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Distinction morphologique et biochimique de deux especes jumelles de chauves-souris : Myotis myotis (Bork.) et Myotis blythi (Tomes) (Mammalia ; Vespertilionidae) par M. RUEDI, R. ARLETTAZ et T. MADDALENA Institut de Zoologie et d'Ecologie Animate, Bätiment de biologie, 1015 Lausanne, Suisse Summary. Myotis myotis et Myotis blythi are two very closely related bat species which are chiefly distinguished by morphological characters. The present work demonstrates the validity of the segregation in two distinct species by craniometric and biochemical analyses. The morphometric study was undertaken on a set of 41 skulls originating from south-western Switzerland where both taxa breed together. Due to their overall different size, it appeared however that these skulls represented two distinct morphotypes, which was confirmed by the relative bimodality of forearm measurements of 393 live animals. It is suggested that their close coexistence in the breeding colonies may possibly be due to differences in feeding ecology in relation to their diverging skull morphology. The study of protein polymorphism demonstrated the lack of gene flow between the two species : among 66 individuals no hybrid was evidenced as showed by perfectly segregated and discriminating alleles at two loci (Got-1 and Mpi). These diagnostic loci were revealed from a small blood sample taken on living bats, which gives a new way for their unequivocal identification. Because GPI was polymorphic only in M. myotis, this third locus showed allelic equilibrium when the two taxa were considered separatly, thus providing another proof of their distinction. However, their overall small genetic distance (Nei's D = 0.135) indicates that these two sibling species split only recently, probably during the glaciations of Pleistocene. Rosume. Pour tenter d'elucider le probleme taxonomique que posent deux formes extremement semblables de chauves-souris (Myotis myotis et M. blythi), deux approches independantes ont etc choisies : la biometrie et la biochimie. La premiere a permis de deceler une nette heterogeneite parmi un lot de cranes de murins recoltes dans des colonies mixtes du Valais (Suisse). Ces differences cräniennes, meme si elles sont tres faibles, pourraient etre le reflet d'une adaptation ä un regime alimentaire suffisamment different pour eviter une competition inter-specifique. Les mesures d'avant-bras de pres de 400 individus vivant dans ces memes colonies corroborent cette heterogeneite. Les conclusions basees sur cette premiere approche plaident done en faveur de la separation de ces murins en deux especes. Mammalia, t. 54, 3, 1990. Brought to you by | UZH Hauptbibliothek / Zentralbibliothek Zürich Authenticated | 130.60.206.43 Download Date | 9/23/13 7:11 PM

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Distinction morphologique et biochimiquede deux especes jumelles de chauves-souris :

Myotis myotis (Bork.) et Myotis blythi (Tomes)(Mammalia ; Vespertilionidae)

par M. RUEDI, R. ARLETTAZ et T. MADDALENA

Institut de Zoologie et d'Ecologie Animate,Bätiment de biologie, 1015 Lausanne, Suisse

Summary. — Myotis myotis et Myotis blythi are two very closely related bat specieswhich are chiefly distinguished by morphological characters. The present work demonstratesthe validity of the segregation in two distinct species by craniometric and biochemicalanalyses. The morphometric study was undertaken on a set of 41 skulls originating fromsouth-western Switzerland where both taxa breed together. Due to their overall differentsize, it appeared however that these skulls represented two distinct morphotypes, whichwas confirmed by the relative bimodality of forearm measurements of 393 live animals.It is suggested that their close coexistence in the breeding colonies may possibly be dueto differences in feeding ecology in relation to their diverging skull morphology. Thestudy of protein polymorphism demonstrated the lack of gene flow between the twospecies : among 66 individuals no hybrid was evidenced as showed by perfectly segregatedand discriminating alleles at two loci (Got-1 and Mpi). These diagnostic loci were revealedfrom a small blood sample taken on living bats, which gives a new way for their unequivocalidentification. Because GPI was polymorphic only in M. myotis, this third locus showedallelic equilibrium when the two taxa were considered separatly, thus providing anotherproof of their distinction. However, their overall small genetic distance (Nei's D = 0.135)indicates that these two sibling species split only recently, probably during the glaciationsof Pleistocene.

Rosume. — Pour tenter d'elucider le probleme taxonomique que posent deux formesextremement semblables de chauves-souris (Myotis myotis et M. blythi), deux approchesindependantes ont etc choisies : la biometrie et la biochimie. La premiere a permis dedeceler une nette heterogeneite parmi un lot de cranes de murins recoltes dans des coloniesmixtes du Valais (Suisse). Ces differences cräniennes, meme si elles sont tres faibles,pourraient etre le reflet d'une adaptation ä un regime alimentaire suffisamment differentpour eviter une competition inter-specifique. Les mesures d'avant-bras de pres de 400individus vivant dans ces memes colonies corroborent cette heterogeneite. Les conclusionsbasees sur cette premiere approche plaident done en faveur de la separation de ces murinsen deux especes.

Mammalia, t. 54, n° 3, 1990.

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416 MAMMALIA

L'etude biochimique porte sur le polymorphisme enzymatique d'individus provenantde plusieurs populations mixtes ; eile a permis de confirmer la proximite phylogenetiquede ces deux formes. Celles-ci sont reproductivement si bien isolees qu'elles constituentdeux especes biologiques, aucun hybride biochimique n'ayant ete decele parmi 66 animauxtestes. La separation recente de ces deux lignees evolutives semble coincider avec 1'avene-ment des grandes periodes glaciaires du Pleistocene. Plusieurs hypotheses tendant ä expli-quer la cohabitation intime de ces deux especes jumelles sont avancees ; elles demandentcependant a etre confirmees par de futures etudes ecologiques ; celles-ci sont aujourd'huienvisageables grace ä la methode de determination biochimique d'animaux vivants develop-pee dans ce travail.

INTRODUCTION

Avec environ 90 especes reparties dans le monde entier (Honacki et al. 1982),le genre Myotis (Kaup, 1829) forme un ensemble tres diversifie dont le succesevolutif est incontestable. Loin d'etre achevee, la speciation dans ce groupe estencore dynamique, comme le prouve 1'incertitude des bornes specifiques qui caraoterisent certaines paires d'especes telles que Myotis evotis/milleri (Reducker etal. 1983), M. mystacinus/przewalski (Schober et Grimmberger 1987) ou M. dau-bentonii/nathalinae (Tupinier 1977, Hanak et Horacek 1984, Bogdanowicz etWodjeik 1986, Volleth 1987) ; ceci demontre egalement que c'est un groupe quise laisse mal definir par les analyses morphologiques classiques.

Myotis myotis (Borkhausen, 1797) et M. blythi (Tomes, 1857) sont egalementdeux authentiques especes jumelles, comme en temoigne 1'absence de caracteredistinctif absolu qui permettrait de les distinguer sur Pensemble de leur airede repartition geographique (Feiten et al. 1977). Au mieux, certaines mensurationscräniennes telles que la longueur condylobasale ou celle des rangees dentairespresentent un pouvoir discriminant local ; cependant, si elles sont appliqueesä Pensemble des formes ouest-palearctiques, elles presentent une large zone derecouvrement entre les deux especes (Strelkov 1972, Feiten et al. 1977). II endecoule une teile confusion taxonomique que l'attribution des populations margi-nales d'Afrique du Nord, des Ties mediterraneennes ou du Moyen-Orient faittoujours l'objet de discussions (Brosset 1960, Bogan et al. 1978, etc.). Danssa revision du genre Myotis, Täte (1941) ne retient d'ailleurs pas la distinctionspecifique de M. myotis/M. blythi, et se contente de les regrouper dans le sous-genre Myotis. Ce point de vue ne fait cependant pas Tunanimite chez les chiropte-rologues actuels (Topal 1971, etc.).

On sait bien peu de choses sur la biologic de reproduction des deux formes.Les deux especes s'accouplent en automne, en peripherie des colonies de reproduc-tion, vraisemblablement au sein de petits harems defendus par un male (Horacek1985, Horacek et Gaisler 1986). Au printemps et en ete, ces chauves-souris formentde grandes colonies de parturition et, dans les zones ou M. myotis et M. blythicohabitent [par exemple en Suisse (Arlettaz, donnees inedites), dans le sud dela France (Ariagno 1973) ou au Portugal (Palmeirim 1978)], ces deux especesvont jusqu'ä elever leurs jeunes dans les memes essaims de mise bas !

D'un point de vue ecologique, une cohabitation aussi intime de deux especesmorphologiquement si proches est tout ä fait surprenante ; ä tel point queen vient a se demander si ces deux formes ne representent pas les extremesd'un meme taxon variable et polymorphic et non pas deux especes biologiquementisolees.

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ESPECES JUMELLES DE MYOTIS 417

Ce travail presente les resultats d'une etude morphologique et biochimiquemenee sur des murins provenant de differentes zones de sympatrie ; il vise atester Thypothese d'un polymorphisme intraspecifique. La confrontation de cesdeux approches independantes offre en effet la possibilite d'estimer le degre d'iso-lation reproductrice entre ces deux formes. Une methode de determination biochi-mique qui permet de discriminer les individus vivants a en outre ete mise aupoint ; eile fournit une alternative permettant d'eviter le recours aux criterescräniens qui exigent le sacrifice des animaux.

MATERIEL ET METHODES

Morphologie. — Pour eviter Pinfluence de la variabilite geographique, nousavons examine 41 cranes provenant tous de Suisse occidentale. La majorite deceux-ci ont ele extraits du guano qui s'accumule sous les essaims de reproduction ;seuls les cranes d'animaux adultes ont ete pris en compte. Les 13 mesures suivantes(d'apres Topal 1971 et Hanak & Elgadi 1983) decrivent chaque individu : constric-tion interorbitale (1C), largeur zygomatique (ZB), largeur de la boite cränienne(BC), largeur du maxillaire mesuree sur le bord externe des C1 (CC) ou desM3 (MM), longueur totale du crane (GL), longueur condylobasale (LCB), lon-gueur de la rangee dentaire superieure (CM3), idem pour celle inferieure (CM3),largeur maximum de M2 (au sens de Aellen in litl.)9 longueur maximum de labulle tympanique (BT), hauteur du cräne (HS) et longueur de la mandibule (MA).Ces parametres ont ete mesures ä aide d'un microscope de mesure Nikon d'uneprecision de ± 0.01 mm.

Pour determiner leur degre d'heterogeneite, les cranes ont ete regroupes selonleur ressemblance, celle-ci etant exprimee par Pindice de similitude de Gower(Sneath et Sokal 1973). La visualisation de ces affinites est realisee par un dendro-gramme, resultat d'une fusion hierarchique de type UPGMA. La comparaisonunivariee des valeurs moyennes de chaque sous-groupe qui apparait dans ce den-drogramme permet ensuite d'evaluer le degre de recouvrement morphologiquede ces sous-ensembles.

La deuxieme partie de l'etude morphometrique comprend la description d'in-dividus vivants mesures dans les colonies valaisannes. Pour exprimer la tailledes individus captures (n = 393), la seule mesure externe qui soit a la fois fiableet mesurable sur le terrain de maniere rapide est celle de l'avant-bras. Cettevaleur refletant le dimorphisme sexuel commun a la plupart des Vespertilionides(Myers 1978), il convient de traiter chaque sexe separement. La valeur moyennedes deux avant-bras de chaque individu est ainsi determinee a 1'aide d'un pied-a-coulisse (precision ± 0.1 mm).

La provenance exacte et le lieu de depot des cranes retenus dans cette analysemorphologique peuvent etre obtenus sur demande.

Biochimie. — Dans un premier temps, 15 grands et petits murins ont eteetudies biochimiquement, en analysant un grand nombre de loci. Ces animauxont ete choisis de maniere ä pouvoir comparer les deux morphotypes, c'est-a-direen selectionnant respectivement des individus aussi grands et aussi petits quepossible. Us proviennent de trois regions d'Europe, eloignees de plusieurs centainesde kilometres les unes des autres (voir tableau 1), ou les deux formes vivent

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418 MAMMALIA

TABLEAU 1. — Origine, nombre et lieu de depot des specimens analyses dans l'etude biochimique globale.

, Espece Population Origine Nombre Collection*

Myotis myotis

Myotis blythi

Myotis daubenionii

MmlMm2Mm3MblMb2Mb3Mda

SuisseEspagneTchecoslovaquieSuisseEspagneTchecoslovaquieSuisse

4224124

IZEA;FRGIZEAColl. HanakIZEA;FRG1ZEAColl. HanakIZEA

* IZEA: Insiilut de Zoologie ci d'Ecotogic Animalc, LausanneFRG: Museum d'Hisioirc naturelle de Fribourg

en sympatrie (Stebbings 1988). Pour calibrer la divergence genetique qui existeentre ces animaux, une troisieme espece a ete ajoutee a 1'analyse : il s'agit dumurin de Daubenton, Myotis daubentonii, qui appartient au sous-genre Leuconoe,tres different du sous-genre Myotis (Täte 1941).

Le coeur, le foie et les reins necessaires ä Panalyse des proteines ont etepreleves et Stockes ä - 70° C des le sacrifice des specimens ou, le cas echeant,recuperes sur des animaux morts depuis moins de 24 heures. Aucune differencede migration enzymatique n'est apparue entre ces deux groupes, bien que Pactivitede certains enzymes (Hk, Adh, Gpd notamment) soit parfois fortement diminueechez les animaux morts depuis un certain temps (Dessauer et Menzies 1983).

La preparation des echantillons et les techniques d'electrophorese verticalesur gel d'amidon derivent des methodes classiques decrites par Brewer (1970)et Seiander et al. (1971). Au total, 31 loci (tableau 2) ont pu etre reveles. Lesconditions experimentales et les types de gel utilises pour ces analyses sont egale-ment mentionnes dans le tableau 2. La reconnaissance et la designation des allelessont les memes que dans Reducker et al. (1983). L'identite genetique I et ladistance genetique D sont ensuite deduites des frequences alleliques selon la for-mule de Nei (1978) adaptee aux petits echantillons.

Dans un deuxieme temps, nous avons voulu deceler l'existence eventuelled'hybrides qui trahirait un flux genetique entre les deux formes. A cet effet,environ 50 ä 70 \ de sang a ete preleve (voir Kunz et Nagy 1988) sur 66 individuspris au hasard dans les populations mixtes de Suisse et d'Espagne (tableau 3).Apres la prise, le sang est stocke dans un tube Eppendorf et immediatementcongele dans de la glace carbonique (-70°C). Au laboratoire, ces echantillonssont encore dilues dans un demi volume d'eau distillee et centrifuges 15 minutesä 15000g, ce qui permet la mise en solution des enzymes contenus dans lesglobules rouges.

L'analyse de ces prelevements sanguins ne comprend que la revelation detrois enzymes, ä savoir GOT, MPI et GPL Comme ce dernier locus est trespolymorphe, il permettra de verifier si les populations echantillonnees sont enequilibre allelique conformement ä la loi de Hardy-Weinberg.

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ESPECES JUMELLES DE MYOTIS 419

TABLEAU 2. — Proteines et conditions electrophoretiques utilisees pour l'analyse de 31 loci.

Enzyme a) Locus Tissus b) Tampon c) Coloration**)Phosphaiascacidc3.1.3.2 Acp R PhosphAdonylaic kinasc 2.7.4.3 Ak-1 F TC 7.0

Ak-2 F TC 7.0A Icool dohydrogonasc 1.1.1.1 Adh F PhosphCroatinc kinasc 2.7.3.2 Ck-1 C LiOH

Ck-2 C LiOHEstcrascs3.1.1.1 Es-1 F LiOH

Es-2 F LiOHGlucose dohydrogonasc 1.1. 1.47 Gdh F PoulikGlucosc-6-phosphaic

dohydrogonasc 1.1. 1.49 GÜ R TB-BwGlucose phosphate isomorasc 5.3. 1.9 Gpi F, S PhosphGluLimaic oxaloacouiic

iransaminasc 2.6.1.1 Got-1 R. S PhosphGot-2 R Phosph

G lyccrol-3-phosphaicdohydrogonasc 1.1.1.8 Gpd C, R Phosph

Hcxokinasc 2.7.1.1 Hk R PhosphIsociiratc dohydrogonasc 1.1. 1.42 Icd-1 R A-C

Icd-2 R A-CLaciaic dohydrogonasc 1.1.1.27 Ldh-1 R T-C7.0

Ldh-2 R TC 7.0Malaie dohydrogonasc 1.1. 1.42 Mdh-1 R A-C

Mdh-2 R A-CEnzyme maliquc 1.1.1.40 Me R A-CMannose phosphate isomorasc 5.3. 1.8 Mpi R T-C8.0Phosphogluconaic

dohydrogonasc 1 . 1 . 1 .44 Pgd R Tb-BwPhosphoglucomuiasc 2.7.5.1 Pgm F PoulikSupcroxydc dismuiasc 1.15.1.1 Sod-1 R , F TB-Bw

Sod-2 R TB-BwProtoincs non enzymaiiqucsAlbumine Alb F LiOHHcmoglobinc Hbb R TC 7,0Protoinc-1 ProU F LiOHTransforinc Trf F LiOH

a) les enzymes sont dosignos selon Harris & Hopkinson (1976)b) les tissus sont Coeur (0), Foie (F), Rein (R) et Sang (S)c) los tampons-gel sont:

T-C 7.0 : Tris-citrate pH 7.0 (Graf et Meylan 1980) 5 V/cm, 15h.T-C 8.0 : Tris-citrate pH 8.0 ( Graf et Meylan 1980) 5 V/cm, 8h.LiOH : Lithium hydroxyde (Selander ef a/. 1971) 13 V/cm, 7h.A-C : Amine-citrate (Graf et Meylan 1980) 5 V/cm, 15h.TB-Bw : Tris-borate-EDTA (Brewer 1970) 7 V/cm, 15h.Poulik : Poulik (Selander et a/. 1971) 12 V/cm, 7h.Phosph : Phosphate (Selander ef a/. 1971) 7 V/cm, 15h.

d) colorations effectuees selon: 1) Brewer 1970 2) Graf & Meylan 19803) Harris & Hopkinson 1976 4) Graf 1982.

333133333

22

22

2222222223

2233

4

44

TABLEAU 3. — Localite et nombre d'animaux captures en Suisse et en Espagne pour la prise de sang.LocalitdRaron (Valais)Naters (Valais)Fully (Valais)Baulmes (Vaud)FribourgCatalogne

PaysSuisseSuisseSuisseSuisseSuisseEspagne

Nombre2615241

18

Total: 66

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420 MAMMALIA

RESULTATS

Morphometrie. — Parmi les 41 cranes mesures, 17 etaient de sexe connu ;comme aucune difference significative n'a pu etre decelee entre les males et lesfemelles, cette distinction n'a pas ete retenue dans les analyses ulterieures. Ledendrogramme de la figure 1 visualise le groupement hierarchique obtenu : deuxensembles nettement distincts y apparaissent. Les individus sexes se repartissentindifferemment dans les deux groupes ; il en est de meme en ce qui concerneleur origine. La cause de cette segregation est done independante de ces deuxfacteurs. On constate que la distance entre les groupes est 2,3 fois superieureä la distance intragroupe, et qu'aucun individu n'est classe en position interme-diaire. La comparaison univariee des valeurs moyennes calculees sur la base de

0.7 0.6 0.5 0.4 0.3 0.2 0.1 0.0

Distance morphologiqueFig. 1. — Dendrogramme (UPGMA) derive de la matrice des distances de Gower. Le

coefficient de correlation cophenetique est egal ä 0.87. Les 41 cranes mesures sontsubdivises en deux groupes (A et B) correspondant aux deux formes morphologiquesetudiees. Les numeros l ä 15 sont des cranes recoltes ä Fully, 16 ä 21 ä Naters,22 ä 31 ä Raron, 32 ä Fribourg et 33 ä 41 dans le canton de Vaud. Les numerosentoures d'un cercle correspondent aux femelles, les males etant entoures d'un carre ;les autres cranes n*ont pas pu etre sexes.

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ESPfcCES JUMELLES DE MYOT1S 421

cette distinction fournit des resultats egalement tres nets (tableau 4) : 12 des13 mesures presentent des differences hautement significatives, meme si, dansPabsolu, les valeurs extremes des deux groupes se recouvrent legerement. Ensuivant la procedure de Neff et Marcus (1980) pour supprimer Peffet globalde la taille (ponderation des valeurs par la longueur totale du crane GL), onabaisse considerablement leur pouvoir discriminant (tableau 4, derniere colonne),sauf en ce qui concerne la largeur du crane et la constriction interorbitale (initiale-ment ce dernier parametre n'avait en outre aucun pouvoir discriminant). Si Γόηadmet que, chez les chauves-souris, la longueur du crane est un bon estimateurde la taille corporelle (Myers 1978), le facteur taille est bien ce qui induit ladiscrimination observee entre ces deux groupes.

TABLEAU 4. — Mesures (en mm) des 41 cranes de Myotis des cantons de Vaud, Valais et Fribourg.Les groupes A et B sont ceux definis par le dendrogramme de la figure 1. La legende desabreviations figure dans le texte. Les valeurs du t entre parentheses sont celles obtenues apresponderation des variables par longueur totale du crane (GL).

Groupe A(n = 25)

(extremes)

ZB

BC

MM

CM3

αLCB

HS

ΜΑ

ES (t)

15.04 0.35(14.19-15.53)

10.14 0.25(9.80-10.64)

10.01 0.28(9.63-10.58)

9.86 0.22(9.46-10.42)

23.55 0.46(22.92-24.54)

22.31 0.44(21.34- 23.19)

10.00 0.(9.25-

17

10.61)

.40 0,

32

.46(16.55-18.16)

CM3

IC

ccM2

BT

10(10.26

5.(5.00

6.(5.89

2.(2.34

4.(4.00

.74-11.29)

25-5.46)

26-6.69)77-2.95)25-4.54)

0

0

0

0

0

.27

.12

.20

.15

.14

Groupe B(n = 16)

χ"(extr mes)

13.77(13.37-14.47)

9.73(9.29-10.02)

9.02(8.63-9.85)8.72

(8.29-9.20)21.14

(20.51-22.15)20.02

(19.54-20.69)9.21

(8.76-9.83)15.34(14.19-16.11)9.48(8.98-10.11)5.24(5.05-5.49)5.74

(5.35-6.09)2.45

(2.15-2.82)3.81

(3.58-4.05)

ES

0.34

0.19

0.31

0.26

0.45

0.34

0,

0

0

0

0

0

0

.28

.47

.32

.13

.20

.15

.14

Valeurdut

11.77

5.62

10.49

14.87

16.01

17.33

7.93

13.96

13.43

0.31

7.98

6.64

9.43

·" (2.36 *)

··· (8.82 ·")

·" (0.88 NS)

·** (2.01 NS)

"· (0.05 NS)

— (2.51

... (2

*** (2

NS (11.

··· (2

*·* (0.

.33

.33

72

.09

93

'*· (0.23

ΊΙ

*)

"")

·)

NS)

NS)

NS : non significatif (p > 0.05)(t) ES - erreur standard

: p < 0.05 " : p < 0.01 *" : p < 0.001

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422 MAMMALIA

Aucune difference significative de la taille des avant-bras n'a ete deceleeentre immatures (n = 258) et adultes (n = 133) (t = 1.21, NS) ; Pavant-brasde tous ces murins avait done atteint sa longueur definitive au moment ou lesmesures ont ete effectuees, c'est-ä-dire ä debut septembre. L'avant-bras des malesest par contre en moyenne 2.5 mm plus court que celui des femelles (t = 9.85,p < 0.001), temoin d'un dimorphisme sexuel qui n'etait pas visible au niveaudu crane. La distribution de cette variable (fig. 2), tant sur Pensemble des malesque sur l'ensemble des femelles, semble confirmer une bimodalite de la taille.L'ecart a la normalite n'a cependant pas de valeur statistique puisqu'un testde normalite de Kolmogorov-Smirnov (Sokal et Rohlf 1969) donne une differencenon significative entre les valeurs observees (femelles : K-S = 1.058, NS ; males :K-S = 0.790, NS) et celles qui seraient issues d'une population normale de mememoyenne et ecart-type.

D

• 66

Longueur deI'avant-bras

(en mm)

Fig. 2. — Distribution des tallies d'avant-bras des murins captures en Valais. La moyenne(indiquee par une fleche) de toutes les femelles est de 60.10mm ± 2.57 et celledes males est de 57.57 mm ± 2.09.

Biochimie. — Sur Pensemble des 31 loci analyses, 16 se sont reveles monomor-phes (Ak-1, Ak-2, Ck-1, Ck-2, Gdh, Got-2, Icd-1, Icd-2, Ldh-1, Ldh-2, Mdh-1,Mdh-2, Sod-2, Alb, Prot-1 et TrO chez tous les animaux examines. Pour lesautres loci, entre deux et quatre alleles differents ont ete detectes (tableau 5).Hk est un cas particulier puisque, dans les conditions d'experience choisies, aucuneactivite enzymatique de cette proteine n'a pu etre mise en evidence chez lesquatre murins de Daubenton etudies ; nous avons done designe cet allele parla valeur 0. On remarque que sur les 15 loci polymorphes, huit ont au moinsun allele propre ä une des deux formes du sous-genre Myotis (Acp, Es-1, Es-2,Gd, Gpi, Pgm, Mpi et Got-1), mais que seuls ces deux derniers sont diagnostiques,c'est-ä-dire fixes pour des alleles alternatifs. Si compare les sous-genres Myotiset Leuconoe, les alleles diagnostiques se chiffrent ä neuf. A partir de Pensembledes 31 loci analyses, les populations qui correspondent ä M. myotis apparaissentremarquablement homogenes puisque la distance genetique qui separe les troisechantillons est virtuellement nulle (tableau 6). Les M. blythi sont egalement trespeu differencies entre eux puisqu'ils partagent en moyenne 95 ä 99 % des allelesetudies. Les relations genetiques de Tensemble des Myotis, deduites de cette matrice,sont representees sur un dendrogramme (fig. 3).

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ESPECES JUMELLES DE MYOTIS 423

TABLEAU 5. — Frequences alleliques des 15 loci polymorphes. Excepte pour Acp, les alleles sontdesignees en fonction de leur mobilite relative par rapport ä l'allele le plus frequent detectechez le grand murin. N indique le nombre de genotypes etudies.

Myotismyotis

Locus

Acp

Aclh

Es-1

Es-2

Gd

Gpi

Goi-1

Gpd

Hk

Me

Mpi

Pgd

Pgm

Sod-1

Hbb

Allele

+ 100+ 40- 15- 60- 70- 80-100- - 120•f 110+ 100+ 90+ 124+ 118+ 110+ 100+ 120+ 110-»•100- 60-100- 15-100- 30-100-1000+ 150+ 100+ 107-»- 100+ 115+ 100+ 117+ 100+ 100+ 50-100-108

Suil Espln=4 n=4

.25

.75.-

.12

.88.

.25

.75..

.12.

.88.

1.0.25.75.

1.0

1.01.0..

1.0-

1.0.25.75.

1.01.0.

1.0•

.-

.50

.50

1.0..

1.0-.-

1.0

.1.0.

1.0.

1.0.

1.01.0..

1.0.

1.0.

1.0.

1.01.0.

1.0

Tchln=8..

.50

.50

1.0-

.50

.50..

1.0..

1.Ü.50.50.

1.0.

1.01.0..

1.0.

1.0.

1.0.

1.01.0.

1.0-

Myotisblythi

Suin=2

_

.1.0

.

.1.0..

1.0.

.50

.50.

.50

.501.0-

1.0.-

1.01.0..

1.01.0'.1.0.

.12

.881.0.

1.0

Myotisdaubentonii

Esp Tehn=4 n=8

.

.1.0.-.

1.0--

1.0.

.50

.50...

1.01.0.

1.0..

1.01.0--

1.01.0.

.75

.25.

1.01.0.

1.0-

.

.1.0

.1.0...

.50

.50.

.75.

.25..

1.01.0.

1.0..

1.01.0..

1.01.0-

1.0..

1.01.0.

1.0-

Suin=4

1.0-..

.38.

.621.0.....

1.0

1.0..

1.0..

1.01.0..

1.01.0.

1.0..

1.0.

1.0.

1.0.

1.01 Sui = Suisse, Esp = Espagne ct Teh = Tchocoslovaquie

TABLEAU 6. — Matrice des identites (au-dessus de la diagonale) et des distances genetiques standard(au-dessous de la diagonale), calculee ä partir de 31 proteines specifiques separees par electropho-rese. Abreviations comme dans le Tableau 1.

MiniMm2Mm3MblMb2Mb3Mela

Mini.

.000

.000

.126

.125.143.390

Mm2

1.000-

.000

.161.162.191.382

Mm3

1.0001.000

-.144.144.164.390

Mbl

.882

.851

.866-

.006.047.599

Mb2

.882

.850

.865

.994

.036

.598

Mb3

.866

.826

.849

.954.965

.609

Müa

.677

.682

.677

.549

.550.554

-

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424 MAMMALIA

M. mycxii

M. blyihi | LLM. üaubcntonü

MiniMm2Mm3

Mb 1Mb 2

Mb 3

M*!»

0.6 0.4 0.3

l l I l l l

0.2

~

0.1 o.oFig. 3. — Phenogramme des distances genetiques standard (Nei 1978) des populations

de Myoiis analysees. Le coefficient de correlation cophenetique vaut 0.95, ce quimontre une distorsion minime de cette representation par rapport a la matrice debase (tableau 6).

A partir de ces donnees biochimiques, nous avons done pu analyser le sangde 55 grands et petits murins supplementaires afin de mieux preciser la repartitionallelique des enzymes Mpi, Got-1 et Gpi. Pour les deux loci diagnostiques (Got-1et Mpi), aucun heterozygote n'a etc detecte. Un meme individu est d'ailleursexclusivement porteur soit de la combinaison Got100 et Mpi100 (M. myotis), soitde Got15 et Mpi107 (M. blythi), ce qui demontre une segregation parfaite desgenotypes. Une autre preuve de absence de flux genetique entre ces deux genomesest donnee par le test des frequences alleliques de Gpi par rapport aux predictionsde la loi de Hardy-Weinberg (Ayala 1983) : dans le cas ou Ton ne fait pasde difference entre les genotypes, le polymorphisme de Gpi est exprime de fagontres significativement desequilibre ( 2 = 11.66, p< <0.01) par rapport a unepopulation panmictique, tandis que si tient compte uniquement des grandsmurins (identifies grace ä leurs genotypes), les frequences observees sont conformesaux previsions de cette loi ( 2 = 2.51, < 0.05).

DISCUSSION

Conformement a d'autres etudes (Spitzenberger 1988, Feiten et al. 1977,Strelkov 1972, Harrison et Lewis 1967, etc.), nous avons montre qu'au niveaulocal, la combinaison des mesures cräniennes permet une bonne separation dugrand et du petit murin. Nos mesures sont d'ailleurs tout ä fait comparablesä celles obtenues respectivement pour des M. myotis et des M. blythi d'Europecentrale (Miller 1912, Topal 1971, etc.). Si ces differences cräniennes interspecifi-ques sont essentiellement liees ä la taille, elles peuvent tout de meme expliquerla cohabitation de ces deux especes jumelles : Freeman (1981) a montre qu'ilexistait une relation tres claire entre le regime alimentaire des Vespertilionideset leur morphologic cränienne. Get auteur pretend en effet que les especes aucrane grand et robuste se nourrissent volontier d'insectes coriaces (par ex. Coleop-

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ESPECES JUMELLES DE MYOTIS 425

teres), alors que les especes au crane plus gracile choisissent essentiellement desinsectes « mous » (Dipteres, par ex.). Or le grand murin (M. myotis) est bienconnu pour sa specialisation sur les Carabides (Bauerova 1978, Gebhard et Hirschi1985), alors que le petit murin (M. blythi) inclurait beaucoup de Lepidopteresdans son regime alimentaire (du moins en URSS, Strelkov, comm. pers.). Unediete differente, reflet d'une morphologic cränienne divergente, permettrait donela cohabitation de ces deux especes jumelles. En Pabsence de travaux sur Pecologiecomparee de ces deux especes, il est malheureusement encore impossible de verifiercette hypothese.

La difference notee dans la longueur des avant-bras de ces deux especes(fig. 2) n'a pas de signification statistique. En Pabsence de distribution de referencepour chaque groupe monospecifique, une teile approche statistique est de toutefagon delicate. De surcroit, la robustesse des tests de distribution non parametri-ques (Lebart et al. 1982) les rend inutilisables dans le cas oil, comme ici, lesdeux courbes sont tres semblables.

L'etude du poiymorphisme enzymatique permet non seulement de caracteriserla structure genetique de ces populations de chauves-souris, mais offre aussila possibilite de dresser des comparaisons en contournant les limitations d'uneapproche morphologique (Ayala 1983, Avise 1974). Plusieurs travaux (Ferguson1980, Adams et al. 1987, etc.) ont montre que si un nombre süffisant de loci(> 25) est teste, il est tres peu probable que deux bonnes especes de mammiferespartagent tous leurs alleles. Sur 31 loci que nous avons analyses, il existe eneffet deux isozymes (Got et Mpi) qui expriment des alleles alternatifs fixes. C'esttres peu, mais Pabsence d'heterozygotes revelee sur un grand echantillon (n = 66)exclut la possibilite que cette segregation soit due a des erreurs d'echantillonnage.Ceci est d'autant plus probant que ces animaux furent testes dans des zonesoil les deux especes cohabitent, c'est-a-dire la oil elles pourraient effectivements'hybrider.

L'enzyme polymorphic (GPI) qui a egalement etc analyse sur les 66 individusapporte une preuve supplementaire que le flux genetique entre M. myotis etM. blythi est totalement interrompu. En effet, on remarque que GPI n'est poly-morphe que chez le Grand Murin (Gpiloo/6°), alors que M. blythi ne possedeque Pallele Gpi60. C'est la raison pour laquelle les frequences alleliques sontsignificativement deficitaires en heterozygotes lorsque Pon considere grands etpetits murins ensembles. Ceci demontre que M. myotis et M. blythi ont atteintun stade de speciation complete et representent deux bonnes especes ; de plus,comme ces trois enzymes determinants catalysent des reactions differentes (Lehnin-ger 1975), ils fournissent autant d'informations taxonomiques independantes (Ayala1983). Ces resultats montrent egalement Pefficacite de la determination biochimi-que, puisque les M. myotis et M. blythi sont identifies sans ambigu'ite depuisla Catalogne a la Tchecoslovaquie. Une confrontation des resultats morphologi-ques et genetiques (fig. 4) atteste aussi une bonne correspondance entre les deuxgenotypes et la taille de Pavant-bras des animaux testes, meme si un recouvrementimportant reste notable.

D'un point de vue plus global, la distance genetique qui separe ces deuxespeces jumelles est tout de meme faible (D = 0.135) ; eile est situee dans leslimites de ce qui differencie habituellement des semi-especes de mammiferes (Ayala1975). En Amerique du Nord, Herd (1986) a trouve des rosultats semblablespour deux autres especes jumelles de murins (D = 0.178 pour M. ciliolabrum

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426 MAMMALIA

Gonotypes observosQQT

MPI

100/1 oo

1 5 / 1 5

1 0 0 / 1 0°

107 /10?

53 55 57 59 61Longueur do I'Avant-Bras (mm)

Fig. 4. — Distribution des combinaisons genetiques de GOT-1 et de MPI detectees chez66 murins. Les betes echantillonnees proviennent de six localites suisses et espagnoles.Pour pouvoir etre comparee sur le meme graphique, la taille des avant-bras desmales a etc ajustee ä la moyenne de celle des femelies.

et M. leibii). En fait, chez les Vespertilionides (Arnold et al. 1980, Adams etal. 1982, Reducker et al. 1983, Adams et al. 1987, Herd 1987), il semble queles degres de differentiation morphologique et genetique soient parfois tres diver-gents. A Tencontre de nos resultats, on a effectivement observe des paires d'au-thentiques especes jumelles separees par une distance tres grande : c'est par exem-ple le cas des Eptesicus australiens (D = 0.44-0.99 ; Adams et al. 1982). A Top-pose, deux murins morphologiquement bien distincts (M. yumanensis et M. auricu-lus) sont « anormalement » rapproches par analyse biochimique (D = 0.118)du fait de la retention de nombreux alleles primitifs dans les deux lignees (d'apresReducker et al. 1983). Enfin, la distance qui separe deux especes jumelles duCanada (D = 0.307 pour M. yumanensis/M. lucifugus, Herd et Fenton 1983)est aussi importante que celle qui differencie les deux sous-genres Leuconoe etMyotis (D = 0.390 entre M. myotis et M. daubentonii) \ La convergence deformes adaptees ä des situations ecologiques comparables ou, au contraire, ladivergence morphologique rapide de deux especes phylogenetiquement prochesexpliquerait ces disparites (Reducker et al. 1983, Herd et Fenton 1986). C'estpour cette raison qu'une approche unilaterale (purement morphologique ou pure-ment biochimique) de la taxonomie de ces animaux hautement specialises estsouvent delicate. Un autre fait interessant est ä relever au sujet de la matricedes distances genetiques (tableau 6) : la divergence caracterisant M. myotis deM. daubentonii (D = 0.387) n'est pas la meme que celle qui differencie M.blythi de M. daubentonii (D = 0.602). Cela montre de toute evidence que malgreleur proche parente, les deux especes jumelles n'ont pas evolue genetiquementau meme rythme ä partir de leur ancetre commun.

Mein (in Fayard 1984) affirme que, d'apres les donnees paleontologiques,lOrigine de ces deux lignees evolutives se situe au Pleistocene inferieur. C'est

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ESPECES JUMELLES DE MYOTIS 427

ce que confirment nos resultats biochimiques si relie, meme grossierement(voir cependant le volume special numero 26 du Journal of Molecular Evolutionpour une vision critique des horloges moleculaires), la distance genetique autemps de divergence qui a vu la separation des deux especes (Nei 1972). Cettedivergence est de l'ordre de grandeur de quelques centaines de milliers, voird'un million d'annees et remonterait effectivement au Pleistocene. II est parconsequent tentant d'imaginer que ces deux especes aient etc isolees durant undes derniers episodes glacieres de cette epoque : Tune se serait refugiee a 1'ouest(en Europe du Sud) et l'autre ä Test (en Asie). Cette hypothese expliqueraitpourquoi seul M. blythi etend son aire de repartition actuelle jusqu'en Chine,alors que M. myotis reste confine ä lOuest Palearctique. Dans ce contexte,il serait interessant de connaitre I'identite exacte (biochimique !) des populationsd'Afrique du Nord, du Moyen-Orient et des lies mediterraneennes, pour savoirsi ces populations confirment le modele de speciation propose.

REMERC1EMENTS

Nous adressons notre vive reconnaissance ä M. le Prof. P. Vogel pour son soutienet son appui tout au long de ce travail. Que Mme A.-M. Mehmeti, MM. les Prof. V. Aellenet J. Hausser, Dr. M. Genoud, Dr. N. Perrin et med. vet. A. Gornik soient aussi remerciespour leur disponibilite et leurs conseils pertinents. Les autorisations necessaires pour uneteile entreprise ont etc obtenues grace aux services de renvironnement de l'Etat du Valaiset de la conservation de la faune du canton de Vaud. Un grand merci enfin au Prof.V. Hanak (Prague), MM. P. Zingg, Dr. G. Berthoud et P. Moeschler qui nous ont fournide precieux tissus d'animaux.

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Page 16: Distinction morphologique et biochimique de deux espèces jumelles de chauves-souris: Myotis myotis (Bork.) et Myotis blythi (Tomes) (Mammalia; Vespertilionidae)

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