparkingqui

setrouveàl'autreboutduterminal.Jesensqu'elleforcelepas.Jecomprendspourquoi.Lesparkingsdesaéroportssonttrèschers.Elleneveutpass'éterniseraurisquequecelaluicoûteuneblinde.Surnotredroite, les magasins se succèdent. Il y a une foison d'enseignes de restauration à emporter, commeSubway, la Brioche dorée, Paul... Mais il y a également quelques restaurants où prend le temps des'asseoiretquiproposentdelavraiegastronomie.Monventresetord.J'aifaim.Celafaitunanquejen'airienmangéoupresque.Jecroisquemêmeaprèsavoirmangétoutcequ'ilyaenvente,etépuiséles

réserves de toutes les enseignes, j'aurais encore faim. Il faut sans plus attendre que jemange quelquechose,c'estuneurgencevitale.AlorsjestoppeCharlottedanssaprogression,enluifaisantpratiquementuncroche-pied.—Çavapas?T'esmalade?—Jemesensunpeufaible,ilfautquejemangequelquechose.Celafaitplusdevingt-heuresqueje

n'airienavalé.Etonneseracheznousquedansuneheure,carj'imaginequedepuisl'annéedernière,lesembouteillagesn'ontpasdisparu.Non,jenevaispaspouvoirteniruneheure...—Tunepeuxpasattendresoixanteminutes?—Non.—C'estquoilavraieraison?—Là-bas,ilyaunjambon-beurrequimefaitdel'œil.Je pointe avec mon index celui qui sera ma prochaine victime. Ma cible m'attend bien sagement

allongée dans une vitrine qui se trouve à dix mètres de nous. J'avoue que j'ai une tare. Je suis unegourmande compulsive.Quand je passe devant un commerce de bouche et que quelque choseme faitenvie,ilfautqu'ilseretrouvedansmonestomac.Impérativement.—Tun'aspaschangéLaurence,tuestoujourslamême.Tun'espassortable.Vas-ymaisfaisvite!Charlottemejetteunrictuspourlaformemaiscepetitjeul'agace.Leparking.Lescentimesd'eurosqui

quittentsoncompteenbanque.Elleadelachance,laboutiqueestdéserte.Jemarched'unpasdécidéverslemecseulderrièreson

comptoir,quial'airdebiens'emmerder.Enfinunecliente,ilvaêtrecontent.Ilmeremettoutsouriremonsandwichenl'échangede2euros80.JemeretourneafinderejoindreCharlotte.Ellen'apasbougé.Elleestlà,àl'endroitoùjel'ailaissée,immobile,enpleinmilieudelafoulequifonceàcentàl'heureverslasortie.Àchaqueinstant,ellerisquelacollision.Quandj'arriveàsahauteur,elleconstatequemoncasse-dalleestdéjàbienentamé,cequil'effraie.«Commenta-t-ellepumangersivite?est-ellesûremententraindesedemander.Ellen'estpasunêtrehumain,maisunemachineàavaler.»—Oui,j'avaisfaim!Nouspoursuivonsnotrecheminversleparkingquandnouscroisonsdanslesensinverseunecouplede

jeuneamoureuxsedonnantlamain.Uncopain.C'estaussiunpeupourcetteraisonquej'aidécidedequitterleJapon.CarlesJaponais,

toutcommeleurbouffe,nem'inspirentpasdutout.Etjen'aipasenviedefinirmavieseule...Je n'ai pas la pression car dans mon entourage, on recense plus de célibataires que de couples.

D'ailleurs, Charlotte n'est toujours pas macquée.Mais la vie à deux est quelque chose qui me tente,surtoutquej'aiquelqu'undansleviseur.UncertainAlex.Nousavonsvécuuneaventureensemble,justeavantquejem'éclipsepourleJapon.C'étaitlorsdelasoiréededésintégrationdeLicence.Cettehistoireaungoûtd'inachevé.Jepensequenousavonsunboutdecheminàfaireensemble.Surtoutqueluinonplusn'apasencoretrouvéchaussureàsonpied.Enfin,quandjedis«chaussure»,jepenseàunepartiedel'anatomieféminine...

Chapitre2

Jerepenseencoreunefoisàcettesoiréeduvendredi27juin.Pourfêter lafindel'année, l'assodesétudiantsavaitdécidéd'organiserune fête.Dansunpremier temps, ilavaitétéenvisagédepasserunesoiréeenboîte,maiscelaneplaisaitpasauzicosdenotrepromoquiavaientàcœurdejouerunpeu.Leconcertdevaitdansunpremiertempssedéroulerenextérieur,surlestadeducampus,maislemauvaistempsnousacontraintàtrouverunesolutionderepli.Lafêtes'estfinalementdérouléedanslegymnasedelafacdeSTAPS.Lesoldelasalleestenparquetlamellécollé,cequinousapermisd'enfaireunepistededanse.Toutlemondefutétonnéparleniveaud'équipementdeszicos:éclairage,sonopuissante,leshowallaitêtredetrèshautequalité.

***Toutlemondedansentencouplesurledancefloorimprovisé.Visiblement,n'yaquemoiquicherche

désespérément un cavalier. Je fais le tour de la piste.Non, personne. Jeme dis qu'il doit y avoir unnombreimpairdedanseursurlapiste,etducoup,quelqu'unseretrouvetoutseul:moi.Cettesituationm'attriste.Sitoutecettesoiréeestàcetteimage,jemesouviendraidemafindelicence!Jem'apprêteàquitter le dancefloor, et j'envisagemême de quitter la fête, quand je tombe sur un jeunot aux cheveuxchâtainscoupésenbrosse.Jeneconnaispascettetête,maisvisiblement,ilrecherchelamêmechosequemoi,alorsdansonsetfaisonsconnaissance!—Tut'appellecomment?demandé-jeenhurlantafindecouvrirlebruitdelasono.—Alex,hurle-t-il.Aveccettemusiquequibraille,nousnousallonsavoirextrêmementdemalànousparler.Alorsdansun

premiertemps,dansons.Nousferonsconnaissanceplustard,dehors,enfumantuneclope.Nousenchaînonslesdanses,etjeconstaterapidementqu'ilestbienmeilleurdanseurquemoi.(Jevous

faitunaveu.Jedansecommeunecruche.Cen'estdoncpasbiendifficilededansermieuxquemoi.) Ensuite, toutva trèsvite.Jenesaispascequ'ilsepasse.Nousavonsdéjàpasmalpicolé—tout

commemoi, il sent l'alcool— et c'est probablement ça qui nous amène à perdre la raison. Il se sertcontremoi, je pourrais le repousser,mais non, je ne le fais pas.Ce contact physique exerce surmonpsychismeuneffetdélectable.Ilveutallerplusloin:jelelaissefaire.Ils'appuieencorepluscontremoi.Nosmouvementscaléssurlerythmed'unemusiquequis'intensifiefontensortequejesuisamenéeencoreplusàmefrotterà lui.Malgré le rempartdu tissu, jesensàprésent trèsnettementquesonmembredudésirsedurcit.Uneforceétrangem'empêchedemedégagerdececontactsiérotique. Ilmordillemeslèvres, effleure la peau de ma joue gauche, m'embrasse l'oreille droite. La poussée du désir le faitsoupirer.Moi aussi, je soupire. Sa verge dure se presse encore plus intimement contre son corps. Jecomprendsqu'ilaenviequ'onailleplusloin.Jehochelatêtepourluidireoui,quejesuisd'accord.Maispour faireça, ilnousfautunendroitplus intime.Alors ilmeprendpar lamain,nousquittons la fouleremuante.Nous nous dirigeons vers la réserve du gymnase.Nous entrons dans une pièce sombre,maléclairée.Àdroite,desagrèsdegymnastique,ainsiqu'unbancenbois.Àgauche,unfiletdevieuxballonsdehandballquigîtparterre.Etdevantnous,unemalleavecdedans,desdossardsquipuentlasueur.C'estsûr,onpeutrêverd'unendroitplusglam'pourfairecequenousallonsfaire,maisnousallonscomposeravec...cardetoutefaçon,onnepeutplusattendre.Jenemereconnaisplus,noncen'estpasmoi.JememetsàcalifourchondevantAlex.Monregardest

happéparlabossequisetrouveauniveaudesonentrejambes.Jeposemamaindélicatementsurcetteexcroissance.Malgrél'épaisseurdujean,aucontactdeladouceurdemesdoigts,ilnepeuts'empêcherderetenirungémissement.Jedéboutonnesabraguette,faitglissersoncaleçon.Satigesedévoile,s'érige.Jemesensinviteràlui

donner de délicates caresses. Alors, portée par une infinie tendresse, je touche son sexe dénudé, quis'allonge encore davantage. Un frisson parcourt Alex. J'enroule mes doigts autour de sa verge, jecommence à la faire coulisser dans la gaine que ma main forme. Visiblement, comme moi, c'est unnéophyte,iln'apastropd'expériencessexuellesaucompteur.Carauvudessensationsqueluiprocurentcettemaindefille,jemerendscomptequ'ildécouvrequecelan'arienàvoiravecsesplaisirssolitaires.Puis,sanssavoirpourquoi—probablementd'instinct—,jem'approchedesonsexe,ouvrelabouche,

enfaitrentrerunebonnepartiededans.Jenesuispasencoreuneexperteensuccion,maisjeconstatequecelaluiprocureunplaisirintense.C'estleplusimportant.Monmassagelabialavisiblementplusd'effetquej'auraispuimaginé,puisquetrèsrapidement,ilnepeutplusretenirsonorgasme.Saliqueurserépanddansmabouche...

Chapitre3

—Lo?Tuessûrequeçava,parcequelà,tuesentraindemangerlepapier...Charlotte vient deme tirer demes pensées.Alors que jeme remémore cette délicieuse soirée, j'ai

avalésansm'enrendrecomptelatotalitédusandwich.Etcela,justeparréflexemécanique,vuquemonespritétaitailleurs.Commeiln'yavaitplusrienàmangeretquemonespritn'étaittoujourspasrevenu,j'aicommencéàattaquerlepapier.Cetteexplicationtientlaroute.Nousarrivonsauparking.Nouspassonsauxcaissesautomatiques.8euros10àrégler.Jesorsmacarte

bleue...—Non,çaira,c'estmoiquipaie.Elleditçapourfairestyle.Ellen'apasenviedepasserpouruneradine.Maisjesaistrèsbienqueça

luitrouelecœurdesortirunesommecommeça—Non,c'estàmoidepayer.Tuasfaitledéplacementpourvenirmechercher,non?—Non,tuasdéjàdépenséuneblindepourpayerl'avion.Etsitufaislechoixraisonnablederepartir

rapidement,jepensequetonécureuilrisquedenepasavoirlesourire.Jecomprendsmieux.Elleaenviequejereparte—toutlemondeàenviequejereparte.C'estpourça

qu'ellesouhaite«ménager»moncompteenbanque.Avec8euros10,enavion,onnevapasbienloin.Ellepaie.Puisnousregagnonssavoiture.ElleatoujourssaClio1blanche.Ilfaudraitquesavoiture

aitunpépingravepourqu'ellelachange.Nousquittonsl'aéroportetnousengageonssurl'autorouteA1endirectiondeParis.J'aperçoisauloin

laTourEiffel.Unannonplusque jene l'avaispasvu,celle-là. J'aipeut-être l'espritmalplacé,maisdepuisquejesuisadolescente,àchaquefoisquejelavois,ellemefaitpenseràunphallusenérection.324 mètres de haut ! C'est à croire que les hommes—Monsieur Eiffel en premier—, doivent êtrecomplexésparlatailledeleursexe,sinonilsnes'amuseraientpasàconstruiredesédificestoujoursplushauts.Cetaprès-midideseptembreestparticulièrementbienensoleillé.Commevouspouvez l'imaginer, la

voituredeCharlotteestdépourvuedeclimatisation,aussi,aprèsunebonneheureexposéeenpleinsoleilsurleparking,latempératuredansl'habitacleestdéjààlalimitedusupportable.Qu'est-cequeceseradansuneheure,quandnousarriveronsàdestination?Passons.Charlottenemeparlepas.Visiblement,elleme fait la tronche. Elle n'est pas d'accord sur le fait que je revienne. Pourtant, elle devrait êtrecontentedemerevoirsurParis.Toutvarecommencercommeavant.Nousvivronsànouveauensemble.Nous partagerons tout. Comme deux sœurs. Faut-il sacrifier son bonheur au prix d'une hypothétiqueréussiteprofessionnelle?Jenecroispas. Ilyaunecitationde l'empereuretphilosopheromainMarcAurèledanslaquellejemereconnaispleinement:«Voicilamoraleparfaite:vivrechaquejourcommesic'était ledernier ;nepas s'agiter,nepas sommeiller,nepas faire semblant.» Je suiscomplètementd'accord avec lui. C'était en l'an 180 et il avait déjà tout compris. Chacun peutmourir d'un instant àl'autre,alorsfaisonsensorted'êtreheureuxdansl'immédiatetarrêtonsdenousimposerànous-mêmedescontraintesdescontraintesquin'ontpaslieud'être.Jeregardeparlafenêtre,leflotdesvéhiculesm'hypnotise.JepensedenouveauàAlex.Oui,toujours

lui.Jerepenseàcettesoiréedefinjuinetjesuisconvaincued'unechose.Àpremièrevue,onpeutpenser

quecetterelationn'estjustequ'unehistoiredeculvitefaitbienfaitentredeuxétudiantsconsentantsmaisjepensequec'esttoutautre.Malheureusement,nousn'avonspaspunousrevoirdepuiscesoir-là,carjepartais le lundi suivant pour le Japon,mais je suis certaine que cette soirée aurait pu être le premierépisoded'unegrandehistoire.Nouséchangeonsrégulièrementparmaildepuisunan.Jesensqu'iladessentimentspourmoi,maisqu'il est réservé,qu'il adûmal à les exprimer.C'est sûr, depuisun clavierd'ordinateuretsimplementreliéparunefibreoptiquede10000kmdelong,ilestdifficilededéclarersaflamme.Mais ce dont je suis certaine, c'est qu'à ce jour, il n'a personne dans sa vie— dans le cascontraire,ilm'enauraitparlé.MaintenantquejesuisdenouveausurParis,celavaêtreassezfaciledemettrelegrappinsurlui.Ilvaavoirbeaucoupdemalàmerésister.Porte de laChapelle.BoulevardPériphérique.Entrée dansParis intra-muros.Notre appartement se

trouvedel'autrecôtédeParisdansleXIVe,etjesuisexcitéeàl'idéequedansunevingtainedeminutes,j'auraisdenouveaulespiedsdansnotrepetitniddouillé.En fait, cet appartement à pour moi une valeur inestimable. Sans lui, je n'aurais jamais connue

Charlotte.Sanslui,jen'auraisjamaiseudesœursiamoise.Ilestnotreviecommune.Revenonsunpeuenarrière.Quandilyaquatreansj'aidécidédequittermaNormandienatalepourm'installeràParisafindefairemesétudesd'économie,ilm'afallutrouverunesolution.Carvuleprixdel'immobilier,PapaetMamanétaientdansl'incapacitédemepayerunloyer.Alors,j'aidécidédemetournerverslacolocation.Audébut,jen'étaispastrèsrassurée,carquandonconnaîtpasdutoutlespersonnesaveclesquellesontvaêtreamenéesàcohabiter.Celapeutbiencommemalsepasser.Dèsque j'ai faitconnaissanceavecCharlotte,notre relationa toutdesuiteétait très fusionnelle. Jepensequenousétions faitespournousrencontrer.Celadevaitêtreinscritdansnotredestinée,cen'estpaspossibleautrement.Sonsilencem'agace.Ilfautquejebriselaglace.—Est-cequejepeuxsavoirpourquoitumefaislagueule?Admettonsquejefasseuneconnerieen

abandonnantmesétudesauJapon,enquoicelateconcerne?Cen'estpastoiquifoustonavenirenl'air,àcequejesache?Tudevraisplutôtêtrecontentequejereviennevivreavectoi,non?Ilyatroisjours,surSkype, tu étais laCharlotteque j'ai toujours connue.Depuisque tu saisque je reviens, tun'esplus lamême,jenetereconnaisplus.—Enfait,çamefaitdelapeinequetulaissestomberleJapon.Turisquesdeleregretter.— Je ne le crois pas. Tu veux savoir la vérité ? Toute seule là-bas, je déprime. J'ai marché aux

anxiolytiques pendant un an. Il y a trois jours, j'ai réussi à ouvrir les yeux juste à temps. Ilmeparaîtpréférabled'arrêterlesfrais,d'assureruneannéecomplèteici,plutôtqued'endémarreruneautrelà-basetd'êtrecertainedenepaslafinir...Mesaveuxontsurellelemêmeeffetqueledardd'uneabeilleseplantantsurlapeaud'unéléphant.

Pourquois'entête-t-elleàmefairerevenirsurmadécision?Préfère-t-ellequejeretourneauJaponetquejemecrashe.Jen'arrivepasàlacerner.Jecroyaislaconnaîtreparcœurmaislà,jedécouvreunefacettedesapersonnalitéquej'ignoraiscomplètement.Maiscelanem'inquiètepasquantàl'impactqu'auracettehistoiresurnotrecolocation.Jelaconnais

quandmêmebien.Dansdeux-troisjours,nousauronsreprisnoshabitudes,toutserarevenucommeavant.NousnousengouffronsdanslarueLecuirot.Plusquequelquemètresàfaireetjeretrouvaismonpetit

cocon.Dèscesoir,cetteannéed'exilauJaponseradéjàunbienlointainmauvaissouvenir.JepartageraiavecCharlotteunesoupeauxharicotsblancs,notrepréférée.Nousavonsdelachance,ilyauneplacedeparkingdisponiblejustedevantle14,notreadresse.Ellesegare.Couplecontact.Jesorsdelavoiture.Medirigeverslecoffrepoursortirmesvalises.J'ouvrelehaillon...

—Attends!fait-elle,piquéesurletrottoir,justeàcôtédemoi.Sonvisageestcrispé.Visiblement,ilyaquelquechosequinevapas.—Qu'est-cequ'ilya?Yaunproblème?—En fait... Laurence... il faut que je te dise quelque chose... (Elle se racle la gorge, cherche ses

mots...)Enfait,lacolocation...—Qu'est-ce qu'il y a, il y a problème ? Il va falloir rendre l'appartement ?C'est pas grave, on en

trouveraunautre.—Non,lacolocation,Laurence...cenevaplusêtrepossible.Jetombedesnues.Oùveut-elleenvenir...—Engrostuveuxdirequ'entrenousdeux,c'estfini?—Non,maisnotrerelationvaêtreamenéeàévoluer.Elletourneautourdupotmaisjecomprendsmaintenanttrèsbienoùelleveutenvenir.Elleveutmettre

finànotrecolocation.Jel'aideàaccoucher:—Engros,sijecomprendsbien,tumetsfinànotrecolocation,tumetstasœuràlarue.—Laurence,nousallonspaspouvoirvivreensemblejusqu'àlafindenosjours.Quandonacommencé

lacolocation,ilaquatreans,tusavaistrèsbienquecettesituationn'allaitdurerquequelquesannées,letempsdenosétudes.Maintenant,ilesttempsquenousprenonschacunedenousenvol...—J'aicompris.Tum'asremplacéparqui?T'asuncopain?—Oui.Jesuisagacé.Ellevientdemefairesortirdemesgonds.Jehausseleton:—Pourquoitunem'asriendit.Tuauraispum'enparler.J'auraiscompris.Jecroyaisquesel'ondisait

tout,touteslesdeux.Maintenant,jecomprendsmieuxpourquoitum'asfaitlagueulependanttoutletrajetduretour.Ellesemetàsontouràhurler:— Je ne te l'ai pas dit car je ne voulais pas te faire de la peine. Jeme doutais que ce n'était pas

forcémentfacilepourtoi,d'êtrereclusetouteseule,là-basauJapon.Tuauraispenséàmoi,entraindem'éclater avec unmec, alors que toi, tu ne pouvais pas. Je ne voulais pas que ça te fasse « envie ».Encore une fois, j'ai fait ça pour que tu ne gâches pas tes études. J'ai pensé à toi, j'ai fait ça pour teprotéger.—Etmaintenant,jedorsoù?—Net'inquiètespas,jetepaieraisl'hôtel.Maisjesuiscertainequetuferaslebonchoix,doncçane

durerapastroplongtemps.—Arrêteavectesétudes!TonJapon!Toutça,cesontexcusesfaciles.Engrostuneveuxplusdemoi,

alorstum'envoiesàl'autreboutdumondepourquejetefichelapaix.Sielleneveutplusdemoi,moinonplus,jeneveuxplusd'elle.Jesorsnerveusementmesdeuxvalises

àroulettes.Elletentedemeretenir,envain.Jem'éloignedeleurappartement,unbagagedanschaquemain.Alorsquemetrouveàunetrentainedemètresdu14,elleaboie:—Laurence,ilnefautpasquetuleprennescommeça.Situveux,jetepaiel'hôtel...

Jemeretourne.Elleestlà,plantéecommeunecarottesurlepasdelaporte,leregardcon:—Non,gardetessous!Situsorsdel'argentdetonporte-monnaie,aprèstunevaspastesentirbien.

Jepréfèret'épargnerça.C'estmoncadeaud'adieu.Je la quitte des yeux. Sauf coïncidences malencontreuses, je ne verrai plus jamais son visage. Je

reprendsmarouteenayantencoreaucuneidéedemadestination.

***Alex. Je suis certainque luivapouvoirmedépanner.Et celavaégalement êtreunexcellentmoyen

pourmerapprocherdelui.J'aicetteidéealorsquejemetrouveàlaterrassed'uncafé.AprèsavoirabandonnéeCharlotte,mon

petitniddouillé,breftoutunpandemaviepassée,j'aierréplusieursheuresdanslesruesdeParis.Ilestàprésentauxalentoursde17heuresetj'aidécidédemeposerunpeu.Assisesurmachaiseenrotin,avecdevantmoiunpetitnoirposésurunetableminuscule,jesuisàlavuedespassantsetj'aivraimenthontedemoi. Avecmes deux grosses valises rouge et bleu etmon k-way rose fluo qui pue la transpi, j'aivraimentl'impressiond'êtreuneclocharde.Commentai-jeputombersibasenl'espacededeuxheures?Ilnememanqueraitplusquedeuxgroschiens,etcelafiniraitpascompléterletableau. En tout cas, je suis en quête d'une solution provisoire d'hébergement pour la nuit qui vient. Et

également,pourlesjoursquiviennent,carlarentréeuniversitaireestdanstroisjours,etilesthorsdequestiondelarater.L'idéem'estdoncvenuedecontacterAlex.Vuqu'ilvitseule,jenepensepasquecelaledérangerait

quejeviennesquaterchezluideuxoutroisjourschezletempsdetrouverunnouveauchez-moi,bienaucontraire.Jecomposesonnuméro.Jetombesursonrépondeur.J'essayedeluilaisserlemessageleplusconcis

etleplusprécispossibleafindeluiexpliquerlasituationpittoresquedanslaquellejemetrouve.Cequiestloind'êtreévident.Jeneluiavaisrienditàproposdemonretourafindeluifairelasurprise,iln'estdoncpasaucourantdemonparachutage.Je reste assise à la terrasse du café, le temps qu'il me rappelle. Cela ne devrait pas durer très

longtemps,carquandjecommuniqueavecluiparinternet,ilestgénéralementtrèsréactifàmesmessages.Saréponsedevraitêtrerapide,d'autantplusqu'aujourd'hui,iln'apasdecontraintesprofessionnelles.Jeregardefébrilementmontéléphoneposésuruncoindelatabledansl'attented'unevibration.Celadevraitseproduired'uneminuteàl'autre.

***Lesminutespassent.Lesclientsdéfilentsurlaterrasse.Toujourspasdecoupdetéléphone.Àchaque

passage,legarçonmeregarde.Curieusement,celanelegènepasquejerestem'éterniselaterrasse,quejesoisuneverruepourlecafé.Danssesyeux,jevoisplutôtdelacompassion.«Lapauvrefille,elleabesoind'aide.»

***19 heures 30. Je suis toujours assise à la terrasse, et toujours pas de coup de fil. Pourquoi neme

rappelle-t-ilpas?Sontéléphoneest-t-ilenpanne?Luiest-ilarrivéquelquechose?Entoutcas,cen'estpasdanssonhabitude.Jeregardeautourdemoi.Lesoleilpiquedangereusementversl'ouest.Leventcommenceàselever.

Lespremiersclientscommencentàaffluerpourledîner.Essentiellement,desgenshabillésencostumes,quitravaillentdanslesimmeublesdebureauxvoisins.Moi,avecmonrain-cutrosefluo,j'ail'impressiond'êtreunetacheindélébileaumilieudetoutcebeaumondearborantunnoirimpeccable.Underniercoupd'œilversmontéléphone,nontoujoursrien...Bon,àdéfautdepouvoircoucherchezAlex,ilvafalloirquejetrouveuneautresolution.Jememets

enquêted'unhôtelbonmarché.Pourcela,jemeconnectesurl'appliPagesJaunes.Jen'aipasbesoindechercher très longtemps pour trouver ce qui me convient. Un hôtel une étoile, porte de Châtillon, enbordurepériphérique,30euroslanuit,Wi-Figratuit.Pasderéception,leschambress'ouvrentavecuneCarteBleue.Bon,ilyaplusglamour.Maisl'histoired'unsoir,pourdudépannage,celaferaparfaitementl'affaire.

***J'entredanscequiressembleàunchalet, lambrisenpinsur lesmursetauplafond.J'enlèvemonk-

way,défaitmes tennis.Jemejettesur le lit, touthabillée,avecmonjeanslimbleuetmonpull-overàrayures.Jeneprendsmêmepaslesoindefermerlevolet.Lalumièrejauneduréverbèrenemedérangerapas, vu quede toute façon, je n'arriverais pas à dormir. Je suis trop énervée pour pouvoirme laisserprendreparlesmainsdeMorphée.Pour venir sur ce lit, mon parcours depuis la terrasse de café a été particulièrement tortueux. Une

correspondanceenmétroplusuntram.Avecmesdeuxvalisesénormesdanslesescaliers,monvoyageaétéloind'êtreunesinécure.J'aitoutefoisprisletempsdefaireuneescaledansunMcDohistoiredemerassasier.Jetiensmontéléphonedanslamain.C'estmondoudou.Jen'attendsqu'uneseulechosedelui:qu'il

sonne.Uneheuredumatin.Qu'entends-je?Non,cen'estpaslasonneriedemonportable.Lebruitvientde

loin,maisjecroisentendredesgensentraindejouir.J'auraisdûm'endouter.Cegenredelieuxestréputépourêtreunlieuderencontrespourlescouplesillégitimes,lesmursenpapiersàcigaretten'arrangeantévidemmentrien.Soudain,jeris.JerepenseàcettescènedufilmLestroisfrèreoùilssonttousallongédanslemêmelitetl'undit:«Ici,cen'estpasunhôtel,maisunbaisodrôme.»C'estàpeuprèsça.Troisheuresdumatin.Depuisquejesuisarrivéedanscettehôtel,jecogite.JemedisqueCharlottea

peut-êtreraison.JeferaismieuxderetournerauJapon.C'estsimple,depuisquejesuisderetouràParis,hormislegarçondecafé,j'ail'impressiondegênertoutlemonde.Charlottememetàlarue,jesuisdetrop pour elle. Et visiblement, Alex se fiche demoi. Une relation par mail ça va, mais quand il estquestiondesevoirenvraietd'allerplusloin,ondisparaîtdanslanature...Aumoins,là-bas,àdix-milleskilomètres,vuquejeneconnaispersonne,personnenepeutmefairedecoupbas.Non,madécisionestprise.Vuquepersonneneveutdemoiici,jeretourneauJapon.Commelà-bas,la

rentréeestplustard,monvoyageneserapasgâchépourautant,carjevaisenprofiterpourallerpasserquelquesjoursenfamilleenNormandie.Celavamefaireunbienfoud'allermeressourcerlà-bas,etderetrouvermesparentsetmapetitesœur—mavraiesœur.

Jefixeledéroulédemesprochainesjournées.Demainmatin,jeprendsuntrainpourlaNormandie.Jepassetroisjourschezmesparents,puislequatrièmejour,jereparsàTokyo.Je me connecte sans plus attendre sur le site Trip Advisor pour profiter du meilleur tarif. Départ

vendredimatindeCDGà7heures54.852euros.Parfait.J'entremonnumérodeCarteBleue, lecodesécuritéàtrois,m'apprêteàappuyersurvalider.Quoi?Appelentrant,Alex.Cen'estpaspossible,unecoïncidencecommecelle-là, cenepeut êtrequ'un signedudestin.Cen'est paspossible autrement. Jepensequeluietmoi,nousavonsdegrandeschosesàbâtirensemble.—Laurence?—Alex?Çamefaitunedrôledesensationd'entendretavoix.Celafaitunanquejenet'aipasentendu

parler...—J'aieumonmessagesurtonmessagesurmonrépondre,etlemoinsquejepuissedire,c'estquej'ai

ététrèssurpris...—C'estsûr,c'estunedécisionquej'aiprisedujouraulendemain.Dansmonentourage,toutlemonde

tombedesnues.—Donccommeça,onrevientsurParis.LeJapon,çaneteplaîtpas?—Non,là-bas,jedéprime.Jemesensseule,çanevapas.—Jecomprends.Ai-jebienentenduoùai-jerêvé?Iladit«Jecomprends».IlexistesurTerreaumoinsunepersonne

quiarriveàmecomprendre.Celamerassure:jenesuispasunecauseperdue.— Comme j'ai essayé de te l'expliquer dans mon message, je recherche en urgence une solution

d'hébergement.MaintenantqueCharlotte àunpetit copain, il nenousestpaspossiblede reprendre lacolocationcommeavant.J'aidoncpenséàtoipourpouvoirmedépannerpendantquelquetemps.—Malheureusement,Laurence...Malheureusement....Jel'entendssoufflerdanslecombiné.Visiblement,ilcherchesesmots.Ilneveutpasm'accueillirmais

iln'arrivepasàtrouverlabonnetournurepourmeledire.—IlfautquetusachesquejenesuisplussurParis,poursuit-il.JesuissurRennes...—Rennes?Qu'est-cetufouslà-bas?—Commepourtoi,toutças'estfaittrèsrapidement.J'avaisfaitunecandidaturepourunM2detrès

grandequalité,etjeviensd'apprendrecematin-mêmequej'aiétéreçu.Larentréeaégalementlieutrèsbientôt,etiln'yapasdetempsàperdresijeveuxtrouverunlogementpotable.Alors,j'aifaitlaroutecetaprès-midi. C'est pour ça que je n'ai pas pu te répondre. Actuellement, je suis dans un hôtel dans labanlieuedeRennes.Jememetsàprospecterpourunlogementdèsdemain...—C'estdrôleparcequemoiaussi,jesuisàl'hôtel...— Je suis désolé Laurence, mais malheureusement, je ne pas t'aider. Sinon, tu peux essayer de

contacterHélène.Hélène,c'estuneamieassezéloignée.—Maistusaistrèsbienquec'esttoutpetit,chezelle.Elleatoutjusteassezdeplacepourpartagerson

appart'avecsonhamster...—Jesaisbien...Maisjesuisdésolé.Jen'aipasdesolutionàteproposer.Touteslesfacsrentrentcette

semaine, je suisconscientqueçavaêtredifficilede trouverunappartementouunecolocationàcette

époquedel'année.Déjà,qu'entempsordinaire,àParis,c'estblindé.Maistuesd'unenaturechanceuse,jesaisquetuvastrouver.Etjevaiscroiserlesdoigtspourtoi.—Mercidemesoutenir.—Iln'yapasdequoi.—Heu..Jeveuxdire,çanetedérangeraitpassiunjourjevenaispasserunejournéeavecàRennes

avectoi,ousic'esttoiquivenaissurParis.—Non,biensûrquenon.Onprogrammeraça.Bon,maintenant,vul'heure,jecroisqu'ilesttantd'aller

audodo.Demain,nousavonschacundenotrecôtéunelonguejournéequinousattend.—Oui.Bonnenuit.—Bonnenuit.Tonalité.

***

Letéléphonesonneànouveau.C'estAlexquimerappelle.Qu'as-t-iloubliédemedire?Pourtant,j'ai

l'impressionquel'ons'esttoutdit.Àmoinsque...—C'estmoiqui terappelle.Enfait, il fautqueje tedisequelquechose.Toutcequejeviensde te

dire, cette histoire deRennes, tout ça, c'est du bidon. Je t'ai dit ça parce que je suis un dégonflé, unpuceaudepremièreclassequiapeurdefairelepremierpas.Àchaquefoisquejet'envoyaisunmail,jevoulaistel'avouer,maisjen'aijamaisréussiàlefaire.Enfait,Laurence,jesuisfouamoureuxdetoi.JenesuispasàRennes....Quelqu'unentredansmachambre.D'unseulcoup,j'ailatrouille.Toutàl'heure,enarrivant,j'aibondi

surlelitetj'aioubliéderefermerlaportederrièremoi...Alex?—…jesuisjusteenfacedetoi.Charlottem'aavertidetonretourprécipité.Alorsdepuistonarrivée

àl'aéroport,jet'aisuividiscrètement,justepourtevoir.Jem'excusedet'avoirmisedanscettesituation.Àcetteheure-ci,nouspourrionsêtretranquillementchezmoi,maisàcausedemoituteretrouvesdanscethôtelmalchauffé.Comprends-moi.Quand j'ai reçu tonappelcetaprès-midietque j'aicomprisque tuavaisdessentimentspourmoi, jemesuisretrouvéparalysé.Jenesavaisplusquoiterépondre.Alors,j'aiinventécettehistoiredeRennes...—Jetepardonne.Cen'estpasgrave.Ils'avance,s'allongeàcôtédemoi.Jerestesurledos,luisetourneversmoi.Ilpasseunemaindans

mes cheveux blonds, descendma longue chevelure sur toute sa hauteur. Je reste immobile. Puis il serapproche de moi, m'embrasse, tout en descendant sa main le long de mes reins. Ses lèvres sontgénéreusesetdouces.Salangueestchaude.Ilôtemonpull,montee-shirt.Puismonsoutien-gorge,monjean,etmaculotte.Ensuite,ilsedéshabille.Sonsexegonfléestprêtàentrerenscène.Ilrejointlelit,seposesurmoi.J'écartelesjambesafindepouvoirlelaisserentrerenmissionnaire.Il

progresselentement.Jesenssonglandpuissavergeentrerenmoi...Un spasme. Je sursaute. Alex ? Où est-il ? Il a disparu ! Je regarde autour de moi. Non, il n'y a

personne.Pointd'Alex.Jemerendscompterapidementquej'airêvé.Detoutefaçon,celaauraitététropsimplepourquecesoitlaréalité.

Chapitre4

Studiode15m²situéAvenuedeBreteuil,dansunquartieraniméduXVearrondissement.Pourplusamplesrenseignementsveuillezmecontactervialesite.Loyer:550€CCMembre:benji92♂Âge:24ansProfilrecherché:étudiant♀♂Centred'intérêt:geek

Cetteannonceestplutôtlaconiquemaiselleferaforcémentl'affaire.Detoutefaçon,larentréeestdansdeuxjours:c'estsoitcettecolocationouleretourauJapon.Après,ceneserabienévidemmentpaslacolocationrêvée.Jeseraisplusrassuréesic'étaitavecunefille,et jedéteste les jeuxvidéos.J'espèrequ'ilréussiraàsemontrercompréhensifsurcedernierpoint.Jeluienvoieunmessagecommequoijeseraisintéresséeparcetteoffre.Ilmerépondimmédiatement.

(Celanem'étonnepastrop.Vuqu'ilsedéfinitcomme«geek»,ildoitêtresursonPC24/24.Lerendez-vousestfixécetaprès-midià15heuresau16del'avenuedeBreteuil.Une recherche rapide sur Google Maps m'a permis de constater qu'il s'agit très beau quartier.

L'appartementsesituedansunimmeublehaussmannienavecportecochère.C'estbeaucouppluschicquel'arrièredebaroùvitCharlotteavecsonJules.Deplus, ilyaunestationdemétro justeàcôté,SaintFrançois-Xavier—Ligne13.C'estparconséquenttrèsbiendesservi.VuquejeneconnaispasdutoutquiestBenjaminBoulayaliasbenji92,j'yvaisarmerdemoncouteauà

huîtres.Jel'emmènedanstouslesendroitsoùjenemesenspasensécurité.Jusqu'àprésent,jen'aiencorejamaiseul'occasiondem'enservir,cequiestplutôtunebonnechose.15heuresprécises.Jesuisdevantlaportecochèredu16.Jetapesurledigicode3980,lecodequ'il

m'adonnéafindepouvoirdéverrouillerleguichetetpénétrerdanslacour.Aprèsquelquespassousleporche,jetrouvesurmadroiteuneportevitrée.Ilyauninterphone.BOULAY.Jerepèresonnom,puissonne.—C'estLaurence,jevienspourlacolocation.—C'estaucinquième.Mêmedéforméeparlecourantélectrique,savoixsonnejuvénile.Bruitstridentdelagâcheélectrique.J'entredanslehall.Cherchel'ascenseur.Parcoursplusieursfoislepalierdurez-de-chausséepourle

repérer.Jeneletrouvepas.Jefinisparmerésoudreàl'idéequ'iln'yenapas.Etaussiparmerésoudreàl'idéequejevaisdevoirm'enquillercinqétagesàpiedsplusieursfoisparjour.C'estessouffléequej'arriveaucinquième.Lespartiescommunessonttrèspropres.Parquetvitrifiéau

sol.Mursenfibredeverreblancs.Unveluxinondedelumièrelepalier.C'estdéjàdetrèsbonneaugure.Lepalier s'ouvreàdroite suruncouloirplus sombre.Un type s'avanceversmoi.Benjamin.C'estunepetitetouffedepoilsbrune.Coiffureindescriptibleencadranttoutsonvisage.(Unboncoupdeciseauxs'impose.)Delabarbe.Etsurtout,unteinttrèspâle.Iln'estpastrèsgrand.Ilestmêmepluspetitquemoi.Ilfait1mètre65,alorsquemoi,jemesure1mètre70.Ilporteuntee-shirtnoirGhostbustersetunjeanblanc.

—Benjamin.—Laurence.—C'estparici.Jelesuisdanslecouloirsombre,etcinqmètresplusloin,j'entredanscequiseranotreappartement.

Moiquim'attendaisàunlieumansardévuqu'onestaudernierétage,c'estenfaittoutlecontraire.J'arrivedansunegrandepiècerectangulaire,avecunehauteursousplafondplusimportantequeles2mètres50réglementaires. Juste en face de nous, il y a une grande fenêtre à double battants laissant pénétrergénéreusement la lumière.Cettepiècefaitvisiblementofficedechambre.Unlieupourdormirquel'ondevra vraisemblablement partager vu qu'il y a deux couchages une personne. Un lit se trouve dansl'enfiladedel'entrée.Etparallèlementàcelui-ci,colléesurlemurd'enface,ilyaunemezzaninelit.Endessouslamezzaninesetrouveuntrèsgrandbureau.J'aperçoisunordinateurcomposédequatreécrans,dontleurdispositionmefontpenseràuncockpitd'avion.Puis,plusloin,poséssurlatable,unvolantetunpédalier,pourlesjeuxdecourses.Et,c'estsanscomptersurlesnombreusesaffichesdejeuxvidéos:GTAV,RiseoftheTombRaider,FinalFantasyXV...Jemerendscomptequej'aivraimentaffaireàungeekenpuissance.—Ici,commetupeuxleconstater,c'estlachambre,quifaitégalementofficedesalon.Commetupeux

ledeviner,toi,tuoccuperascelitetmoilamezzanine.Jetefaisvisiterlereste.J'avancedanslapièceafindepoursuivremontourdupropriétaire.Leparquetgrince.Ilmedévoilela

cuisine, toutepetite,et lasalle-de-bains,pastrèsgrandenonplusetdépourvuedefenêtre.Ilnefautnis'appelerJoëlRobuchon,niFlipperledauphin,maisçaferal'affaire.Pointpositif,l'appartementesttrèsbienentretenue,riennetraîne.Jesuisétonnée,carcen'estvraimentpasàcequoijem'attendaisdelapartd'ungarçon.Commequoi,lespréjugésontlaviedure!Nous ne nous éternisons pas dans les trous de souris, nous revenons rapidement dans la pièce

principaleafind'avoirdepouvoirrespirernormalement,àpleinpoumons.—Alors,tuesintéressée?—Oui,c'estparfait.—Bonbahtrèsbien,çamarche!Affaireconclue!Tupeuxemménagerquandtuveux.Jetefaissigner

unchèquedecaution,puisjeteremetslesclefs.—Sinon,ons'organisecommentpourlacolocation?—«Ons'organisecomment»,tuveuxdirequoipar-là?—Jeveuxdirepourlarépartitiondestâches,leménage,toutcequiàtraitàlaviequotidienne?—Etbien, ici, tufaisexactementcommesi tuétaischez toi.Jen'aiaucunecontrainteparticulièreà

t'imposer.Detoutefaçon,sachequel'onneseverrapastrop.Jetravailledenuitdansunclubdejeuxvidéos.Doncquandtupartiraspourlafac,jereviendraiicipourdormir.Onneferaquedesecroiser.— Juste une petite précision avant que tu ne le découvres malencontreusement. Je n'y connais

absolumentrienaujeuxvidéos.Çaposeunproblème.Ilsoupirepuis,aprèsavoirmarquéunepause,mejetteunsourire.—Biensûrquenon.Net'inquiètepas,jetedonneraidescours.(Unsilence.)Rassure-moi,tuconnais

Tetris,quandmême.«Pourquiilmeprend?»Jenepeuxm'empêcherd'éclaterderire.

Cecolocatairen'apasl'airtropdérangeantetilmeparaîtmêmeplutôtsympaauxpremiersabords.Ilfaudravoiravec le temps,maiscelameparaîtplutôtbienengagé. Jemedisque j'aiquandmêmeunechanceinouïedepouvoirretombersurmespattesalorsqueCharlottevientdemejeterhierdejenesaisquelétage.Mêmeunchatn'yarriveraitpas.Autrepointpositif:jen'auraispasbesoindesortirmoncouteauàhuîtres,niaujourd'hui,nidansles

joursquiviennent.IlestconnectéenpermanencesursonPCetn'apasl'aird'êtredutoutbranchésurlecul.Visiblement, iln'aque les jeuxvidéosdans savie. Ilyade forteschancespourqu'il soit encorepuceau.Tantmieux,jevaispouvoirvivreicientoutesérénité.

Chapitre5Noussommessamedi,etcelafaitsixjoursquej'aiemménagédansmonnouvelappartement.Lemoins

quel'onpuissedire,c'estmoncolocataireestd'unenaturediscrète.Depuisqu'ilm'aremislesclefslundisoir,jenel'aipasrevu.C'estexactementcommesijelouaisseuleunappartement.Justequelquespetitspoints d'achoppement,mais rien de biengrave.Pour travailler, je n'ai pas de vrai bureau. Je doismecontenterdelatableminusculedelacuisine.Ilyaaussilemanquedeplacards.Iln'yenaqu'unseuldanslecouloir,maisilestdéjàpasmaloccupéparlebazardeBenjamin.Pourlemoment,mesaffairesrestentdansmesvalises,enattendantde trouverunesolution.Leplusgênant,cesontbiensûr lescinqétagesd'escalieràgravirplusieursfoispar jour.Moiquiavais l'habitudedeboirede l'eauenbouteilles, j'airapidement opté pour l'eau du robinet. J'ai pris cette décision juste après avoir remontémon premierpack.Etpuis,jemedisquecechoixestbonpourlaplanète.Carquoideplusécologiquequ'uneeausansemballage?J'ai fait ma réinscription à la fac mardi. J'ai à peu de chose près les mêmes profs que j'avais en

troisièmeannéedelicence,jenevaisdoncpasêtredépaysée.Leseulehic,c'estquejeneconnaisplusgrandemondedansl'amphi.Ilvafalloirquejemefassedenouveauxamis.Çaviendraavecletemps.Jen'arrivetoujourspasàcomprendrelechoixd'Alex,lepourquoidesonexilsiprécipitéàRennes.

J'ai regardé sur le site internet de son université, lemaster qu'il vise n'a rien d'exceptionnel. Je diraimêmequ'ilsetrouveendeçàdeceluideDauphine.(Bon,d'accord,monpointdevueestpeut-êtrealtérédufaitquejerêvequ'ilnequittepasParis,maisentoutcas,c'estmonressenti.)Laseulechose,c'estquel'emballageestbeau.LaplaquettedisponibleenPDFfaitl'éloged'uneformationvousgarantissantuneinsertionprofessionnellelameilleurqu'ilsoit.EspéronsjustequecenesoitpascejolipaquetcadeauquiaitconvaincuAlexd'allerlà-bas.Demain, je vais àRennes pour passerma journée avec lui.Àmoi de trouver lesmots justes pour

l'amener à revenir sur sa décision. Certes, les inscriptions par internet pour la fac de Dauphine sontcloses,maisenserendantausecrétariatetenfaisantunjolisourireàlasecrétaire,ilestencoretoutàfaitpossibledes'inscrire.Ilm'aplutôtétédifficiledefaireensortequ'ilmereçoivedemain,carilesttrèsoccupéàrechercher

un appartement.Oui, contrairement àmoi, il n'a pas eu la chancede trouver la perle dès sa premièrevisite.Ilfautqu'iltrouverapidement,carl'hôtel,cen'estpasgratuit,etçavafinirparcuber.Il patinedans sa recherched'appart', et cela joueplutôt enma faveur.Le fait qu'il n'ait encore rien

trouvé, qu'il n'ait encore aucune attache sur Rennes va me faciliter la tâche pour le convaincre derenonceràsonexil.JeprendsdemainletrainpourRennesenpartancedeMontparnasseà7heures13.Minuit.Jemecouchetoutensachantquejenedormiraipas.Dansmonlit,jevaiscontinueràaffûter

mesarguments,cartoutàl'heure,jen'aiqu'unseulobjectif:ramenerAlexdansmesbagages.

***Lesbocages,leschampsdéfilent.Rennesserapprochent.Dansunevingtainedeminutes,jeseraijuste

enfacedelui.Jesuiscertainequ'ilm'attenddéjààlagare.Àladescentedutrain,jevaistombersurlui.Moncœurbatdeplusenplusvite,plusvitequecetrain.

Letrains'arrêteengare.Jedescends.Ilestlà,justeenfacedemoi.Ilsavaitquejemetrouveraisdans

cewagon,quejedescendraisparcetteporte.Jem'approchedelui,nousnousfaisonslabise.Sabarbedelaveillemepicotelajoue.Non,cen'estpasdumasochismemaisjetrouveçaagréable.Jenesaitpascommententamerlaconversion—jemerendscomptequec'estbienplusfacilelorsquel'onsetrouvedevantunécrand'ordinateur.Matimiditémefaitrougircommeunetomate,ils'enaperçoitforcément.—Levoyages'estbienpassé,medemande-t-il.J'essayedejouerlacartedel'humourpourdégripperlasituation.—Oui.Jecroisquec'estlapremièrefoisdemaviequej'aiuntrainquiarriveàl'heure.Illâcheunsourire.—Alors,commeçaonrevientduJapon?—Alors,commeçaons'exileàRennes?Unautresourire.—Malheureusement, ça va être difficile de t'accueillir dansma chambre d'hôtel, car elle est toute

petite.Moi,cequejetepropose,c'estquejetefassedécouvrirunpeulaville,puisonseposerasuruneterrasse.—OK,çamarche!NousquittonslagaredeRennes.Unbâtimentmoderne,toutenverre,sanscharmeparticulier.—JepensequetufaisuneerreurenrevenantsurParis.Jem'étaisdoutéquecesujetreviendraitrapidementsurletapis.Çan'apasloupé!—Oui,tumel'asdéjàditautéléphone.Maisc'estmonchoix.Etjetefaisremarquerquesijen'étais

pasrevenue,nousn'aurionspaspunousvoir.Ilserendcomptequemadécisionestirrévocable,iln'insistepas.Jegardelecap.Maintenant,c'està

montourdel'asticoter,afind'arriveràmesfins:—Simoi je fais une connerie en revenant àParis, toi tu en fais unemonumentale en t'expatriant à

Rennes.Carjemesuisintéresséeauclassementdesfacs,etcelledeRennesaunecotationtrèsinférieureàDauphine.—Oui,maisça,cenesontquedesclassements.C'estletauxd'embaucheàlasortiequ'ilfautprendre

encompte.—Jem'excusedecequejevaistedire,maisAlex,jetecroyaisbeaucoupmoinscrédulequeça.Tu

saistrèsbienqueleschiffres,onpeutenfairecequel'onveut.Leurplaquetteenpapierglacéestcertestrèsjolie,maiscequ'ilyadessusnereflètepasforcémentlaréalité.»Etpuis,jemesuisrenseignéeàproposdesétudiantsdelapromopassée,poursavoiroùilsontfait

leur stage. Franchement, quand tu regardes le nom des entreprises, ça fait sourire. Toi, tu préfères tecontenterd'une2CVquandtupeuxt'offriruneRollsRoyce.—Merci.C'estgentildesetracasserpourmonavenir.—De rien. Franchement, laisse tomber Rennes et reviens sur Paris. Cette fac, c'est une mauvaise

affaire.—Malheureusement,çarisqued'êtredifficile.J'aidéjàfaitmoninscription.J'airendumonappart'sur

Paris.Et jeviensd'en trouverunsurRennes.Hier, j'avaisunepiste sérieusechezunparticulier, etçac'estconcrétisécematin-même.D'ailleurs,ilm'aappeléjusteavantquetuarrives.Ilmeremetslesclefsdemainmatin.Aïe ! IlestbloquéàRennes ! Ilne faudrapasque jecomptemesheurespasséesdans le trainsi je

souhaitevivreaveclui.

***Nous sommes sur la terrasse d'une brasserie du Vieux Rennes en train de partager un café et un

croissant.Nousparlonsdetoutetderien.Ilestauxalentoursde10heuresdumatin.Auparavant,Alexm'afaitdécouvrirunpeulaville.Pourcela,nousavonsmarchéunebonneheure.J'aibienfaitd'emmenermonparka rouge enplumes car aujourd'hui, il y a duvent.Tout à l'heure, le ciel étaitmenaçant, à unmoment,j'aicruqu'ilallaitpleuvoir.Cejugementneregardequemoi,maisjetrouvequeRennesn'estpasunevilletrèsagréable.Ilyalesmêmesenseignesquepartoutailleurs:unSephora,unH&M,unZara...Aucuncharme.Aucuneoriginalité.Lesheurespassent,nousnedécamponspasdelaterrasse.Nousnousfaisonsservirlerepasdumidi,

puislequatre-heure.Alexestassisenfacedemoi.Nouséchangeonsdesbanalités,nousnousobservons.Les rares foisoùnousnous séparons, c'estpouraller aux toilettes.Notreprésence sans fincommencevisiblementàagacerlegérant.Lacathédralesonnecinqcoup.17heures.Ilesttempspourmoiderejoindredelagare,deréintégrer

manouvellecoloc'.AlexetmoisommessurlequaidutrainpourParis,quipartà17heures27.C'estlemomentdesedire

aurevoir.Unesimplebisenemesuffitpas, j'aienviede l'embrasser.Alors jem'approchede lui,monparka en plumes s'enfonce dans sa veste en cuir, mon slim blanc effleure son jean bleu, je sens del'humiditéauniveaudemonentrejambes...Ilmerepousse.—Non,Laurence,jenepeuxpas.—Pourtant,tutesouviensbiendecequ'ils'estpasséentrenousl'annéedernière?—Oui,maisdisonsquec'étaitunaccident.Cesoir-là,l'alcoolnousafaitfaireunpeun'importequoi.—Tuveuxdirequoiparlà?Quetunem'aimespas?Quec'étaitjusteunehistoiredecul?Pourtant,

touslesmailsqu'onaéchangé...—Non.Sachequej'aidessentimentspourtoi.Maisjenemesenspasprêt.Ilfautquel'onattendeun

peuavantd'allerplusloin.Jem'éloignedeRennesenfaisantunconstatchargéd'amertume.Jen'aipasréussiàfairerevenirAlex

sur Paris. Alex, visiblement encore puceau, ne veut pas s'engager. Les choses se compliquent pourparveniràmesfins.

Chapitre6Voilàmaintenant plusieurs semaines que j'ai emménagéAvenue de Breteuil et une nouvelle routine

commencepeuàpeuà s'installer.Contrairement à celuideCharlotte etde son Jules,monquartier estparticulièrementbienachalandé.Ilyanotammentàdeuxpasdechezmoisunsupérette,unCasinoshop,oùjetetrouvetoutcequejeveux.Jefaisd'ailleurstoutemescourseslà.Plusbesoindeprendrelemétroet de traverser toute la ville comme avant pour faire le ravitaillement.Quant àmon colocataire, c'estvraiment l'homme invisible. Je l'ai juste croisé quelque fois en courant d'air de porte. En tout cas,toujourslesourireetunmotgentil.Visiblement,ilnevienticiquepourdormir...lejour.Ilnemangepaslà,car lesplacardsde lacuisinesontvides.LesseulesdenréescomestiblesquisontensapossessionsontdespacksdeCoca.Ilyaentoujourstroisouquatre,entasséssoussonbureau,danslecoindroit.Audépart,jemedisaisqu'ilavaitbienducouragepourpropulsercespacksdeneufkilosaucinquième,maisenfaitc'estunmalin.Ilnemonterien,c'estunlivreurquisechargedelasalebesogne.Sachantquelaplupart des immeubles de ce quartier sont construits de la même façon — c'est-à-dire dépourvusd'ascenseur—,lepauvreemployédoitavoirledospétéàlafindelajournée.D'ailleurs,laprochainefoisque jemerendraiauCasinoShop, je leurdemanderaicombiende leursmagasinierssontenarrêtmaladiepourcausedelumbagos.Àmonavis,lenombredoitêtreimportant.Pourcequiestquestiondurangement de mes fringues, j'ai réussi à négocier avec Benjamin l'installation de deux vestiaires àroulettes d'unmètre de long chacun. Pour lemoment, nous les avons disposés devant la fenêtre dansl'attentedetrouverunesolutionplusesthétique.QuantàAlex,ilhantetoujoursautantmonesprit.Nouscommuniquonsparmail,maisdepuisquejelui

airenduvisiteàRennes,jeletrouveunpoilmoinssympa,unpeuplusdistant.J'ai l'impressionquejesuisentrainleperdre.J'ail'impressionqu'ilfautquejeréagisserapidementsijeleveux,sinonilrisquedemefilersouslesdoigts.Jen'aipaslechoix,ilfautquejemejetteàl'eau.Quej'aillelevoiretquejeluiavouecequej'aivraimentsur lecœur.Luidirequejesuisamoureusedeluietquejenepeuxpasimaginermonavenirautrementqu'àsescôtés.Maintenant,ilfautquejetrouveuneraisonexpliquantlepourquoid'unevisiteimpromptueàRennes.

Maisj'aidéjàunepetiteidéeàcesujet-là...

***Cesoir,j'aienviedemangerunesoupeauxpoireaux.Alors,ensortantdelafac,jefaisundétourpar

leCasinoshoppouracheterunebottedepoireauxetdelacrèmefraîche.Jepasseencaisse.Rienàdirequantàl'amabilitédupersonnel.Legarsàlacaisse,unpoilplusjeunequemoi,merendlamonnaieaveclesourire.Jequittelemagasin,prendladirectiondemonappartement...Alex?Cen'estpaspossible!Non,çanepasêtrelui!Non, Laurence, tu ne rêves pas. Les cheveux châtains. Le teint bronzé. Le visage en général. La

taille...Cenepeutpasêtrelui.Pourdeuxraisons.Àcetteheure-ci,ilestàlafac,àRennes.Ets'ilavaitétésur

Paris,ilmel'auraitdit.Non,Laurence,c'estbienlui.Regardebiensonvisage.Sestraits.Lapupilledesesyeux.Cenepeut

êtrepersonned'autre.Mêmes'ilavaitunfrèrejumeau,ilnepourraitpasluiressemblerautant.Messensmetrompent.Enréalité,cetypeneluiressemblepasdutout.J'aitellementenviequ'ilsoità

mes côtés que je deviens folle. Mes yeux tordent la réalité. Il suffit que quelqu'un lui ressemblelégèrementpourquejecroisquec'estlui.Non,Laurence,tuvoistrèsbien.Tun'aspasbesoindeconsulterunpsy,nid'allerchezOptic2000.Pourmeviderlatête,jevaisjoueràunjeu.Quandj'étaisgamine,ilm'arrivaitdesuivredesgensau

hasarddanslarue.Tiens!Lequadragénairebrunquipassedevantmoi,jelesuis!Non,Laurence,tonjeu,cen'estpasdrôle.Vingt minutes de métro émaillés d'un correspondance. Puis cinq minutes de marche à pieds... Je

découvrequecetinconnuserenddanslequartierPigalleetentredansleSexodrome.Constat:unehallucinationvisuelleetunjeudepsychopathe,jesuisvraimentunemaladementale.

***Troisjoursplustard.Lesoirenrevenantdelafac.JesorsduCasinoshop...Non,là,c'estducomique

derépétition.Le«sosie»setrouvesurletrottoird'enface.Laurence,situasundoute,tusaistrèsbienqu'ilexisteunmoyensimplepourenavoirlecœurnet...Je ne peux plusme contrôler. Je laissemon inconscientme piloter. Je sorsmon portable et essaie

d'appelerAlex...C'estbien,Laurence.Tudevraism'écouterplussouvent.Moncœurcessedebattre.Jenepeuxplusrespirer.Jesuisparalysée,jemesensaussirigidequ'une

statue.Etaussifragile...—Laurence?Laurence?TuvoisLaurence,quic'estqu'avaitraison?Jenepeuxpas lui répondre.Dansmatétanie,mamains'estouverteetmoncellulaires'est fracassé

contrelegoudron.Qu'est-cequejefais?Jetraverselaruepourallerlevoir?Non,onvajoueràunjeu.Çavaêtreplus

drôle...MétroSaintFrançois-Xavier—Ligne13(Mastationdemétro)CorrespondanceàDenfert-Rocherau.Ligne4directionMairiedeMontrouge.DescenteàAlésia.MaisAlésia,c'estlastationdeCharlotteetdesonJules.Ilneserendquandmêmepaschezeux.

Non,ildoitserendrechezquelqu'unquihabitedanslemêmequartier.Bahsi,Laurence,ilserendchezCharlotte.Tuveuxqu'ilailleoùdanscettedirection?Jepoursuismafilature.LecercleseressertautourdechezCharlotteetsonJules.Merde!Ilrentrechez

Charlotte.Qu'est-cequ'ilvafoutrechezelleàcetteheure-ci?Qu'est-cequejefais?Jesonnechezeuxetjevaislesvoir?Non,ilesthorsdequestionquejerevois

Charlottedemonvivant.Qu'est-cequ'ilfaitchezCharlotteàcetteheure-ci?Etpourquoinem'a-t-ilpasditqu'ilétaitdepassage

surParisaujourd'hui?Laurence,tun'auraispasunepetiteidée?Justeunetoutepetite?Non,pasça!Afind'évacuertoutespenséesnauséabondes,ilfautquejetéléphoneleplusvitepossibleàAlexpour

m'assurerdesasincérité.Moncœurbatlachamade,j'aihorreurdevivredansledoute.Maisjen'aiplusdetéléphone.J'aipulvériséceluiquej'avaissurletrottoirdevantlasupérette,inutile

dedirequ'ilnefonctionneplus.« Pouvez-vousme prêter votre téléphone ? » Je parcours la rue, questionne tout les passants, et la

réponseesttoujourslamême:«non».Untéléphone,vite!Orange.C'estquandlasolutionsetrouvesousnosyeuxqu'onnelavoitpas.IlyauneboutiqueoùilsvendentdestéléphonesjusteenfacedechezCharlotteetsonJules.Je regarde dansmon porte-monnaie.Un billet de 20. Est-ce qu'on peut avoir un téléphone avec 20

euros?J'endoutemaisallonsvoirquandmême.Ilfautquejesache.J'aide lachance, laboutiqueestdéserte.Levendeurestun jeunebrundumêmeâgequemoi. Ilme

sautedessusdèsquejefranchislepasdeporte.—Bonjour,vousvenezpourquoi?—Pourremplacermontéléphone.J'aieuunpetitsouciaveclemien.Jeluiprésentemontéléphonedétruit.Ilrit:—Ahoui,ças'impose.Ilm'orienteverslesvitrinesoùsontexposéslestéléphones.—Alors vous vous orientez vers quelle offre ? Un mobile nu ? Ou une offre avec abonnement ?

Actuellement, il faut savoir qu'avec le lancement du nouvel iPhone, nous proposons une offre « sérielimitée»trèsintéressante.20%deréductionsurleprixdel'abonnementlesdeuxpremièresannée.Vite,vite!Jem'enmoquedesaréclame.Untéléphone,jetedemande!—Jecherchejusteuntéléphonequinefassequetéléphone.—Etvousavezunbudgetdecombien?—Vingteuros.

Quand je lui annonce la somme, je me rends compte qu'il se moque de moi. Mais il arriveparticulièrementbienàlecamoufler.Unejeunecommemoidoitenprincipeêtrebranchée4G,pasavoiruntéléphonepourpersonnedeplusde75ans.—Vousavezcemodèleà19euros99,àécrancristauxliquides,noiretblanc.—Parfait.Ilsortletéléphoned'unplacardsetrouvantendessousdelavitrine.Jepasseencaisse.Ilmerendle

uncentime.—Vousvoulezquejevousfasseunefacture?—Non,çaira.Merci,aurevoir.—C'estmoiquivousremercie.Aurevoir,Madame.Jesorsdumagasin.Extraislecellulairedesoncarton.InsèrelacarteSIM.Moncœurbatdeplusenplusvite.Patience,dansuneseconde,jeserairassurée.Ouhorsdetesgonds,Laurence.Situluitéléphones,c'estquetuasquandmêmeundoute.—AllôAlex,c'estLaurence.—Oui,j'aivuquetuavaisessayédem'appelertoutàl'heure.—Actuellement,tuesoù?—Bah,àRennes.Pourquoicettequestion?

Chapitre7—Madame,vousm'entendez?Autourdemoi, labrumesedissipepeuàpeu.Levendeurde laboutiquede télécomsematérialise

lentement.Jemerendcomptequej'aiperduconnaissance,quejesuisallongéesurletrottoir,quejesuistombée.Apprendrequ'AlexétaitlepetitcopaindeLaurencem'amisehorsdemoi.Monespritn'apaspuencaisser ce violent choc émotionnel. Mon cerveau s'est déconnecté quelques instants. L'homme estaccroupiàcôtédemoi,ilestàmonchevet.—Nevousinquiétezpas!Lessecourssontenroute.J'aiappeléuneambulance,ellenevapastarderà

arriver.Uneambulancequivam'emmenerauxurgences...Jen'aipasenvied'alleràl'hôpital,surtoutquejene

ressens aucunedouleur. J'amorcemonélévationquand lemecd'Orangeposebrusquement samain surmonbraspourinterrompremonmouvement.—Jen'aipasbesoind'alleràl'hôpital,luidis-je.Jen'aimalnullepart.—Vous n'avez pas encoremal car pour lemoment, votre corps sécrète des endorphines.Mais très

bientôt, croyez-moi, vous allez hurler de douleur. Car vous avez une sacrée plaie derrière la tête.Pratiquementdixcentimètres.Ilvafalloirvousrecoudre.Bon,ilvayavoirunpassageparlacasehôpital.Paslechoix.Pendantquej'attendsl'ambulance,levendeurramassemontéléphone.Enfin,cequ'ilenreste.Bouts

deplastiquenoirs.Circuitsimprimésenmiettes.Unécrancristauxliquidesquifuit...Lascèneserépète.Mevoilàrevenuedanslasituationquiétaitlamiennedeuxheuresplustôt.Ilfautquejeremplacemoncellulaire.Unetellehistoirerelèveducomiquederépétition,celamefaitsourire.Celafaitaussisourirelevendeur.Enregardantsonvisage,jecomprendssespensées:«Pasdepot,cetéléphoneàeuuneviecourte.Ilvafalloirencoreleremplacer.»Unescènequiserépète,maisavecunpetitbémol,toutefois.Contrairementàdeuxheuresplustôt,je

n'aipasd'argent.L'effetdesendorphines sedissipeet je commenceàavoirmalderrière la tête. Jene suispasd'une

nature douillette, aussi, cette douleur est tout à fait supportable. Les pompiers arrivent, m'appliqueaussitôt des compresses homéostatiques sur le crâne afin de calmer l'épanchement de sang. Puis ilsm'installentsurunbrancardetmechargentdansl'ambulance.Alorsqu'ilss'apprêtentàm'enfermerdanslevéhicule,legarsd'Orangetentederentrer.—J'aiquelquechoseàluidonneravantquevousl'embarquiezàl'hôpital,dit-ilauxpompiers.Jen'aiaucuneidéedecequ'ilveutm'offrir,mais jenevaispas tarderà lesavoir...Unambulancier

s'approche demoi etme remet un carton en tout point semblable à celui que j'avais en sortant de laboutique.Untéléphoneneuf.—C'est gentil, mais je ne peux pas accepter, je n'ai pas d'argent, dis-je suffisamment fort afin de

couvrirlebruitdumoteur.—Çanevouscoûterarien.C'estjusteunéchange.Jevaisrenvoyeràl'usinelemodèlequevousavez

détruitenleurexpliquantqu'ilyaeuunproblèmedansletransport.Bellecombine.Nouséchangeonsunsourire.

—Merci.Mercipourtoutcequevousfaitespourmoi.—Vousn'avezpasàmeremercier.Çanemecoûterien.Sijepeuxrendreservice,jelefaisvolontiers.Pas le tempsde luidire« au revoir»,puisqu'il disparaît brutalementderrièredeuxportes enacier

imposantes.L'ambulancepartentrombeversl'hôpital,sirènehurlante.Une fois arrivée auxurgences, onmeprenden chargepresque aussitôt.Une infirmière s'armed'une

tondeuseetcréeuneentailledansmachevelureblonde.Unebanderectiligned'uncentimètresetdemidelargedepartetd'autredelaplaieetdedixcentimètresdelong.Jenedramatisepastrop.Vuquej'ailescheveux longs, ilmesera faciledecamouflercetteencocheen laissantmescheveuxdétachés.Puisunmédecinmefaithuitpointsdesuture.Etc'estlàquejedégusteleplus.Alex,regardedansquellesituationjememetspourt'avoirdansmesbras.N'est-cepasunepreuve

d'amour?Malheureusement,tuaimesuneautre...

***Duvert,duvertpartout.Çafaittoutdrôlederevenirici.Mevoilàchezmesparents,plusd'unanqueje

nelesavaispasvus.MesdaronshabitentenNormandie,ausudduMont-Saint-Michel,dansunhameaudequelquesmaisonsperdudanslesprés.Autourdeleurbâtisse,despâturagesetdesvachesàpertedevue.Pourvenirici,j'aiprisletraincematinà7heures13àSaint-LazareetjesuisarrivéeàAvranchesà12heures05.Mamèreestvenuemechercherpourfaireenvoiturelescinquantekilomètresrestants.Àprésent,jemetrouvechezeux.Jeviensdem'asseoirdanslecanapédusalon.Jebalaiedesyeuxlapièce.Poutresetmeublesenchênesvieillots.Papierspeintsdéfraîchis.Aucun

changement.Ladécoestrustique.D'ailleurs,c'esttoutelamaisonquiestàcetteimage.Jeregardemonpère,quiestassisdanslefauteuilenfacedemoi.Ilapprochedelacinquantaineetson

visageestdéjàbienridé.Sescheveuxsonttoutblancs,coupésàras.Cetavisn'engagequemoi,maisjenetrouvepasquecettecoupedecheveuxlemetteenvaleur.Coiffédelasorte,ilfait«bourru»...cequin'estpasloind'êtrelerefletdelui-mêmepuisqu'ilnetardeàmesermonner.—Alors,commeça,onabandonneleJapon?—Oui,là-bas,jemesensseule,jedéprime.Unansansvousvoir,tunepeuxpasterendrecompteà

quelpointç'apuêtrelong.—Tuterendscomptedelaconneriequetuasfaite?Nous,onsesaignelesveinespourpouvoirte

payerdesétudes,quetuesunavenirmeilleurquelenôtre,ettoi,tumedis,unansansnousvoir,c'esttroplong?Uneviesansboulot,àvivresouslesponts,çarisqued'êtrelong.—Mais,iln'yapasbesoind'allerauJaponpouravoiruntravail...—Qu'est-ceque tuentendspar« travail»?Finircaissièredansun supermarché,pour toi, c'estun

travail?Tuaseulachanced'intégreruneuniversitéderenom,depouvoirviserunboulothautplacé,ettoi,tumetstoutàlapoubelle,suruncoupdetête.Tupréfèrestecontenteruneplacerasdespâquerettes.Ça y est ! La locomotive est lancée.Mon père fait un peu de modélisme ferroviaire à ses heures

perdues,etquandletrainestenmarche,iln'estpluspossibledel'arrêter.Sonvisagedevientdeplusenplusrouge.Satêtenetardepasàdevenirunbouletdecharbonincandescent.J'essaiedeleraisonner:—Tudisn'importequoi.LemasterdelafacDauphineesttrèsbien,cen'estpasuneformationpour

fairecaissière.—Peut-être,maistuavaislapossibilitédefaireencoremieux,doncjenetecomprendspas.—L'essentieldanslavie,c'estd'êtreheureux.—Ceuxquidisentquel'argentnefaitpaslebonheurontfauxsurtoutelaligne.Regarde-nous,moiet

Maman,dansquellesituationonsetrouve.Tuveuxpeut-êtrerependrenotreexploitation,regarderenfindemoiss'ilteresteuncentimepourt'acheteràbouffer?Aveclesaidesdel'Europequisontdeplusenplusfaible,jenesaismêmepassijevaispouvoirencoretenirdixans,jusqu'àlaretraite.Laurence,tuviens de faire une sacrée connerie. Je pensais que ma fille était suffisamment intelligente pourcomprendreça,maisvisiblement,jemesuistrompé.Aprèsceremontagedebretellesenbonneetdueforme,jeparsrejoindreClémentine,mapetitesœur

dehuitans—mavraiesœur.Ilyaquatorzeannéesd'écartentrenousdeux.Mamèrem'aeuàvingtans.Àtrente-quatre,elles'estlaisséetenterparunenouvellematernité.Jerentredanssachambre,chambrequiétaitlamiennequandj'étaispetite.Aujourd'hui,vuquejene

viensplussouventàlamaison,jemesuisexpatriéesurleconvertibledusalon.Dupapierpeintàfleurssuranné.Untoutpetitlitblanc.Delamoquettepoussiéreuse...celieun'apas

changéd'unpouce.Cettepièceestchargéedesouvenirs.Debonscommedemoinsbons.Jepenseàtouscesmomentsde solitudes—desaprès-midi entières !—où j'étais seuleàmebattrecontre le temps,aveccommeuniquearme,mespoupées.Qu'est-cequel'onpeutsesentirseulquandonestenfant.Mesparentsm'abandonnaientdanscetendroit,unesortedeboîteàchaussuresde8m²,àmoidetuerletemps.Ma sœurest assise en tailleur aumilieude lapièce.Elle joueà lapoupée, jemem'assieds à côté

d'elle.J'observelascène.Barbie«agentsecret»etKensontcollésl'uncontrel'autre...—Kenestentraindeluifairedubouche-à-boucheàBarbiepourlaréanimer.Maisenfait,cen'estpas

vrai.Ellen'arien.Ellefaitsemblantd'avoireuunaccidentpourqu'illuifassepleindebisous.Coquine!—Disdonc,c'estuntrucdegrand,ça.Tuesdrôlementenavancesurtontemps.J'aienviedejouerunpeuavecelle.—Tiens,prête-moitesamoureux!Ellemedonnelecoupleavecunpeuderéticence.Queva-t-illeurarriver?Je fouille dans la caisse de poupées qui se trouve par terre à côté de nous et je sors une Barbie

arborantunetenuedesoirée.—Elle,nousl'appelleronsCharlotte.—Oui,merépond-elletimidement.—Maintenant,imaginonsqueCharlotteaitvoléKenàBarbie«agentsecret».(JerapprocheKende

Charlotte.Éloignel'agentsecret.)QueferaitBarbie«agentsecret»?—Bah,elleferaittoutpourrécupérerKen.—Etelles'yprendraitcomment?—Charlotteestunevoleuse.Ilfautqu'ellelatue.—Latuer?Tusaistrèsbienquesiellelatue,ellefinirasavieenprison.Non,ilfautqu'elletrouve

uneautresolution...

—Si,ellepeutlatuer.C'estunagentsecret.Lapolicenepourrajamaislaretrouver.Pourlecoup,cen'estplusBarbie«agentsecret»,maisBarbieTuriquequiempoisonnetouslesgens

quisetrouventsursonpassage.Cequemeracontemapetitesœurm'émeutparticulièrement.Jenepeuxm'empêcherdelâcherunelarme.—Qu'est-cequet'asgrandesœur?medemande-t-elleavecsatoutepetitevoix.—Riendutout.Maisentoutcas,tuasdelachancedevoirleschosescommeça.Tuveuxunconseil:

restejeune,nevieillitpas.Aiestoutetaviesixans.TuseraslaplusheureusedesfillessurcetteTerre.Notremèredébouledans lapièce, ellenousprendpar surprise.ContrairementàPapa, le tempsn'a

aucuneactionsurelle.Depuisquejelaconnais,elleatoujourslamêmetête,toujourssescheveuxbrunsbouclésquiencadrentsonvisage.—Disdonc,tun'espasunpeugrandepourjoueràlapoupée.Heureusement,quetonpèren'estpaslà.

S'iltevoyaitentraindet'amusercommeunegaminedehuitans,ilrisqueraitd'avoirunecrisecardiaque.Tu veux un conseil : si j'étais à ta place, j'irais dans ma chambre. Et fais un minimum semblant detravaillerpourl'école.Jepensequeçavaudraitmieuxpourtoi.

Chapitre8Quelquesjoursplustard.ÀParis,dansmonappartement.Auxalentoursde18heures.Alexn'ad'yeuxquepourCharlotte, je l'aibiencompris. Jenecompte rienpour lui. Jesorsdemon

porte-feuilles l'unique photo que j'ai de lui, un briquet. Jemets le feu au cliché. Voir son portrait seconsumerlentementmefaitunbienfou.Notrehistoiren'estàprésentqueplustasdecendre,ilfautquejepasseàautrechose,leplusvitepossible.C'estuneurgencevitale.J'aibesoindemeretrouverdanslesbrasd'unautredèscesoir.Unrestobienarrosé.Del'alcoolpuis

desexe.Cen'estpeut-êtrepaslameilleurfaçonquimepermettradel'oublier,maisdansl'immédiat,jen'envoispasd'autre.Alors, jem'inscris sur Tinder. Je crée rapidementmon profil, avec comme photo demoi un selfie.

J'appuiesurcœursurunecinquantainedephotosd'hommesquiseprésenteàmoi.It'saMatch!VousetJosephavaitindiquéquevousvousplaisez.Laphotod'unhommedecinquante

anssetrouveàcôtédelamienne,letypemefaitpenseràl'acteurPierreArditi.Ilaàpeuprèslemêmeâgequemonpère.Peuimporte,jepasseraimasoiréeaveclui.Nous chattons pendant quelquesminutes, et nous convenons d'un dîner au restaurant. Il passerame

chercherenvoitureàmonappartementcesoirà20heures,soitdansdeuxpetitesheures.Jemeprépare.J'optepourunepetiterobenoireassezlégère.Lenoirmesembleunassezbonchoix,

carilvamepermettrededissimulermesquelqueskilosentrop.J'aienviederesternaturelle,alorsjememetsjusteunepetitetouchedeparfumetjememaquilleavecparcimonie.Je suis un peu stressée. Car c'estmon premier rendez-vous de la sorte et je ne sais pas trop bien

commentcelavasepasser.20heures.Jedescends.Jen'aipasbesoindel'attendre,carsavoiture—uneMercedesnoireclasseA

—estarrêtéedanslecouloirdebus.Jemonteàcôtédelui.Ilmejetteunpetitsourire,accompagnédecesmots:—Vousêtestrèssexy!Ilcommenceparmemettreenconfiance,j'apprécie.—Merci,c'estgentil.—Pourlerestaurant,voussouhaitezuneadresseparticulière?—Non,en fait,pourêtre francheethonnêteavecvous,misàpart lespizzeriaset lesMcDo, jene

connaispastropdebonrestos.Doncsivousconnaissezunebonnetablequ'ilvoustientàcœurdemefairedécouvrir,n'hésitezpas.Cequejeviensdeluidirelefaitrire.—Trèsbien,nousallonsnousrendreauDanubeBleu,dansleIXe.

Au restaurant. Le Danube Bleu est un endroit très chic. Nous entrons dans une grande salle

rectangulaire.Ilyaunetrentainedetables,lamoitiéd'entreellesestdéjàoccupée.Surlagauche,ilyades tables unpeuplus à l'écart, séparées par des paravents. Nousoptonspour l'uned'entre elles.Leserveurvientversnouspournousdonnerlescartes,nousregardonslesmenus.Jechoisisdecommencer

parunverredevinrougebiencorsépourmedétendre.Luichoisitunwhisky.Ilengagelepremierlaconversation.Ilcomprendquejesuisunpeuangoissée.—Visiblement,c'estlapremièrefoisquevousparticiperàcegenrederendez-vous?—Oui.—Etqu'est-cequivousafaitfranchirlepas?—Enfait,voilà,ilyamoinsd'unesemaine,j'aidécouvertquemoncopainmetrompait,etj'aienvie

detournerlapageleplusvitepossible.Ilfautquejemeretrouvedanslesbrasd'unautre,neserait-cequ'unesoirée.—Jevois.Je regarde son annulaire gauche, histoire de vérifier quelque chose. Il a une alliance. Il s'est rendu

comptedemonmouvementoculaire.Celadevraitl'indisposer,maisnon.—J'aibesoindemaîtresses,m'explique-t-il.Mafemmealemêmeâgequemoi,etcommentdire,avec

les années, ses performances ne sont plus les mêmes. J'ai besoin de sang neuf. Pour être combléphysiquementmaispasque.Àvraidire,jenerecherchepasparticulièrementl'orgasme.Làoùj'éprouveleplusdeplaisir,c'estquandunefemmejouit,quandjeconstatequejesuisarrivéàlarendreheureuse.Vouspouvezvoussentirrassurée.Contrairementàtouscesjeunotscommevotrecopain,jesuisunhommed'expérience.Foiegrasdecanard,confitdefiguesenentrée.Magretdecanardaupoivresvertsavecsespommesde

terresautéesenplat.Crèmeàlavanillebourbonendessert.Nousprenonstouslesdeuxlemêmemenu.Nousmangeonsrapidement,l'espritailleurs.Nousn'avonsqu'uneseuleidéeentête:serendreàl'hôtel,attaquerladeuxièmepartiedelasoirée.J'hallucine.C'est l'hôteldans lequel jemesuis rendue ilyaquelques semainesaprèsqueCharlotte

m'estmise à la rue. Sacrée coïncidence, surtout que comme pour le resto, j'ai laissé carte blanche àJosephpourl'hôtel.Maiscechoixs'expliquesimplement.Commejel'avaisconstaté,celieuestbienlebaisodrômedeParis,lepointdechutepourlesrelationsextra-conjugales.—Bébé,laisse-toialler,détends-toi…Tun’aurasrienàfaire,jevaism’occuperdetout,jevaisbien

m’occuperdetoi….Tuassimplementàtelaisserfaire,ettoutsepasserabien.Nous venons d'entrer dans la chambre, ou plutôt le chalet en pin, et ce n'est plus du tout lemême

homme!Ilacarrémentchangédeton.Ilalaissétomberlevouvoiementpourundouxtutoiement.Normal,ilserendcomptequejesuisangoissée,quejenesaispasdutoutcommentcelavasepasser,alorsilfaittoutpourmetranquilliser.Maispourquoidevrais-jeavoirpeur?J'aiaffaireàunhommemûr,unhommemarié, qui a de nombreuses infidélités à son actif. Comme il me l'a dit plus tôt au restaurant, il saitcomment s'y prendre avec les femmes, il sait les combler. Il va bien s'occuper demoi, je n'ai aucunecrainteàavoir.Ilfautquejemelaissefaire.Alorsjefermelesyeux,m'abandonneàlui,àsonsouffle,àsesmainsqui

glissentsurmarobepouratteindremataille.Jesensseslèvresquidécouvrentladouceurdemapeau,sonnezquihumemonparfum.Enunmouvement,ilpassel'unedesesmainssousmarobe.Jefrissonneensentantsesdoigtsremontermacuisse.

Il a envie d'aller plus loin, moi aussi. Alors je l'aide à défaire ma robe. Quand je suis en sous-vêtements, il s'approche à nouveau demoi. Visiblement, mes rondeurs dévoilées au grand jour ne lerebutepas.Jesensànouveausamainremontermacuisse.Undesesdoigtspassesousmonstring,entredansmonvagin,entameunmouvementdeva-et-vient.Ilseglissedansmeschairslesplusintimes,aussiloinquepossible.Unhommemarié,d'expérience,dumêmeâgequemonpèreestentraindemedoigter.Le plaisir que je ressens est déroutant.C'est la première fois que je perçois une pareille humidité auniveaudemonentrejambes.Celan'astrictementrienàvoiravecmesplaisirssolitaires.Il aenvied'allerencoreplus loin,moiaussi.Alors il retire sondoigt, enlèveavecdélicatessemon

stringetmonsoutien-gorge.Puisils'écartelégèrementdemoi.Ilôtesachemiseblanche,sonpantalonentergalnoir.LesexedelastatueDaviddeMichelAngeapparaît—enfin,unboxersur lequel ilest imprimé.Je

trouvequecelaluivabien.Sacapacitéàcomblerlesfemmessemblecomparableàuneœuvred'art.Ilmeprendunemain.L'approchedesoncaleçon.M'inviteàlarentrerdedans.J'hésitepuisrefuse.Je

medésolidarisedeluietjereculed'unpas.—Bébé,pourquoituaspeur?Ilnefautpasavoirpeur.Tuesensécuritéavecmoi...Non,jen'aipasàavoirpeur.Alorsjefaisunpasenavantetjeglissemamaindanssonboxer.Elle

entreaussitôtencontactavecsonmembredoux,chaud,dressé,tendudeplaisir,gorgédedésir.Puis,ilreprendmamain,l'aideàdescendresonboxer.Maintenant,ilestnu.Commemoi.0vêtementpartout.Noussommesàégalité.—Bébé,tuveuxquel'oncontinue.J'ignore pourquoi mais je suis incapable de parler. Je hoche simplement la tête en guise

d’acquiescement.Alors ilmeprenddans sesbrasetm'allonge sur le lit. Il écartemes jambesavecdélicatesse, je le

laisse faire. Il se pose surmoi. Nous nous quittons pas des yeux tandis que son gland soyeux glissemillimètreaprèsmillimètredansmeschairsintimes...Sonmembrearriveaufond,jenepeuxm'empêcherdefermerlesyeuxetsavourercettesensationquim'étaitjusquelàencoreinconnue.—Jenesaispassionauraitdûfairecequel'onvientdefaire?—Bébé,pourquoitudisça,jet'airenduheureuse,non?—Alex...—Alext'atrompée,c'estnormalquetupassesàautrechose...—Enfait,jel'aimetoujours.J'essaiedel'effacerdemonesprit,maisjen'yarrivepas.Jen'envisage

paspassermavieavecquelqu'und'autrequelui.Charlottemel'avolémaisilestàmoi.J'aienviedetoutfairepourlerécupérer.Maisjenesaispascommentm'yprendre.—Jevois.Silence.Ilréfléchit.Visiblement,mesaléassentimentauxletouchent.— Je connais une psychologue— hypnothérapeute. Nathalie Hautois. C'est une amie à moi. Elle

pratique la thérapie de couple.Raconte-lui ton histoire, peut-être pourra-t-elle t'aider. Je n'ai pas sonnumérosurmoi.CherchesurlesPagesJaunes,tulatrouveras.

Chapitre9Jesuisdansmonappartement,allongéesurmonlit.Lesoleilestlà,ilestauxalentoursdedixheures

dumatin,etjen'aipasenviedemelever.Jeregrettefranchementcequej'aifaithieravecJoseph.Celaétaitdénuédesens.Jemesuisfaitsauter

par un type qui aurait très bien pu êtremon père. En y repensant, jeme dis que c'est dégoûtant. J'aivraimentl'impressiond'êtreunepute.Uneputequirecherchaitungigolo,carpourmoi,Josephn'avaitpasplusdevaleurqueça.Jenerecherchaisqu'àsatisfaireunbesoinphysique,toutcommelui.Jemedétesteenconstantquejesuistombéesibas.Pourrais-jeencoremeregarderdansunmiroir?Jen'ensaisrien.En tout cas, ce qui est certain, c'est quemon entrejambes est souillé à tout jamais. Il en portera lesstigmatesjusqu'àlafindemesjours.Maintenant,quelvaêtremonavenir?J'enaipaslamoindreidée.Jeregardesurmagauche,jevois

toutlematérielinformatiquedeBenjamin.Jemedisquejedevraispeut-êtrefairecommelui.Melancerdanslesjeuxvidéos,m'abrutir,nepluspenseràrien.Moncerveauseraitdévitalisé,moncorpsneseraitplusqu'unecarcassevide,ceseraitpeut-êtremieuxainsi.Jeregardelevolantetlapairedepédales.Jeme vois en train de rouler pendant des heures, sur des circuits de Formule 1 virtuels, l'esprit hagard.Devenirunenolife,c'estpeut-êtreçalasolution.Alex.C'estdemafautesicelan'apasmarchéentrenous.Pireencore,j'ail'impressionqu'ils'éloigne

chaquesecondedavantagedemoi.Pasplus tardqu'hier, j'aibrûlé laseulephotoquej'avaisdelui.Sareprésentation physique que j'ai dansmon esprit s'évapore peu à peu. Son portrait ne va pas tarder àsombrerdanslenéant.Lepointfinaldenotrehistoireestproche.Ai-jeencoreunechancedepourvoir renouerun jouravecAlex?Mongigolom'aconseilléedeme

faireaiderpourl'unedesesconnaissances,NathalieHautois,maisjemetâte.Jen'aijamaiseuconfiancedanslecorpsmédical,encoremoinsdanslespsys.

Chapitre10Bahd'accord!Jerisquedepassermasoiréedanslasalled'attente!Peut-êtreserai-jeressortieavant

minuit?Je regardemamontre. 17 heures 55.NathalieHautois doitme recevoir à 18 heures, et il y a une

dizainedepersonnesquiattendentleurtour.Ilvafalloirquejememontrepatiente!Jem'avancedanslasalle.Jeconstatequ'iln'yaquedesseniorsautourdemoi.C'estàcroirequeje

suislaseulejeunefemmesurTerrequiaitdesproblèmes.Uneexemplaireunique.Jevais avoir le tempsd'apprécier le décorumde lapièce.Une salle rectangulaire.Boiseries àmi-

hauteur.Peintureblanchecrasseuse.Desfauteuilsenmoussenoirsquiontduvécu.Unehalogèneflanquéedansuncoin.Del'autrecôté,unetableavecposéesdessusdesrevus,qui,vuleurétat,ontsouffertd'unpassageintensif.Jem'approchedelatableafindetrouveruncatalogueàmemettresousladent,histoiredemeublerl'attente.Maiscequejecraignaisseconfirme:lesmagazineslesplusrécentsontdeuxans!Qu'ois-je?Unefemmevientd'appelermonnom.Jemeretourne.Jesupposequ'il s'agitdeMadame

Hautois,puisqu'ellemefaitsignedelasuivre.Ouf!Onnem'infligerapasàlirependantplusieursheuresdesnewspeoplepérimées. Je fais l'hypothèseque cette salled'attentedoit êtrepartagerparplusieurspraticiens,c'estpourcelaqu'ilyatantdemonde.Lapsychologuea la soixantaine.Elleestbronzée, ses ridessonmarqués.Elleportedesdemi-lunes

bleuessurleboutdesonnez.Sesincisivesavantmefontpenseràcellesd'unlapin.Sescheveuxattirentmonattention.Elleestblonde,maissoncarréesttrèsparticulier.Elleaajoutéàcettecoupeclassiqueunefrangeincertainequisembleavoirétécoupéeàlava-vite.Eneffet,lesmèchesdesafrangenesontpasdelamêmelongueur.Intentionnelouabusdeciseaux?Ilfaudraitquejeposelaquestionàelleouàsoncoiffeurpourenavoirlaréponse.J'entredanssoncabinet.Ellem'inviteàm'asseoirfaceàelle,devantsonbureau.—Alors,jevousécoute.Celan'ajamaisétél'amourfouentremoilesgensenblousesblanches.Maisaupointoùj'ensuis,j'ai

décidédelaisserunechanceàcettepsy.Detoutefaçon,danslasituationdanslaquellejemetrouve,ilseraitdifficilepourmoidetomberplus.Ilvamaintenantquejeluiracontemonhistoire,etjenesaispastropcommentm'yprendre.Jemelanceenmettantdirectementlespiedsdansleplat.—Voici lepourquoidemavenue. Je suis amoureused'unhomme, et il se trouvequemameilleure

amiemel'avolé.J'aimeraisquevousmedonniezdesclefsafinquejepuisselerécupérer.—Jecomprendsquecettesituationestparticulièrementdouloureusepourvous.Parlez-moiunpeude

votreamoureux.Sonnom,sonâge,cequ'ilfait.—Ils'appelleAlexandreCouturier,maistoutlemondel'appelleAlex.Ilalemêmeâgequemoi,22

ans.Ilestétudiant,enmasterdedroit.Moi,jesuisenmasterd'économie.—Etvousvousêtesrencontréscomment?Depuiscombiendetempsdurevotrerelation.—C'étaitaumoisdejuindel'annéedernière,lorsdelasoiréededésintégration.Ons'estrencontrés

surledancefloor.Luicherchaitunedanseuse,moiuncavalier:çaétaitaussitôtlecoupdefoudre.—Etcommentaévoluévotrerelationdepuisce«premierjour»?—Malheureusement,nosétudesnousontéloignés.Danslecadred'unpland'échange,jepartaistrois

joursplustardpourleJaponafindefairemonmasterlà-bas.Notrerelations'estpoursuiviparinternet,nousavonséchangédesmails.—Maisvousvousêtesquandmêmerevuspendantl'année?Ilvousestarrivédefairedessautsen

France,oùqueluisoitvenuauJapon?—Non,nousn'avonscommuniquéuniquementpasinternet.Audelàduprix,revenirenFrancepourne

serait-cepasserquequelquesjours,c'esttrèsdifficileàorganiser.Carilydescontraintesd'emploidutempsetilfautréussiràcaserlesquaranteheuresdevoyage,sionprendencomptel'aller-retour.—Jevois.Etquelleétaitla«teneur»devosmails?—Ilyavaitdelacomplicitéentrenous,c'estcertain,maisjesentaisqu'ilavaitdumalàmedirece

qu'ilavaitvraimentsurlecœur.Quantàmoi,j'aifaitensortedenepastroplebrusquer.J'aipréféréluilaisserdutemps,iln'étaitpasprêt.—Jevois.VousêtesrevenusenFrancedepuisquand?—Celafaitunmois.—Etvousvousêtesrevusdepuis?—Non.Enfait,oui.Jel'aicroiséparhasard,c'estàcemoment-làquej'aidécouvertquemonamieme

l'avaitvolé.—Etvotreamie,quellegenrederelationentretenez-vousensemble?C'estuneamieproche,ouc'est

justeunesimpleconnaissance?—Elle s'appelleCharlotte.Maisvouspouvezdirequec'estma sœur—en tout casque c'étaitma

sœur—tellementc'était fusionnelentrenous.Maisdepuisqu'ilyaeuceclash,nousnenoussommesplusjamaisadressélaparole.—Ledialogue!Ledialogue!Ledialogue!medit-elleenprenantuneintonationlyrique.Laurence,le

dialogue,c'estlaclefdetout!AvecCharlotte,vousentretenezunerelationconflictuelle.Cen'estpasàmoidedirecequevousdevezfairepourqueçaaillemieux,carvouslesavez.Moi,jesuisjustelàpourvousaidez.ElleveutquejerendrevisiteàCharlottepourjem'expliqueavecelle?Elleestfolle!Jamaisdela

vie!—Vousvoulezque j'aille lavoir.Non, jamais jene lepourrais.Aprèscequ'ellem'afait,c'est tout

bonnementimpossible.—Laurence, rien n'est insurmontable,me dit-il d'un ton rassurant. Je suis sûre que vous avez déjà

affronter des choses bien pires dans votre vie.Allez la voir !Quel risque prenez-vous en lui rendantvisite?Aucun.De toute façon, sivousne le faitespas, jenepourraispasvousaiderdavantage.VousdevezremportercettepremièreétapesivoussouhaitezrécupérerAlex.

Chapitre11Élaborerunestratégie.PrésenterdesexcusesàCharlottequantàmoncomportementlorsdemonretour

del'aéroport.RendrevisiteàCharlottesanstomberdanslespiedsd'Alex.Réussiràcontenirlahainequej'aienverscettevoleuse.LedéfiquemeproposedereleverMadameHautoisestdetaille.Maisilfautenpasserparlà,c'estsurlaroutequejedoissuivrepourrécupérerAlex.Premièreétape:trouveruncréneaudurantlequeljeseraicertainedenepasrencontrerAlex.Là, c'est du boulot de détective. Jeme connecte sur le site de la fac et j'étudie avec précision son

emploidutemps.Jerestepostéediscrètementdevantl'entréedeleurappartementafindecontrôlerleurallersetvenus.Àcertainsmoments,jemedisquejesuisunpsychopathe...cequin'estpasloind'êtrelecas.Ce travaild'observationrequiertplusieurssemaines,et j'enarriveà laconclusionque lemeilleurmomentpourluirendrevisitesesituelevendrediaprès-midientre14et17heures.PendantcecréneauAlexestencoursetCharlotteseretrouveseulechezelle.Deuxièmeétape:lecoupdetéléphone,afindefixerlerendez-vous.—Allô,jet'appelleparcequejem'enveuxterriblementdem'êtrecomportéedelasorteenrevenant

del'aéroport.Tuasraison,nousnepouvonspasvivreensemblejusqu'àlafindenosjours.Aujourd'hui,c'est une nouvelle page de notre vie qui s'écrit.Un nouveau cap à franchir. En tout cas, sache que jeregrettevraimentd'avoirréagicommeça,onn'apasledroitdeparleràsasœurdelasorte.Turesterastoujoursmasœursiamoise,mêmesionhabiteplusensemble.J'espèreavoirétéconvaincante,carjenepensepaslequartdecequejeviensdeluidire.Cerôlede

compositionmerappellel'atelierthéâtreauqueljeparticipaisàl'écoleprimaire.Jel'entendstousserdanssoncombiné.Ellealavoixenrouée.Visiblement,elleadûencoreattraperla

crève.—Tun'aspasàt'excuser,carj'auraisréagidelamêmefaçonquetoisij'avaisétéàtaplace.Etpuis,

c'estdemafaute.J'auraisdûtedireplustôtquej'avaisunpetitcopain.Maisjen'aipassucommentfaire.Jesuisunedégonflée.—Est-cequetuascoursvendrediaprès-midi?—Non,pourquoi?—Faudraitqu'onsevoit!Onatellementdechoseàdire.Quantonyréfléchit,çafaitpratiquementun

anetdemique l'onne saitpasvu.Pendant tout ce temps, il s'enestpassédes trucs.Doncsi çane tedérangespas,jepasseraicheztoivendrediendébutd'après-midi,çateva?—Tunepréfèresplutôtpaspassersamedi.Non,parcequ'Alexseralà,ceseraplusconvivial.

Lecoupduweek-end:j'avaisanticipé...—Non,samedi,jenepeuxpas.J'aipromisàmesparentsd'allerleurrendrevisiteceweek-end.Pour

Alex,cen'estpasgrave,jeleverraisuneautrefois.Cenesontpaslesoccasionsquinousmanqueront.Doncvendrediendébutd'après-midi,çateva?—OK,çamarche!—D'icilà,soignetagorge!

—Net'inquiètepas!J'aiplusieursboîtesd'Actifedd'avance.Tonalité.Commedansdubeurre.

Troisièmeétape:lavisite.Çamefaittoutdrôlededevoirsonneràl'interphonepourpouvoirentrerchezmoi.Enfin,quandjedis

chezmoi...ilfautquej'arrêtededirequec'esticichezmoi,parcequemaintenant,c'estleurappartement,pluslemien.Mon ex-colocatairem'ouvre.Le trois pièces se trouve au premier étage, je grimpe l'escalier. (En y

repensant,c'estvraiquec'étaitplussimplepourmonterlescourses.Hélas,ils'agitd'untempsrévolu.Nesois pas nostalgique, Laurence !) Charlotteme fait entrer dans l'appartement. Je lui fais une bise deconvenance.Ellem'inviteàm'asseoirdanslecanapé.Pasdechangementnotoiredanslapièceprincipalequifaitofficedesalon,decuisineetdesalleàmanger.Lesportesdeschambressontentr'ouvertes,j'enprofitepourreluquer.Etlà,ilyaduchangement!Machambreestdevenueleurchambre,ilsyontinstalléleurlitdouble.Uneraisonsimpleexpliquecettenouvelledisposition:machambreétaitlaplusgrande.Quant à l'ancienne chambre deCharlotte, elle est devenue... une salle de sport !Tapis roulant, presseoblique,bancd'haltérophilie...c'estunesalledefitnessformatpoche,puisquelapiècenefaitque8m².Cen'estpasCharlottequisesertdetoutcematériel,puisquedutempsoùonvivaitensemble,ellenepratiquait aucune activité physique. Non, c'est Alex qui a installé tout cet équipement. Je viensd'apprendre quelque chose. J'ignorais qu'il pratiquait la musculation. Il a dû commencer à pratiquerrécemment,caràl'heureactuelle,iln'apasvraimentlephysiqued'unbodybuilder.Elleentamelaconversation:—Alors,contented'êtrederetourenFrance?—Oui,commejetel'aidéjàdit,cetteannéem'asembléuneéternité.Êtreéloignédesafamilledeses

proches, des gens qu'on aiment, ç'a été mortel. Certes, il y a des moyens de communication commeinternet,Skype,maisçanefaitpaspareil,çaneremplacerajamaisuncontactphysique.Certainsarriventàs'accommoderdufaitd'êtreséparésparunepareilledistance,moipas.J'ensuisincapable.—Jevois.C'est sûrqu'avantdepartir, c'étaitdifficilepour toid'anticiper,de savoir commentcela

allaitsepasser.L'éloignement.Lefaitdeseretrouvertoutseul.Jusqu'àprésent,c'étaitquelquechosequetuignoraistotalement.Pourmoiaussi,ç'auraitétéunsautdansl'inconnu.Notreconversationsepoursuit.NouséchangeonsquelquesbanalitéssurmavieauJapon—leurbouffe

infâme, le fait d'être compris par personne. Une fois que j'estime avoir fait le tour de mon aventurenipponne—l'entrée—,jedécidedecommanderleplatderésistance.Çavamaintenantêtreàsontourdeprendrelaparole,demeparlerd'Alex.Etçavadevenirplusintéressant.—Alors,commeça,tuesamoureused'Alex?—Oui,ils'appelleAlexandreCouturier,ilalemêmeâgequenous,22ans.Ilestenmasterdedroità

Dauphine.Vuquej'avaisuneUEcommuneaveclemasterdedroitl'annéedernière,jel'airencontrésurlesbansde l'amphi.Voilà,voilà.C'estdommagequetun'aiespaspuvenirdemain,sinonje te l'auraisprésenté.Je te l'auraisprésenté.Lechoc.Jeme lèveet lui informeque jemerendsaux toilettes.Car j'ai le

soufflecoupé, jeviensd'apprendrequelquechosedesurréaliste.Je te l'auraisprésenté.Cela signifiequ'AlexnesaitpasqueCharlotteaétémacolocataire.Commentest-cepossible?Elleadûforcémentlui

parlerdemoi,etilresteencorequelquesphotosoùnoussommestouteslesdeuxdansl'appartement.Audelàde ça, celavoudrait direqu'Alexn'aurait pas rencontrerCharlotte à causedemoi, du fait que jefussesacolocataire.Non,ceneseraitquelefruitd'unefâcheusecoïncidence.Lesbrasm'entombent.Quandj'estimeêtrecalmée,jeretournem'asseoirsurlecanapéàcôtédeCharlotte,avecunequestion

quim'occupetoutl'esprit:commentest-cepossible?Enfaceducanapé,ilyaunenchevêtrementdespoutresformantunesortedebarquiséparelecoin

cuisinedurestedelapièce.Monregardbuttesurlecadreformatphotoauxbordsdorésquiestaccrochéàl'unedecespoutres.MoietCharlotte.QuandAlexestassissurlecanapé,ilm'aenpermanencesouslesyeux.S'ilnemereconnaîtpas,c'estqu'ilenfaitvraimentexprès.ClarkKent.Ilyaundétailquejen'avaispasremarqué.Surcettephotoquidatededeuxans—c'était

lorsd'uneexcursionavecCharlotteauMont-Saint-Michel—,j'aideslunettes,unemontureenplastiquerougetranslucide.Depuis,jesuispasséauxverresdecontact.(Pourlapetitehistoire,jetrouvaisquejeressemblaisunpeuàunedébileavecmesculsdebouteillesdemyopes.C'estpourcetteraisonquej'aiopté pour des lentilles, il y a voici maintenant un an.) Je suis devenue Superman et il ne m'a pasreconnue!Entoutcas,cetteexplicationmesemblesurréalistebienqu'ilyaitdeforteschancespourquecesoitcelle-là.Deplus,depuisqueleclichéaeulieu,j'aiperduquelqueskilos,etj'aiégalementdeuxannéesdeplus.

Ma physionomie a donc légèrement évolué. En y ajoutant les lunettes, cela confirme l'hypothèseSuperman.Maisilresteundernierpointd'achoppement.QuandCharlotteluiaparlédemoi,elleluiaditqueje

m'appelaisLaurence...Maislàaussi,ilyapeut-êtreuneexplication.Déjà,desLaurence,ilyenadestonnes,etcequ'ilfautsavoir,c'estquejedétesteplusquetoutmon

patronyme.Decefait,jenel'aijamaisdivulgueràAlex.MonnomcompletestLaurenceLegros.Iln'yaqueCharlottequileconnaît.J'aitoujourseudeskilosentrop,ycomprisquandj'étaisgamine.Etvoussaveztrèsbiencommentça

sepassedanslescoursderécré,j'étaislariséedemescamarades.Ilprenaitmalinàdétournermonnom.LaurenceLegros,c'estLaurencelagrosse!Vouscomprenezmaintenantpourquoijedétestemonnomdefamille,etquej'essayedelecommuniqueràunminimumdegens.LaphotodenousdeuxauMont-Saint-Michel,qu'Alexaenpermanencesouslesyeux,n'estpourmoi

pasanodine.Àchaque foisque je lavois, elle réveille enmoiun souvenir trèsparticulier.Elle a étéprise tout en haut duMont, sur un balcon de l'Abbaye. On peut apercevoir toute la baie qui s'ouvrederrière.Encettefindemoidemai,lesoleilétaittrèsgénéreux.Toutauraitpuallerpourlemieuxsijen'avaispaseumesrègles.Toujourslàquandilnelefautpas,celle-là!Maisleplusterrible,c'estquejusqu'àcejour-là,jenelesavaisjamaisconnuesaussidouloureuses.J'avaistellementmalauventrequejemetordaisendeux.MoietCharlotteavionspayédes«Passvisite»pourtoutelajournée.Alors,pourluifaireplaisiretnepasfairecapoternotresortie,jenemesuispasplein,j'aisouffertdanslesilence.Les troiscentcinquantemarchesquimontentà l'abbayeontétéplusdifficile lesunesque lesautresàgravir. Alors qu'il n'en restait plus que dix, j'ai faillim'écrouler.Mais j'ai tenu bon, ça s'est joué aumental.Celame tenaitparticulièrementàcœurdenepasdécevoirmasiamoise, et c'estprobablementl'amourquimeliaitàellequim'apermisdereleverledéfi.Jenesuispasbaptisé,maisvuquetoutlemondemettaitdescierges,sanstropsavoirpourquoi,j'enaimisun.Lachoselaplusétrangefutlorsdeladescente, ladouleur avait pratiquementdisparu.Ai-jevoulu inconsciemmentme tournervers la foi enm'infligeantcettesouffranceetendéposantuncierge?Jen'ensaisrien.Entoutcas,cequiestsûr,c'est

quepourmoiquinesuispascroyante,cetteexpériencem'atroublée.JevoisbienqueCharlotten'apastropenviedes'attardersurle«casAlex»,alorsnouspoursuivons

laconversationenparlantdetoutetderien.16 heures. Elle sort un goûter. DuCoca rouge avec des Petits Écoliers chocolat noir. Elle n'a pas

changéseshabitudes.Cela faitquatreansque je laconnais,etellea toujoursmangé lamêmechoseàquatreheures.Jesuiscertainequec'étaitlemêmegoûterqueluipréparersamèrequandellerevenaitdel'école.Çanelalassepasàlalongue?Ilsembleraitquenon.Je surveille l'heure. Il faut que je reparte avant que la petite aiguille demamontre ne se retrouve

pleinementsurle5.16heures45.Ilesttempsdeleverlecamp.Ellem'inviteàresterunpeupluslongtemps,afinqu'elle

puissemeprésenterAlex.Uneprochainefois!Jeprétexteunrendez-vouschezledentistepourpouvoirm'éclipser.Missionréussie,maisavecunetrèsgrossesurprise:AlexnesaitpasqueClarkKentestSuperman.Je

suisunsuper-héros.

Chapitre12—J'aiétéluirendrevisite,etcelac'esttrèsbienpassé!Mevoilàderetourchezlapsypourunedeuxièmeconsultation.—Ledialogue!Vousvoyez:vousvenezdevousrendrecompteparvousmêmequeledialogue,c'est

la clef de tout. Maintenant que cette première étape est franchie, nous allons pouvoir passer à ladeuxième.RenoueravecAlex.Etjevouslaissedevinercommentvousallerdevoirvousyprendre.—Ledialogue.—Oui, ledialogue !Toujours lui.Lacommunication,c'est labasede tout.S'iln'yaaucunéchange

entrevous,çanemarcherapas.Ilfautcom-mu-ni-quer!Maintenant,ilvafalloirreprendrecontactavecAlex.Pourcela,j'aimeraissavoirsicettetâchevoussembleaiséeouaucontrairehorsdeportée.Évaluerleniveaudedifficultéenmedonnantunchiffreentrezéroetdix.—Dix.Leproblème,cen'estpasdeluirendrevisite.(Vuqu'ilnesaitpasquejeconnaisCharlotte,il

suffitquejemerendeàRennespourlevoir,pensé-je.)C'estdeluidirecequej'aisurlecœur.Quej'aidécouvertqu'ilmetrompait.—Dix?Moi,àmonavis,leniveaudedifficultéestnul.Carunenouvellefois...—Oui,ledialogue!luidis-jeensoupirant.Elle commence àm'agacer avec son « dialogue ».À cet instant, j'ai envie de tout arrêter et deme

barrerdesoncabinet...—Pourquoiçavousagace?Sivousréagissezdelasorte,c'estparcequejesuisentraindetoucher

une corde sensible. Et que ça vous fait mal. Vous voulez mon ressenti : vous avez de très grandesdifficultéspourcommuniqueraveclesautres.Ilyaunblocage,quiestprobablement trèsancien.Ilvafalloir que vous me racontiez votre passé pour que je puisse le trouver. (Elle prend une grandeinspiration.)Voussavez,dansl'existencedechacund'entrenous,ilyadesmomentscharnières,quifontde nous quelqu'un d'autre. Je ne sais si cela va être facile pour vous,mais... j'aimerais que vousmeracontiezvotrepremièrefois.Jen'aipasenviedeluiparlerdeça.C'esttellementglauque.Le dialogue, Laurence ! Le dialogue, c'est la clef de tout ! Si tu veux récupérer Alex, il faut en

passerparlà.—Si vous ne vous en sentez pas capable, nous pourrons revenir sur ce point une prochaine fois.

Mais...—Ledialogue,vousavezraison.Jevaisvousraconter.»C'étaitaulycée,quandj'étaisenterminale.Danslaclasse,ilyavaituncertainThibault,j'étaisattirée

parlui.Etc'étaitréciproque,carluiaussiétaitattiréparmoi.Maisonaeuénormémentdemalàsedirequel'ons'aimait.»C'estassezfacileàcomprendreQuandonacetâge-là,cen'estpasévidentd'exprimersessentiments.

Carilyalasexualitéquientreenjeu,etc'esttoutdesuitepluscompliqué.Çaneselimitepluscommeaucollègeàun«Jet'aime»etàunsmack.»Etpuis, ilyaunepressionsupplémentaire.Quandvousvoyezautourdevousqueplusenplusde

gens«l'ontfait»,onn'apasenvied'êtreledernierpuceaudelaclasse.

»Vers la fin dumoi demai, peu avant le bac, j'ai décidé de faire le premier pas en lui proposanttravailleravecmoipourunexposéd'histoire-géo.Biensûr,ilaaccepté.»Unaprès-midi,jemesuisrenduechezlui,afinquel'ontaffeensemble.Maislaveille,quandnous

noussommesdonnérendez-vous,sanssel'avouer,noussavionstrèsbienqueceseraitpourfaireautrechosequetravailler.»Lamaisonétaitvide, sesparentsétaientpartisau travail.Peude tempsaprèsque jesoisarrivée,

nousnoussommesregardé.Sanslemoindremot,nousnoussommescompris.Noussommesmontésdanssachambreetnousavonscouchésensemble.—Vulafaçondontvousmeracontezça,cedépucelagemefaitplutôtpenseràuneexécutionqu'àautre

chose.Unemiseàmortdevotrevirginité,enquelquesorte.Sinon,àpartça,cepremierrapports'est-ilbienpassé?—Non.Ilestentrébrutalementenmoi.Cen'estpassonabsenced'expériencequipouvaitjustifierun

comportementpareil.Cetype-làestunmalade.Mêmeunanimalyauraitmisplusdedouceur.Quandmonhymens'estdéchiré,jemesuisretenuedecrier.J'étaisàdeuxdoigtsdehurler,maisj'airéussiànerienlaisser transparaître. Je voulais me montrer forte devant lui. Ensuite, j'ai eu mal au niveau de monentrejambespendantlesquatremoisquiontsuivi.J'enn'aijamaisparléàpersonne.Niàmesparents.Niàlui.Vousêtesparconséquentlapremièrepersonneàl'apprendre.—Unlourdsecret,effectivement.D'unpointdevuephysiologique,ladouleurliéeàladéflorationne

dure pas si longtemps. Juste une poignée deminutes, si c'est fait correctement.Àmon avis, c'est unedouleur psychologique. Votre corps a simulé cette douleur jusqu'à temps que votre esprit réussisse àencaisserlechocpsychologique,àl'enfouir.Maisattention,enfouirneveutpasdireeffacer.Aujourd'hui,jeviensdedéterrercetinstantbrûlantdevotreexistence.Ilfautquevousréussissiezàéteindrelerideaudeflammesquisetrouvefaceàvoussivousvoulezcontinueràavancer.Etencoreunefois...—Ledialogue.—Oui,vousaveztoutcompris.Douleurpsychologique,jen'avaisjamaisencoreentenduparlerdeça...—Cen'estpaspossibled'avoireumalpendantquatremoissijen'avaisrien?—Voussavezquelecorpshumainestcapabledebeaucoupdechoses.Regardezlescasdedénisde

grossesses, par exemple. Le corps de ces femmes enceintes arrivent même à simuler des règles afinqu'ellesne se rendentde rien. Il estdonc tout à fait possiblequevotre corps est simulé cettedouleurduranttoutcetemps.—OK.—Sinon,votrerelationavecThibault,elles'estpoursuivicomment?—Jeluiaiditquejeregrettaisd'avoirfaitça.Lui,visiblementnon.Après,ilyaeulebac,l'année

s'estterminée.Ilestpartiàl'universitédeStrasbourg,nousnoussommesperdusdevue.—Ensuite,vousavezcroiséd'autresgarçons?—Non,personned'autreavantAlex.—EtvosrapportsintimesavecAlex...—Justeuneseulerelation.Unefellation.Lesoiroùjel'airencontré.—Vousn'avezdoncjamaiseud'autresrapportsvaginauxdepuisvotrepremièrefoisavecThibault.

—Si.Ilyatroissemaines.AvecuncertainJoseph.C'estluiquim'aconseilléedevenirvousvoir...—Jesais,ilm'atoutraconté.Le salaud ! J'imagine trop la scène. Il est là, avec elle, autourd'un café, en trainde lui raconter sa

performancedelaveille.Rienqued'ypenser,çamedonnelagerbe,maiscurieusement,jeneluienveuxpas.Ellereprend:—Etças'estpassécommentavec...disons,cethomme«mûr»?—Ças'esttrèsbienpassé.C'estquelqu'undedoux,d'attentionné.Ilmetàl'aise.Onsenttoutdesuite

qu'ilesthabile,chevronnée.Iladel'expérience,beaucoupd'expérience.C'estluiquim'avéritablementinitiéeauxplaisirsd'adultes,quim'avraimentdépucelée.Jeregrettedenepasl'avoirremercier.Sivouslecroisez,dites-luimercidemapart.—Jen'ymanqueraipas.Elletapedanssesmains,arboreunlargesourire.—Bon,maintenantquevousvousêteslibéréedecefardeau,parlonsd'Alex.Jevousreposelamême

questionquetoutàl'heure:voussentez-vouscapablederenouerlecontactaveclui?—Oui.—Jepréfèrecetteréponse.Ettoujoursunefois,ledialogue!Allezlevoir,ditesluitoutcequevous

avezsurlecœur,quevousl'aimez.Vousverrez,toutsepasserabien.

Chapitre13—Alex, c'estCharlotte. Je t'appelle car je compte passer leweek-end enNormandie, pour rendre

visiteàmesparents.J'avaisenvisagédefaireuncrochetparRennesafinquel'onpuissesevoir.Nouspasserionsledimancheensemble,enfin,siçanetedérangepas.Ledialogue.Dèsquejesuissortiedechezlapsy,j'aidégainémontéléphoneenplastiquenoirconçu

pourcerveauxséniles.J'étaischaudepourappelerAlex,alorsj'aidécidédepasseràl'actionavantquemoncouragenes'évanouisse.—Tusais, j'aibeaucoupdetravailencemoment.C'estunefacoùlescourssont trèsdenses, ilya

beaucoupdetravailpersonnel.Maisc'estleprixàpayerpouravoirunbonboulot...—Si je viens, je ne serai pas là très longtemps. Je ne t'amuserai pas plus de deux heures. Car je

comptearriverà10heures03pourrepartiràmidisurAvranches.—Bon,d'accord,viens!Maisjen'aipasplusdedeuxheuresàteconsacrer,medit-ilenriant.D'accord,viens!S'ilacceptedeparticiperàcepetitjeudesallers-retoursentreParisetRennes,c'est

parcequ'ilaenviedemevoir.Sinon,iln'auraitaucunintérêtàpassersondimanchedansletrain.Celameprouveunenouvelle foisque je l'attire.Maisàprésent, il est coincé.EntremoietCharlotte, ilvafalloirqu'ilfasseunchoix.Ilferalebon,j'ensuiscertaine.Nouspoursuivonsnotreconversation téléphoniqueenéchangeantdeux troisbanalitéspuisnousnous

disons:«Àdimanche!»

***Jesuisexcitée.Hmoins3heures41avantquejemeretrouvefaceàAlex.J'aimeraispouvoiraccélérer

lecoursdutemps,maispourlemoment,j'ensuisincapable.Alors,jeprendsmonmalenpatience.Jeviensdequittermonchezmoi.Lapremièreétapedemontrajetconsisteàrejoindreàpiedlastation

demétroquisetrouvelaplusprochedel'appartement—SaintFrançois-Xavier.J'arpentelestrottoirsdela capitale quand mon regard bute sur la devanture d'une boulangerie. Il s'agit d'une boulangerie àl'ancienne.Lafaçadeenboisroseestornéedemouluresdorées.Jem'approchedelavitrineetdécouvredespâtisseriesàprofusion.C'estsimple,j'aienviedetoutmanger.Jecraquepourl'undecesdélices,alorsj'entredanslaboutique.Bruitdecloche.Laboulangèrequisetrouvederrièrelacaisseestassezforte,cequiestplutôtdebonneaugure.Cela

veutdirequecequiestvendudoitêtrebon.—BonjourMademoiselle,vousvoulezquoi?—UnParis-Rennes.—Quoi?—UnParis-Brest,maisvuquejem'arrêteavant,c'estunParis-Rennes.Ellenedécrochepasunsourire.Ellen'avisiblementpasétéréceptiveàmapetitetouched'humour.Je

suisdéçue.Jepaie.2euros80.Prixcorrect.J'emportelamarchandise.«Aurevoir»avecunécho.Dehors,j'engloutislamerveilled'unetraite.Rudementbon!

Puisjeculpabilise.Cetteexcèsvaêtresuividelonguesjournéesdeprivation.

***Fichutrain!Pourquoitunevaspasassezvite?J'ail'impressionqueleMalins'amuseavecmoi,qu'il

enfaitexprèsdedilaterlessecondes.Cesdernièresmesemblentêtredesminutes.Jesuisimpatientedeme trouver devant Alex. Mon excitation a pour fâcheuse conséquence de me provoquer une enviepermanented'uriner,leroulisdutrainn'arrangeantbienévidemmentrienàmasituation.Jemultiplielesallers-retoursauxtoilettes.Lesautrespassagersmedévisagentavecinquiétude.Pourquoimeregardez-vouscommeça?J'aiquandmêmeledroitd'allerauxchiottessij'aienviedepisser.J'aipayémonbillet,etl'accèsauxWCestcomprisdedans,non?Rennesapproche.Letraincreusesonsillondansleschamps.Lentement.Troplentement.

***

Alex. J'aperçois son visage au travers du troupeau de passagers qui quitte le train. Nous nous

rapprochonsl'undel'autreenfendantlafoule.Quandjemetrouvefaceàlui,illâcheunsourirecrispé.Jesenstoutdesuitequequelquechosenevapas.C'estsûrquecelanedoitpasêtresimplepourlui,caràl'heureactuelle,ilestligotéàCharlotte.Etmenerunedoublevien'ariend'évident.Nousnousfaisonslabise.Pourquoinepuis-jepaséchangerunbaiseraveclui?Dépêche-toide luidirecequetuassur lecœur.Une foisqu'il sauraque tu l'aimes, tupourras l'embrasser.Ledialogue,Laurence !Ledialogue,c'estlaclefdetout!Jenetrouverienderomantiqueàdéclarersaflammeaumilieud'unefoulequivousbouscule.Alors,je

préfèreattendredemeretrouverchezluipourluidirequejel'aime.Etenplus,celaserapluspropiceauxrapprochementscorporels,sivousvoyezcequejeveuxdire.—Vuquenoussommesdimancheetqu'iln'yapasdebus,ilvayavoirpasmaldemarcheàpied,me

prévient-il.Surcesmots,nouspartonsàl'assautdelavilleenéchangeantdesbanalités.Ilmeditqu'àlafac,ila

beaucoupdeboulot...Dutoc.Nous traversons levieuxRennes.Contrairementàmapremièrevenue, ilme faitdavantagepénétrer

danslecœurdelavilleancienne.Etjerévisemonjugement.Àpremièrevue,cequartiermesembletrèsagréable,avecsesruespavées,sesviellesbâtissesetsesbars.Leseulbémol,c'estquecematin,ilyaunelégèrebruine.Celanousempêched'apprécierpleinementl'endroit.Cela fait un certain temps que nous marchons, et j'imagine qu'il a dû réussir à se faire prêter un

appartementdanscequartierletempsd'unejournée...Entoutcas,jenepouvaispasrêverd'endroitplusromantiquepourluidéclarermaflamme.Quelquepasplustard.Jesuisdéçue.Lesbellesmaisonssefontdeplusenplusrares.Nousnetardons

pasàquitterlebeauquartierpourrejoindreunhabitatplusquelconque.Despas,encoredespas...et toujourspasd'appartementenvue.Pire,nousatteignonsmaintenant les

franges de l'agglomération. Les trottoirs se font de plus en plus rares. La circulation se densifie. Lesmaisonscommencentàcéder leurplaceauxmagasinsdesortiesdeville.Lesmurs sontnoircispar la

pollutiondescamions.Surnotregauche, ilyadesvoies ferrésperchéessurunremblais, le traficdestrainsestélevé.Àprésent,noussommesobligésdehurlerpourpouvoirnousentendre.—C'estencoreloin?luidemandé-je.—Non,onestpratiquementarrivés.Jesuisdésolé.C'estlapremièrefoisquejefaisletrajetàpied.

D'habitude, j'yvaisenbus.Jepensaisquec'étaitpossibleàfaireenmarchant.Sinon,onauraitprisuntaxi.Jetepaierailetaxipourretourneràlagare.Noustournonsàdroite,nousengageonsdansuntunnelétroit,quipassesouslesvoiesdechemindefer.

Danscechasd'aiguille, la circulationest alternéeà l'aidede feux.Les trottoirs sontquasi inexistants.Nousmarchonsl'underrièrel'autreenfaisantattentionauxvéhicules.Aprèslenoiretlejaunedeslampesauxsodium,lalumièredujour.Lapluies'estarrêtéedetombé.Le

ciel est redevenubleu, avecquelques cumulus.Face ànous, une forêt debarresd'immeubleblanches.Nousnousapprochonsd'ungrandtableaurectangulaire:

RÉSIDENCELESROSIERS

Endessous,unplanoùestassociéunelettreàchacundesbâtiments.— Je vérifie où se trouve le bâtiment I, car cela ne fait pas longtemps que j'habite ici. Ilm'arrive

encorequelquesfoisdemetromper,m'informe-t-il.C'est lapremière foisqu'il vient ici, normalqu'il ne sachepasoùcela se trouve.En tout cas, cette

résidencesembletrèsbienentretenue,lesjardinsextérieurssontimpeccable.Alex a un bon sens de l'orientation puisque nous ne tournons pas cent sept ans pour trouver le bon

bâtiment.

***—Voilà,voicimonchez-moi!Nous venons d'entrer dans l'appartement, qui est situé au premier étage. La première chose qui

m'interpelle,c'estlatailledel'appartement.J'essaiedeledéstabiliser:—C'estsupergrand!—C'estunecolocation,carj'imaginequeleprixduloyer...—Commetulesais,jem'ysuispristrèstardpourchercherunappart'.J'aisurtoutpriscequ'ilrestait.

Après,pourleprixduloyer,c'estsûrqueçacoûteuneblinde.Maisbon,paslechoix.Jevaisvoirpourtravaillerquelquesheures,ungarsdelafacm'aditqueMcDocherchaitencoredesétudiants.Lemythomane!Ildevraitécriredesromans,cetype-là!J'enlèvemonmanteau,gardemonécharperose.—Jegardemonécharpe,carj'aiunpeumalàlagorge.—Ah!Bienvenueauclub!Moiaussi,j'aiétéenrhumélasemainedernière.Donne-moitonmanteau,

jevaisleranger.Je lui donne mon parka. Il regagne le couloir, en prenant bien soin de refermer la porte du salon

derrière lui. Je ne suis pas sourde : j'entends de nombreux bruits de portes, il est en train de repérer

l'emplacementdespièces.Mêmes'ilessayedelefairediscrètement,j'entendsquandmême.Ilrevientversmoi,mejettesesmots:—Jevaisteprépareruncafé,çavanousréchaufferunpeu.Puisils'éclipse.Je l'entends farfouiller dans les placards, puis deux fois le bruit d'une machine à café à capsules.

Pendantcetemps-là,jeprendsl'initiativedem'asseoirsurlecanapéencuirblanc.Ilestderetourentenantdanssesmainsunplateau,qu'ilposesurlatablebassequisetrouveàmes

pieds.Puisils'assoitdanslefauteuilplacéenfacedemoi.Àcôtédesdeuxtasses,uneboîtedeCanderel.Iln'apastroplatêteàprendredesédulcorants.Jevais

essayerdelepiéger.—Tuprendsdel'aspartame?—Heu...Oui,enfaitj'ailuquec'étaitmoinsmauvaisquelesucre.J'airéussiàledéstabiliser.Iln'adûrientrouverd'autredanslesplacardsquedel'édulcorant...—L'aspartame,cen'estpasnonplusréputéd'êtrebonpourlasanté.Lesucre,c'estnaturel...—Oui,maisdesétudesmontrentquec'estmoinspire.Maintenant,ilfautquejemelance.Sijesuisvenueici,cen'estpaspourparlerdel'aspartame,c'est

pourluidire:«Jesuisamoureusedetoi.»Aujourd'hui,j'aiunefenêtredetir,ilnefautpaslarater.Ilneserapaspossibledetrouverdesprétextestouslesdimanchespourpouvoirmeretrouverseuleaveclui,entête-à-tête.Ledialogue,Laurence.Ledialogue,c'estlaclefdetout.Non,jen'yarrivepas.Jedécidedelancerunsujetdeconversation,histoiredemeublerlesilencequi

s'installe.Jesensunecertaineformedepesanteurquicommenceànousenglober.Cen'estpasbon.—Alors,c'estintéressant,cequetufaisàlafac?—Oui,maisj'aibeaucoupdeboulot,c'estd'ailleurspourçaquejen'aiquedeuxheuresàteconsacrer.

Quandtumedisaisquecen'étaitpasunebonnefac,tutetrompais.Leproblème,c'estquebeaucoupdepersonnesfontlemêmeraisonnementquetoi.Lesfacsdeprovincessouffrentd'undéficitdenotoriété,etlesétudiantsonttendanceàlesbouder.Maisleschefsd'entreprisesnefontpascetteerreur,ilssaventtrèsbienoùsetrouvelemeilleurvivierdefutursdiplômés.Undiscoursbienhuilé.Jesensunecertaineformed'aigreurdanscequ'ilvientdemesortir.Àprésent,

j'ail'impressionqu'ilfaitensortedemerepousser.Jen'arrivepasàlecomprendre,parceRennes,toutcepetitcinéma,c'estbienluiquil'ainventépourmevoir,non?Ledialogue,Laurence.Ledialogue...Non,iln'estpasprêt,c'estpourcelaqu'ilrestesursesgardes.Cettesituationm'énerve,medonneenvied'uriner.Jeluidemandeoùsetrouvelestoilettes.Ilmeles

indiquesansaucunproblèmegrâceàsonpetitrepéragepréalable.Aprèsmacommission,jejetteparcuriositéuncoupd'œildanslesautrespiècesdel'appartement.Je

tombenotamment surune chambred'enfant avecun lit voitureFlashMcQueendeCars.Sur le lit sontentassés des cadres formats photos, des bibelots... bref, tout ce qui personnalise un appartement.J'aperçoisfurtivementlaphotod'unpèreavecunenfantde10ans,sonfils—ils'agitprobablementicidesa chambre. Je fais l'hypothèse qu'il s'agit d'un homme divorcé car je n'ai pas trop trouvé de touche

fémininedansladéco.CePapaestpeut-êtreuneconnaissanced'Alex,ouquelqu'unavecquiilestentréencontactsurunréseausocialetquiluiaprêtésonappart'pourquelqueseuros.Jeretournem'asseoirenfaced'Alex.Nouspoursuivonsnotreconversationenéchangeantdesbanalités.

Encoreettoujoursdesbanalités.«Ledialogue,Laurence!Ledialogue,c'est laclefdetout!Allezlevoir,diteslui toutcequevous

avezsurlecœur,quevousl'aimez.Vousverrez,toutsepasserabien.»Non,MadameHautois,toutn'estpassisimple.Quandvousavezenfacedevousquelqu'unquin'estpasprêt,çanesertàriendeluiforcerla main. Il va se braquer, et vous ferez tout capoter. Il faut que j'attende encore un peu. Ce sera laprochainefois,lorsdenotretroisièmetête-à-têteàRennes.Midimoins le quart. Je lui avais dit quemon train était àmidi, il est donc temps de se quitter. Il

m'appelleuntaxi,medonneunbilletde20,dequoipayerlanote.Puisonsefait labise.Ilmesourit,maisjesensdanssonregardplusdedistancequequandjesuisarrivée.L'ai-jedéçu?Jen'aipourtantpasl'impressiondeluiavoirditquelquechosedemal.Oupeut-êtres'attendait-ilàcequejeluidéclaremaflamme ? Ou est-ce Charlotte qui le met dans l'embarras ? Je n'en sais rien, mais de toute façon, laprochainefoisquenousnousverrons,nousnousparleronsàcœurouvert.Jequittel'appart',enmedisantquejenetarderaipasàrevenirici.—Aurevoir!—Bonneroute!Letaxiarrive.Jemefaisdéposerencentre-ville.Jevaispasserl'après-midiàtraînerdanslesrues.Je

compteprendreletrainde20heures06afindenepastomberdanssespattes.

***Jene suis pas folle, je vois biendans ses yeuxqu'il est amoureuxdemoi.Mais pourquoi est-ce si

compliquéavec lui ?Pourquoidois-jepatienter ?Qu'attends-t-il pour laisser tomberCharlotte ? Destonnesdequestionsmaispasl'embryond'uneréponse.L'étatdanslequelsetrouvenotrerelationm'agace.Etquandjesuisagacée,jemevengesurlanourriture.Tantpispourletourdetaille!Jerentredanslepremierrestoquejecroise,unepizzeria.JecommandeunpizzaBeef&Pepperquatrepersonnesetuneglaceàl'italiennesaveurfraise.Jedévorelapizza,avalelaglace.Nous sommes aux alentours de 15 heures et le restaurant est désert. Le gars derrière la caisseme

regardeavecinquiétude:visiblement,c'estlapremièrefoisdesaviequ'ilvoitquelqu'unmangeraussiviteunetellequantité.

***GaredeRennes.J'attendsmon train, ilnevapas tarderàarriver.Lanuitest tombéesur laville, le

froid arrive. Je vais rejoindre Paris avec le sentiment que cette journée a un goût d'inachevé. Lanourriture,iln'yaqu'ellequimepermetdecanalisermesémotions.JeviseledistributeurrougeSelectaquej'entrevois.J'atteinsmacible.Mefaistomberunebarrechocolatée.Mars,etçarepart.

***«Salut,çava?Tuasfaitbonvoyage?»«Alex!J'ail'impressionqueçafaituneéternitéquejenet'aipasvu!»«Nerestonspaslà,avectouslesgensquinousbouscule...»«Oui,onal'impressiond'êtreaumilieud'untroupeaud'éléphants.»Pause.J'aienfacedemoien trèsgrosplan levisaged'Alexquiarboreunsouriredesplusgénéreux.Cela

contrasteaveclecaractèreoppressantdelaboîteàchaussuresblanchedanslaquellejemetrouve,seuleetenfermée.Jesuisallongéedansmonlit,monordinateurportableestdevantmoi,etjenemelassepasderegarderlavidéodemonaventured'aujourd'hui.Car j'ai réaliséunecaptation.Si j'aigardéenpermanencemonécharpe rose,cen'estpasparceque

j'avaislagorgeprise.Non,c'estparcequej'avaismisenplaceundispositifdignedesplusgrandsagentssecrets. C'est une écharpe en polaire très épaisse. Avec quelques travaux de couture, j'ai réussi àincorporerdedansuneGoPro.Alexn'enavuquedu feu. Il a aupire aperçuunpetit trou—celuidel'objectif—qu'ilaassimiléàundéfaut.Maintenant, je peux revivre à loisir cette journée et analyser ses paroles, décortiquer chacune des

expressionsdesonvisage,lecernerenprofondeur.

Chapitre14—Jenesuispascontente.Qu'est-cequejevousavaisdit?MadameHautoiscommenceparunreproche.Génial!—Ledialogue,maisjen'aipaspu.Iln'étaitpasprêt.— S'il ne fait pas le premier pas, et vous non plus, ça n'avancera pas. Les années passeront, les

sentimentsdisparaîtront.Justeuneseulequestion:Alex,l'aimez-vousvraiment?—Oui,jesuisfolleamoureusedelui.—Ehbien,allezlevoir,etdites-lui:«Jesuisfolleamoureusedetoi».Cen'estpaspluscompliqué

quecela.Commejenecessedelerépéter,ledialogue,c'estlaclédetout.—Mais,jem'ensensincapable.Jamaisjenepourrais.—Vousvoulezmonpointdevue:vousmanquezsincèrementdeconfianceenvous.Maiscen'estpas

une fatalité. Avoir confiance en soi n'est pas inné, c'est quelque chose qui s'apprend. En tantqu'hypnothérapeute,jesuistrèsbienplacéepourlesavoir.Carbeaucoupdemespatientsviennentpourtravaillerleurconfianceeneux,etl'hypnoseoffredetrèsbonsrésultats.Sivousêtesintéressée,jepeuxvousdispenserquelquesséances.—EtcelamepermettraitdedireàAlexquejel'aime?—Oui.Laconfianceensoiestl'unedesrivièresquialimententledialogue.Ledialogue,toujourslui.

***

Les volets sont entrebâillés. Le cabinet de l'hypnothérapeute est placé dans la pénombre. Je suis

allongéesurunsofaentissunoir,etjenesaispasdutoutcequ'ilvam'arriver.MadameHautois,quisetrouvedeboutàcôtédemoi,entendmoninquiétudeettentedemerassurer.—Nevousinquiétezpas!Entantquepraticienne,j'aisignéunechartededéontologie.Maprofession

esttrèsbienencadrée.N'ayezcrainte,jenevaispasmeservirdevouscommeunpantin.Sivousêtesprête,nousallonspourvoircommencer.—Jesuisprête.—Trèsbien.Elleprendunevoixdouce,ralentitsondébitdeparoles:—Fermezlesyeux.Maintenantquevousêtesinstalléebienconfortablement,vousallezpouvoirvous

laisserentraînerdanscetétatdedétente,agréable.»Vouspouvezsentir,vospieds,placéslàoùilssont,àcetinstant.»Voussentezvotredos,surtoutsalongueur.Ilestlàoùilest,allongésurlesofa.»Voussentezlecontactdevosmains,ellessontlàoùellessont.»Maintenant,vousallezpouvoircommenceràvousrelâcher,etquandvouslevoudrez,nouspourrons

commenceràentreràl'intérieurdevous.Jesuisimpatiented'entrerdanslevifdusujet,alorssansm'accorderlamoindresecondederéflexion,

jedonnemonaval:—Jesuisprête.Vouspouvezentrerenmoi.Ensuite,c'estletrounoir.

Quandjereprendsmesesprits,jeconstatesurmamontrequ'unquartd'heures'estvolatilisé.Quem'a-

t-ellefaitendurerpendanttoutcetemps?Jen'enaipaslamoindreidée.Jecroisejustelesdoigtspourquecesoitefficace.Mais j'aipeurquesa thérapien'aitqu'un impact limité.Celamepermettra toutauplusd'aborderAlexplusfacilement,d'avoirdavantageconfianceenmoi,desurmontermatimidité.Non,lemieuxseraitd'hypnotiserdirectementAlex.Malheureusement,jenesaispascommentm'yprendre,etMessmernepeutpasvenirmedonneruncoupdemain,carjen'aipassescoordonnéesdansmoncarnetd'adresses.

***Jesuisdebout,unpiedposésurlavitrinedelaboutiquedetélécom.Laported'entréedel'immeuble

d'Alex,quisetrouvesurle trottoird'enfaceestdansmonviseur.Cerectangledeboisvertfoncédontpeintureestécaillées'ouvretoujoursàlamêmeheure.7heures43.Jelesaiscardepuismaintenantprèsdedeuxmois, je faisdenombreux repérages afindeconnaître endétail seshabitudes. Je consultemamontre.7heures42minuteset47secondes.Ilvasortird'unmomentàl'autre...Go!Lebattantenboispivote,sonvisageapparaît.Jecoursàsarencontre.Àcetinstant,j'aid'êtreun

colossedelaBACquiprocèdeàl'arrestationd'untrafiquantdesentiments.«Jesuisamoureusedetoi!»hurlé-je.Iln'apasletempsderéagir.Jeluisautedessus,l'embrassesurlabouche...

Etlà,çanesepassepascommeprévu.Ilposesesmainssurmesépaulesetm'écarteviolemmentde

lui.Puisilmegifle.Jefondsenlarmesetm'écartedeluienfaisantdeuxgrandspasenarrière.Ilmehuredessus:—Çanevapas!Qu'est-cequit'aprisdefairedeça?—T'esunmalade!Tunecomprendsrien!J'aifaitçaparcequejesuisamoureusedetoi.Toutcomme

toi,tuesamoureuxdemoi.Maisleproblème,c'estquetuneveuxpasl'avouer.CarCharlotteteligote,tuessoussonemprise.—N'importequoi,jen'aijamaisétéamoureuxdetoi.—Ladésintégration.Tous lesmailsqu'onaéchangés.Et,pasplus tardqu'hier,cettepetitecomédie

avecRennes,cenesontpasdespreuvesd'amour,parhasard.—Ladésintégration,c'étaitjusteunpipe,commeça,caronétaitbourrés.Après,lesmails,c'estjuste

parcequedepuis ce soir-là, on a sympathisé, on est devenusdebons amis.Relis-les, et tu te rendrascomptequ'iln'yaaucunegoutted'amourdedans.Sachequesij'avaisétéamoureuxdetoi,jen'auraispasattendusilongtempspourtedéclarermaflamme.—Maisdimanche,si tuesalléàRennes,c'étaitpourque l'onsevoit?Que l'onsoit seuls tous les

deux?—PourcequiestdeRennes,j'aifaitçapourteprotéger.Déjà,tuaseuunmalfouàencaisserlefait

quetasœuraitledroitdevivreavecunhomme,alorssituavaissuquec'étaitmoisonpetitcopain,çase

trouve,àl'heureactuelle,tunepourraisplusmeparler.Jetelerépète,j'aifaitçauniquementpourquetuaillesbien.Franchement,tucroisquec'étaitmarrantpourmoid'allerfaireleguignoldeuxdimanchesàRennes. D'entrer en contact avec des pauvres types sur internet pour réussir à se faire prêter unappartementpourquelquesheures.—Jenetecroispas,Alex.Tuesamoureuxdemoi.Charlotteauneemprisesurtoi,elletemanipule,

prends-enconsciencetantqu'ilt'estencorepossibled'agir.—Enferme-toidanstesdélires,maisjetedemandejusteuneseulechose:deteteniréloignerdemoi

etdeCharlotte.Quetunousficheslapaixàtouslesdeux.Çavaudraitmieuxpourtoi.—Net'inquiètepas,jeresteraiàbonnedistance.Detoutefaçon,c'esttoiquiviendrasmevoird'ici

quelquestemps.

Chapitre15—Ças'esttrèsmalpassé.Ilm'agiflé.Ilm'aditqu'ilnem'aimaitpas.Il est environ17heures.MevoilàdevantmadameHautoispour faire ledébriefingde cequ'il s'est

passécematin.—Aumoins,vousavezfranchilepas.Ets'ilaréagidelasorte,c'estpeut-êtretoutsimplementparce

quevousn'êtespasfaitl'unpourl'autre.—Si.Ilestamoureuxdemoi,jelelisdanssesyeux.—Bon,danscecas-là,peut-êtren'arrive-t-ilpasàdireàCharlottequ'ilneveutplusd'elle.Cen'est

pasnonplusquelquechosed'évidentpourlui.Sinon,essayezdelerevoir.Dansunesituationcommelavôtre,ilfaudraitplutôts'orienterversunethérapiedecouple.Lemieux,ceseraitquevousveniezmevoiraveclui.—Ilnevoudrajamais.—Essayezquandmême!Tâchezdevousdevousmontrerconvaincante.Ledialogue,Laurence!Le

dialogue,c'estlaclédetout!—Çanesertàrien.Lemieux,c'estquejel'oublie.

Chapitre16

Non,jenepourraisjamaisl'oublier.Sonvisageestunedrogue.Jesuisobligéedelevoir.Quandj'yréfléchis,jemedisquejesuisunepsychopathe.Jepasseunebonnepartiedepartiedemon

tempslibrepostéedevantchezlui.Jemecachederrièreunpoteauélectrique,quisetrouveàcinqmètrede saported'entrée, afinde contrôler ses sorties.Quand il estdehors, ilm'arrive régulièrementde lesuivreàbonnedistance,afindesavoiroùilserend.J'ai découvert notamment que depuis quelque temps, il avait un nouveau job étudiant. Il est serveur

dansunebrasserieduXIIIe,Lepralin.Ilfaitleservicedusoir,entre20heuresetminuit.Lachancemesourit,carenvitrine,ilyauneannoncecommequoilerestocherchequelqu'unpourle

servicedusoir.Uneidéegermeaussitôtdansmonesprit.Jevaisposermacandidaturepourceposte.Sij'ai lachanced'êtreprise,celamepermettrade levoir tous lessoirs,unemalencontreusecoïncidenceferaensortequinousavonsétéembauchésdanslemêmerestaurant.Avantdeposermacandidature,etafindemettretoutesleschancesdemoncôté,jemerendsplusieurs

foisaurestaurantenjournée.Celamepermetd'observerlepatron,etsurtout,d'appréhenderquelgenredeserveuseilrecherche.Carsij'aienvied'êtreretenue,jen'aipasledroitdemelouper.Voici sonprofil dugérant : la cinquantaine, gros commeunebarrique et les cheveuxblancs coupés

courts.Vulafaçondontilparle,ilestdugenregroscochonquiaimebiensetaperdespetitesjeunes.Lors demon entretien d'embauche,ma tenue sera donc déterminante. Elle devra être aguichante au

possible,sijeveuxluitaperdansl'œil.Une choseme fait peur : c'est la façon dont Alex va réagir lorsqu'il vame voir débouler dans le

restaurant.Lacoïncidenceestplausible,maisilrisquedenepasm'adresserlaparole,pire,dem'effacerdesonchampdevision.Fairecommesijen'étaispaslà.Cen'estpastoutàfaitlebutdelamanœuvre.JepréféreraisquecelieuoùilestéloignédeCharlottesoitpropiceunrapprochemententrenousdeux.Alors, ce n'est pas moi, mais Isabelle Autissier qui ira travailler au restaurant. Et elle, elle sera

capabledetout,carilnelaconnaîtrapas.IsabelleAutissier,c'estquelqu'unquejevaisinventerdetoutepièce.Pourquoicenom,unhomonyme

delacélèbrenavigatrice?Jen'ensaisrien.C'esttoutsimplementlepremierquim'estvenuàl'esprit.Maintenant,ilvafalloirquej'inventeunevieàcettefemmeet,chosemoinsaisée,ilvafalloirqueje

luiattribueunvisage.Unnouveaulookpouruneautrevie.Latransformationestenmarche!Jemerendschezlecoiffeuret

changeradicalementdecoupe.J'optepouruncarrécourtetunecouleurteinteacajou.Jepousselaported'unopticienafindemefaire fairedegrandes lunettesnoires,quicouvrirontune trèsgrandepartiedemonvisage.J'investisaussidansdeslentillesmarron,afindechangerlacouleurdemesyeux,quisontbleus.JefaisundétourparleCasinoShopafind'acheterdufonddeteintpeaumat.J'ailapeautrèsclair,monaspectseraplusdutoutlemême.Encequiconcernematenue,c'estassezsimple.Pourconveniraupatronduresto,jevaisdansunefriperieetachèteunejupenoireras-la-moule,ainsiqu'uncorsagenoir,audécolletédesplusplongeants.

Deretourchezmoi,j'effectuemamue,puisjemeregardedansunmiroir,etlà,j'aiunchoc.Personnenemereconnaîtra,carmoinonplus,jen'arrivepasàmereconnaître.Àprésent,jenesuisplusLaurenceLegrosmaisIsabelleAutissier.La distance me séparant d'Alex commence à se réduire, puisque mon entretien d'embauche fut un

succès.Inutiledevousdirequ'avecmeshabitsdepute,HérvéRichard,lepartonduPralin,m'amatéesurtouteslescoutures.Maiscenefutqu'unmauvaisquartd'heureàpasser.Detoutefaçon,c'étaitleprixàpayerpourpouvoirmerapprocherd'Alex.Cela fait maintenant plusieurs jours que je bosse au Pralin et je suis un peu déçue. Nos postes

respectifsnousempêchentdefaireconnaissance.Moi,jesuisflanquéederrièrelebaretluienchaînelesallers-retoursentre lasalleet lacuisine,nousnousadressonsparconséquent jamais laparole.Leseulprivilègequej'ai,c'estdepouvoirl'apercevoirentredeuxpoivrotsquejesers.Ilest là,entraindesemouvoir,unplateauàlamain.Jenemelassepasdeleregarder,maisçanemesuffitpas,jepréféreraisqueleschosesaillentplusloin.Unsoir.Ilfautquejetentequelquechose.Deuxmamiesviennentdes'asseoiràlatablequisetrouve

justedevantlebar.Jefonceverselle,arméed'unpost-itetd'unstyloquejetrouveàcôtédelacaisse.—Alors,Mesdames,vousvoulezquoi?—OnaimeraitcommencerpasdescoquillesSaint-Jacques.Jenoterapidementleurcommandesurleboutdepapier,puissautesurAlex,quis'apprêteàrentreren

cuisineavecunplateau.Jemodifiemavoix,enlarendantunpeuplusaiguë:—Vu que le restaurant est archi-bondé et que le bar était désert, jeme suis permis de prendre la

commandedeMesdamespourtefairegagnerdutemps.Jeluiindiquelesdeuxfemmesavecmamain.Luidonnedélicatementlepost-it.—Tuesnouvelledanslerestaurant?—Oui,j'aicommencélundi.D'ailleurs,jevienstoutjustedem'installeràParispourmesétudes,età

vraidire,jesuisunpeuperdue.Jeneconnaispasgrandmonde...—Jecomprends,cenedoispasêtrefacilepourtoi.Tufinisàminuit,commemoi?—Oui.—Situveux,resteunpeuaprèslafermeture,onpourrafaireconnaissance.Commeunelettreàlaposte.Ilestàpeine21heures.Lesminutesquinousséparentdeminuitvontêtrelongues,trèslongues...

Lesderniersclientsviennentdequitterleresto.MoietAlexsommesassisàunetable,l'unenfacede

l'autre. C'est très étrange de se retrouver seul dans un endroit qui, il y a encore quelques instants,grouillait de monde. Soudain, on a l'impression d'être sourd. Et l'éclairage qui remplit maintenantcomplètementl'espacecréeunesensationtrèsparticulière.Sansluidemanderquoiquecesoit,j'aiprisl'initiativedeluiservirunverredevodka,untruccostaud

afinqu'ilperdeunpeupied.Quantàmoi,jemesuisversédel'eau.Mêmecouleurmaispaslesmêmeseffets.—Moi,c'estAlex.—Moi,Isabelle.Maistupeuxm'appelerIsa.—Commetuvoudras,Isa.Donc,sijecomprendsbien,tuviensd'arriversurParis.—Oui,jesuisétudiante-stagiaireenartsplastiques.Etlerectoratm'aparachutéelàoùilyavaitdela

place,c'est-à-direici.—Jevois.—Ettoi,tufaisquoi?Tuesaussiétudiant?—Oui,enMasterdedroit.ÀParisDauphine.—Tuvisseul?—Non,j'aiunepetiteamie.Onvitencouple.Ettoi?—Seule.Monmecs'estbarré.Pouruneautre.Macolocataire.Cellequiétaitmasœursiamoise.—Jevois.—Jesuisunepaumée,Alex.Sij'aiatterriici,c'estparcequemasœursiamoisem'afoutueàlarue,

pouremménageravecsonJules...Jelaissemeslarmesexploser.Çafaitdubiendevidersonsac.Heureusementquemonmaquillageest

water-proof.Ilmetendunmouchoirenpapier.J'ôtemonhumiditéavecleplusdedélicatessepossibleafindene

pasaltérermonfonddeteint.—Jecomprends,çanedoitpasêtrefacileàencaisser.Jesensquecequejeviensdeluiraconterletouche,ilareçulesignaldedétressequeIsabellevient

de lui envoyer. Pourtant, Laurence se trouve exactement dans lamême situation,mais pour elle, rien,aucuneémotion.—Maintenant,ilfautquetutemontresforte,quetuarrivesàtournerlapage.Leplusvitepossible.Et

ne t'inquiète pas. Bientôt, tu rencontras quelqu'un d'autre, digne de confiance. En attendant, je vais tedonnermon06.Commeça,s'ilyaquoiquesoit,tupourrasm'appeler.—Qu'est-cequevousattendez,lesdeuxtourtereaux,dites-vousquevousvousaimez!Unordresortidelavoixroquedenotrepatron.MonsieurRichardvientàmonsecours.Uneaideaussi

précieusequ'inattendue.Cesparolesmettentmalàl'aiseAlex.—Qu'est-cequ'ilraconte?Je profite de cette brèche pourme lancer. Je lui parle d'une voix douce, sans quitter un instant son

regard. Je sais très bien ce que je vais lui raconter, j'ai préparémon texte à l'avance.Lepiège va serefermer.—Regardeunpeumagueule!Desputescommemoi,çacourtlesrues!Personnen'aenviedemoi!Si

tuasenviedem'aider,cen'estpasparhasard.Depuisquenoussommesassisàcettetable,tesyeuxnesavent pasmentir. Tu ressens quelque chose pourmoi. De la compassion. Une envie irrationnelle dem'aider...pourfairesimple,del'amour.Sachequec'estréciproque.

—Alex,tuesunhomme!Ilfautfairelepremierpas,sinontufinirastavieseul.Ilenrajouteunecouche.Yes!Alexperdpied.—Leproblème,c'estquejen'aipasledroitdefaireça.Jeregrette.Ilselèvepourprendrelafuite.Heureusement,lepatronrevientàlacharge.—Tuvoisbienquecettegamineabesoind'amour!Jeveuxvousvoirvousembrasseravantquevous

nepartiez,sinonjebaisselerideaudefer,etjevouslaisseenfermerdansmonrestaurantjusqu'àdemainmatin.Etlà,Alexperdtoutcontrôle.Moiaussi.Jeme lève àmon tour, nous nous enlaçons.Quand il passe sesmains surmon deux, je reçois une

véritabledéchargeélectrique.Nosvisagessontàquelquescentimètres,nosregardssenoient l’undansl’autre.Seslèvreseffleurentlesmiennes,sonsoufflesemélangeaumien.Maintenant,nosbouchessontcollées, rienne semblepouvoir nous séparer.Nos langues se cherchent, semêlent, s'enroulent...Cettedanselingualesemblesansfin.

Chapitre17«Tuasétécabosséeparlavie.Cesoir,j'aienviedet'aideràoublier,àpasseràautrechose.Alors,je

suisàtoi.Tupeuxmefairefairetoutcedonttuasenvie.Jesuistonpantin.»Noussommesdansunchalet.Aprèslebaiser,lebaisodrôme!Nouscherchionsunhôteloùpasserla

nuit.Alexn'enconnaissaitpas,moiunseul.AlorsnousnoussommesrenduPortedelaChapelle,cequim'arrangepuisquejetrouvequecetendroitesttraverséparuncourantpositif.Jem'assoisauborddulit.Jesorsmontéléphone.Ouvrel'applicationLecteuraudio.LanceletubeGhosts'n'Stuff,untubeduDJcanadiendeadmau5.Etactionnelemodehaut-parleur.It'sbeensolong,I'vebeenoutofmybodywithyouIfeelalone,feelathome,feellikenothingistrue...«Fais-moiunstriptease»Debout devantmoi, il commence à déboutonner sa chemise en ondulant du bassin au rythme de la

musique.Lorsquesachemiseestentièrementouvertesursontorse,illaretireetlajettesensuellementparterre.Sursontorsebronzé,jepeuxdéjàremarquerlespremierseffetsdesesséancesdemusculation.Despectorauxnaissants.Takeitbackwhensheknowsthatyou'redoingitright'Causeeverybodyelseknowswhatthey'retakingtonightPuisilretireseschaussuresetsonpantalon.Ilposesamainsursonboxer.«Neteprécipitepas,faitdurer...»Il semet àmimer unmouvementmasturbatoire.Après un refrain nerveux, le rythme de lamusique

ralentit.ButIjustwannaplayitrightWe,we'regonnagettheretonightIjustwannatakeyoudownWe,we'regonnabringyou'roundIlbaisselentementsoncaleçon,lejetteausold'ungesteélancé.Ilestnu.Jemedéshabille,afind'êtreàl'égaldeluiEntresesjambes,uneérectionestentraindenaître.Jemelève,m'approchedelui,leprendsparlamain.«Maintenant,laisse-toifaire»Jel'inviteàs'allongerdanslelit,ilm'obéit.Àprésent,monhommeestàmoi.Jemeposesurlui.Jefaisdoucementglisserenmoisavergedevenue

longue et dure.Afin de recevoir lemaximum de plaisir de sa part, j'exerce d'habilesmouvements debassin.Jem'aidedemeshanches,demesfesses,demescuisses.Alors,ildéplacelentementsonbrasgaucheetmecaressetimidementlebasdemondosavecquelques

doigts.Ilsedétend,prenddel'assurance.Cesontmaintenantsesdeuxmainsquiparcourenttoutmoncorps.

Elles marquent une pause sur mes hanches arrondies, les caressent, les enveloppent, se glissent endessousd'elles, à la frontièredenosdeuxcorpsqui se trouvent toujours l'uncontre l'autre. Je sens leplaisirdeplusenplusmonterenmoi.Lamusiquedevientdeplusenplusendiablée,lesmouvementsdeva-et-vientqu'effectuentnosdeuxbassinss'accélèrent.NousatteignonsleNirvana.Jesenssasemenceserépandreauplusprofonddemoncorps.Ilm'estimpossibledecontenirmajouissance.Jemeréveille,iln'estpluslà.Jeregardel'heuresurmontéléphone:8heures34.Ilestprobablement

partirejoindreCharlotte.Choseloind'êtreévidentepourlui,carilvamaintenantfalloirqu'iltrouveuneexcusepourluiexpliquerpourquoiiladécouché.Maisunautreproblèmevaseposeràpluslongterme.S'ilestvraimentamoureuxdemoi,ilvafalloirqu'illargueCharlotte.Etlà,çarisqued'êtrelecrashduBoeing,car,telquejelaconnais,monex-sœursiamoiseestvraiment,vraimenttrèspossessive.Aujourd'hui,c'estsamedi.Etlesamedi,nouscommençonstouslesdeuxà18heures.Celameferadeux

heuresdemoinsàattendrepourlerevoir.Lajournéevameparaîtredéjàsilongue...

Chapitre1817 heures 55. Le restaurant est vide. J'attends derrière le bar. D'ici, je vois la vitrine dans son

intégralité. Je distingue avec précision les gens qui passent dans la rue. Depuis ce point de vuepanoramique,jeguettel'arrivéed'Alex,ilvasemanifesterd'uninstantàl'autre...Ilpénètredanslabrasserie.Avanceverslebar.Serapprochedeplusenplusdemoi.Ilestamoureux

demoi,jelesais.Ilvamedonnerunbaiser,jesuissûrequ'ilvalefaire...Unegifleviolente,àdeuxdoigtsdemeperforerletympan.—Fautquetutefassesinterner,Laurence!T'esvraimentunemaladementale!Fouslecamptoutde

suiteousinonj'appellelesflics!MoietCharlotte,nousnevoulonsplusjamaisterevoir,c'estcompris?Monsangnefaitqu'untour.Jemeretourne,saisisunebouteille,puislafracassecontresoncrâne.Il

s'écroule. J'entends sa tête percuter violemment le sol, tout comme j'entends le bruit du verre volé enéclats.Letempsestàprésentsuspendu.Lessecondesnepassentplus.Jesuisparalysée.Uncertaintempsmefutnécessairepourconstaterpleinementl'horreurdemongeste.Jel'aitué.Cela

faitdemoiunemeurtrière.Jedécidedem'enfuir,decourirleplusvitequejepeux,dem'éloignerleplusloinpossibledulieudu

massacre.Où aller ? La première idée qui me vient en tête, c'est de me rendre dans un chalet Porte de la

Chapelle.C'estdanscerefugequej'attendraiquelapoliceviennemecueillir.Aupréalable,jefaisundétourchezFlunch.Jeprendsuneformule«buffetàvolonté».Jemesers,me

ressers...jusqu'àl'épuisementdeleurstock,oupresque.Jenecomptepaslenombred'allers-retoursquejefaisàlazonedesplats.Jenemesenspasbien.Jen'aipastrouvéd'autresolutionquedenoyermonmal-êtreenmevengeantsurlanourriture.Deskilosdegraissesenplusdansmoncul.

***—Bébé,net'inquiètepas!Jesaisquetuvasaimerça.Josephsetrouvedansmondos,ilestentraindemesodomiser.Jesuisvraimentuneordure.Unemerdeambulante.Jeviensdetuerquelqu'un,etjen'airiendetrouver

demieuxquedemebourreretdebaiseravecunmecquiapratiquementlemêmeâgequemonpère.Quandjesuisarrivéedanslechalet, j'étaispommée,alors j'aipenséàJosephet jemesuisditqu'il

pourraitmevenirenaide.Jeneluiaibienévidemmentpasditquejevenaisdetuerquelqu'un,jeluiaijusteditquemonmecm'avaitgiflée,etquej'étaisactuellementenpleinedétresseamoureuse.Ilaacceptédevenirm'aider,maisjepensaispasdutoutqu'ilmesecourraitdecettefaçon-là.Ilest

arrivéavecplusieursbouteillesd'alcool,puistoutaététrèsvite.Nousavonspicoléetmaintenant,noussommesenpleinepartiedejambesenl'air.Ils'agitdemapremièreexpérienceanale.Àmonavis,c'estloind'êtrelemeilleurmomentpouressayer

ça.Sonmouvementestmécanique.J'aimal.Etc'estbienfaitpourmoi,carai-jeledroitdejouiraprèsce

quejeviensdefaire?

Chapitre19Jesuisderetourchezmesdaronspourlesfêtesdefind'année.Commedepuisdéjàplusieursannées,nousallonspasserNoëlenéquiperéduite.Mesgrands-parents

sonttoussouslatombe.Lerestedelafamillehabitetroploinpourvenirnousvoir—ouàmonavis,nesouhaitepasnousvoir,ladistanceétantunformidableprétexte.Alorsnousneseronsquequatre:moi,masœur,etmesparents.Pour les cadeaux, c'est assez simple. Ce sont tous les ans les mêmes. Mon père collectionne les

bouteillesdewhisky,mamèrelestassesetmapetitesœurlespoupéesBarbie.Quantàmoi,jereçoisdel'argent.Lecadeauleplussimplequandonnesaitpasquoioffrir.Monpèrenemefaitplus la tronche,contrairementà ladernière foisque je l'aivu. Ilavisiblement

réussiàdigérerlefaitquej'abandonneleJapon.Jepensequec'estmamèrequiaréussiàluifaireavalerlapilule,puisquesansmel'avouer,elleestbiencontentequejesoisderetourenFrance.Ellepeutmevoirplussouvent,c'étaitdurpourelledenemevoirqu'uneseulefoisparan.—Tuesmoche,commeça?Qu'est-cequet'asfaitàtescheveux?J'entredanslachambredemapetitesœur.Ellejoueàlapoupée.Jem'assoisàcôtéd'elle.Aprèsmonpèreetmamère,elleestlatroisièmepersonneàmedirequejeressembleàrien.Etcomme

lavérité sort toujoursde labouchedesenfants, laparoledeClémentinecomptedouble.C'est sûr,macouleurdecheveuxnemevapastrop,mêmepasdutout.L'acajourougeprofondjureavecmonteintdelune.Çamefaitunetoutepetitetête.Qu'est-cequejesuismoche!Pourquoimesuis-jemisedansuntellemerde?Aujourd'hui,quandjemeregardedansunmiroir,jene

suisplusLaurenceLegrosmaisIsabelleAutissier.IsabelleAutissier,latueuse.Jenemesuisbiensûrpasventerdemesexploitsauprèsdemesparents,sinonmonpèreauraitfaitune

crisecardiaque.Detoutefaçon,ilsl'apprendrontbienasseztôt.Jesuisactuellementensursis,lapolicepeutdébouleràtoutinstant.IlfautquejesavouredanslamesuredupossibleceNoël,puisqu'ils'agitdudernierenfamilleavantunlonguesérieenprison.LaurenceLegros,lafemmeauxdeuxvisages.Unjour,jepasseraidansFaitesentrerl'accusé.Quelle

gloire!Maculpabilitém'écrasecommeunechapedeplomb.Jefondsenlarmes.—Qu'est-cequ'ilt'arrive,grandesœur?JefouilledanslaboîtedepoupéesquisetrouveàcôtédemoietsorsKen.—ImaginequeBarbietueKen.Qu'est-cequetuferaissituétaisàlaplacedeBarbie.—Ehbien,j'iraivoirlapoliceetjediraisauxpoliciersquec'estmoiquil'aitué.MaisBarbie,elle

estgentille,cen'estpaspossiblequ'elleaittuéquelqu'un.—C'estvraiqu'elleestgentille,maisl'amourrendinconscient.EtBarbieaussiestinconscientequand

elleestamoureuse.Tucomprendrasçaquandtuserasgrande.Clémentinea raison. Il fautque jeme rendeà lapolice.Que jepaiepourceque j'ai fait.Mais j'ai

enviedecommencerparappelerCharlotte,pourluidirequejesuisunemerde,quejesuispleinementresponsabledemesactes.

Afindem'isoler,jemerendsdanslestoilettes.Unecabinetéléphoniqueimprovisée.JecomposelenumérodeCharlotte,quimerépondtoutdesuite—Laurence?JesupposequetuappellespourAlex?Ehben,cen'estpastroptôtdes'inquiéterpour

lui !Tuaurais trèsbienpu le tuer.Tuaseude lachance,cesontsesgenouxquiontmorflé.Lesdeuxrotules cassées. Six semaines à marcher avec des béquilles, sans compter la rééducation derrière. Ilvoulaitporterplainte,maisc'estmoiquiluienaidissuadé.Tudevraismeremercier.—Merci.—Bahplutôt.Justeunconseil,tiens-toitrèstrèséloignéedenous,carsiAlextecroisait, jenesais

pascequ'ilsepasserait.—Merci.Encoreunefois,merci.Grandoufdesoulagement.Pourlecoup,j'aieuunechanceinouïe.Jemedisquejedoisquandmêmeavoirunebonneétoilelà-haut.

Tiens-toitrèstrèséloignéedenous.Nevousinquiétezpas,AlexetCharlotte,nousnerisqueronspas

denous croiser.Puisque jevais partir à l'autrebout de laTerre.Vuquepersonneneveut demoi surParis,ehbien,jevaisretourneràTokyo.Là-bas,ilyauraaumoinsuneheureuse.Hujito.Personnenonplus ne veut d'elle. Lors d'un exposé à faire en binôme, nous étions les deux seules étudiantes dontpersonnenevoulaittravailleravec,c'estcommeçaquenousnoussommesrencontrées.Auniveauducalendrieruniversitaire,çaneposerapastropdeproblèmes.Jeferaimarentréeaumois

defévrier,pourfinirl'annéeenjanvierN+1.Iln'yaurajustequ'unsemestrededécalage.Etpuis,ilyauraaussiquelqu'unquiseracontent.Monpère.Malgrétousleseffortsdemamère,iln'a

pasencorecomplètementdigérerlefaitquej'abandonneleJapon.LeseulsouciavecHujito,c'estlabarrièredelalangue.Nouséchangeonsenanglais.Contrairementà

moidontlamaîtrisedelalanguedeShakespeareestplusqu'approximative,sonanglaisestimpeccable.Celanousimposedesfoisdefairedelonguespériphrasesetdelongsdétourspourpouvoirréussiràsecomprendre,maisnousyarrivonstoujours.Librecommel'air.J'effacedemonrépertoiretéléphoniquelesnumérosdeCharlotteetd'Alex.PuisjecomposeceluideHujito.+81369547814Ellerépondàlatroisièmesonnerie.—SalutHujito,c'estLoquit'appelle!—Moshimoshi,Lo!—J'aiunesuperbonnenouvelleàt'annoncer.JereviensauJapon.—Tuplaisantes?—Non,macolocataireneveutplusdemoi.Jen'aiplusrienàfairesurParis.—Lo,sachequetuespourmoicommeleMessie,caronaunexposéàfaire,etilfautquejetrouve

quelqu'und'icidemainsoir.

—Jeveuxbientravailleravectoi,maisàunecondition.Quetum'apprenneslejaponnais.—Haï.—Jesupposequeçaveutdireoui?Jel'entendspoufferderiredel'autrecôtédutéléphone.—Haï.—Jeréservetoutdesuiteunbilletd'avionetjeserailàdemain.D'icilà,j'aiunepetitemissionàte

confier. J'aimerais que tume retiennes trois nuits dans un hôtel bonmarché, le temps de trouver unesolutiond'hébergement.Enfin,siçanetedérangepas.—Non,aucunsouci.—MerciHujito.—Àdemain,Lo!medit-elleenfrançais,avecsonaccenttrèsmarqué.—Commentdit-on«àdemain»enjaponnais?—Mataashita.—Mataashita.

***

CDG,Terminal2E.Tuesmoche,commeça?Qu'est-cequet'asfaitàtescheveux?Mapetitesœuraraison.Jesuisarrivéeunpeuenavanceàl'aéroport,alorsj'enprofitepourfaireunsautchezlecoiffeur.Retouraufondamentaux.Jeredeviensblonde.Mescheveuxserallongent,aveclaposederajouts.IsabelleAutissierresteàParis.LaurenceLegross'envole.

Tokyo

Chapitre20KonnichiwaTokyo!MonvolAirFrancearriveàl'aéroportdeNarita.Ilestenviron21heures,heure

locale,etlavilleestplongéedansl'obscurité.Arrivéedansl'aérogare,Hujitom'accueilleavecungrandsourire.—Heureusedeterevoir.Cesontcespremiersmots.—Moiaussi,jesuiscontented'êtrederetourici.Enfait,j'aimebienleJapon.CommetouteslesJaponaises,Hujitoesttrèscoquette.Elleprêteunegrandeattentionàsonapparence,

deparseshabitsetsonmaquillage.Jeparcourssoncorps.Collantnoir.Jupedrapéebleumarine.Vestecourtenoire,souslaquelleonpeutentrevoirunchemisieravecdesmotifsfloraux.Unetêtetouteblancheavecdesyeuxbridés.Elleestsûrementplusélégantequemoi,avecmonjeanbaggyetmonK-wayrose,celamemetfranchementmalàl'aise.Nousnousdirigeonsversuncomptoirspécialpourvisiteursétrangers,afind'effectuerlesdémarches

nécessairesà l'entréesur le territoire.Une jolieJaponaisenousaccueilleavec lesourire.Toutva trèsvite.Dixminutesàpeinesuffisent.L'efficacitéjaponaisecommencedèsl’arrivéeàl’aéroport.Afin de pouvoir rejoindremonhôtel, j'en profite pour demander un billet pour leSkyline, lemétro

aérienultra-modernelamégalopoledeTokyo.Hujito, quihabite à l'autreboutde lavillenem'accompagnerapas.Ellem'expliquequ'ellevoulait

trouverunechambreplusprochedechezelle,maisqu'ellen'apasréussi.Leshôtelssontarchi-bondéssurTokyo,etquandons'yprendauderniermoment,onn'estpasendroitdefairelesdifficiles.Hujitoaprislesoindemepréparerunplanm'expliquantavecprécisionoùsetrouvel'hôtel.Deplus,

j'aiunbonsensdel'orientation,jedevraisdonctrouverl'adresseassezfacilement.LeSkylines'élancedanslecieltokyoïte.C'estpartipouruneheuredetrajetdanslesméandresdela

ville.Depuislesfenêtres,onaperçoitdunoirperforéparuneinfinitédepetitstrousjaunes,leslumièresdelaville. Jedescendsà la stationdemétroAkihabara, cellequem'a indiquéeHujito.Avecmongros sacde

randonneursur ledos, je rejoins l'hôtelàpieden troisminutes.Sur la façadedubâtiment,pasunseulpanneauenanglais,justedenombreusesenseignesmulticoloresincompréhensiblesquiscintillentsouslecrachinnippon.Lafouled'idéogrammesquiseprésenteàmoin'aaucunesignification,justeunebeautéénigmatiquedeparleurdessin.Extérieurement,labâtisseenacieretenverredominelacirculationduhautdesesneufétages.Celame

faitpenseràunvulgaireimmeubledebureaux.Vulagueuledel'immeuble,jem'attendsàêtreaccueilliecommeaubaisodrôme.C'est-à-direrécupérer

laclefdelachambreaprèsavoirintroduitsaCarteBleuedansunautomateparlant.Maiscen'estpasdutoutlecas.J'arriveàlaréception,etjetrouveassisderrièreungrandcomptoiruncoupledeJaponais.L'hommeetlafemmesontentourésd’uneribambelled’appareilsélectroniques,demini-écransassurantleretourdescamérasdesurveillance.Unpeuplusloinsurladroite,unetélédiffuselesimagesd’unfilmd’action.Jebaragouineàl'hommeassisderrièrelecomptoirquelquesmotsenanglais.

Ilmeremetuneplaquette,lemoded'emploi...ducapsule-hôtel!J'avaisdemandéàHujitodemeréserverunhôtelbonmarché,maiscelanem'étaitpasvenuàl'esprit

qu'elle opterait pour cemoded'hébergement, qui pour le coup est vraiment lowcost. Jem'attendais àquelquechosed'unpeuplusconfortable.Ilvas'agirpourmoid'unbaptême,puisquejen'aijusqu'àprésentencorejamaisexpérimentécetype

d'hébergement.Jen'enavaisjusteentenduvaguementparler.Unecabinedepilotagedecapsulespatiale.C'estlapremièrechoseàlaquellej'aipensélorsquej'aivu

ledessindelacapsulesurlabrochure.Quellechance!Jevaispasserlanuitdansunbijoutechnologiquerésumantàluiseultoutelamodernitéjaponaise.Ilrisqued'yavoirdesenvieux!Commeàlapiscine,leréceptionnistemeremetunbraceletnumérotéencaoutchoucauquelpendune

petiteclef.923.Lenumérodemacapsule.Premièrerègle:sedéchausser.Jerangemeschaussuresdansunesortedegrandboîtieràchaussures

collectif,justeàcôtédelaported’entrée.Parsoucidepropreté,leshôtessedéplacentpiedsnusouenchaussettes.J'extirpedemonsacderandonneurunpyjama.Monbagagefaisantlamoitiédelatailledelacapsule,

jeledonneàlafemmeducomptoir,quilerangesuruneétagèrederrièreelle.Jemontedansl'ascenseur.Lebâtimentfaitdixétages.J'ignoreàquelniveauoùsetrouvemacapsule.

Lenumérocommençantparneuf,jesupposequ'ils'agitdu9ème.Enroutepourle9ème.923setrouvebienau9èmeétage.Madéductionétaitlabonne.Lechoc !Endescendantde l'ascenseur, je tombe surunétroit couloir.Du sol jusqu’auplafond, les

capsulesformentunmurd'unehauteurdetroisboîtiersrectangulairesempilés.Onaccèdeauxcapsulesduhautàl'aided'unepetiteéchelle.Chaquecapsulemesure80centimètresdehaut,80centimètresdelarge,etenviron2mètresdeprofondeur.Côtéintimité,c'estplusquerudimentaire.Cariln'ypasdeporte.Seulunstoreenbambouassurela

séparationentrela«chambre»etlecouloir.Lebambouestleseulmatériaunaturel,puisquelerestedel’habitacleestenplastique.Macapsulesetrouveauniveaudusol:faciled’yentrer,jemebaisseetypénètre à quatre pattes, comme un chien dans sa niche. Ouaf ! Ouaf ! À l’intérieur de l’habitacle,impossibledesemettredebout,nimêmeenpositiondulotuspourméditer.Allongée,Perdita!C'estunordre!Jeresteétenduesurledosàcontemplerlabeautédeslieux.Moncorpsreposesurunmatelasdequelquescentimètresd'épaisseur,guèreplusconfortablequ'uneplancheenbois.Matêteestallongéesurunesorted’oreillercouvertd’untissuencotonetremplideboulettesenje-ne-sais-quoi.ProbablementunmatériaurévolutionnaireinventéparlescerveauxduSoleilLevant.Maintenant,ilvafalloirdormir.Ouentousça,essayerdedormir.J'aidelachance,jenesuispasclaustrophobe.Nicheàchienoucasierpourpoulesélevésenbatteries.Ouencoremort-vivantcoincédansuntiroirde

morgue. Je ne sais pas vraiment dans quel endroit jeme trouve.En tout cas, appeler ça une chambred'hôtelseraitunetrèsgrossièreerreurdevocabulaire.MerciHujitopourcetteexpérienceunique!Laseuleouverturesurlemondeextérieurestunpetitécrandeneufpoucesencastrédansleplafond

quidiffusedeschaînesnippones...etparfoisfriponnes!Enl'échangedequelquesyens,ilestpossibledevoirdupornomadeinJapan.J'aipasséuneannéeauJaponetd'ailleurs,jen'aijamaiseulacuriositéderegardercommentjouissaientlesJaponaises.Ilfaudraqu'unjourjemerenseigne,maispascesoir.Materçasurunécrand'unesipetitetaillenemetentepastrop.

Ici,iln'yapasdechambredouble.Lesébatsérotiquessontproscrits.Vouspouvezvousadonnerauxplaisirssolitaires,etencore,ilfautveilleràlapromiscuité.6heures34.Tokyoestdéjàbienréveillée.Jedécidededécamper.J'aitrèsmaldormi.Àvraidire,je

ne saismêmepas si j'ai fermé l'œilune seule foisdans lanuit.Aujourd'hui, jememets enquêted'unhébergement«durable».Jen'aipasenviedepasserunedeuxièmenuitenferméedansuncercueil—siDieuleveut,j'aimeraisvivreencorequelquesannées.Malheureusement,jesuisconscientequelatâchevaêtredifficile.Noussommesenmilieud'années.L'aubergede jeunesseoù j'étais l'andernieraffichecomplet.Cen'estpasgagné.JereprendsleSkyline,cettefois-cidansl'autresens.AvecHujito,nousnoussommesfixécommepoint

derassemblementlastationdemétrodesservantl'université.Ellevam'aiderdansmaprospection.Le train fileendirectionde la fac.Surmonchemin,pasdeverdure,peud'espacesvierges, juste la

villequisedéroulesousmesyeux.Danscetenchevêtrementanarchiquedepoteauxélectriques,devoiesdechemindefer,decomplexesindustrielsetd'habitations,letrainarriveàsefrayerunpassageétroit,celarevêtdel'exploit.Etilyaaussisurlestrottoirs,lesgens,parcentaines,parmilliersquimarchent,secroisentets'entrecroisent,sanss'apercevoir.Et puis, au détour d'un virage, j'aperçois au loin la Tour de Tokyo. Tout comme Paris, la capitale

nipponneasonpénis.Jen'airienmangédepuismonarrivéeàl'aéroport,hiersoir.Alors,jedécidedefaireundétourchez

McDo.JecommandeunMcMuffinBacon&Egg,despancakesetuncafé.Enquelquesminutes,toutseretrouvedansmonestomac.Jemesensmieux.Quoideplusréconfortantquedemangerquelquechosequia lemêmegoûtdanstouteslesvillesdu

monde?—Tuasbiendormi?—Oui,ç'aété,mens-jeàHujito.

Chapitre21Commejem'enétaisdouté,nousavonsfaitchoublancdansnotrerecherched'appartement.Tropcher,

tropéloignédelafac,troploindescommerces.Jen'airientrouvéquicorrespondaitpleinementàmescritères.Noussommesenpleinmilieud'année,riend'étonnantàcela.Ilmefautunesolutiondans l'immédiat. Iln'estpasquestiond'attendreune journéedeplus, le temps

queStéphanePlazasedéplaceauJapon.Alors,Hujitom'aproposédem'hébergerprovisoirementchezelle.Ellemeprêteralecanapédusalon—unconvertible—,ceseratoujoursmieuxqu'unenicheàchien.—Voilàmonchezmoi!J'entredanssonappartement.Jesuisimpressionnéeparlatailledeslieux.Laported'entréedébouche

sur un salon énorme qui paraît bien vide. Un canapé orange, sur lequel je dormirai. Une table basseblanche.Unmeuble télé blanc, avec un écran Sony 103 cm posé dessus. C'est tout. Côté déco, de lapeinturenoireausol,etdelatoiledeverreblanchesurlesmurs.Aufonddumur,unegrandebaievitréedonnesurunimmeuble.SonappartementsetrouveenpleincentredeTokyo,leprixduloyerdoitcoûterunebagatelle.Mais

son père doit avoir les moyens. J'ai cru comprendre qu'il avait de hautes responsabilités dans uneraffineriepétrolièresituéeausud-estdel'archipel,dansleJapondel'endroit.

***Mesrecherchesd'appartements'enlisent.Celafaitmaintenantplusieurssemainesquejechercheetque

jenetrouverien.Enattendant,jesquattelecanapédeHujito,soussabienveillance.D'ailleurs,deslienssontentraindesetisserentrenousdeux,etvuqu'elleaungrandappartement,je

medisquejepourraistrèsbiendevenirsacolocataire«titulaire».Maisàmonavis,ilestencoreunpeutroptôtavantdeluiformulermademande.Ilfautattendrequenoussoyonsdavantagesoudéesavantdelefaire.Hujitoa remisencausemespréjugés sur lanourriturenipponne.Àvraidire,mesconnaissancesen

cuisinejaponaiseétaienttrèslimitées.Voireinexistantes.Ellessecantonnaientauxplatsproposésparleselfdel'université.Delabouffeindustrielle,sanssaveurs.Hujitom'initieauxplatstypiquementJaponnais,cuisinésparelle.Etçan'aabsolumentrienàvoir!Voicimontop3:Médailledebronze.L’agedashitofu,untofusoyeuxfermecoupéencube,puisenveloppédansdela

féculedepommeterreetfritdansdel’huile.Ensuite,ilestdéposédansdelasauceàbasededashi,desojashoyuetdemirin.Médailled'argent.Letamagoyaki,uneomelettesucréerouléesurelle-mêmegrâceàunepoêlecarrée

appeléemakiyakinabe.Ilsemangefroidoutiède.Etenfin,médailled'or.Lesakuramochi,unepetitepâtisserietraditionnellecomposéed’unmochi—

boulederizgluante—rosesucréfourréàlapâtedeharicotsrougesanko.Ilestentouréd’unefeuilledecerisierdesakuralégèrementsalée.

Jemesuisaussimisàl'apprentissageduJaponais.C'estHujitoquimedonnedescours.Semaineaprèssemaine, je fais d'énormes progrès, et Hujito est contente, carmaintenant, on peut avoir ensemble unembryondeconversationdanssalanguenatale.

Chapitre22Premieravril.—Jevaistefaireunesurprise,meditHujito,quiessaiedegardersonsérieux,malgrésonirréductible

enviederire.Quelgenredepoissond'avrilva-t-ellemefaire?Jesuisimpatienteledécouvrir.—Suismoi!—Onvaoù?Elle fait chut en posant son index sur les lèvres. Elleme prend par lamain pour que je la suive.

J'ignorecomplètementoùnousallons.

***Troispénisénormes,dedixmètresdelongchacun.Debout.Enérection.Unenbronze.Unenbois.Et

unautre,peintenrose.Aprèsuneheurede trainetdeuxcorrespondances,c'est lapremièrechosequinousperfore lesyeux

unefoisfranchieslesportesdelagaredeKawasakiDaiichi.Nousarrivonssurunegrandeplacepavée,sur laquelle le soleil se reflète, et ses« sexesd'homme»se trouventàunecinquantainedemètresdenous.Chacund'entreeuxestposésurunpalanquin,prêtàdéfiler.—C'estleKanamaraMatsuri,m'informe-t-elle,sourireauxlèvres.—C'estquoilekamana...lekamananarasuri?Mesproblèmesd'élocutionlafontrire.—Non,leKanamaraMatsuri.Appelleçalefestivaldupénisdefersitupréfères...—Lefestivaldequoi?—Dupénisdefer!Ellemeregardeavecunénormesourire,puisreprend:—Jevaist'expliquer.Unelégendeancienneracontequ'undémoneutl'idéedesecacherdanslevagin

d'uneprostituée.Ils'amusaitàmordrelespénisquientraientenelle.Alorsunjour,unforgeroneutl'idéedefaçonnerunpénisdeferafindedétruire lesdentsdudémonetdemettrefinà lamalédiction.C'estainsique,depuislors,nouscélébronstouslesansleKanamaraMatsuri,iciàKawasaki.Despénis,encoredespénisetrienquedespénis.Voilààpeuprèscequirésumecettefête.Nousobliquonssurlagaucheetnousengageonsdansuneruenoiredemonde.Nousnousretrouverons

soudaindansunesortedefoire.Dechaquecôtédelavoie,desstandssontinstallés.Sontenventeunemyriade de souvenirs qui ont tous pour point commun une représentation du sexe masculin. Stylo.Bougies.Sculpturesurbois,surradis.Chocolats.Jouetspouradultes.Ouencoresucettes.Hujito flashepourunepairede lunettesavecattachédessus,unnezencaoutchoucroseen formede

pénis.Ellefonceverslestandetenachètedeux.J'éprouveunecertaineréticenceavantdechausserleslunettes,maisjemedis:«Arrêted'êtrecoincée,Laurence!Tuasfaitpirequeça!»Alors,toutcommeHujito,jemetsmeslunetteset,enpouffantderire,nousnouslançonsdansuneséancedeselfiesdébridés.

La présence de nombreux enfantsm'interpelle.Ce festival neme semble pas des plus adaptés. J'entouchemot àHujito.Elleme rassure aussitôt enme disant qu'il ne s'agit en aucun cas d’un festival àcaractèresexuelmaisavanttoutunfestivalpourcélébrerlafertilitéetpermettreauxfamillesd’avoirplusd’enfants.Etpuisvientl'heuredudéfilé,lepointd'orguedufestival.Lespénisgéants,soulevéspardeshommes

déguisés,sefaufilentdanslafoule.

Chapitre23Aux alentours deminuit. Quelqu'un entre dans l'appartement, c'estHujito. Il lui arrive de temps en

tempsdedonnerdescoursdeJaponais lesoir,c'estpourcelaqu'ellerevient tard.Entempsordinaire,j'attends son retour pourme coucher,mais aujourd'hui, j'ai chopé un sacré rhume. Impossible de tenirjusqu'àminuit.Pensantquejedors,ellen'allumepaslalumièreafindenepasmeréveiller.—Tupeuxallumer,luidis-je.Jenedorspas.Ilnemanqueraitplusquetutecasseslabinette.Jemelèvepourl'accueillir,jeporteunenuisetteblancheassezlégère.Hujito,toujourstrèsélégante,esthabilléetoutennoir.Jupecourtes'arrêtantàlamoitiédelacuisse.

Vestetailleur.Cesoir,quelquechosedetrèsétrangeestentraindeseproduire.Celafaitquatremoisquejevisavecelle,etpourlapremièrefois,moninconscients'exprime.Maraisonm'ajusqueprésentempêchéedeconstatercequiestuneévidence.Cettefillen'estpasqu'unesimpleamie,non,cettejeunefemmem'attire.Lesmotssontdifficilesàprononcer,maisjecroisbienquejesuisamoureused'elle.Jeneveuxplusmecacherderrièreunmur,nim'empêcherdelacontempler.Alors,jelaregardeavecdesyeuxcoquins,ladévisageduregardetportemesyeuxsurl’ouverturede

son chemisier. Un plongeant joli et profond. Je constate que mon entrejambes commence à devenirhumide.Ledésirmonteenmoi.J'ai envie d'aller plus loin avec elle. Je lui fais comprendre que depuis le jour où j'ai décidé de

revenirauJapon,moninconscientavaitcomprisquejeladésirais.Ellenemerepoussepas.J'endéduisqu'elleaussi,elleaimelesfemmes.Quedetempsdeperdu!Quatremois!Elleôtesaveste,lajettesurlelit.Jem'approched'elle.Mamaindroitecaressesondos,atteintsanuque,passedanssesjolischeveux

bruns. Un baiser furtif vient se poser sur cette nuque. Mes doigts effleurent maintenant ses cuissesdénudées, elle pousse un petit gémissement à peine audible.Mes yeux se fixent sur les siens et nouséchangeons un premier baiser, tendre et délicat. Puis d'autres baisers plus intenses, plus longs, pluspassionnés se succèdent sur un rythme effréné.Nosmains se déchaînent sur nos corps, pétrissant nospoitrines,caressantnoscuisses,lesremontantpouratteindrenosintimités.Ellemeprocuredavantagedeplaisirqueceluidont jesuisenmesuredeluienrendre.Carsesvêtementssontpourmoiunobstacle.Elle,ellepeutpassersesmainssousmanuisette,sesdoigtsagilessontencontactdirectavecmachair,ilspeuventactionnersansaucunedifficultémonboutondudésir...Unspasme.Jesursaute.Hujito?Oùest-elle?Elleadisparu!Jeregardeautourdemoi.Non,iln'ya

personne.Lapièceestplacéedanslapénombre.Iln'yapasdevolets,cesontdesstoresquifontofficedefermetures.Onvoittoutautourunesortedecadreenlumièreblanche,généréparl'éclairagedelarue.Unpeucommesidesfantômess'apprêtaientàentrerdansl'appartement.Le radio réveil à cristaux liquides rouges indique 0 : 32. Le calme plat règne en maître dans

l'appartement. Hujito ne donnait pas de cours ce soir-là. Elle se trouve dans la pièce d'à côté, biensagementallongéedanssonlit,entraindedormir.Unefoismesespritstotalementretrouvés,jemerendscompterapidementquejeviensdefaireunrêve

chelou,etquimemetbiendansl'embarras.Moninconscientvientdes'exprimer,etàprésent,rienneseraplusjamaispareil.Àpartirdedemainmatin,quandHujitoselèvera,ilnemeseraplusjamaispossibledelaregarderde

lamêmefaçon.Il faut que je réussisse à assumer mon homosexualité, que je me montre suffisamment forte pour

pouvoirladévoileraugrandjour.Ilvaaussifalloirquejemeprépareàlaréactiondesmesparents,etsurtoutàcelledemonpèrequand

ilapprendraquejesuisgouineetqu'ilmedira:«Tun'esplusmafille!».Enconclusion,ilfautquejen'aipluspeurdepersonne.Maintenant,ilvafalloirquejeréussisseàconvaincreHujitodem'aimer,etcelarisqued'êtreuntout

petitpeuplusdifficilequedansmonrêve.Surtout qu'elle semble plutôt attirer par les hommes. Se rendre dans un festival où il y a des pénis

partoutestquandmêmelapreuved'ungrandintérêtpourlesexefort.Jenesaispasdutoutcommentm'yprendre.J'aibesoind'êtreaider.Pourquoilavieest-elleaussicompliquée?

***

—MadameHautois,jevousremercied'avoiracceptécetteconsultationparSkype.—Vousn'avezpasàmeremercier.C'estmoiquivoussuis,c'esttoutàfaitlégitimequejem'occupede

vous.Le contraire serait aberrant.A l'heure actuelle, avec les nouveauxmoyensde communication, ladistancen'existeplus.(Courtsilence.)Donc,sij'aibiencomprisvotremail,vousmeditesquevousavezcoupélespontsavecCharlotteetAlexetvousvousêtesréfugiéeauJapon,c'estbiença?—Toutàfait!J'aiappliquévotreprécepte.Ledialogue.Quandjeluiaiditquejel'aimais,ilyaun

clash.Ilm'aditqu'ilnevoulaitplusjamaismerevoir.—Aumoins, vous savez à quoi vous en tenir,mais c'est vrai que sa réaction est peut-être un peu

excessive.(Courtsilence.)Etdonc,decepas,vousvousêtesréfugiéchezuneamieauJapon...—Oui,auprèsd'unefillecommequoi.Uneâmedontpersonneneveut.Mais,ilyaunsouci:jecrois

quejesuisentraindetomberamoureused'elle.Etjesuisloind'êtrecertainqu'elleaimelesfemmes.—Jevois.Unenouvellefois,ledialogue...Essayezdeluiexprimervoussentiments...—Oui,maisj'aipeurdeprécipiterleschoses.Jen'aipasenviedelaperdre...—Rassurez-moi, il y quandmême de la complicité entre vous, il vous arrive de faire des choses

ensemble...—Oui,onpartagetoutoupresque.— À ce moment-là, prenez le temps de l'observer, de disséquer son comportement, d'analyser le

moindredesesgestes,ceafindepouvoirpeservosmotslejouroùvousvoussentirezprêteàdéclarervotre flamme. Le dialogue, ce ne sont pas forcément des mots. Ce sont aussi des mouvements, desexpressionsduvisage.Ledialogue.Toujourslui.Soustoutessesformes.Ilestlaclefdetout.

Chapitre24Aujourd'huiseraunejournéeàmarquerd'unepierreblanche.C'estlapremièrefoisdepuisquejesuis

auJapon—annéedernièrecomprise—quejeconverseparSkypeavecmesparents.Ilfautdirequecesderniersnesontpasdutoutbranchésnouvellestechnologies.—Unenouvellefois, jesuiscontentquetuaiesdécidéderetournerauJapon,mecomplimentemon

père.Papaalesourireauxlèvres.Ilestcontentquesafifillesoitrentréedanslerang.Etmoiaussi,jesuis

heureused'êtreretournéeauJapon.Aucunnuageàl'horizonpourlafamilleLegros.—Tu avais raison. J'ai fait une grosse connerie en voulant abonner le Japon. J'aurais dû t'écouter

davantage.Maisbon,cetteerreurvaêtreréparée,c'estçal'essentiel.—Heureuxquetut'ensoisrenducomptequandilétaitencorepossibledefairemarchearrière,mefait

mon père. Car tu joues quandmême ton avenir. Tu as la chance de faire des études dans une grandeuniversité,d'avoirunbonmétierderrière,ç'auraitvraimentétédommagedetoutgâcher.Encoreunefois,jesuisfierdetadécision.Monpères'emparedelawebcametlatournesurlagaucheafinquejepuissevoirmamère,quientame

laconversationavecmoi:—Alors,çasepassebienauJapon?—Comme je te l'ai expliqué, j'aimontéunecoloc' avecuneamieque jemesuis fait à la fac.Une

Japonaise.Ons'entendàmerveille.—Sinon,lescours,çasepassebien?—Oui,toutsepasseàmerveille.Lesprofssontsympas,lescourssontsuper-intéressants.Encequi

concernelabarrièredelalangue,j'avouequel'annéedernière,j'aifaitpreuvedemauvaisevolonté.Carquandons'ymetsérieusement,leJaponais,ças'apprendfacilement.—Tantmieuxpourtoi.—D'ailleurs,parlasuite,c'estpasimpossiblequejeresteauJaponpourtravailler.Carilyaquand

mêmedesopportunitésd'emploiquin'ontrienàvoiraveccellesquel'onpeuttrouverenFrance.Tout d'un coup, elleme regarded'un saleœil.Nevoir pratiquementplus jamais sa fille, une chose

difficilementenvisageablepourelle.Pourtant,ilfaudraqu'elles'yfasse.Lacamérabougeànouveau,ellevole.—Clémentine!—Laurence!Tescheveuxsontredevenuscommeavant,ilssesontrallongés!—Oui,tuavaisraison.Aveclescheveuxacajou,jeneressemblaisàrien.—Quandest-cequetuviensjoueravecmoi?—Bientôt!DisdemapartàBarbieetKenquejeviendraisleurrendrevisitedébutJuillet.—D'accord.

Chapitre25Prenezletempsdel'observer,dedisséquersoncomportement,d'analyserlemoindredesesgestes.

Pourmieuxlacerner,ilfautquejelavoisenpermanence.Ycomprisdansleslieuxoùjen'aipasaccès,comme sa chambre et la salle de bains.Alors, j'ai décidé de truffer notre chez-nous de caméras. J'aiachetéunstockdeGoPro,qu'ilm'aétéassezfacilededissimulervuquel'appartementpossèdeunfauxplafond.Poursachambre,j'aioptépourunecamérainfrarougeafindepouvoirl'observerlanuitdanssonlit.Les vidéos vont me permettre de mieux la connaître de jour en jour. Aujourd'hui, j'en suis à ma

deuxième journéedecaptationet jeviensdedécouvrirquelquechosedeparticulièrement intéressant :c'étaithiersoiralorsqu'ellese trouvaitsous ladouche.Avecmacaméra, je l'aipriseenflagrantdélitd'onanisme.Jemerepasselefilmafindepouvoirdisséquerchacundesesgestes.Sous l'eau ruisselante, Hujito s'agitait. Son gant de toilette parcourait tout son corps, avec comme

pointsdepassagessescuissesfuselées,sonventreplat,sesfessespresqueinexistantesetsespetitsseins.Puiselleposal'undesespiedssurlepetittabouretquiservaitàs'asseoirdansladouche.Elleécartalescuissesetselaval'entrejambesavecunepetiteéponge.L'humiditéambiantem'empêched'observeravecprécisionsesmouvements,maiscequiest sûr, c'estqu'elleprit énormémentde tempspour lavercettepartieducorps.Malgrélebruitdel'eau,onentendtrèsclairementdepetitsbruitsaiguës.Elleétaitentraindejouir.Àunmoment,ellesaisitlepommeaudedoucheetendirigealejetpuissantsursespartiessensibles.Ellerestadanscettepositionpendantaumoinscinqbonnesminutes,sespetitscrisnecessaientdes'intensifier.Lesjourspassent,etlaseulechosequejeconstate,c'estqu'ellesemasturbebeaucoup.Parexemple,la

camérainfrarougemerévèlequechaquesoiravantdes'endormir,ellepasseplusieursheuresdanssonlitàjoueravecdesgodemichets.Visiblement,chezelle,ilyaungravedéficitsentimentalàcombler.J'aiunesolutionàluiproposer.Elles'appelleMoi.

***— J'ai fait comme vous m'avez dit. J'ai pris le temps de l'observer, et j'ai découvert qu'elle se

masturbaitbeaucoup.C'estunpeucommesiavoirunevie sexuelleavecquelqu'unne l'intéressaitpas.C'esttrèsétrangededireça,maisondiraitqu'ellesesuffitàelle-même.L'internetnepassepastrèsbienaujourd'hui.Surmonécrand'ordinateur,MadameHautoisressembleà

unebouilliedepixels.—Non,ilnefautpasdireça.Deuxraisonspeuventexpliquersonautosexualité.Soitellen'aaucune

expérience, car elle n'a pas encore trouvé la bonne personne. Ou alors, elle a eu une mauvaiseexpérience,etellen'apasréussiàlasurmonter,cequiexpliqueraitsonrefugedansl'onanisme.—Etcommentjepeuxfairepourlafaire«évoluer»surcettequestion-là?Je l'entends souffler dans lemicro.Visiblement, elle semble être un peu à court d'arguments. C'est

premièrefoisquejelavoislutterpourtrouverunesolutionàmonproblème.—Écoutez,l'idéalpourrésoudrecegenredeblocage,ceseraitd'avoirlapersonneenface...Moi,le

seulconseilque jepuissevousdonner,c'estd'essayerd'aborder lesujet,bienquevisiblement,cesoitasseztabou.Cequevouspouvezfaire,c'estdecommencerparsondersonpassé.Voustrouverezpeut-êtrelesrailsquivousconduirontàlaquestion.Ledialogue,encorelui.Ilestlaclefdetout.

***Commencez du moins par sonder son passé. J'ai appris qu'elle a eu une enfance douloureuse,

puisqu'elleaperdusamèreàl'âgedequatreans,celle-ciestdécédéed'uncancergénéralisé.Elleadoncété élevée seule par son père. Quand je l'interroge sur ses amours passés, elle fait mine de ne pascomprendremonanglais,ets'empressedechangerdesujet.Sesantécédentssentimentauxdemeurentunmystère.

Chapitre26Quelquechosemesurprend.Hujitos'absentemaintenantpratiquement tous lessoirspourdonnerdes

cours de Japonais. Elle part vers 20 heures pour revenir aux alentours de minuit. Il y a quelquessemaines, ce n'était qu'un seul soir par semaine— généralement le mardi soir— qu'elle m'était sescompétenceslinguistiquesàdisposition.Untelchangementm'étonne,carelleestloind'avoirbesoindetravaillerpourpouvoirfinancersesétudes.Elleestfilleuniqueetsonpèretoucheunconfortablesalaire,cedernierpeuttrèsbienlasoutenirfinancièrement.L'explicationestpeut-êtreàchercherdececôté,danslesrelationsqu'entretientHujitoavecsonpapa.Peut-êtreya-t-ileuunebrouilleentreeuxdeux,etqu'iladécidéde couper lavanned'alimentation?Cela expliquerait pourquoi aujourd'hui, elle estobligéedetravailler.

***Unsamedimatin,auxalentoursde10heures.Hujiton'est toujourspas levée.Cen'estpasdans seshabitudesde faire lagrassematinée.En règle

générale,ellemettouslesjourslepiedparterrevers7heures,ycomprisleweek-end.Quesepasse-t-il?Est-ellemalade?Jemepermetsdem'introduiredanssachambreafindem'assurerquetoutvabien.—Hujito!Tuasdécidédenepasteleveraujourd'hui?Jem'approchedulit.Jeconstatequejeviensdeparlerdanslevide,cariln'yapersonnesouslacouette.Sonlitn'estpasdéfait.Hujiton'estpaslà.Ellen'apaspassélanuitici.Ellen'estprobablementjamaisrevenuedesoncoursd'hiersoir.

Je regardebeaucoupd'émissionde faits divers, dans la veine de «Faites entrer l'accusé », et c'est

peut-êtreçaquimerendunpeuparano.Maisjemesuistoujoursditqu'enserendantchezn'importequiàdesheuressitardives,ellefiniraitparavoirdesproblèmes.Aurait-ellefaitunemauvaiserencontre?Chezquelqu'un?Sursontrajet?Entoutcas,iln'yapasunesecondeàperdre.Jedécidedepartiràsarecherchesansplustarder.

Danssachambre,ilyauntableauenliègeoùsontpunaiséesdessusdesphotosd'elle.Onpeutlavoir

seule,encompagniedesonpère,ouencorefonduedanslemassedesautresélèvesdesaclasse.Jedécrocheunephotosurlaquelleelleapparaîtengrandplan,etjel'embarqueavecmoi.Jesorsdesonappartement,quidébouchesurunruecommerçante.Monidéeestdeparcourirleséchoppes,afindedemanderauxgérantss'ilsn'ontpasaperçuHujitohier

soir. Dans cette rue, les commerces ressemblent plus à des étals de marché qu'à de vrais magasins.Orange,jaune,bleu...lesstoresdesboutiquesformentunkaléidoscopedecouleursaussimagnifiqueque

déroutant.Onpeutégalementsentirl'odeurdebouffe.Uneadditiondetouteslesspécialitésjaponaisesentraindecuire.Celanous rappellequemidiestdansseulementdeuxheures.Mais jenesuis lànipouradmirer lepaysage,nipourpenseràmeremplir leventre.Monbutestderéussiràmettre lamainsurHujito,leplusvitepossible.JezigzaguedanslarueafindemontrerlaphotodeHujitoàtouslesmarchandsdelarue.Avecmon

anglaisapproximatif,j'essaiedeleurexpliquerlasituation,s'ilsontvupasserHujitoauxalentoursde20heures,oubienalors,versminuit.Tousmefont«non»enbattantlatête.Changementdestratégie.Telleunechienneaffolée, jesautemaintenantsur tous lespassants,afinde

leurposerlamêmequestion.Àchaquefois,laréponseestnon.J'arrive à un carrefour, au bout de la rue commerçante. Plus loin, plus de magasins, mais des

immeublesmodernes, aux vitres teintées. Je regarde à droite. Dans la rue transversale, il y a encorequelquesboutiquestraditionnelles,jetentemachance.C'estletémoignaged'unmarchanddespécialitésàbasedepouletquivafaireavancermonenquête.

Depuismaintenantunmois,ilaperçoitHujitoentrerdansl'immeubled'enfacechaquesoirauxalentoursde20heures.Etilestcertaindel'avoirvuhier.Jem'empresseaussitôtde traverser la rue,afindepouvoirentrerdans le rectangleenverredecinq

étagesetd'interrogerleshabitants.Pourpouvoiraccéderàlacaged'escalier,j'attendsdiscrètementenbasdel'immeuble.J'emboîteraile

pasàlapremièrepersonnequirentre.J'aidelachance,jen'aipasbesoindepoirotertrèslongtemps.Une fois dans la cage d'escalier, je monte en ascenseur jusqu'au cinquième. Je vais maintenant

interrogerleshabitantsunàun,endescendantlesétages.Ya-t-ildeshabitantsdanscetimmeuble?Aucinquième,personnenemerépond.Je tente ma chance au quatrième. Personne. Encore personne... Troisième porte, quelqu'un m'ouvre

enfin.UnJaponaisd'unecinquantaineannéesavecplustropdecheveuxsurlatêteapparaît.Je lui présente la photo de Hujito, tente de lui expliquer la situation avec mon anglais merdique.

Visiblement,ilneparlepasunmotdelalanguedeShakespeare,cequin'arrangepasleschoses.Ilmeparle,maisseulementenJaponais,jenecomprendsdoncabsolumentrienàcequ'ilraconte.Son

monologueestinterminable,etsurtout,ilcausedeplusenplusvite.J'ail'impressionqu'ilestentraindes'énerver.Visiblement,quelquechoseledérange,etj'aibienpeurquecesoitmaprésence.Alorsjem'écartedelaporte,tournelestalons,etcommeparmagie,lesilence.Jepoursuismaprospection.Beaucoupd'appartementsvides.Lesrarespersonnesquidaignentm'ouvrir

sontguèreplusaimablesquel'hommeduquatrième.Etceuxquisontanglophonessontincapablesdemerenseigner.Arrivéeaudeuxièmeétage,jecommenceàdésespérer.Jesonneàuneénièmeporte.Unjeunecaucasiendevingtansàpeinem'ouvre.Ilesttorsenu,arbore

unebellemusculature.IlportesimplementuncaleçonblancDim.Jefaufilemesyeuxentre le jeunehommeet l'huisseriepourvoircommentest foutu l'appartement. Il

s'agitd'unetoutepetitesurface,unepièceunique.Côtédéco,lemonochromerègneenmaître.Lesol,lesmurs,leplafond,toutestblanc.Soudain,j'ailesoufflecoupé.Aufondàgauche,j'aperçoisunlitdoubleavecquidedans?Hujito!Je dégainemon arme,mon fameux couteau à huîtres, et la pointe vers lui. Il fait aussitôt un pas en

arrière,etlapeurinondeinstantanémentsonregard.—Tul'asviolée?Hein,c'estça?Tutel'estapé?—Elleétaitconsentante!—Menteur!Tutel'estapéalorsqu'ellenelevoulaitpas.T'inquiètepas.Avecmoi,tupaierasdetes

actes.Jusqu'àtondernierjour...Hujitoarrive,arborantunsourireradieux.— Il n'a rien fait demal.Ona fait l'amour, juste parceque«koishiteru » ! (Court silence durant

lequelellemejetteunsourirepleindemalice.)Koishiteru!Jesuisamoureusedelui,situpréfères.

***LevisagedeHujitosetransformelentementensuie,ilvafalloirquejel'oublie.Dèsquej'aiappris

qu'elleavaitun«copain»,jesuisretournéechezellepourfairemesbagages.Jen'avaisplusrienàfairedanscetappartement,alorsj'aitrouvérefugedansunevalise,letempsdetrouvermieux.Finalement,jemedisquecen'estpassimalqueçalecapsule-hôtel.Seulerecroquevilléedanscette

sortedebulle,j'yvoiscommeuneformederetourauxsources.J'airetrouvélapositionfœtalequej'avaisdansleventredemamaman,avecautourdemoi,lapochedeseaux.LaphotodeHujitoestmaintenantcomplètementpartieenfumée,toutcommel'amourquej'avaispour

elle.JerentreaussitôtmonZippo—lescapsulesdoiventêtreéquipéesdedétecteursincendies,jen'aipasenviedemeretrouverdansunlave-linge.Jefaisàprésentl'amerconstatquemaviesentimentaleestunchampderuines.Charlottes'estbarréavecAlex.Hujitoneveutpasdemoi.Etmoi,jesuisenroutepourunedestinationinconnue.

Àdéfautd'avoirunavenirbalisé,jemeréfugiedansmonpassé,etjesuisenproieàlanostalgied'un

tempsrévolu.Alex.Jen'aijamaisvraimentréussiàl'oublier.Enyréfléchissantbien, jemerendscomptequeHujiton'aétéqu'uncasse-croûtepourmoi.Ellem'a

permis de me rassasier, de combler temporairement mon vide sentimental. Il n'y avait rien de biengastronomiquedanscequejeressentaispourelle.Alex,lui,jel'aimaisvraiment.Prenezletempsdel'observer,dedisséquersoncomportement,d'analyserlemoindredesesgestes.

J'aimonordinateursouslesyeuxetjemerepasselavidéod'Alexquej'avaisréaliséàsoninsulorsdenotredeuxièmevoyageRennes.C'estlapremièrefoisquejelarevoisdepuismonarrivéeàTokyo,ilyamaintenantquatremois.«Salut,çava?Tuasfaitbonvoyage?»«Alex!J'ail'impressionqueçafaituneéternitéquejenet'aipasvu!»«Nerestonspaslà,avectouslesgensquinousbouscule...»«Oui,onal'impressiond'êtreaumilieud'untroupeaud'éléphants.»

Pause.Zoomsursonvisage.Non,jenesuispasfolle.Enregardantattentivementsonvisage,jevoisqu'ilyaquelquechosedans

sesyeuxquimeprouvequejeneluisuispasindifférente.Pourpouvoirlemettredanssonlit,Charlotteadûréussiràl'envoûter,cen'estpaspossibleautrement.Cequ'ilyadepiredanscettehistoire,c'estquec'estgrâceàmoiqu'ilssontentrésencontact.(Jen'ai

d'ailleursjamaisvraimenttropsudequellefaçonilsontétéamenésàsecroiser,c'estpourçaquej'aicrûpendant très longtemps qu'il s'agissait d'une fâcheuse coïncidence, qu'il ne m'avait pas reconnue, quej'étaisàlafoisClarkKentetSuperman.L'histoireauraitpuêtrejolie,maismalheureusement,jen'airiend'unsuper-héros.)Siellen'avaitpasétémacolocataire,jeseraistrèsprobablementàcetteheure-cidanslesbrasd'Alex.Unechoseestsûre,jenediraijamaispardonàcettevoleuse.

Alex.Toujourslui.J'aienviedesavoircequ'ildevient,alorsilmevientàl'idéedemeconnecteràsa

pageFacebook.Jel'aichassédemalisted'amisparcolère,justeavantmondépartpourTokyo,jen'auraidoncaccèsqu'àlapartiepubliquedesonprofil.Certainementpeud'informations,maisceseratoujoursçaàglaner.Unephotodeprofiloùilestentraind'échangerunbaiseravecCharlotte.Celamefilelanausée.Etlapremièrechosequiapparaîtsursonjournal:

Le27avril,à10:03.AlexandreCouturierestàVenise,avecCharlotteLegrand.

EndessousunplanGoogle,avecunepetitepunaiserosepointéesurlemotVenise.

Bah d'accord ! Comme ça, on se prend de petites vacances dans la Ville des Amoureux. C'est la

meilleure!Combien de temps faudra-t-il encore à Alex pour qu'il se rende compte que les sentiments que

Charlotte à pour lui sont du toc ? Il faut qu'il comprenne que cette fille-là a jeté son grappin sur luiuniquementpournepasêtreseule,c'esttout.Le27avril,c'esthier.Ilsviennenttoutjusted'arriver.JesuisbiendécidéàfaireentendreraisonàAlex.Alors,jevaismerendreàVenise.Unefâcheusecoïncidenceferaensortequenousnoustrouvonsau

mêmeendroitaumêmemoment.LetrajetpourmerendreàVenisedureraunejournée,jeseraisdonclà-basdansdeuxjours.Pourtrouverleurhôtel,riendeplussimple.JemeconnecteausiteTripAdvisor.Jeclasseleshôtelsparordrecroissantdeprix.VuqueCharlotteestradine,ildoits'agirdel'undespremiersdelaliste.Meresteplusqu'àappelerla

réceptiondeceshôtelspoursavoirs'ilyunechambreréservéeaunomdeCouturieroudeLegrand.Troiscoupdefilsmesuffisentpourtrouverleurétablissement.Je compte bien ramener Alex dans mes filets. Je ne m'appelle pas Charlotte, et s'il termine son

escapadevénitienneàmescôtés,j'aienviedeluioffrirlaRollsRoycedeshôtels,pasuntruclowcost.

Jecassedonclenourrainetréserveunechambrepouraprès-demainauDanieli,l'undesplusluxueuxhôtelsdelaSérénissime.Touteslesplusgrandesstarsyontséjourné.Jechoisisunesuitedeluxe.400euroslanuit,enpleincœurdeVeniseetavecvuesurlalagune.Oui,

c'esthorsdeprix,maisceneseraquel'affaired'unenuit.J'aienviedeluimontrerquel'argent,c'estfaitpourêtredépensé,qu'ilfauts'accorderdetempsentempsdepetitsplaisirs.Lavraievie,cen'estpasdedonnersesnoisettesàl'écureuil,c'estdelesmanger.Nemeresteplusqu'àréservermesbilletsd'avion,etdèsmonarrivée,jesuisbiendécidéeàrécupérer

mondû,ils'appelleAlex.

Venise

Chapitre27BuongiornoVenezia!22heures45.LanuitesttombéesurVenise.Monvaporettofoncesurlalagune,

avecdanssonviseur leGrandCanal.Onaperçoitdéjà laPlaceSaint-Marc,et son fameuxcampanile,éclairédemille feux.Une tourcarrée,enbriques,de12mètresde largeuretde50mètresdehauteur.C'estl'édificeleplusélevédelaville.50mètres,lesVénitienssontmodestes.Ceclocherfaitfiguredemicropénisdevantlatourd'unkilomètredehautquiestconstructionàDjeddah.Visiblement,lesItalienssontbienmoinscomplexésparlatailledeleursexequelesSaoudiens.Résumédemonvoyage.J'aiprismonvolavant-hieràNaritaàseptheuresdumatin,heurelocale.JemesuisposéàRoissyendébutdesoirée,à19heures.J'aiattendu45minutesavantd'embarquer

pourVenise,justeletempsd'avalerunjambonbeurre,deprendreunpeul'airetdefumeruneclope.Celafaitunquartd'heurequej'aiatterriàVenise,etjenavigueactuellementendirectiondemonhôtel.

Untrajetquivadurertoutauplusunepoignéedeminutes.Dansunpremiertemps,jepensaisrendrevisiteàAlexdèsmonarrivée.Maisvul'heuretardive,jeme

suisditqu'ilseraitplusopportund'attendrelelendemain.Jelecueilleraidèssonréveil,commeça,nousauronsdevantnoustoutelajournéepourpouvoirnousexpliquer.Levapporettos'arrêteàlastationS.Zaccaria,làoùjedoisdescendrepourrejoindreleDanieli.Lebateausecollelelongduquai,unmatelotenroulelacordeautourduplotd'amarrage,nousavons

l'autorisationdedescendre.Jen'aipasbesoindechercherpendantbienlongtempsl'hôtel,puisqu'ilsetrouvejustesousmonnez,à

vingtpasdemoi.Jepasseletourniquet,etlà,lemalaise!Touslesgensquisetrouventdehalld'accueilseretournentet

leursyeuxsefichentenmoitellesdesflèches.Unpeunormal.AvecmonK-wayrose,mongrossacderandobeige,monjeanbaggyetmesrajouts

capillairesblondsgrossièrementcollés,c'estsûrqueje«jure»parmitoutcebeaumondequiarboredescostumesimpeccables.Jen'aivraimentpasmaplacedanscelieuoùleluxerègneenmaître.Ledécornese prête pas non plus àma présence.Moulures dorées auxmurs et aux plafonds. Escalier enmarbre.Moquetterougemoelleuse.Qu'est-cequejefaisici?Levigilemedévisaged'unsaleœil.Àunmoment,j'ail'impressionqu'ilvamefoutredehors.Alors,je

sorsmonbilletderéservation.Ilmefaitunhochementdetêtepourmedire:«Trèsbien,vouspouvezrentrer.»Lesgensassistentàlascène,quandilscomprennentquej'aipayémondroitd'entréeauselectclub,que

j'aihélaspleinementmaplaceparmieux,ilseretourneetreprenneleurconversationcommesiderienn'était.Jepoursuismaprogressionendirectiondel'accueil.Ungroom—unjeunebrunbienmisdevingtans

—meconduitdansmachambre,quisesitueaupremierétage.Ilmeproposedeprendrel'ascenseur.Jeluidisquenon,quecen'estpaslapeine,queçanemedérangepasdemonterunétageàpied.«Commevousvoulez,Madame!»

Lehalld'entréen'aétéqu'unemiseenbouchedu luxequi règnedansmachambre.C'est sûr,ça faitchoc.Ilfautsesouvenirqu'iln'yapasplustardque48heures,jedormaisdansunevaliseenplastique.Ici,placeauxgrandsespaces,mêmeauxtrèsgrandsespaces.Masuiteestcomposéed'unegrandechambreàcoucheravecuncoinsalonséparé,quioffreunevue

imprenablesur leGrandCanal.Undressingprivé,bien tropvastepourceque j'aià rangédedans,est attenant à la salle de bains carrelée demarbre. La décoration est de style baroque. Des tapisseriesbrodées de fleurs rose et bleu habillent tous les murs. De somptueux tapis recouvrent les sols. DesbibelotsenverredeMuranosoufflédefaçonartisanalesontdisposésunpeupartout.Voilàpourletourdupropriétaire.Celafait48heuresquejenemesuispaslavée,etmêmebienpluslongtempsquejen'aipasfaitde

vraiestoilettes.Lesdouchesducapsule-hôtel,pourtanttrèspropres,avaientuncôtéglauquequinem'ontpasdonnéenviedem'attarderlongtempssousl'eau.Jeremplisl'immensebaignoirede4m²enmarbreavecdel'eautiède.Jeregardedansleplacarddela

salledebains:ilyatellementl'embarrasduchoixparmilesgelsdoucheetlesselsdebainquejenesaispasquoiprendre.Jemedécidepourunbaindoucherelaxantlavandinmûre.J'enmetsdeuxbonnespressionsdansl'eau...J'enaipeut-êtremisunpeutrop,carmaintenant,ilyaunequantitéimpressionnantedemoussequise

forme.Tellementdemoussequ'àprésentelledéborde.Lafemmedeménagevaavoirdutravail!Vuquelachambreestquandmêmeà400euroslanuit,celamedéculpabilise.Leservicenettoyageestlargementcomprisdansleprix.Labaignoireestpleine.Jemedessapeenunéclair.Jesautelittéralementdanslabaignoire.Delamousseéclaboussepartout,jem'enfous.L'ensembledemapeauestàprésentencercléparuneeautiède,revigorante.Sachaleurmefaitcirculer

des frissons de bien-être dans tout mon corps. Qu'est-ce que ça fait du bien ! Qu'est-ce que c'estrevigorant ! Et qu'est-ce que ça sent bon ! Cela fait longtemps que je n'ai pas ressenti une pareilleplénitude.Quandjem'estimepropre,jesorsdubainetenfileunpeignoirenépongebordeauxmisàdisposition

gracieusement.Maintenant,ilvafalloirsongeràserestaurer.Jeconsulteleurcarte.Commepourlesgelsdouchesdanslasalledebains,ilyal'embarrasduchoix.Jemedécideetpassepartéléphonemacommandeàlaréception.Cesera:Carpacciodipescedelgiorno,pomodoromarinatofrescoBattutadimanzoall’veneziana,cuoredilattugaebalsamicoFruttidiboscoepannamontataallavanigliaVingt minutes plus tard, le groom qui m'a conduit tout à l'heure dansma chambre arrive avec une

desserteàroulettes.Lesplatssontposésdessus.Ildressematable.«Labattutadimanzoall’venezianaest un plat imaginé par le chef en personne. Il s'agit d'une réinterprétation du traditionnel tartare debœuf:ilespèrequecelavousplaira.(Ilôtelecouvre-assiette.)Bonappétit,Madame!»

Biensûrqueçameplaira!Quelquesminutesmesuffisentpourtoutmanger.Le problème, en règle générale, c'est que les grands chefs proposent des portions taillées pour des

oiseaux.Mais bon, quand on pousse la porte de ce genre d'établissement, on s'y attend, il faut justedemander à être servi plusieurs fois... à condition d'en avoir les moyens. Mon budget n'étant pasélastique,cesoir,jeresterairaisonnable.Jen'appelleraipaslaréceptionpouravoirdurab.Après,sionveut être rassasié à moindre coût, il faut plutôt s'orienter vers le plat familial de hachis parmentierpremier prix vendu en supermarché, comme le faitCharlotte.Dedans, on trouve de la viande séparéemécaniquement,dontladéfinitionlégaleestlasuivante:«enlèvementdelaviandedesoscouvertsdechair, après le désossage des carcasses de volailles, à l’aide de moyens mécaniques entraînant ladestructionde la structure fibreusedesmuscles».End'autres termes,unemachine racle lescarcassespourrécupérer lespetitsmorceauxdevianderestéscollésauxosparci,par là.C'estsûr,c'est toutdesuitemoinsappétissantquelespetitsplatsraffinésd'unrestaurantétoilé.Maintenant,ilvafalloirsongeràdormir,cardemain,unelonguejournéem'attend.Jerejoinslelitkingsizequejetrouvebientropvastepourmoi.J'aimeraistantqu'ilyaitquelqu'unà

mescôtés.

***Prenezletempsdel'observer,dedisséquersoncomportement,d'analyserlemoindredesesgestes.

Onditquelanuitporteconseil,etc'estlavérité.Pendantmesheuresderéflexionsnocturnes,jemesuisditquecen'étaitpeut-êtrepas lameilleuresolutiondevouloirprovoquerdèscematinunchocfrontalavecAlex.MadameHautoisaraison:ilfautprendreletempsd'analyserleschoses,delesobserver,delesdisséquer.Agircommeçasurcoupdetête,ceseraittropdangereux.Toutpourraitcapoter.Non,ilfautquemonactesoitmûrementréfléchi.Jesuisconscientequejejouelàmadernièrecartouche.Sijeratemacible,Alexm'échapperaàtoutjamais.Alors, avant de l'aborder, j'ai envie d'en savoir plus sur la façon dont laquelle il se comporte,

notammentlorsqu'ilsetrouveencompagniedeCharlotte.Ilfautquejerepèreunefailledansleurcouple,unangled'attaque.Unefissuredanslaquellejepourraisintroduiremonburinafindelesdésolidariser.Il est environ dix heures. Je fais le guet, leur hôtel se trouve à cinqmètres demoi. J'attends qu'ils

apparaissent.Ilsnepourrontpasmevoir:seulsmesyeuxdépassentdurenfoncementderrièrelequeljemesuiscachée.J'ignore lemomentprécisoù ilssortiront,mais ilsnedevraientpas tarderàdébouler.QuandonvientenvacancesàVenise,cen'estpaspourrestercloîtrerdansunechambred'hôtel,c'estpourvisiterlaville—sinon,ilyalesmonastères.Noussommesàl'heureàlaquellelavilleseréveille,cematin,lesoleilestgénéreux,ilsvonttrèsbientôtquitterleslieux.Çasort!Ilspartentdansladirectionopposéeàlamienne,j'aidelachance.Maintenant,placeàl'action!Jeme précipite en direction de l'hôtel. C'est sûr, l'immeuble paraît tout de suite insalubre si on le

compare auDanieli. Le crépi s'effrite. La peinture des portes et des fenêtres tombe en lambeaux.Autroisièmeetdernierétage,uncarreauestcassé.C'estl'undespiresmauxquitoucheactuellementVenise.Les propriétaires doivent avoir les moyens pour entretenir leur patrimoine. Les vagues des bateauxrongentlespilotissurlesquelsreposentlesmaisons.L'eauarriveàs'infiltrer,elleremontelesmurspar

capillarité, et tout est esquinté. Il faut alors entreprendre de lourds travaux de consolidations desfondationspouréviterl'effondrement.Malheureusementbeaucoupdepropriétairesnepeuventpasselespayer.J'entredans l'établissement.L'intérieurmeparaîtbiensombre—probablementàcausedemesyeux

qui viennent d'être percutés par les violents rayons de soleil qu'il y a dehors.Une dame rustre attendderrièreuncomptoirenformicadéglingué.—Bonjour,jechercheAlexandreCouturier.—Chambre24.Mêmepasbonjour,seulementdeuxmots,visiblementilnefautpasladérangerdavantage.Iln'yaapparemmentpasdechambreaurez-de-chaussée,alorssansluiposerdequestion, jeprends

l'initiative dem'engager dans l'escalier qui se trouve à droite. La cage d'escalier est un lieu sombre,intégralementrecouvertdeboisfoncé,l'ambianceestoppressante.Premierétage:uneplaqueenémailjauniparlesannéesindiqueennoir:Chambrede1à13Cen'estpasici.Jepoursuismonascension.Deuxièmeétage.Chambrede14à25C'estici.J'accèdeàunétroitcouloir.Lesmurssontdecouleurverdâtre.Lesportessontenbois,même

finitionquelacaged'escalier.Uneviolenteodeurdedétergentattaquemesbronches.Chambre24Commejem'yattendaisunpeu,laporteestferméeàclef.Maintenant,ilvafalloirquejetrouveunmoyenderentrer.J'aperçoisaufondducouloirlechariotàroulettesdoubleseauduservicedenettoyage,lafemmede

ménagedoitêtredanslesparages.Elle,elleàlesclés.Laportequisetrouvetoutaufondàdroiteestentr'ouverte—c'estd'ailleursdeparlàqueprovientla

lumièreducouloir.Jemefaufilediscrètementjusqu'auboutdel'allée.Letrousseaudecléssetrouvesurla serrure. Je l'enlèvedélicatement, veille à ceque les clésne s'entrechoquentpas trop.La femmedeménageauraégarésontrousseau,cesontdeschosesquiarrivent...JeretourneverslachambredeCharlotteetd'Alex.Cesontdegrossesclésàl'ancienne.Iln'yaaucun

numérodessus,alorsc'estunpeucommeFortBoyard,jelesinsèreuneàunepourtrouverlabonne.Aprèsneuftentatives,laportes'ouvreenfin.J'entredanslachambre,fermelaportederrièremoi.La déco est dépouillée. Papier peint à fleurs délavé. Meubles en formica du même acabit que le

comptoir de l'entrée. Petite table riquiqui. Sur le plumard, une jetée de lit rouge dont la couleur estpassée.Jen'aipasenviedetropm'attardericialorsjesorsdelapochedemonK-wayuneGoPro.Dansuncoinde lapièce, ilyaunepetiteétagèrenoireavecpleindebibelotsposésdessus.Àmi-

hauteur,ilyanotammentunesculpture«bouddha»enrésine.Jeglissediscrètementmacaméraderrière.Depuiscetendroit,l'objectifcouvretoutelapièce,iln'yapasd'anglemort.J'aibienentenduprogrammél'appareilenamontafinquecelui-cisedéclencheensoirée,momentdelajournéeoùleschoseslesplusintéressantessepassent.

Jequittelachambre.Jerepasseraidemainmatinpourprocéderàlarécolte.

***La femmede l'accueil—visiblement lamaîtressedemaison—entredans leur chambre.Elle leur

apporte le repasdusoir. Ici,personnepourvousdresser la table.Ellesecontente justede larguer lesplateauxsurlatable.Guèremieuxqu'auself.Visiblement, ils ont commandé du foie gras en entrée. Charlotte agite un petit pot individuel de

confitureauxfigues.—C'estballot!peste-t-elle.Iln'yamêmepasdepainpourmangerça!Commentonfait?—Cen'estpasgrave,tuvasmangerçasurmoi,luirépondAlexenarborantunsouriremalicieux.Ill'inviteàselever.Ilss'écartentdelatable.Ellesejettesurluietl'embrassesauvagement.Illuirend

unbaiserpassionné.ElleluiretireenunmouvementsonT-shirt,attrapelepotdeconfitureposésurlatable,l'ouvre.Elledéverselatotalitédecettemasseunpeuvisqueusesursontorseetsemetàlelécher.Rienqu'enregardantsonvisage,onsentqu'Alexestauborddel'excitation.Sonvisageestenfeu,ildoitêtre en train de bander dur. Elle lèche consciencieusement son corps jusqu'à temps qu'il n'ait plus unmilligrammedeconfiture.PuisCharlotteentresamaindanslepantalond'Alexpourluimasserlaverge.Alextendsonbrasleplusloinqu'ilpuissepourrécupérerledeuxièmepotdeconfiturequin'apasbougédelatable.Charlotteatoujourssonhaut.Ildéverselapuréedefiguesentresesseins,dégueulassantaupassageledécolletédesondébardeurnoir.Ilsemetàlalécher.Charlottecommenceàhaleterdeplaisir,son visage rougit par l'excitation... Puis soudain, ils se retrouvent nus comme si une tornade venaitd'emporterleursvêtements.Alexlapénètreviolemment,Charlottenepeuts'empêcherdepousseruncri.Elleenrouleensuiteses

jambesautourdelui,l'attrapeautourducou,l'attirantcontreelle.Ilentreprenddesmouvementsdeva-et-vient,toujoursplusloin,toujoursplusfort.Ilestlittéralemententraindelapilonner.Pendantcetemps-là,Charlottepoussedesgémissementsdeplusenplusaigus.Cesmouvementsdedansesexuelledurentunquart d'heure, au bout de quoi, ils explosent de plaisir dans unorgasmedévastateur, qui les conduit às'écroulersurlelittoutproche.

***Je regarde le grand lit qui se trouve derrière moi. Non, il n'y a personne dedans. Il est vide.

Désespérémentvide.Pourquoin'est-cepaspossible ?Pourquoin'ai-jepas ledroitde fondredans lesbrasd'Alex?Pourquoin'ai-jepasledroitaubonheur,ensomme?Jen'ensaisrien.Peut-êtrenesuis-jepasnéesouslabonneétoile,est-ceçal'explication?Entoutcas,cequiestsûr,c'estqu'Alexseraitbienmieuxàmescôtésdanscettechambred'hôtel.Nouspartagerionscegrandlit,profiterionsdel'immensebaignoirepours'adonneràdesactivitésbienplusambitieusesquecellequej'aipuvisionner.Non,luisecontentedepassersesvacancesdansunboui-bouiaucôtéd'uneradinedepremierordre.J'aibienl'intentiondelibérerAlexdesgriffesdecettemanipulatrice,etce,dèscemidi.

Chapitre28Dansl'enregistrementd'hiersoir,jelesaiégalemententendudébattreduprogrammed'aujourd'hui.En

findematinée,ilsserendrontàl'égliseSantoStefano,unédificereligieuxoriginalpoursontoitenbois,carcen'estpasunesimplecharpentemaisunecoquedebateauposéeàl'envers.Mon idéeestdemeposter à l'extérieurde l'égliseetd'attendrequ'ils sortent.Une foisqu'ils seront

dehors, jen'iraipasdirectementà leurrencontre.Vuqu'onseraprochedemidi, ils irontprobablementdéjeunerdansunrestaurant.Ceneseraseulementquelorsqu'ilss'apprêterontàentrerdanslerestoquejeleursauteraidessus.Etsiondéjeunaitensemble?

***Ilssortent!Pastroptôt.Aprèsavoirpoireautépendantunebonnedemi-heure,ilspointentenfinlebout

deleurnez.IlsentamentleurparcoursdanslesruellesdeVenise.Ilsmarchentensetenantlamain,çamerévulsedelesvoirsouderdelasorte.Jen'auraipasbesoindetropmarcher,caraprèsavoiralignédespaspendantcinqminutes,ilsentrent

dansunepizzeria.L'étatde lavitrine—fendueenplusieursendroitset rafistoléeavecdugrosscotchmarron—confèreàl'établissementunaspectpeuengageant.LaradineriedeCharlotteaencorefaitdesravages.Go!Ilesttempspourmoid'entrerenaction,çafaittellementlongtempsquej'attendscemoment.Ilspoussentlaportedurestaurantetjefais:—Alex?Charlotte?C'estunesacréecoïncidencedevouscroiserlà!—Alexsetourneversmoietmefaitlesgrosyeux:—Laurence,qu'est-cetufouslà?Tunousassuivi?Combiendefoisjet'aiditquejet'aimaispas?Tu

veuxmonconseil:barre-toiloind'iciavantqueçachauffe!(IljetteunregardpasaimableendirectiondeLaurence.)Déjà,ladernièrefois,j'auraidûporterplainte.Voilàcequeçadonne.—Jet'assurequec'estunecoïncidence.—Ouais.Unecoïncidenceunpeutropgrosseàmongoût.Etmêmesic'estunecoïncidence,barre-toi!—Jesais trèsbienque tunem'aimespas,etc'estvraique j'aidéconné.Maisonpourraitpeut-être

profiter de cette rencontre incongrue pour déjeuner ensemble, histoire de se remémorer lesmeilleursmomentsdenotrepassécommun.Ilseraitpeut-êtretempsdepasserl'éponge...—Quoi?Passerl'éponge?T'esgonflée!Jeterappellequetuasessayédemetuer.Sijesuisencore

vivant,çatientdumiracle...—Alex,jet'assurequej'aichangé...—Non,Laurence,tuestoujourslamême,unemaladementale.Soudain,ilmepousseviolemmentavecsesmains.Maintenant,barre-toi!Uneaideaussiprovidentiellequ'inattendu:masœurdeParisvolentàmonsecours:—Alex,onpourraitpeut-êtreluilaisserunesecondechance.

—Pasdesecondechance!Maintenant,tuveuxqu'ellefassequoi?Qu'ellemetuevraiment?—Jeterappellequec'estquandmêmegrâceàellequel'ons'estrencontrés.—Çanechangerien!Situveuxlavoir,ceneserapasdansceresto,ceserasansmoi.JeprofitedecettebrèchepourdireàCharlotte:—Onpeutboireuncaféensemble,qu'est-cequet'endis?—Situveux,mefait-elle,gênée,sousleregardulcéréd'Alex.—On se donne rendez-vous Place Saint-Marc, au pied duPhal... euh duCampanile, ce soir à 17

heures?—OK,çamarche!

Latâchesecomplique.Alexneveutpasquejedéjeuneaveclui,niquejeluiparle.Pourpouvoirle

prendredansmesfilets,çarisqued'êtremoinssimplequeprévu.Maisjenedésespèrepaspourautant.Çarisquejustedemedemanderunpeuplusdetemps,jesauraimemontrerpatiente.

***—C'est quandmêmeune sacrée coïncidencede s'être croisés aumêmemoment àVenise devant la

portedumêmerestaurant,mefaitCharlotte.Nousvenonstoutjustedenousinstalleràlaterrasseducafé.Jeluirépondenveillantàmemontrerla

plusconvaincantepossible:—C'estsûrementunsignedudestin.Commepromis,j'avaisattenduCharlotteà17heuresaupiedduPhallus.Jel'aiconduitedansuncafé

bonmarché,unpeuàl'écartdesfluxtouristiques.J'avaisrepérécetétablissementplustôtdansl'après-midi,etjemesuisditqu'ilplairaitàCharlotte.Carc'estunrepairepourlesradins,danscetendroit,elleneserapasdépaysée.Ilmesembleessentieldelamettreàl'aiseautantquepossiblesijeveuxparveniràmesfins.Lechoixdulieuadoncuneimportancecruciale.Ilnefautsurtoutpasladéstabiliserd'emblée.Ellepoursuit:—Jesupposeque,commenous,tuesvenueàVeniseentouriste?—Oui,j'aiuneamieauJaponquiavaitdesbilletspourveniriciavecsonamoureux.Maisilssesont

séparésjusteavantledépart.Alors,j'aisautésurl'occasion.Autantqueçaserveàquelqu'unplutôtquecesoitperdu.—Lemalheurdesunsfaitlebonheurdesautres,commeondit.—Ouais.Legarçonnousapportenoscafés.Detoutepetitestasses,desdésàcoudre.—Jen'aipaseuletempsdem'expliquertoutàl'heuredevantAlex,carils'esttoutdesuitebraqué,

mais sache que je regrette sincèrement ce qui s'est passé. Jeme suis vraiment comportée comme uneconne,concédé-je.Malheureusement,onnepeutpasremontélefildutemps...— Je comprends,mais sache que tu ne t'es pasmise toute seule dans cette situation.En ce quime

concerne,jem'estimeresponsabledebeaucoupdechoses.Parexemple,pourlacoloc',quandjet'aimiseàlaruecommeunemalpropre.OuencoreavecAlex,j'auraisdûmemontrerunpeuplusreconnaissante,

carc'estquandmêmegrâceàtoiquejel'aiconnu.—Enparlantd'Alex,tucroisqu'unjourilmereparlera,oulespontssontdéfinitivementcoupésentre

nous?—Hélas, j'aibienpeurqu'ilneveuilleplus jamais t'adresser laparole.Oualors, il faudraattendre

longtemps.—Ettoi,tunepourraispasl'aider...—T'aider?Çarisqued'êtredifficile,carjen'aipasledroitdeprononcertonnom.J'aiessayéquelque

fois,ilsemetàhurler.Nous sirotons notre café— enfin, café, il faut le dire vite. Il semet à hurler. Visiblement, il y a

quelques tensions au seinde leur couple.Une faille dans laquelleque je comptebienm'introduire. Jepoursuis:—Sinon,çasepassebienavecAlex?Vousvousentendezbien?—Qu'est-cequetuveuxdire?—Sivousêtesheureuxensemble?—Oui,sinonnousneserionspasensemble.—Etilneluiarrivepasquelquefoisdedevenir«brutal»,àl'instardecematin?—Detempsentemps.Commetoutlemonde.Chacunàsessautesd'humeur.—Illuiarrivedoncdetempsentempsdetebraillerdessus?—Tun'aspasencorefaitl'expériencedelavieàdeux,maissachequechaquecoupleadesmoments

defrictions.Maisjet'assure,iln'yariendedramatique.—Maintenant,admettonsqueturencontressurtoncheminunhommetoutgentil,toutdocileavecquitu

peuxfairetoutcequetuveux.Quinetedirajamaisnon.Quineteferajamaisdereproche.Quiteferaquedescâlins,commelenounoursdelapubCajoline.Tuchoisisqui:luiouAlex.Untempsderéflexion.Visiblement,maquestionvientdeladéstabiliser.—Bah,Alex!Pourquoitumeposescettequestion?Jemesenstrèsbienaveclui,jen'aipasenviede

vivreavecunoursenpeluche.Ilmesembleimpossibledepouvoirlesséparerdèsaujourd'hui.Ilvaplutôtfalloirs'orienterversun

travaildefond.— Au mois de septembre, je compte me réinstaller à Paris pour chercher du travail. Ça ne te

dérangeraipass'ill'onsevoitdetempsentemps,commeça,autourd'uncafé?Ensouvenirdubonvieuxtemps.—Non,pasdutout.—Etpeut-êtrequ'unjour,Alexaccepteradesejoindreànous...—Àmonavis,ilvafalloirquetutemontrespatiente,etmêmetrèspatiente,carcen'estpasdemainla

veillequ'ilteproposeradeboirelecaféaveclui.

***—C'estici!Commetupeuxlevoir,lesmaisonssontdisposéesautourd'uneplacerectangulaire.Iln'y

aqu'uneseuleruellequipermetd'accéderàcettesortedepetitecourfermée.Etonpeutbiensûryvenirenbateau,aveclecanalencul-de-sacquisetrouvefaceànous.Ici,leshabitantsdisposentdeleurplacedeparkingprivée.AvantqueCharlotteneretourneàl'hôtel,jevoulaislaconduiredansunendroitinsolite,quimetenait

particulièrementàcœur.ÀRoissy,jem'étaisprocuréeleGuideduRoutardsurVenise,etcetaprès-midi,aprèsmarecherchedecafé,j'aiprofitédemaprésenceicipourfaireunpeudetourisme.PlutôtquedevisiterlesgrandsclassiquescommelePontduRialtooulePalaisdeDoges,j'aipréférémerendredansdesendroitspittoresques,làoùlestours-opérateursnevontjamais.Non,jenepeuxplusattendre.IlmefautAlextoutdesuite.Je ralentis, laisseCharlottepasserdevantmoi.Uncoupdecouteauàhuîtredanssonabdomen.Elle

s'écroule,lesanggicle.Jem'enfuisencourant.

***Non,Alexneserapasàmoi,carc'estlaprisonquim'attend.J'ai regagné la Place Saint-Marc. Sous un ciel devenu soudainement bien gris, J'arpente ce grand

espaceenformedeL,longde175metlargede83m.Bienquecesoitinterdit,jesuisentraindenourrirlespigeons.Je jetteà lavoléedesgrainesdetournesol,quejemesuispréalablementprocuréeauprèsd'unvendeuràlasauvettepour«dosseourosse».Lesgrainesclaquentcontrelespavés.Lespigeonsseposent,m'encercle.Monhorizonsonoren'estplusqu'unincessantbruitdebattementsd'ailes.J'entretiensàprésentunrapportprivilégiéaveclanature,jecommuniqueavecelle.Jesavourechaquesecondedecedialogue,carjesuisconscientequecesontlesderniersinstantsdemaviequejesuisàl'airlibre.D'uninstantàl'autre,lapolicevavenirmecueillir.

Chapitre29Alexn'apasenvied'occupercegrandlitluxueuxàmescôtés,alorstrouvonsquelqu'unquiappréciera.—AllôJoseph?C'estLoquit'appelle!J'aiquelquechosed'unpeuparticulieràtedemander.Jesuis

actuellementàVenise.J'étaisavecmoncopainetonvientdesefâcher.Etactuellementmonlitd'hôtelmeparaîtbienvide...— Mais je suis actuellement à Paris. Je ne peux venir d'un claquement de doigts. Et j'ai des

obligations.—MaisjesuisDanieli.L'undeshôtelslesplusluxueuxdeVenise.Çanetedonnepasenvie?—Biensûrquesi!Mais...—Jemesuisrenseignée.Ilyaunvolquipartà20heures25deRoissy.Cela teferaiarriverà22

heures.Situveux,jepeuxtepayerlebilletd'avion.—Bon,trèsbien,j'arrive!Jediraiàmafemmequej'aiuneréunionquivientdesecaser.

***

Noussommestouslesdeuxnus.Luiestallongédanslelit,surledos.Jesuisassisesursesjambes,je

tienssavergedansmesmains.Vingtminutes plus tôt. « Bébé, ce soir, j'ai envie de te laisser les commandes. Car je pense qu'en

amour,donnerduplaisirestencoreplusimportantqued'enrecevoir.»m'a-t-ilditlorsquenoussommesentrésdanslachambre.Puisnousavonséchangéunecoupedechampagne—dubon,pasunmousseuxpremier prix— et j'ai mis à profit le temps précédant l' « acte » pour choisir la technique qui mepermettraitdelefairejouirlepluspossible.Jemesuislongtempsentraînéeseuleavecdessex-toyspourpréparerleJourJavecAlex.Plutôtquedejouerlacavalièreoudepratiquerunebanalefellation,cesoir,j'aienvied'essayerautrechose. J'aienviedem'adonneraumassageduLingam.EnSanskrit—langueindienne—,Lingamdésigne«BaguettedeLumière».Là-bas,l'organesexuelmasculinestlumineuxausensoùilestcapabledecanaliserl'énergiecréativeetleplaisir.LemassageduLingamestunmassagetantriquedontl’actionestdemasserlonguementlesexedel’hommepourqu'ilvivedesorgasmesinternessansprovoquerl'éjaculation.Cesoir,ceseramapremièreexpériencegrandeurnature,carjusqu'àprésent,j'aitoujourseffectuéla

manœuvresurdessexesenplastique.Jemejetteàl'eau.Jeverseunepetitequantitéd’huilesurla«baguette»deJosephetsursestesticules.Jecommencepar

unmassagelégerdesavergeetdesongland.Àtraversmesdifférentescaresses,sensuelles,doucesettendres,j'essaied'éveillersaKundalini—lapuissanteénergielovéeàlabasedesacolonnevertébrale—pourlaréveilleretlafairecirculerenlui.—Bébé,j'aimeça!Continue!Jepoursuismonmassageentreprenantsavergeentremesmains,auniveaudelabase.Jelafaisrouler

degaucheàdroite,laparcourssurtoutelalongueurpourenatteindrelapointe.Sonsexeestmaintenantdurcommedel'acier.Jesensqu'ilestsurlepointd'éjaculer,alorsjeralentis.

Avecunemain,jesaisissestesticules,j'exercesureuxdepetitesrotations.Pendantcetemps-là,grâceàmonautremain,sonpénisressentdepetitespressions.—Bébé!T'esunepro!Onal'impressionquetuasfaitçatoutetavie.Jereprendsmonmassage...Vibrationdemontéléphone.Jen'aipasd'autrechoixqued'abonnermon«client».Ilestimpératifquejesachequim'appelle.J'ai

tuéquelqu'un.—Qu'est-cetufais?Reviens!Turépondrasplustard!UnSMSd'Alex.

T'esfoutue.J'aifilétonnuméroauxflics.Dansquelquesminutes,ilssauronsoùtonportableàborner,tuserasaumitard.

Graveerreurdedébutant.Onneditsurtoutpasàunsuspectqu'ilaétélocalisé,c'estlemeilleurmoyende l'aider à s'échapper. Comment la police italienne a-t-elle pu laisser filtrer une information d'unepareilleimportance?Entoutcas,merciAlex.Grâceàtoi,jevaispeut-êtreavoirunechancedemefairelamalle.Pasunesecondeàperdre.Lapremièreidéequimevient,c'estdemerendreleplusvitepossibleàla

gareetdesauterdanslepremiertrain.Alors,jemerhabille,enfilemeschaussuresderandonnées.Passerleslacetsdanslestroissériesde

crochetsmesembleinterminable.HorsdequestiondesortiravecceK-wayrose.Habilléedelasorte,jeserai repérableà troiskilomètres à la ronde.Alors, je lebourredansmonsacdéjàbienplein. Jemerendraiàlagareavecmonpullrayénoirblanc,toutdesuiteplusdiscret.—Tuvasoù?Josephnebougepas, ilestallongésur le lit, telleunebaleineéchouée.Ilsembleêtreauborddela

léthargie.Visiblement,monpetitmassagetantriquel'adétendu.—Jem'envais!Sachequecen'estpasàcausedetoi.

Jequittel'hôtel,lanuitesttombéesurVenise.Jesautedansunvaporetto.Pasbeaucoupdegensàl'intérieur.Ilestminuitpassé,lavilleestentrain

des'endormir.Après avoir supporté pendant cinqminutes un bruit demoteur infernal, j'arrive à la gare. Un long

bâtimentenbétonsansâme.J'entre. L'endroit, plongé dans la pénombre, est désert. Un silence demort règne. Un vent glaciale

souffle.Devantmoi,unevingtainedequaisdisposésparallèlement,enimpasse.Ilssonttousinoccupés,saufun.Untrainbleu,pharesallumés,attend.Jecoursmeréfugierdedans.Pratiquementpersonnedansmonwagon.Justeunhommed'affairesencostumenoir,quiestentrainde

manipulerdesfichiersExcelsursatabletteSurface.

Fermeturedesportes.C'étaitmoinsune!Letrainquittelagare,s'engagesurlePontdelaLiberté.J'ignorecomplètementoùilm'emmène.

Berlin

Chapitre30HalloBerlin ! Il est environ 10 heures dumatin quand j'arrive dans la capitale allemande. Peu de

temps aprèsmondépart deVenise, j'ai compris que ce seraitmadestination en tombant nez à nez surl'écrand'informationsituéaborddutrain.JesorsdelagarecentraledeBerlinetlapremièrechosequejeconstate,c'estquelesBerlinoissont

bienmieuxéquipésquelesVénitiens.368mètres.C'estlahauteuràlaquelleculminele«poteau»quiscindemonregardendeux.LaFernsehturmdeBerlin,l'édificeleplushautd'Allemagne.J'enavaisdéjàentendu parler. Cette tour avait été construite dans les années soixante pour émettre les signaux detélévision. Elle est composée d'une tige en béton de 200mètres d'altitude. Au-dessus de celle-ci estperchée une sphère en verre, qui abrite un restaurant et qui a pour particularité d'effectuer un lentmouvement de rotation, offrant aupassageunpanoramaunique sur la capitale allemande.Une antennerougeetblanchautede60mètresestfixéeau-dessusdelaboulevitrée.Jene suispas làpour fairedu tourismemaispour trouverune solution. Je suis en cavale et jen'ai

actuellementnullepartoùaller.Ilnemeresteplusbeaucoupd'espècessurmoi,àpeineplusd'unedizained'euros.Jemerefusedetirer

del'argentàundistributeur,sinonlapolicevametracer.Alors,àdéfautd'avoirdedestination,j'erredanslaville.Ilm'estimpossiblederesterassise,deme

lamenter sur mon sort, de réaliser que je me trouve dans une impasse et que je vais devoir trèsprochainementmerendreprochaineàlapolice.Marcher,c'estlameilleuresolutionquej'aitrouvépourmeviderl'esprit.PortedeBrandebourg,PalaisduReichstag.Tracesdel'ancienmur...Jefaisdutourismemalgrémoi.

J'auraissincèrementpréférévisiterlavilledansd'autresconditions.Midi.Mesboyauxfontdubruit,ilvafalloirquejemerestaure,sinon,jevaism'écrouler.Mondernier

repasremonteàhiermidi.Hiersoir,jen'aibuqu'unecoupedechampagneetcematin,jen'airienavalé.Aveclesquelqueseurosquej'aienpoche,j'aiconsciencequ'ils'agiradudernierrepasquejepourraismepayer.Quesepassera-t-ilensuite?Jen'ensaisabsolumentrien.Jenesouhaitemêmepasypenser.Je pousse la porte d'un Kneipe — une brasserie. L'endroit est bruyant, plein à craquer. Il est

essentiellementremplidevieuxquiontunebonnedescente.Jem'installeàunepetitetabledeuxplacessituéeunpeuenretrait.Pourl'instant,iln'yapersonneenfacedemoi.Jechoisislaformuleàdixeuros—unplatetundessertauchoix—,aprèsquoi,ilmeresteraplusque

quelquescentimes.JemefaisservirdeuxWeisswurst,dessortesdeboudinsblancstailleXXL.Pourl'accompagnement,onn'apaslechoix.C'estKartoffel—pommedeterre—etKohl—chou.Pourledessert, j'optepourunepartdeSchwarzwälderKirschtorte,ungrosgâteaucrémeuxàétages

typeforêtnoire.Bien sûr, le tout est accompagné d'une chope d'un litre de bière. Sinon, l'Allemagne ne serait plus

l'Allemagne.Celafaitvingt-quatreheuresquejen'airienavalé.Pasdesurprise,l'assiettesevideàlavitessed'un

TGV.Avantdequitterlatable,ilm'estimpossiblederetenirunrotbruyant,signequeladigestioncommence

àsefaire.Aveclebrouhahaenvironnent,personnenem'aentendu.Entoutcas,jel'espère.JesorsdelabrasserieetreprendsmonerrancedanslesruesdeBerlin,avecaucunedestinationenvue.

***

Auxalentoursdevingtheures,lanuitesttombéesurlacapitaleallemande.J'aienfinunestratégiepour

cesoiretlesjoursàvenir.Jevaisdenouveauprendrelafuite.JevaisprendredèscesoiruntrainpourVarsovie,enPologne.Maisauparavant,jevaisvidermoncompte,retirertoutemonargentenpetitescoupures.Commeça,si

lesflicsmerepèrentavecmacartebancaire,ilsviendrontmechercherici,maisilsnemetrouverontpascarjeseraidéjàpartieloin,loin,loin,loin...LetrainpourVarsovieestà20heures30.Unedemi-heurepourpasseràlatirette,prendrelebilletde

train—jenepeuxpasprendrelerisquedefrauder:encasdecontrôle, jeserairepérée—,etdemepayerun«sandwichdedistributeur»augoûtnonidentifiable.

***Putaindemerde!Faitchier!Macarteaétéavalée.Jenepeuxm'empêcherdefoutreunviolentcoupdepieddanslefichuautomatequisetrouvedansle

halldelagare.Etenplus,commesicelanesuffisaitpas,jecommenceàavoirmalàlatête,jesenslamigraineveniraugalop.J'entends dansmon dos quelqu'un dire un truc que je ne comprends absolument pas. Normal, nous

sommesenAllemagne,etjeneparlepasunmotd'Allemand.Jemeretourneetuncoupledepunkssematérialise.Legarsetlafillesetiennentparlamain.Legarsarboreunecrêteverte,toutautoursescheveuxsontrasés.Iladenombreuxpiercingauniveau

del'arcadedroite.La fille,quant à elle, a les cheveuxcoupéscourts et teints en rose, commemonK-way.Unemèche

descendsursonfront.Elleaunpiercingauniveaudelalèvreetported'énormesbouclesd'oreillesenacierenformedeS.Letatouagecoloréauniveauducousembleseprolongersursontorse.Côté tenuevestimentaire, ils sont tous les deuxhabillés pareils.Manteau en cuir cloutés. Jeannoir,

avecdeschaînesquipendentauniveaudelaceinture.Bootsdanslespieds.—Idon'tspeakDeutsch.Legarsrenifletoutdesuitemonaccentfrançaispuisqu'ilembrayeaussitôtsurlalanguedeMolière.—Onpeutt'aider?Cartuasl'airperdu.—VousparlezFrançais?—Oui,unpeu.J'aieudescoursaucollège.—Ouf!Vousêtesmessauveurs!J'aimeraisquevousmeprêtiezunpeud'argent.J'aiunbilletdetrain

àacheter.C'esturgent,jedoispartirdèscesoir.Faites-moiconfiance,jevousrembourserai.Ilfaitnonaveclatête.Lafilleneréagitpas.Visiblement,seullegarsparleFrançais.—Nousnonplus,pasd'argent!

Jejetteuncoupd'œilautableaudesdéparts.IlyauntrainenpartancepourVienneà22heures.Uneheureetdemipourtrouverdel'argent,c'estencorejouable.—Vousconnaîtriezpasquelqu'unquipourraitmedépanner,quipourraitmeprêterquelqueseuros,car

cesoir,jen'ainullepartoùdormir.Ilfautquejeprenneuntrain.—Situn'asnullepartoùdormir,tupeuxvenircheznous,mefaitlegarsàlacrête.Jemetâtependantquelquesinstantssijedoisaccepteroudéclinerleurproposition.Ilvoitdansmon

regardquejetergiverse...—C'estcommetuveux.Aprèstout,cecoupledepunksal'airsympa.Alorsj'accepteleuroffre.Celamepermettradepasser

unenuit auchaud,unenuitdurant laquelle jene réfléchiraipas.Macavale seramiseentreparenthèsependantquelquesheures.Nousfaisonslesprésentations.Jeleurdisquejem'appelleLo,quejesuisuneétudiantefrançaisequi

visitel'Europe,quejemerendschaquejourdansunevilledifférenteetquejedorsdanslestrains.J'apprendsqu'ilss'appellentBorisetKirsten,qu'ilssontlégèrementplusjeunesquemoietqu'ilsvivent

de petits boulots. Comme jem'en étais doutée, Boris est le seul à parler Français. Il s'autoproclameinterprèteattitrédeLaurenceLegros.CelamepermettraentreautresdefaireconnaissanceavecKirsten.

Chapitre31Jesuisentraindedanser,Kirstenestmacavalière.Nousnoustrouvonsàl'InsomniaClub.Auxdires

deBoris,cettediscothèqueestlemustentermederepairespournoctambules.Lesdeuxpunksavaitprévudeserendreenboîtecesoir.J'aidûinsisterpourqu'ilsnechangentpas

leurplanàcausedemoi,carcelamedérangedéjàénormémentdedevoirbriser leurintimitéletempsd'unenuit.Maseuleenvieestdemefairelaplusinvisiblepossible.Avantdevenirici,nousavonsmangésurlepouce.UneBratwurst—saucissemisedansunpetitpainetrecouvertedemoutardeforte—aveccommeboisson,del'eaugazeuse.Nousenchaînonslespasdedansesplusoumoinsaléatoires.Cequimerassure,c'estqueKirstendanse

aussibienquemoi.Aumoins,ellenememetpaslapression.La musique techno est à fond. Des lumières couvrant tout le spectre colorimétrique balaient le

danceflooràtouteallure.Celan'arrangerienàmamigrainequinefaitqu'empirer.KirstenavaitsurelledesDoliprane,ellem'enafilédeuxquandonétaitausnack-bar.Sanseffet.Jesuistoujourssurlapistededanseet jemedemandecommentjefaispourpouvoirencorealigner

quelquespas.Carenl'espaced'unedemi-heure,mamigraines'estdangereusementaggravée.Maintenant,j'aiunmarteauquicognedanslatête.Toutdevientflouautourdemoi.Jesensquejevaism'écroulerd'uninstantàl'autre.Etilyaaussicetteenviedevomirquiarrive..J'informe ma cavalière que je ne me sens pas bien, que je souhaite me rendre aux toilettes. Elle

m'accompagne,aprèsenavoirtouchémotàBoris.Dèsquej'arriveauxchiottes,jedégueuledanslelavabo.Puisjem'écroule.Kirstenmetirepourm'asseoircontrelemur.Jelavoismaisjenepeuxpasluiparler,nil'entendre,nibouger.C'estunpeucommesijevenaisde

basculerdansuneautredimension,commesijevenaisdedécouvrirunétatseconddelaconscience.J'aidéjàeudesmigrainesmaisc'estlapremièrefoisquej'aidessymptômesaussiviolentsetaussichelous.Je mets ça sur le compte du degré d'énervement que j'ai atteint ces derniers jours : celui-ci étaitcaniculaire!Kirstens'estassiseàmescôtés,elleveillesurmoi.Ellemeparle,maisjenel'entendspas.J'entends

justeunsonsimilaireàceluiquel'onpeutouïrlorsquel'onmetlatêtedansl'eauàlapiscine.Borisarriveavecunsacbandoulièreencuir.Ilsortuneseringue...Là,jecomprendsqu'ilsm'ontdroguée.Etqu'ilsvontmedroguerencoredavantage...Les cachets que m'avait donnés Kirsten à la casse-croûterie n'étaient pas des Doliprane, mais des

comprimésdedrogue,probablementdel'ecstasy.Ilmepique.Maintenant, jeseraiàleurmerci.Jeseraileurpoupée,ilspourrontfairen'importequoi

avecmoncorps.Enfacedemoi,justeau-dessusdesdeuxlavabos,ilyaungrandmiroirquimontejusqu'auplafond.

Sansdéplacermonregard,j'assisteraipassivementauxactesdetorturesquemesbourreauxm'infligeront.Ilsortdesasacocheunetondeuseetunebombedecouleurvertgazon.

Ilmeraselescheveux,n'enlaisseque5millimètres.Ilmeteintlescheveux.Reprendsatondeuseetdessinedesmotifstribaux.Ilnes'arrêtepaslà.Ilmeposepleindepiercing.Unsurlementon.Unsurlalèvresupérieure.Unautre

enhautdunez.Etunedizainesurletourdel'oreilledroite,disposéslesunsàcôtésdesautres.Ilmeditquelquechose,j'arriveàliresurseslèvres:«Tuesmieuxcommeça.»Jenetrouvepas.PuisKirstentiresurmesjambespourm'allongercomplètement.Ellebaissemonbas.Melèche,medoigte.Ensuite, Boris prend le relais. Il me pénètre, me souille avec son sperme.Mon calvaire n'est pas

terminé,puisqueaprès,ilsaisitunebouteilledevinverteetl'enfoncedansmonvagin.Trounoir.

Chapitre32Lebrouillard.Puisdesyeuxmarron.Unnez.Uneboucheavecdurougeàlèvres.Etenfin,descheveux

châtains.Maman.Jenesaispasoù je suis,nicequ'il s'estpassé.Mondernier souvenirestcettebouteilledevinqui

entreenmoi.Plutôtquedem'expliquer,mamèresautesursaproie.Ellememord,enfoncesescrocsprofondément

dansmachair.«Enfinréveillée!Cen'estpastroptôt!CommeçaonvaàBerlin,ontraîneavecn'importequi,onse

drogue!Sanscomptertonnouveaulook!Tucroisquetuvastrouverduboulotavecunvisagepareil?Jete rappelle qu'à cette heure-ci, tu devrais être à Tokyo ! Dans un amphithéâtre en train de suivre tescours!»J'aperçoisuneperfusionquipartdemonbras.Jecomprendquejesuisàl'hôpital.Mamèrepoursuit

sonréquisitoire:«C'estlegérantdeladiscothèquequit'atrouvéeinaniméelorsdelafermeture,à5heuresdumatin.Tu

étais assise sur les toilettes, enferméedansun cabine.Tu étais dans le coma, avecde l'ecstasy et del'héroïnedanslesang.Tuterendscompte,deladrogue!Tuesvraimenttombéesurlatête,Laurence!»Ilétaitsixheuresdumatinquandj'aireçulecoupdefil.Audépart,j'aicruquec'étaituneerreur,car

desLaurenceLegros, ilyenaplusieurs.Etpuismafillen'étaitpascapablede tombersibas.Bahsi,c'étaitbientoi,LaurenceLegrosdeNormandie.»Heureusementquec'estmoiquiaireçul'appel,carsiç'avaitététonpère,jecroisbienqu'ilaurait

faitunecrisecardiaque.D'ailleurspourluitun'esplussafille.Ilnedigérerapasçadesitôt.Cen'estpasdemainqu'ilaccepteradeterevoir.»Audépart,ilnevoulaitmêmepasquejemedéplaceàBerlin,j'aidûpratiquementmefâcheraveclui

pourqu'ilaccepte.Tum'entends?Mefâcheravectonpère!Tuveuxquoi?Qu'onsesépare?»«Jesuisdésolée.»«Oui,ilyadequoid'êtredésolée.Tuveuxmonconseil?RetourneauJaponetfiledroit!Çavaudrait

mieuxpourtoi.»Mesparentssontfurieuxmaisilsignoreencorequej'aituéquelqu'un...Mamèremelaisse,elleadespapiersàréglerpourlasécuritésociale.Elle autorise ma petite sœur à me rendre visite. C'est probablement la dernière fois que je vois

Clémentinedansunesituationautrequederrièreunparloir.—Tacoupedecheveuxestbizarre.Etc'estquoitouscesboutonsenfer?—Tumetrouvescomment,commeça?—Çava.EllesortdesonpetitsacàdoslestroispoupéesBarbieaveclesquellesnousavonsprisl'habitudede

jouer.Jelesprends.Jem'amuseunpeuavec,etj'accompagnemesmouvementsdecesmots:—Barbie«détective»tuelavoleuse.Barbie«détective»vaenprison.Barbie«détective»n'apas

Kencommeamoureux.Findel'histoire!— Elle n'est pas drôle ton histoire, me répondit-elle avec une toute petite voix chargée de

consternation.Clémentinearaison.Monhistoiren'estpasdrôle.Pourtant,c'estlamienne.Surordredemamère,mapetitesœurm'abandonne.Silence.

***

Unlitarrive.Ilestoccupéparunefilledelamêmetranched'âgequemoi.Visiblement,jemetrouve

dansunechambredouble.Jusqu'àprésent,iln'yavaitpersonneàcôtédemoi.Nousfaisonsconnaissance.C'estuneBerlinoisede21ans,quiparleunpeuFrançais.Elleestlàpour

uneappendicite.Elleétudielesmathématiquesàl'UniversitéHumboldtdeBerlin.Ellejoueavecsontéléphonequandj'aiuneidée.—Tupeuxmeprêter5minutestonportable?—Pasdesouci.Ellem'envoiesoncellulaire.Bonneréceptiondelapassedemoncôté.JemeconnecteàGoogle.

VeneziaCharlotteLegrand

Chercher.UnarticledujournalGazzettinoLogoTestatacontientcestroismots.Jecliquesansplusattendresurlelien.Lapages'affiche.Traduireenfrançais.Jelisl'articleendiagonale.

VENISE:Unejeunefrançaiseassassinée(...)CharlotteLegrandavait22ans.Elleaététuéed'uncoupdecouteauàhuîtres.(...)Ledrameaeulieudansunendroitisolé,loindesparcourstouristiques.(...)Unsuspectauraitété interpellé.Sondomicilesesituerait justedevant lascènedecrime.L'hommeseraitdéjàconnudesservicesdepolicepouravoircommisplusieursattouchements.

***

Allongée dans son lit, Stephanie pianote sur son téléphone. Soudain, un grand sourire illumine son

visage.Ellem'expliquelaraisondecettejoiesisoudaine.

—Jenepensepastel'avoirditmaisj'avaisfaitunedemandepourfaireunmasterdemathdanstonpays.Etmondossiervientd'êtreretenu.—Maintenant,jesupposequetucherchesunesolutiond'hébergementpourlemoisdeseptembre.—Oui.—J'aiunesolution,carjechercheunenouvellecolocatairepourdébutseptembre.Situesintéressée,

faislemoisavoirrapidementafinquejeteréservelaplace.

L'histoirecontinue

N'hésitezpasàrejoindrelapageFacebookdel'auteurGrégoryLancelotOfficielEtexplorezsansplustardersonsiteinternethttp://gregorylancelot.osmose-hebergement.com

Dépôtlégal

Dépôtlégal:mai2016.©Tousdroitsréservés.

QuatrièmedecouvertureLaurence,22ans,estunefilleordinairequiassumeseskilosentrop.Elle vit à Paris, en colocation avec Charlotte, qui a le même âge qu'elle. Les deux jeunes femmespartagent tout, elles sont devenues au fil des années de véritables « sœurs siamoises ».Mais un jour,Charlotte met Laurence à la rue, car elle décide de vivre avec Alex, son petit copain. Une décisiond'autantplusdifficile à avalerpourLaurence, car c'estgrâceà ellequeCharlotte a rencontréAlex, etsurtout,elleaimelejeunehommeensecret.Ellen'aplusdesœur.Alexenaimeuneautre.Pluspersonneneveutd'elle.Danssonerrancesentimentale,ellemultiplieralesrencontres,seraamenéeàvoyager...Maisimpossiblepourelled'oublierAlex.Elleuseradetouslesmoyens,mêmedesplusfous,pourqu'ilquitteCharlotte.Elledécouvriraaupassagesespenchantspourlevoyeurismeetl'érotomanie.

TabledesmatièresExergueParis

Chapitre1Chapitre2Chapitre3Chapitre4Chapitre5Chapitre6Chapitre7Chapitre8Chapitre9Chapitre10Chapitre11Chapitre12Chapitre13Chapitre14Chapitre15Chapitre16Chapitre17Chapitre18Chapitre19

TokyoChapitre20Chapitre21Chapitre22Chapitre23Chapitre24Chapitre25Chapitre26

VeniseChapitre27Chapitre28Chapitre29

BerlinChapitre30Chapitre31Chapitre32

L'histoirecontinueDépôtlégalQuatrièmedecouverture

TableofContentsExergueParisChapitre1Chapitre2Chapitre3Chapitre4Chapitre5Chapitre6Chapitre7Chapitre8Chapitre9Chapitre10Chapitre11Chapitre12Chapitre13Chapitre14Chapitre15Chapitre16Chapitre17Chapitre18Chapitre19TokyoChapitre20Chapitre21Chapitre22Chapitre23Chapitre24Chapitre25Chapitre26VeniseChapitre27Chapitre28Chapitre29BerlinChapitre30Chapitre31Chapitre32L'histoirecontinueDépôtlégalQuatrièmedecouverture