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ET VIOLENCESDISCRIMINATIONS
AU TRAVAILQuatrième rencontre
de l’Observatoire
des violences envers les femmes
du Conseil général de la Seine-Saint-Denis
SEXISTES
Bobigny > lundi 6 mars 2006
Bourse départementale du travail
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Responsable de l’Observatoire départemental des violences
envers les femmes
Président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis
INTRODUCTION
En dépit de l’aggravation des conditions de vie de la population et de celles des femmes en particulier, le Conseil général de la Seine-Saint-Denis persiste dans son engagement à leurs côtés pour relever le défi majeur de leur complète émancipation et de la mise en pratique de l’égalité entre les sexes dans tous les domaines.
Ouverture de la RencontreHervé Bramy
Bilan : l’Observatoire a tenu ses cinq engagementsErnestine Ronai La dynamique enclenchée par la forte démarche partenariale au sein du département
a permis de mettre en œuvre ou de renforcer les actions prioritaires promises lors de la dernière Rencontre en mars 2005. Bilan.
L’Observatoire s’implique au niveau international La solidarité internationale est une composante de la lutte contre les violences.
Dans un département où se retrouvent des populations venues du monde entier, elle est indispensable.
• Solidarité avec les femmes victimes de la chariaAwa IbrahimCatherine Mabille
• Contre le « mégabordel » à BerlinMalka Marcovich
Ne vous résignez jamais !Gisèle Halimi Du droit à l’IVG sans les moyens suffisants au non-respect de la loi sur la parité, la violence
contre les femmes se décline dans tous les domaines de la vie privée et sociale.
TOUTES CHOSES INÉGALES :
LES DISCRIMINATIONS HOMMES / FEMMES DANS LE MONDE DU TRAVAIL
Égalité professionnelle : les bonnes pratiques recensées ici et là cachent la forêt des mauvaises. Les entreprises qui contreviennent aux lois doivent être sanctionnéeset les syndicats veiller au respect de ces lois.
À propos du film Femmes précaires réalisé par Marcel TrillatMarcel Trillat Hommage aux travailleuses précaires invisibles, et pourtant stigmatisées !
Femmes et hommes sur le marché du travail : des inégalités persistantesIsabelle Puech L’entrée massive des femmes dans le salariat depuis les années soixante n’a pas fait
disparaître les discriminations touchant à la nature des emplois, aux statuts professionnels et aux rémunérations. La situation de celles qui sont contraintes au travail partiel et précaire est particulièrement préoccupante.
Point de vue d’une syndicalisteIsabelle Massard Les entreprises ont l’obligation d’appliquer les lois sur l’égalité professionnelle.
Échanges et témoignages
Réalisateur
Sociologue
Avocate nigériane
Membre d’Avocats sans frontières et de Femmes solidaires
Historienne, directrice pour l’Europe de la Coalition internationale
contre la traite des femmes et la prostitution
Avocate, présidente de l’association Choisir la cause des femmes
Syndicaliste CGT en Seine-Saint-Denis
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VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES SUR LE LIEU DE TRAVAIL
Loi inadaptée, subjectivité des magistrats, défaut d’assistance de l’entourage à la femme victime : rien ne va. Le harcèlement sexiste et sexuel au travail est une entité qui peine à être reconnue.
Témoignages de femmes victimesPrésentés par l’AVFT et lus par la Compagnie Désamorce
• Joëlle, 43 ans, secrétaire Un harcèlement sexuel de plusieurs années aboutit à une ordonnance de non-lieu.
• Catherine, 35 ans, déléguée médicale Un combat de neuf ans débouche enfin ! sur une condamnation.
Les réalités du phénomène Sylviane Le Clerc Les violences sexistes et sexuelles au travail sont difficilement quantifiables et parfois
considérées comme « normales », y compris par des femmes. Analyse des lois et de la jurisprudenceGisèle Amoussou Appliquée de manière aléatoire, à l’appréciation des juridictions, la loi qui réprime
les violences sexuelles et sexistes au travail est insuffisante et doit être améliorée.
Djamila Mansour Bien que rarement sollicité, le conseil de prud’hommes est compétent pour traiter ces
types de violences. Il peut aussi ordonner toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Harcèlement sexuel, une violence méconnue, une loi en sursis Sylvie Cromer La société préfère ignorer le harcèlement sexuel au risque de nier la spécificité
de cette violence au profit de la notion « fourre-tout » de harcèlement moral.
Échanges et témoignages
RÉFLEXIONS
Comment les femmes construisent et mobilisent leurs droits ?
Michel Miné Des femmes luttent contre leur employeur pour faire appliquer les lois sur l’égalité
entre les sexes au travail. Les affaires qu’elles gagnent en justice font jurisprudence en France et dans l’Europe communautaire.
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Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail
Juriste, responsable de l’AVFT en Seine-Saint-Denis
Juriste et professeur associé du droit privé à l’université
de Cergy-Pontoise, membre du comité consultatif de la Halde
page 2 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
Déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité
de la Seine-Saint-Denis
Présidente du tribunal de prud’hommes de Bobigny
Sociologue, Université de Lille 2
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Comédienne de la Compagnie Désamorce
Anthropologue
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 3
de la CCAS d’EDF
Médecin du travail
Inspectrice du travail
Procureure adjointe au tribunal de Bobigny
Vice-président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis
COMMENT S’IMPLIQUER DANS DES ACTIONS DE PRÉVENTION ?
COMMENT AGIR ?
Les victimes de harcèlement sexuel sont isolées et elles ont honte. La nécessaire sensibilisation d’un entourage qui a tendance à fuir le problème en est à ses débuts. Le théâtre-forum s’avère être un outil efficace.
Deux théâtres-forums pour la préventionUne réalisation de l’AVFT et de la Compagnie DésamorceThissa d’Avila Bensalah Ces représentations permettent de repérer les résistances à la reconnaissance
du harcèlement sexuel dans l’entreprise.
• « Blague à part » Important : repérer le harcèlement sexuel dès qu’il se manifeste.
• « Ni vu, ni connu » Difficile de mobiliser les collègues.
Analyse des propos recueillis en entreprises, lycées d’enseignement professionnel et services du RmiMaria Mailat Le huis clos du travail est générateur de la loi du silence. Le théâtre-forum change la donne.
Des expériences de prévention des violences sexistes et du harcèlement au travail
Mireille Haccart En quelques heures, faire prendre conscience du phénomène des violences sexuelles
et sexistes.
Docteur Sterdyniak En Île-de-France, des médecins élaborent un document de prévention.
Delphine Brilland Sortir de l’isolement est une priorité.
Solange Moracchini La justice ne donne pas forcément suite à la plainte. Les associations d’aide
aux victimes ont un grand rôle à jouer.
Échanges avec la salle
CONCLUSION
Gilles Garnier
ANNEXES
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INTRODUCTION
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HERVÉ BRAMY
33 Madame la ministre 1, Monsieur le maire de Bobigny, Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs, je suis très honoré d’ouvrir avec vous les travaux de la quatrième
Rencontre de l’Observatoire contre les violences envers les femmes, placée sous l’égide de la
Journée internationale des femmes.
Permettez-moi, avant toute chose, une pensée pour Ingrid Betancourt. L’assemblée
départementale vient de voter, à l’unanimité, un vœu pour sa libération et celle
de tous les otages. J’ai, de plus, demandé que les enveloppes du Département
portent cette exigence.
Cette année, c’est sur le sujet sensible des discriminations et des violences sexistes
au travail que Gilles Garnier, vice-président, avec Ernestine Ronai et toute l’équipe
de l’Observatoire ont souhaité nous réunir. Je les en félicite vivement car en tant
que président d’une collectivité territoriale, d’un grand service public qui compte
près de 6 000 salariés dont une grande majorité de femmes, je partage totalement
les objectifs de cette journée.
Nous le savons, les femmes représentent aujourd’hui plus de 59 % des effectifs de
la fonction publique territoriale. Or le secteur public territorial n’échappe pas au
constat d’inégalité en leur défaveur. Je me félicite donc de la politique volontariste
mise en place depuis des années par notre conseil général et suis très fier d’être le président
d’une collectivité dirigée par une directrice générale des services, Madame Carmen Bourvic. Il
me semble néanmoins nécessaire d’agir encore plus pour la promotion des actions en faveur
de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Je propose, à ce titre, que nous réfléchissions à de nouvelles démarches
volontaristes afin d’asseoir l’apport des femmes dans nos administrations
locales. Et cela, tout autant dans les domaines de l’orientation des jeunes,
de l’accès à la formation, que des conditions de travail, de la promotion et
la rémunération, de l’accès aux emplois d’encadrement et, bien entendu,
de la lutte contre le harcèlement, du droit à la santé ou des droits à la retraite. Il faut imaginer
un cadre législatif ambitieux qui contraindrait les partenaires sociaux à négocier sérieusement
Président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis
OUVERTURE DE LA RENCONTRE
page 6 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
Porter ensemble l’idée que les atteintes à l’égalité salariale
puissent être considérées comme une discrimination
punissable pénalement.
ALORS QUE LA LIBÉRALISATION ÉCONOMIQUE ET LA PRIVATISATION DES SERVICES PUBLICS AGGRAVENT LES CONDITIONS DE VIE DE LA POPULATION ET TOUT PARTICULIÈREMENT CELLES DES FEMMES, LE CONSEIL GÉNÉRAL PERSISTE DANS SON ENGAGEMENT À LEURS CÔTÉS POUR RELEVER LE DÉFI MAJEUR DE LEUR COMPLÈTE ÉMANCIPATION.
1. Marie-Georges Buffet, députée
de la Seine-Saint-Denis, ministre
de la Jeunesse et des Sports
de 1997 à 2001.
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INTRODUCTION
avec obligation de résultats et ce, après évaluation des lois existantes. Et pourquoi ne pas
porter ensemble l’idée que les atteintes à l’égalité salariale puissent être considérées comme
une discrimination punissable pénalement ?
33 Je le redis ici, l’ambition du conseil général est de parvenir à l’égalité effective entre les
hommes et les femmes. Il s’agit pour moi d’une véritable exigence. En effet, la question
féminine est une question centrale de société qui doit imprimer sa marque sur l’ensemble de
l’organisation sociale. Plus encore qu’ailleurs, nous devons montrer l’exemple et porter, dans
l’ensemble de nos politiques, l’exigence de l’égalité des droits.
C’est ainsi qu’ici même, l’an passé, j’avais pris l’engagement que l’Appel des 93 serait
constitué à parité. L’engagement est tenu. Naturellement, il ne s’agit pas de nous en tenir
à la seule administration locale car aujourd’hui, encore plus qu’hier, nous devons faire face à la
multiplication des situations de détresse sociale que provoque la destruction
progressive de nos acquis sociaux. La progression du chômage et de la
précarité, le démantèlement des droits, du code du travail relancent, c’est
un fait, l’organisation patriarcale de la société.
Si des années de combat, de luttes des femmes, d’engagements permanents
pour l’égalité des droits réels ont conduit peu à peu les pouvoirs publics à légiférer en leur
faveur, la libéralisation et la privatisation des services publics ont des conséquences sévères
pour les populations, et tout particulièrement pour la population féminine. Les contrats
précaires, les temps partiels les rendent de plus en plus dépendantes de leur environnement,
entravant gravement leur autonomie. Les inégalités sociales grandissantes s’ajoutent aux
inégalités entre les hommes et les femmes.
33 C’est la raison qui nous a conduits à créer l’Observatoire contre les violences envers les
femmes. L’Observatoire nous permet de mieux repérer et évaluer ces situations, d’anticiper
les nouvelles formes de violences, de dresser les constats utiles à la mobilisation de
l’opinion publique, afin d’agir pour l’élaboration d’une loi-cadre nationale, voire européenne,
pour la prévention et la sanction. Ainsi, nous sommes convaincus que l’ampleur du travail
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 7
Les contrats précaires, les temps partiels rendent les femmes
de plus en plus dépendantes de leur environnement, entravant
gravement leur autonomie.
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réalisé a contribué à faire prendre la mesure, au plan local comme au plan national, de
l’urgence à légiférer en faveur des femmes victimes de violences conjugales, comme l’a fait
le gouvernement le mois dernier.
33 Nous pouvons être fiers de l’apport de la Seine-Saint-Denis à l’amélioration de la condition
des femmes. Pourtant, je sais aussi que nous pourrions être encore plus ambitieux, plus
innovants, plus performants si les finances départementales n’étaient pas entravées
dangereusement par les 140 millions d’euros que l’État nous doit. Comment
accepter le processus d’abandon par le gouvernement de la solidarité
nationale, comment accepter que les politiques sociales comme celles du
RMI, de l’aide personnalisée à l’autonomie, aux personnes handicapées,
dont les femmes sont bien entendu bénéficiaires, comment accepter que ces politiques soient
désormais à la charge des départements sans que soit assuré le financement à hauteur du coût
réel ! Et ne devons-nous pas nous interroger sur la légitimité de ces transferts ? C’est ainsi que,
pour ma part, je porte l’exigence de la renationalisation du RMI.
33 Pour conclure, je remercie Ernestine Ronai, qui ne ménage pas ses efforts et l’énergie qu’elle
consacre quotidiennement à l’amélioration de la condition de vie des femmes, les personnels
des services départementaux, les partenaires associatifs, institutionnels, les organisations
de femmes, les syndicats avec lesquels nous entamons une nouvelle collaboration si utile,
ainsi que les services déconcentrés de l’État dont la délégation départementale aux droits des
femmes et à l’égalité représentée par Sylviane Le Clerc. Je remercie également les intervenants
chercheurs de cette journée qui, par leurs apports, enrichiront nos réflexions. Je tiens tout
particulièrement à saluer Gisèle Halimi pour l’honneur qu’elle nous fait d’être parmi nous.
OUVERTURE DE LA RENCONTRE
page 8 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
Je me réjouis de voir de plus en plus nombreuses les villes qui s’associent
aux différentes campagnes que nous avons initiées.
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33 Je me réjouis également de voir de plus en plus nombreuses les villes qui s’associent aux
différentes campagnes que nous avons initiées. Lors des « Rencontres internationales des
femmes du monde en Seine-Saint-Denis », organisées avec le concours du Mouvement français
pour le planning familial, 14 villes du département ont accueilli des troupes de théâtre-forum
venues du Mali, d’Inde, du Brésil et de France pour que nous puissions aborder ensemble, par
la culture, la question des violences.
Parce qu’il ne s’agit pas là d’un enjeu pour les femmes seulement, mais
pour la société tout entière, je veux vous assurer de mon soutien le plus
total et de celui de mon ami, Gilles Garnier, vice-président chargé de la
lutte contre toutes les discriminations, dont je salue le travail considérable.
Je veux avec vous toutes et tous, relever un des défis majeurs de notre siècle, celui de
l’émancipation de toutes les femmes en France, comme ailleurs dans le monde. Je veux vous
dire ma conviction que l’émancipation des femmes est celle de toute l’humanité et donc,
y compris, celle des hommes.
Je vous remercie.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 9
J’ai la conviction que l’émancipation des femmes est celle de toute l’humanité et donc, y compris,
celle des hommes.
INTRODUCTION
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ERNESTINE RONAI
33 L’an dernier, la rencontre que nous avions organisée portait sur le thème « Agir et s’engager
contre les violences dans le couple ». À cette occasion, le président avait pris cinq
engagements.
33 Le premier était de créer une consultation de victimologie, ce qui a été fait
puisque nous avons installé une consultation d’une demi-journée, à Aubervilliers,
dans les locaux du Conseil général. Cette expérience nous a permis de constater
que les besoins étaient grands dans ce domaine.
Nous avons engagé un travail avec la caisse primaire d’assurance maladie de
Seine-Saint-Denis et la direction départementale de l’action sanitaire et sociale
pour permettre le remboursement et l’élargissement de ces consultations. Deux
nouvelles consultations seront ainsi ouvertes dans le département au cours de
l’année 2006. En outre, nous allons proposer que le diplôme universitaire de
victimologie qui existait en Seine-Saint-Denis soit à nouveau enseigné à la faculté
de médecine de Bobigny. Enfin, nous avons prévu d’organiser une journée de
formation à l’attention des médecins généralistes avec le conseil de l’ordre des
médecins et le réseau de victimologie.
Le deuxième engagement consistait à continuer et à intensifier la formation. Nous avons
poursuivi notre travail dans ce domaine et nous l’intensifierons en 2006. Nous développerons
notamment les formations pluri-professionnelles sur site qui permettent aux professionnels
de créer un réseau. Nous prévoyons également des sessions à l’attention des services
départementaux : service social, crèches et PMI.
Le troisième engagement, baptisé par la suite « un toit pour elles », reposait sur un constat :
les structures d’hébergement destinées aux femmes victimes de violences
conjugales sont saturées parce que les personnes accueillies éprouvent
des difficultés pour accéder au logement social. Nous avons donc proposé
que chaque ville de notre département réserve un logement social pour
désengorger l’hébergement d’urgence et l’ouvrir à d’autres femmes. Quatre villes s’étaient
engagées à l’époque : Bobigny, Saint-Ouen, Saint-Denis et La Courneuve. Montreuil s’est
ensuite associé à cette démarche. D’autres villes, comme Le Blanc-Mesnil, devraient
prochainement rejoindre cette initiative.
Responsable de l’Observatoire départemental des violences
envers les femmes
Six villes réservent un logement social pour désengorger
l’hébergement d’urgence et l’ouvrir à d’autres femmes.
L’OBSERVATOIRE A TENU SES CINQ ENGAGEMENTS
page 10 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
D’ANNÉE EN ANNÉE, LA DÉMARCHE PARTENARIALE INITIÉE PAR L’OBSERVATOIRE MOBILISE DE PLUS EN PLUS DE PROFESSIONNELS ET D’ÉLUS. GRÂCE À EUX, LA SENSIBILISATION DE LA POPULATION À LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES ENVERS LES FEMMES VA CROISSANT.
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33 Nous avions également évoqué la possibilité de mener un travail avec les services sociaux
pour réserver des chambres d’hôtel à l’attention des victimes. Plusieurs villes du département
se sont engagées sur le sujet. Enfin, La Courneuve a mis trois logements sociaux à la
disposition des femmes victimes de violences conjugales. Elles bénéficient également d’un
accompagnement social et d’un suivi de la part de SOS Femmes.
Le quatrième engagement portait sur la lutte contre les mariages forcés. Un groupe de travail
des services départementaux a été mis en place pour définir les formes d’aide et
d’accompagnement qui peuvent être offertes à ces femmes. Le résultat de cette réflexion
devrait être rendu public le 16 novembre, à l’occasion de la prochaine Journée internationale
de lutte contre les violences faites aux femmes.
Le dernier engagement concernait l’ouverture d’une permanence en direction des personnels
du conseil général, ce qui a été fait avec le centre d’information sur le droit des femmes et de
la famille de Seine-Saint-Denis.
33 Par ailleurs, l’Observatoire a également participé, l’an dernier, à une campagne d’affichage
qui est le fruit d’un travail de partenariat entre 14 villes, 11 institutions et 7 associations.
Quatre nouvelles villes se joignent à nous cette année. Nous espérons que, bientôt, la moitié
des villes de Seine-Saint-Denis sera associée à cette initiative.
Il faut souligner que ces démarches existent grâce à la forte démarche partenariale qui a été
mise en place dans le département, notamment avec les services de l’État qui y sont implantés.
Je salue à ce titre l’engagement de Sylviane Le Clerc, déléguée aux droits des
femmes. Nous travaillons également en collaboration avec les services du
département, comme en témoigne la présence de la directrice de la direction
de la prévention et de l’action sociale dont dépend l’Observatoire, et celle
d’Emmanuelle Piet qui est responsable à la planification familiale dans le service PMI du
Conseil général et préside également le Collectif féministe contre le viol. Enfin, les associations
jouent un rôle important dans cette démarche, ainsi que les villes avec lesquelles nous
concluons également un partenariat.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 11
INTRODUCTION
Il faut souligner que ces démarches existent grâce à la forte démarche
partenariale qui a été mise en place dans le département.
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33 La mission de l’Observatoire présente par ailleurs une dimension internationale. Nous
pensons en effet que la progression des droits des femmes dans une région du monde permet
de faire avancer les droits de toutes les femmes. Inversement, lorsque les droits des femmes
régressent quelque part, ce sont les droits de toutes les femmes qui
reculent. Au mois de novembre, nous avons organisé « Les Rencontres des
femmes du monde » à l’initiative de Muriel Naessens, animatrice du
Théâtre de l’Opprimé et du Planning familial de la Seine-Saint-Denis. Cette
action a permis de réunir plus de 3 000 personnes, dans 14 villes du
département, autour de quatre troupes de théâtre, française, brésilienne,
indienne et malienne. Cette expérience a montré que la domination masculine existe partout,
même si elle s’habille différemment selon les cultures. Il est important de le rappeler pour ne
pas stigmatiser les populations immigrées. En outre, la présence d’un large public montre que
la question des violences concerne la population. Les jeunes qui ont assisté à ces
manifestations ont eux-mêmes indiqué combien ils souffraient de la violence dans le couple
de leurs parents.
En novembre 2006, « Les Rencontres des femmes
du monde en Seine-Saint-Denis » ont permis de réunir plus de 3 000 personnes, dans 14 villes du département.
L’OBSERVATOIRE A TENU SES CINQ ENGAGEMENTS
page 12 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
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Responsable de l’Observatoire départemental des violences
envers les femmes
L’OBSERVATOIRE S’IMPLIQUE AU NIVEAU INTERNATIONAL
page 14 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
SOLIDARITÉ AVEC LES FEMMES VICTIMES DE LA CHARIA
ERNESTINE RONAI
33 Nous sommes très heureuses et heureux d’accueillir Awa Ibrahim, l’avocate qui a défendu
Amina Lawal, cette femme qui était menacée de mort par lapidation au Nigeria. Je voudrais
également saluer Catherine Mabille, membre d’Avocats sans frontières et de Femmes
solidaires.
AWA IBRAHIM
33 Bonjour, je suis très heureuse d’être parmi vous ce matin et de nous voir accueillies si
chaleureusement. Notre combat concerne non seulement les femmes, mais aussi chacun de
nous, hommes y compris. Lorsque nous célébrons les femmes, nous célébrons
l’humanité. C’est grâce à des femmes comme vous que notre combat avance et
que des avocats le soutiennent. C’est parce que vous nous avez soutenues que
nous avons réussi à défendre la cause des femmes dans notre pays. Après l’affaire
d’Amina, nous avons été saisies de nouveaux cas, mais la situation n’a pas évolué.
Nous devons toujours composer avec la charia, la loi islamique, pour obtenir
justice.
CATHERINE MABILLE
33 Après le cas d’Amina Lawal, qui a fait l’objet d’une forte médiatisation, le combat doit
continuer. Avec Awa Ibrahim, Avocats sans frontières essaie de constituer un groupe d’avocats
au Nigeria afin de défendre des femmes qui sont toujours condamnées à
mort en raison de la charia. Notre vigilance ne doit donc pas faiblir. La loi
islamique est présente dans douze des trente-six États, au Nord du
Nigeria. Même si la presse ne rend plus compte de cas emblématiques, notre travail doit se
poursuivre car ces femmes ont besoin de notre aide pour que cessent les traitements
inhumains et dégradants.
LES VIOLENCES ENVERS LES FEMMES SONT DE TOUS LES PAYS ET DE TOUTES LES CULTURES. LA SOLIDARITÉ EST NÉCESSAIREMENT INTERNATIONALE.
Avocate nigériane
Membre d’Avocats sans frontières et de Femmes solidaires
Au Nigeria, des femmes sont toujours condamnées à mort
au nom de la charia.
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Historienne et directrice pour l’Europe de la Coalition internationale contre la traite
des femmes et la prostitution (CATWE)
Responsable de l’Observatoire départemental des violences
envers les femmes
AWA IBRAHIM
33 Je pense que nous devrions continuer à exercer une pression internationale. Cependant, il
convient de faire très attention aux mots que nous employons car nous avons affaire à la
religion et aux sentiments. La loi de la charia est très différente du droit commun. Nous devons
donc comprendre son fonctionnement pour exercer une pression efficace. Il faut en effet
travailler le système de l’intérieur pour pouvoir le combattre.
ERNESTINE RONAI
33 Je voudrais remercier Awa et Catherine. Nous avions reçu Awa au moment où la vie d’Amina
Lawal était encore en danger et nous continuerons à vous soutenir pour qu’il ne soit plus
question de lapidation des femmes au XXIe siècle.
CONTRE LE « MÉGABORDEL » À BERLIN
ERNESTINE RONAI
33 Face à l’ignoble marché du sexe qui s’organise à Berlin en prévision de la Coupe du monde
de football, nous avons le plaisir d’accueillir Malka Markovich, historienne et directrice pour
l’Europe de la Coalition internationale contre la traite des femmes (CATWE).
MALKA MARCOVICH
33 La CATWE a lancé une pétition internationale intitulée « Acheter du sexe n’est pas un sport »
pour s’opposer à ce qui se prépare à l’occasion de la Coupe internationale de football, du
9 juin au 9 juillet 2006. Le lien entre événement sportif et prostitution n’est pas nouveau. Nous
l’avons déjà constaté lors des Jeux olympiques de Sydney et d’Athènes. Les industries du sexe
ont en effet tendance à se développer en présence d’une forte concentration
masculine pour organiser la traite des femmes. Dans le cas de la Coupe du
monde de football, il est particulièrement scandaleux d’assister à l’installation
de mégastructures : nous avons en effet affaire à un mégabordel de
3 000 mètres carrés. Sur des espaces de la taille d’un terrain de foot, on a
édifié des « cabines de prestations » en bois, ou « des boxes de performances »
où la transaction sexuelle se fait dans la voiture, avec le souci premier de
préserver l’anonymat du client qui paiera en liquide.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 15
Responsable de l’Observatoire départemental des violences
envers les femmes
Avocate nigériane
INTRODUCTION
DEPUIS 2000, DE NOUVELLES NORMES INTERNATIONALES ET LOCALES RECONNAISSENT QUE LA « DEMANDE » DES HOMMES EST À L’ORIGINE DE LA TRAITE ET DE L’EXPLOITATION SEXUELLE DES FEMMES.
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L’OBSERVATOIRE S’IMPLIQUE AU NIVEAU INTERNATIONAL
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Notre pétition a déjà recueilli environ 15 000 signatures provenant de 103 pays.
Le proxénétisme a été légalisé depuis 2002 en Allemagne. Un proxénète enregistré à la
chambre de commerce est donc considéré comme un entrepreneur légal. Cette situation est
particulièrement scandaleuse car un certain nombre de traités et de codes de conduite
internationaux reconnaissent que la demande, c’est-à-dire la présence masculine, favorise
la traite et l’exploitation sexuelle des femmes. En effet, depuis 2000, la communauté
internationale a reconnu par le Protocole de Palerme que
la demande favorisait la traite et enjoint les pays à la décourager. Or,
la majorité des pays qui participent à la Coupe du monde ont ratifié cette
convention. En 2005, lors de la commission sur le statut de la femme,
la communauté internationale a adopté une résolution pour exiger
l’élimination de la demande. Enfin, depuis mai 2004, il est interdit au personnel de l’ONU
d’avoir recours à des services sexuels, y compris pour les pays qui ont légalisé la prostitution.
Il en est de même pour le personnel de l’OTAN et de l’OTAN élargi, à savoir 46 pays. Dans
un tel contexte, il est totalement anormal que le tourisme sexuel soit organisé et accepté
à l’attention des sportifs. Nous demandons donc que, par respect pour les normes
internationales, l’industrie du sexe soit fermée en Allemagne pendant cette période, et
qu’une partie de l’argent engrangé dans le cadre de la Coupe du monde soit reversée aux
femmes enregistrées pour compenser leur manque à gagner.
BRUNO MOREL
33 Au sein de notre service d’urgence, nous accueillons un nombre important de femmes
victimes de violences dans le cadre de la prostitution. À ce titre, nous sommes stupéfaits que
40 000 femmes soient ainsi acheminées sur le site de la Coupe du monde. Nous ne pouvons
donc que relayer et soutenir activement cette pétition.
Président de l’Amicale du nid 93
Parmi les 100 000 signatures recueillies dans le monde par la
pétition « Acheter du sexe n’est pas un sport », 2 800 proviennent des
habitants de la Seine-Saint-Denis.
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GILLES GARNIER
33 Le dernier match amical de l’équipe de France se déroulera au Stade de France, le
27 mai. À cette occasion, nous pourrions proposer à l’ensemble des signataires de la Seine-
Saint-Denis de se réunir au Stade de France afin de soutenir cette action. Les campagnes de
sensibilisation menées au moment des Jeux olympiques d’Athènes ont marqué les esprits.
Nous pouvons donc espérer qu’un jour, la législation européenne permettra de mettre fin
à cette marchandisation des corps. Nous devons surtout obtenir que l’opinion publique
pèse pour affirmer que sport et prostitution ne sont pas compatibles.
Vice-président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis
INTRODUCTION
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GISÈLE HALIMI
33 Je voudrais vous remercier de m’avoir conviée à vos travaux et vous féliciter pour la création
de cet Observatoire, qui constitue une réponse à ceux qui demandent aujourd’hui, au moment
où nous nous apprêtons à fêter à nouveau la Journée internationale des femmes :
« Mais qu’est-ce qu’elles veulent encore ? ».
33 Les violences contre les femmes sont tout d’abord caractérisées par l’invisibilité.
Une sociologue cubaine, Isabel Arabia, remarquait ainsi que la violence contre les
femmes, comme le travail domestique des femmes, apparaissait aux hommes
comme une caractéristique sexuelle secondaire des femmes. Cette invisibilité se
poursuit par l’occultation, à ce jour, de l’Histoire des femmes. Les traditions, les
religions, la place des femmes dans le couple et dans la société sont ainsi faites qu’il n’y a
rien à dire sur elles. Michelle Perrot a mis ce non-dit en évidence dans un livre où elle explique
à la fois ce que font les femmes et le silence qui les entoure.
En outre, une série d’alibis ont été fabriqués pour que les femmes acceptent leur carcan
et qu’elles oublient de se révolter. Pourtant, les violences faites contre les femmes se
déclinent dans tous les domaines. J’accorde pour ma part une importance
particulière à la violence dans le couple parce que l’intimité intensifie les
mécanismes de culpabilisation et de honte chez les femmes victimes.
Il s’agit véritablement d’un huis clos de l’enfer. Nous avons appris
récemment qu’une femme mourait tous les quatre jours des violences de
son conjoint. À cette époque, je m’étais fait cette réflexion : si un chien
mourrait tous les quatre jours des violences de son maître cela ferait peut-être la « une » des
journaux ; en revanche, la mort d’une femme des violences de son conjoint donne tout juste
lieu à une brève.
33 Lorsque les médecins, les psychiatres ou les avocats écoutent les femmes dans le secret d’un
cabinet, ils apprennent que deux femmes sur dix ont été à un moment de leur vie humiliées,
frappées, violées par leur conjoint. Il est souvent difficile d’établir la chaîne de la violence
dans le couple. J’ai toutefois tendance à penser que les insultes d’une femme sous le coup
du mépris qui pèse sur elle ne sont pas comparables aux violences verbales exercées par un
Avocate, présidente de l’association Choisir la cause des femmes
« NE VOUS RÉSIGNEZ JAMAIS ! »
page 18 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
J’accorde pour ma part une importance particulière à la violence
dans le couple parce que l’intimité intensifie les mécanismes
de culpabilisation et de honte chez les femmes victimes.
DU DROIT À L’IVG SANS LES MOYENS SUFFISANTS AU NON-RESPECT DE LA LOI SUR LA PARITÉ, LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES SE DÉCLINE DANS TOUS LES DOMAINES DE LA VIE PRIVÉE ET SOCIALE.
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homme. En effet, l’injure de l’homme à l’égard de la femme véhicule toujours un mépris sexiste.
Le couvercle du silence est d’autant plus fort concernant la violence dans le couple, que cette
violence se déroule dans une sphère intime, opaque. Il y a une trentaine d’années, les femmes
se sont pourtant rendu compte que ce qu’elles croyaient être seules à subir dans leur couple
était finalement général. Cette prise de conscience leur a permis de s’unir et de comprendre
que la lutte de l’une les concernait toutes. Nous l’avons résumé dans la formule « le privé est
politique » car selon moi, rien n’est plus politique que la lutte des femmes.
33 Pour une avocate, les violences dans le travail sont les plus difficiles à prouver. Il faut
pourtant voir comment l’état de santé d’une femme se détériore à mesure qu’elle subit le
harcèlement. De plus, il lui est souvent difficile de trouver autour d’elle les
appuis nécessaires. En effet, comment ses collègues de travail peuvent-ils
témoigner compte tenu de la menace très forte de sanctions et, même, de
licenciements qui pèse sur eux ?
Le harcèlement moral est plus difficile à établir que le harcèlement sexuel.
Car, le harcèlement sexuel poursuit un but précis, alors que le harcèlement
moral est plus diffus : non seulement, on vous met au placard, mais on vous fait sentir
que vous ne serez bonne toute la vie que pour cela. Les femmes qui viennent me voir à la
suite d’un harcèlement moral se trouvent toutes dans un état déplorable. Le processus du
harcèlement est en effet toujours le même : elles se plaignent, elles se battent, elles partent en
arrêt de travail, elles tombent en dépression, et les arrêts se succèdent. Or le code du travail
permet de licencier une personne qui accumule les arrêts de travail parce qu’elle porte atteinte
à la marche de l’entreprise. Ces femmes se trouvent donc totalement écartées du seul fait de
la volonté d’établir le préjudice subi.
33 À la veille de la projection de presse du film sur le procès de Bobigny, il convient de
souligner à quel point ce procès constitue un moment historique de la vie des femmes.
Il faut également rappeler que la publication des minutes du procès par Gallimard constitue
un délit car la loi sur la presse interdit la publication des débats d’avortement. Comme le
montre le film, le clivage socio-économique est fondamental en matière de violences faites à
notre corps, qu’il s’agisse d’IVG ou de prostitution. Michèle Chevalier a vécu ce qu’elle a vécu
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 19
Pour une avocate, les violences dans le travail sont les plus difficiles
à prouver. Il faut pourtant voir comment l’état de santé d’une
femme se détériore à mesure qu’elle subit le harcèlement.
INTRODUCTION
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parce qu’elle n’était qu’employée de métro. À l’inverse, aucune femme de PDG, aucune
épouse de magistrat, aucune femme célèbre n’a fait l’objet de poursuite judiciaire.
Ce procès reste d’actualité car, même si nous avons acquis une liberté
à travers l’autorisation de l’IVG, nous n’avons pas obtenu réellement les
moyens de l’exercer. En effet, il n’y a pas suffisamment de médecins,
de centres ni d’argent mis au service de ce droit fondamental pour les
femmes, qui consiste à s’appartenir et à choisir ses maternités. Ces acquis restent donc
théoriques. Un droit ne vaut que par les moyens donnés pour sa mise en pratique.
33 La mise en place d’un mégabordel à Berlin achève de me convaincre que nous avons eu
raison de dire non à l’Europe qu’on nous proposait. Je pense également à cette malheureuse
Polonaise, qui élevait seule deux enfants et a perdu la vue à la naissance du troisième parce
que ses médecins, qui étaient pourtant conscients du risque qu’elle courait, ont refusé de
signer un certificat pour lui permettre d’avorter. Se trouvant ainsi confrontée à un déni de
justice total puisqu’il n’existe pas en Pologne de juridiction compétente pour traiter son cas,
cette femme a décidé de saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Comment pouvions-
nous vouloir une Europe qui accepte que des femmes puissent subir de tels traitements, de
tels non-droits ?
33 Sur le sujet des violences, il faut en France une loi-cadre, comme il en existe en Espagne,
qui instaure une peine deux fois plus lourde lorsqu’une femme est victime de violences. Cette
mesure peut paraître injuste à certains, mais elle va au contraire dans le sens d’une plus
grande justice dans la mesure où elle permet de compenser le rapport de force qui existe dans
tout phénomène de violence à l’égard des femmes, qu’il soit physique, moral, économique,
social ou psychologique.
Par ailleurs, n’est-ce pas une violence démocratique que de voir la loi sur la parité pervertie et
tournée en ridicule ? En effet, il suffit aujourd’hui d’être un parti riche pour rejeter les femmes
et s’acheter des candidats masculins alors qu’à l’origine, la loi sur la parité devait amener un
changement radical, une révolution démocratique.
Pour finir, je souhaiterais transmettre aux jeunes et aux femmes le message suivant : ne vous
résignez jamais !
« NE VOUS RÉSIGNEZ JAMAIS ! »
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Le clivage socio-économique est fondamental en matière de violences
faites à notre corps, qu’il s’agisse d’IVG ou de prostitution.
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NOTES
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en 2000, en France, l’État et les instances statistiques ont
reconnu que la violence envers les femmes était un sujet
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TOUTES CHOSES INÉGALES :
LES DISCRIMINATIONS HOMMES / FEMMES DANS LE MONDE DU TRAVAIL
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page 24 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
À PROPOS DU FILM « FEMMES PRÉCAIRES » RÉALISÉ PAR MARCEL TRILLAT
Réalisateur
Réalisateur
Responsable de l’Observatoire départemental des violences
envers les femmes
MARCEL TRILLAT
L’extrait que l’on va voir fait partie du troisième volet d’une trilogie sur le monde du travail.
Le premier, 300 jours de colère, portait sur la lutte de salariés à la suite de la liquidation de
leur entreprise. Le second, Les Prolos, est un voyage dans le monde industriel. Nous avons
ensuite souhaité aborder la question des femmes car, en échangeant avec des sociologues,
nous nous sommes aperçus qu’une frange importante du salariat, 3,5 millions de salariés,
gagnait moins que le SMIC. Il s’agit de personnes qui travaillent à temps partiel imposé et qui
sont à 80 % des femmes. Nous avons donc décidé de traiter de la précarité et de l’exploitation
spécifique des femmes. Le film se compose de cinq portraits de femmes. J’ai choisi un extrait
de l’un de ces portraits.
MARCEL TRILLAT
Nous avons affaire à une armée des ombres. Même si nous savons qu’elles existent, il s’agit
de personnes que nous ne voyons pas, que nous ne croisons même pas puisque souvent leurs
horaires sont décalés. Nous souhaitions donc leur rendre le droit à la parole et montrer leur
courage.
ERNESTINE RONAI
Lors des émeutes urbaines de novembre, les femmes seules avec enfants ont été fortement
stigmatisées. Ce film permet de leur rendre hommage et de montrer qu’elles ne ménagent pas
leurs efforts pour réussir à garder la tête hors de l’eau. C’est la raison pour laquelle je voulais
le projeter.
MARCEL TRILLAT
La première projection s’est très mal passée parce qu’un responsable de France 2 trouvait que
ces femmes étaient « trop clean ». Les femmes pauvres devaient nécessairement être
délinquantes ou avoir des enfants délinquants. Je lui ai répondu qu’effectivement la télévision
aime montrer ce type de situations marginales. Pour une fois, on allait montrer toutes les
autres, celles dont on ne parle jamais et qui représentent l’immense majorité.
Réalisateur
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Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 25
Je m’appelle Fabienne Vitejot. J’ai 34 ans, je suis séparée,
j’ai 3 enfants. Je travaille en tant qu’agent d’entretien à
temps partiel dans une société de nettoyage et je gagne
770 euros par mois.
EN IMAGES
J’ai eu des chantiers où j’embauchais le matin à 5 h et où je débauchais à 20 h-21 h.
Vous savez, ramasser – pardonnez-moi l’expression – la merde des gens, c'est pas
forcément très plaisant mais bon j’aime bien venir travailler ici parce qu’il y a une
bonne ambiance avec tout le monde, faut se faire respecter, d’abord on est des
femmes donc y en a qui se croient tout permis, des bonshommes... et puis... c’est
pas parce qu’on est femme de ménage que forcément on est plus bête... c’est pas
marqué sur notre front.
Y a des matins où je m’en vais à 6 heures moins le quart travailler, y a des matins où
comme ce matin je pars à 7 heures et demi, tout dépend des horaires que j’ai. Donc
généralement quand je me lève à 6 moins le quart, c'est le grand qui s’occupe avant de
partir au collège de réveiller les petits, tout ça... bon le petit déj est prêt tout ça. Puis moi
je les appelle avant d’embaucher à 8 heures moins 5, pour savoir si tout va bien, s’ils sont
prêts voilà pour qu’ils partent à l’école. Généralement ils ne sont jamais en retard
à l’école. Donc ils sont toujours à l’heure. Quand je m’en vais à 7 heures et demi ça me
permet de les voir quand même un petit peu le matin, de m’occuper du petit tout ça.
“
”
EXTRAIT DU FILM
CG93_Observatoire_Violences.indd25 25CG93_Observatoire_Violences.indd25 25 19/12/06 15:57:4319/12/06 15:57:43
ISABELLE PUECH
33 On observe aujourd’hui, en France, une relative parité entre les hommes et les femmes
sur le marché du travail, mais qui ne va cependant pas de pair avec une réelle mixité, ni avec
une réelle égalité. Il y a parité puisque sur 12 millions de personnes sur le marché du travail,
46 % sont des femmes. Leur participation au marché du travail n’est d’ailleurs pas
un phénomène nouveau : les femmes ont toujours travaillé comme l’ont montré
les historiennes. Mais, depuis les années 1960, cette participation a connu des
évolutions considérables.
33 L’activité féminine s’est en effet très fortement accélérée, beaucoup plus
rapidement que celle des hommes : 6 millions de femmes au début des années
1960, plus de 12 millions aujourd’hui. En 40 ans, la part de femmes présentes sur
le marché du travail a doublé, et cela malgré la crise économique qui a fait son
apparition au début des années 1980.
33 Autre évolution : les femmes travaillent, y compris aux âges de la maternité.
C’est un autre trait marquant : les courbes d’activité des femmes sont de plus en
plus continues, le modèle dominant n’est plus celui du choix : travailler ou avoir
des enfants, ni celui de l’alternative : travailler, s’arrêter pour élever ses enfants, puis
reprendre une activité. Non, la norme sociale dominante, c’est le cumul : travailler, y compris
lorsqu’elles ont des enfants 1.
33 Malgré ces évolutions, de nombreuses inégalités entre les sexes demeurent ou se
déplacent. En matière de taux de chômage 2, notamment, les écarts entre les hommes et les
femmes, depuis une dizaine d’années, tendent à se réduire. Mais les femmes sont toujours
davantage touchées, avec un taux de 11,2 %, contre 8,9 % pour les
hommes. Et cet écart est encore plus grand parmi les jeunes. Un quart des
femmes de moins de 25 ans sont au chômage, contre 20 % des jeunes
hommes. Il y a en outre, chez les femmes, un effet de cumul des inégalités
particulièrement marqué qui aboutit à un taux de chômage très fort chez les jeunes femmes
étrangères de moins de 25 ans. Le tiers d’entre elles est au chômage, contre 27 % des hommes
étrangers de moins de 25 ans (enquête emploi, Insee).
Sociologue
L’ENTRÉE MASSIVE DES FEMMES DANS LE SALARIAT DEPUIS LES ANNÉES SOIXANTE N’A PAS FAIT DISPARAÎTRE LES DISCRIMINATIONS TOUCHANT À LA NATURE DES EMPLOIS, AUX STATUTS PROFESSIONNELS ET AUX RÉMUNÉRATIONS.LA SITUATION DE CELLES QUI SONT CONTRAINTES AU TRAVAIL PARTIEL ET PRÉCAIRE EST PARTICULIÈREMENT PRÉOCCUPANTE.
Malgré les évolutions réelles, de nombreuses inégalités
entre les sexes demeurent ou se déplacent.
FEMMES ET HOMMES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL : DES INÉGALITÉS PERSISTANTES
page 26 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
1. M. Maruani, Travail et emploi
des femmes, La Découverte,
coll. Repères, 2003.
2. Taux de chômage global en 2003 :
9,9 %.
CG93_Observatoire_Violences.indd26 26CG93_Observatoire_Violences.indd26 26 19/12/06 15:57:4419/12/06 15:57:44
33 Autre inégalité : les écarts de salaire. Ils se sont eux aussi globalement réduits au cours du
temps, mais les femmes continuent à être moins bien payées que les hommes. Dans le secteur
privé et pour les salariés à temps complets, les salaires nets annuels moyens des femmes
représentent 80 % de ceux des hommes (Meurs, Ponthieux, 2005). Ces écarts peuvent
s’expliquer en partie par le fait qu’hommes et femmes n’occupent pas les
mêmes types d’emplois, je vais y revenir. Cela dit, même lorsque l’on
raisonne toutes choses égales par ailleurs, il y a toujours un résidu de
l’ordre de 11 à 13 %, qui ne s’explique que par de la discrimination pure à
l’égard des femmes. Ces écarts de salaire sont présents à tous les niveaux
de la hiérarchie sociale, y compris aux niveaux les plus élevés. Les femmes, de plus en plus
diplômées, y sont de plus en plus nombreuses, ce qui constitue une avancée certes
considérable, mais en demi-teinte.
33 Depuis les années 1970 (moment où la mixité a été généralisée à presque tous les
établissements), il y a en France plus de bachelières que de bacheliers et plus d’étudiantes
que d’étudiants. Non seulement les filles sont plus nombreuses que les garçons, à l’école et
dans l’enseignement supérieur, mais aussi elles réussissent mieux. Les
progrès d’éducation des filles leur ont permis d’accéder à des emplois de
cadres et de techniciens (emplois qui se sont le plus rapidement
développés ces dernières années), à des professions intellectuelles
supérieures prestigieuses, autrefois réservées aux hommes, dans le
domaine du droit (46 % de femmes parmi les professionnels du droit
en 2002, contre 28 % en 1982), ou de la médecine par exemple (la part
des femmes parmi les médecins est passée de 36 à 43 % entre 1982 et 2002).
33 Mais dans ces emplois, les femmes occupent les fonctions et les postes les moins prestigieux
et les moins bien rémunérés. Ce sont des emplois qui font appel à des qualités qui seraient
« naturellement féminines » (capacité d’écoute, qualités relationnelles, minutie, patience,
dextérité), des qualités qui ne sont pas reconnues comme de véritables qualifications
professionnelles, qui ne sont donc pas rémunérées à leur juste valeur, contrairement aux qualités
que l’on va attribuer au sexe masculin : capacité à commander, habileté technique, créativité.
Dans le secteur privé et pour les salariés à temps complets,
les salaires nets annuels moyens des femmes représentent 80 %
de ceux des hommes.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 27
Les progrès d’éducation des filles leur ont permis d’accéder à des
emplois de cadres et de techniciens, et à des professions intellectuelles
supérieures… Mais elles y occupent les postes les moins prestigieux et
les moins bien rémunérés.
ANALYSE
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33 Au bas de la hiérarchie sociale, le phénomène de déni de qualification à l’égard des femmes
est encore plus marqué. Il contribue fortement à confiner les plus vulnérables dans des
emplois socialement dévalorisés et sous-payés : femme de ménage, caissière, vendeuse.
Ce sont des emplois précaires, parce qu’ils sont à temps partiel (30 %
des femmes présentes sur le marché du travail sont à temps partiel, contre
5 % seulement des hommes), et/ou parce qu’il s’agit de CDD, de stages
ou de contrats aidés. Aujourd’hui, 60 % de ces contrats temporaires et
plus de 80 % des emplois à temps partiel sont occupés des femmes.
Ces femmes sont surreprésentées parmi les emplois non qualifiés : 61 %
des salariés non qualifiés sont des femmes alors que 69 % des emplois qualifiés le sont par
des hommes. Leur nombre alimente ce que l’on appelle aux États-Unis la classe des working
poors, les travailleurs pauvres.
33 En France, parmi les 3,4 millions de travailleurs pauvres, c’est-à-dire de personnes qui
touchent moins que le Smic, 80 % sont des femmes qui travaillent, le plus souvent, à temps
partiel. Je voudrais insister sur ce point car, aujourd’hui encore dans les médias, les discours
des politiques, les représentations sociales intériorisées par les hommes et aussi par certaines
femmes, le temps partiel serait un aménagement du temps de travail, choisi par les femmes
pour mieux concilier travail et famille. Le temps partiel choisi est un mythe : aujourd’hui, en
France, 1 400 000 personnes sont en situation de sous-emploi. Et c’est
cette forme-là de temps partiel qui a le plus fortement augmenté au cours
des vingt dernières années. Or qui dit sous-emploi, dit horaires décalés,
fragmentés, imprévisibles, des horaires qui complexifient, plus qu’ils ne
facilitent, la gestion des charges familiales. Et puis, qui dit temps partiel
dit salaire partiel, c’est-à-dire pauvreté. Le temps partiel est, depuis 20 ans, l’un des moteurs
de la dynamique de l’emploi en France. Si cette forme d’emploi est autant féminisée, c’est
avant tout parce que les employeurs y ont massivement recours dans les entreprises du
secteur tertiaire où l’activité féminine se concentre. Ils ont besoin d’adapter les horaires de
leurs salariés au plus près des flux de clientèle plus ou moins importants selon les moments
de la journée ou de la semaine. Le développement du temps partiel a été très fortement
encouragé par les pouvoirs publics à partir du début des années 1980, c’est-à-dire lorsque la
crise économique est apparue comme une crise durable de l’emploi. Dès lors, ils ont multiplié,
Au bas de la hiérarchie sociale, le phénomène de déni de qualification
à l’égard des femmes est encore plus marqué. Il contribue fortement à confiner
les plus vulnérables dans des emplois socialement dévalorisés.
FEMMES ET HOMMES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL : DES INÉGALITÉS PERSISTANTES
page 28 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
Le temps partiel choisi est un mythe. Parmi les 3,4 millions de personnes
qui touchent moins que le Smic, 80 % sont des femmes qui travaillent,
le plus souvent, à temps partiel.
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pendant deux décennies, des dispositifs incitatifs qui ont rendu, pour les employeurs, le
temps partiel très attrayant, tant du point de vue de son coût (allègement de charges octroyé
en cas d’embauches à temps partiel) que de son organisation (souplesse des horaires…).
La création d’emplois à temps partiels répond donc avant tout à une volonté des pouvoirs
publics et des employeurs. Aujourd’hui, dans 52 % des cas, le temps partiel est un temps
partiel d’embauche. Lorsque des salariés déclarent ne pas souhaiter travailler plus, on
constate que ce sont des femmes qui ont de très lourdes charges familiales. On ne peut donc
pas dire que cette forme de temps partiel soit librement choisie. C’est davantage une solution
de contrainte car elles assument 80 % du noyau dur des tâches domestiques et familiales.
33 Qu’elle prenne la forme du sous-emploi ou d’un contrat de travail temporaire, la précarité
est acceptée par les femmes faute de mieux, et par nécessité financière. On est loin ici de
l’idée selon laquelle le salaire des femmes serait un simple « salaire d’appoint ». C’est au
contraire un salaire vital pour la famille qui est souvent monoparentale ou dans laquelle les
deux conjoints sont frappés par la précarité. Cette précarité est protéiforme, elle dépasse
souvent la sphère du travail, pour toucher au problème du logement, du mode d’accueil des
enfants. Elle a aussi des incidences au-delà de la période de la vie active. On est en droit de
se demander ce qu’il va advenir de ces milliers de travailleuses à temps partiel au moment de
prendre leur retraite. Des femmes vont certainement être amenées à
travailler plus longtemps que les hommes pour valider suffisamment de
trimestres et pour percevoir un montant de retraite qui risque d’être
dérisoire.
Même si les disparités sexuées en matière de retraite diminuent avec les
générations et devraient encore se réduire avec l’augmentation du taux
d’activité féminine et le resserrement des écarts sexués en matière de
durée de vie professionnelle, tout porte à penser que la précarité croissante de l’emploi des
femmes risque de maintenir les écarts entre les sexes au moment de la retraite 3.
On est en droit de se demander de ce qu’il va advenir de ces milliers
de travailleuses à temps partiel au moment de prendre leur retraite.
Des femmes vont certainement être amenées à travailler plus
longtemps que les hommes.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 29
3. P. Concialdi, « Les retraites :
quel avenir pour les femmes ? »,
Travail, genre et sociétés, n°9,
avril 2003, p.240-245.
ANALYSE
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ISABELLE MASSARD
33 Depuis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de nombreux textes sur l’égalité
professionnelle sont parus, mais ils restent peu ou mal appliqués.
Dès le 27 octobre 1946, la loi garantit à la femme des droits égaux à ceux de
l’homme dans tous les domaines. En 1975, elle interdit les discriminations
sexuelles à l’embauche. Par la suite, la loi Roudy, parue le 13 juillet 1983, a été
complétée par la loi Génisson, le 9 mai 2001.
33 Cependant, malgré l’existence d’un certain nombre d’outils, l’égalité
professionnelle ne progresse pas. Un changement de mentalités doit s’opérer
partout, et notamment dans les organisations syndicales. Même si la CGT milite
pour l’égalité entre hommes et femmes, ce dossier est peut-être moins porté que
d’autres. Il faut que des femmes s’en emparent pour le faire avancer. Cette
situation est regrettable car l’avancée de l’égalité entre hommes et femmes
constitue également un progrès pour les hommes. Toutefois, la CGT a profité des
négociations de l’accord national interprofessionnel pour faire avancer cette question.
33 Signé par l’ensemble des organisations syndicales et le MEDEF, le 1er mars 2004, cet accord
contraint les entreprises à traiter l’égalité professionnelle à travers plusieurs chapitres :
l’évolution des mentalités, l’orientation, le recrutement, la formation professionnelle continue
et l’égalité salariale. Cet accord a également introduit un certain nombre
d’outils pour permettre aux entreprises de mettre en œuvre la loi Génisson
et la loi Roudy. Il donne aux délégués du personnel, au comité d’entreprise
et au CHSCT la possibilité d’intervenir sur ces questions. Il oblige
également le chef d’entreprise à produire un rapport écrit sur la situation
comparée des conditions générales de l’emploi et de la formation des femmes et des hommes
dans l’entreprise, ceci afin de proposer des avancées. Enfin, la direction doit également
s’engager sur des questions précises.
Syndicaliste CGT en Seine-Saint-Denis
LE 1ER MARS 2004, UN ACCORD SIGNÉ PAR L’ENSEMBLE DES ORGANISATIONS SYNDICALES ET LE MEDEF ENGAGE LES ENTREPRISES À APPLIQUER LES LOIS SUR L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE. IL DONNE AUX DÉLÉGUÉS DU PERSONNEL,AU COMITÉ D’ENTREPRISE, ET AU CHSCT, LA POSSIBILITÉ D’INTERVENIR SUR CES QUESTIONS.
Dans leur ensemble, les syndicats ne se sont pas appropriés les lois
votées en faveur de l’égalité des sexes au travail. Ils y viennent,
… mais lentement.
POINT DE VUE D’UNE SYNDICALISTE
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33 On relève des exemples de bonnes pratiques dans certaines entreprises. Par exemple,
Renault a décidé de verser aux hommes 100 % de leur salaire dans le cadre du congé paternité,
alors que la loi ne prévoit qu’une rémunération à 80 %. EDF et Gaz de France ont choisi
de réaliser des augmentations individuelles supplémentaires afin que
les salariés à temps partiels choisis et à temps partiels imposés ne soient
pas pénalisés.
33 Chez Thalès, la salariée dont le contrat de travail est suspendu dans le cadre d’un congé
maternité ou d’adoption bénéficie d’une augmentation au moins égale à la moyenne de sa
catégorie à la même date d’effet que ses collègues. Enfin, dans le cadre de l’accord national
interprofessionnel, la RATP a décidé d’attribuer aux hommes les aides financières liées à la
garde d’enfant qui étaient auparavant réservées aux femmes.
33 Ces exemples restent relativement marginaux au regard de l’ensemble des entreprises en
France. Néanmoins, nous constatons une amélioration depuis la loi de mai 2001 et l’accord
national interprofessionnel car l’intervention des représentants du personnel permet de faire
évoluer les choses. En outre, un label égalité a été créé à la suite de cet accord pour
récompenser une entreprise qui met en place des bonnes pratiques en matière d’égalité
professionnelle. Cette initiative incite certaines entreprises à se mobiliser sur le sujet.
33 À la Cgt, nous avons mis au point, en interne, une formation à la surveillance des pratiques
des entreprises adressée aux militants, aux représentants du personnel, aux représentants
syndicaux et aux dirigeants.
Les exemples de bonnes pratiques dans les entreprises restent
relativement marginaux.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 31
ANALYSE
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Syndicaliste Cgt
Association Africa
Collectif national des droits des femmes
GILLES GARNIER
33 Les entreprises citées par Isabelle Massard se caractérisent par un taux de syndicalisation
plus important que la moyenne. Ceci montre la nécessité de la présence syndicale sur le
terrain pour favoriser la mise en place des bonnes pratiques.
MAYA SURDUTS
33 Tant que la loi ne prévoira pas de pénalisations, nous n’avancerons pas sur le thème de
l’égalité professionnelle. Il est cependant possible de lutter. Ainsi, le Collectif national des
droits des femmes, qui avait mené une campagne dans les années 1997-1998 contre le temps
partiel imposé, a finalement obtenu la suppression des exonérations de charges pour le travail
à temps partiel dans la loi Aubry 2. Le Collectif a également décidé de se focaliser sur l’emploi
des femmes à l’occasion du 8 mars. À la veille de la manifestation contre le CPE et le CNE, nous
souhaitons nous mobiliser sur la question.
NADJA
33 Comme Maya Surduts, je milite également pour que soient prises des sanctions fermes
à l’égard du patronat sur le sujet de l’égalité salariale. La signature d’un accord national et
la mise en place de négociations dans les entreprises constituent une avancée. Néanmoins,
depuis 20 ans, les lois se succèdent sans que nous réussissions à obtenir l’égalité
professionnelle. Nous devons donc nous demander pourquoi nous n’avons pas réussi à
obtenir de résultats, au moins sur le plan de l’égalité salariale. En effet, nous avons réussi
à faire condamner des patrons parce qu’ils refusaient de recruter des salariés de couleur,
ainsi que des agents immobiliers qui refusaient de louer des appartements à des étrangers.
Tant que nous n’aurons pas réussi à faire condamner des entreprises, en particulier du secteur
privé, nous n’arriverons pas à progresser. Dans cette perspective, je propose aux syndicats, et
en particulier à la CGT qui constitue la première organisation dans le pays, de lancer une grève
pour faire condamner les entreprises.
ISABELLE MASSARD
33 Je partage cette préoccupation. Néanmoins, il faut avant tout que les salariés concernés
dénoncent la situation afin que nous puissions engager une procédure.
ÉCHANGES ET TÉMOIGNAGES
Vice-président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis
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Députée de la Seine-Saint-Denis
Syndicaliste CFTC et membre de l’Observatoire
Directrice de la prévention et de l’action sociale au Conseil général
de Seine-Saint-Denis
Sociologue ISABELLE PUECH
33 Il convient de rappeler que les syndicats sont peu présents dans les secteurs les plus
dérégulés où les femmes sont surreprésentées. La précarisation étant un obstacle à la
syndicalisation, nous devons réfléchir à la manière dont il est possible d’identifier la
délinquance de certaines entreprises en vue de la combattre.
MATHILDE SACUTO
33 Les femmes se sont toujours battues sur le plan syndical pour leurs droits et leurs salaires,
même si leurs actions n’ont pas été identifiées comme des actions féministes. La date de la
journée internationale des femmes a été choisie en référence à des luttes d’ouvrières
notamment pour leurs droits et leurs salaires. Il s’agit donc d’une journée de lutte. Il convient
de le rappeler car tout ce qui peut être obtenu du patronat ne pourra l’être que par la lutte.
DANIÈLE COUSSOT
33 Dans les entreprises, nous sommes peu de femmes syndiquées à nous battre pour l’égalité.
Nous avons souvent du mal à mobiliser les personnes, à les faire témoigner et nous n’arrivons
pas toujours à faire ce que nous voulons lorsque les élus et représentants du personnel
sont majoritairement des hommes. Il faudrait que d’autres femmes viennent nous rejoindre
pour que nous parvenions à les faire agir davantage. Croyez-moi, nous luttons de toutes
nos forces.
MUGUETTE JACQUAINT
33 S’il est important de veiller à ce que la représentation paritaire dans les organisations
syndicales corresponde à la réalité actuelle du monde du travail, il faut également que
l’ensemble des femmes et des hommes qui composent les organisations syndicales se
saisisse de la question de l’égalité professionnelle. Très longtemps, cette question était
reléguée au second plan, en l’absence de femmes dans les syndicats ou dans certaines
entreprises. Il est vrai que l’accord national interprofessionnel a permis de faire évoluer les
choses en 2004. Néanmoins, des efforts importants sont encore nécessaires. Des exemples
de bonnes pratiques ont été cités dans de grandes entreprises comme la RATP. Cependant,
le tissu économique actuel, en particulier en Seine-Saint-Denis, est principalement composé
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 33
ÉCHANGES
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Vice-président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis
Responsable de l’Observatoire départemental des violences
envers les femmes
de PME où il est souvent difficile d’organiser le syndicalisme. Au magasin Leader Price de
La Courneuve, les salariés ont réussi à mettre en place une section syndicale, alors que la
direction fait tout pour empêcher cette organisation.
Par ailleurs, plutôt que de créer de nouveaux textes de lois, il importe de faire respecter ceux
qui existent. Nul n’étant censé ignorer la loi, les employeurs qui ne la respectent pas doivent
donc être condamnés.
ERNESTINE RONAI
33 Les lois qui concernent les femmes ne sont pas assez contraignantes pour pouvoir instaurer
l’égalité salariale, même dans les entreprises qui ont été citées. Ce constat concerne
également les lois récentes qui viennent d’être votées sur les violences dans le couple et se
caractérisent par l’absence de moyens associés (police, justice, hébergement). En effet, en
l’absence de moyens et de contraintes fortes, les lois ne sont pas appliquées. Cette situation
explique en partie la difficulté des salariés à se mobiliser. Nous devons donc continuer à
dénoncer les discriminations sexistes et rappeler que la domination des hommes sur les
femmes dans la société constitue le socle des inégalités et que cela favorise les violences
sexistes.
GILLES GARNIER
33 Comme le montre le film de Marcel Trillat, l’organisation du travail est telle que certaines
salariées ont peu l’occasion de retrouver leurs collègues ou d’accéder aux représentants
syndicaux. Il faut donc rompre l’isolement de ces femmes. De plus, les entreprises font de plus
en plus souvent appel à la sous-traitance et ne sont pas directement en contact avec les
salariés. Dans ce cas, il faut que le donneur d’ordre soit très ferme sur les conditions de travail
que ces entreprises garantissent à leurs salariés. Les collectivités, qui sont également
concernées, doivent prévoir des clauses contraignantes en matière sociale dans leurs appels
d’offres.
ÉCHANGES ET TÉMOIGNAGES
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Sociologue
Syndicaliste Cgt à EDF-GDF MARTINE MARCHAND
33 Les femmes représentent 47 % du salariat, mais seulement 20 % des syndiqués à la CGT. En
tant que syndicaliste à EDF-GDF, depuis près de vingt ans, je constate que le travail est très
difficile. Dans ce domaine, il ne faut pas opposer public et privé. Il convient au contraire de
rappeler que le statut de certaines structures comme EDF est privilégié parce qu’il a été acquis
au travers de luttes en 1946-1947, et qu’il est mis à mal à l’heure actuelle.
Associations, syndicats, partis politiques, nous devons tous être mobilisés sur cette question.
Mère de quatre enfants, je suis choquée de savoir qu’une femme meurt en France tous les
quatre jours. Lorsqu’une femme se fait battre par son mari et qu’elle se rend au commissariat,
elle doit parfois essuyer des remarques déplacées. De plus, peu de structures d’accueil sont
prévues pour la protéger et la séparer de son compagnon. Très souvent, ces femmes sont
obligées de rentrer au domicile conjugal au péril de leur vie. Cette journée est extrêmement
importante parce qu’elle nous permet de nous réunir sur ces questions. Il faudrait cependant
que nous puissions nous retrouver plus d’une fois par an.
ISABELLE PUECH
33 Nous avons parlé des violences faites aux femmes dans la sphère privée et les discriminations
dont elles sont victimes sur le marché du travail, mais nous n’avons pas fait le lien entre ces
deux questions. Or ceci me paraît fondamental. En effet, ces femmes qui sont victimes de
violences n’ont souvent pas les moyens de quitter le domicile conjugal. En ce sens,
l’indépendance économique et une rémunération décente constituent des conditions
essentielles pour combattre les violences dans la sphère privée.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 35
ÉCHANGES
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en 2000, en France, l’État et les instances statistiques ont
reconnu que la violence envers les femmes était un sujet
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VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES SUR LE LIEU DE TRAVAIL
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TÉMOIGNAGES DE FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES AU TRAVAIL
Pour que nous puissions nous
représenter en quoi consistent les
violences sexistes au travail et le vécu
des femmes qui en sont victimes, nous
avons demandé à l’Association
européenne des violences faites aux
femmes au travail de nous présenter
des témoignages.
33 Il m’obligeait, me donnait ordre de nettoyer la cuisine, laver l’évier qui avait été sali par
le personnel et de faire les W.C. Il me rabaissait sans arrêt avec des expressions telles que :
« Tu n’es bonne à rien », « Pauvre Jo, pauvre fille », « Si je n’étais pas là, il y a longtemps que
tu aurais été virée », « Tu ne monteras jamais en grade, pauvre conne », « Tu ne vaux rien »,
« Tu ne sais pas lire, pas écrire ». Il m’obligeait également à lui servir à boire : « Jo, fais un Kir
à ton chef et tu serviras ta chef ».
33 Fin Octobre 2000, j’ai remplacé une collègue à son agence de Romainville, alors que j’aurai
dû être en repos hebdomadaire ce samedi-là. J’ai appelé monsieur H., en fin de journée, pour
lui demander ce que je devais faire de la clef de l’agence. Sa réponse : « Tu ramènes la clef
à Montreuil, tu me feras une pipe et tu suceras Noëlle, puis tu pourras rentrer chez toi ».
À mon retour de vacances, monsieur H. m’a donné l’ordre de fermer l’agence
dans laquelle je travaillais ce jour-là, d’aller déjeuner avec lui et ensuite
de l’accompagner dans un lieu à Saint-Maur, où il m’a dit y avoir des saunas
et groupes d’échangistes. J’ai refusé, j’ai tout refusé.
33 En représailles, depuis ce jour, monsieur H. s’est arrangé pour me
supprimer mon bureau, mon ordinateur ; je n’ai plus eu accès aux dossiers,
très peu accès au téléphone. Il m’obligeait à me soumettre aux volontés
de la responsable de l’agence de Montreuil. J’ai donc été parachutée sur
un coin de table, dans la cuisine pendant quatre mois.
JOËLLE, 43 ANS, 2 ENFANTS,
SECRÉTAIRE D’UNE SOCIÉTÉ DE POMPES FUNÈBRES
BASÉE À MONTREUIL, 2 JANVIER 2001
33 « Je viens vous faire part de harcèlement sexuel et moral
concernant ma personne du fait de mon chef de secteur,
monsieur H. et ce, depuis mon entrée dans la société, le
13 mars 1996. Ces faits se sont fortement aggravés depuis
septembre 2000.
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Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 39
TÉMOIGNAGES
33 Il a également attenté à la pudeur de mon fils qui était âgé de 11 ans. Pendant que j’étais occupée
avec une cliente, mon fils qui était venu à mon travail m’attendait dans mon bureau en présence de
monsieur H. J’ai entendu mon fils dire : « Non, non, arrête ! Laisse-moi ! ». Je suis donc allée rapidement
vers mon bureau et ai constaté que la lumière du plafond était éteinte, que mon fils était à terre et que
son pantalon était baissé. Monsieur H. lui tirait sur son pantalon, mon fils essayait de se protéger. Je me
demande ce qui serait advenu de mon fils sans mon intervention. Je me suis mise en colère. Je n’avais
jamais parlé de ces faits à quiconque, sauf à ma mère qui ne voulait plus que les enfants descendent
au travail.
33 J’ai dû subir toutes ces insultes sans rien dire. Depuis mon entrée
dans la société, à maintes reprises, j’ai dû subir des paroles, des
actes désobligeants. Pour ainsi dire journellement, il profitait de
passer près de moi pour se coller, me toucher, avoir des gestes
déplacés, des paroles grossières et pornographiques.
33 J’ai également eu des appels téléphoniques de ses amis qui me
disaient connaître mon aspect physique, alors que je ne les avais
jamais rencontrés. Par ailleurs, monsieur H. se permettait de me
téléphoner chez moi pendant mes jours de repos et me tenait des
propos obscènes le matin vers huit heures. J’ai fini par acheter un
répondeur. À plusieurs reprises, en arrivant au bureau, monsieur H.
me laissait un post-it avec les termes suivants : « Jo, tu suces ? »,
« Je vais te baiser. », « T’es-tu fait une caresse ce matin, en pensant
à moi ? ». À plusieurs reprises, il m’a également dit vouloir mettre
un poster de moi au plafond de sa chambre à coucher, afin de
pouvoir me regarder, pendant qu’il b.... sa femme. Tout ceci dure
depuis 1996.
33 Par ailleurs, je dois porter à votre connaissance qu’il a tenu des
propos déplacés à ma fille ainsi qu’à trois de ses amies, tels que : « Je
serai le premier. », « Ça ne fait pas mal. », « Une bite ne mord pas. »,
« J’ai un studio à Paris pour toi, tu verras tu gagneras beaucoup
d’argent ». Les enfants étaient alors âgés de 14 et 15 ans.
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33 Vivant toute seule avec mes deux enfants, j’avais peur de perdre mon emploi
qui était vital pour nous. Je me suis décidée à parler car je ne peux plus
supporter tout cela et en ai fait part à notre Pdg lors de notre entretien du mardi
26 décembre 2000. Quand je suis à l’agence de Vincennes ou à l’agence de
Romainville, où je travaille seule, monsieur H. se fait un malin plaisir de venir
en début d’après-midi pour m’enfermer à clef
dans l’agence avec lui. Il retire sa veste,
commence à retirer sa cravate, puis quand je me
mets en colère en élevant la voix, il repart en me
disant : « Pauvre conne, tu fais chier ! ».
33 En ce moment, je suis en arrêt de travail
car j’ai craqué nerveusement. J’ai donc décidé
de déposer plainte et je demande votre
assistance. »
TÉMOIGNAGES DE FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES AU TRAVAIL
page 40 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
La condition d’abus d’autorité en matière de harcèlement sexuel a été supprimée du code
du travail par la réforme du 17 janvier 2002. Malheureusement les faits subis par madame D.
se situent avant cette réforme, ce qui explique qu’elle se voit appliquer cette condition absurde,
laissée à la libre appréciation des juges d’instructions et des magistrats. En effet, en quoi de tels
propos ne peuvent-ils pas être interprétés en l’espèce comme un abus d’autorité ? Trouve-t-on
normal de sortir du registre professionnel et d’user de tels propos discriminants et violents sans
abuser de son pouvoir ? Concernant les fins d’obtenir des faveurs sexuelles, un arrêt de la cour
d’appel de Bordeaux du 1er octobre 1997 a précisé que « la jurisprudence ne limite pas la notion
de faveurs sexuelles au coït proprement dit, mais l’étend aux simples contacts physiques
imposés et aux propos à connotation sexuelle dont l’objet est de provoquer la victime
afin d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ou de l’injurier en raison du refus ».
L’affaire n’a jamais pu être jugée, la juge d’instruction
ayant rendu une ordonnance de non-lieu en avril 2004,
cela a donné lieu à une poursuite de la victime
pour dénonciation calomnieuse. L’audience est prévue
dans quelques mois, au tribunal de grande instance
de Bobigny. L’ordonnance de non-lieu était rédigée
en ces termes :
« L’instruction permettait de mettre en évidence qu’en ce qui concerne les enfants de madame D., ceux-ci attestaient d’un
langage déplacé de monsieur H., de plaisanteries lourdes comme le « chahut » dont le fils avait fait l’objet, mais ils n’en
gardaient aucun trouble psychologique et avaient compris que ce comportement était dénué de toute dangerosité. »
« L’instruction permettait également de relativiser les faits de harcèlement sexuel dénoncés par madame D., monsieur H.
tenait en effet des propos grossiers, il en convenait, mais aucun élément matériel n’avait pu être recueilli afin d’établir
un abus d’autorité de monsieur H. à l’égard de madame D. aux fins d’obtenir de celle-ci des faveurs sexuelles. »
« En conséquence l’information n’a pas permis d’établir la véracité des faits dénoncés et un non-lieu sera requis. »
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Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 41
33 À plusieurs reprises, il m’a dit ses relations d’amitié avec monsieur R., directeur de la visite
médicale, qu’il avait tout le soutien de celui-ci et qu’il pouvait faire licencier les personnes qui
ne suivraient pas sa politique. La complexité du personnage et sa façon d’être odieux avec
certaines personnes m’ont fait peur. Il est vrai que j’ai changé mon comportement peut-être
par peur de perdre mon emploi. Un médecin me l’a fait remarquer et j’ai commencé à me
poser des questions, à sentir que j’étais sous une domination.
33 Il a commencé à me dire que nous formions un beau couple, que je devais être « un bon
coup » et ceci devant tout le monde. Mais personne ne réagissait. Il s’est mis à sous-entendre
qu’en devenant sa maîtresse, je pouvais avoir droit à des cadeaux, de l’argent. Je me suis
sentie très mal, mais tout cela ne restait que des paroles. Il a ensuite essayé de monter
des réunions scientifiques à deux, moi et lui. J’ai feint de ne pas comprendre, et j’ai retourné
la situation en lui demandant : « Pourquoi à deux ? », il est resté très évasif, j’ai senti un étau
se refermer sur moi. J’ai commencé à parler de mes inquiétudes, quant aux intentions de
ce personnage, à mon entourage, mais personne n’y a trop prêté d’intérêt en me répondant
que j’étais mignonne et qu’il tentait sa chance.
33 Je suis en psychothérapie, j’ai commencé à en parler avec ma psychiatre, qui m’a fait
comprendre que le jeu devenait dangereux et qu’il fallait que je mette des barrières. Mais la
peur était de plus en plus présente. En avril 1994, j’ai participé à un séminaire, quand je suis
arrivée monsieur B. m’a complimentée, il s’est montré prévenant. Après la réunion plénière,
lacunes et qu’il fallait changer mes méthodes de travail. Il m’a, dans un premier temps,
dévalorisée et en même temps m’a fait comprendre qu’au sein de l’équipe, j’avais
un potentiel différent des autres. Il s’est même montré dans ses propos très grossier
par rapport à mes collègues.
33 À chacune de mes réunions scientifiques, il était présent, me faisant de plus en plus
de compliments et s’arrangeant pour se mettre à table près de moi, racontant aux
médecins souvent sa vie privée et ses relations ambiguës avec ses déléguées
médicales. Je ne trouvais plus mes marques au sein de mon travail et je commençais
à me demander où voulait en venir monsieur B. avec ce type de management.
CATHERINE, 35 ANS, MARIÉE, RÉSIDANT AU BLANC-MESNIL, DÉLÉGUÉE
MÉDICALE DANS UN LABORATOIRE, FÉVRIER 1995
33 « Je suis déléguée médicale pour les laboratoires pharmaceutiques B.,
depuis le 1er juin 1992. Mes problèmes ont débuté avec la nomination
d’un nouveau directeur de zone en juin 1993. Ce monsieur a décrété me
montrer une façon de travailler bénéfique pour améliorer mes chiffres,
et donc mes primes et mon salaire. Il a jugé que j’avais de grosses
TÉMOIGNAGES
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de suite, j’ai appelé mon mari qui voulait venir tout casser, je me sentais mal, salie, je n’avais
qu’une idée : ne plus penser à ce qui venait de se passer. Le soir je suis descendue dîner avec
mon équipe, j’étais incapable de parler. J’étais dans un état second, j’ai demandé à des
collègues de me raccompagner dans ma chambre, en leur disant que j’avais peur, ils l’ont fait
sans me poser de questions, je me suis lavée, puis mise dans mon lit. J’avais peur… Vers minuit
monsieur B. a appelé dans ma chambre pour savoir s’il pouvait monter, j’ai raccroché, je ne
savais pas ce qui m’arrivait.
33 Le lendemain, je suis allée parler avec un collègue qui n’est pas de ma région. J’avais besoin
de trouver un appui, je lui ai simplement dit que j’avais des problèmes avec monsieur B.,
ce qui ne l’a pas étonné. Le jour du départ, ce collègue m’a laissé ses coordonnées pour que
je l’appelle. Je suis rentrée chez moi mal, angoissée et culpabilisée, j’en ai parlé avec ma
psychiatre et nous avons travaillé sur la culpabilité car je me suis dit que ce qui m’était arrivé
ne pouvait être que de ma faute !
33 J’ai fait la démarche de rappeler ce collègue, il a cru en moi et m’a demandé d’appeler les
syndicats. J’ai mis longtemps à le faire car tout semblait tellement flou pour moi, j’ai enfin
contacté monsieur P., délégué syndical CFDT à qui j’ai exposé mon problème. Il m’a dit qu’il
allait se renseigner sur les démarches à suivre dans ce type d’affaire. On a, par la suite, engagé
une réunion avec le directeur des relations humaines et le directeur général de mon laboratoire,
en « squeezzant » bien sûr la hiérarchie du directeur de la visite médicale, ami avec monsieur
B. Le directeur général s’est montré très courtois, il m’était difficile de parler. Ils m’ont écoutée
et après m’ont demandé de ne plus avoir à faire à monsieur B., et le directeur général m’a
assuré qu’il allait s’occuper de cette affaire. Nous avons décidé de rester dans le consensuel
à 18 heures, il m’a appelé, alors que j’étais dans ma chambre, pour me demander
de venir chercher des enquêtes à remettre aux médecins. Les directeurs statuant
dans leurs chambres et ayant, moi-même, pour différents laboratoires, cherché
des documents dans les chambres, je ne me suis pas méfiée, pensant qu’il n’aurait
pas, malgré ses paroles, une attitude déplacée. Je suis descendue dans sa
chambre, il m’a fait asseoir, puis m’a demandé combien d’enquêtes je voulais, je
lui ai répondu que c’était lui qui décidait, il m’a rétorqué qu’il fallait que je négocie
ces enquêtes. Je lui ai demandé ce qu’il entendait par négocier, il m’a répondu qu’il
fallait être gentille, qu’il était un grand timide et qu’il avait une attirance pour moi.
J’ai retourné la situation en lui reparlant des enquêtes, c’est alors qu’il m’a poussé
sur le lit, je l’ai violemment repoussé en lui disant qu’il se trompait et je suis partie.
Il m’a dit : « De toute façon, je t’aurai ». Je suis remontée dans ma chambre
complètement anéantie, j’ai appelé ma meilleure amie qui m’a dit d’en parler tout
TÉMOIGNAGES DE FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES AU TRAVAIL
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TÉMOIGNAGES
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et de ne pas ébruiter l’affaire, pour des raisons, semble-t-il, stratégiques. Cette réunion
n’a pas fait l’objet d’une notification syndicale. À partir de ce jour, mon ancien directeur
régional a repris ses fonctions auprès de moi et il a été interdit à monsieur B. de me voir ou
de m’appeler.
33 Le 2 août a eu lieu une confrontation dans le bureau du directeur général, avec le directeur
des relations humaines, Monsieur B. (accompagné), le délégué syndical CFDT et moi-même.
J’ai de nouveau exposé les faits. Monsieur B. a nié certaines choses mais n’a pas tout nié.
Le texte de loi a été lu par le directeur des relations humaines et à la suite de cela le directeur
général a dit que par manque de
preuves, je ne rentrais pas sous le
coup de la loi. Monsieur B., à un
moment, a dit : « De toute
façon, je ne veux plus de
toi ». Le directeur général
a relevé qu’il tombait sous
le coup de la loi. Tout cela
a été notifié par le délégué
syndical. Le directeur
général nous a demandé, à
la fin de la réunion, de
rester dans le consensuel
car nous partions en
séminaire de lancement de
produit la semaine
suivante. Je suis partie en
séminaire, le directeur
général a pris soin de mon état moral mais ne m’a pas parlé de mesures. Je lui ai dit qu’il défendait
les intérêts de son entreprise et moi, ma dignité de femme. Il m’a dit, en tête-à-tête, qu’il était très
touché par cette affaire mais qu’il ne pouvait rien faire.
33 À mon retour de vacances d’été, j’ai repris mon travail sous la direction de mon directeur régional.
Pas de nouvelles de la direction générale, la CFDT a envoyé une lettre au directeur général pour lui
dire qu’il était inconcevable de laisser les choses comme cela. En octobre 1995, j’ai commencé à
recevoir des lettres concernant mon travail, signées par mon directeur régional. J’ai répondu à la
première, puis à la deuxième, ces lettres étaient non recommandées, mais parlaient d’une rupture
TÉMOIGNAGES
Guide pratique de l’AVFT : « Preuve par faisceau d’indices ».
« Quelles que soient les variantes, par exemple : « Il n’y a pas de témoin »,
cette affirmation repose sur une conception erronée et dépassée
de la constitution de la preuve. Votre parole est l’élément central de
la dénonciation. D’autres éléments de preuves la complèteront :
des témoignages, des confrontations, des attestations, des écrits.
En outre, la charge de la preuve ne repose pas exclusivement
sur la victime. Le rôle des officiers de police judiciaire, du procureur
de la République et du juge d’instruction est aussi d’établir la réalité
des agressions dénoncées. »
Par ailleurs, la jurisprudence a établi, à travers les arrêts de la cour
d’appel d’Angers du 12 octobre 1993 et de la cour d’appel de Paris du
18 septembre 1996, que l’employeur ne doit pas se borner à recueillir
d’un côté le témoignage de la victime, et de l’autre les dénégations
de l’agresseur pour en déduire qu’il n’y pas de preuve, mais
au contraire, procéder à une enquête sérieuse.
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de collaboration si je ne suivais pas certaines directives. J’ai alerté mon délégué syndical
qui est intervenu car ces lettres étaient faites par mon directeur régional mais sous la pression
de monsieur B. Mon mari est horrifié par la situation, comme moi-même, car aucune sanction
n’a été prise et monsieur B. est encore mon supérieur hiérarchique.
33 À l’heure actuelle, la situation est au point mort, j’ai appelé votre association car je ne peux
travailler dans ces conditions. Mon état de santé se détériorant, je viens de faire des poussées
de zona. Je vous ai écrit les faits en vrac car c’est toujours difficile. »
DEUX ANS ET DEUX MOIS PLUS TARD, LE BLANC-MESNIL, LE 22 AVRIL 1997
33 « Actuellement, après avoir rédigé avec maître P. une plainte qui a été déposée au parquet de
Bobigny, j’ai eu beaucoup de pressions dans l’entreprise : lettres, convocations qui m’ont amenée
à me mettre en arrêt maladie, de janvier à mars 1997, la situation devenant insupportable.
La direction générale reste sur la position de parole contre parole entre les deux parties.
Mon directeur régional essaie de me protéger : il a vu l’inspecteur du travail qui a entrepris une
enquête au sein de mon entreprise pendant 8 mois, il a assisté au comité d’hygiène, de sécurité
et des conditions de travail, mais il a subi, lui aussi, beaucoup de pressions.
TÉMOIGNAGES DE FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES AU TRAVAIL
page 44 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
D’après la loi, l’employeur a un certain nombre de responsabilités légales :
• Obligation de réaction : les articles L 122-46, L 123-1 et L 152-1-1 du code du travail prévoient une double responsabilité,
civile et pénale, de l’employeur si, informé des faits, il ne prend aucune mesure pour les faire cesser, voire sanctionne
la victime ;
• Obligation de « garantir des conditions de travail exemptes d’atteintes à l’intégrité physique et / ou psychique » d’après
la jurisprudence issue de la cour d’appel de Paris (18e chambre) du 18 janvier 1996 ;
• Obligation de prévention : l’article L 122-46,-47,-48 du code du travail stipule qu’il « appartient au chef d’entreprise de
prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les actes (de harcèlement sexuel) » : formation du personnel,
identification de personnes ressources, mécanismes de recours…
D’après l’article L 122-46 du code du travail, « Aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période
de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou
indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de
classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir
les agissements de harcèlement de toute personne dont le but est d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou
au profit d’un tiers (…). Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. »
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Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 45
33 Début avril, je suis allée en séminaire, mon harceleur fait profil bas, mais continue à
s’afficher avec sa maîtresse et commence à faire pression sur certaines de mes collègues
pour obtenir des lettres de bonne conduite. Mes collègues se confient beaucoup plus à
moi, mais il règne un climat de peur, et le pas pour témoigner est très dur. C’est très dur
de faire réagir les personnes. J’ai compris avec mon histoire l’importance de l’information
et de la prévention en matière de harcèlement sexuel, le tabou étant encore trop présent.
Même au niveau des délégués syndicaux, c’est très difficile car souvent ils ne sont pas
formés à ce problème et cela ne les intéresse que lorsque l’affaire devient intéressante,
l’individu est souvent laissé de côté. Entre syndicats, il y a aussi des batailles internes qui
peuvent desservir l’affaire.
33 Je dis souvent à mes délégués syndicaux que c’est l’AVFT qui m’a vraiment aidée dans les
débuts de cette affaire. Mais j’ai parfois l’impression de parler dans le vide et le parcours
du combattant passe aussi par s’imposer au niveau des ses délégués syndicaux ; ce qui,
avec le temps, me rend triste, car je pensais que la CFDT pouvait travailler main dans
la main avec l’AVFT, ce qui aurait permis une plus grande action.
33 Je suis déterminée à me battre jusqu’au bout sans accepter de compromis, car j’ai
vraiment pris conscience que cela ne devrait plus arriver. J’ai réussi, grâce à mes amis
et à ma psychiatre, à exorciser le mal que j’ai subi, bien que les séquelles soient là.
Mais maintenant mon objectif, c’est de faire partager
ce que j’ai pu apprendre avec d’autres femmes, leur
expliquer aussi les démarches. Le combat est difficile
car on se trouve souvent dans la position de la coupable
et c’est cela qu’il faut absolument combattre. Je crois
que de se battre rend plus forte et moins naïve, et
permet d’éviter les pièges machistes. »
L’affaire a abouti 9 ans plus tard par une
condamnation pour harcèlement sexuel assortie
de 4 mois d’emprisonnement avec sursis et
de 4 500 euros de dommages et intérêts pour
la victime. La condamnation a été prononcée
par la Cour d’appel de Paris, le 22 février 2002,
soit 6 ans après le premier dépôt de plainte.
TÉMOIGNAGES
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LES RÉALITÉS DU PHÉNOMÈNE
SYLVIANE LE CLERC
33 Il est difficile, après ces témoignages, qui montrent la douleur, l’incompréhension et
l’insuffisance de soutien auxquelles ont affaire les victimes, de parler de réalité quantitative.
Néanmoins, le peu que nous connaissons de la réalité quantitative du harcèlement sexuel ne
peut qu’illustrer la difficulté que nous avons à l’accepter.
33 La lutte des femmes contre ce qui était désigné auparavant comme un « droit de cuissage »
sur le lieu de travail n’est pas récent. J’ai, en effet, trouvé mention d’une première grève à
Dijon, à la Manufacture des tabacs en 1895, puis à Marseille en 1897, à Angers en
1904, deux autres dans les Sucreries Lebaudy en 1902 et 1913, aux Fromagères de
Roquefort en 1907, ainsi qu’aux Porcelaines à Limoges en 1905. Cette dernière
grève avait permis le renvoi du contremaître qui usait du droit de cuissage. Dès le
19ème siècle, est apparue l’idée de mettre en place une législation sur le sujet à
partir du concept de « séduction dolosive ». La première proposition pour lutter
contre le droit de cuissage a été présentée, en novembre 1902, par le député
Maurice Colin. Ce projet n’a été ni discuté, ni voté.
33 Peu de données permettent de quantifier ce phénomène de violences sexuelles au travail.
Nous nous appuyons en la matière sur les enquêtes et les études réalisées sur les violences
au travail et sur les violences faites aux femmes. Le sondage le plus complet sur le sujet a été
réalisé par l’Institut Louis Harris en 1991, à la demande du service des Droits des femmes,
avant le vote des lois sur le harcèlement sexuel en 1992. Il a notamment révélé l’ampleur
du problème, puisque près de 20 % des femmes interrogées disaient avoir été victimes
de harcèlement sexuel, quel que soit le secteur professionnel occupé, ce qui représente
2 millions de femmes, en France, chaque année. Ce sondage a également
montré que, dans certains milieux, les femmes considèrent certaines
manifestations du harcèlement sexuel comme faisant partie du travail. L’AVFT
a d’ailleurs réalisé un film intitulé « Ça ne fait pas partie du travail » pour
permettre aux femmes d’identifier ces phénomènes. Cependant, dans certains
milieux, notamment les hôpitaux, la restauration, le secteur du nettoyage, où les horaires
décalés permettent peu d’échanger avec les collègues et d’obtenir du soutien, ces phénomènes
sont plus difficiles à repérer.
La première proposition pour lutter contre le droit de cuissage a été
présentée, en novembre 1902, par le député Maurice Colin.
Ce projet n’a été ni discuté, ni voté.
Déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité
de la Seine-Saint-Denis
LES VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES AU TRAVAIL SONT DIFFICILEMENT QUANTIFIABLES ET PARFOIS CONSIDÉRÉES COMME « NORMALES », Y COMPRIS PAR DES FEMMES.
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ÉTUDE
33 Au Canada, une enquête réalisée sur le sujet, en 1981, avait établi que 64 % des femmes
interrogées avaient été victimes de harcèlement. Des études menées dans les universités
ont montré que 50 % des étudiantes avaient également été exposées à ce type de violences.
Ces travaux montrent que les femmes dont les situations professionnelles sont les plus
précaires, notamment les jeunes en situation d’apprentissage ou les stagiaires dont l’accès
à la qualification passe obligatoirement par l’entreprise, sont plus fragilisées.
33 Il est difficile de savoir si ce phénomène est en augmentation, en l’absence d’éléments
fiables et de définitions partagées. Selon les études réalisées par la Communauté européenne,
la part des femmes concernées varie entre 25 % et 45 %. Cette forte variation s’explique par
les différences de législation d’un pays à l’autre. La difficulté de définir les faits ne permet pas
de réaliser des comparaisons fiables.
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ÉTUDE
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ANALYSE DES LOIS ET DE LA JURISPRUDENCE
GISÈLE AMOUSSOU
33 Le droit reconnaît plusieurs types de violences au travail : le harcèlement sexuel, les
agressions sexuelles, le viol, les exhibitions sexuelles, les agressions physiques, les
discriminations. Mon intervention portera essentiellement sur la prise en compte juridique
du harcèlement sexuel, en France, à travers l’analyse de l’évolution du dispositif législatif
et de la jurisprudence.
33 La loi du 22 juillet 1992 portant réforme du code pénal sur la répression des crimes et délits
contre les personnes, a créé le délit de harcèlement sexuel par l’article 222-33.
La définition a ensuite été modifiée deux fois : le 17 juin 1998, à la faveur d’une loi
relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles et à la protection
des mineurs, et le 17 janvier 2002 par la loi de modernisation sociale.
En dépit des différentes propositions de loi présentées par l’AVFT pour réclamer
une définition précise dans la loi réprimant le harcèlement sexuel, le texte de
article 222-33 du code pénal se contente d’énumérer, sans précision, les conditions
nécessaires à la constitution du délit, sans expliciter précisément ce que signifie
« le fait de harceler ».
Les lois des 22 juillet 1992 et 17 juin 199833 La loi du 22 juillet 1992 dispose que : « le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces
ou de contraintes dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne
abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, est puni d’un an d’emprisonnement et
de 15 000 euros d’amende ».
Ainsi, « le fait de harceler » est défini uniquement par son mode opératoire. Si on compare
le délit de harcèlement sexuel avec le délit de vol, on constate une grande différence dans
la précision des termes. Ainsi, le vol est défini comme suit : « soustraction frauduleuse de la
chose d’autrui », ne laissant aucune marge de manœuvre aux magistrats pour interpréter.
Le premier élément constitutif de l’infraction de harcèlement sexuel est déjà sujet à caution.
Le législateur a prévu le « mode opératoire » de l’auteur du harcèlement qui doit user
« d’ordres, de menaces ou de contraintes » pour que le délit soit constitué.
Juriste, chargée de mission à l’Association européenne contre
les violences faites aux femmes au travail et responsable AVFT
en Seine-Saint-Denis
APPLIQUÉE DE MANIÈRE ALÉATOIRE, À L’APPRÉCIATION DES JURIDICTIONS, LA LOI QUI RÉPRIME LES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES AU TRAVAIL EST INSUFFISANTE ET DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE.
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ÉTUDE
Dans la réalité, les harceleurs usent rarement d’ordres ou de menaces. La situation la plus
courante est la contrainte, qui peut être morale ou économique.
La contrainte morale s’appréhende par la personnalité de la victime et celle
de l’auteur du harcèlement : le statut social du harceleur, son charisme, la
différence d’âge avec la victime, la connaissance de l’existence d’une situation
particulière de vulnérabilité chez la victime…
La contrainte économique est directement liée à l’existence du contrat de
travail, la victime étant sous la dépendance économique de l’auteur du harcèlement, qui le sait
et en profite. Malheureusement, les juges ont rarement interprété la notion de contrainte
de cette manière.
33 La loi du 17 juin 1998 a modifié la définition du harcèlement sexuel de façon
non-substantielle, le mode opératoire ayant été complété par la notion de « pressions graves ».
Cet élément prend plus largement en compte ce que vivent les victimes au quotidien.
Cependant, aucun jugement n’a eu recours à cette notion en vue de condamner un harceleur.
La notion de gravité est, par ailleurs, éminemment subjective et, encore une fois, dépendante
de l’interprétation du juge.
L’article 222-33 du code pénal issu de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002Cette réforme apporte deux modifications.
Désormais, le texte de loi n’exige plus que le harceleur soit investi d’une autorité, il s’applique,
désormais, aux collègues de travail comme à toute autre personne. Les
« modes opératoires » du harcèlement ne sont plus énumérés par le texte.
Enfin, si la loi du 17 janvier 2002 a maintenu l’acte incriminé et sa finalité,
le « fait de harceler » est resté indéfini. Il en va de même pour le but poursuivi
à savoir « les faveurs de nature sexuelle ».
33 Le terme « harceler » est impropre, il suppose en effet la répétition, d’où le risque de
non-prise en compte de la contrainte en cas d’acte unique, notamment en cas de chantage
sexuel à l’emploi.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 49
Dans la réalité, les harceleurs usent rarement d’ordres ou de
menaces. La situation la plus courante est la contrainte, qui
peut être morale ou économique.
Le texte de loi n’exige plus que le harceleur soit investi d’une
autorité, il s’applique, désormais, aux collègues de travail comme
à toute autre personne.
ÉTUDE
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ANALYSE DES LOIS ET DE LA JURISPRUDENCE
33 La recherche du but sexuel se place dans la perspective du harceleur qui pourra s’exonérer
de sa responsabilité en alléguant de l’absence d’une intention sexuelle.
33 Le texte n’indique pas quelle forme de comportement est incriminée. Or, la loi pénale étant
d’interprétation stricte, le juge pénal n’a pas le pouvoir de créer des chefs d’incrimination, pas
plus qu’il ne peut interpréter un texte qui n’est pas défini. On peut donc craindre une tendance
à la relaxe de l’agresseur.
33 Cette loi a un effet pernicieux : elle permet de détourner et d’amoindrir des infractions plus
sévèrement punissables. En effet, sur 109 décisions suivies à l’AVFT, 32 condamnations pour
harcèlement sexuel recouvraient en réalité des agissements d’agression sexuelle. Plus encore,
un viol a été correctionnalisé et jugé en tant que harcèlement sexuel. Pour 13 décisions
concernant des cas de harcèlement sexuel, au sens strict, 8 sont des décisions de relaxe et
nous relevons 4 condamnations : une peine d’amende avec sursis et 3 condamnations à des
peines d’emprisonnement avec sursis dans le cas de pluralité de victimes.
Le nombre de relaxes augmentant, le risque de poursuites en dénonciation calomnieuse est
croissant et les condamnations sont lourdes. La loi actuelle est inadaptée et doit être réformée,
car elle est appliquée de manière trop aléatoire, en fonction des interprétations
et perceptions personnelles, au sein des différentes juridictions. La rédaction
même de la loi est à l’origine de ces dysfonctionnements. Ainsi, d’après un
jugement du tribunal de grande instance de Dax, en date de 2003, « le but
sexuel ressort du fait qu’une seule chambre était retenue et qu’une situation de contrainte
était créée, Madame P. étant en déplacement ».
En revanche, un jugement du tribunal de grande instance de Paris a conclu, le 4 juin 2003,
à l’absence de but sexuel recherché par l’agresseur, au motif que : « le prévenu, abusant
de l’autorité que lui confèrent ses fonctions de chef de service, a bien multiplié les ordres
pour se rapprocher de son employée. Le prévenu se satisfaisait ainsi, sans qu’apparaissent
clairement des propositions émanant de celui-ci en vue d’obtenir des faveurs sexuelles. Le
fait de chercher à effleurer physiquement madame G. fait plutôt référence à une conduite
de type névrotique, tendant vraisemblablement à une satisfaction purement onaniste.
La moindre participation de la part de madame G. n’a été requise pour la satisfaction. »
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Le nombre de relaxes augmentant, le risque de
poursuites en dénonciation calomnieuse va croissant.
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Députée de la Seine-Saint-Denis
ÉTUDE
Il convient de réformer le délit de harcèlement sexuel comme le préconise la directive
européenne. La transposition de cette directive et de sa définition du harcèlement sexuel dans
la législation française demeurent donc une nécessité.
S’inspirant de cette directive, l’AVFT a rédigé la proposition de loi suivante :
« Constitue un harcèlement sexuel, sexiste ou lesbo/homo-phobe, tout propos
ou comportement verbal ou non-verbal à connotation sexuelle, sexiste ou
lesbo / homo-phobe, ou tout autre comportement fondé sur le sexe ou l’orientation sexuelle,
ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité d’une personne, ou de
créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Le harcèlement
est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »
L’association propose également des circonstances aggravantes : « L’infraction définie à
l’article 222-33 est punie de 5 ans d’emprisonnement et ou de 75 000 euros d’amende :
33 lorsque la personne exerçant le harcèlement est en position de pouvoir par rapport
à la personne harcelée : notamment chef / subordonné-e, médecin / patient-e, psychanalyste /
analysé-e, professeur / élève, propriétaire / locataire, fonctionnaire / usager-ère, police, syndicaliste /
salarié-e ;
33 lorsqu’elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteurs ou de
complices ;
33 lorsqu’elle est commise sous la menace d’une arme ou d’un animal ; lorsque l’auteur ou
les auteurs profitent de l’état de vulnérabilité de la victime notamment économique, ou de
sa déficience physique ou psychique. »
Nous avons proposé ces circonstances aggravantes pour tenir compte des éléments relevés
dans les dossiers traités par l’association.
MUGUETTE JACQUAINT
33 Nous pouvons intervenir pour que l’association soit reçue par Madame Zimmermann,
présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes. Si elle ne l’est
pas, nous reprendrons cette proposition qui a le mérite de bien définir le harcèlement sexuel.
Or, en l’absence de définition précise, la loi peut être détournée.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 51
ÉTUDE
Il convient de réformer le délit de harcèlement sexuel comme le
préconise la directive européenne.
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Présidente de l’AVFT
Présidente du tribunal de prud’hommes de Bobigny
ANALYSE DES LOIS ET DE LA JURISPRUDENCE
CATHERINE LE MAGUERESSE
33 L’AVFT a rédigé cette proposition de loi en s’inspirant d’une part de la directive qui devait
être transcrite avant octobre 2005 dans les législations nationales et d’autre part de la réalité
du suivi des dossiers de l’AVFT, environ 300 par an. Cette proposition a été envoyée à tous les
parlementaires, le 5 octobre 2005. Elle avait déjà été présentée en janvier 2005, lors d’un
colloque au Sénat intitulé « Harcèlement sexuel : améliorons la loi ». À ce jour, aucun
parlementaire ne l’a reprise.
Nous nous sommes par ailleurs battues pour faire passer un amendement sur la dénonciation
calomnieuse, déposé en deuxième lecture au Sénat par Madame Gautier, présidente de la
délégation aux droits des femmes qui nous avait rencontrées sur le thème des violences. Cet
amendement a malheureusement été retiré. Il a été à nouveau présenté, en seconde lecture,
à l’Assemblée nationale, mais n’a pas été adopté.
DJAMILA MANSOUR
33 Les cas de harcèlement sexuel présentés au conseil de prud’hommes sont extrêmement
rares. Je suis venue apporter mon soutien aux salariés harcelés, ainsi qu’aux professionnels
et aux organismes qui les accompagnent dans leur démarche et les inciter à saisir le conseil
de prud’hommes lorsque les faits sont établis. Les cas présentés sont peu nombreux
par rapport à la réalité du phénomène.
33 Le conseil de prud’hommes est compétent pour traiter de litiges individuels, nés
à l’occasion d’un contrat de travail de droit privé. Les conseillers de prud’hommes
sont chargés de la conciliation des parties et, à défaut, des jugements des affaires.
Dans certaines situations d’urgence, il existe une procédure de référé au conseil de
prud’hommes qui permet d’obtenir rapidement une décision. Nos jugements sont
pris à la majorité absolue. En cas de partage des voix, l’affaire est renvoyée devant
le même bureau, qui sera présidé par un juge professionnel du tribunal d’instance.
33 L’article L122-46 interdit toute sanction ou tout licenciement prononcé à l’encontre du salarié
victime ou témoin de harcèlement sexuel. Il prévoit la nullité de toute sanction, notamment
le licenciement, à leur encontre.
page 52 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
BIEN QUE RAREMENT SOLLICITÉ, LE CONSEIL DE PRUD’HOMMES EST COMPÉTENT POUR TRAITER CES TYPES DE VIOLENCES. IL PEUT AUSSI ORDONNER TOUTES LES MESURES D’INSTRUCTION QU’IL ESTIME UTILES POUR FORMER SA CONVICTION.
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ÉTUDE
33 L’article L 122-47 prévoit que tout salarié, auteur de tels agissements, est passible d’une
sanction disciplinaire.
33 L’article L 122-48 oblige le chef d’entreprise à prendre toute disposition
nécessaire en vue de prévenir les actes visés aux deux articles précédents.
33 L’article L 122-52 indique que la charge de la preuve pèse en premier sur la
victime. Au vu de ces éléments, l’entreprise doit prouver que ses agissements
ne sont pas constitutifs d’un harcèlement ou que ses actes, par exemple, un licenciement, sont
justifiés par des motifs étrangers à tout harcèlement.
33 L’article L 122-53 autorise les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise,
avec l’accord écrit du salarié, à engager à sa place une action devant le conseil de prud’hommes
et à se porter partie civile devant le juge pénal.
33 Le rôle principal du juge prud’homal dans le cadre d’un harcèlement sexuel est d’examiner
les preuves pour établir ou non l’existence des faits de harcèlement sexuel. La difficulté réside
principalement dans la production de preuves car, par principe, le harceleur
commet son délit en l’absence de témoins. Cependant, la plupart du temps,
il n’agit pas pour la première fois. Des attestations de personnes harcelées
peuvent, à cet égard, être essentielles. Les collègues auxquels la victime se
plaint doivent apporter leur témoignage. Dans certains cas, il subsiste des
écrits. Lorsque c’est possible, la salariée doit constituer un dossier retraçant la chronologie
des faits.
33 Le juge prud’homal, conscient de la difficulté de la preuve dans ces cas de harcèlement,
examine tous les éléments attentivement. En outre, la preuve des faits devant les prud’hommes
peut s’obtenir de plusieurs façons. Il peut par exemple s’agir d’une attestation du médecin
traitant ou du travail. La victime a également la possibilité de demander à l’inspecteur du travail
de mener une enquête. Enfin, les instances du personnel, en particulier le CHSCT, doivent être
alertées. Leurs comptes rendus de réunion sont très précieux à cet égard.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 53
Dans certaines situations d’urgence, il existe une procédure de référé au
conseil de prud’hommes qui permet d’obtenir rapidement une décision.
Le rôle principal du juge prud’homal dans le cadre d’un harcèlement
sexuel est d’examiner les preuves pour établir ou non l’existence des faits
de harcèlement sexuel.
ÉTUDE
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ANALYSE DES LOIS ET DE LA JURISPRUDENCE
33 Le juge prud’homal peut, en outre, ordonner toutes les mesures d’instruction qu’il estime
utiles pour former sa conviction. Les articles L 122-52 et R 516-21 du code du travail prévoient
qu’avant de mettre l’affaire en état d’être jugée, le bureau de conciliation
ou le bureau de jugement peut, par décision qui n’est pas susceptible de
recours, désigner un ou deux conseillers-rapporteurs, en vue de réunir des
éléments d’informations nécessaires au conseil de prud’hommes pour statuer.
Si la partie demanderesse considère qu’une mesure d’instruction pourrait
l’aider à établir le fait de harcèlement, elle ne doit pas hésiter à inciter le juge à nommer des
conseillers-rapporteurs qui se rendront au sein de l’entreprise pour mener une enquête. À ce
sujet, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye a procédé, en novembre 1998, à la
désignation de conseillers-rapporteurs qui devaient se rendre chez l’employeur pour constater
les faits. L’employeur leur ayant refusé l’accès, et au vu d’autres éléments du dossier, le conseil
a fait droit à la demande de la salariée au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,
consécutif au fait de harcèlement.
33 La salariée qui se considère victime de harcèlement doit prendre conseil auprès des
organisations syndicales, des associations ou de l’inspection du travail, pour s’assurer de la
teneur du dossier et des éléments de preuve avant d’engager une procédure. Il convient, en effet,
d’être extrêmement rigoureux sur le sujet car un procès perdu peut, en effet,
avoir des conséquences dévastatrices pour une personne qui s’estime victime
de harcèlement.
Par ailleurs, le code du travail envisage le harcèlement sexuel dans des
termes beaucoup plus larges que le code pénal puisqu’il vise les pressions de
toutes natures. De plus, il considère nul tout contrat de travail, licenciement ou démission
qui résulterait d’un harcèlement moral ou sexuel. Cette nullité vaut également pour les
mesures affectant la carrière du salarié. En outre, le salarié auteur du harcèlement est
passible de sanctions disciplinaires. Par ailleurs, le harcèlement peut émaner d’un simple
collègue. Dans ce cas, la cour de Cassation considère qu’il n’y a pas nécessairement faute
grave. Enfin, lorsque l’employeur n’a pas fait le nécessaire, la résiliation est prononcée
aux torts de l’employeur, ce qui permet à la personne de percevoir une indemnité.
Pour conclure, je souhaite encourager les salariés et les professionnels à saisir le conseil
des prud’hommes en prenant le temps d’établir les preuves nécessaires.
page 54 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
Le bureau de conciliation ou le bureau de jugement peut désigner un ou deux
conseillers-rapporteurs, en vue de réunir des éléments d’informations nécessaires au conseil de prud’hommes pour statuer.
La salariée qui se considère victime de harcèlement doit prendre conseil
pour s’assurer de la teneur du dossier et des éléments de preuve avant
d’engager une procédure.
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NOTES
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NOTES
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HARCÈLEMENT SEXUEL, UNE VIOLENCE MÉCONNUE, UNE LOI EN SURSIS
SYLVIE CROMER
33 Le harcèlement sexuel est une violence subversive car, comme le disait Ernestine Ronai,
il constitue le soubassement des violences sexistes. Les lois sur le harcèlement
sexuel ont été votées il y a dix ans, grâce au travail des associations féministes.
Des débats et des recherches sont menés sur le sujet depuis 20 ans. Pourtant,
cette violence demeure la moins connue et la plus contestée. Les études et les
publications sur le sujet sont très rares, alors qu’elles sont nombreuses sur le
harcèlement moral. Enfin, les médias prêtent aujourd’hui peu d’importance à ces
agressions, à l’exception de quelques procès. De fait, cette violence est
partiellement appréhendée : elle est le plus généralement associée aux relations
de travail et elle est inscrite dans le continuum de la séduction.
33 Bien qu’il s’agisse d’une violence taboue, les attaques qui visent à délégitimer cette violence
ne désarment pas. Dans les années 1990, on invoquait de prétendus excès américains.
De nouvelles contestations ont surgi au moment de l’élargissement par surprise de la loi
(à la faveur de la loi dite de modernisation sociale de 2002) et, en 2003, lors de la parution des
résultats de la première étude quantitative sur les violences faites aux femmes,
en France, de l’ENVEFF. Qu’il s’agisse de mutisme ou d’offensive, ces tentatives
visent à éviter que le phénomène n’apparaisse sur la scène scientifique et
sociale. Parallèlement, la société met en exergue les agissements les plus
brutaux (meurtres, viols collectifs…), qui sont difficilement discutables, mais
plus rares, et dont on peut marginaliser les auteurs.
33 En France, le harcèlement sexuel fut, sous l’impulsion des féministes, conceptualisé et
sanctionné pénalement comme une violence sexuelle, non spécifique à une sphère de vie.
L’article du code pénal s’énonce à l’heure actuelle comme « le fait de harceler autrui dans le but
d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ». Une avancée rarement mise en évidence est que le
harcèlement sexuel est constitué en dehors de la commission d’actes physiques ou sexuels.
En d’autres termes, pour qu’il y ait harcèlement sexuel, nul n’est besoin d’attouchements,
sexuels ou non, ou de violences physiques. Le harcèlement sexuel est caractérisé par des
manifestations verbales (telles que des invitations, confidences, propositions sexuelles), voire
Sociologue, université de Lille 2
CETTE VIOLENCE TABOUE, QUE DANS SON ENSEMBLE LA SOCIÉTÉ PRÉFÈRE IGNORER, INSTAURE POURTANT UN CONTRÔLE SOCIAL PERMANENT ET INSIDIEUX SUR LES FEMMES. ELLE RÉVÈLE LE SOUBASSEMENT DE LA DOMINATION MASCULINE.
page 56 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
La société met en exergue les agissements les plus brutaux
(meurtres, viols collectifs…), qui sont difficilement discutables,
mais plus rares, et dont on peut marginaliser les auteurs.
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ÉTUDE
des manifestations non verbales visuelles (pornographie, exhibition sexuelle au sens large,
comme attirer l’attention sur ses organes génitaux sans les dénuder). Est ainsi pénalisée une
atteinte sexuelle verbale. Seconde avancée à souligner dans le code pénal : le harcèlement
sexuel est détaché de tout contexte professionnel. Si le code du travail contient
des dispositions spécifiques aux relations de travail, dans la loi pénale, le
harcèlement sexuel est une agression sexuelle, verbale, intervenant dans tous
les lieux de vie, en dehors de tout rapport d’autorité.
33 L’étude ENVEF a révélé que les jeunes femmes étaient les plus touchées, quel que soit
le type de violence. En outre, dans tous les espaces de la vie, que ce soit dans la rue, la vie
de couple ou au travail, arrivent en tête les insultes et les pressions psychologiques. Ainsi, de
nombreuses femmes sont menacées par la violence du harcèlement sexuel. En effet, la menace
indirecte des violences graves est relayée par la violence verbale et psychologique diffuse,
qui touche un nombre important de femmes dans toutes les sphères de la vie. Ceci démontre
que le harcèlement sexuel permet d’instaurer un contrôle social permanent et insidieux
sur les femmes, source de tensions et de déstabilisation. Ces pressions portent atteinte à
l’autonomie des femmes et maintiennent la domination masculine. Ce phénomène n’est pas
propre au harcèlement sexuel. Les féministes ont montré depuis trente ans que le rôle de la
violence masculine était de maintenir un contrôle sur les femmes. On comprend pourquoi le
harcèlement sexuel est contesté : c’est parce qu’il révèle le soubassement de la domination
masculine. Or, comme toutes les femmes sont concernées, on ne peut plus parler de problème
individuel, pathologique ou accidentel.
33 Toutefois, les avancées juridiques françaises sont à relativiser. En effet, la loi est peu
appliquée et, bien souvent, les agressions se cumulent. Il est vrai que le dispositif est très
complexe. De plus, pèse la menace de la dénonciation calomnieuse, à laquelle est condamnée
presque automatiquement toute personne dès lors que sa plainte en harcèlement sexuel est
frappée de non-lieu, ou que le présumé harceleur est relaxé ou acquitté, parfois au bénéfice du
doute. Or, dans les tribunaux comme ailleurs, il est difficile de se déprendre des imprégnations
culturelles pour prendre en compte la réalité des violences…
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 57
Le harcèlement sexuel est une agression sexuelle, verbale, intervenant dans tous
les lieux de vie, en dehors de tout rapport d’autorité.
ÉTUDE
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De plus, la loi sur le harcèlement sexuel est aujourd’hui en sursis et risque d’être annihilée
par le dispositif relatif au harcèlement moral qui lui a été accolé. La loi sur le harcèlement
moral a été en effet calquée sur la loi du harcèlement sexuel. D’une part, personne n’a jamais
conceptualisé le harcèlement moral et il est souvent confondu avec le harcèlement sexuel. Sous
la pression de la société civile, la loi a été votée en 2002. Après que les mouvements féministes
ont levé le tabou sur les violences faites aux femmes en s’appuyant sur des témoignages,
s’agit-il de désexualiser la question de la violence, notamment au travail, en la généralisant
à l’ensemble de la population ?
33 Dans un premier temps, le harcèlement moral a pu avoir des effets positifs en élargissant la
loi du harcèlement sexuel. Néanmoins, aujourd’hui, les deux dispositifs sont concurrentiels.
La définition du harcèlement moral est beaucoup plus large que celle du
harcèlement sexuel et tient compte du point de vue de la victime. Les femmes
risquent donc d’être incitées à faire appel à la loi sur le harcèlement moral plutôt
qu’à celle sur le harcèlement sexuel, qui est plus stigmatisante et peu appliquée.
Le harcèlement moral reste néanmoins un terme « fourre-tout » qui n’a pas fait l’objet d’une
véritable définition. Enfin, cette juxtaposition juridique induit un risque de « contamination »
et des risques de reculs très graves puisque le harcèlement moral ne s’applique qu’au travail
et implique des agissements répétés alors qu’à l’inverse, le harcèlement sexuel dans la loi
peut être constitué par un seul fait.
33 Il faut donc s’interroger sur la raison de la mise en circulation de cette notion de harcèlement
moral. Il s’agit d’une construction sociale révélatrice de la transformation des rapports
sociaux, du délitement du lien social dans un contexte de mutations profondes. Nous vivons
en effet dans une société qui individualise et psychologise les rapports sociaux, alors que le
harcèlement sexuel est posé comme un rapport de domination, qu’il produit
une critique du pouvoir et de la violence. Il est grave de brouiller les violences
car cela contribue à en rendre certaines invisibles. Or comprendre constitue la
première étape du cheminement pour ne plus être victime et ouvrir la porte à
l’action. Sur le plan collectif et social, nous sommes face à des tentatives pour renvoyer dans
l’ombre le continuum de la violence liée au sexe et à des refus de dévoiler la persistance du
sexisme, ce rapport de domination entre hommes et femmes.
Loi sur le harcèlement moral, loi sur le harcèlement sexuel,
aujourd’hui, les deux dispositifs sont concurrentiels.
HARCÈLEMENT SEXUEL, UNE VIOLENCE MÉCONNUE, UNE LOI EN SURSIS
page 58 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
Posé comme un rapport de domination, le harcèlement sexuel produit une critique
du pouvoir et de la violence.
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Membre du Conseil national et présidente départementale
de Femmes solidaires
Juriste, responsable de l’AVFT en Seine-Saint-Denis
Députée de la Seine-Saint-Denis
ÉCHANGES ET TÉMOIGNAGES
MUGUETTE JACQUAINT
33 Les lois existent, mais il est difficile de les appliquer en l’absence de moyens. Il faut donc
engager des actions pour que les pouvoirs publics se mobilisent davantage sur le sujet.
UNE INTERVENANTE DE LA SALLE
33 J’ai noté que le cas d’une des femmes dont le témoignage a été lu devait être examiné par
le tribunal. Il faudrait donc lancer un appel pour soutenir cette femme qui se bat pour préserver
sa dignité. Les témoignages montrent que la loi ne favorise pas la reconnaissance du préjudice.
Or parfois, les coups de force permettent de faire avancer les choses.
UNE SYNDICALISTE
33 J’aimerais connaître les structures auxquelles les fonctionnaires victimes de harcèlement
peuvent s’adresser. En outre, il faudrait mener une action syndicale, le 8 mars, avec un mot
d’ordre de grève générale sur la transformation de la loi pour que ce soit désormais le
harceleur qui apporte la preuve de son innocence.
GISÈLE AMOUSSOU
33 Les personnes victimes de violences sexuelles et sexistes au travail peuvent s’adresser à
l’association AVFT qui les accompagne dans leur démarche pour faire valoir leurs droits devant
la justice. Nous avons une permanence téléphonique du lundi au vendredi, de 9h30 à 15h,
et les jeudis, de 18h30 à 20h30. (voir adresse dans les annexes)
SIMONE BERNIER
33 Femmes solidaires vient de fêter ses soixante ans. Or, à l’époque de sa création, les femmes
portaient déjà la revendication « À travail égal, salaire égal ». Je dis souvent que je suis
« Madame trois-quarts », puisque je gagne 25 % de moins qu’un homme !
Depuis 1985, notre association dénonce l’ampleur du chantage à l’emploi et de l’atteinte à la
dignité que représente le harcèlement sexuel. En 1991, l’Union des femmes françaises, dont
est issue l’association Femmes solidaires, a rédigé une proposition de loi contre le
harcèlement. Cette mesure, intégrée à la proposition de loi anti-sexiste, a largement inspiré
la loi adoptée par le Parlement en 1992, comblant ainsi un vide juridique. Femmes solidaires
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 59
ÉCHANGES
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à BNP Paribas
Éducateur spécialisé à l’Institut médico-éducatif d’Aulnay-sous-Bois
et délégué syndical
a porté ce combat. Je remercie, à ce titre, celles qui ont travaillé sur le sujet car ces faits ont
de graves conséquences sur la santé physique et psychique des femmes.
Un certain nombre d’associations et de syndicats mènent des actions pour lutter contre ces
phénomènes. Nous avons également lancé la campagne « Violences : elles disent non. ». Nous
nous rendons dans les collèges et les lycées pour parler de harcèlement sexuel au travail,
notamment dans les lycées professionnels. Nous nous portons également partie civile avec
des avocates solidaires. Néanmoins, il est toujours difficile pour les femmes de parler car
la plupart pensent qu’elles sont coupables. Je remercie donc les femmes qui osent dénoncer
le harcèlement, ainsi que les collègues et les syndicalistes qui les aident. Un syndicaliste est
venu nous trouver pour aider deux femmes victimes de harcèlement sexuel. Je souhaite lui
passer la parole pour qu’il vous fasse part de ses difficultés.
NASSER CHERCHAU
33 Dans le cadre de mon mandat de délégué syndical, j’ai été amené à assister deux personnes
qui vivaient l’horreur dans un centre de soins et d’éducation, dont le président est le député
d’Aulnay-sous-Bois. Ces deux personnes ont osé raconter le harcèlement dont elles ont fait
l’objet. Nous avons reçu le soutien de l’union locale CGT et de Femmes solidaires, ce qui nous
a permis de tenir car il est très difficile de mener ce combat. Actuellement en arrêt maladie, je
risque d’être licencié par le ministère, le 8 mars.
UNE SYNDICALISTE CGT
33 J’ai effectivement rencontré des collègues victimes de harcèlement moral ou sexuel,
complètement anéanties. Il est important que les syndicats procèdent à des dénonciations par
écrit, en vue de neutraliser les harceleurs, qu’ils soient des supérieurs hiérarchiques ou des
collègues. Il faut pour cela recueillir des témoignages anonymes, par écrit, afin de dépasser
le tabou qui existe sur le sujet. Malheureusement, des femmes qui subissent des violences
à connotation sexuelle ont parfois affaire à d’autres femmes qui ne veulent pas témoigner,
ou qui sous-estiment la gravité de ces faits.
ÉCHANGES ET TÉMOIGNAGES
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ÉTUDE
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NOTES
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RÉFLEXIONS
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“Il est nécessaire d’élargir la réflexion sur le harcèlement moral, sexiste et sexuel à des
formes de violences liées à la discrimination sexuelle. Il existe une continuité entre ces
différents actes. Je voudrais notamment vous inviter à réfléchir à l’organisation du travail qui
constitue un terreau favorable au développement de la violence sexuelle. En effet, certaines
personnes, en particulier des femmes, ne voient pas leur travail reconnu à leur juste valeur,
n’obtiennent pas le salaire dont elles devraient bénéficier au regard du travail qu’elles
réalisent, se voient refuser l’accès à la formation ou à des promotions, ce qui constitue une
violence au regard du droit (l’article 1112 du code civil indique qu’il y a violence lorsqu’elle
est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, à lui inspirer la crainte
d’exposer sa personne à un mal). La discrimination constitue donc une forme de violence
au regard du droit.
Le droit communautaire européen demande aux entreprises d’adapter le travail à la personne
humaine. Ce principe juridique est, bien entendu, à conjuguer aussi au féminin (organisation
du travail, contenu des tâches, relations…). Les femmes ne sont pas seulement objets de
droits, destinataires passives de règles destinées à les protéger. Elles sont aussi, et d’abord,
sujets de droit, titulaires de droits individuels qu’elles peuvent mettre en œuvre.
J’aimerais à présent évoquer le cas de quelques affaires dans lesquelles des femmes ont mis
en œuvre le droit et, grâce à leur détermination, ont permis un progrès du droit.
La mobilisation du droit devant les tribunaux est intéressante parce qu’elle révèle une
évolution des consciences et les résultats en justice favorisent ensuite une évolution des
mentalités. En effet, une personne saisit le tribunal lorsqu’elle a pris conscience de ses
droits, de sa situation anormale et qu’elle fait confiance à cette institution pour valider sa
parole, réparer le préjudice et sanctionner les responsables. La décision de justice rend
crédible la parole, dit l’interdit et rétablit la légalité.
Dans les années soixante-dix, madame Defrenne est la première à utiliser le droit
européen sur le sujet. Dans un arrêt de 1976, le juge communautaire indique que l’égalité
de rémunération entre les femmes et les hommes constitue un fondement de la construction
européenne. Trente ans plus tard, nous mesurons le chemin qu’il nous reste à parcourir.
Or, il ne suffit pas d’acquérir un droit, il est nécessaire de le mobiliser pour qu’il soit effectif.
Madame Jenkins est une ouvrière anglaise. Elle travaille dans une usine de confection en
COMMENT LES FEMMES CONSTRUISENT ET MOBILISENT LEURS DROITS ? PAR MICHEL MINÉ
MICHEL MINÉ
Juriste et professeur associé
du droit privé à l’université
de Cergy-Pontoise, membre
du comité consultatif
de la Haute autorité de lutte
contre les discriminations
et pour l’égalité
Des femmes luttent contre leur employeur pour faire appliquer les lois sur l’égalité entre les sexes au travail. Les affaires qu’elles gagnent en justice font jurisprudence en France et dans l’Europe communautaire.
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Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 65
Angleterre où le taux horaire des salariés à temps partiel est inférieur à celui des salariés
à temps complets. Elle se considère victime d’une discrimination sexuelle et porte l’affaire
devant les tribunaux. Le juge estime que la différence de rémunération n’est pas en relation
avec le sexe et n’est pas injustifiée. Madame Jenkins saisit alors, par le biais de la Cour d’appel,
le juge communautaire. Le juge demande à l’employeur de justifier pourquoi les salariés
à temps partiels sont moins bien traités. L’employeur souligne que la majorité des salariés
à temps complet – les mieux payés – sont des femmes. Cependant, les femmes constituent la
quasi-totalité des salariés à temps partiel qui sont les moins bien traités. L’employeur répond
qu’elles ont une moindre efficacité professionnelle car elles travaillent moins longtemps,
mais il est incapable de le démontrer objectivement. Le juge considère donc qu’il s’agit
d’une discrimination sexuelle indirecte (Cour de justice européenne, 1981). Ce principe de
discrimination indirecte est inscrit dans le code du travail depuis 2001, mais n’a pas encore
été mis en œuvre en droit français, notamment en matière de discrimination sexuelle.
À la suite d’un congé maternité et de congés maladie, Madame Thibault n’est pas notée
par son entreprise en fin d’année, la convention collective prévoyant que les salariés qui ne
peuvent pas justifier de six mois de présence effective à leur poste de travail ne sont pas
évalués. La salariée considère qu’elle est victime de discrimination sexuelle. L’affaire
remonte jusqu’à la Cour de cassation, qui demande son avis au juge communautaire.
L’employeur souligne qu’il applique la règle de la convention collective à l’ensemble des
salariés, quel que soit le motif de leur absence. Le juge communautaire observe néanmoins
que seules les femmes peuvent être enceintes. Par conséquent, seules les femmes peuvent
prendre des congés maternité. Traiter le congé maternité comme les autres absences revient
à ne pas prendre en compte la différence et constitue donc une pratique discriminatoire.
La salariée obtient réparation.
Cet arrêt de 1998 montre que l’égalité abstraite, qui consiste à appliquer la même règle
à tous de la même manière, peut produire de la discrimination. Peu importe de savoir si
la discrimination est produite volontairement ou pas. Désormais, le droit considère que
la discrimination consiste, non seulement à ne pas appliquer la règle de la même manière
à des personnes qui sont dans des situations comparables, mais également à appliquer
la règle de la même manière à des personnes qui sont dans des situations différentes. Pour
parvenir à l’égalité réelle, en droit et en fait, il est donc nécessaire de tenir compte de la
situation de travail concrète dans laquelle se trouvent les personnes.
RÉFLEXIONS
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Madame Harba constatant qu’elle ne perçoit pas le même niveau de primes que certains
de ses collègues masculins, demande à obtenir le niveau de primes de ses collègues les
mieux rémunérés. L’employeur refuse. Elle saisit le conseil de prud’hommes. Quelques mois
plus tard, l’employeur la licencie pour insuffisance professionnelle caractérisée. Alors que la
demande de la première affaire n’a encore été jugée, la salariée demande au juge prud’homal
la nullité de son licenciement et sa réintégration dans l’entreprise.
Le juge demande à l’employeur de démontrer l’insuffisance professionnelle caractérisée de
la salariée. L’employeur en étant incapable, le juge estime qu’il s’agit donc d’un licenciement
de représailles et déclare sa nullité, conformément à la directive de 1976, transposée en
droit français en 1983 (loi Roudy) et mise en œuvre en France, pour la première fois, en
novembre 2000, grâce à cette décision. En outre, l’employeur est incapable d’expliquer
pourquoi le niveau de primes de la salariée est moins élevé que celui de certains de ses
collègues. Le juge conclut ainsi que l’existence de disparités entre les hommes ne peut pas
justifier une discrimination à l’égard d’une femme.
Jusqu’à présent, lorsque les femmes saisissaient les tribunaux pour discrimination sexuelle,
elles obtenaient pour l’essentiel des dommages-intérêts. Or, désormais, depuis l’affaire de
Madame Cassou, salariée dans un laboratoire photographique à Tarbes (Cour de cassation,
2000), ainsi que dans celle de Madame Buscail, salariée de IBM à Montpellier (cour d’appel
de Montpellier, 2003), le juge condamne à une réparation en nature et permet aux personnes
d’obtenir la remise en l’état (accès au niveau auquel elles peuvent prétendre, coefficient,
intitulé de postes, augmentation de la rémunération, attributions professionnelles, formation
professionnelle, etc.).
Dans ces différents cas, le droit se diffuse de manière originale, par le biais de décisions
de justice (la jurisprudence), alors que dans les pays latins, il se diffuse habituellement
essentiellement par la loi. Ces affaires gagnées font ainsi jurisprudence en France, mais aussi
au niveau européen communautaire. Ainsi, un congé maternité ne doit plus peser de manière
négative sur un déroulement de carrière. Dans les faits, la discrimination existe encore :
les faits doivent être mis en conformité avec le droit.
Certains droits sont peu mobilisés, comme le droit fondamental à la sauvegarde de la santé.
La dégradation des conditions de travail, par son intensification, les pressions de la
hiérarchie et de la clientèle, l’individualisation et l’évaluation individuelle des performances,
etc. est désormais constatée. Or, le juge en France considère désormais que l’obligation
de sécurité n’est plus une obligation de moyens, mais une obligation de résultat (Cour de
page 66 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
RÉFLEXIONS
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cassation, 2005). En cas de dégradation de la santé des salariés, liée au travail, la faute
de l’employeur est présumée, l’employeur est donc responsable, sauf cas de force majeure.
Il s’agit là d’un moyen essentiel pour défendre la santé, définie comme un état complet
de bien-être physique, moral et social.
Pour être davantage mobilisé, le droit a besoin de s’appuyer sur des réseaux d’acteurs
(syndicaux, associatifs). J’insisterai à ce titre sur deux institutions extrêmement importantes.
Le délégué du personnel dispose d’un droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des
personnes, aux libertés individuelles ou à la santé, notamment en cas de discrimination.
S’il constate une situation contraire aux droits des personnes, il saisit l’employeur qui, selon
le code du travail, est tenu de mener immédiatement une enquête avec le délégué. À l’issue
de cette enquête, l’employeur doit prendre les mesures pour faire cesser la situation
anormale. Dans le cas contraire, le délégué, ainsi que la salariée, a la possibilité de saisir
directement le conseil des prud’hommes selon une procédure accélérée. Ce dernier peut
alors ordonner à l’employeur de prendre toute mesure pour faire cesser le trouble, la
situation discriminatoire.
Cet outil est encore trop rarement utilisé, alors qu’il s’avère particulièrement performant.
Il a notamment été employé dans une boucherie industrielle en Bretagne. L’entreprise avait
en effet prétendu imposer des durées et des moments de pause pour aller aux toilettes. Un
certain nombre de femmes s’étaient révoltées contre cette règle qui les plaçait dans un état
de subordination extrême vis-à-vis de la hiérarchie immédiate. Elles avaient contacté leurs
délégués du personnel qui avaient, faute de solution interne à l’entreprise, saisi le juge.
Celui-ci a interdit la pratique de l’entreprise et fait respecter la dignité des personnes. Dans
une autre affaire, le juge, saisi par les délégués du personnel d’un grand magasin de Lyon,
impose qu’une salariée, discriminée au regard de ses relations amoureuses avec un salarié
de l’entreprise, retrouve l’intégralité de ses attributions professionnelles.
Il existe par ailleurs une nouvelle institution publique : la Haute autorité de lutte contre
les discriminations et pour l’égalité. Un certain nombre de femmes et d’hommes se sont
mobilisés pendant plusieurs années pour que cet outil existe en France, comme le demandait
l’Europe. Or, cette institution est très largement sous-utilisée par les femmes. Ce vecteur
de mobilisation du droit pour la dignité des personnes mérite d’être mieux connu et mieux
employé par les femmes.”
RÉFLEXIONS
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 67
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COMMENT S’IMPLIQUER DANS DES ACTIONS DE PRÉVENTION ?
COMMENT AGIR ?
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THISSA D’AVILA BENSALAH
33 Sylvie Cromer disait qu’il fallait d’abord comprendre pour pouvoir agir. Tel est le sens de
notre action : mieux comprendre les enjeux du harcèlement et des agressions sexuelles dans
les relations de travail, mais aussi commencer à agir chacun-e à notre niveau.
Je suis comédienne, mais aussi, comme les personnes présentes à mes côtés,
praticienne du Théâtre de l’Opprimé dont le théâtre-forum est une des techniques.
Nous sommes également militants. Pour ma part, je suis militante féministe et
je travaille depuis plusieurs années auprès de l’Association européenne contre
les violences faites aux femmes au travail (AVFT). Notre travail s’inscrit donc dans
une démarche politique en partenariat avec l’Observatoire contre les violences
envers les femmes. Nous considérons en effet que les situations graves auxquelles
nous avons affaire requièrent une analyse politique.
33 Nous avons entendu parler de différentes violences : lapidation, prostitution, discriminations,
différences salariales, difficultés d’accès aux postes de responsabilité, temps partiel,
relations sexistes entre garçons et filles, agressions sexuelles, viol, harcèlement sexuel.
Le soubassement de ces violences est le même : la domination masculine et la société
patriarcale dans laquelle nous vivons. Il est donc important de faire le lien entre elles.
33 L’AVFT a remarqué que de plus en plus de victimes étaient des jeunes femmes en formation
professionnelle en alternance, qui font l’objet d’agressions et de harcèlement sexuel dans le
cadre de leur stage. Nous avons donc ressenti le besoin de nous adresser à cette population
précise et de développer une action de prévention. Nous avons rencontré des femmes victimes
de ces violences. Nous avons ensuite créé deux histoires, « Blague à part » et « Ni vu, ni
entendu », non seulement à partir de leurs témoignages, mais aussi à partir de nos propres
vécus, nous les comédien-nes, en tant qu’hommes et femmes, afin d’interroger réellement
nos résistances personnelles sur ces questions.
Compagnie Désamorce
DEUX THÉÂTRES-FORUMS POUR LA PRÉVENTION UNE RÉALISATION DE L’AVFT ET DE LA COMPAGNIE DÉSAMORCE
page 70 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
POUR REPÉRER LES RÉSISTANCES À LA RECONNAISSANCE DU HARCÈLEMENT SEXUEL DANS L’ENTREPRISE, LA COMPAGNIE DÉSAMORCE A CRÉÉ DEUX THÉÂTRE-FORUMS.
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33 Ces deux histoires sont traversées par de nombreuses questions qui ont été abordées
ce matin. Nous avons notamment évoqué la difficulté de la preuve et nous avons vu qu’il
s’agissait d’un faux problème. Il est en effet possible de constituer des preuves par faisceaux
d’indices. En revanche, nous avons souvent affaire à un manque d’analyse politique qui
empêche de repérer le harcèlement sexuel. Nous aimerions donc évoquer avec vous, ces
résistances à travers l’outil du théâtre-forum, afin de lutter contre ces mentalités.
33 Nous allons jouer une scène, une première fois. Vous allez alors, sans doute, remarquer
qu’il y a une personne qui veut obtenir quelque chose dans cette histoire, mais qui n’y arrive
pas, quelqu’un qui est en difficulté face à une situation concrète. Ensuite, nous la rejouerons
et, si vous pensez qu’à la place de cette personne, vous vous seriez comporté autrement à ce
moment-là, vous auriez dit autre chose, alors vous dites « stop ! ». Et vous venez remplacer ce
personnage. Nous procédons ainsi pour impliquer chacun de vous. Il est souvent facile de dire
à quelqu’un ce qu’il aurait dû faire. Mettons-nous à présent à la place de la personne opprimée
pour voir comment il est possible d’agir dans sa situation.
33 Nous avons déjà joué dans le département grâce à l’Observatoire. Nous avons testé cette
technique sur près de cinq cents personnes. Nous avons tout d’abord joué dans des lycées
professionnels, à Bondy et Saint-Denis. Nous avons ensuite réalisé une deuxième version du
spectacle adressée aux comités d’entreprise et aux syndicalistes, dans des bourses du travail,
à Saint-Ouen et à Roissy. Nous avons également joué devant des travailleurs
sociaux, des services du RMI, des associations qui reçoivent des chômeurs en fin
de droit. Ce processus a été suivi par une anthropologue qui a essayé d’analyser
le fonctionnement de l’outil et les réactions des participants.
Les théâtres-forums ont déjà été testés auprès
de cinq cents personnes, adolescents et adultes.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 71
ANALYSE
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DEUXIÈME SCÈNESARAH DÉCIDE DE PARLER DU HARCÈLEMENT
QU’ELLE SUBIT À UNE FEMME SYNDICALISTE,
DOMINIQUE. (DANS LE LOCAL SYNDICAL)
Dominique
Allez, on a du boulot, il faut
mettre les tracts dans une
enveloppe pour qu’ils partent
demain !
Fabrice
Écoute Dominique, sur la route,
j’en ai entendu une bonne : Tu
sais pourquoi les blondes ont du
chewing-gum dans les cheveux ?
Sarah, qui vient de rentrer
dans le bureau
Dominique…
Dominique
Attends, attends, c’est la chute
de la blague !
Fabrice
C’est parce que les patrons
mettent leur chewing-gum
sous le bureau !
Sarah entend cette phrase
et, offusquée, est sur
le point de repartir.
Dominique
Ben, attends Sarah !
Qu’est-ce qu’il y a ?
Sarah, à Fabrice
Je voudrais parler à Dominique
seule à seule.
Fabrice
Bon, d’accord, j’ai compris…
À tout à l’heure !
Dominique
Qu’est-ce qu’il t’arrive, Sarah ?
Sarah
C’est à la déléguée syndicale
et représentante du personnel
que je viens parler.
Dominique
Si c’est au sujet des horaires,
on s’en occupe !
Sarah
Cela n’a rien à voir avec ça.
Il s’agit de Xavier Berton.
Dominique
Le chargé de communication ?
Sarah
Oui. Je ne sais pas par où
commencer. J’ai droit à toutes
sortes de réflexions sur ma
tenue, ma manière de m’habiller,
des blagues, des sous-entendus,
des regards insistants. Il a même
essayé de me voler une bise
en faisant semblant d’aller plus
loin. Dernièrement, j’ai reçu
PREMIER THÉÂTRE-FORUM : « BLAGUE À PART »
page 72 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
SARAH TRAVAILLE DEPUIS HUIT ANS DANS LA MÊME
ENTREPRISE. ELLE INTÈGRE UN NOUVEAU SERVICE
DONT LE DIRECTEUR DE COMMUNICATION EST
PARTICULIÈREMENT ENTREPRENANT.
(TROIS SCÈNES)
LA PREMIÈRE SCÈNE SE PASSE EN TROIS TEMPS.
LE HARCÈLEMENT SEXUEL S’INSCRIT
DANS LA DURÉE. IL EST IMPORTANT
DE LE REPÉRER DÈS QU’IL COMMENCE.
1. TROIS JOURS APRÈS L’ENTRÉE DE SARAH
DANS CE NOUVEAU SERVICE : AU MOMENT DES
PRÉSENTATIONS, SON NOUVEAU DIRECTEUR DE
COMMUNICATION A UN COMPORTEMENT ANORMAL.
2. TROIS SEMAINES APRÈS, À L’OCCASION
D’UNE DISCUSSION SUR L’HABILLEMENT, MONSIEUR
TROUVE QUE SARAH DEVRAIT FAIRE UN EFFORT
POUR S’HABILLER DE MANIÈRE « PLUS FÉMININE ».
3. AU BOUT DE DEUX MOIS, LE DIRECTEUR INVITE
SARAH À PRENDRE LA CLEF DE LA PHOTOCOPIEUSE,
DANS SA POCHE.
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THISSA D’AVILA BENSALAH, COMPAGNIE DÉSAMORCE
NOUS AVONS PARLÉ DE LA DIFFICULTÉ
DE PARLER AVEC DES REPRÉSENTANTS
SYNDICAUX. IL CONVIENT CEPENDANT D’ÉVITER
LES GÉNÉRALISATION. NOUS AVONS VU QUE
CERTAINS RISQUAIENT DE PERDRE LEUR TRAVAIL
POUR DÉFENDRE DES FEMMES VICTIMES DE
HARCÈLEMENT SEXUEL. CEPENDANT, TANT
QUE LES SYNDICATS N’AURONT PAS ADOPTÉ
DE POSITION NATIONALE SUR LE HARCÈLEMENT
SEXUEL, IL SERA DIFFICILE DE FAIRE AVANCER
LA QUESTION.
c’est pas dramatique, Sarah. Je crois qu’il t’apprécie, ce pauvre homme. Il s’y prend mal, c’est vrai. À te dire la vérité, je ne vois pas ce qu’il y a de politique là-dedans. Et puis, même pour des choses graves, c’est un sujet difficile à faire passer auprès du syndicat.SarahC’est sérieux ça, Dominique ? Dominique
Je peux t’aider en tant qu’amie, mais en tant que syndicaliste… As-tu pensé à aller voir la médecine du travail ? Ils peuvent toujours t’écouter là-bas, te donner des trucs du genre anti-stress. Tu m’as l’air surmenée. Et tu sais, quand on est comme ça, on voit tout en noir, c’est normal. Sarah, abattue et ironiqueMerci, je me sens vraiment beaucoup mieux.
des mails dégoûtants et pleins de choses comme ça. Je ne me sens plus à l’aise pour aller travailler là-bas.DominiqueQue veux-tu que je fasse en tant que représentante syndicale ?Sarah
Quelque chose doit bien être prévu dans le règlement : des mesures, un blâme, ou au moins qu’on me change de service pour que je n’ai plus à subir ça !DominiqueAttends Sarah, c’est un problème privé. Je ne vois pas ce qu’on peut faire. Personne ne va te suivre là-dessus ici. Et puis tu sais, en ce moment, on travaille sur les licenciements. Sarah
Regarde, j’ai encore reçu ça dernièrement. C’est inadmissible, quand même. Elle lui tend une lettre.Dominique, en riantOh dis donc ! C’est vrai que ces petits dessins ne sont pas du meilleur goût, mais bon,
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DominiqueAlors Sarah, qu’est-ce qu’il t’arrive ?
Sarah, personnage désormais repris par la participante de la salle.J’ai un truc à te dire. DominiqueÇa concerne les problèmes d’horaires ?
Sarah
Non, c’est pas ça. Je me suis fait proposer…DominiqueÇa a l’air grave ! Assieds-toi. Sarah
J’ai eu une proposition canapé. Tiens, c’est la lettre.
Dominique lit la lettreOh, là, là ! Sarah
Aide-moi, je ne sais pas quoi faire !DominiqueMoi, non plus. C’est Berton ? Sarah
Oui. Peux-tu m’aider à porter plainte ?DominiqueTu sais, tu es la première à en parler vraiment, mais je pense que tu n’es pas la première à avoir vécu cela. Tu souhaites vraiment porter plainte ?
page 74 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
LE PUBLIC PROPOSE DES ALTERNATIVES
POUR LA DEUXIÈME SCÈNE.
UNE JEUNE FEMME DE L’ASSISTANCE MONTE
SUR SCÈNE, ELLE SOUHAITE REMPLACER
SARAH DEPUIS LE DÉBUT.
PREMIER THÉÂTRE-FORUM : « BLAGUE À PART »
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THISSA D’AVILA BENSALAH, COMPAGNIE DÉSAMORCE
POUR LE MOMENT, SARAH A OBTENU QUE
DOMINIQUE L’ACCOMPAGNE EN TANT QU’AMIE
CE QUI N’ÉTAIT PAS ACQUIS DANS NOTRE
SCÈNE. MAIS COMMENT ESSAYER D’ALLER
PLUS LOIN ?
Sarah
Oui, avec toi si tu veux bien.
Dominique
Tu veux que je t’accompagne ?
Sarah
J’aimerais bien.
Dominique
En tant que copine, je suis prête
à t’accompagner, mais je ne suis
pas déléguée par le syndicat.
Je vais essayer de voir avec
le syndicat ce qu’il est possible
de faire.
Sarah
Quand pouvons-nous y aller ?
Dominique
Tu as raison, il ne faut pas
attendre dans ces cas-là. Il va
cependant falloir convaincre
le syndicat que c’est important
et qu’il faut t’accompagner.
Ça va peut-être mettre un peu
plus de temps...
Fin de l’intervention de la 1re participante
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Sarah
Dominique, je peux te déranger ?
Dominique
Tu ne me déranges pas. Tu peux
m’aider à mettre les tracts dans
les enveloppes ?
Sarah
Je te présente ce qu’on vient
de m’envoyer. Vraiment, je n’en
peux plus ! Ça fait plusieurs mois
que cela dure, mais là je craque !
Elle lui tend la lettre.
Dominique
Ah, c’est le chargé de
communication ?
Sarah
Oui. Comme tu es la déléguée,
je voulais en parler avec toi
pour prendre rendez-vous
avec le syndicat parce que
je n’en peux plus.
Dominique
Tu veux que je t’accompagne
auprès du syndicat pour faire
quelque chose…
page 76 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
PREMIER THÉÂTRE-FORUM : « BLAGUE À PART »
UNE AUTRE FEMME MONTE SUR LA SCÈNE
ET SOUHAITE PRENDRE LE RÔLE DE SARAH
DEPUIS LE DÉBUT.
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THISSA D’AVILA BENSALAH, COMPAGNIE DÉSAMORCE
QUAND SARAH SORT DE L’ENTREPRISE
APRÈS LE RENDEZ-VOUS SYNDICAL,
NOUS TRAVAILLONS LA SUITE DE CE
THÉÂTRE-FORUM AVEC LE PUBLIC SUR LES
RÉPERCUSSIONS DU HARCÈLEMENT SEXUEL,
NOTAMMENT SUR LA VIE DE COUPLE.
LES COMÉDIENS MONTRENT UNE IMAGE DE CETTE
TROISIÈME SCÈNE : SARAH AVEC SON MARI-COMPAGNON.
Sarah
Oui. Il faut qu’on s’explique. Même vis-à-vis des collègues. Il me regarde bizarrement, me dit que je suis mal habillée, je ne suis vraiment pas bien dans ma peau.DominiqueD’accord. Je pense que tu as raison. Mais en ce moment, on n’a pas mal de réunions…Sarah
Je sais que tu es débordée. Donne-moi le numéro, je les appellerai moi-même parce que je n’en peux plus. Si ça continue, je devrais m’arrêter. Si j’obtiens un rendez-vous, pourras-tu m’accompagner ? DominiqueAuras-tu vraiment besoin de moi ?
Sarah
Oui, c’est bien toi qui représentes la société.
DominiqueÇa va peut-être être un peu
difficile au niveau du syndicat parce que nous ne sommes
pas nombreuses. SarahJe suis un peu révoltée parce que
je paye quand même mon timbre !Dominique
Je te répète que ça ne va pas être
facile en ce moment. SarahC’est ma priorité aujourd’hui.
Je n’ai pas envie d’être en arrêt maladie. Je suis là pour travailler
et pas pour faire des ronds de jambes à Monsieur. Si j’obtiens
un rendez-vous, je veux que tu m’accompagnes. Dominique
D’accord, je t’accompagnerai.Fin des interventions avec la salle
sur cette scène et de l’extrait de « Blague à part ».
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Justine, une collègue
Qu’est-ce qu’il t’arrive, Martin ?
Martin
Je viens d’assister à une scène
qu’on ne peut pas tolérer ici.
Cédric, un collègue
Quoi ?
Martin
C’est Stéphanie. Je suis passé
dans son bureau. Il y avait
Roland. Il était comme ça sur
elle… (il mime la scène)
Cédric
Quoi ? Tu les as surpris en train
de…
Martin
Mais non ! Elle me regardait
comme si elle voulait que je
reste. D’ailleurs, elle m’a tout de
suite dit « Entre, entre !! ».
Naïma, une collègue
J’étais sûre qu’il se passerait
quelque chose entre eux.
Justine
Mais on ne parle pas de ça ici,
d’accord ?
Martin
Pourquoi ?
Cédric
Pourquoi ? Il te plaît Roland,
c’est ça ?
Justine
Je veux juste travailler dans des
conditions potables, c’est tout !
Naïma
En tout cas, elle n’a pas perdu
son temps ! Tu crois vraiment
qu’ils sont ensemble ?
Martin
Je vous dis le contraire :
elle subit. Elle était toute
tremblante !
Naïma
Quel contraire ?
Le collègue
De quoi parles-tu ?
Naïma
Ils ont le droit après tout. On
rencontre tous son conjoint sur
le lieu de travail. Maintenant,
c’est vrai qu’ils pourraient faire
ça ailleurs.
Cédric
S’ils sont tout seuls, je ne vois
pas pourquoi ils se priveraient !
Justine
Mais puisqu’il vous dit le
contraire : c’est lui qui la force !
Cédric
Doucement, Justine, tu vas vite,
là !
Naïma
Oui, et puis tu l’as vue
elle aussi : depuis huit mois,
elle se donne toujours un genre
fier à prendre les gens de haut.
DEUXIÈME THÉÂTRE-FORUM : « NI VU, NI CONNU »
CETTE AUTRE PIÈCE PORTE SUR LE REPÉRAGE
DU HARCÈLEMENT SEXUEL. LE PERSONNAGE
OPPRIMÉ EST UN HOMME, MARTIN. TÉMOIN
DE L’AGRESSION SEXUELLE D’UNE COLLÈGUE,
IL ESSAIE D’ENGAGER DES DÉMARCHES, MAIS
RENCONTRE QUELQUES RÉSISTANCES.
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Martin
C’est peut-être parce qu’il
l’embête depuis tout ce
temps. Vous qui êtes là depuis
longtemps, vous n’êtes au
courant de rien ? Vous n’avez
jamais rien vu, rien entendu
dire avant ?
Naïma
Bon... (silence) En même temps,
c’est vrai que Roland ne pense
qu’à ça !
Martin
Justine, tu as l’air convaincue par
ce que je raconte. Tu ne voudrais
pas m’aider ?
Justine
Moi ? T’aider ? On ne peut
pas faire grand chose de toute
façon...
Martin
Si nous sommes plusieurs à
témoigner ou s’il y a eu d’autres
cas avant, peut-être que la
direction bougerait plus vite.
Sinon, nous pouvons chercher
de l’aide à l’extérieur…
Justine
Tu n’as pas compris : je n’ai pas
envie qu’on dise tout ce qu’il
se passe ici. Tu ne te rends pas
compte !
Elle sort.
Naïma
Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi
est-elle partie comme ça ?
Martin
Je ne sais pas. Je lui disais
que si nous étions plusieurs
à témoigner, nous pourrions
aider Stéphanie.
Naïma
On ne va pas témoigner
de quelque chose qu’on n’a
pas vu. Moi, je n’ai pas envie
de m’en mêler, ce ne sont pas
mes histoires.
Cédric
Tu verras, Martin. Ici, tu seras
suffisamment chargé de travail
pour ne plus t’occuper de ce
genre d’histoires !
Naïma, sur le départ
C’est vrai, elle n’a qu’à l’éviter
après tout. Si elle s’installe
à l’autre petit bureau du fond,
il va vite comprendre.
Personne ne m’embête, moi.
THISSA D’AVILA BENSALAH, COMPAGNIE DÉSAMORCE
LES RÉSISTANCES POUR OBTENIR DES TÉMOIGNAGES
SONT DE CET ORDRE. NOUS PROPOSONS DONC
À DES PERSONNES D’APPORTER DE LA SOLIDARITÉ
ET D’ESSAYER DE CONVAINCRE LES COLLÈGUES PENDANT
LE TEMPS DE FORUM. PAR AILLEURS, DANS NOTRE
HISTOIRE, JUSTE APRÈS CETTE SCÈNE, MARTIN N’AYANT
PAS OBTENU GAIN DE CAUSE AVEC SES COLLÈGUES,
VA AUSSI TENTER DE S’ADRESSER AU DRH.
C’EST L’OBJET D’UNE DEUXIÈME SCÈNE DE CETTE
HISTOIRE. POUR CONCLURE, CET OUTIL PROPOSE
DONC D’ENTRER DANS LES RAPPORTS ENTRE OPPRIMÉS
ET OPPRESSEURS POUR COMBATTRE L’OPPRESSION
À LA PLACE DE L’OPPRIMÉ-E. NOTRE RÔLE EST DE FAIRE
REMONTER LA PAROLE DES FEMMES. NOUS TRAVAILLONS
POUR CELA EN PARTENARIAT AVEC L’OBSERVATOIRE ET
LES ASSOCIATIONS POUR OBTENIR DES LOIS QUI SOIENT
VÉRITABLEMENT APPLIQUÉES AINSI QU’UN VÉRITABLE
CHANGEMENT DE MENTALITÉS.
Cédric
Mais dis-moi Martin, pourquoi
tu t’intéresses tellement à elle ?
Elle te plaît, c’est ça ? C’est vrai
qu’avec le coup du sauveur,
t’as toutes tes chances...
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 79
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MARIA MAILAT
33 J’ai suivi la Compagnie Désamorce pendant quatre séances qui ont rassemblé différentes
populations : des professionnels, des groupes de femmes et d’hommes en réinsertion ou
de très jeunes garçons qui ont suivi très attentivement le travail réalisé avec cet outil. Le
fait de prendre la place d’un personnage opprimé provoque une réelle prise de
conscience. La place de la comédienne médiatrice est importante car elle assure
le passage entre la scène et le public.
33 J’ai analysé les différentes stratégies et solutions proposées par les personnes
qui se trouvaient dans la salle. La première stratégie que j’ai identifiée est la
mise à distance de l’agresseur. La personne qui prend la place de l’acteur essaie
de ne pas lui faire la bise, de vouvoyer l’agresseur, d’employer des formules de
politesse. Cependant, ces comportements ne lui permettent pas d’avoir une prise
sur l’agresseur dans les situations qui sont mises en scène.
33 J’ai également noté une symétrie et une surenchère. La victime essaie à son tour de
se défendre et devient elle-même agressive envers l’agresseur. Elle se trouve piégée car
l’agresseur se trouve toujours en situation de domination. Cette surenchère met la victime
dans une situation de plus en plus difficile puisque l’agresseur lui répond qu’il ne veut que
l’aider. La peur constitue aussi un élément omniprésent : peur de parler, de
témoigner, de perdre son travail, de se mettre en difficulté par rapport à son
conjoint ou ses amis. La honte aussi est présente.
La référence au tiers constitue une autre forme de stratégie, que la Compagnie
Désamorce encourage subtilement avec son outil. En effet, le huis clos du lieu
du travail est générateur de la loi du silence. La Compagnie Désamorce met progressivement
en évidence la nécessité de faire appel à un tiers extérieur en cas de violences sexistes
ou sexuelles. J’ai, par ailleurs, remarqué que les femmes mettaient en place une stratégie
collective lorsqu’elles prenaient le rôle d’un des personnages. Elles vont discuter avec
d’autres femmes, avec les hommes. Elles cherchent à rassembler tous les protagonistes au
sein d’une réunion.
Anthropologue
LE HUIS CLOS DU LIEU DU TRAVAIL EST GÉNÉRATEUR DE LA LOI DU SILENCE. LA COMPAGNIE DÉSAMORCE MET PROGRESSIVEMENT EN ÉVIDENCE LA NÉCESSITÉ DE FAIRE APPEL À UN TIERS EXTÉRIEUR EN CAS DE VIOLENCES.SEXISTES OU SEXUELLES.
La peur est omniprésente : peur de parler, de témoigner,
de perdre son travail, de se mettre en difficulté par rapport
à son conjoint ou ses amis.
ANALYSE DES PROPOS RECUEILLIS EN ENTREPRISES, LYCÉES D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL, ET SERVICES DU RMI
page 80 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
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33 Une autre solution consiste à nommer ce qui se passe. J’ai toutefois constaté que les
femmes éprouvaient des difficultés à qualifier la violence sexiste et le harcèlement. Elles ont
également du mal à dire ce qui se passe devant l’agresseur. Une deuxième difficulté est de
pouvoir raconter ce que l’on vit sans laisser la possibilité aux autres interlocuteurs d’ajouter
des interprétations erronées. Par ailleurs, la Compagnie Désamorce emploie la dérision,
souvent utilisée par l’agresseur. Or, lorsque la femme essaie d’introduire sa propre dérision
à l’égard de l’agresseur, elle ne parvient pas à résoudre la situation et est davantage piégée.
Lorsque les hommes prennent la place de Sarah, ils éprouvent des difficultés à faire face à
une situation de violence. Certains étaient même plus désarçonnés que le personnage.
33 Cette expérience montre que la difficulté se pose autant pour les hommes que pour les
femmes. Parmi les stratégies utilisées par les hommes, j’ai identifié la négation. Ils jouent une
Sarah naïve, qui dit à l’agresseur qu’elle ne comprend pas où il veut en venir, ce qui ouvre
à ce dernier la possibilité de la piéger davantage. Les hommes essaient également
de composer davantage avec l’agresseur. On peut imaginer que les hommes qui
prenaient la place de Sarah entretenaient une forme de solidarité masculine avec
l’agresseur.
Ces situations sont extrêmement riches, car l’outil se compose de plusieurs leviers
qui permettent une prise de conscience progressive des effets du harcèlement.
À la fin de la séance, les participants restaient pour discuter entre eux ou avec les acteurs.
Ce travail permet ainsi de susciter un élan de solidarité.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 81
Lorsque les hommes prennent la place de Sarah, ils éprouvent des difficultés à faire face à une
situation de violence. Certains étaient même plus désarçonnés
que le personnage.
ANALYSE
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ACTIONS DE PRÉVENTION À LA CCAS
MIREILLE HACCART
La CCAS est la Caisse centrale des activités sociales du personnel des industries électriques
et gazières. C’est une association loi 1901, gérée par la Fédération de l’énergie, syndicat
majoritaire à la CCAS. Elle emploie 1 200 salariés au quotidien, et jusqu’à 8 000 salariés en
CDD, sur une année. Elle intervient dans plusieurs domaines :
33 les vacances et les loisirs ;
33 la restauration méridienne, l’employeur étant tenu de mettre à la disposition des salariés
des restaurants ou des espaces pour leur permettre de se restaurer ;
33 la santé : dispensaires, santé au travail, prévention sur et en dehors du lieu de travail,
handicap ;
33 les assurances.
Nous sommes amenés à employer des salariés en CDD pour mettre en place des
activités auprès des électriciens et gaziers, notamment dans la restauration méridienne.
Du fait de leur statut, ces salariés sont particulièrement exposés à des risques. Nous
avons ainsi mis en place une action de prévention à partir du cas d’une personne qui
a dénoncé des violences et le harcèlement qu’elle subissait.
En 1996, une salariée a en effet rédigé un courrier au directeur régional de Paris-Nord. À cette
époque, je venais de prendre le poste d’assistante de prévention. Le directeur régional m’a
donc demandé de mettre en place, dans le cadre d’un programme triennal, une action de
prévention sur le harcèlement sexuel. Ma première démarche a été de trouver des partenaires
capables de m’expliquer en quoi consistait le harcèlement sexuel. J’ai notamment contacté
le ministère du Travail qui m’a renvoyé vers la délégation aux droits des femmes.
Madame Marie Bedelle, m’a alors donné les coordonnées de l’AVFT.
Nous n’avons pas mesuré l’ampleur du phénomène de prime abord. Lorsque nous
avons mis en place un groupe de travail qui regroupait tous les corps de métiers
de la direction régionale, les premières réactions ont été terribles. Le matin, les
participants niaient le phénomène, certains considérant que les femmes devaient s’habiller
mieux, qu’elles aimaient se faire tripoter. L’AVFT est ensuite intervenue sur le sujet l’après-
midi. Elle a tellement bien démonté les mécanismes du harcèlement sexuel et des violences
CCAS d’EDF
DES EXPÉRIENCES DE PRÉVENTION DES VIOLENCES SEXISTES ET DU HARCÈLEMENT AU TRAVAIL
page 82 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
Le matin, les participants niaient le phénomène, certains
considérant que les femmes devaient s’habiller mieux, qu’elles
aimaient se faire tripoter.
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Médecin du travail
Responsable de l’Observatoire
départemental des violences
envers les femmes
au travail qu’elle a permis une réelle prise de conscience en quelques heures. Ce travail de
prévention a été conduit pour mettre fin à de tels agissements au sein de la CCAS. Il a ensuite
été repris par chaque région en fonction de ses possibilités.
Nous avons mis en place un groupe de travail dans le but de relayer l’assistante de prévention
et la ligne hiérarchique. La CCAS n’a pas obligé les « hiérarchiques » à mettre en œuvre cette
action de prévention. Elle est notifiée dans le règlement intérieur et proposée à plusieurs
reprises. Il revient ensuite à chaque direction régionale de se mobiliser pour mettre en place
des actions avec le groupe de travail. Parallèlement, une formation a été proposée. À Paris-
Nord, la direction régionale l’a rendue obligatoire pour l’ensemble de la ligne hiérarchique.
Les médecins du travail et l’inspecteur du travail de Seine-Saint-Denis ont été associés à cette
démarche. Ils s’étaient engagés à mettre en place des formations avec l’AVFT.
ERNESTINE RONAI
La CCAS a également réalisé des tracts et des affiches pour informer les personnels
nouvellement embauchés. En réalité, il s’agit d’une simple application de la loi. Cependant,
peu d’entreprises respectent cette obligation.
LE RÔLE DE LA MÉDECINE DU TRAVAIL
DOCTEUR STERDYNIAK
Mon expérience est totalement différente. Le service de santé au travail dans lequel je suis
employé en Seine-Saint-Denis et sur une partie de Val-de-Marne regroupe 9 500 entreprises
adhérentes représentant environ 130 000 salariés. Néanmoins, 95 % des entreprises comptent
moins de 20 personnes. Or dans ces petites entreprises, qui constituent le tissu industriel du
département, ce genre d’actions ne peuvent pas être engagées en l’absence de syndicats ou
de délégués du personnel.
Nous pensons qu’il ne faut pas nécessairement passer par les entreprises
sur le plan de la prévention. En région Île-de-France, nous avons mis en place
un groupe de travail sur les risques professionnels dans les métiers de la
propreté, où le risque de violences sexuelles est très important compte tenu de
l’organisation et de la division sexuelle du travail. En effet, la grande majorité
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 83
Un groupe de médecins du travail, en région Île-de-France,
prépare un document sur les risques professionnels dans
les entreprises de nettoyage.
ANALYSE
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Médecin du travail
des ouvriers nettoyeurs est composée de femmes alors que la hiérarchie est masculine.
À cela s’ajoutent les horaires décalés, le travail isolé. De plus, les personnes qui sont
employées dans ce secteur sont souvent en situation précaire. En effet, la catégorie des
nettoyeuses compte trois fois plus de familles monoparentales que la moyenne nationale.
Le rôle du médecin du travail est de savoir identifier et anticiper ces situations à risques
de manière volontariste. C’est dans ce but que nous souhaitons élaborer un document
sur les risques professionnels dans les entreprises de nettoyage qui tienne compte de la
problématique des discriminations sexistes et du harcèlement sexuel. Nous proposerons cet
outil de travail aux chambres des métiers, aux professionnels et aux partenaires sociaux. Il est
en effet plus efficace de travailler de manière globale plutôt que par entreprise.
Dans les petites entreprises, le médecin du travail est souvent le seul interlocuteur pour les
problèmes de santé au travail en l’absence de délégués du personnel ou de CHSCT. Il faut donc
conseiller aux femmes victimes de discriminations sexuelles de prendre contact avec le médecin
du travail qui constitue un interlocuteur privilégié en raison de son statut indépendant. Il peut
intervenir auprès de l’employeur, voire d’autres structures.
DELPHINE BRILLAND
Je regrette beaucoup que les visites pour les salariés soient devenues obligatoires tous
les deux ans car cela réduit d’autant le contact avec le médecin du travail. Or, les petites
entreprises se réfèrent souvent à lui car il est identifié comme un tiers impartial sur ce sujet,
à l’inverse de l’inspection du travail.
DOCTEUR STERDYNIAK
Le code du travail permet à toute personne qui le désire de prendre un rendez-vous avec
le médecin du travail quand elle le souhaite. Elle peut même le faire de manière anonyme
en dehors des heures de travail, si elle ne souhaite pas que son employeur soit au courant.
En matière de harcèlement moral, les salariés se tournent très facilement vers le médecin du
travail, ce qui n’est pas le cas en matière de harcèlement sexuel. Ainsi, dans la plupart des
cas, nous sommes informés de ce type de situation après coup. Or nous pouvons tout à fait
intervenir lorsque nous sommes informés en temps réel.
Inspectrice du travail
page 84 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
DES EXPÉRIENCES DE PRÉVENTION DES VIOLENCES SEXISTES ET DU HARCÈLEMENT AU TRAVAIL
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Médecin du travail
Inspectrice du travail
L’ENQUÊTE POSSIBLE DE L’INSPECTION DU TRAVAIL
DELPHINE BRILLAND
Les entreprises de plus de 20 salariés sont soumises à une obligation d’affichage sur les
dispositions concernant le harcèlement sexuel. Elle n’est pas respectée la plupart du temps. En
outre, le CHSCT peut proposer des actions en matière de prévention. Dans une petite société
où il n’existe pas d’institutions représentatives du personnel, la première chose à faire est de
sortir de l’isolement. Le salarié peut essayer de parler à ses collègues, même si
très souvent, il ne trouvera pas d’appui au sein du collectif de travail. Il est donc
conseillé de s’adresser à un syndicat extérieur ou à une association spécialisée.
Ensuite, il faut se constituer un dossier et décrire jour par jour ce qui se passe afin
de préparer une procédure ultérieure. Il reviendra ensuite à l’employeur et/ou à
l’accusé de démontrer qu’il n’en a pas été ainsi.
Parallèlement, l’inspection du travail peut mener une enquête pour « objectiver la situation ».
Elle examinera notamment la situation du poste de travail : importance du turn-over sur le
poste ou dans le service, fréquence des arrêts-maladie, des accidents de travail, etc. C’est une
multiplication d’indices. Nous essayons également d’interroger les anciens salariés à partir
du registre unique du personnel. Enfin, quand cela est possible, nous essayons, à partir d’un
questionnaire très large sur les conditions de travail, d’arriver progressivement au harcèlement
sexuel. L’objectif est d’accumuler le maximum d’indices.
DOCTEUR STERDYNIAK
Dans les entreprises de moins de 20 personnes, le harcèlement sexuel se termine généralement
par le départ de la personne harcelée, le plus souvent par démission. L’employeur est
suffisamment pervers pour ne pas procéder à un licenciement qui pourrait attirer l’attention.
Parfois, nous avons également recours à une procédure d’inaptitude médicale. Le code du
travail nous permet de rendre inaptes les personnes victimes de harcèlement professionnel,
mais pas dans les entreprises où les conditions de travail sont infâmes.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 85
S’il n’existe pas d’institutions représentatives du personnel,
la première chose à faire est de s’adresser à un syndicat
extérieur ou à une association spécialisée.
ANALYSE
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LES RECOURS EN JUSTICE FREINÉS PAR LA PEUR
SOLANGE MORACCHINI
En 2005, le tribunal de Bobigny a reçu 1 530 plaintes en matière de violence conjugales. Seules
126 ne pouvaient pas être poursuivies. Ainsi, dans la grande majorité des cas, les faits de
violences sur conjoint ou concubin étaient avérés et pouvaient impliquer une réponse pénale.
Mais en matière de harcèlement sexuel, 19 plaintes ont été déposées et aucune
poursuite n’a été engagée.
Il existe des points de comparaison entre harcèlement sexuel et violences conjugales.
En effet, la victime a souvent peur des institutions : inspection du travail, médecine
du travail, inspection, police ou tribunal. Elle marque avant tout l’absence de confiance dans
la réponse judiciaire. En outre, nous avons souvent affaire à un système de dépendance
économique, qui fait que la victime de harcèlement sexuel a peur de perdre son travail si elle
parle. De même que la victime de violences conjugales ne peut dénoncer le mari qui pourvoit
aux revenus du ménage.
Enfin, la victime a peur de ne pas être crue et se trouve dans un système d’isolement. En ce
qui concerne le harcèlement sexuel, la mise en scène théâtrale m’a paru pertinente car, dans
la famille, la victime se trouve dans un deuxième enfermement lorsqu’elle rentre chez elle.
Elle ne veut pas parler de peur d’être traitée comme une allumeuse ou une mythomane. Ainsi,
à un enfermement professionnel s’ajoute un enfermement privé.
Cette logique marque la limite entre violence familiale et violence sur le lieu du travail. La peur
de la suite judiciaire est également liée à la preuve. Il faut en effet établir l’infraction pour
ensuite l’imputer à un auteur et prendre la réponse pénale adaptée. Or le harcèlement sur le
lieu de travail fait partie des infractions les plus difficiles à qualifier pénalement. Est-ce un fait
unique ou continu ? S’il s’agit d’un fait unique, en quoi se différencie-t-il d’une cour maladroite
ou éhontée ? Enfin, que signifie vouloir obtenir les faveurs sexuelles de quelqu’un ?
Par ailleurs, le harcèlement est-il un fait public commis en présence de témoins ? Dans ce
type de contentieux où deux paroles s’affrontent, il est souvent difficile d’établir la preuve.
La victime peut donc craindre de ne pas être crue. Au niveau judiciaire, le harcèlement
Procureure adjointe
au tribunal de Bobigny
page 86 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
En 2005, 19 plaintes pour harcèlement sexuel ont été
déposées au tribunal de Bobigny et aucune poursuite
n’a été engagée.
DES EXPÉRIENCES DE PRÉVENTION DES VIOLENCES SEXISTES ET DU HARCÈLEMENT AU TRAVAIL
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CCAS d’EDF
ANALYSE
sexuel est souvent révélé a posteriori, par exemple lorsqu’une affaire est portée devant les
prud’hommes. Il peut également être établi à la suite d’un suicide : la recherche des causes
de la mort permet de mettre en évidence un comportement au travail qui était devenu
insupportable du fait du harcèlement. Un harcèlement peut également se traduire par des
dépressions lourdes. Parfois, lorsque la victime a réussi à porter plainte, l’enquête se heurte
au refus ou au silence de ceux qui pouvaient témoigner. La procédure est alors classée sans
suite faute de preuves. Il arrive alors que la personne visée porte plainte contre la victime
pour dénonciation calomnieuse. Dans ce cas, ceux qui se sont tus décident de réagir pour ne
pas cautionner l’injustice.
Il convient de rappeler qu’à l’instar des violences conjugales, les harcèlements sexuels se
produisent dans tous les milieux, sous des formes différentes, même si certaines professions
sont plus exposées que d’autres. Le dénominateur commun est la difficulté de porter plainte
qui explique que la justice soit peu saisie. Néanmoins, il est possible d’agir. Il est
en effet important de rompre l’isolement et de rappeler à la victime qu’elle est sujet
de droit et qu’elle doit demander son application. Il faut que les représentants
syndicaux, le corps médical ou les associations constituent des repères pour
les victimes. Au niveau judiciaire, des associations d’aide aux victimes peuvent
rappeler que les victimes d’une infraction ont droit à une protection. L’important n’est pas de
multiplier les plaintes ou les poursuites, mais de dire aux victimes qu’ils ont droit à la parole,
d’expliquer le parcours judiciaire et les suites pénales qui sont susceptibles d’être données.
MIREILLE HACCART
Les interventions précédentes se situent dans la perspective de la réparation, mais il est
important d’adopter une perspective de prévention. Les gouvernements successifs ont une
part de responsabilité importante en la matière, dans la mesure où ils ne développent pas
la connaissance de ces phénomènes dès le plus jeune âge. Il est également anormal que
les assistantes de prévention n’abordent à aucun moment ces problématiques dans le cadre
de leur formation. Or la prévention permet d’agir avant qu’il soit nécessaire de demander
réparation et sanction.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 87
Il est important de rompre l’isolement et de rappeler
à la victime qu’elle est sujet de droit et qu’elle doit
demander son application.
ANALYSE
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ERNESTINE RONAI
Les problèmes de violence sexiste au travail accèdent peu à la parole, même si des
associations travaillent en ce sens. Des outils existent, à l’instar de celui que propose le
Théâtre de l’Opprimé. En outre, il est important de reprendre ce thème et de réaliser des
formations de spécialistes sur le sujet. Enfin, il faut prévoir des formations plus larges à
l’attention de l’ensemble des personnels pour que ces phénomènes soient mieux connus.
Nous allons commencer par former les conseillers prud’homaux car il est important qu’ils
puissent soutenir les victimes.
Savoir que certains agissements sont condamnés et que leurs auteurs sont punis
incitent des agresseurs potentiels à ne pas les commettre. À l’inverse, lorsqu’ils
sont commis en toute impunité, ils sont de fait autorisés, même si des lois sont
censées les interdire. Dans ce domaine, la répression fait partie de la prévention.
Il faut donc insister sur sa mise en place. Sur ce point, le travail à réaliser est
considérable.
Responsable de l’Observatoire
départemental des violences
envers les femmes
page 88 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
Savoir que certains agissements sont condamnés et que leurs
auteurs sont punis incitent des agresseurs potentiels à ne pas les
commettre. À l’inverse, lorsqu’ils sont commis en toute impunité,
ils sont de fait autorisés. Dans ce domaine, la répression
fait partie de la prévention.
DES EXPÉRIENCES DE PRÉVENTION DES VIOLENCES SEXISTES ET DU HARCÈLEMENT AU TRAVAIL
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Médecin du travail
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 89
ÉCHANGES AVEC LA SALLE
VALÉRIE BOBLET
Il est important que les femmes sortent de l’isolement et puissent parler. Néanmoins, le
sujet est tellement tabou qu’elles n’en sont souvent pas capables. Je m’interroge donc sur
la manière dont les professionnels peuvent repérer ces violences et amener les femmes à
la parole. Gilles Lazimi, médecin-directeur du centre municipal de santé de Romainville, qui
a réalisé un travail important sur la violence conjugale, interroge systématiquement ses
patientes sur le sujet.
Il a ainsi découvert que 50 % étaient victimes de violences conjugales. Je me demande donc si
les médecins du travail ne pourraient pas faire de même avec les salariés qu’ils rencontrent.
Cette réflexion peut également s’appliquer à l’inspection du travail dans le cadre des visites
d’entreprise.
DOCTEUR STERDYNIAK
Il me paraît difficile de demander systématiquement à tous les salariés que je rencontre s’ils
sont victimes de violences conjugales ou de harcèlement sexuel. En revanche, il m’est arrivé
d’identifier sur la base d’éléments cliniques la possibilité d’un harcèlement moral ou sexuel et,
dans ce cas, j’amène la question de manière délicate. Je pense notamment au cas d’une jeune
femmes très dynamique que j’avais rencontré à plusieurs reprises et qui, une année, s’était
présentée à moi totalement déprimée. Elle ne voulait pas parler mais, devant mon insistance,
elle a fini par m’avouer qu’elle était victime de harcèlement sexuel au travail.
Des cas comme celui-ci, en particulier dans les entreprises où le turn-over est important,
doivent nous mettre la puce à l’oreille. Avec une certaine expérience, il est possible de
connaître le climat qui règne dans l’entreprise à la manière dont les salariés se présentent
à la médecine du travail.
Psychologue, Mouvement
français pour le planning
familial de la Seine-Saint-Denis
ÉCHANGES
CG93_Observatoire_Violences.indd89 89CG93_Observatoire_Violences.indd89 89 19/12/06 15:58:4219/12/06 15:58:42
Inspectrice du travail
CHRISTINE GARCETTE
Le docteur Sterdyniak a mentionné une journée que nous avons organisée l’année dernière
sur le thème du harcèlement sexuel au travail. Les actes, réalisés par le CLICOSS, peuvent
constituer un outil d’information à l’attention des professionnels.
Lorsque nous abordons le thème des violences au travail, nous avons affaire à des intervenants
et professionnels qui n’ont pas nécessairement été sensibilisés aux problèmes des violences.
Dans le département, le service public de l’emploi et les missions locales ont participé à
une action européenne dans le cadre du programme ESPER (engagement du service public
pour restaurer l’égalité). Cette action a permis de former plus de 120 personnes à la loi sur la
lutte contre les discriminations de 2001, et de travailler sur l’ensemble des discriminations,
notamment sexistes. Un certain nombre d’informations sont remontées par ce biais sur des
agressions sexuelles, des viols ou tentatives de viols. Il serait d’ailleurs intéressant d’obtenir
du parquet des informations supplémentaires sur les viols ou les agressions sexuelles dans
le cadre du travail.
UNE INTERVENANTE DE LA SALLE
J’aimerais connaître le nombre d’inspecteurs du travail et de médecins du travail en Seine-
Saint-Denis. En effet, la ville de Stains n’a pas de médecin du travail depuis plus d’un an.
Pendant cinq ans, les salariés de mon entreprise n’ont pas été reçus par la médecine du
travail. Or, en l’absence de médecin et d’inspecteur du travail, comment les femmes peuvent-
elles porter plainte ?
DELPHINE BRILLAND
Pour les entreprises qui relèvent du secteur général, c’est-à-dire hors transport et agriculture,
il existe dix sections d’inspection dans le département, soit 10 inspecteurs du travail,
20 contrôleurs du travail et 20 agents de secrétariat, lorsque l’effectif est complet. Dans le
secteur des transports pour le département (hors aéroport de Roissy) nous sommes cinq
agents de contrôle et quatre secrétaires, et nous sommes menacés de réduction d’effectifs.
Responsable du CLICOSS
page 90 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
ÉCHANGES AVEC LA SALLE
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Médecin du travail
Présidente de l’AVFT
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 91
DOCTEUR STERDYNIAK
La médecine du travail est une obligation légale pour toutes les entreprises. Si les salariés
ne sont pas suivis, c’est parce que l’entreprise n’a pas rempli ses obligations. Dans ce cas,
il faut se rapprocher de l’inspection du travail pour qu’elle impose à l’employeur l’adhésion
à un service de santé au travail.
UNE INTERVENANTE DE LA SALLE
Dans la fonction publique, c’est encore plus compliqué.
UNE INTERVENANTE DE LA SALLE
Tout au long de la journée, nous avons oublié de parler des hommes. Or il convient de leur
rappeler que certains comportements ne sont pas tolérables, comme le département l’a fait
déjà dans le cadre de sa campagne contre les violences conjugales. Il faudrait donc lancer
des actions de communication pour expliquer qu’un responsable n’a pas à avoir des actes
déplacés. Même s’il est nécessaire d’aider les femmes et d’éviter leur isolement, il faudrait
avant tout changer le climat et arrêter de tolérer des comportements inacceptables, des
histoires de blondes et des fonds d’écran obscènes.
CATHERINE LE MAGUERESSE
La meilleure solution pour mettre fin aux violences sexuelles sur le lieu de travail est la
prévention et la fin de l’impunité. Tant que les agresseurs savent au sein de l’entreprise
qu’ils ne risquent rien, ils peuvent continuer leurs agissements et compter sur le silence des
salariés qui ont peur de perdre leur travail. Finalement, 95 % des femmes sont contraintes
à démissionner ou sont licenciées parce qu’elles ont dénoncé le harcèlement sexuel. En
revanche, en menant des campagnes à l’instar de la CCAS, en envoyant avec le bulletins de
salaire un avertissement rappelant que tout harceleur sera licencié, les agresseurs, qui sont
souvent lâches, cesseront leurs pratiques.
En outre, je tiens à souligner que les relaxes ne sont pas liées à un manque de preuves, mais
à un problème d’appréciation sexiste par les magistrats. Même lorsque l’agresseur reconnaît
ÉCHANGES
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Procureure adjointe
au tribunal de Bobigny
avoir mis la main aux fesses d’une salariée, ce comportement passe pour une tentative
maladroite de séduction. Depuis cinq ans, nous constatons d’ailleurs un véritable recul sur le
sujet. Alors que dans une situation donnée, nous obtenions la condamnation d’un agresseur,
ce n’est plus systématiquement le cas aujourd’hui. Ce constat est aussi valable pour la
chambre criminelle de la Cour de cassation, et affecte la jurisprudence.
Depuis deux ans, un certain nombre de femmes refusent de parler car elles ont peur d’être
condamnées à des peines lourdes pour dénonciation calomnieuse. Il semblerait, en effet, que
l’idée de l’honneur des personnes mises en cause pour dénonciation calomnieuse ne soit
pas la même que pour les femmes victimes de violences. De manière générale, les victimes
ne souhaitent pas mettre en cause la responsabilité pénale de l’employeur car ces actions
sont lourdes. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et les inégalités peut
être très utile dans ce domaine. Cette instance peut en effet être saisie, notamment par les
représentants du personnel, pour mener une enquête au sein de l’entreprise. Elle peut en
outre intervenir dans la fonction publique à la place de l’inspection du travail.
SOLANGE MORACCHINI
Je souhaiterais préciser que la Cour de cassation ne peut valider une position par rapport
à une autre car elle juge le droit et non les faits. Par ailleurs, en matière de dénonciation
calomnieuse, le parquet de Bobigny n’engage pas systématiquement des poursuites et ne
condamne pas systématiquement des personnes du fait même du classement sans suite
d’une affaire. Enfin, concernant la preuve, le témoignage qui a été apporté ne peut s’appliquer
au tribunal de Bobigny.
UNE INTERVENANTE DE LA SALLE
Dans la fonction publique et en particulier au sein du conseil général, nous assistons à des
phénomènes de harcèlement sexiste et moral. Il convient donc de s’occuper de ceux qui font
subir ce harcèlement aux agents.
page 92 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
ÉCHANGES AVEC LA SALLE
CG93_Observatoire_Violences.indd92 92CG93_Observatoire_Violences.indd92 92 19/12/06 15:58:4419/12/06 15:58:44
Chef du service social
départemental
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 93
CHANTAL GOYAU
Il existe un certain nombre de signes qui permettent d’identifier des victimes de violence.
Nous avons déjà travaillé sur le sujet pour la maltraitance des enfants. Aujourd’hui, nous
débattons beaucoup sur la mise en place de référentiels ouverts. Nous devons poursuivre
ce travail avec l’ensemble des travailleurs sociaux du département. Nous devons également
intensifier le lien avec les écoles et les centres de formation.
Dans notre service, nous recevons un nombre important de salariés pauvres dans des
situations extrêmement difficiles. Il convient donc de mener un travail en amont pour que
nous soyons sensibilisés à cette problématique et que nous puissions apporter des réponses
à ces personnes.
ÉCHANGES
CG93_Observatoire_Violences.indd93 93CG93_Observatoire_Violences.indd93 93 19/12/06 15:58:4519/12/06 15:58:45
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CONCLUSION
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GILLES GARNIER
Cette journée a été très dense. Elle a permis à des personnes d’horizons différents de travailler
ensemble : des responsables politiques, des professionnels, des chercheurs, des syndicalistes,
des artistes de théâtre. Il ne s’agit pourtant que d’un début qui mérite de nouveaux
approfondissements. Je suis très heureux qu’un grand nombre de syndicalistes aient participé
à cette journée. Il est en effet nécessaire de mettre en relation leur engagement
sur le lieu de travail, la réflexion des associations féministes et la volonté politique
des élus.
Dans tous les lieux de travail où s’exerce un pouvoir, il est possible d’être confronté
à des comportements sexistes et machistes et à des phénomènes de harcèlement.
Le Conseil général de la Seine-Saint-Denis n’est pas une exception. Nous avons mis
en place une consultation pour que les agents puissent parler des violences qui
peuvent exister au sein de leur couple et de leur famille. Nous devons également
mettre à profit cet espace pour évoquer les violences au travail qui peuvent exister
au sein de toute institution.
Nous devrions, en outre, parler de la violence des institutions à l’égard des femmes ainsi
que de la violence que les femmes se font à elles-mêmes. En effet, un certain nombre de
femmes sont en dépression, commettent des tentatives de suicide, consomment des produits
tranquillisants, tombent dans l’alcoolisme ou la consommation de psychotropes... Il me paraît
donc important de prendre en compte cette problématique.
Nous nous réunirons à nouveau sur la question de l’excision, le 16 mars. Nous vous proposons
également une mobilisation contre la prostitution organisée lors de la Coupe du monde de
football, le 27 mai, au Stade de France à Saint-Denis. En outre, nous
interviendrons sur la problématique des mariages forcés à l’occasion de
la Journée internationale contre les violences faites aux femmes. Je salue à
ce titre la mobilisation du milieu associatif et de responsables politiques, y
compris dans les pays concernés par le phénomène. Enfin, malgré l’échec
de la négociation avec l’éducation nationale, nous avons décidé de confier
l’enquête sur les comportements sexistes et les violences faites aux filles
À l’occasion de la Journée internationale contre les
violences faites aux femmes, en novembre 2006, nous nous
interrogerons avec des habitants sur les moyens de faire cesser
la pratique des mariages forcés.
CONCLUSION
Vice-président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis
page 96 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
L’ENGAGEMENT DU CONSEIL GÉNÉRAL ET DE TOUS SES PARTENAIRES, POUR QUE L’ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES DEVIENNE UNE RÉALITÉ DANS TOUS LES DOMAINES, SE TRADUIT PAR DES INITIATIVES ET DES MISES EN ŒUVRES CONCRÈTES AU BÉNÉFICE DE LA POPULATION ET DANS LE RESPECT DE SA DIGNITÉ.
CG93_Observatoire_Violences.indd96 96CG93_Observatoire_Violences.indd96 96 19/12/06 15:58:4619/12/06 15:58:46
à un comité scientifique qui sera piloté par Maryse Jaspard, laquelle avait déjà mené l’enquête
nationale. 2 000 jeunes filles de 18 à 21 ans habitant le département de la Seine-Saint-Denis
répondront à un questionnaire anonyme sur les violences.
Je tiens à remercier l’ensemble de celles et ceux qui ont participé à notre journée et qui nous
ont montré que la mobilisation pour le droit des unes et des uns fait avancer le droit de tous.
Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour parvenir à une véritable égalité entre les
hommes et les femmes et faire reculer les comportements sexistes. Nous avons la chance de
pouvoir nous appuyer sur un réseau efficace composé d’associations, d’élus et d’organisations
syndicales. Nous dresserons le bilan des actions menées sur le sujet l’année prochaine.
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 97
CONCLUSION
CG93_Observatoire_Violences.indd97 97CG93_Observatoire_Violences.indd97 97 19/12/06 15:58:4719/12/06 15:58:47
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ANNEXES
CG93_Observatoire_Violences.indd99 99CG93_Observatoire_Violences.indd99 99 19/12/06 15:58:4819/12/06 15:58:48
33 Créé à l’initiative du Conseil général de la Seine-Saint-Denis, l’Observatoire départemental
des violences envers les femmes est un espace d’échanges et de réflexion, un outil d’analyse
et de recensement et un vecteur de communication et d’information.
Premier de ce genre en France, il a pour vocation de favoriser le travail en commun de tous
ses partenaires et de rendre visible le phénomène des violences faites aux femmes
afin de mieux les faire reculer.
Un outil pour lutter contre toutes les violences envers les femmes
33 L’idée d’un Observatoire départemental des violences envers les femmes a germé
en 1999. Très vite, les groupes de travail ont démontré la sous-estimation générale
de l’ampleur et des conséquences des violences exercées à l’égard des femmes : violences
conjugales – encore trop souvent taboues – violences au travail, violences verbales… Des
violences très prégnantes aujourd’hui, quels que soient les milieux et les cultures concernés,
des violences exercées dans tous les espaces de vie de la société française, ce que confirme
l’enquête nationale réalisée en 2000 par le Secrétariat d’État aux Droits des femmes.
33 Dans le même temps, de nombreuses études ont démontré que les violences faites
aux femmes contribuent à déstabiliser les familles, et que ces comportements ont des
conséquences sur les enfants et les jeunes qui y sont exposés. En Seine-Saint-Denis, de
nombreux travaux ont déjà été initiés pour lutter contre les violences faites aux femmes,
et c’est dans cette dynamique, et à travers une démarche partenariale avec les services
départementaux de l’État, les associations et les institutions, que le Conseil général de la
Seine-Saint-Denis a décidé de s’engager pour faire reculer les violences faites aux femmes
en créant un Observatoire départemental.
PREMIER DE CE GENRE EN FRANCE, IL A POUR VOCATION DE FAVORISER LE TRAVAIL EN COMMUN DE TOUS SES PARTENAIRES ET DE RENDRE VISIBLE LE PHÉNOMÈNE DES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES AFIN DE MIEUX LES FAIRE RECULER.
page 100 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
L’OBSERVATOIRE DÉPARTEMENTAL DES VIOLENCES ENVERS LES FEMMES
CG93_Observatoire_Violences.indd100 100CG93_Observatoire_Violences.indd100 100 19/12/06 15:58:4819/12/06 15:58:48
Organisation de l’Observatoire
Structure partenariale, l’Observatoire départemental des violences envers les femmes
comprend :
Un groupe de pilotage dont l’objectif est d’organiser la réflexion et les initiatives mises en
œuvre par l’Observatoire et ses partenaires :
33 Services départementaux et ses missions :
Direction de la prévention et de l’action sociale / Direction de l’enfance et de la famille / Direction
de l’aménagement et du développement / Direction de la population âgée et des personnes
handicapées / Direction de la culture, de la jeunesse et des sports / Direction
de la communication / Direction des collèges et de l’action pour la
formation ;
33 Services de l’État en Seine-Saint-Denis :
Délégation départementale aux droits des femmes et à l’égalité / Direction
départementale des actions sanitaires et sociales / Inspection Académique
du 93 / Direction départementale de la sécurité publique / Protection
judiciaire de la jeunesse / Justice.
33 Associations de Seine-Saint-Denis : Accion Artistica / l’Amicale du Nid / le Centre d’information
sur les droits des femmes et des familles en Seine-Saint-Denis 93 / Femmes solidaires /
le Mouvement français pour le planning familial / Sos femmes 93 / Citoyenneté Jeunesse.
Huit groupes de travail. Ils permettent d’associer davantage de partenaires et d’approfondir
certains aspect du travail mené. Ils s’organisent autour des thèmes suivants :
les violences faites aux femmes dans le couple, les violences sexistes et sexuelles au travail,
les enfants exposés aux violences conjugales, la prévention des comportements sexistes
dans les relations filles/garçons, les études sociologiques et statistiques, la dimension
internationale de l’Observatoire, les problématiques spécifiques des femmes migrantes.
ANNEXES
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 101
Dans une démarche partenariale avec les services départementaux,
ceux de l’État, les associations et les institutions, le Conseil
général de la Seine-Saint-Denis a décidé de s’engager pour
faire reculer les violences faites aux femmes en créant un
Observatoire départemental.
CG93_Observatoire_Violences.indd101 101CG93_Observatoire_Violences.indd101 101 19/12/06 15:58:4919/12/06 15:58:49
Guide des outils de prévention des comportements sexistes dans les relations filles/garçons.
33 En préparant cette rencontre départementale, l’Observatoire a procédé au recueil des
outils existants en Seine-Saint-Denis pour la prévention des comportements sexistes dans
les relations filles/garçons.
33 Différent-e-s professionnel-le-s (services de l’État, services départementaux, services
communaux et associations) mettent en place des actions au sein des établissements
scolaires, dans les missions locales, les clubs de prévention, les services jeunesse ou toutes
structures travaillant auprès de jeunes.
33 Dans un souci d’une meilleure information de chacune et de chacun, un guide des outils de
prévention a été constitué à partir du recueil des outils utilisables sur l’ensemble territoire.
L’organisation de la prévention nécessite des personnes ressources formées à l’utilisation
des outils et aux problématiques spécifiques.
C’est pourquoi, deux formations sont proposées dans ce guide et
constituent un préalable nécessaire à l’utilisation de ces outils.
Un DVD contre les mariages forcés
33 C’est l’histoire d’une famille vivant en banlieue parisienne et qui veut marier sa fille de
17 ans selon les coutumes de son pays, en lui imposant un mari...
33 En 2001, le Comité local et départemental de prévention de la maltraitance et des violences
sexuelles, a été convié par la classe de seconde SMS du Lycée Sabatier de Bobigny à la
représentation d’une pièce de théâtre « Le mariage forcé », entièrement conçue et interprétée
par 12 jeunes filles de la classe. Entre 2001 et 2003, la pièce a été jouée devant les élèves
de 12 classes de 4 collèges de Bobigny.
page 102 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
LES CRÉATIONS D’OUTILS ET DE SUPPORTS DANS LE CADRE DE L’OBSERVATOIRE
Ce guide est disponible à l’Observatoire départemental
des violences envers les femmes.
CG93_Observatoire_Violences.indd102 102CG93_Observatoire_Violences.indd102 102 19/12/06 15:58:5019/12/06 15:58:50
33 Devant la qualité du travail accompli, convaincu de l’impact certain de cette pièce de
théâtre, le Comité départemental de prévention des agressions sexuelles et l’Observatoire
départemental des violences envers les femmes ont décidé de traduire cette action sur
un DVD afin d’en faire un outil pouvant devenir l’élément central d’une action de prévention
en direction des jeunes.
33 Cet outil s’adresse aux jeunes de 12 à 18 ans, aux jeunes adultes mais aussi aux parents,
aux professionnels. La première partie du DVD (26 minutes) présente l’histoire d’une famille
vivant dans une banlieue parisienne et qui veut marier sa fille de 17 ans selon les coutumes
de son pays, en lui imposant un mari. La deuxième partie du DVD présente le témoignage
de professionnel-le-s autour de ce thème. Ce DVD permet d’engager des débats autour de
la pratique des mariages forcés et arrangés afin d’informer les jeunes de la
possibilité de les empêcher. Il permet aussi d’informer les professionnels
pour favoriser le repérage et la prise en compte de ces situations.
Actes des rencontres 2003 et 2005
33 « Agir et s’engager contre les violences dans le couple », tel était le thème des rencontres
départementales du 4 mars 2003 et du 8 mars 2005. Ce thème reste d’une grande actualité :
une femme sur 10 est victime de violences de la part de son compagnon , soit 36 000 femmes
en Seine-Saint-Denis et une femme en meurt tous les cinq jours en France.
Des actes ont été publiés à l’issue de ces rencontres et témoignent de la volonté du Conseil
général non pas de victimiser les femmes, mais au contraire de permettre la mobilisation du
plus grand nombre de femmes et d’hommes pour ensemble trouver les solutions pour faire
reculer ces violences.
33 Avec plusieurs dizaines d’interventions, l’originalité de ces actes tient
en ces paroles croisées d’experts, de professionnel-le-s de terrain, de
responsables d’associations qui ensemble ont établi les constats et les
propositions pour mieux comprendre et agir.
ANNEXES
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 103
Ce DVD est disponible à l’Observatoire départemental
des violences envers les femmes.
Les actes des rencontres du 4 mars 2003 et du 8 mars 2005
sont disponibles à l’Observatoire départemental des violences
envers les femmes.
CG93_Observatoire_Violences.indd103 103CG93_Observatoire_Violences.indd103 103 19/12/06 15:58:5119/12/06 15:58:51
« Et si on prenait le parti de Claire ? »
33 Le Mouvement français pour le planning familial (MFPF) est très impliqué dans l’accueil
des femmes victimes de violences et dans la prévention de ces violences.
33 Pour favoriser un échange constructif et permettre la prévention, le MFPF 93 a produit
un débat théâtral, une des techniques du théâtre de l’Opprimé, le théâtre forum : « Et si on
prenait le parti de Claire ». Cette pièce a pour thème des violences faites aux femmes au sein
de leur couple. La création de cette pièce, financée par le Conseil général, a été présentée
à l’occasion de repas de quartiers, organisé durant l’assemblée européenne des femmes et
le Forum Social Européen. De nombreux échanges ont eu lieu à ces occasions, car le Théâtre
Forum permet que le public discute et débatte autour des violences conjugales.
Ainsi « Et si on prenait le parti de Claire » permet de :
33 Sensibiliser une population d’origines diverses (homme / femme – origine culturelle et
origine sociale différente) à la thématique des violences dans le couple ;
33 Montrer les mécanismes qui s’installent au sein d’un couple où s’exprime de la violence
conjugale ;
33 Montrer les conséquences sur les enfants et le phénomène de reproduction de la
violence ;
33 Construire avec le public des propositions pour accompagner la femme victime de violences
et s’en sortir ;
33 Provoquer chez le public une prise de conscience de la complexité des situations de violences
dans le couple et savoir reconnaître dans son entourage des situations identiques à celles
présentes ;
33 Informer le public des démarches possibles, des lois qui entourent les violences dans le
couple ;
33 Pour les professionnels, les représentations jouent un rôle de formation sur les violences
conjugales (développement de leur capacité à repérer et à répondre aux situations de
violences conjugales) ;
page 104 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
LES CRÉATIONS D’OUTILS ET DE SUPPORTS DANS LE CADRE DE L’OBSERVATOIRE
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Résumé des scènes
Claire (l’opprimée) comprend que sa cousine subit des humiliations et des coups de la part de
son conjoint. Le mécanisme des violences conjugales est déjà mis en place. Claire veut aider sa
cousine et tente alors de mobiliser le voisinage, la famille, le professionnel
(médecin de famille). Chaque tentative d’alliance de Claire se solde par un
échec. Mais il faut agir car le jeune fils de la famille risque de reproduire
envers les filles les comportements de son père.
33 Il permet de faire se rencontrer filles et garçons, des femmes et des hommes et de discuter
ensemble des pistes possibles en devenant concrètement un acteur de leur vie face à une
situation donnée.
La séance, d’une durée totale d’une heure trente, se déroule en deux temps :
33 Dans un premier temps l’animateur organise le débat-théâtral, donne les règles. Les
comédiens jouent une première fois la scène. L’opprimé qui pose le problème est en difficulté,
n’obtient pas ce qu’il veut parce que des oppresseurs l’en empêchent.
33 La deuxième partie commence alors. La scène est rejouée.
En s’appuyant sur l’émotion suscitée par les tentatives courageuses mais vaines du
personnage opprimé sur la scène, qui entre en résonance avec ce qu’ils, elles vivent, les filles
les garçons, les hommes et les femmes vont tenter de faire évoluer la situation. Cette fois le
déroulement et l’issue du spectacle sont sous la responsabilité de tous, chacun peut alors venir
sur scène, remplacer le personnage auquel il s’identifie et qui est en difficulté, pour tenter
une proposition, les personnes restant sur scène vont réagir en fonction de la proposition
du public et de leurs volontés.
33 Sur scène, c’est un entraînement qui pourra les aider à réitérer ces tentatives dans la
réalité de leur vie quotidienne. Ils participent ainsi à la remise en cause et à la déconstruction
des stéréotypes sexistes.
ANNEXES
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 105
Pour obtenir cet outil : Mouvement français pour
le planning familial 9322, boulevard Félix-Faure
93200 Saint-DenisTél. : 01 55 84 04 04Fax : 01 48 09 24 80
LE THÉÂTRE FORUM
CG93_Observatoire_Violences.indd105 105CG93_Observatoire_Violences.indd105 105 19/12/06 15:58:5319/12/06 15:58:53
« Les Unes et les Uns »Comportements sexistes en question. Débat théâtral en direction des professionnels.
33 En 2004, dans le cadre de cette deuxième rencontre, le Mouvement français pour le planning
familial de la Seine-Saint-Denis a été invité à présenter un nouvel outil reprenant la forme d’un
théâtre forum et destiné aux professionnel-le-s. Cette création, financée par le Conseil général,
invite les professionnels à ressentir qu’eux mêmes peuvent faire preuve de comportements
sexistes dans leur situation professionnelle.
33 À partir de scènes illustrant la vie d’un service jeunesse, le public est amené à prendre la
place des comédiens pour proposer des solutions face des situations où un professionnel
dénonçant des comportements sexistes n’est pas écouté des autres professionnels.
33 « Les Unes et les Uns » permet que chacun ressente la nécessité de travailler sur les
comportements sexistes avant d’envisager d’organiser des actions de prévention auprès
des jeunes. Cet outil permet également de :
33 Sensibiliser les professionnel-le-s à la représentation des comportements sexistes ;
33 Donner les moyens d’anticiper des réponses face à des situations de comportements
sexistes ;
33 Amener ainsi à ressentir la nécessité de se former pour faire la
prévention sur ce thème ;
33 Obtenir une analyse des réponses et des comportements des
professionnels face à des situations de comportements sexistes.
page 106 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
LES CRÉATIONS D’OUTILS ET DE SUPPORTS DANS LE CADRE DE L’OBSERVATOIRE
Pour obtenir cet outil : Mouvement français pour le
planning familial 9322, boulevard Félix-Faure
93200 Saint-DenisTél. : 01 55 84 04 04Fax : 01 48 09 24 80
CG93_Observatoire_Violences.indd106 106CG93_Observatoire_Violences.indd106 106 19/12/06 15:58:5419/12/06 15:58:54
Actes de la rencontre 2004
33 « La prévention des comportements sexistes dans les relations filles/garçons » est le thème
des actes de la deuxième rencontre organisée par l’Observatoire.
33 Prévenir les délits que constituent les violences et agressions faites aux femmes amène à
réfléchir sur les comportements sexistes. Ces actes amènent à s’interroger sur l’éducation des
filles et des garçons, en interpellant les adultes, parents, enseignants,
animateurs, travailleurs sociaux et médico-sociaux, sur leurs propres
représentations, sur celles proposées par la société.
L’objectif de ces actes est de chercher à mieux comprendre pour construire
une prévention adaptée. Des approches plurielles des comportements
sexistes sont proposées.
Des filles et garçons au collège
33 Prévenir les délits que constituent les violences et agressions sexuelles amène à réfléchir
sur les comportements sexistes. Ceci conduit aussi à s’interroger sur l’éducation des filles et
des garçons, sur les relations qu’ils vivent en tant qu’adolescent-e-s en interpellant les adultes,
parents, enseignants, animateurs, travailleurs sociaux et médico-sociaux.
33 Le film de Stéphane Gatti Filles et garçons au collège montre alternativement des saynètes
du théâtre forum « X=Y ? » proposé par le Mouvement français du planning familial 93 et des
témoignages de jeunes collégiens. Il est ponctué d’interviews d’adultes qui mettent en relation
les propos des jeunes et la prévention des violences faites aux femmes.
Destiné à une sensibilisation sur les comportements sexistes dans les
relations filles / garçons, cet outil de prévention est particulièrement
adapté à la formation ou à la sensibilisation des professionnel-le-s
travaillant auprès des jeunes.
ANNEXES
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 107
Les actes de cette rencontre sont disponibles à
L’Observatoire départemental des violences envers les femmes
Tél. : 01 43 93 41 [email protected]
Ce DVD est disponible à l’Observatoire départemental
des violences envers les femmes.
CG93_Observatoire_Violences.indd107 107CG93_Observatoire_Violences.indd107 107 19/12/06 15:58:5519/12/06 15:58:55
Agir et s’engager contre les mariages forcés
33 Être marié-e à une personne connue ou inconnue contre son gré est une violence physique
et psychique.
33 En France, des dizaines de milliers d’adolescentes d’origine migrante, âgées de 10 à 18 ans,
sont mariées de force ou menacées de l’être. Le GAMS (association spécialisée luttant contre
les mutilations sexuelles faites aux femmes et prévenant la pratique des mariages forcés)
estime leur nombre à 40 000 en Île-de-France pour les années 2000, 2001 et 2002.
33 Les parents de ces jeunes filles ignorent souvent les nouvelles lois de leur pays d’origine.
Ils ignorent aussi qu’elles sont relayées par l’action d’associations autochtones auprès de
la population afin qui celle-ci renonce aux pratiques traditionnelles néfastes.
33 En dépit d’une évolution certaine, l’ONU estime qu’au Mali 43 % des jeunes filles sont
mariées contre leur gré, 9,1 % en Algérie et… 0,8 % en France. La population originaire
d’Afrique Subsaharienne et du Maghreb est importante en Seine-Saint-Denis. C’est pourquoi
les deuxièmes Rencontres des femmes du monde en Seine-Saint-Denis sont organisées
avec des groupes de théâtre-forum malien et français sous le signe du combat commun contre
les mariages forcés.
33 Piloté par l’Observatoire départemental contre les violences envers les femmes, cet
événement se met en place dès le mois de juin 2006 avec la formation, dans leur pays, de
comédiens maliens aux méthodes du Théâtre de l’Opprimé par le groupe du MPPF93 ;
33 Chacun de ces groupes va créer un théâtre-forum sur la thématique des mariages forcés.
page 108 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006
DU 16 AU 30 NOVEMBRE 2006 DEUXIÈMES RENCONTRES DES FEMMES DU MONDE EN SEINE-SAINT-DENIS
CG93_Observatoire_Violences.indd108 108CG93_Observatoire_Violences.indd108 108 19/12/06 15:58:5619/12/06 15:58:56
NOTES
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 109
33 Les créations maliennes seront d’abord représentées dix fois aux habitants de Bamako. Ceux
de la Seine-Saint-Denis les découvriront dans vingt villes, en même temps que la création du
groupe de MPPF93, lors des Rencontres de novembre.
33 En ouverture de ces quinze jours d’échanges, et d’élaboration collective, l’Observatoire va
présenter « le protocole sur les mariages forcés », un document destiné aux professionnels
pour qu’ils aident au mieux les jeunes filles mariées de force ou en risque de l’être.
33 Les partenaires des Rencontres 2006 :
- Conseil général de la Seine-Saint-Denis ;
- Le Mouvement français du planning familial de la Seine Saint Denis ;
- Conseil régional d’Île-de-France (démocratie participative-relations internationales) ;
- Comité régional du tourisme d’Île-de-France ;
- Ville de Montreuil ;
- Tract (Compagnie théâtrale malienne) ;
- Association Zanzibar.
33 Les premières Rencontres de femmes du monde en Seine-Saint-Denis se sont déroulées
du 15 au 26 novembre 2005, en partenariat avec quinze villes du département. Invité à
appréhender le phénomène des violences conjugales grâce au support de théâtres-forums
proposés par des groupes français, malien, brésilien et indien, un public
de 3 000 habitants a proposé des solutions pour y mettre un terme. Il a
du même coup mis en lumière la capacité de participation des citoyens
pour résoudre des problèmes qui les touchent de près. Et l’efficacité
des méthodes du Théâtre de l’Opprimé en Seine-Saint-Denis comme dans
le monde entier.
“Des habitants s'engagent contre les violences envers les femmes”, compte-rendu
des premières Rencontres de Femmes du monde en Seine-Saint-Denis est
disponible à l'Observatoire départemental des violences envers les femmes.
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LES MÉDIAS EN ONT PARLÉ
LA PRÉVENTION DES DISCRIMINATIONS ET VIOLENCES SEXISTES AU TRAVAILI
PRESSEI
33 Le journal du dimanche (06/03/06)
33 Le Parisien (07/03/06)
33 Bonjour Bobigny (16/03/06)
33 France bleu (08/03/06)
33 7 Jours à Stains (16/03/06)
33 AFP (12/09/06)
33 Le Parisien (13/09/06)
33 France bleu (13/09/06)
33 Europe 1 (13/09/06)
33 Humanité (13/09/06)
CAMPAGNE D’AFFICHAGEI
33 Métro (17/05/06)
MARCHE SILENCIEUSEI
33 Montreuil dépêche (23/05/06)
33 Le Parisien (08/09/06)
33 AFP (11/09/06)
33 Le Parisien (12/09/06)
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ANNEXES
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 111
COUPE DU MONDE ET PROSTITUTION I
33 France Info (29/05/06)
33 Le Parisien (29/05/06)
33 France bleu (28/05/06)
DIVERSI
33 Paris Obs (16/02/06)
33 RMC info (12/07/06)
33 La Gazette des communes (12/09/06)
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SERVICES ET ASSOCIATIONS PARTENAIRES DE L’OBSERVATOIRE DÉPARTEMENTALDES VIOLENCES ENVERS LES FEMMES
Service RMI 01 43 93 84 14
Service de la prévention
et des actions sanitaires 01 43 93 85 09
Service social 01 43 93 83 71
Service des crèches 01 43 93 75 07
Service de la PMI 01 43 93 80 56
Service de l’aide sociale
à l’enfance 01 43 93 81 75
Observatoire de l’enfance
en danger 01 43 93 81 89
01 43 93 79 58
01 43 93 79 71
Pour les statistiques 01 43 93 79 87
Service des personnes âgées 01 43 93 86 20
Pour les statistiques 01 43 93 91 88
Mission Europe 01 43 93 77 06
01 41 60 16 60
01 41 60 89 17
01 43 93 90 70
01 43 93 77 66
01 43 93 77 61
01 43 93 78 63
01 43 93 78 75
Direction de la Prévention
et de l’Action sociale
Direction de l’Enfance et de la Famille
Direction de la Culture, de la Jeunesse et du Sport
Direction des Collèges
et des Actions pour la formation
Direction de la Population âgée
et des Personnes handicapées
Direction de l’Aménagement et du Développement
Mission départementale
de Prévention des conduites
à risques et des toxicomanies
28, rue du Lieutenant-Lebrun
93000 Bobigny
Email : [email protected]
Via le Monde
Mission Seine-Saint-Denis
Vivre le monde ensemble
Mission de la Coopération décentralisée
et Culture de la paix
Mission générale de la sûreté
et de sécurité
LES SERVICES DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENISI
Toute correspondance
au Conseil général de la
Seine-Saint-Denis
doit être adressée à :
Monsieur le Président
du Conseil général,
Hôtel du Département
BP 193
93003 Bobigny cedex
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ANNEXES
Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 113
DDASS
Immeuble Européen
5/7, promenade Jean-Rostand
93005 Bobigny cedex 01 41 60 70 06
Préfecture de la Seine-Saint-Denis
Délégation départementale aux Droits des femmes et à l’Égalité
Déléguée départementale : Sylviane LE CLERC
124, rue Carnot – 93007 Bobigny
Email : [email protected] 01 41 60 64 73
Direction départementale de la Sécurité publique
de la Seine-Saint-Denis
Cité administrative N2 Bât L
362, avenue Paul-Vaillant-Couturier
93007 Bobigny cedex 01 49 33 85 60
Direction départementale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse
de la Seine-Saint-Denis
38, voie de la Résistance
93697 Pantin 01 41 60 52 53
Éducation nationale
Inspection académique de Seine-Saint-Denis
3, avenue Paul-Vaillant-Couturier
93000 Bobigny
LES SERVICES DE L’ÉTAT EN SEINE-SAINT-DENIS
LES ASSOCIATIONS EN SEINE-SAINT-DENIS
Accion Artistica
9/11, rue Génin – 93200 Saint-Denis
Email : [email protected] 01 53 28 22 01
Amicale du Nid
11/13, rue Félix-Merlin – 93800 Epinay-sur-Seine
Email : [email protected] 01 41 68 20 28
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SERVICES ET ASSOCIATIONS PARTENAIRES DE L’OBSERVATOIRE DÉPARTMENTALDES VIOLENCES ENVERS LES FEMMES
Association Service Social Familial Migrants
25, rue du Pont-Blanc – 93300 Aubervilliers 01 48 33 40 11
Association des femmes relais
et médiateurs interculturels d’Aulnay-sous-Bois
25, allée Bourdonnais – 93600 Aulnay-sous-Bois 01 48 68 02 97
Association des femmes relais
et médiateurs interculturels de Bobigny
8 bis, rue d’Oslo – 93000 Bobigny 01 48 50 24 27
Centre d’information sur les droits des femmes
et des familles en Seine-Saint-Denis
1, rue Pierre-Curie – 93120 La Courneuve
Email : [email protected] 01 48 36 99 02
Citoyenneté Jeunesse
29, rue Voltaire – 93700 Drancy
Email : [email protected] 01 48 31 53 40
Femmes Solidaires
9/11, rue Génin – 93200 Saint-Denis
Email : [email protected] 01 48 47 44 97
Fondation 93
70, rue Douy-Delcupe – 93100 Montreuil
Email : [email protected] 01 49 88 66 33
Mouvement français pour le planning familial
22, boulevard Félix-Faure – 93200 Saint-Denis
Email : [email protected] 01 55 84 04 04
SOS Femmes
20, route de Villemomble – 93140 Bondy
Email : [email protected] 01 48 48 10 48
Voix d’Elles Rebelles
Cité Gabriel-Péri
1, place Lautréamont – 93200 Saint-Denis
Email : [email protected] 01 48 22 93 29
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Conseil général de la Seine-Saint-Denis
Direction de la prévention et de l’action sociale /
Direction de la communication
Conception : Anatome 2006
Crédits photos : couverture /
Corinne ProvostThéâtre de l’Opprimé /
Sergio Bravo
La rencontre a été animée par Dominique RoussetCoordination des Actes par Ernestine Ronai et Nadia Monteggia
Département de la Seine-Saint-DenisDirection de la prévention et de l’action socialeObservatoire départemental des violences envers les femmes
Ernestine Ronai01 43 93 41 93Email : [email protected]
Secrétariat01 43 93 41 95
Hôtel du DépartementBP 19393003 Bobigny cedex