Discours de Nicolas Sarkozy - Toulon le 1er décembre 2011

Embed Size (px)

Citation preview

PRSIDENCE DE LA RPUBLIQUE ______

DISCOURS DE M. LE PRSIDENT DE LA RPUBLIQUE Toulon (Var) jeudi 1er dcembre 2011

Madame et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Monsieur le Maire de Toulon, cher Hubert, Mes chers concitoyens, Il y a trois ans, le 25 septembre 2008, au pire moment de la tourmente financire qui allait plonger lconomie mondiale dans la plus grande crise depuis la deuxime guerre mondiale, cest dans cette mme salle que je me suis adress aux Franais. Je nai pas cout ceux qui me conseillaient de ne rien dire de peur quen disant la vrit, on crt la panique. Javais la conviction que pour sauver la confiance, pour viter la peur, il fallait au contraire dire la vrit aux Franais. Cette vrit, les Franais taient prts lentendre. Leur dire la vrit, ctait leur dire que la France ne pouvait pas rester labri dune crise plantaire. Ctait leur dire que cette crise tait grave, quelle allait durer, quelle aurait des consquences sur la croissance, sur le chmage, sur le pouvoir dachat. Leur dire la vrit, ctait leur dire que tout le systme bancaire tait menac, que leurs conomies dposes dans les banques taient menaces mais que nous ne laisserions aucune banque faire faillite, que nous ne permettrions pas quun seul Franais perdt un seul centime de ses dpts. Pas une seule banque na ferm ses portes, pas un seul centime de dpt na t perdu grce au plan de sauvetage bancaire et aux garanties apportes par ltat. Ce ne sont pas les banquiers qui ont t secourus. Ce ne sont pas les actionnaires des banques qui ont t protgs. Ce sont les conomies des Franais qui ont t sauves ainsi que leurs emplois car la faillite dune banque aurait entran celle de toutes les autres et cest lconomie tout entire qui, prive de crdit, se serait effondre. Et cela na pas cot un centime au contribuable. Dire la vrit aux Franais, ctait leur dire que ltat ne pouvait pas indfiniment financer ses dpenses courantes et ses dpenses de solidarit par lemprunt, parce quun jour, il faut payer ses dettes.Papier colabellis Seul le prononc fait foi 1/11

Dire la vrit aux Franais, ctait leur dire que la crise tait une crise structurelle qui ncessitait des rponses structurelles, quelle appelait acclrer le rythme des rformes, non pas larrter ou le ralentir. Dire la vrit aux Franais, ctait leur dire que pour sortir de la crise il faudrait travailler davantage et non pas moins. Je sais que la vie dun grand nombre de Franais est plus difficile aujourdhui, aprs trois ans de crise. Je sais que malgr toutes les mesures qui ont t prises, beaucoup de Franais ont souffert et continuent de souffrir. Chacun a d faire des efforts, chacun a d faire des sacrifices. Mais prenons le temps de regarder autour de nous dans quelle situation se trouvent les pays europens qui nont pas pris temps la mesure de la crise, qui nont pas fait temps les efforts ncessaires. Ils ont t obligs de baisser les salaires et les retraites et daugmenter massivement les impts. En 2008, jai dit que le capitalisme devait tre refond. Jai dit quil fallait moraliser la finance. Le G20 que la France avait voulu, contribua sauver la confiance qui se trouvait partout branle. On peut toujours dplorer quil ne soit pas all assez vite ou assez loin. Mais si nous regardons do nous venons et ce qui a t accompli depuis 3 ans, cest une vritable rvolution qui a commenc : pour les rmunrations des traders, pour les paradis fiscaux, pour les banques, pour les marchs de matires premires, rien ne sera plus comme avant. En septembre 2008, ici, Toulon, au cur de la tourmente, javais trac une perspective : celle dun capitalisme de production, dune mondialisation rgule, dune finance encadre, dun dveloppement durable, dun nouveau rle pour ltat dans lconomie, dune nouvelle gouvernance europenne et mondiale. Au-del de lurgence laquelle le gouvernement de Franois Fillon a d, avec courage et une dtermination auxquelles je veux rendre hommage, faire face jour aprs jour, pour protger les Franais, la politique de la France sest rsolument inscrite depuis quatre ans dans cette perspective. Pas un jour je nai renonc un seul de ces objectifs. *** Mais aujourdhui, la peur est revenue. Cette peur qui dtruit la confiance. Cette peur qui paralyse les consommateurs, qui empche linvestisseur dinvestir, lentrepreneur dentreprendre, le patron dembaucher, le banquier de prter. Cette peur porte un nom : cest la peur pour la France de perdre la matrise de son destin. La seule faon de conjurer cette peur cest de dire la vrit. La vrit, cest que la crise nest pas finie et quil ne peut pas y avoir de projet politique qui ne procde dun diagnostic de la crise et de son ampleur. Nier la crise cest sinterdire toute perspective davenir. Ce que lon appelle la crise de la dette souveraine qui frappe lEurope de plein fouet, cest la mme crise qui se poursuit. Cest la crise de la dette prive qui se prolonge en crise de la dette publique. Cest la mme crise, qui aprs avoir frapp les banques, frappe les tats.

Papier colabellis Seul le prononc fait foi

2/11

Cette crise frappe tous les grands pays dvelopps, quelles quaient t les majorits de gauche ou de droite qui les ont gouverns et les politiques quelles ont menes au cours des dernires dcennies. Il faut chercher les causes communes qui ont conduit le monde dans la situation o il se trouve aujourdhui. Cest dans linstauration, partir de la fin des annes 70, dune mondialisation sans rgle autre que celles qui garantissaient la libert du commerce que se trouve lorigine des difficults actuelles. A la fin des annes 70, par une sorte de retour du balancier, lidologie du laisser-faire a triomph au point de faire oublier au monde toutes les leons qui avaient t tires de la Grande Dpression des annes 30. La globalisation financire sest installe pour compenser artificiellement les ravages que la mondialisation sans rgle provoquait dans les conomies des pays dvelopps. Ctait ncessaire pour que les excdents des uns puissent financer les dficits des autres. Ctait ncessaire pour que lendettement puisse compenser la baisse inacceptable du niveau de vie des mnages dans les pays dvelopps. Ctait ncessaire pour financer un modle social qui croulait sous les dficits. Ctait inluctable pour que le capital financier puisse aller chercher ailleurs les profits quil ne pouvait plus esprer dans les pays dvelopps. Ainsi sest mise en place une gigantesque machine fabriquer de la dette. Ainsi les pays dvelopps ont-ils cherch leur salut dans la seule voie qui leur restait : la fuite en avant dans lendettement. Dans certains pays comme la France, cest ltat qui sest endett. Pas un seul budget en quilibre depuis 1974 ! Dans dautres pays comme lAngleterre ou lEspagne ce sont les mnages qui pendant longtemps se sont endetts. Dans dautres encore, comme aux tats-Unis, les mnages et ltat se sont endetts en mme temps. La croissance extravagante du secteur financier qui a dissmin dinvraisemblables quantits de dettes a eu pour consquence la financiarisation de lconomie. Elle la mise sous la domination exclusive de la logique spculative et lobsession du court-terme. On en connait les consquences dramatiques sur lindustrie, sur lenvironnement, sur les ingalits et sur la dgradation de la valeur du travail. Ds lors que la fuite en avant dans lendettement devient impossible parce que les prteurs ne veulent plus prter, parce que limmense pyramide des dettes jusque-l dissimule par la complexit et la sophistication de la finance globale apparait aux yeux de tous comme un risque norme, alors commence un nouveau cycle conomique. Ce nouveau cycle sera bien diffrent du prcdent. Le cycle qui sannonce sera un cycle de dsendettement qui ramnera le balancier de lconomie vers le travail et la production que les pays dvelopps avaient eu tendance trop sacrifier. Le passage dun grand cycle dendettement un grand cycle de dsendettement va saccompagner dun ajustement auquel toutes les politiques conomiques des pays dvelopps vont se trouver confrontes. Je ne crois pas quil serait conomiquement juste, ni moralement acceptable dimputer aux Franais les difficults que nous vivons.Papier colabellis Seul le prononc fait foi 3/11

Nous ne sommes pas la fin des Trente Glorieuses. Nous ne sortons pas de trente ans de prosprit dont il faudrait corriger les excs. Nous ne sortons pas de trente annes o les Franais auraient refus de faire le moindre effort pour faire face la concurrence des pays mergents. Depuis trente ans les Franais ne consomment pas plus quils ne gagnent. Au contraire, ils pargnent. Les mnages franais sont parmi ceux qui dans le monde pargnent le plus. Depuis trente ans, dans leur immense majorit, les Franais subissent plus de stress, plus de tensions, plus de fatigue. Ils ont, de plus en plus de mal se projeter dans lavenir. Je pense, en particulier, aux jeunes gnrations qui ont des difficults de plus en grandes pour entrer dans la vie active. Cette situation a t dautant plus mal vcue que depuis 30 ans les efforts des Franais pour tre plus productifs ont t considrables. Ils ont t courageux. Et surtout, depuis trente ans, ceux qui travaillent et qui sont proportionnellement de moins en moins nombreux ont vu peser lourdement sur leurs revenus la charge de ceux, de plus en plus nombreux, qui vivent plus longtemps, de ceux qui font des tudes de plus en plus longues, de ceux qui sont au chmage, de ceux que les accidents de la vie ont plong dans la dtresse. Dire la vrit aux Franais cest leur dire que cette situation, insoutenable dans la dure, se trouve aggrave si brutalement par la crise quil est impossible de continuer ainsi. Cest pour cette raison que la rforme des retraites ne pouvait plus tre diffre et quil a fallu en acclrer le calendrier. Contester cette ralit, cest mentir gravement aux Franais. La rforme que nous avons mise en uvre qui garantit le financement des retraites des Franais pour lavenir tait une dcision socialement juste. Permettre la retraite 60 ans sans financement tait une dcision socialement injuste. Dire la vrit aux Franais cest ne rien leur cacher des consquences de la crise et des efforts quelle implique pour tous. Si les Franais prouvent un malaise quand ils sinterrogent sur leur avenir et celui de leurs enfants cest quils ont le sentiment que leur vie est ballote par des crises dont ils ne sont pas responsables, quils ne sont plus matres de leur avenir. Pour rendre aux Franais la matrise de leur avenir, il faut rendre la France la matrise de son destin. Et pour cela elle doit entrer de plain-pied dans le nouveau cycle conomique. Elle doit sy prparer. Il y a trois faons de rpondre la crise. La premire, cest de la nier. Expliquer que ce nest pas grave, que la crise nest quun prtexte. Cest mentir aux Franais et prparer des catastrophes dont la France ne se remettrait pas. La seconde, cest de faire le choix exclusif de laustrit, de la rigueur, de la dflation. Ce serait le choix de la baisse des salaires et des retraites. Ce serait le choix de faire porter tout le poids de la crise sur le pouvoir dachat. Ce serait le choix qui tirerait tout vers le bas, un choix qui prendrait le risque de plonger lconomie dans la rcession et mme dans la dpression. Il y a un autre choix possible. Celui de rpondre la crise par le travail, par leffort et par la matrise de nos dpenses. Cest un ajustement par le haut. Cest un choix qui prserve le niveau de vie. Entre la baisse des retraites et travailler plus longtemps, je choisis la deuxime solution. Entre gagner moins et travailler davantage, je suis convaincu que la deuxime solution est prfrable la premire, quellePapier colabellis Seul le prononc fait foi 4/11

est plus juste et quelle nous permettra de sortir de la crise au lieu de laggraver. Ce choix de leffort, du travail, cest la politique que suit avec constance le gouvernement. Dans le monde tel quil est, avec les dfis que nous avons relever, avec ce que sont les tendances de la dmographie, la retraite 60 ans et les 35 heures ont t des fautes graves dont nous payons aujourdhui lourdement les consquences et quil nous a fallu rparer. La crise est dabord un rvlateur de nos faiblesses. Mais pour peu que nous sachions en tirer les leons, les crises nous indiquent aussi la voie suivre pour reconstruire et elles donnent la politique une responsabilit et un champ daction au fond sans prcdent depuis la deuxime guerre mondiale parce quil faut tout imaginer, tout rinventer. Il nous faut dabord de nouveau parer lurgence, en vitant de devenir une cible pour la spculation en brisant le doute sur notre capacit matriser notre endettement et rembourser nos dettes. Car le doute nous fait payer plus cher notre dette. En rduisant nos dficits, nous diminuons lemprise que les marchs exercent sur nous, nous prservons la matrise de notre destin. Pour rduire nos dficits nous devons liminer nos mauvaises dpenses, celles qui sont inutiles, celles que lon peut supprimer sans diminuer la qualit du service public, celles que lon peut compenser par un effort raisonnable de productivit, celles qui sont le fruit dune mauvaise gestion, dun mauvais contrle, celles que lon a laiss driver par manque de courage pour rformer ou par dfaut danticipation. Depuis des dcennies, nous dpensons trop et souvent mal. Cela ne peut plus durer. Lhabitude quavait prise lEtat dtre un guichet o lon rpondait oui, non pas ceux qui en avaient le plus besoin mais ceux qui pouvaient protester le plus et bloquer le plus. Cela ne peut plus durer.

Nous devons diminuer nos dpenses courantes, en tant plus attentifs lutilit de la dpense publique. Nous devons continuer rduire les effectifs de la fonction publique en maintenant la rgle du non renouvellement de un dpart sur deux la retraite. Nous devons le faire avec dtermination. Mais aussi avec sang-froid, raisonnablement, sans nous laisser gagner par la fbrilit et les emballements des marchs. Cest pour cela que, dans le mme temps que nous conomisons, nous devons continuer dencourager le travail et donc les heures supplmentaires, prserver les allgements de charge et nous devons continuer dinvestir, car la cl de notre avenir est dans la productivit et dans la comptitivit. La France a des atouts exceptionnels pour affronter toutes les concurrences et toutes les preuves. De tous les grands pays dvelopps, il est celui dont le systme institutionnel a le mieux rsist la crise. Grce ses institutions il peut tre gouvern mme quand les temps sont difficiles. Ce nest pas en passant la VIe Rpublique qui ne serait en ralit quun retour la IVe que la France matrisera mieux son destin. Nous avons connu lpoque des marchandages entre partis. Le rsultat, ce fut limpuissance, labaissement et la confusion. Dans un monde o il faut dcider vite et avec sang-froid, sans priori idologique, cest une fantaisie coupable que la France ne peut pas se permettre. Quand lconomie mondiale est entre en rcession, le modle social franais sest rvl efficace pour amortir le choc. Il a contribu ce que lconomie recule moins en France quailleurs. Mais qui peut penser le maintenir sans ladapter aux conditions qui sont celles de notre poque ? On nduque pas, on ne soigne pas comme hier. La dlinquance nest pas la mme quhier. Les ingalits ne sont pas les mmes. Et surtout, il est apparu une nouvelle ingalit celle qui fait la viePapier colabellis Seul le prononc fait foi 5/11

plus difficile ceux qui travaillent au bas de lchelle par rapport une minorit qui voudrait profiter du systme sans assumer sa part des devoirs. On ne peut pas financer notre protection sociale comme hier en prlevant uniquement sur les salaires quand les frontires sont plus ouvertes et quil faut faire face la concurrence de pays bas salaires. La rforme du financement de notre modle social est devenue urgente. Nous ne pouvons pas garder la mme organisation de notre protection sociale que celle de laprsguerre alors que ceux qui changent plusieurs fois dentreprise, de secteur, de mtier, tout au long de leur vie active sont de plus en plus nombreux. Face la tourmente conomique et financire, disposer comme la France dun tat fort adoss une longue tradition administrative est apparu comme un atout considrable, tandis quun tat faible, dpourvu de toute autorit, est apparu comme lune des causes principales qui ont conduit bien des pays tre emports par la tourmente. La France a des atouts que bien des pays dans le monde lui envient. Elle a une dmographie dynamique, une jeunesse nombreuse, des entrepreneurs, des chercheurs et des ingnieurs de talent, une main duvre de grande qualit, travailleuse, bien forme. Elle a une longue tradition industrielle et agricole, des savoir-faire qui sont issus du travail de plusieurs gnrations. Ce nest pas en renonant notre indpendance nergtique et en boudant lnergie nuclaire dans laquelle la France a investi depuis un demi-sicle tant dintelligence et dargent quelle valorisera au mieux ses atouts. Ce nest pas en choisissant une politique de partage du travail qui a chou partout dans le monde que la France tirera le meilleur parti de ses ressources. Cette voie tourne le dos au progrs. Cest le travail qui cre le travail, cest linvestissement qui engendre linvestissement. Travailler plus et mieux, se former plus et mieux, investir massivement et mieux, ce sont les principaux leviers par lesquels la France se mettra en phase avec le nouveau cycle conomique. Alors quen France comme dans la plupart des grands pays dvelopps frapps par la crise mondiale, le chmage augmente, nous avons le devoir de chercher toutes les solutions pour crer des emplois. La crise ne doit pas nous faire baisser les bras. Et ce nest pas parce quil y a une lection prsidentielle quil faut attendre. Cest ds prsent quil faut se battre pied pied, quil faut mobiliser toutes les intelligences, toutes les bonnes volonts. Nous ne gagnerons pas la bataille de lemploi sans les chefs dentreprise, sans les partenaires sociaux. Cest pourquoi en janvier prochain jinviterai tous les partenaires sociaux participer un sommet sur lemploi pour que chacun puisse apporter des solutions, faire des propositions. Il faudra avoir le courage daffronter les grandes questions et de lever les tabous sur les freins la comptitivit franaise. Sur lemploi on na pas tout essay. Quand on voit monter le chmage, on na pas le droit de dire quon y peut rien, mme si tout ne dpend pas de nous. Mais la fin il ny a que la croissance qui viendra bout du chmage de masse. A lentre dun cycle de dsendettement qui porte en lui-mme des tendances rcessives, laction en faveur de la croissance doit tre plus vigoureuse que jamais. Ce moment crucial o se dessine un nouveau modle de croissance, cest celui quil ne faut pas manquer.

Papier colabellis Seul le prononc fait foi

6/11

La triple rvolution du numrique, de lcologie et de la connaissance change tout. Elle bouleverse les modes de production. Elle fait glisser la croissance du matriel limmatriel, de la quantit la qualit, de la standardisation linnovation. A ct du capital et du travail, elle donne une importance nouvelle ces facteurs de production que sont lintelligence, le savoir, limagination. Lautonomie des universits, le Grenelle de lEnvironnement, le crdit dimpt recherche, les 35 milliards dinvestissements davenir dans lenseignement suprieur, dans la recherche, dans les technologies du futur prparent cette immense rvolution. Il faut persvrer. Ce nest pas le moment de nous dcourager, de nous rtracter, de nous replier sur nous-mmes, de nous rfugier dans limmobilisme, dans la prcaution, de rejeter le progrs. Cest le moment de travailler, dinvestir, dentreprendre. Cest le moment o ltat doit redevenir innovateur, entrepreneur, investisseur, o il doit entraner ceux qui inventent, qui crent, qui entreprennent. OSEO, le Grand Emprunt, le Fonds Stratgique dInvestissement, ce sont des outils de financement de cette rvolution de long terme. Il faut persvrer dans cette voie. Mais nous ne reprendrons pas la matrise de notre destin tout seul. Nous ne domestiquerons pas la finance tout seul. Nous ne changerons pas les rgles de la mondialisation tout seul. Nous ne retrouverons pas le chemin de la croissance tout seul. Chacun doit comprendre que la France est tellement engage dans le monde, que son conomie est tellement plonge dans lconomie mondiale, quil ny a pas de diffrence entre la politique intrieure et la politique extrieure, entre la politique nationale et la politique europenne, Au-dedans et au dehors, cest une seule et mme politique quun pays comme le ntre doit mettre en uvre pour faire face une seule et mme crise qui est mondiale. Dire la vrit aux Franais cest leur dire que lisolement nest pas une solution, que nous navons pas le choix entre louverture et la fermeture parce que la fermeture serait mortelle pour notre conomie, pour nos emplois, pour notre niveau de vie. Les socits fermes nont quun destin possible : le dclin. Le dclin conomique, intellectuel, moral. Cest cette lucidit, cette acceptation du rel qui nous permettra de peser en Europe et dans le monde et dtre capable de fixer les limites que nous nentendons pas voir dpasser. Ainsi, nous refuserons deffacer nos frontires. Elles sont la condition de notre libert, de notre dmocratie, de notre solidarit. Ainsi, nous dfendrons notre identit, notre culture, notre langue, notre faon de vivre, notre modle social. Ainsi, nous naccepterons pas une immigration incontrle qui ruinerait notre protection sociale, qui dstabiliserait notre socit, perturberait notre faon de vivre, bousculerait nos valeurs. Limmigration est fconde si elle est matrise pour que ceux que nous accueillons puissent tre accueillis dans les meilleures conditions possibles, pour quils prennent en partage notre histoire, nos valeurs, notre faon de vivre. Rgulariser tous les trangers en situation irrgulire, cest la certitude de crer un appel dair incontrlable. Ainsi nous ne pourrons tolrer la persistance des dumpings, des concurrences dloyales, le pillage de nos technologies qui dtruisent nos usines.

Papier colabellis Seul le prononc fait foi

7/11

Au fond la seule faon de nous protger est dtre les artisans dun changement avec les autres plutt que de nous engager dans une aventure solitaire qui serait sans issue. Ayons conscience que si nous chouons changer ensemble les rgles du jeu, le monde risque de sombrer dans le chacun pour soi et le protectionnisme et nous irons la catastrophe, parce qualors nous risquons de refaire pas pas le chemin tragique qua emprunt le monde dans les annes 30. Il y a une ralit que chacun doit comprendre, que chacun doit accepter : la souverainet ne sexerce quavec les autres. LEurope, ce nest pas moins de souverainet, mais davantage de souverainet parce que cest davantage de capacit dagir. On dfend mieux sa souverainet avec des allis, que tout seul. Cest la grande leon de lhistoire du XXme sicle. Renoncer notre place de membre permanent du conseil de Scurit et notre droit de vto ne serait ni plus ni moins quune faute. Nous naurions pu aider les peuples de Lybie et de cte dIvoire se librer. La France et lAllemagne, aprs tant de tragdies, ont dcid dunir leur destin, de regarder ensemble vers lavenir. Revenir sur cette stratgie serait impardonnable. Lhistoire et la gographie ont fait lAllemagne et la France rivales ou partenaires. En faisant le choix de lamiti le Chancelier Adenauer et le Gnral de Gaulle ont fait un choix historique. LAllemagne et la France unies, cest lEurope toute entire qui est unie et forte. La France et lAllemagne dsunie, cest lEurope toute entire qui est dsunie et qui est affaiblie. Je recevrai lundi prochain Paris la chancelire Merkel et ensemble nous ferons des propositions pour garantir lavenir de lEurope. Chacun a son histoire, chacun a ses blessures. Quand on parle de la monnaie, lAllemagne se souvient de son histoire. Nous devons la comprendre et nous devons la respecter. Chacun a ses institutions, sa culture politique, sa conception de la Nation. Lune est fdrale, lautre est unitaire. Il faut comprendre cette diffrence. Il faut la respecter. La France et lAllemagne ont fait le choix de la convergence. Je ne reviendrai jamais sur ce choix. Cela ne veut pas dire que lune veut se mettre la remorque de lautre, ni que les deux veulent renoncer leur identit jusqu se confondre. Le choix de la convergence, ce nest pas celui de limitation mais celui des leons tires en commun de lexprience de chacun. Le choix de la convergence cest celui du travail en commun, de leffort partag pour construire au cur de lconomie europenne une zone de stabilit et de confiance qui sera le moteur de la comptitivit europenne. Je ferai tout pour quil en soit ainsi. LEurope nest plus un choix. Elle est une ncessit. Mais la crise a rvl ses faiblesses et ses contradictions. LEurope doit tre repense. Elle doit tre refonde. Il y a urgence. Le monde nattendra pas lEurope. Si lEurope ne change pas assez vite, lHistoire scrira sans elle. Cest la conviction de la France et de lAllemagne. LEurope a besoin de plus de solidarit. Mais plus de solidarit exige plus de discipline.

Papier colabellis Seul le prononc fait foi

8/11

Cest le premier principe de la refondation de lEurope. Car la solidarit ne doit pas tre un encouragement au laxisme. LEurope a besoin de plus de politique. Je veux dire de plus de responsabilit politique. LEurope sans politique, lEurope en pilotage automatique qui ne fait quappliquer aveuglment les rgles de la concurrence et du libre-change est une Europe qui ne peut pas faire face aux crises. Cest une Europe dsarme. Cest une Europe qui est condamne subir. Cette Europe-l, nous nen voulons pas. LEurope a besoin de plus de dmocratie. Parce que lEurope est une entreprise qui ne peut pas russir sans les peuples. Parce que si les peuples se mfient de lEurope, lEurope reculera. LEurope plus dmocratique, cest lEurope o ce sont les responsables politiques qui dcident. Plus de politique, cest le deuxime principe de refondation de lEurope. La refondation de lEurope, ce nest pas la marche vers plus de supranationalit. Ce nest pas la rouverture des vieilles querelles entre les partisans de lEurope des nations et de lEurope fdrale. LEurope se refondera en tirant pragmatiquement les leons de la crise. La crise a pouss les Chefs dtats et de gouvernements assumer des responsabilits croissantes parce quau fond eux seuls disposaient de la lgitimit dmocratique qui leur permettait de dcider. Cest par lintergouvernemental que passera lintgration europenne parce que lEurope va devoir faire des choix stratgiques, des choix politiques. Au sein de la zone Euro, il nous faut dcider maintenant aller sans crainte vers davantage de dcisions prises la majorit qualifie. LEurope ouverte tous les vents, lEurope qui ne se protge par contre les dumpings, lEurope qui ouvre ses marchs sans exiger la rciprocit de la part de ses concurrents, lEurope qui laisse entrer des produits de pays qui ne respectent pas les rgles sociales ou environnementales, a ne peut plus durer. LEurope doit ngocier pieds pieds la dfense de ses intrts commerciaux. LEurope qui fait appliquer lintrieur le principe de la libre circulation et qui ne contrle pas ses frontires extrieures, a ne peut plus durer. Schengen doit tre repens. LEurope qui tolre le dumping social et le dumping fiscal entre ses tats membres, lEurope qui supporte que les subventions quelle verse certains de ses membres pour les aider combler leur retard sur les autres puissent servir baisser leurs charges et leurs impts pour faire aux autres une concurrence dloyale, a ne peut plus durer. LEurope ne peut pas laisser ses groupes industriels la merci de tous les prdateurs du monde, parce quelle leur interdit de se regrouper au nom dune fausse conception de la concurrence, LEurope ne peut plus ignorer la ncessit absolue dune politique industrielle, pour soutenir nos filires et nos exportations. LEurope doit dfendre sa politique agricole commune car dans un monde de ressources rares, la scurit alimentaire est un lment essentiel de lindpendance. LEurope va devoir faire des choix cruciaux dans les semaines qui viennent. Ces choix ne peuvent plus tre ceux des annes 80. La crise est un acclrateur.

Papier colabellis Seul le prononc fait foi

9/11

La crise est un dfi majeur pour lEurope. Le plus grand dfi sans doute quelle ait eu relever depuis quelle existe. Ne nous le cachons pas, lEurope peut tre balaye par la crise si elle ne se ressaisit pas, si elle ne change pas. Mais dans lEurope, il y a lEurope 27 et il y a lEurope de lEuro. Au cur de la crise europenne, il y a la crise de lEuro. Cest la plus grave. Elle peut tout emporter. Que restera-t-il de lEurope si lEuro disparat, si le cur conomique de lEurope seffondre ? Au moment de faire le choix de lEuro, nous nous sommes diviss entre partisans du oui et partisans du non. Chacun avait ses raisons, ses arguments qui taient respectables. Mais le dbat est derrire nous. LEuro existe. Sa disparition aurait des consquences dramatiques pour les Franais. Elle rendrait notre endettement ingrable. Leffondrement de la confiance paralyserait tout. Les Franais sappauvriraient Nous navons pas le droit de laisser se produire un tel dsastre. Prenons la crise de lEuro pour ce quelle est : une crise de crdibilit, une crise de confiance. Elle ne peut se rsoudre quen restaurant la crdibilit, en restaurant la confiance. Si nous voulons que lEuro survive, nous navons pas le choix : nous devons opposer une solidarit sans faille tous ceux qui doutent de la viabilit de lEuro et qui spculent sur son clatement. Il doit tre absolument clair que tous les pays de la zone Euro seront solidaires les uns des autres. Il doit tre clair que ce qui a t fait pour la Grce, dans un contexte trs particulier, ne se reproduira plus, quaucun tat de la zone Euro dsormais ne sera mis en dfaut. Il doit tre absolument clair qu lavenir aucun pargnant ne perdra un centime sur le remboursement dun prt accord un pays de la zone Euro. Cest une question de confiance et la confiance conditionne tout. Il doit tre clair que cette solidarit sans faille, tous les Etats et toutes les institutions y travaillent sans relche. Cest la raison dtre du Gouvernement de la zone Euro que la France a voulu et qui runira les chefs dtat et de Gouvernement pour dcider ensemble. Cest la raison pour laquelle la France a propos la cration dun Fonds montaire europen qui sera pour lEurope linstrument de sa solidarit, qui sera en mesure de venir en aide aux pays en difficult. Ce Fonds mobilisera les ressources ncessaires pour offrir un rempart face la spculation. Nous le prenniserons, le renforcerons et je souhaite que nous lui permettrions de dcider, la majorit qualifie. Naturellement, la Banque Centrale Europenne a un rle dterminant jouer. Il y a des dbats sur ce que lui autorisent ses statuts. Je ne veux pas entrer dans ces dbats. La BCE est indpendante. Elle le restera. Je suis convaincu que face au risque dflationniste qui menace lEurope la Banque Centrale agira. A elle de dcider quand et avec quels moyens. Cest sa responsabilit. Nul ne doit douter quelle lassumera, et, dailleurs je me flicite de ce quelle ait commenc le faire. Cette solidarit sans faille nest pas envisageable sans une discipline plus stricte. Si lon veut plus de solidarit, il faut plus de discipline budgtaire. Nous devons discuter ensemble de nos politiques budgtaires, non pour quelles soient les mmes partout alors que les situations sont diffrentes, mais pour quelles se rapprochent au lieu de scarter les unes des autres. Examinons en commun nos budgets. Instaurons des sanctions plus rapides plus automatiques et plus svres pour ceux qui nePapier colabellis Seul le prononc fait foi 10/11

respectent pas leurs engagements. Renforons les dispositifs de prvention pour que les drives que nous avons connues ne se reproduisent plus. Chaque pays de la zone euro doit adopter une rgle dor qui inscrira dans son ordre juridique lobjectif dquilibre budgtaire. La France doit ladopter. Lidal si chacun faisait preuve de responsabilits, serait de le faire avant la Prsidentielle. Si tel ntait pas le cas, il faudrait le faire immdiatement aprs. Il ne peut y avoir de monnaie unique sans que les conomies convergent. Si les carts de niveau de vie, de productivit, de comptitivit se creusent entre les pays, lEuro se rvlera tt ou tard trop fort pour les uns, trop faible pour les autres ; et la zone euro clatera. La convergence, ce doit tre le matre mot de la zone euro. Ce processus sera ncessairement long et difficile. Depuis le dbut de la crise de la dette, reconnaissons-le, lEurope a du. Pas assez vite, pas assez loin, pas assez fort. Jentends ces critiques. Parfois, jai partag limpatience des observateurs. Mais la tche tait si difficile. Le Trait de Maastricht sest rvl imparfait. Il prvoyait des mcanismes de prventions, mais bien lacunaires, des sanctions, peu appliques et aucun instrument durgence. Nous avons d tout rinventer, tout reconstruire, et nous avons redcouvert que parfois nos conceptions de la politique conomique ou de lunion montaire taient demeures diffrentes, en dpit de 10 ans de vie commune. Maintenant, dans une situation extrme, aprs le long chemin que nous avons parcouru, nous devons revenir lessentiel et le raffirmer solennellement. Cest pourquoi la France milite avec lAllemagne pour un nouveau Trait. Plus de discipline, plus de solidarit, plus de responsabilit assumes devant les peuples un vritable gouvernement conomique. Tel est notre vision de lavenir de la Zone Euro et de la future rforme des Traits. Cest pour que dans le monde de demain lEurope puisse encore faire entendre sa voix et faire vivre une trs ancienne ide de la civilisation laquelle elle tient par-dessus tout que la France se bat. Cest pour que dans le monde de demain chacun, en se dveloppant, contribue au dveloppement des autres au lieu que chacun cherche se dvelopper au dtriment des autres que la France se bat. Cest pour que dans le monde de demain la coopration prvale sur la confrontation que la France se bat. Cest pour que dans le monde de demain ses valeurs, son mode de vie, sa culture ne soient pas condamnes disparatre que la France se bat. Cest pour que les Franais ne voient pas svanouir tout ce qu force de travail, dintelligence, de gnrosit, ils ont construit de grand, de beau que la France se bat, quelle se bat lintrieur et lextrieur. Ce combat, la France le mne sans arrogance, mais sans relche, avec la conviction quau plus fort de la pire des crises conomiques qui nait jamais menac le monde depuis trois quarts de sicle, il porte une esprance qui ne doit pas steindre. Vive la Rpublique. Vive la France.

Papier colabellis Seul le prononc fait foi

11/11