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C e Courrier des statistiques est principale- ment consacré aux nomenclatures : nomenclatures économiques, qui viennent d’être révisées, et nomenclatures sociales. Dénombrer suppose de dénommer : Michel Boeda rappelle ce principe fondamental, et quelques autres, dans son article introductif. Il nous offre un panorama des nomenclatures et classifications. Il évoque leurs transformations historiques récentes. Il montre que les statisticiens inscrivent leur activité dans un ensemble de nor- mes économiques et sociales qu’ils contribuent aussi, en retour, à faire évoluer. Cette évolution des nomenclatures n’est pas seule- ment une affaire de techniciens. Elle implique un dialogue nourri avec de multiples partenaires. Ainsi, nombre d’acteurs sociaux, d’administra- tions nationales, d’organisations internationales, interviennent dans le débat toujours ouvert sur les nomenclatures sociales. Les chercheurs y contribuent également. Alain Desrosières met en perspective historique les célèbres « CSP » qui ont nourri le débat social en France. Devenues PCS, elles restent selon lui un outil irremplaçable, même si le cadre qu’elles constituent est appelé à s’adapter. Cette nécessaire mise à jour ne saurait évidemment ignorer le cadre européen et mondial. Cécile Brousse et Jérémie Torterat font le point sur cette construction, encore inachevée, qui permettra d’améliorer la comparabilité des données sociales françaises avec leurs corres- pondantes en Europe et au-delà. Pour progresser, les nomenclatures d’activités et de produits ont également nécessité de longues et complexes négociations. Thierry Lacroix, d’une part, Michel Lacroix et Marie-Madeleine Fuger, d’autre part, relatent le processus de révision qui a conduit à la nouvelle version de la nomencla- ture d’activités française (NAF) et de son pen- dant, la classification des produits. La cohérence est désormais très forte entre l’échelon européen et le niveau national. Le nouveau dispositif est aujourd’hui entré en vigueur. Chantal Madinier décrit cet agencement de nomenclatures qui s’efforce de répondre à une double exigence : assurer la comparabilité internationale des statis- tiques économiques sans remettre en cause les outils d’analyse utilisés dans notre pays. La nouvelle NAF est désormais opérationnelle grâce, aussi, à un ensemble de travaux d’une grande rigueur. Bernadette Rocca nous montre combien précis et organisés doivent être les travaux techniques indispensables à la réussite du « basculement » en nouvelle nomenclature. Il s’agit aussi d’exploiter à fond les sources exis- tantes afin de ne pas devoir solliciter individuel- lement les quelque vingt millions d’entreprises et d’établissements concernés. Jean-Philippe Grouthier et Jean-Paul Lachize apportent un éclairage complémentaire sur la genèse et les conséquences de la révision des nomenclatures, dans le domaine de l’industrie. Enfin, bien sûr, les travaux des nomenclaturistes et autres statisticiens n’ont de sens que pour se met- tre au service des utilisateurs, de l’ensemble des citoyens. Jean Lienhardt nous informe de la dif- fusion des nouvelles nomenclatures dans les ser- vices statistiques publics et in fine du calendrier de mise à disposition au public des informations présentées selon les nouvelles normes. Christine Pinel décrit les sept opérations, complexes mais indispensables, pour « raccorder » les informa- tions recueillies selon les anciens concepts à celles établies d’après la nouvelle classification. Il existe – à travers notamment le code « d’acti- vité principale exercée » – de multiples usages non-statistiques des nomenclatures forgées par les professionnels du chiffre. Cette utilisation indi- recte de la nomenclature d’activités requiert, de la part des statisticiens publics, de vastes campa- gnes d’informations, indispensables à la réussite finale de cette opération de révision des nomen- clatures économiques. C’est l’objet des articles de Patrice Roussel et Véronique Dutrech. L’encart mobile aidera le lecteur à visualiser l’articulation entre les nomenclatures d’activités, de produits, douanières et sectorielles aux échelons national, communautaire et mondial. Au verso : 2 édito - édito - édito - édito - édito - édito - édito - édito

édito - édito - édito - édito - édito - édito - édito - édito6 Michel Boeda Mais il contribue aussi à l’évolution de normes réglementaires, économi-ques, sociales…

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  • Ce Courrier des statistiques est principale-ment consacré aux nomenclatures : nomenclatures économiques, qui viennent d’être révisées, et nomenclatures sociales.

    Dénombrer suppose de dénommer : Michel Boeda rappelle ce principe fondamental, et quelques autres, dans son article introductif. Il nous offre un panorama des nomenclatures et classifications. Il évoque leurs transformations historiques récentes. Il montre que les statisticiens inscrivent leur activité dans un ensemble de nor-mes économiques et sociales qu’ils contribuent aussi, en retour, à faire évoluer.

    Cette évolution des nomenclatures n’est pas seule-ment une affaire de techniciens. Elle implique un dialogue nourri avec de multiples partenaires.

    Ainsi, nombre d’acteurs sociaux, d’administra-tions nationales, d’organisations internationales, interviennent dans le débat toujours ouvert sur les nomenclatures sociales. Les chercheurs y contribuent également. Alain Desrosières met en perspective historique les célèbres « CSP » qui ont nourri le débat social en France. Devenues PCS, elles restent selon lui un outil irremplaçable, même si le cadre qu’elles constituent est appelé à s’adapter. Cette nécessaire mise à jour ne saurait évidemment ignorer le cadre européen et mondial. Cécile Brousse et Jérémie Torterat font le point sur cette construction, encore inachevée, qui permettra d’améliorer la comparabilité des données sociales françaises avec leurs corres-pondantes en Europe et au-delà.

    Pour progresser, les nomenclatures d’activités et de produits ont également nécessité de longues et complexes négociations. Thierry Lacroix, d’une part, Michel Lacroix et Marie-Madeleine Fuger, d’autre part, relatent le processus de révision qui a conduit à la nouvelle version de la nomencla-ture d’activités française (NAF) et de son pen-dant, la classification des produits. La cohérence est désormais très forte entre l’échelon européen et le niveau national. Le nouveau dispositif est aujourd’hui entré en vigueur. Chantal Madinier décrit cet agencement de nomenclatures qui

    s’efforce de répondre à une double exigence : assurer la comparabilité internationale des statis-tiques économiques sans remettre en cause les outils d’analyse utilisés dans notre pays.

    La nouvelle NAF est désormais opérationnelle grâce, aussi, à un ensemble de travaux d’une grande rigueur. Bernadette Rocca nous montre combien précis et organisés doivent être les travaux techniques indispensables à la réussite du « basculement » en nouvelle nomenclature. Il s’agit aussi d’exploiter à fond les sources exis-tantes afin de ne pas devoir solliciter individuel-lement les quelque vingt millions d’entreprises et d’établissements concernés. Jean-Philippe Grouthier et Jean-Paul Lachize apportent un éclairage complémentaire sur la genèse et les conséquences de la révision des nomenclatures, dans le domaine de l’industrie.

    Enfin, bien sûr, les travaux des nomenclaturistes et autres statisticiens n’ont de sens que pour se met-tre au service des utilisateurs, de l’ensemble des citoyens. Jean Lienhardt nous informe de la dif-fusion des nouvelles nomenclatures dans les ser-vices statistiques publics et in fine du calendrier de mise à disposition au public des informations présentées selon les nouvelles normes. Christine Pinel décrit les sept opérations, complexes mais indispensables, pour « raccorder » les informa-tions recueillies selon les anciens concepts à celles établies d’après la nouvelle classification.

    Il existe – à travers notamment le code « d’acti-vité principale exercée » – de multiples usages non-statistiques des nomenclatures forgées par les professionnels du chiffre. Cette utilisation indi-recte de la nomenclature d’activités requiert, de la part des statisticiens publics, de vastes campa-gnes d’informations, indispensables à la réussite finale de cette opération de révision des nomen-clatures économiques. C’est l’objet des articles de Patrice Roussel et Véronique Dutrech.

    L’encart mobile aidera le lecteur à visualiser l’articulation entre les nomenclatures d’activités, de produits, douanières et sectorielles aux échelons national, communautaire et mondial. Au verso :

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  • une explicitation des principaux sigles et, parfois, leurs correspondants en langue anglaise.

    Les auteurs des articles – et les responsables du Courrier – ont-ils bien respecté les règles qui régissent la présentation des ouvrages et articles qu’ils citent ? Le lecteur pourra le vérifier grâce à Ève Roumiguières qui nous invite à présenter une bibliographie dans les règles de l’art… C’est le dixième numéro de la rubrique « Savoir compter, savoir conter ».

    Autre rubrique désormais familière au lecteur assidu du Courrier : « Il y a 30 ans » et « Trente ans après ». Dans ce numéro : la statistique au ministère chargé de la fonction publique.

    Christine Gonzalez-Demichel, en contrepoint à l’article d’Hugues Lhuillier paru en janvier 1978, nous permet de mesurer le chemin parcouru en trois décennies. Aujourd’hui, la mesure de l’em-ploi public est sensiblement plus précise.

    S’il s’intéresse toujours à l’histoire, comme le démontreront de futures livraisons de la revue, le Courrier des statistiques ne saurait ignorer l’actualité. Le numéro 126, à paraître au prin-temps prochain, comportera ainsi un dossier sur la conception des enquêtes « ménages » et se penchera plus particulièrement sur les enquêtes auprès des sans-domicile. Il fera également le point sur la mise en place de la nouvelle gouver-nance statistique. n

    Courrier des statistiques n° 125, novembre-décembre 2008 3

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  • 5Courrier des statistiques n° 125, novembre-décembre 2008

    Les nomenclatures statistiques : pourquoi et comment! par Michel Boeda*

    Le repérage du champ économique et social par les statisticiens repose sur des nomenclatures coordonnées entre elles. Nomenclatures réglementaires, qui leur sont pour l’essentiel imposées, et nomenclatures statistiques, qu’ils créent ou contribuent à construire. Le cadre européen implique en outre leur harmonisation poussée entre pays. Cette harmonisation est désormais achevée, pour l’essentiel, dans la sphère productive ; elle est encore en chantier dans le domaine socio-économique.

    Les statisticiens mesurent ce qui est préalablement défini sur un domaine identifié, nommé, borné et cadastré ; on pourrait dire « nomen-claturé » si le terme existait. Ils peuvent se servir du niveau le plus fin d’une nomenclature comme d’un zoom, détail au-delà duquel la possi-bilité ou la signification de la mesure se perd. Sous un autre jour, les niveaux regroupés proposent une information synthétique.

    Les statisticiens (ici : publics) sont présents sur de très nombreux domai-nes mais n’utilisent qu’un nombre limité de nomenclatures ou de classi-fications coordonnées entre elles. On peut coupler les nomenclatures : ainsi celles des activités et des produits (symétriques) et celles des profes-sions et catégories sociales (emboî-tées). On peut aussi les croiser (spé-cialités et niveaux de formation) ou former des réseaux.

    Les nomenclatures vieillissent car la réalité change. Un changement de nomenclature, périodiquement indis-pensable, est un exercice difficile pour les statisticiens. Le raccord de séries sur le passé, forcément com-pliqué et approximatif, pose problème et appelle des solutions complexes

    (cf. article de Christine Pinel). Il n’y a en effet pas correspondance exacte entre un ou plusieurs items de la nomenclature ancienne et de la nou-velle ; sinon, il s’agirait d’une permu-tation de rubriques (quel intérêt ?) ou d’un emboîtement (changement d’échelle).

    L’emboîtement est justement la clé de la comparabilité internationale, tout spécialement de l’harmonisation européenne, aujourd’hui essentielle.

    Aperçu panoramique des nomenclatures

    Dans un premier temps, le statisticien se repère sur un territoire et prend ses marques dans des domaines - comptable, juridique, réglementaire - classifiés pour l’essentiel en dehors de lui.

    * Michel Boeda a été chef de la division « nomenclatures » à la direction générale de l’Insee de 1989 à 1995, puis adjoint au chef du département des normes statistiques et comptables, avant d’achever sa carrière au Cefil (Centre de formation de l’Insee à Libourne), où il a notamment organisé des séminaires pré-parant les statisticiens des pays entrant dans l’Union européenne à leur nouveau paysage statistique.

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    Systema Naturæ (1748), les systèmes de la nature, du nomenclateur Carl Von Linnée

    Encadré 1 : nomenclatures et classifications

    Dans la Rome antique, le nomenclateur était l’huissier annonçant les noms et titres des sénateurs... la Nomenklatura avant l’heure ! Dans nomenclature il y a nommé. Les classifications évoquent plutôt le besoin d’organiser les connais-sances.Le champ économique et social s’est structuré très progressivement ; l’harmoni-sation internationale est encore récente et inachevée. Certaines typologies sont construites à partir d’analyses de données et plutôt pour des études. Les nomen-clatures statistiques à usages multiples sont construites en fonction de principes et d’objectifs. Identifier (Siren, code géographique...) n’est pas classer.Les termes nomenclatures et classifications existent en français et en anglais. Les francophones utilisent plutôt le premier, les anglophones le second. On peut les tenir pour synonymes, chacun visant un aspect du concept : un système de rangement à tiroirs avec les instructions précisant qui va où (classification) et un jeu d’étiquettes précisant le contenu générique de chaque tiroir (nomenclature).

  • 6

    Michel Boeda

    Mais il contribue aussi à l’évolution de normes réglementaires, économi-ques, sociales… Ainsi, en est-il de la comptabilité nationale qui définit et ordonne les flux du circuit éco-nomique. De même, les statistiques sociodémographiques explorent dif-férentes dimensions des personnes et leur rapport au travail, révélateur de la catégorie sociale. Les statisticiens complètent et aménagent le socle administratif ; ils contribuent ainsi à structurer le champ économique et social.

    Les territoires administratifs fran-çais, des régions aux communes, sont le fruit de notre histoire : les régions sont reprises dans la Nuts (nomenclature des unités territoriales à des fins statistiques) au deuxième niveau européen, nos 36 000 com-munes au cinquième niveau. Ces ato-mes insécables du code géographi-que représentent environ un tiers des positions européennes : rien là de très équilibré. Il existe de très nombreux autres zonages géographiques à la définition desquels des méthodes sta-tistiques ont contribué. Mentionnons

    en particulier les « zones d’emploi » : qui se fondent sur les déplacements domicile-travail mais respectent des contraintes administratives (limites régionales).

    Pour structurer le monde des entre-prises, le répertoire Sirene recourt à des catégories qui impliquent des obligations déclaratives et ébau-chent des « secteurs institutionnels ». Référence centrale, le plan comptable général n’est pas une classification statistique, même si les statisticiens ont pu exprimer leurs besoins. Source majeure, les déclarations fiscales des entreprises (BIC) sont en France à l’origine notamment des comptes intermédiaires des entreprises, qui peuvent être déclinés par activité économique.

    La comptabilité nationale, repré-sentation du circuit économique, se réfère à différentes nomenclatures définies par le Système de comp-tabilité nationale (SCN 93) dans les comptes des secteurs institutionnels : opérations sur biens et services, de répartition, financières. La comptabi-

    lité nationale s’appuie aussi sur les nomenclatures d’activités (comptes de branches) et de produits (équili-bres ressources-emplois) ainsi que sur des nomenclatures fonctionnelles pour la consommation des ménages et les dépenses des administrations. Des « comptes satellites » jettent des ponts entre la comptabilité nationale et divers domaines (tourisme, recher-che, agriculture...) où existent des nomenclatures spécifiques.

    Le domaine de la santé (maladies, causes de décès...) a sa propre nor-malisation statistique internationale. Il utilise aussi les outils de gestion de la sécurité sociale (actes médi-caux, professions médicales et para-médicales,…) Idem pour l’éducation avec la CITE (classification internatio-nale type de l’éducation, établie par l’Unesco) et les outils de gestion des rectorats.

    Les nomenclatures relatives aux personnes (âge, état civil, nationa-lité...) sont employées par les sta-tisticiens de façon aussi neutre que possible ; mais ce sont d’abord des

    Partition Une nomenclature « plate » (= un niveau) forme une partition du champ étudié : sa décomposition en classes d’équi-valence disjointes. Une nomenclature sur plusieurs niveaux est constituée de partitions emboîtées. Les partitions ont une « structure de treillis » au regard de l’emboîtement (comme les nombres entiers au regard de la divisibilité) : l’une emboîte l’autre ; l’autre emboîte l’une ; ou il n’y a pas emboîtement. A l’instar du PPCM et du PGCD, la nomenclature-produit (inter-section) est celle dans laquelle on doit collecter l’information si l’on veut publier les résultats dans les deux nomenclatu-res ; la nomenclature-somme (réunion) est celle dans laquelle on peut com-parer le résultat des données collec-tées dans l’une ou l’autre nomenclature [Arkhipoff, 1976].Les classes d’équivalence peuvent être repérées (code, intitulé) mais il n’y a aucun ordre naturel. Une nomenclature internationale ne peut à la fois être une banque de rubriques élémentaires et fournir les catégories de regroupement

    emboîtantes pour les nomenclatures nationales.

    Arborescence Les nomenclatures (arborescences en espalier) relèvent de la théorie des gra-phes. Cette approche se prête davan-tage aux recherches sur la « proximité » de deux nomenclatures, entre pays notamment, en spécifiant une « dis-tance » entre arborescences. On peut aussi évaluer l’homogénéité d’arbores-cences « plus ou moins touffues » en usant d’un concept entropique (dégrou-pement versus regroupement) sur la distribution de l’information. L’Insee a participé à une recherche européenne. L’objectif implicite de ces travaux était de dépasser les débats dialectiques par une approche techni-que, notamment pour la révision de la nomenclature internationale des pro-duits. Une telle nomenclature peut en effet être envisagée – selon l’origine - point de vue euro-péen ; – selon la destination - défendue par les Américains ;

    – ou la nature intrinsèque des produits - comme c’était le cas de la CPC initiale. Les acquis méthodologiques n’ont pas suffi pour clore ce débat. [Boeda et alii, 2002]

    Analyse de données Au lieu de partir de la structure formelle des classifications, l’analyse de don-nées part des informations sur les objets à classer pour en déduire des classes de regroupement et des arborescences. Elle suppose des données existantes, une métrique pour la « distance » entre deux objets et un arbitrage pour aligner les nœuds (choix des niveaux) de l’ar-borescence. La nomenclature obtenue dépend des données : toute information nouvelle peut la remettre en cause. [Volle et alii, 1970]Les zonages d’études font systéma-tiquement appel à l‘analyse des don-nées. Des regroupements macro-éco-nomiques pertinents et robustes ont été révélés lors de ses premières utili-sations. La nomenclature des activités sportives y a eu recours. [Desrosières, 1972]

    Encadré 2 : nomenclatures et mathématiques

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    Les nomenclatures statistiques : pourquoi et comment

    Courrier des statistiques n° 125, novembre-décembre 2008

    nomenclatures administratives por-teuses de limites diverses : majo-rité civile ou pénale, parts fiscales... Rejetées par le Conseil constitution-nel, les typologies à base ethnique ou religieuse n’ont pas cours en France.

    La nomenclature douanière, lar-gement utilisée par les statisticiens, illustre clairement les contraintes d’une nomenclature réglementaire. Son objectif est que le commerce international puisse se développer dans la transparence et que des règles (droits de douanes et restitu-tions, contingents, stupéfiants, arme-ments, produits à risques...) trouvent à s’exprimer avec leurs conséquen-ces juridiques. La première obligation est donc l’identification non ambiguë de toute marchandise, objectivement constatable en l’état de la technique (par exemple : traces d’OGM). Les catégories douanières sont donc bien plus concernées par les limites d’une rubrique que par son cœur, à l’op-posé de la démarche du statisticien. Leur intitulé peut aussi bien être une très longue énumération ou un simple « autres », ce poste-solde étant pré-cisé au niveau de détail suivant. Et, souvent, la destination économique des produits n’a guère d’intérêt doua-nier ; le statisticien doit donc inter-préter : tracteur à chenilles = engin de chantier ; tracteur à roues = engin agricole.

    Les statisticiens peuvent aussi inter-venir à propos d’un besoin spécifi-que. Trois exemples très différents - la formation, les déchets et les activités physiques et sportives - mettent en évidence une « co-construction » entre l’offre et la demande de nomenclatu-res, où interviennent divers acteurs et institutions.

    La nomenclature des spécialités de formation répond à un besoin resté longtemps latent de recons-truction d’une nomenclature devenue obsolète et essentiellement ciblée sur les formations dispensées par l’édu-cation nationale lors de la formation initiale. Les formations techniques étaient mal représentées et, surtout, la formation continue à destination d’adultes engagés dans la vie active était ignorée. Via le Cnis, l’Insee a

    invité à la même table de travail les représentants de l’éducation nationale et ceux de la formation permanente, deux mondes qui ne travaillaient pas ensemble habituellement [Gensbittel et alii, 1992]. Une nomenclature se négocie ; elle ne s’impose pas.

    La nomenclature des déchets résulte de l’impossibilité technique de mettre en œuvre le « catalogue européen des déchets » élaboré par des juristes. En forçant le trait, ce catalogue se bornait à lister les activités et mettait « déchets de » devant chacune d’en-tre elles… Mais beaucoup de déchets ne résultent pas d’activités, comme les produits en fin de vie : des vieux papiers au « Clémenceau ».

    L’Ifen, l’Ademe, l’Insee et quelques experts étrangers ont constitué un groupe de travail commandité par Eurostat. Les déchets ont été définis par leur nature, classés par risque quand il y a lieu (chimique, radioac-tif, biologique), en fonction de leur caractère plus ou moins dégradable et recyclable dans les autres cas. Avec en filigrane les étapes obligées des traitements (collecte, tri, transfor-mation, élimination) par où passent les flux.

    Le travail achevé a été enterré trois ans. Pour réapparaître en annexe du règlement européen de 2002 relatif aux statistiques sur les déchets, mais avec un raccordement artificiel au catalogue européen des déchets. Tant il est difficile d’abroger un texte…

    La nomenclature des activités phy-siques et sportives a été élaborée par un groupe de travail associant l’Insee et la mission statistique du ministère de la jeunesse et des sports [Collectif, 2002]. Des données très variées complétant celles de l’en-quête « Pratique sportive 2000 », ont été passées à la moulinette d’une méthode d’analyse des données, la classification ascendante hiérarchi-que. L’importance accordée aux dif-férentes données était du ressort du pilote du projet. Il en est résulté une nomenclature en 9 classes, 34 familles et 335 disciplines. Si les disciplines relèvent du vocabulaire sportif cou-rant, les regroupements mis en évi-dence par l’analyse de données sont de pures créations, si bien que les intitulés créés pour les nommer n’ont pas de pouvoir évocateur hors du groupe de travail. Souhaitons bonne chance à ces expressions nouvelles !

    Encadré 3 : nommer… ou le poids des mots

    La nomenclature d’activités suisse avait distingué, et donc nommé, les travaux de couverture métallique des bâtiments : Bauspenglerei ; travaux de ferblanterie ; lavori du lattoneria ; trois langues, trois métaux différents. De plus, en « français hexagonal » zinguerie remplacerait ferblanterie ! Cet exemple montre que la tra-duction mot à mot n’est pas toujours possible.La traduction français-anglais et retour réserve des surprises : l’Insee avait proposé d’ajouter aux notes explicatives des services d’inspection technique la « certification des ouvrages d’art », revenue « authentification d’œuvres d’art ».En français, la profession peut changer avec le genre : le boulanger est au pétrin ou au four, la boulangère sert les clients et tient la caisse. Mais le cerveau humain décode assez bien les ambiguïtés : des trois expressions « coupe de cheveux », « coiffeur », « salon de coiffure » seule la première désigne une activité, la seconde visant une profession et la troisième un établissement. Un contrôle de vraisemblance lors d’un ancien recensement avait montré un nombre d’agriculteurs tout à fait anormal dans les zones urbaines et presque exclusivement de sexe féminin. Le retour aux sources a permis de remonter aux « jardinières » ; « d’enfants » avait sauté, la consigne étant à cette époque d’économiser l’espace informatique. L’erreur systématique a été facile à corriger.

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    Michel Boeda

    Les nomenclatures structurantes : activités et produits

    Autrefois, chaque application don-nait lieu à une exploitation selon une nomenclature spécifique, pour les activités comme pour les produits ; les activités économiques et indi-viduelles (professions) n’étaient pas clairement distinguées. Une véritable tour de Babel interdisait la pleine utili-sation des informations.

    Les temps modernes

    Le répertoire inter administratif ancê-tre de Sirene a donné l’occasion d’imposer la nomenclature d’activités économiques (NAE 59). Les comptes nationaux - le tableau des entrées-sorties notamment - militaient pour une nomenclature de produits orga-nisée comme celle des activités. Parallèlement, il apparaissait naturel que le questionnement sur les produits s’adresse aux entreprises auxquelles correspondait le code APE. Ces vœux se concrétisent avec la nomenclature d’activités et de produits, la NAP 73. Comme son nom ne l’indique pas, il s’agit d’un couple de nomenclatures en miroir sur 600 positions ; le volet produits a été détaillé ultérieurement pour s’adapter aux enquêtes de bran-ches et pour commencer à organiser l’immense domaine tertiaire (Nodep : nomenclature détaillée des produits).

    Le décret interministériel promulguant la NAP affirmait son caractère obliga-toire pour la statistique publique, pré-cisait l’absence de droits ou d’obliga-tions pour les entreprises du seul fait du classement par activité, et rappe-lait aux utilisateurs non statistiques leur propre responsabilité (cf. article de Patrice Roussel).

    L’histoire strictement nationale s’ar-rête après vingt ans de bons et loyaux services rendus pas la NAP [Lainé, 1999]. Mais les nomenclatures doua-nières étaient restées à l’écart : la cohérence entre le champ de la pro-duction et celui du commerce exté-rieur n’était donc pas assurée au niveau détaillé.

    Le modèle douanier

    Dès la fin des années 60, l’Union douanière européenne implique des nomenclatures douanières nationa-les issues d’une mère européenne emboîtante. Chaque pays peut (peut seulement) subdiviser toute position européenne ultime.

    Ce modèle a été systématisé. Depuis 1988, le même schéma de poupées russes est en vigueur :

    – les six premiers chiffres du code douanier sont ceux du Système Harmonisé (SH) ;

    – les deux suivants permettent de doubler les détails (de 5 000 à 10 000 positions) dans la nomenclature doua-nière européenne (NC pour nomen-clature combinée) ;

    – la nomenclature française (NGP) dispose d’une neuvième position pour exprimer nos exceptions : vins, fromages...

    Ces nomenclatures évoluent de concert, avec une finalité réglemen-taire laissant peu de place aux besoins des statisticiens.

    La décision internationale et euro-péenne a été de se caler sur les nomenclatures douanières, ce qui règle (en principe) les questions de cohérence de champ entre produc-tion et commerce extérieur : tout bien est défini par un nombre entier de positions SH au niveau international, par un nombre entier de positions NC (si nécessaire) en Europe. Avec des aménagements. Par exemple, les douaniers ne connaissent que le lait conditionné (produit des IAA) et ignorent le lait brut (produit de l’élevage) et souvent les produits périssables comme la pâtisserie fraî-

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    Poupées russes

    Encadré 4 : comprendre la correspondance activités-produits

    Chaque activité donne lieu à des produits caractéristiques. Faut-il que tout produit ne provienne que d’une activité ? Si on appliquait ce principe au dernier niveau de la nomenclature d’activités, cela supposerait une relation d’emboîte-ment faisant de la nomenclature de produits une sorte de développement de la nomenclature d’activités. La Commission statistique de l’ONU a finalement structuré la CPC comme la balance des paiements.Un exemple concret ramène pourtant la question à ses justes proportions : à l’activité « production de poissons » correspondait, dans l’ancienne CPF, le pro-duit « poissons ». Mais pourquoi se priver de la distinction entre les activités de pêche et de pisciculture, qui présentent des différences importantes : emploi en mer ou à terre, équipements ou bateaux, gestion des ressources, etc. ? Certes, les poissons ne sont pas discernables pour un statisticien (sauf peut-être s’il est par ailleurs gastronome...) : il y a donc un produit commun aux deux activités du niveau détaillé (codification reliée au niveau supérieur). Partant d’une correspon-dance activités-produits banale on avait simplement distingué deux modes de production pour des raisons pertinentes en statistiques d'entreprises, sans que cela retentisse sur les statistiques de produits. Le commerce offre un cas plus complexe mais relevant de la même analyse. Le service commercial consiste à offrir aux clients les produits demandés dans des conditions appropriées, ce qui justifie une marge. Chaque contrat liste les produits vendus (facture), le service commercial se déclinant alors par gammes commercialisées. L’activité commerciale admet diverses modalités : magasins spécialisés, grandes surfaces polyvalentes, marchés, VPC, internet... Il apparaît pertinent de suivre chacune d’elles (emploi, urbanisme, lien social...). La relation activités-produits prend ici une forme matricielle croisant modes de commercia-lisation et marges par gamme commercialisée.

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    Les nomenclatures statistiques : pourquoi et comment

    Courrier des statistiques n° 125, novembre-décembre 2008

    che. L’expérience a conduit à adou-cir la rigueur des principes dans la dernière révision des nomenclatures (cf. article de Michel Lacroix et de Marie-Madeleine Fuger).

    Le marché unique européen

    La première nomenclature européenne d’activités (NACE 70) est contempo-raine de la NAP 73, mais sans cor-respondance simple. La perspective d’un marché unique à l’horizon 1993 nécessitait une bonne comparabilité des statistiques nationales sur le sec-teur productif. Solution : une NACE révisée dans laquelle s’emboîteraient les nomenclatures nationales.

    L’opération a été menée de concert avec la troisième révision de la nomen-clature d’activités de l’ONU (CITI : classification internationale type par industrie). D’où le même schéma de poupées russes : CITI rév.3 ; NACE rév.1 ; NAF ; chacune détaillée dans la nomenclature suivante, mais sans visualiser l’emboîtement par le code.

    L’opération vient d’être renouvelée, associée à la quatrième révision de la CITI. La transparence européenne est cette fois assurée. Ce numéro du Courrier des statistiques est lar-gement consacré à l’opération et à ses incidences sur la statistique fran-çaise.

    La mise en œuvre nationale du der-nier changement de nomenclature a repris le schéma initial [Boeda, 1996], en mieux rodé, piloté et documenté, avec un échéancier plus serré, le calendrier statistique étant davantage européanisé.

    Premier résultat des débats euro-péens : l’articulation des activités et des produits, conforme aux vœux français ; elle s’inscrit dans une cohé-rence d’ensemble avec les nomen-clatures douanières (cf. schéma encarté).

    A côté des exigences des comptables nationaux, le rôle décisif est revenu aux statisticiens en charge des sta-tistiques industrielles (Prodcom) : à quoi raccorder une liste européenne de plusieurs milliers de biens indus-triels, sinon sur le code activité de la branche d’origine ? Eurostat a vite compris que la classification euro-péenne des produits deviendrait une coquille vide si elle ne s’intégrait pas entre Prodcom et la NACE.

    D’où la CPA (Classification des pro-duits associée aux activités). Le code de la CPA reprend celui de la NACE aux niveaux agrégés, déclinés sur deux positions complémentaires pour une description détaillée, plus une position à deux chiffres pour la liste Prodcom (sur l’industrie). Soit le schéma de la NAP 73, complétée

    par la Nodep et les enquêtes de branches. Aujourd’hui renforcée, la majorité européenne a confirmé la structuration de la CPA, bien que la dernière révision de la CPC entérine sa structure initiale et que les statis-ticiens américains aient défendu un autre choix.

    Les nomenclatures macroécono-miques

    L’analyse macroéconomique doit s’opérer sur de grandes catégo-ries économiquement significatives, mêlant caractéristiques des marchés et stratégie des firmes. Par exem-ple, les industries de consomma-tion doivent ménager les distribu-teurs, séduire les clients et segmenter le marché alors que les industries d’équipement valorisent leur tech-nicité ou celle d’un réseau de sous traitants spécialisés en s’adaptant aux besoins de gros clients… Ce que la NES (nomenclature économique de synthèse) a cherché à capter par ses regroupements alors que ceux de la CITI/NACE reflétaient le seul point de vue productif. La NES n’a finalement été adoptée qu’en France - où l’ins-titut de statistique présente la singu-larité d’intégrer les études économi-ques. Il s’agissait aussi de contrer les

    Encadré 5 : le critère d’association

    Le schéma théorique français repose sur une correspondance activités-produits et un critère d’association. Selon ce critère, on doit regrouper les activités (y compris pour constituer une position élémentaire) en respectant les associations les plus souvent rencontrées au sein des unités. La pluriactivité est ainsi minimale et la signification du classement maximale. Derrière ce constat empirique, un déterminisme micro-économique est sous-jacent. Si le coût d’entrée sur le marché d’un produit clé est élevé (équipements, technique, recherche...), l’entreprise qui franchit le pas se ménage un quasi monopole sur les productions dépendant du produit clé et a intérêt à pousser son avantage. Inversement, le producteur d’un produit banal, très concurrencé, cher-chera à adapter la gamme pour sa clientèle, y compris comme revendeur. C’est l’ensemble produits-activités qui se structure sur le marché, les regroupements étant orientés selon les cas par une logique d’offre ou de demande.Rarement explicité, le critère d’association oriente les discussions lors des révi-sions. Par exemple lors de la dernière révision : fin de l’association séculaire de l’imprimerie et de l’édition, éloignement de la production et des réparations de biens industriels, confirmation de l’association commerce-réparation automobile, convergence des activités multimédias...

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    Nomenclatures d’activités et de produits 1973 NAP 73

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    Michel Boeda

    regroupements non coordonnés dans la statistique publique. La question est réapparue lors de la dernière révi-sion (cf. article de Chantal Madinier), aboutissant à un compromis euro-péen qui officialise la diffusion sur différents niveaux de regroupement, la NES étant abandonnée.

    Les nomenclatures fonctionnelles

    Au-delà de l’appareil productif, il faut suivre les emplois des produits, en premier lieu la consommation des ménages.

    La nomenclature internationale en vigueur est la CoiCoP (Classification of Individual Consumption by Purpose, le sigle anglais étant seul utilisé), sans déclinaison européenne ou nationale. La correspondance avec la CPC (et donc la CPA/CPF) a fait l’objet d’une table de passage. La CoiCoP est uti-lisée pour l’enquête Budget, générali-sée en Europe, et pour présenter l’in-dice européen harmonisé des prix à la consommation. C’est également à travers la CoiCoP, dont on a détaillé le dernier niveau, que s’opèrent les calculs des parités de pouvoir d’achat entre pays.

    La CoFoG (Classification of the Func-tions of Government) est la nomencla-ture internationale utilisée pour clas-ser les dépenses des administrations. La dernière version, révisée en cohé-rence avec la CoiCoP, vise plutôt la ventilation des consommations finales (au sens de la comptabilité nationale) des administrations publiques : admi-nistration générale, défense, ordre public, éducation, santé, protection sociale... Ainsi, les postes relatifs à la consommation individualisable (édu-cation, santé...) viennent ils rejoindre les postes similaires financés directe-ment par les ménages.

    Les nomenclatures structurantes : professions et catégories socioprofessionnelles

    Les PCS (professions et catégories socioprofessionnelles) sont les héri-tières des CSP (catégories socio-

    professionnelles) toujours présentes dans le vocabulaire quotidien. Il s’agit d’une conception française origi-nale (cf. article Alain Desrosières). Le concept même de catégorie sociale, en pleine guerre froide, était auda-cieux. Techniquement, la PCS intègre deux nomenclatures emboîtées : les professions et les catégories socio-professionnelles.

    Le raisonnement fondateur est que l’identité sociale se construit au tra-vail. La profession (au sens large : métier, qualification, statut et repè-res des conventions collectives) est déterminante pour le positionnement social. La profession reflète l’éduca-tion et la formation reçues, le milieu familial d’origine ainsi que le contexte dans lequel elle s’exerce. Les reve-nus, le mode de vie et les consomma-tions vont de pair avec la profession. La corrélation vaut pour les retraités. Également pour les ménages, tant l’endogamie reste forte.

    Les économètres trouvent donc dans la catégorie sociale un indicateur syn-thétique à fort pouvoir explicatif du comportement des ménages sans avoir à utiliser des informations mul-tiples et difficiles d’accès (comme le revenu). Il n’existe pas de dispositif international équivalent : les profes-sions sont dans le champ du bureau international du travail (BIT), les caté-gories sociales plutôt dans la mou-vance universitaire. En cherchant à rapprocher ces domaines, le chantier européen est en pointe.

    Rajeunie sur le seul volet détaillant les professions (en vigueur depuis 2003), la PCS est présente dans les recen-sements depuis 1982, avec une char-nière sur la nouvelle PCS dans celui de 1999. La PCS est utilisée pour les enquêtes auprès des ménages, tandis que sa variante adaptée au cas des salariés (PCS-ESE, pour Emploi Salarié en Entreprise) l’est pour les enquêtes ou formulaires administra-tifs renseignés par les employeurs.

    Alors que l’Insee mettait à jour sa nomenclature nationale des profes-sions, Eurostat promouvait l’applica-

    tion de la CITP (classification interna-tionale type des professions, version 1988). Celle-ci était toutefois adap-tée, à la marge, au contexte euro-péen (CITP-com). Cette entreprise a connu certains succès, notamment dans les nouveaux États membres dont les nomenclatures nationales étaient obsolètes. Mais une ambi-guïté ancienne demeure : la CITP vise moins la profession des indivi-dus que le poste de travail occupé. (voir les articles de Cécile Brousse et de Jérémie Torterat qui présentent notamment la CITP et son devenir européen).

    La PCS est très précise si l’on suit bien le protocole. Ce n’est pas immé-diat car cela nécessite de disposer d’une information qui ne concerne pas le seul poste de travail. La CITP est probablement plus facile à coder mais elle laisse une marge d’interpré-tation importante. Le BIT reconnaît explicitement la nécessité des « clas-sifications nationales des professions, qui devraient refléter aussi fidèlement que possible la structure des marchés nationaux de l’emploi ».

    Le travail sur la CITP 2008 arrive à son terme sans vraiment convaincre, d’autant qu’il est engagé à l’échelle internationale et que certains acquis européens sont remis en cause (cadres administratifs publics par exemple).

    Les catégories sociales restent un chantier strictement européen en l’absence de standard international validé. Eurostat avait déjà dû préco-niser des pseudo-catégories sociales (regroupements professionnels issus de la CITP) pour les enquêtes euro-péennes sur le budget des familles, reprenant en cela un principe fonda-teur de la PCS. L’inspiration théorique du projet actuel est le schéma de classes de Goldthorpe ; la référence en est la classification socio-écono-mique (ESeC, cf. article de Cécile Brousse). L’enjeu des études en cours est de vérifier la capacité du proto-type à capter les professions en PCS et/ou en CITP et d’assurer un pouvoir explicatif convenable dans des appli-cations variées du tronc commun européen sur les ménages.

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    Les nomenclatures statistiques : pourquoi et comment

    Courrier des statistiques n° 125, novembre-décembre 2008

    Conclusion

    Les nomenclatures économiques sont très fortement standardisées en Europe parce que le départ a été pris il y a longtemps, parce que les échan-ges, la technique et le marché unique poussaient dans le même sens (avec des réserves pour les services, où les spécificités résistent).

    Dans le domaine social, le particu-larisme hérité de l’histoire devient la règle ; après un demi-siècle de convergence européenne, la recon-naissance réciproque des diplômes a peu avancé ; la barrière de la langue cloisonne toujours fortement le mar-ché du travail.

    Les avantages d’une harmonisation internationale dans la sphère pro-ductive balayaient les inconvénients. Cela est moins évident dans la sphère sociale. Même vieilli, le sur-mesure national conserve des attraits par rapport à un prêt-à-porter européen qui se cherche encore. n

    Bibliographie

    Arkhipoff 0., 1976, « Taxonomie et sémantique : étude formelle des nomenclatures », Journal de la société sta-tistique de Paris, tome 117, n° 3.

    Boeda M., 1996, « Le changement de nomenclatures d’activités et de produits », Actualités du Cnis, n°16.

    Boeda M., Bruneau E., Rivière P. et Rousseau R., 2002, « Insee Contribution to the ‘Foundations’ Sub-project », CLAMoUR project. www.statistics.gov.uk/methods_quality/clamour/ .

    Collectif, 2002, « Une nomenclature pour les activités physiques et sportives », MJS Stat info, n° 02-02, mars 2002.

    Desrosières A., 1972, « Un découpage de l’industrie en trois secteurs », Économie et statistique, n° 40.

    Gensbittel M.-H., Hillau B.., Join-Lambert E., 1992, « Vers une nouvelle nomenclature des spécialités de formation », Courrier des statistiques, n° 63.

    Lainé F., 1999, « Logiques sectorielles et nomenclatures d’activités », Économie et statistique, n° 323.

    Volle M. et alii, 1970, « L’analyse arborescente », suivie de « L’analyse de données et la construction des nomen-clatures », Annales de l’insee, n° 4.

  • 13Courrier des statistiques n° 125, novembre-décembre 2008

    Les catégories socioprofessionnelles! Alain Desrosières*

    La nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) est utilisée en France depuis plus d’un demi-siècle pour étudier les milieux sociaux et décrire les emplois. Elle combine le statut, le métier et la qualification. Malgré les critiques dont elle fait l’objet de divers points de vue, elle reste un outil irremplaçable d’analyse de la société française.

    Depuis les années 1950, les cher-cheurs en sciences sociales comme les instituts privés spéciali-sés dans l’étude de l’opinion publique utilisent largement une nomencla-ture des groupes sociaux créée par l’Insee, les Professions et Catégories Socioprofessionnelles (PCS). Ce découpage a été conçu à une époque où la société française était structu-rée en groupes sociaux consistants, souvent dotés d’une forte conscience d’eux-mêmes et d’organisations représentatives puissantes (les agri-culteurs, les ouvriers, les patrons, les cadres). Ces catégories empiriques utilisées par les statisticiens et les sociologues étaient vues comme des approximations des « classes socia-les » mises en avant par la tradition sociologique et politique. Depuis les années 1980, il est devenu classi-que d’observer que ces groupes ont perdu de leur force en tant que grou-pes « pour soi », que les statuts ou quasi-statuts qui les sous-tendaient se sont effrités, notamment sous l’effet de la crise économique, des transformations du marché du travail et de la baisse de la syndicalisation. Par ailleurs, certains économistes, qui préfèrent souvent des critères pour eux plus faciles à enregistrer et à coder, comme le revenu et le diplôme, voient dans l’usage persis-tant de cette nomenclature une sorte d’anachronisme ayant perdu toute pertinence. Vingt ans après la publi-cation d’un petit volume consacré aux recherches menées lors d’une refonte de cette nomenclature enga-gée à l’occasion du recensement de 1982 (Desrosières et Thévenot, 1988/2002), comment expliquer que, malgré ces critiques fortes, elle reste toujours largement utilisée ?

    La nomenclature imaginée par Jean Porte à l’Insee en 1951 combinait trois logiques distinctes. Les deux premiè-res (le statut et le métier) remontaient au 19ème siècle, tandis que la troi-sième (la qualification convention-nelle) était alors toute récente. Le statut distingue les salariés et les non-salariés (patrons, artisans, com-merçants, agriculteurs). Le métier, héritier de l’antique vocabulaire des corporations, correspond à une épo-que où les activités « individuelles » et « collectives » étaient peu distinguées, et caractérisées par un savoir spéci-fique : boulanger-boulangerie, méde-cin-médecine. Enfin, la qualification, propre à l’univers du salariat indus-triel, était définie à partir des conven-tions collectives négociées dans les années 1940 et 1950. Celles-ci met-taient en place un système de caté-gories hiérarchisées (dites « catégo-ries Parodi », du nom du ministre qui les organisa) : manœuvre, ouvrier

    spécialisé, ouvrier qualifié, contremaî-tre, employé, technicien, cadre.

    La combinaison complexe de ces trois principes taxinomiques faisait l’origi-nalité de la nomenclature sociopro-fessionnelle, mais, en même temps, suscitait déjà des critiques depuis des horizons variés. Les marxistes, alors influents, n’y retrouvaient pas les « critères de classes » de leur théorie. Mais les économistes néo-classiques n’y trouvaient pas non plus un critère unidimensionnel, facile à intégrer dans un modèle économé-trique, comme le serait par exemple le revenu. Cette double critique, de gau-che et de droite, n’empêcha pas cet

    * Alain Desrosières est administrateur de l’Insee et membre du Centre Alexandre Koyré d’histoire des sciences. Il a notamment publié « La politi-que des grands nombres. Histoire de la raison statistique », La Découverte / poche, 2000. Le présent article est un projet de contribution pour le Dictionnaire des sciences humaines des Presses Universitaires de France.

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    Travail en usine, tableau de Adolph von Menzel (1872-1875)

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    Alain Desrosières

    outil empirique proposé par l’Insee dans les années 1950, d’être ensuite massivement utilisé. En effet, l’enche-vêtrement de ces trois logiques crité-rielles reflétait une structure sociale complexe, elle-même faite de l’accu-mulation historique de ces principes de classement. Il épousait mieux la diversité et la richesse des autore-présentations des groupes sociaux que ne le faisaient les critères théori-ques des marxistes ou des néo-clas-siques. Si cette nomenclature a été partiellement remaniée à l’occasion du recensement de 1982, sa logique de base combinant ces trois critères, est restée la même, même si sa struc-ture et son vocabulaire ont été alors un peu modifiés. Ainsi les anciens « cadres moyens » (instituteurs, infir-mières, techniciens, comptables…) sont devenus les « professions inter-médiaires », et le terme « cadre » a été réservé aux anciens « cadres supé-rieurs ». Les contremaîtres, aupa-ravant classés avec les ouvriers, le sont désormais avec les professions intermédiaires. L’idée générale est de se rapprocher autant que possible des conventions et du vocabulaire coutumier en usage, notamment dans le monde des entreprises.

    Par comparaison avec des nomencla-tures anglo-américaines analogues, une particularité du système français des PCS est de ne pas présenter la forme d’une simple échelle uni-dimensionnelle, telle que celles qui, aux États-Unis, distinguent les upper classes, les middle classes et les lower classes. Ceci est voulu, préci-sément pour faire ressortir la diver-sité critérielle déjà mentionnée. Cette multidimensionnalité a été utilisée par certains sociologues, comme par exemple Pierre Bourdieu (1979) dans La distinction. Dans ces travaux, un espace social à deux dimensions est construit et analysé, à partir d’analy-ses factorielles des correspondances mettant en œuvre la nomenclature des PCS. Le « grand axe » de cet espace, celui qui ressemble le plus aux échel-les unidimensionnelles anglo-améri-caines, oppose les catégories les plus favorisées (cadres, professions libérales, grands et moyens patrons) aux catégories populaires (ouvriers,

    petits agriculteurs). Mais un autre axe, transversal au premier, oppose les catégories dotées surtout de res-sources scolaires et culturelles (ensei-gnants, salariés du public) à d’autres plutôt mieux dotées en ressources économiques (commerçants et arti-sans, salariés d’entreprises privées). L’espace ainsi structuré rend bien compte de maints comportements, de consommation, de logement, de mariage, de pratiques culturel-les, de votes. Sa relative stabilité dans le temps montre que les affir-mations selon lesquelles les clas-ses sociales n’existeraient plus, et que seuls subsisteraient des indivi-dus atomisés, doivent être, à tout le moins, fortement nuancées.

    par le fait qu’elles traitent toutes deux le même matériau de base : des déclarations de professions. Mais il se trouve que les critères de qualifica-tion retenus pour définir les « catégo-ries Parodi », fondés sur la formation codifiée nécessaire pour occuper un emploi, ont été remis en cause, à partir des années 1970, par la logique dite « des compétences », fondée sur des caractéristiques des person-nes, et supposées mieux à même de faciliter leur mobilité éventuelle. Cette évolution a été inégalement poussée selon les branches, mais elle a entrainé une transformation du vocabulaire utilisé par les acteurs eux-mêmes (salariés et employeurs), ce qui rend souvent plus difficile le codage des PCS. Le travail de mise en équivalence nécessaire au codage statistique a été opéré successive-ment par le vocabulaire traditionnel des métiers, puis par le droit du travail (pour définir le salariat) et enfin par les conventions collectives type Parodi. Cet édifice est remis en cause à la fois par l’affaiblissement du droit du travail (avec l’émergence de statuts intermédiaires entre salariat et non-salariat, tels que les intérimaires ou les intermittents du spectacle), et par le développement de modes de gestion de la main d’œuvre mettant l’accent sur la flexibilité et la mobilité, dont le vocabulaire des compétences est une pièce importante.

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    CAPITALISM

    WE ROOL YOU

    WE MULE YOU

    WE SNOOT AT YOU

    WE FEEDALLWE WORK FOR ALL

    Une représentation humoristique de la hiérarchie sociale dans la société capitaliste

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    La distinction, critique sociale du jugement de Pierre Bourdieu

    Une autre originalité du système fran-çais des PCS est de réunir en un seul outil deux nomenclatures ailleurs distinctes, en général : d’une part, celle des « milieux sociaux » utilisée par les sociologues et les spécialistes des études de marché et d’opinion, et d’autre part, celle des « emplois », uti-lisée par les économistes du marché du travail. La première peut classer des individus, mais aussi et surtout des « ménages », répartis naguère selon la PCS du « chef de ménage », qualifié désormais de « personne de référence ». La seconde en revanche ne prend en compte que des indivi-dus ayant un emploi. Cette réunion des deux nomenclatures est justifiée

  • 15

    Les catégories socioprofessionnelles

    Courrier des statistiques n° 125, novembre-décembre 2008

    Malgré ces évolutions, les PCS res-tent un outil statistique précieux. Les régularités observées dans les années 1980 le sont toujours, malgré ces différentes formes de brouillage. Cependant, dans le travail statistique courant, elles sont souvent interpré-tées en restant à l’intérieur de l’es-pace des variables figurant dans le fichier analysé. Des techniques de plus en plus autonomes, comme cel-les dérivant de l’analyse de variance ou de l’économétrie, sont utilisées, dans lesquelles le chercheur risque de s’enfermer. Cependant, le plus souvent, l’utilisateur de l’outil tente, en bout de course, de raccorder les résultats des procédures statis-tiques à des connaissances de sens commun, c’est-à-dire empruntant à l’exemple concret. Plus que ne le sont d’autres critères réputés « simples », les catégories socioprofessionnelles sont, en tant que produit de décen-nies de transformations des repré-sentations que la société se donne d’elle-même, de l’histoire accumulée. Leur usage incite, en raison de leur

    complexité sociologique, à approfon-dir l’étude de l’articulation entre des modes de connaissances différents, plutôt qu’à se contenter d’une seule façon de décrire, qualitative ou quan-titative, monographique ou statisti-

    Rapport n°49/B005 du 23 mars 1999, Insee.

    La nomenclature des catégories socio-professionnelles des personnes du système statistique public français est une pièce centrale pour l’étude de la société française. Elle est utilisée par de nombreux acteurs économiques et sociaux, pour l’étude de sujets très variés : les opinions politiques, les pratiques culturelles, éducatives, les hiérarchies salariales, patrimoniales, la démographie, la santé, les condi-tions de travail, la mobilité sociale, l’accès à l’emploi, parmi les exemples cités. Constatant le vieillissement de cette nomenclature, créé au début des années 1950 et rénovée en 1982, un travail détaillé a été entrepris en liaison avec le Cnis pour actualiser les métiers précis, au niveau des 3ème et 4ème chiffre de la nomenclature. Le Comité

    de direction de l’Insee a souhaité que ce travail soit complété par une éva-luation de la pertinence actuelle des grandes catégories sociales pour les différents types d’usages. De façon complémentaire il était demandé à ce que l’évaluation soit attentive aux besoins éventuels d’autres catégori-sations sociales que les CSP ainsi qu’aux réflexions en cours à Eurostat sur ce problème. Cette évaluation a été confiée à Hedda Faucheux et Guy Neyret, membres de l’Inspection géné-rale de l’Insee. [...] Une soixantaine d’entretiens ont été menés (et plus d’une centaine de personnes rencon-trées), dans les milieux qui semblaient le plus s’appuyer sur une conceptua-lisation de groupes sociaux, afin de comprendre les usages, de recueillir des avis et suggestions, et aussi des réflexions sur les évolutions en cours ou à venir. [...]

    Encadré : le rapport sur l’évaluation de la pertinence des catégories socioprofessionnelles (CSP)

    Les principales recommandations :

    1. Ne pas bouleverser le niveau agrégé à un chiffre2. Elaborer et promouvoir activement un nouveau niveau intermédiaire3. Des investissements renouvelés sont à engager4. Etre plus proche des usagers5. Quelques modifications pourraient être mises en œuvre à bref délai6. Formaliser certaines nomenclatures complémentaires

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    Nomenclatures des professions et catégories socioprofessionnelles 2003

    que, selon des oppositions rituelles S’interroger sur le statut des PCS est une façon de s’interroger sur le statut de l’observation empirique et de la description dans les sciences sociales. n

    Bibliographie

    Bourdieu P., La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1979. Desrosières A. & Thévenot L., Les catégories socioprofessionnelles, Paris, La Découverte/Repères, première édition : 1988, cinquième édition : 2002. Insee, Nomenclatures des Professions et Catégories Socioprofessionnelles (PCS 2003), Paris, INSEE, 2003. Porte J., « Les catégories socioprofessionnelles », in Friedmann J. & Naville P. (éds) Traité de sociologie du travail, Paris, Armand Colin, 1961.

  • 17Courrier des statistiques n° 125, novembre-décembre 2008

    L’édition 2008 de la classification internationale type des professions ! Cécile Brousse*

    La Classification internationale type des professions CITP (ISCO en anglais) s’intéresse en premier chef aux tâches accomplies dans l’exercice d’une profession. Cette logique est sensiblement différente de celle qui préside, en France, à la définition des Professions et catégories socioprofessionnelles (PCS). À ces divergences s’ajoutent des difficultés d’interprétation que suscite la nouvelle CITP adoptée en 2008. Les mises en correspondance seront délicates entre les nomenclatures socioprofessionnelles française et internationale.

    La classification internationale type des professions de 1988, CITP-88 (ISCO-88 en anglais), a connu une diffusion très large dans des cadres non seulement régio-naux mais aussi nationaux. De très nombreux pays du monde utilisent en effet la CITP, ou une adaptation locale, comme nomenclature natio-nale. Seuls, en Europe, disposent d’une nomenclature spécifique de professions la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Autriche ainsi que la Suisse.

    En France, sous l’impulsion d’Euro-stat et d’organismes internationaux, la CITP s’est progressivement diffu-sée dans le système statistique public (cf. Tableau 1).

    Cette tendance devrait s’accélérer pour deux raisons au moins :

    – le développement de projets com-munautaires utilisant la classifica-

    tion internationale des professions (la classification socio-économique ESeC), le répertoire des métiers euro-péens (EurOccupations) ;

    – et la mise à jour de la CITP conduite par le Bureau International du Travail en 2008 (CITP-08).

    Les responsables de la statistique publique ont pris conscience de ces évolutions. L’Insee et la Dares, qui se situaient en retrait les années précé-dentes, ont participé au groupe tech-nique sur la refonte de la CITP et à la conférence tripartite organisée par le BIT en 2007.

    Jusqu’à présent, la CITP-88 était codée à partir de la nomencla-ture nationale des Professions et Catégories socioprofessionnelles (PCS) au moyen d’une table de pas-sage nécessitant la connaissance de la taille et de l’activité de l’entre-prise. Désormais, une réflexion s’im-pose sur la rénovation des outils de codage des professions et, en lien avec Eurostat, des enquêtes auprès des ménages et des entreprises.

    Tableau 1 : la CITP-08 dans quelques sources statistiques publiques

    Enquêtes par sondage Sources administratives

    Intitulés en français Intitulés en anglais du volet européen

    Intitulés en français Intitulés en anglais du volet européen

    Enquêtes annuelles de recensement Census

    Enquête Emploi Labour Force Survey (LFS) Accidents du travail Accidents at work (ESAW)

    Enquête sur la santé et la consommation médicale

    European Health Interview Survey Maladies professionnelles Occupational diseases (EODS)

    Enquête sur les revenus et les conditions de vie

    EU-SILC Annual Job vacancy statistics

    Enquête Budget des ménages Household Budget Survey Average annual gross earnings

    NB : la CITP est aussi utilisée, notamment, dans l’enquête sur la structure des salaires (Structure of Earnings Survey), l’Enquête Emploi du temps (Time Use Survey), l’enquête sur la formation continue (Adult Education Survey) ainsi que dans les enquêtes « SHARE » et dans les enquêtes communautaires sur l’utilisation des TIC « ICT usage in households and by individuals ».

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    Classification internationale de type professions - édition 68

    * Insee, division Emploi.

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    Cécile Brousse

    Les grands principes de la CITP-08

    La CITP s’intéresse aux tâches accomplies dans l’exercice d’une profession, les niveaux de regrou-pement étant fonctions des com-pétences requises pour le poste de travail. Cette approche correspond au sigle anglais (ISCO) ou le O signifie « occupation », qui n’a pas le sens de profession.

    La CITP-08 comporte quatre niveaux d’agrégation emboîtés. Au niveau détaillé, elle comprend 436 rubri-ques appelées groupes de base. Elle présente également, de façon plus synthétique, 130 sous-groupes, 43 sous-grands groupes et, au niveau le plus agrégé, 10 grands groupes (cf. annexe).

    due des connaissances nécessaires, l’outillage et les machines utilisés, le matériel sur lequel – ou avec lequel – on travaille et le type de biens et de services produits.

    De la CITP-88 à la CITP-08 : les principales modifications

    La rénovation de la CITP a concerné l’ensemble des niveaux d’agrégation de la classification. Au niveau 1, les modifications les plus importantes ont porté sur les agriculteurs, les chefs d’équipe et les commerçants, les infirmières et les instituteurs.

    Les agriculteurs à la tête d’une petite exploitation ne figurent plus dans le grand groupe 1 mais dans le grand groupe 6. Auparavant réunis avec les personnes qu’ils encadraient – sou-vent dans les grands-groupes 7, 8 et 9 – les chefs d’équipe sont désormais isolés dans des rubriques spécifiques des grands-groupes 3, 4 et 5. La posi-tion des commerçants a été précisée : les « petits commerçants » passent du grand groupe 1 au grand groupe 5. Enfin, dans l’ancienne version de la CITP, il existait pour les infirmiers et les enseignants ce que l’on appe-lait des groupes parallèles : selon le niveau d’études exigé pour ces pro-fessions, les pays pouvaient classer ces personnels soit dans le grand groupe 2, soit dans le grand groupe 3. Cette disposition a été supprimée.

    L’ensemble de ces changements tra-duit l’importance grandissante accor-dée au contenu des tâches et aux

    qualifications, ce qui devrait faciliter les comparaisons internationales

    Au niveau le plus détaillé de la CITP, la mise à jour a consisté à agréger les quelques groupes de base dont la distinction était devenue obso-lète, principalement dans le groupe 8 des conducteurs de machines, et à l’inverse, à fractionner des grou-pes de base ou à en créer de nou-veaux. Il s’agissait de tenir compte de l’apparition de nouveaux métiers liés aux technologies de l’information et de la communication. On désirait aussi remédier au fait que l’ancienne nomenclature était trop détaillée dans certains domaines et pas suffisam-ment dans d’autres, comme la santé, le travail de bureau, le tourisme et le secteur informel.

    Au total, la réorganisation des regrou-pements réduit la visibilité des pro-fessions les plus qualifiées de l’ad-ministration publique mais augmente celle des professions les moins quali-fiées du secteur tertiaire : personnels des services directs aux particuliers et des services de protection et de sécurité.

    Les difficultés d’interprétation de la CITP-08

    En l’état actuel, la classification com-porte encore des imprécisions dont certaines seront peut-être levées quand la notice explicative sera dis-ponible. Les difficultés d’interprétation concernent d’abord le cadre concep-tuel. Compte-tenu de l’importance donnée aux critères des compéten-ces, les exploitants de petits hôtels ou de petits restaurants auraient pu suivre le même chemin que les petits commerçants et les responsables de petites exploitations agricoles plutôt que de rester dans le sous grand groupe 14 avec les directeurs et gérants de grands commerces.

    Les imprécisions concernent aussi la mise en œuvre pratique de la CITP dans un contexte statistique : absence d’indications sur les critères permet-tant de distinguer les superviseurs (cf. encadré) des autres travailleurs, les superviseurs des gérants, les diri-geants d’entreprise des commerçants

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    Mécanicien d’aéronefs chez Siemens

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    Exploitation agricole : vendanges à Beaumes-de-Venise dans le Vaucluse, France

    Les professions sont réparties dans ces groupes selon le niveau des com-pétences requises pour les exercer et la nature de ces compétences. Défini d’après la classification internationale type de l’éducation (CITE), le critère du niveau des compétences sert à caractériser huit des dix grands grou-pes. Ainsi, le grand groupe 9 des pro-fessions élémentaires est composé de métiers faisant appel à des com-pétences équivalentes à celles appri-ses dans l’enseignement primaire. Exceptions à cette règle : le grand groupe 0 des militaires et le grand groupe 1 des directeurs, cadres de direction et gérants. Ici, le critère du niveau de compétence est utilisé pour hiérarchiser les sous-grands groupes qui les composent. (cf. tableau 2).

    Au sein de chaque grand groupe, les professions sont ordonnées selon le type de compétences, critère qui recoupe quatre dimensions : l’éten-

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    L’édition 2008 de la classification internationale type des professions

    Courrier des statistiques n° 125, novembre-décembre 2008

    et des artisans, les directeurs « mana-gers » des personnels hautement qualifiés « professionals »…

    De même, le sous-grand groupe 14 est supposé recouvrir des activités exercées dans des entreprises de « taille modeste », mais on ne dispose pas d’un tel critère de taille.

    Concernant les métiers de l’agricul-ture, il peut se poser la question du critère de qualification séparant les ouvriers qualifiés [grand groupe 6] et les ouvriers non qualifiés [grand groupe 9]. Le critère permettant de distinguer les directeurs d’exploita-tions agricoles type « ranches ou grandes plantations » des simples agriculteurs mériterait lui aussi d’être explicité. Enfin, l’absence de règle distinguant l’agriculture commerciale de l’agriculture de subsistance est également problématique, notamment du point de vue des pays où les pro-ductions vivrières sont répandues.

    La mise en correspondance de la CITP et de la nomenclature des PCS : une opération délicate

    Certains groupes de métiers font l’ob-jet d’une description très fine dans la

    PCS et beaucoup plus sommaire dans la CITP : ainsi on ne dénombre dans la CITP qu’une seule rubrique pour les professionnels du travail social (les professions intermédiaires du travail social) mais six selon la PCS. Il en est de même concernant les métiers de la vente. Dans la PCS, les vendeurs sont répartis selon le produit vendu ; dans la CITP, les catégories de vendeurs, moins nombreuses, sont réparties selon les lieux de vente. De même, les sous-catégories de « cadres et ingénieurs » sont beaucoup plus nombreuses dans la nomenclature française : pour chaque activité, on identifie trois types de cadres selon que leur activité est orientée vers la production, la commercialisation ou la conception (R et D).

    À l’inverse certains métiers sont beau-coup plus détaillés dans la nomencla-ture internationale. Ceci est particu-lièrement marquant dans le domaine de la médecine spécialisée. La CITP identifie les médecins spécialisés dans les médecines traditionnelles, les phy-siothérapeutes, les diététiciens, les audiologistes et les orthophonistes, les optométristes quand la PCS pointe les médecins hospitaliers d’un côté, les médecins libéraux spécialistes de l’autre. Les métiers en rapport avec les nouvelles technologies semblent également mieux couverts par la CITP. Même constat du côté des métiers de l’artisanat.

    Dans la PCS, les métiers de la fonc-tion publique ne sont pas décrits de façon très précise. Ainsi l’ensemble des chercheurs qui travaillent pour des organismes publics sont regrou-pés sous l’intitulé « Chercheurs de la recherche publique » (PCS 342e), alors que la CITP distingue dès le niveau 3, les physiciens et les chimistes (211), les mathématiciens et les statisticiens (212), les spécialistes des sciences de la terre (213)… Même remarque pour des catégories aussi hétérogènes du point de vue des tâches exercées que celles des « Ingénieurs de l’État »

    Tableau 2 : correspondance entre les grands groupes de la CITP-08 et les niveaux de compétences

    Grands groupes de la CITP-08Niveau de

    compétencesCITE-97 Niveaux scolaires correspondants

    1 Directeurs, cadres de direction et gérants 3 + 4 5 – 6 Premier cycle de l’enseignement supérieur (durée brève ou moyenne)Deuxième cycle de l’enseignement supérieur (conduisant au titre de chercheur)

    2 Professions intellectuelles et scientifiques 4 5a – 6 Premier cycle de l’enseignement supérieur (durée moyenne)Deuxième cycle de l’enseignement supérieur (conduisant au titre de chercheur)

    3 Professions intermédiaires 3 5b Premier cycle de l’enseignement supérieur, 1er degré (durée brève ou moyenne)

    4 Employés de type administratif

    2 2 – 3 – 4Enseignement secondaire et post-secondaire (hors enseignement supérieur)

    5 Personnel des services directs aux particuliers, commerçants et vendeurs

    6 Agriculteurs et ouvriers qualifiés de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche

    7 Métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat

    8 Conducteurs d’installations et de machines, et ouvriers de l’assemblage

    9 Professions élémentaires 1 1 Enseignement primaire

    0 Professions militaires 1, 2 + 4 Pas de critère

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    Travail social : animateur de formation

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    Cécile Brousse

    (PCS 332a) ou des « Employés de la Poste » (PCS 521a).

    Ces différences dans le niveau de précision des deux nomenclatures seraient sans conséquence si les deux nomenclatures convergeaient aux niveaux d’agrégation supérieurs. En fait, à niveau de compétences équivalent, les logiques d’agrégation restent bien souvent différentes.

    La CITP ignore le clivage salarié/non salarié, essentiel en PCS, et le statut public ou privé n’a pas en CITP le rôle structurant qu’il impli-que en PCS. La CITP est supposée s’intéresser aux tâches réellement exercées (dans la pratique, elle utilise aussi le critère des voies de forma-tion, en particulier pour classer les « professionals »). La CITP est en fait plus proche du Rome (répertoire opérationnel des métiers) élaboré par l’ANPE, ou de notre ancien code Métiers, que de la PCS.

    La CITP a par ailleurs des logiques d’agrégation qui sont parfois surpre-nantes dans le contexte français. Les conducteurs d’installations industriel-les et les conducteurs de véhicules sont associés au deuxième niveau de la CITP. Les chefs cuisiniers sont clas-sés avec les photographes, les biblio-thécaires avec les juristes, les aides ménagères avec les manutentionnai-res, les pilotes de ligne avec les tech-niciens des eaux et forêts, les caba-retiers avec les directeurs de centre de loisirs et d’agences bancaires, les évêques avec les sociologues…

    Même si le terme « superviseur » n’est que très rarement utilisé, l’introduction dans la CITP de rubriques concernant le premier niveau de l’encadrement devrait faciliter la mise en correspon-dance avec la nomenclature fran-çaise. En effet, la nomenclature des PCS distinguait déjà, à son deuxième

    niveau, le groupe des « contremaî-tres et agents de maîtrise » dont quatre-vingts pour cent assurent des fonctions d’encadrement. Cette caté-gorie comprend dix-sept rubriques. L’absence de catégories de supervi-seurs dans la CITP-88 avait conduit l’Insee à classer les contremaîtres et les agents de maîtrise, conformément aux recommandations du BIT, dans les grands groupes 4, 5, 7, 8 et 9 au même niveau que les personnes qu’ils encadrent. Cette solution n’était pas satisfaisante.

    Concernant les superviseurs, la trans-position directe de la PCS à la CITP ne sera pas aisée, notamment dans le secteur de l’industrie. Celui-ci s’or-ganise autour de deux catégories d’encadrants : les chefs d’équipe au premier niveau, et les contremaî-tres-agents de maîtrise au deuxième niveau ; or, la nomenclature des PCS classe les chefs d’équipe dans les mêmes PCS que les ouvriers qualifiés sans que l’on puisse les identifier en tant que tels. Quant aux contre-maîtres, ils font partie intégrante du groupe des professions intermédiaires dont ils constituent un sous-ensem-ble clairement défini (la CS 48). Si les catégories de superviseurs devaient englober, en plus des contremaîtres, celles de chefs d’équipe, il serait difficile d’établir une correspondance directe entre la CITP-08 et la nomen-clature nationale.

    Difficulté d’autant plus grande que les contremaîtres et chefs d’équipe – à l’instar d’autres catégories de

    « superviseurs » – ne déclarent guère spontanément leur position hiérarchi-que quand on leur demande de décla-rer leur profession dans les enquêtes auprès des ménages en France.

    En fait, l’affichage de responsabilités hiérarchiques est très variable d’un groupe socioprofessionnel à un autre, avec des différences marquées entre les professions « masculines » et « féminines ». Ainsi dans la vente ou les services aux particuliers, seule-ment 30% des employés non qua-lifiés qui encadrent le mentionnent explicitement. A l’opposé, la moitié des conducteurs d’installations ou de machines et la moitié des ouvriers de l’assemblage ayant un rôle de supervision l’indiquent dans leur titre professionnel. Des termes comme « chef », « animateur », « agent de maîtrise », ne sont guère ambigus mais « responsable » ou « contrô-leur », couramment utilisés par les personnes en position hiérarchique, sont aussi employés par des salariés sans fonction d’encadrement1.

    L’utilisation de variables annexes paraît nécessaire, non seulement pour traiter le cas des libellés de professions imprécis, mais aussi pour stabiliser et harmoniser les règles de codifica-tion, au moins au plan européen, en particulier dans les cas où les règles de la CITP ne sont pas suffisamment claires. De ce point de vue, l’Insee a une expérience particulièrement riche puisque la codification de la PCS s’appuie sur un très grand nombre de variables complémentaires. n

    Encadré : les superviseurs, une nouvelle catégorie difficile à cerner

    Aucune définition exacte et positive n’accompagne l’introduction du concept de superviseur dans la nomenclature. Ils sont surtout définis négativement : ils ne sont « pas des managers » et ils se distingueraient des individus qu’ils encadrent par le contenu de leurs tâches et de leurs devoirs… qui n’est pas celui des individus encadrés. Il manque une définition explicite du contenu des « tâches supplémentaires » qui incombent aux superviseurs dans les domaines où il a été décidé d’introduire cette différenciation. À défaut, les pratiques nationales vont rendre impossible la comparabilité pour ces groupes. Par ailleurs, plusieurs groupes de superviseurs n’ont pas semble-t-il de place attitrée dans la CITP-08 : ils exercent leurs activités dans des domaines aussi importants que le magasinage, le tri, la maintenance ou la restauration. Enfin, les superviseurs du domaine technique sont tous regroupés au niveau 3 de la classification tandis que les superviseurs dans le travail administratif ou le nettoyage sont dispersés au niveau 4.

    1. Selon une analyse de François Gleizes (Insee, division Emploi), l’enquête Emploi 2006 permet d’identifier les personnes qui ont « au moins une personne sous leur autorité ou sous leur responsabilité ». La part d’encadrants varie de 67% (chez les membres de l’exécutif et des corps législatifs et cadres supérieurs de l’Ad-ministration publique), à 3% chez les employés non qualifiés des services et de la vente. Les deux tiers des encadrants ne déclarent pas spontanément leur position hiérarchique.

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    L’édition 2008 de la classification internationale type des professions

    Courrier des statistiques n° 125, novembre-décembre 2008

    Annexe : les grands groupes et sous-grands groupes de la CITP-08

    1 Directeurs, cadres de direction et gérants

    11 Directeurs généraux, cadres supérieurs et mem-bres de l’Exécutif et des corps législatifs12 Directeurs de services administratifs et commer-ciaux13 Directeurs et cadres de direction, production et services spécialisés14 Directeurs et gérants de l’hôtellerie, la restauration, le commerce et autres services

    2 Professions intellectuelles et scientifiques

    21 Spécialistes des sciences techniques22 Spécialistes de la santé23 Spécialistes de l’enseignement24 Spécialistes en administration d’entreprises25 Spécialistes des technologies de l’information et des communications26 Spécialistes de la justice, des sciences sociales et de la culture

    3 Professions intermédiaires

    31 Professions intermédiaires des sciences et tech-niques32 Professions intermédiaires de la santé33 Professions intermédiaires, finance et administra-tion34 Professions intermédiaires des services juridiques, des services sociaux et assimilés35 Techniciens de l’information et des communica-tions

    4 Employés de type administratif

    41 Employés de bureau42 Employés de réception, guichetiers et assimilés43 Employés des services comptables et d’approvi-sionnement44 Autres employés de type administratif

    5 Personnel des services directs aux particuliers, com-merçants et vendeurs

    51 Personnel des services directs aux particuliers52 Commerçants et vendeurs53 Personnel soignant54 Personnel des services de protection et de sécu-rité

    6 Agriculteurs et ouvriers qualifiés de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche

    61 Agriculteurs et ouvriers qualifiés de l’agriculture commerciale62 Professions commerciales qualifiées de la sylvicul-ture, de la pêche et de la chasse63 Agriculteurs, pêcheurs, chasseurs et cueilleurs de subsistance

    7 Métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat

    71 Métiers qualifiés du bâtiment et assimilés, sauf électriciens72 Métiers qualifiés de la métallurgie, de la construc-tion mécanique et assimilée73 Métiers qualifiés de l’artisanat et de l’imprimerie74 Métiers de l’électricité et de l’électrotechnique75 Métiers de l’alimentation, du travail sur bois, de l’habillement et autres métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat

    8 Conducteurs d’installations et de machines, et ouvriers de l’assemblage

    81 Conducteurs de machines et d’installations fixes82 Ouvriers de l’assemblage83 Conducteurs de véhicules et d’engins lourds de levage et de manœuvre

    9 Professions élémentaires

    91 Aides de ménage

    92 Manœuvres de l’agriculture, de la pêche et de la sylviculture93 Manœuvres des mines, du bâtiment et des travaux publics, des industries manufacturières et des trans-ports94 Assistants de fabrication de l’alimentation95 Vendeurs ambulants et autres travailleurs des petits métiers des rues et assimilés96 Éboueurs et autres travailleurs non qualifiés

    0 Professions militaires

    01 Officiers des forces armées02 Sous-officiers des forces armées03 Autres membres des forces armées

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    La classification internationale type des professions dans l’Union européenne! Jérémie Torterat*

    La révision de la classification internationale type des professions (CITP) fournit à l’Union européenne une occasion d’harmoniser les statistiques communautaires sur l’emploi. Le travail d’Eurostat et des États membres n’a cependant pas permis de définir une position commune satisfaisante lors du processus mené par le bureau international du travail entre 2004 et 2007. Un nouveau champ d’études s’ouvre maintenant pour que la nouvelle version de cette classification (CITP-08) puisse devenir la référence au niveau communautaire. La piste la plus prometteuse réside dans une articula-tion réfléchie de la CITP-08 et du projet européen ESeC.

    La classification internationale type des professions (CITP) s’est largement disséminée dans l’Union européenne au cours des années 90 (cf. article de Cécile Brousse) mais elle a donné lieu à des adaptations diverses.

    Son adaptation communautaire offi-cielle, la CITP-88 (COM), est bien sûr utilisée par Eurostat mais aussi par certains pays comme la Finlande et la Suède. D’autres pays utilisent des adaptations nationales spécifi-ques. C’est le cas de l’Espagne et du Portugal.

    La révision de la CITP offrait une occasion de faire converger les pra-tiques dans l’Union et d’harmoniser réellement les statistiques de l’emploi, dans un cadre où Eurostat n’avait pas l’intention de créer, cette fois, une adaptation communautaire de cette nomenclature.

    Ce sont les États qui sont mem-bres du BIT, et non l’Union : le rôle d’Eurostat a donc consisté à amorcer un processus de concertation des pays pour révéler des convergences communautaires, et à inciter les pays à tenir une position commune.

    L’organisation générale du processus

    En décembre 2003, la 17e conférence internationale des statisticiens du tra-vail (CIST) appelle à la rénovation de la CITP. La classification rénovée devait répondre aux besoins du pro-chain cycle de recensement mondial de population prévu pour 2010. Cette décision de la CIST faisait suite à une requête de la Commission de statis-tiques des Nations-Unies, en mars 2003. Lors de la 35e session de cette commission, en mars 2004, le BIT a pris l’engagement d’achever les tra-vaux avant la fin de 2007 afin que la classification puisse y être présentée en mars 2008.

    Ces évolutions étaient nécessaires car le monde du travail a beaucoup évolué depuis que la CITP-88 a été conçue, dans la première partie des années 80. Les professions du domaine des technologies de l’information et de la

    communication étaient ainsi un des enjeux majeurs de cette rénovation puisqu’elles étaient nouvelles pour la plupart, et donc très mal classées dans la CITP-88.

    Une attention particulière devait éga-lement être accordée :

    – aux métiers majoritairement fémini-sés, par exemple en désagrégeant le groupe des secrétaires ;

    – aux professions relevant du domaine informel ou de l’autocon-sommation : production de biens pour son propre ménage – activités souvent féminines – ou agriculture de subsistance.

    Par ailleurs, cette rénovation avait vocation à s’articuler avec celle pré-vue pour la classification internatio-nale type par industrie (CITI : cf. articles du présent dossier sur les nomenclatures d’activités).

    Pour ce faire, il a été décidé de déroger au mécanisme habituel de révision, où la nomenclature doit être adoptée successivement par une CIST puis par le conseil d’administration du BIT. En effet, la CIST suivante devait avoir lieu en 2008, et la nouvelle version devait être prête fin 2007 afin de pouvoir être utilisée pour le prochain cycle de recensements. C’est donc à une réunion tripartite d’experts des statistiques du travail – représentant les gouvernements, les salariés et les employeurs – qu’a été confiée l’adop-tion de la nouvelle CITP.

    * Jérémie Torterat est chef du centre de res-sources interrégional enquêtes ménages DOM, à la direction régionale Insee de La Réunion. Il était auparavant chargé d’études au dépar-tement des Métiers et des Qualifications de la direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques (ministères chargés du travail et de l’emploi).

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    Union européenne

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    La classification internationale type des professions dans l’Union européenne

    Courrier des statistiques n° 125, novembre-décembre 2008

    La 17e CIST avait recommandé une mise à jour de faible ampleur, les prin-cipes et concepts de la CITP n’étant en effet pas mis en cause. En outre, une rénovation majeure (comme l’avait été le passage de la version 68 à la version 88) était délicate à envisager pour beaucoup de pays qui utilisaient un modèle de la CITP-88.

    Aucun changement au niveau supé-rieur de la nomenclature n’était donc envisagé : en plus du classement de nouveaux métiers, il devait plutôt s’agir de fusionner, éclater et repo-sitionner des groupes de base de la nomenclature, et re-rédiger quelques descriptions.

    Le bureau des statistiques du BIT, cheville ouvrière de la rénovation, a dû engager des consultations, à la fois sur les concepts généraux et sur des groupes spécifiques de profes-sions sur la base des recommanda-tions de la CIST.

    Le BIT avait notamment pour mis-sion d’enquêter sur les applications nationales du critère « niveau de compétence », auprès des pays qui utilisent ce critère pour le classement des professions. Une attention parti-culière devait être accordée au choix des titres, afin de limiter les risques de mésinterprétations, ainsi qu’aux catégories « non classés ailleurs », dites catégories résiduelles.

    Il s’agissait ainsi d’utiliser l’expérience acquise grâce à l’application de la CITP-88 dans de nombreux pays.

    Les CITP sont en effet des « stan-dards » de classement. Des pro-blèmes d’application étaient souvent communs à plusieurs pays. On peut citer par exemple : la multiplication de groupes parallèles, qui décrivent des professions proches mais auxquelles sont attachés des niveaux de com-pétence et de formation très divers, selon les législations spécifiques des pays. Cette profusion posait de gros problèmes de comparabilité des don-nées (certains concepts, comme le « manager », n’étaient pas définis...) ;

    Enfin, la révision de la CITP pouvait fournir l’occasion de réduire une fai-

    blesse de celle-ci en tant que standard international : l’« occupation » anglo-saxonne se rapproche en effet plus du concept d’« emploi » que de celui de « profession » sans s’y assimiler tota-lement. La CITP définit ces concepts mais conserve une ambiguïté sur les éléments qu’elle organise : dans sa traduction française, elle classe a priori des emplois, mais le classement se fait par profession. Pour ce faire, la CITP dispose de règles de priorité de classement. Quand les tâches d’un emploi concernent plus d’un groupe de base, celui-ci est classé dans la catégorie qui représente le niveau de compétence le plus élevé. Quand un même niveau de compétence inclut plusieurs tâches, l’emploi est classé dans le groupe de base correspon-dant à la tâche qui requiert la majeure partie du temps de travail. Ce point, a

    tâches concernent plusieurs grou-pes professionnels situés au même niveau de la classification, alors que leurs tâches sont peu spécialisées et ne devraient donc pas être classées dans des catégories résiduelles.

    Enfin, la création de groupes pour des « fonctionnaires professionnels », dont les professions n’ont pas d’équi-valent dans le secteur privé, était envisagée.

    Deux questionnaires successifs (fin 2004 et mi 2006) ont été envoyés :

    – aux institutions nationales concer-nées (instituts statistiques, ministères du travail, agences pour l’emploi) ;

    – aux organisations d’employeurs et aux organisations de travailleurs ;

    – et à des organisations internationa-les spécifiques : OMS pour les métiers relevant de la santé, FAO pour ceux relevant de l’agriculture etc.

    De nombreuses organisations pro-fessionnelles ont saisi directement le BIT pour demander de classer séparément les métiers qu’elles pro-meuvent, afin de leur donner plus de visibilité et de poids dans les États qui adopteront la CITP.

    L’Union européenne dans le processus de refonte

    À la suite de la décision de mise à jour de la CITP, Eurostat et les Instituts Nationaux de Statistiques (INS) euro-péens ont été fortement encouragés à fournir une réponse coordonnée au BIT. Cette démarche