4
 Peut-on dire que les pouvoirs du juge administratif connaissent une évolution dans le système contemporain? De nos jours, le système juridique français repose sur deux ordres de juridiction. Le juge administratif est le juge de la juridiction administrative par opposition à la juridiction judiciaire, office du juge judiciaire. Le droit administratif, qui se définit comme l'ensemble des règles du droit  public qui s'appliquent à l'activité administrative, est historiquement prétorien, il naît du juge. Par conséquence, la jurisprudence reste l'une de ses sources les plus importantes. Mais il existe de nombreux cas où la relation administration/citoyen est jugée par le juge judiciaire puisqu'en effet, le  juge administratif n'a pas le monopole du contentieux de l'administration. Mais tous ces constats résultent de la création de la juridiction administrative et de son évolution historique qui a été longue et constituée en étapes décisives. Aussi, au XIXème siècle l'action administrative s'intensifie et se diversifie constamment or, depuis l'article 10 de la loi des 16, 25 août 1790, sur l'organisation judiciaire qui met en oeuvre la séparation des pouvoirs, les fonctions judiciaires sont et demeureront toujours séparées. Les juges ne pourront troubler à peine de forfaiture, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leur fonction. Ainsi, ce contexte soulève inévitablement des réclamations. Se pose alors la question de savoir qui va les traiter puisque le juge judiciaire est désormais incompétent. Le choix va d'abord se porter sur les ministres auxquelles ces réclamations sont adressées, c'est la théorie dite du « ministre-juge », puis sur le rapport de ces derniers, le Conseil d'État issu du Consulat et crée par l'article 52 de la Constitution du 13 décembre 1799, est chargé, en plus de ses attributions législatives et administratives, de «résoudre les difficultés qui s'élèvent en matière administratives». En réalité, le Conseil d'État n'est pas immédiatement considéré comme un juge, il donne à l'empereur/roi des avis que ce dernier peut ne pas suivre dans la décision qu'il prend pour régler l'affaire, ce qui renvoie au système de la « justice retenue ». Dans la pratique, les avis du Conseil d'État, (CE), ont presque toujours été suivis, de sorte que l'habitude s'est prise de le considérer comme le véritable décideur. La loi du 24 mai 1872 en fait officiellement un juge statuant statuant « souverainement au nom du peuple français ». ce qui renvoie au système de la « justice déléguée ». les dernières traces de la théorie du « ministre-juge » disparaissent définitivement avec l'arrêt Cadot rendu par le CE le 13 décembre 1889 qui s'autoproclame la juridictio n de droit commun en matière administrative ; elle peut dès lors être saisie directement par un administré sans qu'un texte spécial l'y autorise. L'arrêt Blanco, rendu par le Tribunal des conflits le 8 février 1873, exprime avec force le pouvoir de la jurisprudence lorsque la loi est muette, le premier à donner au droit administratif son caractère prétorien. En confiant au juge administratif la compétence pour statuer et la mission de dégager les règles à appliquer, il confirme la liaison de la compétence du juge et du fond du droit. Principe qui, en plus d'associer juge et droit administratif fait de celui-ci la chose du juge. Le XIXème siècle a donc été décisif en ce qu'il a permis à la France de se doter d'un juge administratif  premier pays à l'avoir fait. Son évolution a été continue mais loin d'être aisée puisqu'en effet, par manque d'indépendance politique le Conseil d'État s'est vu disparaître de manière heureusement éphémère en 1851 et de 1870 à 1872. Avec ses attributions qui viennent d'être détaillées, le juge administratif a acquis des pouvoirs définitifs qui le distingue du juge judiciaire. Mais il faut s'interroge r actuellement, depuis le fameux arrêt Blanco acte de naissance du juge administratif dans quel sens évolue sa compétence ?? Les pouvoirs du juge sont limités (I) mais de plus en plus divers et étendus (II)

Dissertation Strat

  • Upload
    jane-k

  • View
    324

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Dissertation Strat

5/12/2018 Dissertation Strat - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/dissertation-strat 1/4

 

Peut-on dire que les pouvoirs du juge administratif connaissent une évolution dans le systèmecontemporain?

De nos jours, le système juridique français repose sur deux ordres de juridiction. Le jugeadministratif est le juge de la juridiction administrative par opposition à la juridiction judiciaire,office du juge judiciaire. Le droit administratif, qui se définit comme l'ensemble des règles du droit

 public qui s'appliquent à l'activité administrative, est historiquement prétorien, il naît du juge. Par conséquence, la jurisprudence reste l'une de ses sources les plus importantes. Mais il existe denombreux cas où la relation administration/citoyen est jugée par le juge judiciaire puisqu'en effet, le

 juge administratif n'a pas le monopole du contentieux de l'administration. Mais tous ces constatsrésultent de la création de la juridiction administrative et de son évolution historique qui a étélongue et constituée en étapes décisives.

Aussi, au XIXème siècle l'action administrative s'intensifie et se diversifie constamment or,

depuis l'article 10 de la loi des 16, 25 août 1790, sur l'organisation judiciaire qui met en oeuvre laséparation des pouvoirs, les fonctions judiciaires sont et demeureront toujours séparées. Les jugesne pourront troubler à peine de forfaiture, les opérations des corps administratifs, ni citer devant euxles administrateurs pour raison de leur fonction. Ainsi, ce contexte soulève inévitablement desréclamations. Se pose alors la question de savoir qui va les traiter puisque le juge judiciaire estdésormais incompétent. Le choix va d'abord se porter sur les ministres auxquelles ces réclamationssont adressées, c'est la théorie dite du « ministre-juge », puis sur le rapport de ces derniers, leConseil d'État issu du Consulat et crée par l'article 52 de la Constitution du 13 décembre 1799, estchargé, en plus de ses attributions législatives et administratives, de «résoudre les difficultés quis'élèvent en matière administratives».

En réalité, le Conseil d'État n'est pas immédiatement considéré comme un juge, il donne àl'empereur/roi des avis que ce dernier peut ne pas suivre dans la décision qu'il prend pour régler l'affaire, ce qui renvoie au système de la « justice retenue ». Dans la pratique, les avis du Conseild'État, (CE), ont presque toujours été suivis, de sorte que l'habitude s'est prise de le considérer comme le véritable décideur. La loi du 24 mai 1872 en fait officiellement un juge statuant statuant« souverainement au nom du peuple français ». ce qui renvoie au système de la « justice déléguée ».les dernières traces de la théorie du « ministre-juge » disparaissent définitivement avec l'arrêt Cadotrendu par le CE le 13 décembre 1889 qui s'autoproclame la juridiction de droit commun en matièreadministrative ; elle peut dès lors être saisie directement par un administré sans qu'un texte spéciall'y autorise. L'arrêt Blanco, rendu par le Tribunal des conflits le 8 février 1873, exprime avec forcele pouvoir de la jurisprudence lorsque la loi est muette, le premier à donner au droit administratif 

son caractère prétorien. En confiant au juge administratif la compétence pour statuer et la missionde dégager les règles à appliquer, il confirme la liaison de la compétence du juge et du fond dudroit. Principe qui, en plus d'associer juge et droit administratif fait de celui-ci la chose du juge. LeXIXème siècle a donc été décisif en ce qu'il a permis à la France de se doter d'un juge administratif 

 premier pays à l'avoir fait. Son évolution a été continue mais loin d'être aisée puisqu'en effet, par manque d'indépendance politique le Conseil d'État s'est vu disparaître de manière heureusementéphémère en 1851 et de 1870 à 1872.

Avec ses attributions qui viennent d'être détaillées, le juge administratif a acquis des pouvoirsdéfinitifs qui le distingue du juge judiciaire. Mais il faut s'interroger actuellement, depuis le fameuxarrêt Blanco acte de naissance du juge administratif dans quel sens évolue sa compétence ??Les pouvoirs du juge sont limités (I) mais de plus en plus divers et étendus (II)

Page 2: Dissertation Strat

5/12/2018 Dissertation Strat - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/dissertation-strat 2/4

 

I.les limites invariantes au pouvoir du juge administratif 

la première limite est celle évidente relative à la compétence strictement limité du juge administratif qui ne connaît que du contentieux administratif (A) tandis que son pouvoir se voit limité par l'objetmême de la requête de l'administré (B)

A. la compétence du juge administrative floue mais strictement limitée

 

→La répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction n'a pas été penséerationnellement par le législateur, elle résulte des hasards jurisprudentiels, il n'existe toujours pas uncritère unique de compétence du juge administratif.

→ d'où la création dès 1849, disparu avec le Second empire et recréé par une loi du 24 mai 1872 duTribunal des conflits composé de quatre conseillers d'État et quatre conseillers à la Cour decassation. Lorsque ses membres n'arrive pas à se départager, c'est le garde des sceaux président dedroit du tribunal qui tranche.

→ décision du Conseil Constitutionnel du 23 janvier 1987 pose le concept d'un « noyau »constitutionnel de compétence pour la juridiction administrative : l'annulation ou la réformation desactes administratifs unilatéraux. Mais dans cette même décision le conseil a immédiatement ménagédeux exceptions :-« les matières réservées par nature à l'autorité judiciaire » comme par exemple le principe selonlequel le juge judiciaire est le gardien de la liberté individuelle et de la propriété immobilière.- « lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer descontestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence,entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dansl'intérêt d'une bonne administration de la justice d'unifier les règles de compétence juridictionnelleau sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé ». cette solution a eu pour conséquences deretirer au juge administratif, par des lois successives pour la transférer à la Cour d'appel de Paris, lacompétence d'annulation ou de réformation de certaines décisions prises par des autoritésindépendantes.

B. le pouvoir du juge administratif encadré selon l'objet de la requête

 

→ limitation par la requêtele procès administratif naît de la volonté du requérant. Le juge est strictement tenu par la requête quile saisit : il ne peut pas statuer ultra petita c'est à dire au-delà de ce qui lui est demandé. D'oùd'ailleurs l'importance pour le requérant de déterminer exactement ses prétentions = « lesconclusions » et ses arguments « les moyens » dès le début de la procédure.

→ les quatre branches du contentieux.À partir de l'analyse faite par Édouard Laferrière à la fin du XIXème siècle, on divise

traditionnellement le contentieux en quatre catégories dites « branches » du contentieux : cettedistinction se fonde sur l'objet de la requête ; elle contribue à une typologie des pouvoirs du juge puisque le requérant ne peut pas demander au juge que ce qu'il ne peut lui accorder.

Page 3: Dissertation Strat

5/12/2018 Dissertation Strat - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/dissertation-strat 3/4

 

-dans le contentieux de l'annulation : le requérant demande l'annulation d'un acte administratif unilatéral (recours pour excès de pouvoir) ; le juge est alors obligé d'apprécier sa légalité en se

 plaçant à la date à laquelle cet acte a été pris.

-dans le contentieux de l'interprétation et de l'appréciation de légalité : le juge administratif se

contente de répondre aux questions préjudicielles du juge judiciaire sur la signification ou larégularité d'un acte administratif mais sans pouvoir annuler celui-ci.

-dans le contentieux de la répression : hypothèse rare où l'Administration demande lacondamnation de l'auteur d'une «contravention de grande voirie » (atteinte à certains bien dudomaine public) à verser une somme d'argent qui est à la fois une amende et une indemnité. C'estaussi le cas des amendes prononcées par les juridictions financières et les peines disciplinaires

 prononcées par les juridictions professionnelles.

-le plein contentieux ou contentieux de pleine juridiction est celui dans lequel le juge remplit sonoffice avec le plus de pouvoirs. On y intègre le contentieux de la responsabilité et celui des contrats

administratifs : le juge y statue sur les droit subjectifs des requérants dans le sens où, saisi du litigedans son ensemble, il apprécie les droits du requérant à la date à laquelle il statue . Mais une autrecomposante importante s'y est ajoutée : « le plein contentieux objectif . Comme dans le contentieuxde l'annulation y est saisi de décisions administratives. Mais si il les annule, il y substitut sa propredécision (ce qu'il ne peut pas faire dans le contentieux de l'annulation, c'est notamment le cas, en

 principe, des sanctions prononcées contre un administré.

Cette dernière branche du contentieux amorce une évolution de l'office du juge administratif 

qui va se voir attribuer des pouvoirs de plus en plus étendu et divers.

II.une évolution de l'office du juge administratif dans le sens d'un pouvoir diversifié et étendu 

Bien que les pouvoirs du juge soient encadrés, ces derniers ont quand même bénéficié d'uneévolution constante (A) encore plus flagrante récemment puisqu'elle a été permise par l'interventiondu législateur qui dote le juge administratif de nouveaux pouvoirs (B) .

A. l'évolution constante des pouvoirs du juge administratif 

 

→ dans le cadre du plein contentieux objectif, le juge a la faculté de substituer sa propre sanction àcelle qu'a prononcé l'Administration. Il dispose donc d'un pouvoir de sanction qu'il n'a pas en principe lorsqu'il est amené par un requérant à statuer sur la légalité de sanctions administratives prises contre ce dernier.

→ depuis le XIXème siècle, le juge administratif peut annuler pour illégalité une décisionadministrative d'une autorité exécutive. La conséquence radicale de cette annulation est larétroactivité. Ce qui signifie que l'acte annulé non seulement cesse de produire ses effets pour l'avenir mais encore par une fiction juridique est censé n'en avoir jamais produit depuis son entré envigueur. Afin d'assurer l'effectivité de la sécurité juridique le CE a apporté au principe uneexception important. En effet depuis l'arrêt Association AC ! Et autres rendu par le CE en assemblée

le 11 Mai 2004 accorde au juge le pouvoir de «déroger à titre exceptionnel au principe de l'effetrétroactif des annulations contentieuses» en apportant « une limitation dans le temps des effets del'annulation ». la conséquence de cette jurisprudence est que lorsque les intérêts en présence le

Page 4: Dissertation Strat

5/12/2018 Dissertation Strat - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/dissertation-strat 4/4

 

commandent, le juge peut prévoir que les effets d'un acte qu'il annule soient regardés commedéfinitifs ou que l'annulation ne prenne effet qu'à une date ultérieure, c'est l'effet-différé qui est

 privilégié par le juge administratif.

→ le juge administratif peut conformément au caractère inquisitoire de la procédure, adresser desinjonctions d'instruction aux parties. Il peut également aussi en adresser aux parties privées pour 

leur ordonner par exemple de quitter un bâtiment appartenant au domaine public occupéillégalement. Mais il se posait une auto limitation qui consistait à ne jamais adresser d'injonctions àl'Administration. Le juge considérant qu'il n'est pas le supérieur hiérarchique de l'Administration etqu'il ne peut pas lui donner d'ordre. Bien que ce principe soit toujours en vigueur, ses effets ontconsidérablement diminués avec le temps. En effet, une loi du 8 février 1995 a autorisé le juge à

 prononcer des injonctions envers l'Administration pour assurer l'exécution de la décision qu'il prend.

 

B.L'évolution permise par le législateur du pouvoir du juge administratif dans le sens d'une

diversification 

 

→ Respectueuse de la conception française de la séparation des pouvoirs, la juridictionadministrative s'est toujours refusée à vérifier la conformité de la loi à la C. jusqu'à ce que la loiconstitutionnelle du 23 juillet 2008 lui donne le pouvoir, non pas de le faire elle-même, mais desaisir le CC pour qu'il le fasse (article 61-1 C. QPC). Depuis peu, il prend en réalité la place de

l'Administration en agissant non plus seulement sur la légalité des décisions de cette dernière maisaussi sur leur sens.→ la loi du 30 juin 2000 relative aux procédures d'urgence a profondément transformé l'office du

 juge en lui donnant un rôle de prévention des abus que peut commettre l'Administration (et non plusseulement de sanction ou de réparation). Le juge des référés statue par des mesures provisoires.C'est un juge unique (art L 511-1 du Code de Justice Administrative-CJA) les procédures des référéssont très nombreuses. Le référé-suspension conduit le juge à suspendre, à la demande du requérant,l'exécution d'une décision administrative qui a fait l'objet d'une requête en annulation ou enréformation, lorsque l'urgence le justifie et que l'un des moyens de la requête suscite un doutesérieux sur la légalité de cette décision.Le référé-liberté constitue l'innovation majeure de la loi 2000. L'article L 512-2 du CJA dispose«saisie d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutesmesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale, à laquelle une personne de droit

 public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dansl'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se

 prononce dans un délai de 48 heures.»