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210 CLUB ENDOCRINOLOGIE : DISCUSSION que, l'hyperproduction de lactates est un m6ca- nisme salvateur pour les cellules : si elles ne peu- vent plus faire de lactates, elles meurent parce qu'elles n'ont plus d'ATP du tout. Par cons6quent, qu'il y ait une hyperproduction de lactates c'est tr~s bien mais ce qu'il faut derriere c'est une toute petite usine pour transformer ces lactates et c'est le foie. Le probl6me que vous venez de soulever ici, c'est la diff6rence qui existe entre une hyper- production, musculaire entre autres, de lactates, et une consommation h6patique et cela fait appel deux m6canismes : le premier concerne l'utilisation des lactates au niveau du foie par la n6oglucoge- n6se : on sait que des acidoses minimes stimulent l'utilisation de lactates, stimulent nettement la n6oglucogen~se et ~ ce moment (ce sont des tra- vaux faits dans mon laboratoire in vitro), on peut stimuler la captation de lactates. Mais pour des acidoses importantes, il existe des troubles h6mo- dynamiques (comme au niveau de la circulation splanchnique, avec baisse du d6bit h6patique) ; il existe tr~s vraisemblablement aussi des anomalies de transports transmembranaires qui font que l'on a une sous-consommation de lactates. Pour ce qui est du deuxi~me point et dans le cas de votre collaborateur qui a <<craqu6 >> pour du bicarbonate ~ 42/1000, l'explication est que dans cette situation-l~ (je ne sais quelle 6tait la vol6mie du patient, donc on ne discutera pas de sodium) ce qui est s0r c'est que de monter au- dessus d'un certain pH critique, cela change le probl~me et pour vous citer un exemple que je connais tr6s bien qui est celui de l'h6modialyse des hyperlactat6mies, ce que l'on fait couramment ce sont des mesures un petit peu indirectes du <<turn- over >> des lactates en faisant des hyperlactat6mies provoqu6es pour avoir des pentes. Je peux vous dire que la plupart des malades qui ont des lac- tates 61ev6s ont une pente qui est quasiment hori- zontale, c'est-h-dire qu'ils ne consomment pas. On peut montrer que lorsqu'on dialyse ces malades, lorsque l'on atteint un pH critique, on voit cette pente qui bascule et tout-h-coup ce n'est plus du tout le lactate qu'on 6pure dans le bain de dialyse, c'est le foie qui se remet ~ utiliser du lactate. Doric, je ne suis pas du tout contre le fait de penser que, dans certains cas, passer au-dessus d'une situation critique change la situation mais ce que je ne sais pas, c'est le r61e respectif du pH proprement dit, du d6bit h6patique etc. DISCUSSION DE LA CONFI~RENCE : ALCALOSE MI~TABOLIQUE (O. GRIMAUD) er V. BANSSILLON (Lyon) : Comment expliques-tu que ies alcaloses m6taboliques chroniques des hypermin~ralocorticoticismes, comme on peut les rencontrer en dehors du contexte de r6animation, sont le plus souvent moins graves que celles que l'on rencontre en r6animation ? Personnellement, j'ai tr~s peu l'exp6rience de ce type d'alcalose m6tabolique ; j'ai peut-6tre dfi en voir une fois ou deux chez des malades qui ont abouti dans le service pour autre chose. J'ai l'impression malgr6 tout qu'elles sont un petit peu moins graves que celles que l'on peut rencontrer dans un contexte de r6animation et que l'ampleur des r6percussions, en particulier sur le d6bit san- guin c6r6bral, n'est absolument pas la m6me. Je crois qu'on parle en fait de maladies un peu diff6rentes. pr D. PAYEN (Paris): Nous avons bien re~u le message de l'extr~me gravit6 et fr~quence de l'alca- lose m6tabolique par rapport ~ l'acidose m6taboli- que, c'est tr~s important. Peux-tu nous dire s'ii existe des relations tr~s claires entre les variations du pH, qu'elles soient d'origine m~tabolique ou respiratoire, et les variations de d6bit au niveau de la circulation h~patosplanchnique ? Je n'ai pas le souvenir d'avoir lu des travaux qui faisaient le point des effets de l'alcalose m6taboli- que sur la circulation splanchnique. En revanche, il y a des articles tr6s bien document6s au cours des ann6es 70 (HV~HES, JOHNSON) qui ont montr6 qu'une augmentation du pH par hypocapnie 6tait responsable d'une diminution du d6bit splanchni- que. FUJITA en 1989 n'a pas retrouv6 cet effet. pr X. LEVERVE : Je suis d'accord pour le lactate mais je trouve que tu exag~res un petit peu en shuntant le probl~me des acides amin6s. Je te rap- pellerai juste que le r~le du foie dans la synth/~se de l'ur6e correspond ~ une mole de bicarbonates par 24 h, ce qui est absolument hallucinant. Par cons6quent, dans l'insuffisance h6patocellulaire on peut discuter longtemps sur le rble des lactates, je te dirai que c'est le cycle de l'ur6e qui est en cause.

Discussion de la Conférence : Alcalose Métabolique

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Page 1: Discussion de la Conférence : Alcalose Métabolique

210 CLUB ENDOCRINOLOGIE : DISCUSSION

que, l 'hyperproduction de lactates est un m6ca- nisme salvateur pour les cellules : si elles ne peu- vent plus faire de lactates, elles meurent parce qu'elles n 'ont plus d 'ATP du tout. Par cons6quent, qu'il y ait une hyperproduction de lactates c'est tr~s bien mais ce qu'il faut derriere c'est une toute petite usine pour transformer ces lactates et c'est le foie. Le probl6me que vous venez de soulever ici, c'est la diff6rence qui existe entre une hyper- production, musculaire entre autres, de lactates, et une consommation h6patique et cela fait appel deux m6canismes : le premier concerne l'utilisation des lactates au niveau du foie par la n6oglucoge- n6se : on sait que des acidoses minimes stimulent l'utilisation de lactates, stimulent net tement la n6oglucogen~se et ~ ce moment (ce sont des tra- vaux faits dans mon laboratoire in vitro), on peut stimuler la captation de lactates. Mais pour des acidoses importantes, il existe des troubles h6mo- dynamiques (comme au niveau de la circulation splanchnique, avec baisse du d6bit h6patique) ; il existe tr~s vraisemblablement aussi des anomalies de transports transmembranaires qui font que l 'on a une sous-consommation de lactates.

Pour ce qui est du deuxi~me point et dans le

cas de votre collaborateur qui a << craqu6 >> pour du bicarbonate ~ 42/1000, l 'explication est que dans cette situation-l~ (je ne sais quelle 6tait la vol6mie du patient, donc on ne discutera pas de sodium) ce qui est s0r c'est que de monter au- dessus d'un certain pH critique, cela change le probl~me et pour vous citer un exemple que je connais tr6s bien qui est celui de l 'h6modialyse des hyperlactat6mies, ce que l 'on fait couramment ce sont des mesures un petit peu indirectes du << turn- over >> des lactates en faisant des hyperlactat6mies provoqu6es pour avoir des pentes. Je peux vous dire que la plupart des malades qui ont des lac- tates 61ev6s ont une pente qui est quasiment hori- zontale, c'est-h-dire qu'ils ne consomment pas. On peut montrer que lorsqu'on dialyse ces malades, lorsque l 'on atteint un pH critique, o n voit cette pente qui bascule et tout-h-coup ce n'est plus du tout le lactate qu'on 6pure dans le bain de dialyse, c'est le foie qui se remet ~ utiliser du lactate. Doric, je ne suis pas du tout contre le fait de penser que, dans certains cas, passer au-dessus d 'une situation critique change la situation mais ce que je ne sais pas, c'est le r61e respectif du pH proprement dit, du d6bit h6patique etc.

D I S C U S S I O N D E L A C O N F I ~ R E N C E : A L C A L O S E M I ~ T A B O L I Q U E

( O . GRIMAUD)

er V. BANSSILLON (Lyon) : Comment expliques-tu que ies alcaloses m6taboliques chroniques des hypermin~ralocorticoticismes, comme on peut les rencontrer en dehors du contexte de r6animation, sont le plus souvent moins graves que celles que l'on rencontre en r6animation ?

Personnellement, j 'ai tr~s peu l 'exp6rience de ce type d'alcalose m6tabolique ; j 'ai peut-6tre dfi en voir une fois ou deux chez des malades qui ont abouti dans le service pour autre chose. J'ai l 'impression malgr6 tout qu'elles sont un petit peu moins graves que celles que l 'on peut rencontrer dans un contexte de r6animation et que l 'ampleur des r6percussions, en particulier sur le d6bit san- guin c6r6bral, n'est absolument pas la m6me. Je crois qu 'on parle en fait de maladies un peu diff6rentes.

pr D. PAYEN (Paris): Nous avons bien re~u le message de l'extr~me gravit6 et fr~quence de l'alca- lose m6tabolique par rapport ~ l'acidose m6taboli- que, c'est tr~s important. Peux-tu nous dire s'ii

existe des relations tr~s claires entre les variations du pH, qu'elles soient d'origine m~tabolique ou respiratoire, et les variations de d6bit au niveau de la circulation h~patosplanchnique ?

Je n'ai pas le souvenir d'avoir lu des travaux qui faisaient le point des effets de l'alcalose m6taboli- que sur la circulation splanchnique. En revanche, il y a des articles tr6s bien document6s au cours des ann6es 70 (HV~HES, JOHNSON) qui ont montr6 qu'une augmentation du pH par hypocapnie 6tait responsable d 'une diminution du d6bit splanchni- que. FUJITA en 1989 n'a pas retrouv6 cet effet.

pr X. LEVERVE : Je suis d'accord pour le lactate mais je trouve que tu exag~res un petit peu en shuntant le probl~me des acides amin6s. Je te rap- pellerai juste que le r~le du foie dans la synth/~se de l'ur6e correspond ~ une mole de bicarbonates par 24 h, ce qui est absolument hallucinant. Par cons6quent, dans l'insuffisance h6patocellulaire on peut discuter longtemps sur le rble des lactates, je te dirai que c'est le cycle de l'ur6e qui est en cause.

Page 2: Discussion de la Conférence : Alcalose Métabolique

CLUB ENDOCRINOLOGIE : DISCUSSION 211

D r X. : Je voudrais faire une boutade : certains ont peur de l'alcalose m~tabolique, mais j'avais appris que ce qui faisait la gravit~ c'~tait si se greffait par-dessus une acidose m~tabolique. Donc au bout du compte, c'est malgr~ tout l'acidose m~tabolique qui tue.

C'est vrai qu'on peut faire une acidose m6taboli- que sur une alcalose m6tabolique et c'est la raison pour laquelle je vous ai parl6 des possibilit6s d'augmentation du trou anionique dans les alca- loses m6taboliques. Mais qu 'on le veuille ou non, il y a quand m~me par l 'acidose m6tabolique un tamponnement du pH ; d o n c on ne mourra pas de l'acidose m6tabolique mais de la cause de cette acidose m6tabolique et c'est peut-6tre justement l 'aboutissement terminal de l'alcalose m6tabolique pr6existante.

pr V. BANSSILLON (Lyon) : Que penses-tu de ras- sociation alcalose ventilatoire et alcalose m(~tabo- lique ?

Je te rappelle le travail tr~s int6ressant d'OKU- SAWA qui montre que l'alcalose ventilatoire h elle seule est responsable de 18 % de d6c6s et la mixte de 6 1 % pour un pH identique. Tu vois a quel point l 'effet cumulatif peut 6tre important. Donc ce n'est pas l'alcalose ventilatoire qui est la plus grave, c'est l'alcalose m6tabolique. L'association des deux, l'alcalose mixte, se retrouve au cours de certaines enc6phalopathies m6taboliques. L'enc6- phalopathie de l'insuffisant h6patique est typique cet 6gard : coexistent ~ la lois une alcalose m6ta- bolique et une alcalose respiratoire.., sur les- quelles vient se greffer, en phase terminale, une acidose m6tabolique avec hyperlactat6mie.