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Discussion générale et conclusions

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DISCUSSION GI NI RALE ET CONCLUSIONS

p a r

PIERRE RAT *

Nous retiendrons trois grands points de la discus- sion finale, apr~s que toutes les communications aient ~t6 pr6sent6es.

1 - - PEUT-ON ENCORE PARLER D 'URGONIEN ?

Le titre du colloque utilisait le nom << urgonien >> et les auteurs qui ont apport6 leur contribution ne s'y sont pas tromp6s. Certes les communicatioias ont refl6t6 des pr6occupations tr~s diverses (biostratigra- phie, analyses ou constructions s6dimentologiques, g6ochimie, analyses r6gionales...), mais il n 'y a pas eu d'6quivoque sur l 'objet m~me du colloque : des s6ries m6sog~ennes, du Cr~tac6 inf6rieur, dans lesquelles la s6dimentation carbonat6e de plate-forme, avec Rudis- tes non constructeurs, donne le trait caract6ristique. Pour certains (J. Perriaux, P. Rat...) cela justifie que l 'on continue ~t employer, d 'une mani~re non forma- liste, le terme d'urgonien t~ qui a 6t6 un th~me unifica- teur dans ce colloque off les approches furent tr~s diverses >~ (J. Rey).

D'autres (J.-P. Masse...) estiment que le mot devrait ~tre banni du vocabulaire g6ologique. Avec les moyens actuels de la stratigraphie, de la pal6ontologie

et de la s6dimentologie, on peut lui substituer des concepts plus rigoureux, une nomenclature plus pr6- cise. Le mot, <~ h6ritage historique li6 aux conceptions de l 'Europe off la premi6re pr6occupation a 6t6 de dater >> (B. Porthault), serait aujourd'hui plus g~nant qu'utile.

J.-P. Masse explicite ainsi sa pens6e : << Les tra- vaux qui traitent de 1'<~ Urgonien >> montrent la varikt6 des acceptions de ce vocable, ~ la fois sur les plans :

- - s t r a t i g r a p h i q u e : certains au teurs limitent l 'appellation aux formations du Barr6mien-Aptien, d,~autres l '6tendent ~ tout le Cr6tac6 inf~rieur,

- - lithologique : certains restreignent le terme aux calcaires ~ Rudistes (sens primitif), d'autres l '6tendent aux calcaires adjacents (oobioclastiques ou

Cnidaires par exemple) voire aux facies terrig~nes associ6s (cf. ~< complexes urgoniens >>).

L'ambigu'it6 du mot, cr66e par l'usage et inscrite dans le processus de d6naturation du sens originel, a 6t6 ~t l 'origine de son succ~s aupr~s de ceux qui, priv6s des moyens que nous avons aujourd'hui (outils bio- stratigraphiques, lithostratigraphiques~ p6trographi- ques, concepts s6dimentologiques et pal6o6cologi- ques) 6prouvaient un certain confort intellectuel masquer leurs doutes ou leur ignorance au moyen d 'un tel terme.

* Universi t6 de Dijon - lnsti tut des Sciences de la Te r re - 6, bou leva rd Gabr ie l - 21100 Dijon

G6obios, M6moire sp6cial n ° 3, p. 401-404 Lyon, 1979

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Compte tenu des connaissances dont nohs dispo- sons actuellement, il semble possible de faire cesser les malentendus et les confusions cr66s par l 'emploi abu- sif du qualificatif ~ urgonien , .

Deux possibilit6s nous sont offertes :

a - - Proposer une red6finition rigoureuse du terme qui ne laisse aucune ambigu~'t6 sur son sens. La diffi- cult6 de r6aliser l 'unanimit6 des chercheurs sur une telle d6finition rend cette tentative illusoire, le consen- sus n '6tant en effet r6alis6 que sur une signification relativement floue. Dans cette optique une nouvelle formulation sur la d6finition de 1963 pourrait ~tre propos6e : le qualificatif d'urgonien doit ~tre r~serv~ pour d~signer certains facies du Cr~tac~ inf~rieur, on souhaite voir son emploi limit~ aux calcaires d Requie- niidae et dl ceux qui leur sont directement associ~s.

Ces amendements apport6s aux conclusions du colloque de !963, r6sulteraient de l 'accord qui semble s'~tre r6alis~ pour 6tendre la notion de ~ calcaires u r g o n i e n s , ~ tousles carbonates de plates-formes du Cr6tac6 inf6rieur. De ce fait, compte tenu de sa r6par- tition stratigraphique, le genre Toucasia ne peut plus &re consid6r6 comme le marqueur faciologique d6ter- minant ; il convient de lui substituer un signifiant taxonomique plus large (i. e. Requieniidae : dont les principaux genres : Matheronia, Requienia, Toucasia et Pseudotoucasia, se relaient plus ou moins du Ber- riasien ~t l 'Albien).

b - - Recommander de substituer chaque fois qu'il est possible, au qualificatif ~ u r g o n i e n , des ter- mes lithologiques ou p6trographiques descriptifs pr6- cis (ex : calcaires h Rudistes, calcaires oolithiques, calcaires /~ Cnidaires, etc.), assortis des pr6cisions biostratigraphiques aff6rentes.

D'autre part l 'extension du qualificatif urgonien des ensembles (l 'expression complexe urgonien a 6t6

employ6e au cours du colloque pou r l 'E spagne canta- brique et ib6rique, pour la Bulgarie~otl se m~tent ter- rig+nes et calcaires, dans lesquels les niveaux calcaires (typiquement urgoniens au sens de facies calcaires) sont tr6s subordonn6s et qui peuvent ~tre d'~ges assez diff6rents (voir article P. Rat et A. Pascal), choque certains participants (J. Flandrin). Les r6actions d6pendent beaucoup de la r6gion, de l '6poque ot~ l 'on a pris contact avec ~ l ' u r g o n i e n , qui reste avant tout une notion de terrain.

Urgonien est en fait un terme tr6s flou qui peut ~tre utile au d6part d 'un travail, au d6but d 'une explo- ration, mais qu' i l ne convient plus de garder lorsqu'on arrive au terme de l 'analyse (J. Delfaud).

La discussion fait bien ressortir l ' a f f rontement de deux tournures d'esprit . L 'une assez formelle, voire 16galiste, qui souhaite des d6cisions et des d6fini- tions pr6cises. L 'autre , plus souple, qui pense que le r61e de la r6gle, comme en grammaire, n 'est que de constater l 'usage.

La question, mieux 6clair6e, reste donc cepen- dant ouverte.

2 - - L ' E X P L I C A T I O N D U ~< P H I ~ N O M I ~ N E U R G O N I E N : L ' E N V I R O N N E M E N T

D E S P L A T E S - F O R M E S C A R B O N A T I ~ E S D U C R I ~ T A C I ~ I N F I ~ R I E U R

a - - Dans quelle mesure ces plates-formes ont- elles une originalit~ par rapport d celles du Jurassique et ~ celles du Cr~tac~ sup~rieur ? - J. Delfaud, reve- nant sur les conclusions exprim6es dans la communi- cation de P. Rat et A. Pascal, estime que les plates- formes urgoniennes correspondaient ~t un environne- ment dynamique assez d6fini, diff6rent de celui des plates-formes jurassiques qui les ont pr6c6d6es, diff6- rent aussi de celui du Cr6tac6 sup6rieur. II faudrait objectiver ces diff6rences, ce qui pourrait faire l 'objet de travaux futurs.

Les plates-formes du Cr6tac6 inf6rieur, souvent install6es sur des horst du socle, ne sont plus les plates-formes stables du Jurassique, ce qui se traduit sur coupe aussi bien que sur carte. Aux tectoniciens

d' intervenir et de fournir des modules aux s6dimento- logues (J. Delfaud).

J .-P. Masse et H. Arnaud ne sont pas convaincus de l'existence de teUes diff6rences entre le Jurassique et le Cr6tac6, sui'tout le tout d6but du Cr6tac6 : ~ Dans le S.E. de la France les plates-formes du Valanginien-Aptien inf6rieur ressemblent beaucoup leurs homologues du Kimm6ridgien-Portlandien. En effet on y relive :

- - des dimensions radiales du m~me ordre de grandeur,

- - u n e zonation des milieux tr~s semblable : Cnidaires et corps oolitiques en position externe, peu- plements ~t Rudistes internes, m~me caract6ristiques des environnements marginolit toraux (faible propor-

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tion de mat6riel terrig~ne notamment) , modalit6s de passage au bassin pr6sentant des caract6ristiques assez voisines. Le contrSle tectonique et la stabilit6 des plates-formes 6ocr6tac6es ne different pas sensible- ment de ce qu'ils 6taient au Jurassique sup6rieur.

I1 en va tout autrement des plates-formes carbo- nat6es du Cr6tac6 sup6rieur, caract6ris6es par :

- - des dimensions plus petites li6es ~t un morcel- lement, r6sultant des modifications pal6og6ographi- ques m6diocr6tac6es,

- - des venues terrig~nes beaucoup plus impor- tantes, notamment dans les milieux internes qui pas- sent aux zones paraliques (~t lignites) ou deltaYques.

Ces perturbations aboutissent ~t des changements dans la zonation des milieux et des organismes. I1 semble que dans de nombreuses r6gions, le change- ment de r6gime s 'effectue h l 'Aptien sup6rieur, p6riode qui se caract6rise en outre par d ' importantes modifications pal6ontologiques :

- - explosion des grands Orbitolinidae,

- - apparit ion des Radiolitidae et d6veloppement des Caprotinidae aux d6pens des Requieniidae, Monopleuridae, ce qui conf~re aux s6ries A Rudistes une physionomie nouvelle,

- - r6duction consid6rable du nombre d'esp~ces de Dasycladac6es et d6veloppement des Corallinac6es,

- - grand d6veloppement des Foraminif~res planctoniques (J.-P. Masse).

On souligne aussi que, dans l 'intervalle allant du Valanginien h l 'Albien qu 'a embrass6 le colloque, bien des changements se sont produits : d a n s les Rudistes et les aut.res organismes, ainsi que dans la s6dimentation.

La question est pos6e et, elle aussi, reste ouverte.

b - - Le ContrOle climatique. L'urgonien, si urgo- nien il y a, est un ph6nom~ne plan6taire (O. Macso- tay), te contr61e du climat a indiscutablement jou6 (note P. Ra t et A. Pascal du colloque). Les d6charges terrig~nes de plus en plus d6velopp6es vers le Sud 6vo-

quent ce que l 'on voit, actuellement, entre zone 6qua- toriale et zone tropicale ; cependant, de l 'autre c6t6, la limite nord de l 'Urgonien alpin et jurassien ne serait pas climatique (J.-P. Masse ; voir J .-P. Masse, th~se 1976). Des suggestions ont 6t6 faites (O. Macsotay) pour tenter d'expliquer le ph6nom~ne urgonien par les ph6nom~nes thermiques li6s aux courants oc6aniques. La g6ochimie et la pal6og6ographie pourraient aider A cerner ce ct~ntr61e climatique.

c - - De la place des Rudistes, et autres organis- rues. Un grand nombre de communications ont fait intervenir la pal6o6cologie, ce qui est tr~s important . Les biotopes A Rudistes du Cr6tac6 inf6rieur ne sont pas tous identiques, ils sont m~me parfois tr~s diff6- rents par leurs caract~res, par la faune pr6sente. Les communications du col loque donnent l ' impression qu 'on les place syst6matiquement en position interne dans les sch6mas de plates-formes. Mais est-ce tou- jours valable pour l 'urgonien h Polyconites, les cons- tructions a Radiolitid6s ? La question est soulev6e par J. Philip.

La communicat ion pr6sent6e dans le pr6sent col- loque par J .-P. Masse apporte une r6ponse. I1 y est montr6 A partir d 'exemples pris dans diff6rentes r6gions du Sud de la France et en Afrique du Nord, que du Berriasien A l 'Aptien sup6rieur inclus, les peu- plements h Rudistes occupent effectivement les zones internes des plates-formes ; il ne semble pas exister d 'exception ~t cette r6gle. Cependant on ne peut exclure que des individus isol6s ou group6s en petit nombre, appartenant h des esp6ces particuli6res, aient pu prosp6rer localement en position externe : Pseudo- toucasia et Polyconites sont connues dans des marnes circalittorales des Pyr6n6es (B. Peybern+s).

Et l 'on peut 6tendre la question aux Echinoder- mes, aux divers types d'Orbitolinid6s, etc. dont la dis- tribution, bien connue dans l 'urgonien proven?al, pr6sente des variations en d 'autres r6gions (dans les syst~mes urgoniens ~t d6tritiques en particulier) et selon les 6poques (voir note J. Rey).

3 - - A V E N I R D E S R E C H E R C H E S

Le colloque semble avoir montr6 que les recher- ches sur les formations calcaires ~ urgoniennes )) n'6taient pas au m~me degr6 d 'avancement , surtout pour la s6dimentologie, selon les r6gions. I1 serait sou- haitable que, progressivement, la connaissance de

toutes les r6gions ~ m6diterran6ennes ~ parvienne au m~me niveau de fa?on A permettre des comparaisons pr6cises, A 6tablir les relations entre ces formations et les d6placements et d6formations structurales de l 'ensemble de l 'actuel bassin m6diterran6en au Cr6-

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tac6 inf6rieur. L'6tude de l'urgonien, tr6s 1i6 ~t la mobilit6 du support, devrait permettre une approche s6dimentologique du jeu tectonique et de l'histoire et de la g6ographie de la M6sog6e au Cr6tac6 inf6rieur.

Cela impose certaines r6visions (le Schrattenkalk de Suisse par exemple), ainsi que des 6tudes compl6- mentaires sur les r6gions les moins bien connues. Cela suppose, bien que des progr~s consid6rables aient 6t6 faits (le colloque de Lyon en 1963 peut servir de r6f6- rence), gr~tce aux Orbitolinid6s en particulier, que les corr61ations et datations biostratigraphiques soient

encore plus assur6es... Ces d6veloppements demande- raient une structure de concertation que le Groupe fran~ais du Cr6tac6, initiateur du colloque, s'emploiera ~t mettre en place.

Divers th6mes pourraient ~tre propos6s pour de futures activit6s ~. l'6chelle m6sog6enne : le contexte pal6oclimatique des complexes de type urgonien, la d6termination de la profondeur des d6p6ts (P. Cotillon), la place des syst~mes urgoniens ~ l'int6rieur du cadre g6odynamique du Cr6tac6 inf6rieur...