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M. José MARSILE. S.CV, DIVINS APPELS Luçon (Vendée) Imp. Pacteau, 43, rue Georges-Clemenceau

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M. José M A R S I L E . S . C V ,

DIVINS APPELS

Luçon (Vendée) Imp. Pacteau, 43, rue Georges-Clemenceau

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M. José M A R S I L E , c s. v.

DIVINS APPELS

Luçon (Vendée) Imp. Pacteau, 43, rue Georges-Clemenceau

1 9 3 !

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Nihil o b s t a t :

.1 . M . I ÎOBEUOE.

Supérieur Général.

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DÉDIÉ

Au Très névéï'eiid Monseigneur M. Dei-modi

(Juré de l'Eglise du Sacré-Cœur, S. Dakota. E.

en humble témoignage d'amitié et de gratitudt

L'auteur :

M . - S . MARSILK, <;. s.

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L A I S S E Z - M O I F I N I R

LAISSEZ-MOI FINIR

Â.h ! laissez-moi finir mes dernières années

Dans le calme et la paix de quelque reposoir,

Pareil au faucheur qui , ses gerbes moissonnées,

S'assied pour regarder venir enfin le soir.

*****

Laissez-moi vivre sans ce bruit de tontes choses:

Que ce soit clans une île, en une anse au flot bleu,

Pour cultiver la violette avec les roses, j

O ù dans un désert, loin de l 'homme, près de Dieu.

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LA1SSKZ-M01 FINIR

Laissez-moi r o m p r e aussi tant d ' innoc . n t e s cha înes

Dont les anneaux sont d 'or , mais propres à m e u r t r i r .

Que. détaché de tout , l ierre tombé des c h ê n e s .

Je meure c h a q u e j o u r pour app rend re à m o u r i r .

*****

Laissez-moi m u r m u r e r p o u r u n i q u e p r iè re

Celle qu 'enfant j ' a p p r i s de ma mère , à g e n o u x ,

Tel au j ou r du dépar t , l 'oiseau, dans la b r u y è r e ,

Répète de son nid le refrain toujours d o u x .

* * * * *

Laissez au tou r de moi se faire le si lence ;

Que j ' e n t r e peu à peu clans mon é terni té ,

C o m m e au temple un guer r i e r se couche avec sa lance :

A moi l 'ombre , l 'oubl i , l ' i m m u t a b i l i t é !

*****

Ne sais-je pas , ô Dieu, qu ' à mon âme i m m o r t e l l e

Réuni ce corps froid sort i ra du tombeau ,

Semblable au vieux soleil q u ' u n au t re m o n d e appel le ,

Qui s 'endort dans les mers p o u r se lever p l u s b e a u ! . . .

*****

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L ' E N N U I 7

L'ENNUI

Je m ' e n n u i e en ma sol i tude

EL songe aux miens par t i s , hé l a s ! . . .

Les voir était une h a b i t u d e .

*****

Que j e voudra is de n é s deux bras

Les en lacer , faire une gerbe

De toutes ces fleurs d ' ici-bas !

*****

Les ten i r , loin d 'un m o n d e acerbe,

Sur m o n c œ u r , a u t a n t que j e puis

En faisceau vivant et superbe !

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8 L ' E N N U I

# # # # *

Je reverrais, ainsi qu'aux nuits,

D'où me sourit l 'œil des étoiles,

Tant d'yeux connus épanouis...

* * * * *

Comme à l'aube un ciel se dévoile,

Leur pensée, au doux chant des mots,

M'attend rirait jusqu'aux moelles.

» # * * *

Et, mieux qu'en des printemps nouveaux,

Leurs âmes, à l 'amour écloses,

S'épancheraient ensemble à ilôts

* * * * *

Avec toute l'odeur des roses...

*****

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LA VEILLÉE 9

LA VEILLÉE

Ce soir , j e me sens pr is d 'un saint frémissement :

Tous les vents apaisés , dans lu foret, sommei l len t

Et les vagues du lac se taisent doucement ,

C o m m e p o u r e n d o r m i r les étoiles qui veillent.

*****

Elles font la veil lée, au ciel, a ins i que moi,

I c i - b a s ; et l eu r œil d 'un tel éclat scintil le,

Qu'el les s e m b l e n t aussi toutes pleines d ' émoi ,

Q u a n d gl issent leurs rayons t r emblan t s dans l a r a m i l l e .

*****

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L A Y K I U . K K

Mais si l ' o b s c u r i t é , q u i r e d e s c e n d d e s c i e u x ,

Efface v a g u e m e n t les c o l l i n e s e t l ' o n d e ,

L ' â m e p e u t p é n é t r e r ce n u a g e o r a g e u x

l i t , m i e u x q u ' a u » r a n d j o u r , v o i r a u - d e l à d e ce m o n d e .

*****

At t i r ée e n s o n v o l ve r s u n a u t r e s o l e i l ,

101 le m o u l e t o u j o u r s , p l u s h a u t , p l u s h a u t e n c o r e ,

J u s q u ' a u s e u i l o ù p â l i t l ' a r c h a n g e a u f r o n t v e r m e i l ,

Kl q u e d e ses l u e u r s l ' é t e r n i t é c o l o r e .

* * * * *

VA. c o m m e a s e n t i l ' a i g l e a u s o u i l l e f o r t d u v e n t

Ses d e u x a i l e s s ' o u v r i r e t se d r e s s e r sa p l u m e ,

Q u e l q u e c h o s e s o u l è v e , e m p o r t e b i e n s o u v e n t

M o n e s s o r l o i n d e s l i eux o ù le c œ u r se c o n s u m e .

*****

( ' /es t à l ' h e u r e d e s n u i t s , q u a n d t o u t d ' o m b r e se vè t

Q u e l ' I n v i s i b l e es t p l u s v i s i b l e e t q u ' i l m ' a t t i r e :

H e u r e d ' a p a i s e m e n t ! L e b r u i t d u j o u r s e t a i t ,

( " e s t a l o r s q u ' i l m e p a r l e e n m o n b r û l a n t d é l i r e .

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LA VEILLÉE II

*****

Et tout écoute ou dor t , c o m m e sous un l inceul ,

En ce inonde m u e t que mon regard embrasse .

Ma pensée , à l ' i n s t an t où je rue sens bien seul ,

S e m b l e g r a n d i r avec les sphères dans l 'espace.

*****

Et p o u r t a n t q u a n d j e crois l ' a t te indre à ces hau teu r s ,

11 est caché .dé jà ; mais je sens sa présence :

P a r t o u t l ' immens i t é révèle ses g randeur s

Et les astres à Ilots d 'or sa magnif icence.

*****

Les falaises en va in cachent les océans,

Au loin l 'orei l le en tend leur sub l ime co lère ;

En va in s 'ouvren t des cieux les abîmes béants ,

Par delà les so i rs , l 'œil devine la lumière .

*****

Le mirac le de l 'o rdre en ce vaste un ivers ,

L 'éclair de la ra ison et l 'élan du c œ u r m ê m e

M 'annoncen t — c o m m e l 'aube un so le i l— à travers

L ' o m b r e de l ' i n c o n n u , mon Dieu, l'Etre s u p r ê m e !

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LA VV.UA.KE

* * * * *

Grondements d u tonner re et m u r m u r e des bois ,

Gazouillis des oiseaux, des sources su r la mousse .

Vous n'êtes, n'est-ce pas ? q u ' u n écho de sa voix?

Oh ! mais p lus que puissan te , à l 'oreille elle est douce!

*****

L'entendez-vous, l à -hau t , étoiles? d i t e s -moi ,

Et voyez-vous sa face en cette nu i t si no i re

Que vous ne dormez pas? Kh ! o u i : voi là pou rq u o i

Vos yeux ga rden t toujours un reilet de sa g lo i re .

*****

Pourquoi ce m u r épais en t re l ' h o m m e et son Dieu?

Aux beaux j o u r s d ' innocence . 11 visitait la t e r r e ;

A Moïse, 11 parla dans u n buisson en feu :

L'écho re tent i ssant a donc bien pu se t a i r e ! . . .

*****

Quand disparal t rez-vous, ô voiles de la c h a i r ,

Comme s'enfuit la nui t au lever de l ' a u r o r e ?

Quand pourra i - je t 'ouïr . Verbe céleste et c h e r ?

Aux fanfares des brui ts , croire t ' en tendre encore ?

*****

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LA VEII.UÎK

e n t r e v o i r , à t ravers l ' ombre de ce séjour,

Sa d i v i n e beauté , c 'est l ' ivresse de j o i e !

Le rêve d ' infini et l 'extase d ' a m o u r !

Q u ' à découve r t b ien tô t j e t 'entende et le voie

*****

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L A P L U I E

LA PLUIE

Qu'est-ce qui m'éveille en sursaut,

Frappe, tout près, noie après note?

Mon oreille croit que clapote,

Au rivage, Ilot après flot.

Non pas : ce bruit si monotone,

A la fenêtre, tour à tour,

C'est la pluie, à coup sec et sourd,

Et qu'essuie un vent froid d'automne ;

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I-A PLUIE

*****

Choc retentissant de cristal !

Il me semble l'écho des larmes

Et, dans la nuit, a bien ses charmes

L'âme en vibre à tout son égal...

• ** * •

Sonne-t-il donc le glas de l'heure

De trop brèves sérénités

Que sa chute à coups répétés

Résonne sur la vitre et pleure ?

* * * » »

Qui ne regrette des jours perdus,

Valant les choses éternelles,

Dépensés pour des bagatelles,

Beaux jours qu'on ne reverra plus

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16 I ,A B E A U T É DF.S CÏ10SKS

LA BEAUTÉ DES CHOSES

La beauté des choses

N'est pas dans la fraîcheur du teint des jeunes roses,

Mais plutôt dans ces parfums doux

A rendre un paradis ja loux.

* # # # #

La beauté des choses

N'est pas dans les lueurs des étoiles écloses,

Mais aux profondeurs du regard

Plein d'espoir au dernier départ.

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l.A i s ivurn; iu:s C H O S E S

* * # * #

L a beauté des choses

N'est pas d a n s l 'a i le d ' a ig l e aux courbes g r and iose s ,

Mais dans les t r i omphan t s essors

Qui von t au de là des T h a b o r s .

» * * » *

La beauté des choses

N'est pas d a n s les aspec ts de v i n g t m é t a m o r p h o s e s ,

Mais au c reuse t d 'où l ' àme sort

P l u s pure q u e les ondes d 'or .

##*»*

La beauté des choses

N'est pas dans les c la r tés mêmes d 'apothéoses .

Mais dans un h é r o ï s m e tel

Qu ' i l peu t r endre un n o m i m m o r t e l .

La beauté des choses

iïst c o m m e un reflet d'à me en l ' h o m m e et su r les roses,

D a n s tout où pe rce c o m m e u n peu

D ' a u r é o l e d u front de D ieu .

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18 L A B E A U T É D E S C H O S E S

»###*

0 Beauté des choses

Attire-moi vers l 'âme et non plus vers les r

A h ! pourquoi tendre à l 'irréel?

Le beau, le vrai, c'est l'éternel.

*#**#

0 beauté des choses,

Par l'attrait éclatant des âmes et des roses,

Ne tourne mon cœur et mes yeux

Que vers l'astre divin des cieux !

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TUOIS BLANCHEURS

TROIS BLANCHEURS

F r a î c h e m e n t fleuris, le l ong de l 'allée,

Des lis à la tige h u m i d e , effilée,

O u v r e n t l eu r corolle au tou r dentelée :

Quel fût o rgue i l l eux de son piédestal

D'Acropole — au marbre encor virginal —

Eleva j a m a i s parei l front royal : 1

*****

Quel r iche encensoi r devan t l 'autel fume

Plus s u a v e m e n t qu ' au j a r d i n pa r fumen t

Tes pétales b l ancs c o m m e en m e r l ' é cume?

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TK01S BI.ANCUKURS

* * * * *

Et, p o u r ajouter au jo l i décor,

L 'élaminc |)oudrc et j a u n i t tout d 'or

La coupe d 'argent du fond j u s q u ' a u bo rd .

* # * # #

Ce calice frais n'est il pas le vase ,. fis'

Qu'une lèvre pourpre en l ' ivresse / a s e

Pour y boire un j o u r 1 éternelle extase!*

*****

Le vierge fleuron, sous l 'ombrage o b s c u r

Pour s épanou i r d iv inemen t pur ,

Du l imon fangeux mon te vers l 'azur

*****

Quoi ! déjà dans l'air redescend la ne ige ,

Tel un duve t don t le cygne s'allège :

Hermine des fleurs que l 'h iver assiège !.. .

*****

Ah ! mieux qu 'au mal in les noirs ho r i zons ,

L'espace est b lanchi pa r des légions

De flocons ailés : pâles pap i l lons !

*****

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T R O I S B L A N C H E U R S

Mais à se poser ces maintes phalanges

Hésitent longtemps, car leur aile d'anges

Lffleurc à regret la terre et ses fanges.

* * * * *

Là, grésil, frimas tisse en ce sommeil

Aux grands lis transis un bel appareil

.lusques au retour du brillant soleil.

*****

Mieux qu'en un berceau, terre, lu reposes

A l'aube, l'éther se métamorphose.

Le givre a l'éclat des perles, des roses.

*****

A u seul souvenir du lis endormi

Qu 'un nouveau linceul recouvre à demi,

Qu'aperçois j e alors, autre emblème ami i

*****

Entre eau congelée — ô plume qui tombe

Et lis d'ici-bas, c'est une co lombe;

Légère elle a pris son vol d'une tombe.

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TROIS BLANCHEUBS

* # # # #

Aile immacu lée , ouver te là-haut ,

Tu cherches un nid aussi mol que c h a u d ?

Est-ce au lit d 'argile et froid du t o m b e a u ?

*****

N'es-tu pas une o m b r e a r d e m m e n t en quê te

De doux paradis et que rien n ' a r r ê t e?

Le b o n h e u r t 'attend : le ciel est en fête !

*****

De ma rêverie en l 'infini bleu,

Oisel d ' innocence, en t ends m o n a d i e u . . .

Vole : le cœur chaste est fait pour voi r Dieu

*****

Candide mystère ! Il faut que je sache

Le secret profond que la b l a n c h e u r cache :

0 colombe ! 0 lis ! 0 neige sans t ache !.. .

*****

Et j e vais pensif, p l e u r a n t la beauté :

Mais d'elle u n reflet n 'est-i l pas resté —

Symbole ineffable ! — en toi, p u r e t é ?

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TROIS BLANCHEURS

* * * # #

Je comprends que l'àme, ici-bas venue, Ne prenne l'essor d'au-delà la nue Qu'en redevenant plus blanche, ingénue.

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24 LA FIN DU J O U R

LA FIN DU JOUR

Quoi ! c'est la lin du jou r?La lumière — sa vie ! —

Qui s'allume si claire au foyer du soleil,

S'éteint lugubrement — prise d'un lourd sommeil —

Et, de tous les regrets d'un univers, suivie. . .

# # * # #

Oui ! l'astre-roi finit sa course dans les cieux :

Il est tombé — blessé — de son char de victoire ;

On le peut suivre encore aux traces de sa gloire?

Des soupirs étouffés murmurent ses adieux.

*»#*#

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LA FIN DU JOUR

Voyez-le : de sa p la ie , à flots, le sang s'écoule

Et, c o m m e d 'une p o u r p r e , a recouver t son l i t ;

Sa c o u r o n n e de feu su r son front hau t pâ l i t ;

P o u r lui faire u n l inceu l , quelle ombre se déroule !

*#*#*

Et voilà que , spectre sanglant , de ce séjour,

Vers l ' ab îme des m e r s , en sa tombe , il s'élance :

El tout le ciel le p leu re en un m o r n e silence,

C o m m e épouvan t é : c'est la nu i t , la mor t du j o u r !

*****

P o u r t a n t , ô deui l d u ciel, auprès du deuil de l 'âme,

Qu'es-tu r é e l l e m e n t P Que l ' approche du soir

Et, j e té su r l 'azur , q u ' u n ample voile noir,

L o r s q u ' u n astre d 'o r porte à d 'aut res cicux sa f lamme.

**** *

Mais l a m e a p e r d u plus que tou t l'éclat du feu

Qui fait le j o u r si p u r , qui fait la nu i t si belle ;

Elle, p r e sque d iv ine , ayant des anges l'aile,

Dans la fange d u ma l , h é l a s ! a pe rdu Dieu! . . .

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26 LA FIN DU JOUR

*****

Rien dans tout l 'univers ne peut c o m b l e r ce vide.

Plus sombre que le crêpe aux portes d u m a t i n ,

Plus triste mil le fois que le soleil é te int ,

Est la tache de sa robe neuve et cand ide .

*****

Celui qui disparaî t , en u n sup rême effort,

N'était pas que le point l u m i n e u x d ' u n e sphè re :

Il est lumière et vie et l 'être nécessaire

A. l'esprit immor te l : quelle nu i t ! quel le m o r t !

*****

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LUS LILAS

LES LILAS

Ah ! voici les l i las ! Ah ! voici le p r in t emps !

Avec l ' h u m i d e per le et l 'or de la lumière ,

La longue a igre t te m a u v e aux b a u m e s exal lants ,

Dès le r e tou r de ma i , s ' en t r 'ouvre la p r e m i è r e !

# # # # *

Ainsi q u e le j o u r naî t de l 'Orient obscur ,

Le merve i l l eux b o u q u e t croît d 'abord sur les plages

Du mys t ique Levan t , au soleil, sous l ' azur :

11 capt ive auss i tô t ici nos c œ u r s volages.

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28 LES LILAS

Il n'a qu'à secouer ses panaches fleuris,

Pétales odorants, comme ornés d'améthystes,

Toute face s'éclaire alors de gais souris,

Kn plus joyeux regards se changent les yeux tristes.

*##*#

Ses bras se sont ouverts et même les plus las :

Bras d'enfants, de vieillards — effort consolatoire ! —

Prêts à porter, si frais, en gerbes, les lilas,

A tresser chaque houppe en guirlandes de g lo i re .

*****

Quoi 1 gardent-ils encor les prestiges divins

D'autels aux vifs brasiers ? L'inspiration reste

Dans cet arôme exquis recherché des devins,

Quelque chose d'étrange et de presque céleste...

*****

Erreur ! qu'esl-il besoin d'en appeler au feu

Qu'à ses foyers sacrés entretenait la Perse ?

Un charme plus puissant que celui d'un faux dieu,

Dans la teinte et l'odeur de leurs corolles, perce.

*****

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LES LILAS 29

Ah ! c 'est q u ' é m a n e ici le parfum d'autres t emps

(Jui fait se souven i r ma vieille àrnc ravie,

C'est qu ' avec les l i las renaissent mes p r in t emps ,

Ses p romesses en l l cur , j e u n e s s e de la vie ! . . .

***»»

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L K S M O M E N T S DIVINS

LES MOMENTS DIVINS

Moments d i v i n s ! voi là que l 'espri t se r ecue i l l e

Et qu ' i l n'est p lus en proie à sa légèreté

C o m m e à des coups de vent sur sa b r a n c h e la feui l le ,

Léger débri flottant par les eaux e m p o r t é .

*****

Est-ce l 'oiseau lassé qui déjà m e t sous l ' a i le

Sa tête qu ' avec l 'ombre a lou rd i t le s o m m e i l

Ou la corol le e n c o r que le soi r p e n c h a n t sce l le

P o u r garder la rosée en ce sein p lus v e r m e i l ?

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LES MOMENTS DIVINS 31

*****

Le p e n s e u r absorbé s'isole en sa retrai te

Et su r la terre h a b i t e ainsi que l 'ange au ciel :

0 s i lence où s ' en tend seule u n e voix secrète!

0 l abeur tout d ' a m o u r : l 'abeille fait son m i e l ! . . .

*****

Dans ce ca lme d 'en hau t , Ô poète, élabore

Le p o è m e adoré . Vois : ta sphère au t r emen t

S 'éb loui t que l 'azur aux rougeurs de l 'aurore

Qu 'à mi l le astres en feu le sombre firmament.

*****

Génie insp i ré , m i e u x que l 'artiste martèle

E n des fleurs le mé ta l , colore les émaux ,

A l ' idéal i m p r i m e u n e forme immor te l le

P a r l 'éclair de l ' idée et le son d 'or des mots .

*****

L ' œ u v r e à ton fiat na î t dans sa sp lendeur première ,

Tel le à l 'aube des j o u r s par l 'espace béant ,

E n ru i s se l l emen t s b londs le flot de la l umiè re

Ou c o m m e l ' î le d ' émeraude en l 'océan 1

*****

3

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(.ICS M O M K V I ' S D I M . N S

A h ! tu t'es d i t : « C 'es t b ien ! » ainsi q u e D i e u q u i crée

T o i , d o n n e aussi ravi de ce n o u v e l é v e i l

Kl p r o d i g u e d e l 'ê t re en une heu re sacrée

A la rose une su ' t ir c o m m e un frère au s o l e i l . . .

» » * * #

( ) g é n é r a t i o n toute s p i r i t u e l l e !

0 l ' en iv ran t t ranspor t de la pa t e rn i t é !

C o m b i e n , fruits de la cha i r , l ' e spr i t sur v o u s e x c e l l e

lui v i e i m m e r c e s s i b l e . en v i e r g e pureté !

* # # # #

l in soui l le pa r l e a rden t sur des l èv res de c u i v r e

E l , sons le d o i g t , du luth s o n n e n t les c o r d e s d ' o r :

P o u r t a n t le c œ u r , qu i chan te et d ' e n t h o u s i a s m e i v r e ,

Hend un son plus s u b l i m e et f r émi t p lus e n c o r ! . . .

#» • **

L ' o r e i l l e o u v e r t e en tend la m u s i q u e des r i m e s .

T e l un re tour de v a g u e aux re f ra ins obsesseurs ;

E l j e ne sais q u o i perce en ces r y t h m e s u l t i m e s

Aussi s o n o r e et v i f que le pas des danseu r s

5(E* * # #

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L E S MOMENTS DIVINS

* * * * *

Dans le recueillement du travail, les paupières

Se ferment il est vrai, sur un monde enchanté;

Cependant l 'œil de l'âme aux visions allières

Pénètre l'au-delà, s'ouvre à d'autre beauté...

*****

La pensée en l'effort tente, plus grande et libre,

C o m m e au temple avec Dieu de saintes un ions :

Telle un orgue puissant, de prière clic vibre;

0 les rêves rêvés! Les claires visions! I !

*****

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34 LE POÈTE E T LE CIEL

LE POÈTE ET LE CIEL

Le Poète

Depuis le lent évei l que ru isse l le la p lu ie ,

De la voûte, tantôt aux plus tendres pâ l eu r s ,

Pas un souffle léger , c o m m e une ma in , n ' e s su ie

Le g rand orbe d 'azur qui s emble fondre en p l eu r s .

*****

Fi rmament où la nuit é t ince l le l 'étoile

Et dont un astre, au j ou r , est l ' i r is éc la tan t ,

Que l nuage sur toi se déroule et te voi le ?

Grande est ta pe ine encor p o u r q u e tu p l eu re s tant !

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LE POÈTE ET LE CIEL

* * * * *

Tous ces b ru i t s étouffés, telles des vo ix éteintes

Qui se gonf len t s o u d a i n , meuren t avec les flots,

Sont- i ls l ' é cho parfois p ro longé de tes p la intes?

As- tu , c o m m e le c œ u r , tes éternels sanglots ?

*****

Œ i l scruta teur , d i s - m o i donc ce que tu déplores :

Pu isque i n l a s s a b l e m e n t , sur les mondes , ouver t ,

Kien ne t ' échappe au cours des soirs et des aurores ,

Qu 'es t -ce qui t'a navré le p lus , j ad i s , h ie r?

*****

As-tu b i e n vu c o m m e n t la p remière soui l lure

Macula l ' i n n o c e n c e aux vierges b l ancheurs

Et, depu i s lors , le ma l ajouter flétrissure

A flétrissure en l ' à m e ignob le des pécheurs ?

*•# # *

As-tu v u de Caïn la lutte fratricide

Et par q u ï l c o u p fatal Abel fut terrassé?

La terre j e u n e a v e c sa lèvre , encor candide ,

Bo i re c o m m e à regre t le p remie r s a n g versé?

*****

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3tî L E POETE E T L E CIEL

As-lu vu l ' impudeur érigée éri déesse

Et ses adora tcurs offrir à son autel

Les vict imes sans prix : modest ie et j e u n e s s e ,

Tenan t baissés des yeux faits pour fixer le c ie l ?

* • • • *

As-tu vu s 'embraser dans S o d o m e et G o m o r r h e

Le brasier du Vengeur cont re la volupté ?

C o m m e un ins tant suffit pour que le feu dévore

Des cités et les change en un lac empes té P

As lu vu vers le mont , de ha ine inassouvie ,

La mult i tude, c o m m e une m e r a c c o u r i r ?

Donne r la mor t au Dieu qui lui donna la v i e ?

Les rocs alors se fendre et les tombes s ' o u v r i r ?

• •***

As-tu vu les .Néron, en la nu i t éc la i rée

Par des f lambeaux h u m a i n s , p r o m e n e r l e u r c h a r d'or ?

Les Tibère roug i r de sang l eu r Col i sée ,

Ainsi qu'en un pressoir e m p o u r p r é j u s q u ' a u b o r d ?

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XE POÈTE ET -LB CIKI-

Às-tu vu sur le sol, rasés, tout eu ruines.

Temple, forum que fit surgir l'antiquité.

Obélisque, statue et ces choses divines

Pour qui l'artiste saint rêva l'éternité?

*****

As-tu vu par le Christ les nations choisies

Effacer de leurs fronts la lumineuse Croix

Et pour mettre le comble à leurs apostasies,

Sans honte, faire lî de l 'honneur et des droits?

*****

As-tu vu , au foyer, famille après famille,

Rompre tous ces liens par le Très Haut bénits

Et l'enfant, feuille qui d'un souffle s'éparpille

Ou , fugitif oiseau, n'avoir plus son vieux nid?

*****

As-tu vu ces beaux yeux d'où fuit l'espérance,

Epuisés de pleurer, ne plus vouloir s'ouvrir?

Ces cœurs que la douleur transperce de sa lance

Kt qui , blessés, saignants, demandent à mourir

*****

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38 LE POÈTE E T LE CIEL

Le Ciel

Assez ! oui, j ' a i tout vu : voilà pourquo i j e p leu re

Ne renouvelle pas l ' hor reur que j e ressens :

De me reconsoler, tu ne verrais plus l ' heure ;

11 me faudrait p leuvoir non de l 'eau, ma i s du sang .

*****

A ce seul souvenir de la faute p r emiè re ,

La foudre, j e crois, frappe et me laisse é b r a n l é :

Quel choc q u a n d l 'ange et l ' h o m m e on t fui de la lumière !

Dans les clairs paradis , Dieu m ô m e en fut t roub lé .

*****

Je vois encore, au fond de cette fange i m m o n d e ,

L 'àme, créée heureuse , en proie à ses r e m o r d s :

Cataclysme p lus g rand que la chu te d 'un m o n d e ,

0 la pire ru ine ! 0 la pire des m o r t s !

*****

Je détourne mes yeux de celte page no i re .

Plus sombre dans son deuil que la funèbre n u i t .

Oui ! ferme tes feuillets, ô l amen tab le h i s to i r e

De tout ce que le mal sur la terre a dé t ru i t .

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LE POÈTE ET LE CIEL

* * * * *

Couvre la tache faite aux robes bapt ismales ,

Aux b l a n c h e u r s d ' innocence , aux lumières d 'espoir ,

Et cache les méfai ts de races déloyales,

Du geste de l eurs fils, vict imes du devoir.

*****

Parc de fleurs le sol où . semences divines ,

T o m b è r e n t les m a r t y r s , les i m m o r t e l s vivants !

Fais pousser l'épi b l o n d au mi l ieu des ruines !

Que le pauvre a i t du pa in , l 'abri contre les vents !

*****

Des basi l iques d 'o r d 'où Vénus est sortie

A sa sui te e n t r a î n a n t les vices éhonlés

Laisse, en son l ieu , t rôner l ' Immacu lée Hostie

Sur qu i veille la l a m p e aux pieuses clartés !

*****

Que le pécheur aussi pa r la grâce revive,

lifface c h a q u e faute aux larmes de l 'amour ,

C o m m e le d a i m m o u r a n t de soif, en une eau vive,

Reprend — d é s a l t é r é — sa course vers le j o u r !

*****

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L E l 'OÈTK HT" L E C I E L

L e Poète

Ah ! j e crois que déjà ciel cl terre s'enlacent,

Tant l'un, vers l'autie, penche en un chaste abandon

Et qu'en de plus beaux jours justice et paix s'embrassent,

Comme enivrés tous d:ux des douceurs du pardon...

*****

Les flottantes vapeurs — lente qui se reploie •—

Remontent vers l'azur, dans la courbe du ciel ,

Un signe d'espérance, en écharpe de soie,

Rayé de sept couleurs, se suspend l 'arc-en-ciel...

*****

Je comprends la vertu des souffrances, des larmes :

Ah ! si le ciel s'épure aussitôt qu' i l a plu,

En l'onde du regret, le cœur reprend ses charmes,

L'arbre de la douleur porte un fruit de salut.

*****

domine la pluie en mai verdit la plaine immense,

Les pleurs^ont refleurir dans l 'âme la bonté

Tant que Dieu prêle vie : « Homme » , il dit, « recommence » ;

« Sur page blanche, écris pour l ' immortal i té . »

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L ' A U T R E L I V R E 41

L'AUTRE LIVRE

A h ! quel e n n u i j ' é p r o u v e à feuilleter ces l ivres,

Depuis le point d u j o u r , devan t mo i . grands ouverts !

A ma soif de savoir , Dieu tout-puissant , tu livres —

De merveil les r e m p l i , —• ton splendide un ive r s . . .

• »» * *

Il est là, j o u r et nu i t , c o m m e un ant ique tome

Où du doigt seul tu sus tracer tant de secrets :

L ' é m e r a n d e des prés et le cristal du dôme

T o u r n e n t sous mes regards , c o m m e autant de feuillets.

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42 L ' A U T K K L I V R E

Et pour en enlever la couche de poussière,

Que chaque siècle jette à tous souffles flottants

i l suffit qu'au malin les baise la lumière ,

Que vienne, après l 'hiver, sourire le printemps.

#*#**

En des lettres de feu, de fleurs enluminée,

Au volume, j e lis ton œuvre des six jours,

Création plutôt de l 'innombrable année,

Comme apparaît la rive au fleuve en son parcours

* # # # *

N'est-ce pas ton poème aux nobles envolées,

D'arabesques tout plein, plus fleuri qu'un missel :

Quel décor sur la page aux marges étoilées !

Non, l'artiste inspiré n'a rien conçu de tel.

Et comment se fait-il qu'absorbé par les choses

Dont rôve follement l'âme de fout mortel,

Je passe sans cueillir sur leurs buissons les roses,

Sans voir tous ces yeux clairs me regarder du ciel?. . .

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L'AUTRE LIVRE

*****

Paraissez, paraissez en votre ordre superbe,

Mots du Verbe divin que j'écoute à genoux!

Vous voilà tous : depuis l'étoile et le brin d'herbe,

A mes yeux, à mon cœur, parlez: que direz-vousi*

*****

Dites-moi, gouffre amer aussi profond qu'immense,

La vie avant les temps de cet Etre Infini

Dont l'aurore est le jour qui jamais ne commence

Et la nuit, le couchant qui jamais ne finit.

*****

Dites-moi, quand l'esprit et l'œil pris de vertige,

Je compte les soleils dans l'espace jetés,

La puissance que fait soupçonner le prodige

Visible aux profondeurs de ces infinités.

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L ' A U T I U ; I.I VUE

Dites-moi, vous, éclat clos nappes de lumière

I'm qui lout ce qui vit, se meut, se baigne encor,

La gloire de celui qu'elle vèt la première,

Comme d'un transparent manteau de pourpre et d'or.

* * * » »

Dites-moi, tendres fleurs, plus suaves que belles.

Knivranlos d'encens, jusqu'en l'air emportés;

Kl loi, face d'enfant, qui m'enchantes comme elles,

lOn quel jardin llcuril la beauté des beautés?

*****

Dites-moi, chaste attrait des êtres — vrai délire ! —

De l'un pour l'autre et qui dure une v i e — u n j o u r ! —

Comment pour tous ces cœurs fondus c o m m e la cire,

8e réalise enfin l'impérissable amour?

*****

Dites-moi par quel art il se fait que renaisse

Dans les âmes avec les fraîcheurs du printemps

Une immortalité de nouvelle jeunesse

Jusqu'au sein de la mort, des ruines du temps?

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L'AUTRE LIVRE

#####

Dites-moi, voix des mers , des oiseaux, ha rmon ie

Que p ro longe l ' écho , quelles sonor i tés ,

Aux bo rds si frais des eaux, sous la voûte e m b r u n i e ,

Remet ten t , c o m m e en b ran le , astres, flots, volontés?

*****

Dites-moi ce q u ' i g n o r e u n e h u m a i n e sagesse

Qui t â t o n n e au mys tè re , ainsi que , vers le soir ,

Le passan t qui s 'égare ou chancel le d ivresse;

Oh ! d i tes -moi d o n c tout ce que je veux savoir !

*****

Tout , tou t ce qui se cache aux plis épais du globe

Et pa r de là l 'azur q u e dérou le le ciel ;

Tout , t ou t ce q u ' à ma vue un nuage dérobe,

En a t t e n d a n t de l i re au grand l ivre éternel ! ! !

*****

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46 C E N ' E S T P A S LA N U I T

CE N'EST PAS LA NUIT

Il est pour moi des nuits qui ne sont p lus la n u i t :

Puisqu'à four vif éclat les ténèbres ont fui .

Le ciel s 'approche avec de telles t r anspa rences

Qu'il invile en son clair obscur aux confidences ,

Et — tou rnan t un à un l 'azur de ses feuillets —

Par plus d 'un signe en l ivre à l ' âme les secrets :

Mieux que la b londe abeille au fond des fleurs écloses,

L'espri t ébloui p longe au mys tè re des choses . . .

» * # # #

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CE N'EST PAS LA NUIT

Ah ! le s i lence est-il en vain si so lenne l?

Terre au lieu de tes b ru i t s , j ' e n t e n d s les voix du ciel.

Et pou rquo i t 'éeoutcr , cœur , qu i dans ma po i t r ine ,

l iais tel que le tic-tac de l 'hor loge voisine?

Nui t bel le , aux m e m b r e s las, accorde le repos

P o u r d o r m i r su r les lits c o m m e on dort aux t ombeaux!

Que l ' insecte en la rose, en son n id l 'h i rondel le

S o m m e i l l e n t ba lancés sans f rémissements d ' a i l e !

Que la brise défaille aux tiges des roseaux

Et la fontaine m ê m e étouffe ses sanglots 1

Que tout un m o n d e soit c o m m e une soli tude

I'm ce sp lend ide soir et qu 'un p remie r pré lude

Aux col loques sans tin entre l ' h o m m e et son Dieu !...

*****

Alors q u ' u n pied d iv in met les c imes en feu.

Q u ' u n t r anspor t infini fond le c œ u r en délire

Et c o n s u m e la cha i r plus vite que la cire,

11 faut u n voile, c o m m e aux belles nuits d 'été,

H o m m e , en t re ta faiblesse et la divini té ,

P u i s q u ' i l en faut un à l ' amour , à l ' innocence

Oui ! ga rde , d i a p h a n e et telle une défense,

Le t ien, tendre mystère , en t re la vérité

Et le dou te : l u i , l ' ombre ; elle, seule beauté .

Qu ' i l descende à son tour p lus léger q u ' u n e gaze :

Sous ce n u a g e , âme , ait un avant -goût d'extase !.. .

4

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48 CE N'EST PAS L A N U I T

*****

Ail ! si toi, le Très-Uaul qui soulèves la mer,

Tu fais rire la source auprès du gouffre amer,

Si toi, le Tout Puissant qui commandes la foudre,

Tu jettes à la brise une plume ou la poudre,

Si toi. le glorieux qui vêts d'or le soleil,

Tu cisèles des lis le calice vermeil ,

frète à l 'homme, malgré le poids de son argi le ,

Sa pénétrante vue avec le vol agile :

Oubliant sous les cieux ses maux, qu'il soit épris

De vos ravissements, ô chœurs du Paradis ! . . .

Tel l'œil va d'astre en astre au foyer de lumière,

Qu'il aille donc de cause en cause à la première:

L'litre des êtres, centre immuable de tout,

Eclair de la raison, et qu'il plie un genou ! . . .

Dans cet immense calme, aiglon qu'une aube évei l le ,

Il s'envole, éperdu, de merveille en merve i l l e ;

Indécis d'abord, puis — ô fulgurant essor ! —

Des êtres il saisit l 'barmonieux rapport;

Partout la même loi — que la nature atteste —

Hégit l'intelligence autant qu'un corps céleste;

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CE N ' E S T P A S LA N U I T

Et l 'une exp l ique l 'autre : un heu reux contrepoids

De f ranche l iber té d o n n e l 'ordre à la fois.

Double force qu i t ient le monde en équ i l i b r e !

Ainsi l ' âme peut être obéissante et l ib re !

Ainsi s 'ombrassen t donc la jus t i ce et l ' amour !

Ainsi le ciel, l 'enfer m a i n t i e n n e n t tour à tour

L 'équi té : peint! au mal . au devoir jouissance !

Tels les poids aux plateaux de la jus te balance 1

• **••

Au spectacle é m o u v a n t du vespéral décor,

La ra ison, tout c o m m e le cœur , s'affine encor.

Ne pas voir , c'est por te r sur les yeux plus q u ' u n voile

L 'espr i t a son soleil et le c œ u r son étoile !

Ne pas c o m p r e n d r e , c'est qu 'à la longue, obscurc i .

En ne cédant q u ' a u x sens, l 'esprit s'aveugle aussi .

Sur les pages des c ieux, du Créateur , s'épèle

La règle qui r é sou t l ' én igme universel le .

F l ambeaux de c h a q u e sphère , avec tant de splendeurs

Eclairez vous sans bu t de telles profondeurs?

Jo in te à la Foi. votre lumiè re , ô double flamme.

T rans fo rme en j o u r la nu i t parfois sombre de l 'âme !

•••••

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50 L E K Ê V K

LE RÊVE

0 parole de Dieu! : « Je dors , mais mon c œ u r veille ».

Oui ! bien que toute nui t sombre ferme les yeux ,

Qui donc se penche alors vers l 'âme et l 'ensolei l le ,

Murmure ou parle tard aux lits si lencieux :

*****

Kn l 'apparente mor t , l 'éternelle han t i se ,

Tels les anges auprès des t ombeaux en t r ' ouve r t s ,

Reste encore au chevet, sans cesse s ' ha rmon i se

Avec tout ce qu i vit, respi te 'éh l 'un ivers .

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LE IlÈVK Kl

*****

C o m m e un Ilot assoupi vient gémir sur la grève,

C o m m e l'aile envolée, au nid, doit revenir,

Comme embaume la llcur, l 'homme sans cesse rêve:

Dans un mirage il voit le passé, l'avenir.

# * * # «

11 rêve! . . . Si sa tète immobile et trop lourde

Gît sur les blancs coussins, l'esprit voyage, ailé;

A la vague rumeur, l 'oreille, quoique sourde,

S'ouvre encore à des chants connus de jubilé . . .

» » # # »

Que reposent — meurtris— ses pieds ! Un souille entraîne

Sa voi le frissonnante au malin frais des jours.

Obscurci, son regard retrouve chaque scène

De tant de lieux aimés, et les mêmes toujours!

# # * # #

Les absents regrettés, vers de chers paysages,

Retournent comme hier et, non pas en esprit,

Le temps n'a pas changé leurs familiers visages.

La mort, telle aulrelbis, lui rend ceux qu'elle a pris.

##»*«

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LIS RÊVE

Soudain sa course change à la r ive nouve l l e ,

Il aborde ; à travers les obstacles va incus ,

Sans fatigue pourtant , le futur se révèle :

T r i o m p h e après t r iomphe, il les a tous v é c u s .

#####

Que vois-jc? Du sommei l , ô j o u i s s a n c e b r è v e !

P a r la fenêtre close un rayon projeté,

E n t r o u v r e la paup iè re : hé la s ! ce n'est q u ' u n r ê v e :

Haletant, il s 'évei l le à la réalité.

* * » * »

A h ! ne fût-ce q u ' u n e heure, à l ' instant qu ' i l s o m m e i l l e ,

Des songes, sour ian t ou p leuran t tout à tour ,

Ont surgi ; c 'est b ien vrai : il dor t , mais son c œ u r vei l le ,

V o i s ses p leurs , s o u v e n a n c e ! En tends sa v o i x , a m o u r ! ! !

#»***

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L E CHARTREUX 53

LE CHARTREUX

P a r m i mes- souven i r s , celui-ci m ' a c c o m p a g n e .

Au sein de l ' oub l i , mieux qu 'un flambeau dans la nuit .

Il me vient d 'un couvent du beau pavs d'Kspague

Où, rêvant au passe, mes pas m'avaient condui t .

*****

De hauts mur s l ' en tou ra i en t ; la large porte close,

En s 'ouvrant , m e laissa voir j a r d i n et verger :

Que le lis é tai t b l a n c ! Que la rose était rose !

C o m m e au solei l lu isaient les fruits d'or d 'oranger !

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54 L E C H A I l T R E t ï X

*****

G u i d é pur un cha r t r eux , j ' e n t r a i dans la c h a p e l l e ,

Traver san t les c o u l o i r s , passant sons les a r c e a u x :

L e m o i n e j e u n e , à la face s p i r i t u e l l e ,

M é d i t : « V o y e z ici sculp tures et tableaux » .

*****

K l j ' a d m i r a i tantôt la V i e r g e I m m a c u l é e ,

S ' é l evan l dans les airs , l ' é cha rpc b leue au v e n t ;

T a n t ô t des a n g e s b l o n d s la t roupe pu re a i l é e :

T o i l e ou m a r b r e m e les m o n t r a i e n t tous si v i v a n t s !

* * » m *

Quand j e me re tourna i — dans sa t un ique b l a n c h e ,

A g e n o u i l l é — pr ia i t à l ' o m b r e de l 'autel

L e saint r e l i g i e u x les mains dans c h a q u e m a n c h e ,

Les yeux clos à la terre , o u v e r t s tout g r a n d s au c i e l .

• • • * *

J 'oubl ia i M u r i l l o , Zurbaran et le res te

P o u r ne vo i r d e v a n t m o i — d e p u i s s o u v e n t e n c o r ! —

Que l ' appar i t ion idéa l e , cé les te ,

De l 'être rad ieux c o m m e sur un T h a b o r .

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LE CHA11TREUX 55

Il était toujours là, p r ian t , l 'âme v i s ib l e :

En son sacrifice, b u m b l e , et sour ian t et doux ,

Vers l 'au-delà po r t é d 'un vol i rrésist ible :

L ' h o m m e en p r i è re est beau : qu ' i l est g rand à genoux !

*****

Devant ce front penché qu 'auréole l'extase

Avec les arcs en-ciel des vitraux du saint l ieu.

Mon c œ u r brû la p rès du sien que l ' amour embrase

lilt, par ses veux fermés , j e vous vis, ô mou Dieu! . . .

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56 LES COLOMBKS

LES COLOMBES

D'une volière, au lo in , s ' échappent des c o l o m b e s :

E l leur mul t ip le essor voile , en foule l 'azur,

Surpasse par leur nombre un troupeau d ' h é c a t o m b e s ,

F a r leur vive b l ancheu r , le c y g n e le. p lus pur .

• * # * *

C'est à ravir de voir neiger les mol les p l u m e s ,

Pare i l les aux flocons étoiles de l ' h iver ;

Et , parfois, l 'œi l les prend pour la toison des b r u m e s

Qui pendent par l ambeaux ou s'effilent dans l ' a i r .

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LES COLOMBES

*«*#»

Tous ces chastes o i seaux , si j ' e n crois leur souplesse,

De n o u v e a u sera ient prêts — aér iens messagers —

A t ra îner , couple à couple , ici, d 'une déesse,

Au sor t i r de la m e r , les chariots légers.

• * * * •

Ou m i e u x que su r u n front s 'arrête l 'une d'elles,

Symbole de l 'Ksprit au Saint des saints caché,

Pour que cé les tement l ' ombragen t ses deux ailes,

C o m m e au J o u r d a i n , j ad i s , le chef du Christ penché .

*****

Avec le m ê m e éclat , aux clartés de la cire,

Plus d ' un ch ré t i en , sous Home, en l 'obscur corr idor ,

En cisela, t enan t la p a l m e du mar ty re

A leur bec rose, au m a r b r e où la vict ime dort ,

*****

Après avoir po r t é la b r a n c h e d 'espérance

En u n m o n d e lavé des taches des pervers ,

Qu'elles a i l lent cuei l l i r , pour chaque âme en souffrance,

A l ' a rbre de la Foi les r ameaux les plus ver t s ! . . .

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LES COLOMBE»

Par d'invisibles fils le doigt pieux les noue

A la voûte du temple, emblème vénéré ;

A leurs baisers d'amour, la vierge offre sa joue :

Elles furent partout l'oiseau le plus sacré.

* * » » *

De mou cœur souvent, tels des essaims dépensées,

Ces annonceurs d'espoir au déluge des pleurs,

Parlent joyeusement en un rêve élancés !.. •

Mais anxieux, j'attends toujours la branche en (leurs.

#*##*

lït si lestes pourtant en toutes envolées

Qu'un simple nœud de soie au grand char triomphal

Suffit à les tenir vives, quoique attelées,

lui courses jusqu'à toi, terme de l 'idéal.

# # ## #

Colornbelles, pour moi, sur le mont poétique,

Voyez-vous la guirlande? Iriez-vous la chercher,

Comme, vers le ciel bleu, l 'âme de Scholastique,

Comme l'âme de Jeanne en fuite du bûcher ?

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LES COLOMBE»

* * * * *

Ou su ivan t les corbeaux — avides et follettes —

Oublicriez-vous les fronts que nu l bandeau n'a ce ints?

Ah ! q u ' a u m o i n s j ' a i e , au lieu du laur ier des poêles.

Dans les j ou r s é te rne ls , la cou ronne des saints !

* * * * *

Ilélas ! q u ' i m p o r t e une œuvre , encore peu so ignée :

Larme prête à j a i l l i r des fontaines du cœur.

Jeux de l 'espri t que vau t la toile d 'araignée

Ou son q u ' e m p o r t e l 'air , ge rme qui toujours m e u r t !

*****

Le silence b ien tô t se fera sur ma t o m b e ;

On verra l 'herbe y poindre et frémir de douleur :

Qu'en les bras de ma croix, au couchant , la colombe,

Lasse — ange de pitié — r é p a n d e comme un p leur . . .

*****

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C O U R S E DE LA [.UNE

COURSE DE LA LUNE

0 lune chaste et solitaire,

Tu reparais avec les nui t s :

Et de l'horizon — ô mystère ! —

Sans t'arrôter un peu, tu fuis. . .

»##**

Tu passes d u n groupe d'étoiles

À l'autre, dans le sombre azur,

Ainsi que vont les blanches voiles,

D'île en î le , au sein d'un lac pur.

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C O U R S E DE Lb. LUNE

» * * # »

Ta forme parfaite et sans tache

Capt ive m o n regard c h e r c h e u r

Q u i , tout épris de toi, s 'at tache

A u x s i l l ages de la b l a n c h e u r .

**»#»

A h ! v e n u s d 'une m ô m e source,

T o u s d e u x ic i -bas engagés

C o m m e en u n e c o m m u n e course,

Nous a l l o n s rapides , l égers . . .

***##

Saura i - je que l attrait te pousse

L à - h a u t ? P o u r q u o i che rche r ai l leurs?

T r o u v e r a s - t u , dans la nui t douce,

Que lques m o n d e s plus beaux , mei l leurs

»*#*#

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COUHSE D E LA L U N E

Connais-tu des mers dont les ondes

Caressent, sans gémir, leur bord ?

Des terres aux moissons si blondes

Que ne s'y couche point la mor t?

* ## # *

Belle est ta face de lumière,

Riche ton croissant argentin.

Tu n'es poutant que la poussière

De l'orbe d'or d'un astre éteint.

Tel un fleuve effleure sa grève,

En l'espace tu cours sans bruit :

Es-tu l'illusion d'un rêve

En la mémoire évanoui ?

# # * # #

Mais d'un autre souffle s'anim e

Tout mortel qu'un regret emporte :

Lui s'en va - quoique frêle, infirme

De ce temps à l'éternité !

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l 'A C L O C H E

LA CLOCHE

Qu'es t ce q u i , tel un chan t , m'évei l le

E t s e m b l e de si loin v e n i r ?

E n sa m é l o d i e , ô merve i l le !

Es t -ce le voix du souven i r ?

*****

C'est, fa ib le , len t , un son de c loche

Q u e m 'appor t e en f rémissant , l 'air,

P l u s en sa volée il s 'approche,

P l u s s 'en r e m p l i t mon c œ u r désert . . .

*****

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LA C I . O C I I J Î

Ce bronze dur a l il une âme:'

Mieux que la liarpc du jongleur

(Iliaque libre, lorsqu'il se pâme.

Vibre de joie ou de douleur. . .

* * * * »

Du haut de sa tour solitaire

Il s'inspire de tant d'espoir

Que sa boucbe ne se peut taire :

Chants du malin ! sanglots du soir

* » » « #

Parfois ou dirait qu'il s'y mêle —

Venant, en l'espaee, ondoyer —

Une earesse maternelle

Aux pétillements du loyer

* * * * »

Ou qu'il s'y joint un bruit de rame

Du bleu Saint Laurent emporté —

Au carillon de Notre Dame

En notes d'or sur la cité.

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LA CLOCHIi

* # * • # »

Ah ! la terre au ciel se mar ie

Eu d ' invis ib les accords : C'est u n echo de la pa t r ie , La voix des vivants et des morts !.

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JE SUIS TRISTE

JE SUIS TRISTE

.le su i s t r i s t e : la feu i l l e t o m b e ;

Les b lés s o n t m o i s s o n n é s a u x c h a m p s

El m o n c œ u r , s e m b l a b l e à la t o m b e ,

G a r d e , à j a m a i s s ce l l é s , d e s s o u v e n i r s t o u c h a n t s .

*****

J e su i s t r i s t e : l ' h y m n e s ' es t t u e

S o u s le t o i t s o n o r e d e s b o i s ;

M u e t a i n s i q u e la s t a t u e ,

Ma l è v r e s a n s c o u l e u r a u s s i r e s t e s a n s v o i x .

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JE SUIS TRISTE

* * * # #

J e s u i s t r i s t e : t o u t le c ie l p l e u r e

C e q u i n ' e s t p l u s q u e le p a s s é ,

L ' â m e a d e s l a r m e s à c e l t e h e u r e

Q u i v o i t c h a q u e b o n h e u r s ' e n f u i r à p a s p r e s s é

*# * * *

,1e s u i s t r i s t e : t e r n e c l b l a f a r d e

E s t la cl a r t e d e s j o u r s si c o u r t s ,

Kl, q u a n d l 'œ i l d u so l e i l r e g a r d e ,

C ' e s t à c r o i r e q u ' i l va se f e r m e r p o u r t o u j o u r s .

• * * * •

J e s u i s t r i s t e : la t e r r e n u e

C h a n g e s i t ô t sa j o i e en d e u i l ;

La n e i g e , à f l o c o n s , d e la n u e ,

Va b i e n t ô t la c o u v r i r d ' u n i m m e n s e l i n c e u l .

*#**#

J e s u i s t r i s t e : d ' é p a i s n u a g e s ,

E n l e u r f u i t e , a s s o m b r i s s e n t l ' a i r ;

,le r e s t e p e n d a n t les o r a g e s ,

S e u l , b l o t t i p r è s d u feu d e ce f o y e r d é s e r t .

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68 JE SUIS TRISTE

* * * * #

Je su is triste; : j e c r o i s , d a n s l ' o m b r e ,

R e v o i r t o u s m e s c l i e r s e l i s p a r u s :

J e r e c o n n a i s l e u r s c r i s s a n s n o m b r e

D a n s les p l a i n t e s d u ven t , c lans t o n s les b r u i t s c o n f u s .

# * * # *

T r i s t e ? P o u r t a n t D i e u fai t r e n a î t r e ,

Au p r i n t e m p s le g e r m e ; q u i d o i t ,

l i t q u e l q u e j o i e a u c œ u r p e u t - ê t r e ,

Mais i i i i m o r l e l l e m e n l la v i e a p r è s la m o r t .

*****

M o u r i r e s t m o i n s t r i s t e q u e v i v r e

Aux j o u r s d e d é s o l a t i o n .

C'est a i n s i q u e Dieu n o u s d é l i v r e :

Il es t la v i e , il es t la r é s u r r e c t i o n ! ! !

* * # * «

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L F VOYAGE

LE VOYAGE

Ils voguen t tous deux sur l 'onde

Kn sou r i an t de s'y voir .

Lu i , i iulanl que la unit , noir ;

Kl le , c o m m e les blés, blonde.

# # # # #

P o u r suivre celte nacel le ,

Il faut violon

VA v io lonce l le :

P o u r lui . résonne, ô c la i ron !

C h a n t e pour e l le ,

0 chantere l le !

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L E VOYAGE

*****

Quelque chose de s u p r ê m e

Vibre et chante dans leurs voix

Est-ce la première l'ois

Que l 'un ou l 'autre c œ u r a i m e ?

*****

Pour suivre celle nace l le .

Il faut violon

Kl v ioloncel le :

Pour lui , résonne , ô c la i ron !

C h a u l e pour c l i c

0 chan te re l l e !

* * * * *

Tri l les d 'oiseaux, c r i s des r ives

Leur répondent tons on c h œ u r s

Et m i l l e parfums de fleurs

Jusques à la barque a r r iven t

+ # * # #

Pour suivre celte n a c e l l e ,

Il faut violon

E t v io loncel le :

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L E V O Y A G E

Pour l u i , r é sonne , ô clairon !

("haute pour elle,

0 chantere l le !

* * * *»

Ils font le [ilus beau voyage :

Les vagues baisent l 'esquif

Et dans la voile un vent vif

Les pousse vers le r ivage.

* * # # #

Pour su ivre celle nacelle,

11 faut violon

Kt violoncelle :

Pour lu i , résonne, ô c l a i r o n !

Chan te pour elle,

O chantere l le !

*****

Ils c o m m e n c e n t là ce rêve

Qui vers eux descend du ciel,

Hcvc d ' a m o u r éternel

Que l ' h o m m e jamais n 'achève

*****

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LK VOYAGE

Poursuivre cette nacelle,

Il faut violon

VA violoncelle :

Pour lui, résonne, ô clairon !

Chante pour elle,

0 chanterelle !

* * * * *

Mais près de loucher au terme

Où l 'hymen leur tend l'accueil,

La nef se brise à recueil

hit sur eux l'eau se referme ! . . .

* * * * *

Pour suivre cette nacelle,

II faut violon

Kf violoncelle :

Pour lui, détonne, ô clairon !

Pleure pour elle,

O chanterelle ! . . .

* * * * *

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LE VAISSEAU DE MES RÊVES

LE VAISSEAU DE MES RÊVES

Mon cœur, mon pauvre cœur était tout à l'espoir.

Lorsque, depuis longtemps assis au bord des grèves.

Mes yeux virent partir le vaisseau de mes rêves,

Ainsi qu'un grand oiseau qui fuit dans l'or du soir.

*****

« lin vain aux pires coups servirait-il de cible » ,

Me suis-jc souvent dit : « n'esl-il pas recouvert,

Semblable au cuirassé, d'une armure de fer?

Pour guide n'a t-il pas l'espérance invincible ? »

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71 I.K V A I S S I U U DE M E S U È V E S

* * * * *

Les co rdages v i b r a i e n t , tel q u ' u n lu th sous m e s d o i g t s

D 'un souffle i m p é t u e u x s 'enf la ient ses b l a n c h e s v o i l e s ;

L e s m o t s , s u i v a n t l ' é lan de m o n â m e aux é t o i l e s ,

M o n t a i e n t c o m m e aux s o m m e t s le b o n d i s s a n t chamoi s .

*#•**#

V e r s lui toutes les ma ins s ' a g i l a i e n t — d e la p l a g e —

lui des s ignes d e j o i e ou des s i g n e s d ' ad i eux ;

À ses désirs en c h œ u r r é p o n d a i e n t tant d e v œ u x

P o u r l ' i m m o r t e l succès du pér i l leux, v o y a g e !

* * * * #

Et le vaste océan — i m m e n s e g l a c e — uni

O u v r a i t , d e v a n t la p roue , u n c )rt> ft le f rayée ;

Kl lu i , si t r i o m p h a n t , a l la i t , a i l e é p l o y é e ,

V e r s l ' î le for tunée au sein de l ' I n f i n i . . .

* * * # *

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L E V A I S S E A U DE M E S R Ê V É S

En pensée et des yeux, sa nef, j e l'ai sui/ie

Tant qu'elle ne fut plus sur l'onde qu'un point noir

Ah ! quel départ jamais a pu tant m'émouvoir ?

N'emporlait-il donc pas mon amour et ma vie?

***#*

Pareil au croissant pur qui trop tôt a décru

Dans sa course rapide à travers les nuages,

Avec un dernier chant — des terrestres rivages —

Le beau vaisseau du rêve enfin est disparu !

* * * * #

Ah ! que de fois depuis et sur la môme rive

D'où mes tristes regards lui dirent « au revoir » ,

Je suis venu, le cœur plein d'attente, m'asseoir,

Interrogeant l'espace et priant qu'i l arrive !

# # # * *

Je m'attardais souvent pour le voir revenir;

La nuit me le montrait, en l'hyaline ilore,

Sur des vagues d'argent, en des lueurs d'aurore,

Chargé de cher butin et riche d'avenir.

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76 L E V A I S S E A U T)V. M.I-.S I V È V E S

*****

A p e i n e u n j o u r pa r t i , j ' a c c o u r a i s à tout s igne

A n n o n ç a n t un r e tou r a u b o r d hospi tal ier

Et c r o y a i s d é c o u v r i r , du ris t o u t aut re voil ier .

Ses fiers b a l a n c e m e n t s e t s e s b l ancheu r s de cygne .

*****

Mais u n j o u r q u e j ' a v a i s m o u i l l é de p leurs amers

Un s o u v e n i r , ga rdé c o m m e u n heureux présage,

Je v i s i lo t ter , épars , les r e s t e s d 'un naufrage

Qu ' à m e s p i e d s déposa le I lo t b lanchi des mer s .

*****

0 D i e u ! c 'étai t lui ! lu i , le va i sseau de mes rêves !

Et de t a u t de t résors , r i e n , p l u s q u e des déb r i s !

La m e r d ' advers i t é , folle, m avai t tout pr i s ,

Des épaves g i s a i e n t là, s e u l e s sur les g rèves . . .

*****

l i t j e r e c o n n a i s s a i s c h a q u e b o n h e u r rêvé

A u x reflets de s p l e n d e u r s t o u j o u r s ineffacées :

C ' é t a i e n t des fleurs de j o i e e t mor tes sans ro sées ;

Ic i , q u e l q u e s f r a g m e n t s d e l ' œ u v r e i n a c h e v é :

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L E VAISSISAU DE M E S RÊVES

# » * # *

lit, sou i l lés , des feui l le ts i m p o s s i b l e s à l i re ,

M'apparaissanl. a i l és , qui v o l e t a i e n t e n c o r

Et. sur le roe, r endan t un d o u l o u r e u x accord ,

J ' en tenda i s se b r i s e r les c o r d e s d ' u n e l y r e . . .

*****

Un éer in su rnagea i t vide de s e s j o y a u x :

Où d o n c étai t la pe r l e e t l ' o r d o n t s e i l eu ronne

Pour les fronts r ad ieux le l a u r i e r , la c o u r o n n e ?

Perdus à j a m a i s c o m m e en la n u i t d e s tombeaux !

# * # # *

Et du sable sor ta ien t de l o u r d s t r o n ç o n s d'épées

Faits pour frapper les c o u p s de t o u t d r o i t insul té

Et prêts à re tent i r dans la p o s t é r i t é

En des cr i s de v i c to i r e , en des c h a n t s d 'épopée ! . . .

*****

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78 LE VAISSEAU DE MES REVES

Pouvais-je perdre p l u s ? S u r l ' ab îme sans b o r d ,

Quelles ombres , là-bas, flottent à la dér ive ?

Quelque chose du cœur ou de l ' âme m ' a r r i v e :

Kuine après ru ine ! 0 ca tas t rophe ! 0 m o r t ! ! !

* # * # #

Dieu seul peut réparer, un j o u r , de telles per tes :

Pâles et froids amis , je vous ai r e connus ,

Je vous rappelle à moi ; vous ne m 'en tendez p lus :

Je pleure donc en vain sur vos têtes i ne r t e s . . .

*****

O rêves, qu ' i ls sont donc fragiles vos vaisseaux

Qui, tout pavoises, vont aux terres i n c o n n u e s !

Leur fantôme, c o m m e en l 'azur c rou len t les n u e s ,

S'abîme au gouffre plein de p leurs et de s ang lo t s .

*****

Ah ! que vous confier, palais flottants des rêves ,

Vous qui bravez recueil , ma i s finissez si m a l !.. .

Il est des nefs pour qui la l a m e est de cr is ta l

Et don t , malgré les vents, les traverses s o n t brèves.

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L E V A I S S E A U DE M E S H E V E S

*****

La m i e n n e , à l ' a v e n i r — ne fût-ce qu 'un esquif -

Avec humi l i t é , j e veux la reconstruire

Et tout l ' o r g u e i l des flots ne saurai t la détruire :

La F o i , bousso le sûre , é lo igne du récif.

*****

Qu'aux souil les de l ' épreuve , acharnés à ma voile ,

S 'abat tent , sur ma tête, et la v a g u e cl l ' éc la i r :

J ' embras se ra i la c ro ix et, dans le ciel [dus c la i r ,

De la félicité m e sour i ra l 'é toi le!

*****

Puissé-je v o g u e r l o in d u phare aux feux suspects

Volon té sainte, est-i l de lumière pareille

A la t ienne ? E m b a r q u e z , mes rêves : j ' appare i l le

P o u r le por t du b o n h e u r el d 'éternelle paix ! ! !

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VEILLÉES D'HIVER

VEILLÉES D ' H I V E R

0 longues, t ranqui l les veillées

De chaque hiver !

Lointaines , mais non o u b l i é e s !

Je m'en souviens c o m m e d ' h i e r . . .

La lune a rgenté encor la neige

Au bord du toit.

La maison ch:iude n o u s pro tège

Contre la tempête et le froid.

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V K I l . l . M i S l l ' l I l V K H

* * * * *

Déjà s ' achève le ménage :

Jeunes , âgés ,

T o u s occupés de que lque o u v r a g e ,

A la table se sont rangés .

* # # # #

Le chien avec le poêle ronfle ;

Assis près d 'eux,

Le père, q u i fume, dégonfle

Sa j o u e , et sui t les cercles b leus .

*****

La mère, heureuse , du pied berce

Son dern ie r né,

Sa main c o u d la pièce d iverse

A l 'habi t usé de l 'aîné.

***#»

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V E I L L É E S D ' H I V E R

L'aïeule passe en la dentelle

D 'un bonnet blanc

Sa broche ; mouche la chandelle ;

Puis tricote tout en tremblant.

*****

A sa sœur, un frère répète

D'un air mutin

Sa leçon ; de loin la clochette,

Aux mots, mêle un son argentin ;

*****

Un autre, de la chambre noire,

Kn frissonnant,

Accourt: ne semble-t i l pas croire

Qu'elle recèle un revenant?

*****

Le givre clair, à la fenêtre

Trace des fleurs ;

L'étoile, qui sait, un ancêtre

Y jette comme un œil en pleurs.. .

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V E I L L É E S D ' H I V E R

*****

Des j e u x de lumières et d'ombres.,

A u x m u r s noirc is ,

S 'entre c ro i sen t , br i l lan ts ou sombres

C o m m e , en nos j o u r s , j o i e et soucis .

*****

Et, dans la l a rge cheminée ,

Q u e l q u e tison

Meurt avec la ca lme j o u r n é e

Qui revoi t , p le ine , la m a i s o n .

*****

Plus v i te fuient les ca r r io les ,

Te l l e s q u ' u n trait ;

P l u s rares se font les paroles

Et c h a c u n p r end son chape le t .

*****

Le Chr i s t , qu i pend à la murai l le ,

D ' u n pâle feu

Se n i m b e : il semble q u ' i l tressaille

Et du soi r bénisse l ' adieu.

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VEILI.ÉKS D'HIVER

# # * * *

Le c h œ u r s'est lu des voix unies

El, peu à peu.

Bercés d'échos de l i t an ies ,

Tous s 'endorment sons l 'œi l de Die

*****

0 longues , t ranqui l les veil lées

De chaque h ive r !

Lointa ines , mais non o u b l i é e s !

J e m'en souviens c o m m e d 'h ie r . . .

* # * * *

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L ' H I K O N D E L L E

L'HIRONDELLE

Ah ! l 'hirondelle, lasse au sein des airs, se pose,

Pour étanolier sa soif, auprès d'un courant pur.

Soudain pour la terre elle a déserlé l'azur

Et tout son corps frémit sans apparente cause.

Voilà que l 'hirondelle au bord de l'eau se pose.

Kl l'on reconnaît vite à chaque pas léger

Quand son pied de corail effleure la poussière,

Que tout en elle est fait et vit pour la lumière

Puisqu'on devine l'aile en la voyant marcher:

Qui ne la reconnaît à son pas si léger ?

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86 L'HIRONDELLE

* * * * *

Sûre d'être bien seule au bo rd de cette rive,

Elle humecte son bec et le soulève un peu

Vers le clair firmament p o u r remercier Dieu

Avec tou tê t requi prie, et quo iqu ' i l arrive,

Sûre d'être bien seule au b o r d de cette rive.

# » * » *

Qu'ils lui paraissent longs tous ces instants si courts!

Rasant à peine l'eau de son aile de moire,

Comme pour s'y baigner, el le achève de boi re ;

Puis repart et revient pour remonter toujours ;

Qu'ils lui paraissent, longs tous ces instants si courts!

*****

0 mon âme, 6 mon âme, a in s i que l 'hirondelle,

Touche à peine en ton vol au limon d'ici-bas :

Ne cède point au corps qui fait tomber si bas

Et vers tout idéal divin ouvre ton aile,

0 mon âme, ô mon âme, a ins i que l 'hirondelle.

# # * * *

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DKUX E N F A N T S 87

DEUX ENFANTS

De retour, le printemps a fait éclore mai :

0 monde rajeuni ! sanctuaire e m b a u m é !

Les pommiers, déjà verts, met tent des touffes blanches;

Les papillons soyeux se pendent à leurs branches.

* * # * #

L'oiseau chanteur apporte une p lume à son nid

lil chaque nue, au bleu de l 'éther infini,

Transparente, paraît de gaze ou de dentelle,

S'éptoie au souffle chaud, légère telle une aile.

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88 DliL'X EN I''ANTS

*****

Sous ce firmament clair, deux enfants au front pur,

I'lus frais que les lilas et plus gais que I'azur.

S'amusent à cueillir la fleur qui la première

L'inaille le gazon, sourit à la lumière.

*****

Avec l'abeille, alors qui fuit de sa prison.

Eux s'échappent aussi d'une sombre maison :

L'un s'ébat ainsi que volète l 'hirondelle ;

L autre essaie un pas ; tout son corps frêle en chancelle.

*****

Ils se croisent allant et revenantencor :

Découvreurs ébahis devant chaque trésor ;

Quels cris vibrants de joie et quels éclats de rire !

Pour entendre leur voix, se tait le frais zéphyre !

De leurs petites mains, de leurs fins cheveux blonds

Se colorent de pourpre et d'or tous ces gazons

Quand s'y penche leur tête : oh ! ces visages roses

Au sein de la verdure et des nouvelles choses !

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D E U X E N F A N T S

***«#

Dans les airs, sur les eaux, quels rayons éclalanls !

Mais combien je préfère, adorable printemps,

Aux splendeurs dont il semble ici que tu te vantes

Les charmes ingénu* de ces deux Heurs vivantes !

* # # # #

De cœurs épanouis, c'est la ehaslc beauté !

Charme de l ' innocence à quelque an»e emprunté !

Ta grâce et ta fraîcheur, oh ! dis-moi, que sont-elles,

O riante saison, près d'unies immortelles?

*****

Pas n'est besoin pour vous, ô roses de fleurir :

Vous ne vous entr'ouvrez, hélas ! que pour mouri r :

De ce couple enfantin la limpide prunelle

M'a soudain révélé la jeunesse éternelle!...

*****

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90 E N R K V E

EN RÊVE

Cette nuit, j ' a i vécu mes beaux j o u r s d ' a u t r e f o i s ;

J 'ai revu ceux que j ' a i m e et q u e l 'absence en lève .

Leurs yeux me regarda ien t et j ' e n t e n d a i s l eu r v o i x ;

Mes bras al laient s 'ouvrir : hélas ! c 'était u n rêve !

*****

Us sont part is , part is pour ne reven i r p l u s !

La mort , telle un vautour , a fait p lus d ' u n e pro ie

Et les garde glacés et sous t e r r e é t endus ,

Seuls, seuls avec la prière q u e l ' âme envoie .

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EN RÊVE

*****

Plus ieurs , q u ' é t r o i t e m e n t cette vie avait j o in t s .

Ont vu leurs nefs c ingler vers de nouveaux r ivages :

Ils on t fui, l 'un après l 'autre, si loin, si lo in . . .

Tendres feuilles q u ' e m p o r t e u n souffle des orages.

*****

Et p lus d ' un m ' a p p a r a î t pire qu'enseveli :

0 D ieu ! puis-je le c r o i r e ? E t que mon âme en souffre

Ah ! c'est q u ' e n t r e eux et moi trop vite de l 'oubli

Se creuse c h a q u e j o u r l ' infranchissable gouffre.

*****

C o m m e n t se fait-il donc qu ' aux heures de sommei l

T o u t ce passé lo in ta in en un songe renaisse

C o m m e l 'herbe aux rayons d 'un p r in tan ie r soleil

El que ce qui v ie i l l i t ait sa p r i m e jeunesse ?

*****

En va in donc su r les fronts b lanchissent les cheveux

VA l 'ongle des dou l eu r s m a r q u e en rides sa trace :

Le m ê m e h u m i d e éclair i l l u m i n e les yeux ;

Mon c œ u r n o n p lus n'est pas refroidi sous sa glace.

#**#*

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92 E N KÈVF.

Et, tout comme en ces j o u r s au merveilleux matins,

Moins gais que les échos d u franc et j eune rire,

Ma vieille voix se m ê l e a u x éclats argentins

Et ce que je ressens ma b o u c h e ose le dire :

* * * * *

Car vous n'avez pas su, v o u s ne saurez jamais —

Et peut-être est-ce m i e u x q u e votre âme l ' ignore? —

0 vous, mes chers absen t s , c o m m e je vous aimais

Et combien aujourd'hui m o n cœur vous aime encore.

*****

Ah ! vivre, j e le sens, c ' e s t se ressouvenir...

Le présent— qui se lève à l ' aube — est sans histoire;

VA c'est de l 'inconnu q u e p o i n d r a l 'avenir ;

Mais le passé réveille en m o i toute m é m o i r e :

*****

0 mirage nimbé de s o u r i r e s , de pleurs !

Charme de l'autrefois ! o m b r e la plus d iv ine

Qui semble être ce qu'est , s o u s la mousse et les fleurs,

Au chemin de la vie, u n e a n t i q u e ruine !

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EN R Ê V E

# * * # *

Ruine ? Qu'ni-jc dit ! Non. c'est b i e n l a maison d'or

De nos enchantements, c'est b ien u n p e u de l'âme

Immorlcl lemcnl jeune et qui s o u r i t e n c o r

Dans toute la faîolicur de mat ina le flamme.

* # * # #

Souvenir! souvenir de tout ce q u i n ' e s t p lus!

Rends-moi pour un instant mes h e u r e s de jeunesse,

Mois d'un baiser les pleurs de m e s y e u x abattus;

Parle-moi, chante et ris, que j e te r e conna i s s e .

#* ***

Et, vous, souvent avec les étoiles d u so i r ,

Avant que du sommeil l ' i l lusion s ' a c h è v e ,

Vous, que je ne vois plus et v o u d r a i s tant revoir.

Revenez, revenez, ne serait-ce q u ' e n r ê v e !

*****

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94 MES CHAMBRES

MES CHAMBRES

Chambres qui m'offriez si souven t vos as i les

Aussi frais que l ' ombrage — ouvran t c o m m e des bras

Votre porte accue i l l an te , — et sans cesse pa i s ib les

Pour reposer mes m e m b r e s las ;

*****

Chambres dont les r ideaux, r e t o m b a n t en longs voiles,

Sembla i en t se re lever si ga is à m o n réve i l ,

Dans lesquelles au soir , r egarda ien t les é to i l e s ,

Au ma t in , en t ra i t le so le i l ;

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MKS CHAMBRES

C h a m b r e s qu 'embel l i s sa ien t les vivantes images

De la Mère d iv ine et de son Fi ls en croix.

Celles d 'êtres chér is d o n t les m u e t s visages

Me repar la ien t c o m m e autrefois ;

* * * * *

C h a m b r e s d'où j e voyais , h iver , été. renaître

Que lques b r ins de ve rdu re , u n e verveine en Heurs,

lit d 'où se r éponda ien t , en cage, à la fenêtre,

T a n t de couples d'oiseaux siffleurs ;

*****

C h a m b r e s aux m u r s étroits ainsi q u ' u n e cellule

D'aspect invio lable et presque vi rginal ,

Dans q u i v i s ib lement vit, respire et circule

Tou t un m o n d e p u r . idéal ;

*****

C h a m b r e s où j ' a i vécu soit des ans , soit des heures ,

Selon q u e je t rouva is sur vos seuils pour mes j o u r s ,

Asiles p e r m a n e n t s , passagères demeures ,

Pou rquo i m e hantez vous toujours?

*****

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96 MES CHAMBBES

Pourquoi vos souvenirs, plus fidèles que l 'ombre,

Me suivent ils le jour , m'éveillent-ils la nuit,

Quand de votre ancien gîte, il n'est plus que décombre,

Que l'incendie a tout détruit ?

*****

(ï'esl que je laisse, en chaque lieu qui me convie

A revivre un passé, sous l'abri df vos toits,

line part de mon être, une part de ma vie,

Si semblable à l'âme, j e crois ;

*****

Quelque chose, il est vrai, que j e ne puis reprendre

Mais qui, sous vos débris, doi t , vivant, enfermé,

Quelque chose d'inerte et qui, néanmoins tendre,

M'a bien, à sa manière, aimé.

*****

El, comme sur les nids viennent s'ouvrir deux ailes,

Ces coins hospitaliers m'ont aussi recouvert,

M'enveloppant, aux jours d'anxiétés cruelles,

I>e la douce paix du désert.

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MES CHAMBRES

* » * * #

C'était p o u r moi le port aux reposantes grèves :

Ma b a r q u e repl iai t la voile de ses mâts

El j ' y croyais t rouve r le bonheur de mes rêves,

Qu 'en vain l ' h o m m e cherche ici-bas,

* * » * •

T é m o i n s s i lencieux de tant de calmes scènes,

Avec l ' in t imi té profonde des amis ,

J ad i s ils sont en t rés dans ma joie et mes pe ines

C o m m e en leur sein je fus admis .

* • • * •

Et meub les , tableaux, ont une voix pour me di re :

« T 'en souvient- i l ?Nous t 'avons vu par t i r , r en t re r

Et, là, souven t t 'asseoir pour t ravai l ler ou r i re

Et quelquefois aussi p leure r . »

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98 MES CHAMBRES

« O u i ! j e m e le r a p p e l l e et c o m b i e n j e r e g r e t t e

L ' é l o i g n e m e n t q u i r e n d m o n c œ u r i n c o n s o l é !

E t p o u r r o u v r i r c n c o r v o s p o r t e s , ô r e t r a i t e s ,

C o m m e h i e r , j e c h e r c h e m a c l é . »

*****

Ce n ' e s t q u e p o u r u n j o u r : c a r m o n p è l e r i n a g e

S ' a c h è v e : j e d e v r a i b i e n t ô t v o u s d i r e a d i e u

Kl p a r t i r d e n o u v e a u p o u r ce p l u s l o n g v o y a g e

Q u i m è n e a u x d e m e u r e s d e D i e u .

* # » * #

D e r n i è r e c h a m b r e — ô t o m b e — en d e s o m b r e s a l l é e s ,

T u g a r d e r a s m o n c o r p s j u s q u ' a u g r a n d l e n d e m a i n :

Mes y e u x y s e r o n t c lo s e t m e s l è v r e s s c e l l é e s ,

M o n c œ u r s e r a t r a n q u i l l e e n f i n .

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OUBLIONS

OUBLIONS

Pui sque le passé me chagr ine ,

0 m o n â t n e , n 'y pensons plus :

Oub l ions c h a q u e heure d iv ine

Et tant d ' a m i s que j ' a i pe rdus .

*****

Oubl ions j u s q u ' a u x paysages

Où jad is j ' e u s mon nid joyeux

Et tous ces sour iants visages

Qui me rappe l l en t trop d 'ad ieux

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100 OUBLIONS

Oublions lout espoir fragile

Que le rêve avait fait si beau ,

Qui se brise c o m m e l 'argile

E l déjà sommei l l e au tombeau .

• * * # «

Pourquoi , si la nui t on oub l i e ,

Tan t se ressouven i r , le j o u r ?

Faut- i l que la mé lanco l i e .

En moi , l ' empor te sur l ' a m o u r ?

*****

Pourquoi prendre ici-bas r a c i n e ?

Puisque l ' h o m m e — qu ' i l veui l le ou n o n —

Doit , quand sa course se t e r m i n e ,

ï o u l laisser : hutte ou T r i a n o n ,

*****

Souveni rs des bel les j o u r n é e s ,

Qui me revenez un à un ,

Vous n'êtes que des fleurs fanées

E n c o r e avec que lque par fum.

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O U l i L I O N S

El i b ien ! j ' o u b l i e r a i ce q u e j ' a i m e :

P l u s (le r e g r e l s q u i fou i sou f f r i r . . .

O u i : ' ruais ce passé, c'est m o i - m ê m e

( ) m o u â m e , autant vau t m o u r i r !

* * * # *

C'es t vrai ! O u b l i e r toutes choses ,

C 'es t m o u r i r ! M o u r i r peu à peu

A i n s i que s 'e f feuiUeul les roses,

M o u r i r ! m a i s p o u r m i e u x v i v r e à Dieu

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102 L E S C È D R E S

LES CÈDRES

(( Les cèdres? » les voi là : non pas, sur une c ime,

Diadème de lours au fronts de monts ailiers ;

Mais, ainsi qu'une épave, ils penchent sur l 'abîme

Et se cramponnent aux rochers.

* * # » *

Là le « liapide » ébranle en sa course la rive

Dont il prend les débris : troncs d'arbres, pans de mur ;

De loin, tout blanchissant et par bonds, il arrive,

Et lance l 'écume à l'azur.

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U ï S C È D R E S

*****

C'est en va in q u ' i l rug i t , c o m m e éclate un tonnerre ,

S o u d a i n se creuse en gouffre où chaque lame bout

Et v o m i t de ses bonds les laves d 'un cratère,

L e s cèdres son t encor debout !

*****

Le g r a n i t garde à pe ine une place aux racines

Du torse^qui, depu i s dos siècles, a lutté

Et, fort autant q u ' u n dieu sur un monde en ruines ,

Se dresse en toute sa fierté.

*****

La r a m u r e assombr ie — au ven t que rien n'arrête —

Déchi re i n c e s s a m m e n t l 'épais b rou i l l a rd dans l 'air

Et, c o m m e une ai le d 'aiple au choc de la tempête

Bat contre la p lu ie et l 'éclair .

# * # * *

Tel un c h e f de v ie i l l a rd , la tête dénudée

Des arbres se b l a n c h i t des ne iges de l 'hiver

Et, d 'é toi les d ' a rgen t , la glacia le ondée

S è m e leur man teau toujours vert .

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104 LES CÈDRES

*****

Bientôt l ' a r d e u r de j u i n m e t la pousse nouve l l e —

E m e r a u d e p lus pâle — au b o u t des vieux r a m e a u x ;

Un a r ô m e d ' encens , c o m m e au t emple , se mêle

A la f ra îche sen teur des eaux.

* * * * *

Que lques fleurs de g la ïeu l s — que la cascade blesse —

S'effeuillent à leur pied, et la v igne s'y tord

P o u r a t t e i n d r e u n e b r a n c h e , ainsi qu 'en sa faiblesse

La vierge c h e r c h e un b ra s plus fort.

*****

L'oiseau d ' u n cr i s t r iden t au sein de la t o u r m e n t e ,

D o m i n e p a r i n s t a n t le t u m u l t e des flots

Ou, las de t o u r n o y e r sur la vague é c u m a n t e ,

T r o u v e à l e u r ombre le r epos .

*****

C o m b i e n de t e m p s encor va d u r e r cette l u t t e ?

Sans d o u t e auss i l o n g t e m p s qu 'en ce m o n d e agité —

Frêle j o u e t des j o u r s — t o u t m o r t e l est en bu t t e

Aux assau ts de l ' advers i t é . . .

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UiS C È D B E S

* # * # *

Cèdres! l'âge ne f a i l l i e d u r c i r c h a q u e fibre

Qui, de ses fils d'acier, vous lie a u x noirs îlols

Et l'on sent palpiter, dans la feui l le q u i vibre,

Le c o u r d'un peuple de h é r o s .

m »#**

Restez là, toujours verts, ves t iges d ' u n autre âge,

Et frissonnants d';ind;u;e a u m i l i e u de ce bruit,

Pour les persécutés symbole de c o u r a g e ,

Aux temps, un éternel défi 1...

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LA MOnT D ' U N E R O S E

LA MORT D'UNE ROSE

Je liens en mes doigts u n e rose.

Comme des lèvres de c a r m i n ,

Elle me sour i t , fraîche éclose,

Pour tan t sera morte d e m a i n ..

#####

Car, de sa tige détachée,

Elle perd sa sève, son s a n g

Déjà sa tête s'est penchée ,

Tel un malade pâl issant .

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T.A M O K T I ) ' U N E H O S E

*****

0 corol le , suave encore ,

H u m i d e des la rmes du ciel,

Tu ne verras po in t d 'autre aurore

Ni d 'abeil les boi re ton miel .

*****

Et voilà que m o n c œ u r se serre :

F leur close au baiser du zéphyr ,

P o u r toi, c'est donc l 'heure dernière

Sais-tu ce que c'est que m o u r i r ? . . .

*****

0 que l i n sondab le m\ s l è r e !

Voir souda in ses j o u r s révolus,

Bientôt se mê l e r à la terre,

Avoir été, p u i s n 'ê t re p lus . . .

*****

P o u r t a n t de tes lèvres glacées

S 'exhale u n b a u m e plus subt i l

Que des b o u q u e t s de fiancées :

Ce soup i r si tr iste, qu 'est- i l?

*•»**»

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LA MORT D ' U N E ROSB

Est-ce l'haleine de la vierge?

Ou quelque souffle de printemps?

Faut-il qu'aussi pâle qu 'un cierge

Tu t'effeuilles avant longtemps?

Oui : c'est pour ouvrir une porte

A ce parfum captif trop pur :

La brise, en frémissant, l 'emporte

Tout en ses ailes vers l'azur.

# # # # #

Il est si léger, cet arôme,

Echappé de ton cœur meurtr i ,

Que je sens, alors qu'il m 'embaume,

Homme un doux frôlement d'esprit.

#•**•

Où donc va cette senteur chaste?

Est-ce au monde immatériel ?

De ces lieux, que la mort dévaste,

Fuit-elle pour trouver u n ciel?. . .

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BOUTON DE FLEUR CASSÉ

BOUTON DE FLEUR CASSÉ

O le bouton frais et joli

Au corselet de mousse verte

Où la corolle, à peine ouverte.

Pointe tout de rose son pli !

*****

Alors qu'i l allait éblouir

Dans la lumière et la rosée,

Soudain sa tige s'est brisée :

Ah ! perdu ce joyau d'ophir !.. .

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BOUTON DE F L E U R CASSÉ

* # * # #

Il est là, le joue t de l 'a ir ,

Sa tète odorante penchée

Sur sa b r a n c h e à pe ine touchée

Par la brise folle d 'h ier

*****

11 est là, symbole si vra i

Des œuvres h u m a i n e s rêvées

Et qui res tent i nachevées :

Du génie éternel regre t . . .

* * * * *

Kt j a m a i s la brise du s o i r , —

Telle u n e main , aux sanc tua i res ,

Halancc l 'encens des p r iè res , —

N'agitera son encensoir . . .

*****

Et malgré tant d'éclat vermei l ,

L'ivresse des senteurs nouvel les ,

Jamais une caresse d 'ai les

Ne viendra hâ te r son révei l . . .

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BOUTO.N DE F I J i l l R C A S S É 111

*****

lïst-cc donc malheur ou bonheur?

Plus de rosée et de lumière :

Mais pas de taches dépoussière.

De blessures de ver rongeur,

* * * * *

Heureux, heureux petits enfants,

Qui du mal n'avez souvenance.

Ensevelis dans l 'innocence,

Dormez bien dans vos cercueils blancs !...

** * * »

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L'ANGÉLUS

L'ANGÉLUS

Le so i r , lo r sque la c l o c h e t inte

C o m m e le g l a s de l ' heu re é te in te ,

Mon c œ u r éclate en l o n g s s a n g l o t s .

Te l q u ' u n bo is qui s ' e m p l i t d ' é c h o s .

*•*»*

Le c o u c h a n t pâl i t et se v o i l e ;

Héraut des nui ts , s u r g i t l ' é t o i l e :

Ains i d o n c finissent t o u j o u r s

Toutes nos h e u res, tous n o s j o u r s !

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i / A N G É L U S 113

^ ^ %

Muette, l'agile hirondelle

Sur son nid a replié l'aile :

Partout succède au rire, au chant,

Un silence morne et touchant.

**#*•*

Avec la voix de la prière

Qu'au ciel a murmuré la terre,

Quelque chose descend des cieux

Qui rend l'air tout religieux.

#####

Cet instant, ce n'est plus l'aurore

lit ce n'est pas la nuit encore.. .

Comme, à l'occident, la clarté

Lutte contre l'obscurité !

• * * • *

0 deuil ! qui donc va disparaître?

0 plaisir ! qui donc va renaître?

D'un combat inégal et lent

L'immense azur est tout sanglant.

#**##

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L ' A N G É L U S

* * # * *

J ' en tends , je ne sais quoi qu i p leure ,

Ou, froide caresse, m'effleure :

Ali ! de que lq 'un qu i va m o u r i r ,

Est-ce le baiser, le s o u p i r ?

*****

Que m é d i t ce qui passe et tombe ,

Sur qui se referme la t o m b e ?

0 dern ie r b ru i t ! ad ieu beau j o u r !

Tout ce qui finit est cou r t !

*****

Dans la tour, car i l lonne , ô c loche !

Annonce que la m o r t est p roche ,

Qu'au temps , qui s 'apprête à linir,

L'ange, à l ' h o m m e , ouvre l ' aven i r !

*****

Sonne, avec le j o u r qu i recule ,

Le glas du dern ier c répuscu le !

Sonne , aux cclios les p lus l o in t a in s ,

L'Angélus d ' immor te l s m a t i n s ! ! !

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1.1'. CYGNE

LE CYGNE

C y g n e , o iseau du poè te ! éclos d'un divin s o n g e .

G r â c e et candeur ! le cou se recourbe ou s ' a l longe

C o m m e l 'arc a rgen té s 'arrondit dans les c ieux

E t , faite pour voler en les espaces bleus —

Où le corps s 'angéi ise et de tout poids s 'allège —

L ' a i l e éploie au solei l chaque p l u m e d é n e i g e

Qui s emble les p l is b lancs de moi re sur l ' émai l

De j e ne sais que l bel et féerique éventa i l .

#••••

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116 LE CYGNE

11 glisse sur les eaux ainsi que sur les ondes

Fuit la conque de nacre aux brises vagabondes

Ou se mire un ins tan t pour r epa r t i r sans b r u i t .

Semblable à l 'astre clair qui gravi te en la n u i t :

Et, tout autour de lui , l'eau cr is ta l l ine ei lisse

Se dentelle d ' écume et frémit de délice ;

Il y replonge c o m m e à plaisir son bec d 'or

Qu'enroule un fi lament vert d ' a lgue qui se tord

El retombe, aux frissons d 'ba le ines déjà e b a u d e s .

Sur son p lumage fin, en réseaux d ' é m e r a u d e s .

*****

Trésor ou but final, il v a l e p o u r s u i v a n t

Quand s'ouvre ebaque penne à tout souffle du v o n t ;

Et son corps, tel l 'esquif qui déferle ses voi les ,

Se soulève : veut-il s 'élancer aux étoiles

D'un coup de sa g r ande aile - ô l 'essor t r i o m p h a l ! —

Pour s'y reposer mieux que sur le nid n a t a l ? . . .

II erre jusqu 'au soir sur les é tangs pais ib les

Entre de noirs rochers , de ve rdoyan tes î les ,

Mousse humide à fleur d 'eau, b o u q u e t de n é n u p h a r s ;

De tant de détours las, il t o u r n e ses r ega rds

Vers une anse du bord , sa place c o u t u m i c r e :

11 secoue aile et duvet mol à la l umiè re

Et sème d iamants et perles en c h e m i n ;

La nui t , au gîte, il dor t p o u r r even i r d e m a i n .

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I..K C Y G N E

• * • » *

Mais un j o u r — le de rn ie r — si j ' e n crois la légende

11 dit un h y m n e , le p lus beau q u ' u n monde en tende

Mêlé tout à la l'ois d'allégresse et de p l eu r s :

C o m m e n c e m e n t de fête on ternie de douleurs .

Est-ce un regret de fuir une terrestre plage

Où l imp ide est le lac, rafraîchi le bocage :

Adieu, courses pa rmi les joncs et les g l a ï eu l s ! . . .

*****

Qu'en t revo i t il qu i lui fasse oubl ie r ses deui ls

Et r e ten t i r sa voix en cant iques d'extase?

Ah ! c'est qu ' i l ne ressent p lus rien de ce qui blase

Résoi inanec du c œ u r après avoir trouvé

Ce qu 'a cherché l 'oiseau, ce que l ' h o m m e a rêvé !

S u p r ê m e poésie, i nexpr imab le transe

Dont cet accent tressaille : ô cri de dél ivrance !...

T o u t ce qui ré joui t en l ' i m m o r t a l i t é !

Ce délire, i n c o n n u , d 'autre t emps écouté,

Que recoule à la m o r t ee to iseau qui se pâme,

N'est-ce pas là l 'écho du c h a n t qu 'exhale une â m e ? . .

*****

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L'IMMORTALITÉ

L'IMMORTALITÉ

Des ntiils l ' ombre s'étend c o m m e u n l a rge sua i re

Et le monde s'apaise ainsi q u ' u n sanc tua i r e

Où le Dieu voilé par le aux âmes en secret :

Oh ! cette fin du j o u r ! l 'heure où l ' h o m m e se tait

Pour tant en ce repos toute chose c h u c h o t e ;

L'oreille entend encore u n e m o u v a n t e no t e

Qui palpite en la brise, agonise en les a i rs

Et m'arr ive semblable aux soup i r s d 'êtres che r s .

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I . ' l M M O H T A I . I T É 119

* * * * *

Est-ce empor tes des lours par un écho plus proche

Les tr iples t i n t emen t s égarés de la c l o c h e ?

Des m u r m u r e s de source ou des rires d 'enfants

Que r a m è n e n t , perdus, les étés étouffants?

*****

Est -ce au vent l ' ép lo iement de la fuyante voi le

Que guident vers le port les lueurs de l 'étoile ?

Peut être un son t r e m b l a n t de grelots c la i rs aux cous

Des brebis qu i , de lo in , est si vague et si d o u x ?

*****

Est ce le c r a q u e m e n t d 'une trop frêle b r a n c h e

Q u ' u n lourd fardeau des fruits, à la tin, b ro ie ou penche

Ainsi que sous le poids d 'une longue douleur

L ' h o m m e s'affaisse tant que se br ise le c œ u r ?

* # * * #

Est -ce un a i r du berceau , que lque voix de la tombe ,

Effort de ce q u i nalt^bruit cm. de ce qui t ombe

E t dont v i ennen t à moi les souil les affaiblis

G o m m e le c h a n t des eaux que roulent les rou l i s ?

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120 j . ' I M M O R T A L I T É

• • • *•

Ce langage muet, Ici un battement d'aile —

Dit tout bas comme au soir un amour se révèle —

N'est-ce pas la réponse à VA men éternel

Que reprend la nature après les chœurs du ciel?

» • « t »

C'est, au sein du silence, une des harmonies

De la terre et de l'àme en la prière unies!

C'est là le mou\emenl, c'est donc la vie encor

Jusque dans le sommeil, image de la mort . . .

• * • * *

Il proleste à mi-voix contre une heure de trêve,

Knient la Ten il le ou ride l 'onde, éveille un r êve !

C'est (on sanglot, A eenur. tant de fois sangloté,

Aspirant, quand tout meurt, à l ' immortal i té!

• » * * »

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T A l i M ' ] 1)KS M A T I K I t K S

Pages

Laissez-moi finir .r>

L'ennui ' 7

La veillée i»

La pluie "

La beauté des choses l'>

Trois blancheurs . . . U>

La fin du jour ^4

Les lilas 2 7

Les moments divins

Le poète et le ciel

L 'autre livre 1 1

Ce n'est pas la nuit

Le rêve 5 , 1

Le chartreux "> : i

Les colombes 0 < i

Course de la lune . . * > 0

La c loche 6 3

J e suis triste ^

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T A B L E I>ES M A T I È R E S

Le voyage 69

Le vaisseau de mes rêves . 73

Veillées d'hiver go

L'hirondelle S5

Deux enfants - . 87

En rêve 90

Mes chambres 94

Oublions , 99

Les Cèdres 102

La mort d'une rose 106

Bouton de fleur cassé 109

L'Angélus 112

Le Cygne 115

L'immortalité 118

Luçon. Imp. P a c t o a u . 3-31-1397