6
1/6 Prix Grand Témoin - France Mutualiste 20 novembre 2014 Monsieur le Président, Monsieur le Grand Chancelier, Monsieur le Président de la Fondation Charles de Gaulle, Cher Jacques Général, Cher Daniel Cordier, Mesdames et Messieurs, Pour la troisième fois, j’ai le plaisir d’accueillir ici, France Mutualiste et de saluer le remarquable travail mémoriel qui est le vôtre. Pour la 12 e édition de son prix littéraire, vous avez choisi « La Résistance et la libération de la France ». Le 70 e anniversaire de 1944 imposait ce choix. Je tiens tout d’abord à saluer les membres du jury que vous avez constitué. Autant de hautes personnalités ainsi rassemblées confèrent à vos travaux une évidente légitimité. De Gaulle, la République, la France libre, les histoires extraordinaires de la Résistance, Jean Moulin, l’Empire et la France libre, le débarquement, la libération de Paris, comment choisir, tant ces thèmes ne font qu’une et si belle histoire, celle de la Résistance et de la libération de la France. Je tiens aussi à saluer le jury junior des élèves du Lycée franco-allemand de Buc et dire à chacun d’entre eux que nous les félicitons pour leur travail et leur engagement.

Discours France Mutualiste 2014

Embed Size (px)

DESCRIPTION

 

Citation preview

Page 1: Discours France Mutualiste 2014

      1/6  

 

Prix Grand Témoin - France Mutualiste 20 novembre 2014

Monsieur le Président,

Monsieur le Grand Chancelier,

Monsieur le Président de la Fondation Charles de Gaulle, Cher Jacques

Général,

Cher Daniel Cordier,

Mesdames et Messieurs,

Pour la troisième fois, j’ai le plaisir d’accueillir ici, France Mutualiste et de

saluer le remarquable travail mémoriel qui est le vôtre. Pour la 12e édition de

son prix littéraire, vous avez choisi « La Résistance et la libération de la

France ». Le 70e anniversaire de 1944 imposait ce choix.

Je tiens tout d’abord à saluer les membres du jury que vous avez constitué.

Autant de hautes personnalités ainsi rassemblées confèrent à vos travaux une

évidente légitimité.

De Gaulle, la République, la France libre, les histoires extraordinaires de la

Résistance, Jean Moulin, l’Empire et la France libre, le débarquement, la

libération de Paris, comment choisir, tant ces thèmes ne font qu’une et si belle

histoire, celle de la Résistance et de la libération de la France.

Je tiens aussi à saluer le jury junior des élèves du Lycée franco-allemand de Buc

et dire à chacun d’entre eux que nous les félicitons pour leur travail et leur

engagement.

Page 2: Discours France Mutualiste 2014

      2/6  

 

Je salue également la chorale des demoiselles de la Légion d’honneur qui

exécutera tout à l’heure le chant des partisans que nous devons à Anna Marty et

Maurice Druon. Comment ne pas avoir le cœur étreint chaque fois que l’on

écoute « ce chant du malheur » qui fut il y a 50 ans presque jour pour jour la

marche funèbre qui accompagna les cendres de Jean Moulin au Panthéon.

Il est de bon ton dans certains milieux de reprocher à de Gaulle d’avoir magnifié

la Résistance. Je ne m’engage pas sur cette voie. La Résistance était aussi une

véritable épopée et fait partie intégrante de l’identité française.

Les magnifiques discours de Malraux devant les portes du Panthéon ou sur le

plateau des Glières sont parmi les plus beaux textes de notre Histoire et sont

autant d’hymnes à la France qu’à l’humanité.

Réfléchir sur la Résistance et la libération nous impose aussi de réfléchir sur juin

et juillet 1940. Certes, il y a eu le magnifique refus exprimé par de Gaulle le 18

juin, certes il y a eu le courage des 80 qui ont refusé de voter les pleins pouvoirs

à Pétain, mais il y a eu aussi le reste, c’est-à-dire les ingrédients de cette

« étrange défaite ».

Je tiens à vous dire que je considère la fulgurante analyse de Marc Bloch comme

toujours d’actualité. La France est capable d’épisodes ô combien glorieux, mais

souvent précédés par des phases de dépressions collectives.

Les divisions artificielles, les utopies dangereuses ou naïves, les enkystements

bureaucratiques, l’autodérision ne sont pas des thèmes qui appartiennent

nécessairement au passé.

Page 3: Discours France Mutualiste 2014

      3/6  

 

Je ne dis pas que l’Histoire balbutie et comparaison n’est pas raison. Mais nous

ne devons pas nous exonérer d’une profonde réflexion sur ce qui fait les

faiblesses et les forces de la société française. D’ailleurs, comment ne pas

s’attacher à ce pays, à ce peuple dont l’histoire est si riche de redressements

spectaculaires.

C’est à ce moment qu’il faut rappeler Raymond Aubrac : « la Résistance, c’est

l’optimisme », c’est-à-dire que nos actions sont utiles et l’action porte en elle la

magie, la grâce et le pouvoir.

Oui, la France est capable de relever tous les défis quand elle est capable d’unir

ses contraires. C’est justement la caractéristique principale de la Résistance :

communistes et cagoulards, laïcards et chrétiens, prolétaires et aristocrates, ils

menèrent le même combat et finirent même par le mener ensemble.

En cet instant, des noms glorieux nous viennent à l’esprit, en particulier le

fédérateur que fut Jean Moulin. Leurs histoires, leurs parcours, leurs destins

furent différents.

Tous honorent la France. Ils avaient choisi selon le beau mot de Berty Albrecht

de « vivre au lieu d’exister » sans envie d’avoir, ou besoin d’être mais

simplement par désir de faire.

C’est tout naturellement que le Président de la République décida de faire entrer

quatre d’entre eux au Panthéon : Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine

Tillion, Pierre Brossolette, Jean Zay.

Vous comprendrez que j’ai une pensée particulière pour les nombreux

compagnons de la libération qui furent députés et bien évidemment pour mon

Page 4: Discours France Mutualiste 2014

      4/6  

 

prédécesseur, Jacques Chaban-Delmas dont le rôle dans la préparation de la

libération de Paris est connu de tous.

Si l’on doit citer deux apports majeurs de la Résistance à l’histoire de notre

pays, c’est d’abord d’avoir permis au Général de Gaulle de placer la France dans

le camp des vainqueurs, c’est-à-dire d’avoir rendu l’honneur à notre pays.

Dans la libération de la France, le caractère spectaculaire de l’opération navale

du 6 juin 1944 ne doit masquer ni le rôle du débarquement des forces françaises

en Provence, ni celui de la Résistance intérieure qui mobilise beaucoup de forces

allemandes qui ne peuvent se déployer ailleurs. Le reproche stratégique que l’on

doit faire à Pétain, sans parler des autres, est d’avoir, en gérant la zone sud, fait

économiser des forces à l’occupant.

La Résistance ne pouvait libérer la France sans les alliés, mais les alliés ne

pouvaient réussir aussi efficacement sans que soit grandement affaiblie la

mobilité de l’armée allemande et notamment ses capacités de projection au

moment du débarquement. Ce sont ces hommes-là et les volontaires de Bir-

Hakeim dans leur combat héroïque, qui permirent à de Gaulle de faire figurer la

France dans le camp des vainqueurs. Rappelons-nous la parole du général

allemand Jodl le 8 mai 1945, entrant dans la salle de la signature de la reddition

nazie « Ah, même les Français sont là ».

Oui, la Résistance française, permit à de Gaulle de rétablir l’Etat comme le

symbolisa l’installation des commissaires de la République qu’il nomma et en

Page 5: Discours France Mutualiste 2014

      5/6  

 

fait imposa à Roosevelt, qui avec l’AMGOT, entendait installer en France une

administration américaine.

Le second apport de la Résistance française fut la rédaction le 15 mars 1944 du

programme du Conseil national de la Résistance. Non seulement celui-ci

confirmait le caractère républicain du régime, mais il lui indiquait la voie laïque

et sociale. Certains discours, peu connus, du Général de Gaulle à la libération

mériteraient d’être écoutés et en surprendraient quelques-uns. C’était des

hymnes à la République sociale. En habile tacticien, le Général de Gaulle

adoubait le programme, bien que chacun connaisse son rapport complexe avec le

Conseil National de la Résistance.

Le programme du Conseil National de la Résistance nous fait dire qu’une

société meilleure n’est pas une utopie. « Les jours heureux » ne sont pas une

utopie dès lors que la volonté brise la tentation de la résignation et du

pessimisme. N’y a-t-il pas sujet de réflexion plus d’actualité ?

Je disais tout à l’heure que les discours de Malraux étaient tout autant des

hymnes à la France qu’à l’Humanité. Confiance en l’humanité, c’est-à-dire

confiance en la jeunesse. Quelquefois, les acteurs du travail mémoriel, dont je

tiens ici à saluer le rôle me disent leurs difficultés à toucher les jeunes.

Il nous est tous arrivé ici lors de commémoration, de voir passer à quelques

mètres des hommes et des femmes qui se recueillent un groupe de jeunes

apparemment indifférent à la symbolique de l’instant. Cela ne doit pas nous

inquiéter outre mesure, il y a évidemment parmi ces jeunes qui passent des

hommes et des femmes courageux qui demain relèveront les défis de leur

époque. Il y a parmi ces jeunes qui passent, j’en suis convaincu, les Fresnay,

d’Astier, Lévy, Delestraint, Passy, Morel, Guingouin, Dechartre, Ravanel,

Page 6: Discours France Mutualiste 2014

      6/6  

 

Aubrac, et bien d’autres. Ils ne le savent pas, car ils n’ont pas encore rencontré

l’Histoire. Cela tient à la nature même des hommes.

Ce combat des résistants ne connaît ni le temps, ni les frontières. Je voudrais que

nous apportions ici notre salut à tous ceux qui luttent contre les forces de

l’oppression financière, militaire et religieuse.

Salut aux Résistants qui ont fait tomber les dictatures en Espagne, en Grèce, au

Chili, en Argentine, en Pologne, en RDA et en Roumanie.

Aujourd’hui, on sait où se situe la barbarie et le fascisme. Salut aux peuples

syrien, irakien, afghan en lutte armée, salut aux peuples égyptien et surtout

tunisien qui, par la voie politique, ont repoussé l’obscurantisme, donnant un

démenti à ceux qui prévoyaient l’hiver arabe. Oui, le printemps des peuples

continue !

Confiance en l’humanité, confiance en la jeunesse, voilà le grand message de la

Résistance.

Je vous remercie.