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10 façons d’assassiner notre planète Niveau 4 e / 3 e Séquence pédagogique Flammarion Jeunesse 1 Dix façons d’assassiner notre planète ALAIN GROUSSET ISBN 9782081247611 - 7 € P our beaucoup, le plaisir de la lecture s’est révélé avec la découverte de genres dits « mineurs », comme le roman policier ou la science-fiction… Nul doute que ces dix nouvelles d’anticipation séduiront des élèves de 4 e (ou de 3 e) qui y trouveront tout à la fois des thèmes permettant un regard critique sur la manière dont la société s’organise, et des procédés narratifs efficaces et séduisants, liés au suspense et au jeu sur les points de vue. L’étude que nous proposons se fera autour de deux axes : l’un sera thématique et envisagera, par le biais du groupement de texte et de la comparaison, d’aborder quelques thèmes qui parcourent l’ensemble des nouvelles. L’autre, plus analytique, cherchera à aborder quelques textes de façon détaillée et à faire réfléchir sur des procédés narratifs chers au genre de la science-fiction, suspense, dévoilement progressif, énigme, étrangeté, et point de vue. DÉCOUVRIR UN GENRE : LA SCIENCE-FICTION Titre Dominante Evaluation et prolongements Séance 1 Le Petit lapin tondu Lecture analytique - Questionnaire de lecture - La notion de point de vue Séance 2 Aquella Lecture analytique - Titres à trouver et à justifier - Vocabulaire : la douceur Séance 3 La Science-fiction Lecture cursive - Définir un genre - Recherches documentaires - Constitution d’un réseau Séance 4 Le Groupe nominal Outils de la langue Exercices d’application Séance 5 Le Sacrifié Lecture cursive et analytique Questionnaire de lecture Séance 7 L’image de l’homme Lecture cursive - Synthèse - Exposés sur les thèmes des nouvelles Séance 8 Une décision de la fédéra- tion interstellaire Expression écrite Devoir sur table

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10 façons d’assassiner notre planète Niveau 4e / 3e

Séquence pédagogiqueFlammarion Jeunesse 1

Dix façons d’assassiner

notre planète

alaiN grouSSet

iSBN 9782081247611 - 7 €

Pour beaucoup, le plaisir de la lecture s’est révélé avec la découverte de genres dits « mineurs », comme le roman policier ou la science-fiction… Nul doute que ces dix nouvelles d’anticipation

séduiront des élèves de 4e (ou de 3e) qui y trouveront tout à la fois des thèmes permettant un regard critique sur la manière dont la société s’organise, et des procédés narratifs efficaces et séduisants, liés au suspense et au jeu sur les points de vue. L’étude que nous proposons se fera autour de deux axes : l’un sera thématique et envisagera, par le biais du groupement de texte et de la comparaison, d’aborder quelques thèmes qui parcourent l’ensemble des nouvelles. L’autre, plus analytique, cherchera à aborder quelques textes de façon détaillée et à faire réfléchir sur des procédés narratifs chers au genre de la science-fiction, suspense, dévoilement progressif, énigme, étrangeté, et point de vue.

Découvrir uN geNre : la ScieNce-FictioN

Titre Dominante Evaluation et prolongements

Séance 1Le Petit lapin tondu Lecture analytique - Questionnaire de lecture

- La notion de point de vue

Séance 2 Aquella Lecture analytique - Titres à trouver et à justifier- Vocabulaire : la douceur

Séance 3La Science-fiction Lecture cursive - Définir un genre

- Recherches documentaires- Constitution d’un réseau

Séance 4Le Groupe nominal Outils de la langue Exercices d’application

Séance 5 Le Sacrifié Lecture cursive et analytique Questionnaire de lecture

Séance 7L’image de l’homme Lecture cursive - Synthèse

- Exposés sur les thèmes des nouvelles

Séance 8Une décision de la fédéra-tion interstellaire

Expression écrite Devoir sur table

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SéANCE 1le Petit laPiN toNDu

Pour cette séance, on aura présenté le recueil aux élèves, en leur signalant la présence d’un para-texte assez important, qui introduit chaque nouvelle et, d’une certaine manière, fonctionne comme la voix d’un guide qui oriente notre parcours ; on leur aura demandé de lire le premier récit, de Danielle Martinigol.

Si on estime qu’il est nécessaire d’« accrocher » les élèves, on pourra commencer par faire, à haute voix, la lecture du début du texte, et poser les premières questions du questionnaire, puis pour-suivre, en alternant lecture et questions.

Le questionnaire de lecture répond ici à une double nécessité : évaluer la compréhension des élèves, et travailler à la mise en place de la notion de point de vue, qui s’avérera féconde par la suite.

�Questionnaire1. Dans le début du récit, jusqu’à « avant de s’éloigner vers le lac » (p. 15), quels sont les éléments qui permettent de situer l’histoire ? Que peut-on en déduire implicitement ? Qu’y a t-il alors de paradoxal ? 2. Dans la suite du texte (jusqu’à « le dessin de la fleur » p. 19), quelle image de la nature nous est proposée ?3. Sur l’ensemble du récit, repérez les différents points de vue. Montrez qu’ils sont partiels. Qu’apporte cette incom-plétude au récit ? Quel rôle est alors dévolu au lecteur ?

éléments de réponse1. On pourrait, tout d’abord, situer l’histoire dans le passé, à une période froide (glaciation) de la préhistoire. Les personnages vivent dans une caverne, ils portent des vêtements de fourrure (« pelisse » p. 12) destinés à les protéger du froid (« températures extrêmes », « glace » du lac gelé, p. 13, ou « igloo » p. 15). Leur comportement fait penser à des hommes préhistoriques, que l’on peut se représenter encore proche des animaux (« flairer l’air du matin », p. 12) et qui utilisent des « massues » pour se défendre d’animaux comme les ours (p. 13).Le lieu n’est pas précisé. On évoque les collines des « Malroches » ou les grottes de « Soulahaine » (p. 15). C’est à l’énoncé de la ville de « Parisse », « la grande ville morte », et du canyon de la « Rivseine » que le lecteur peut déduire que l’histoire se passe en France. L’énigmatique « Soulahaine » peut alors peut-être s’interpréter comme « sous la N. » c’est-à-dire sous la (route) Nationale.On en conclut donc que ce qui avait l’air d’être le passé n’est autre que le futur. Un futur paradoxal puisqu’il ressemble à la préhistoire et que le progrès s’est donc avéré être une régression. C’est un des procédés familiers de la science-fiction : surprendre le lecteur en déjouant ses attentes. L’anticipation, ici, nous projette bien curieusement dans l’image mythique du passé.Il reste donc à insister sur l’importance de l’ellipse. Que s’est-il passé entre notre époque et celle du récit de Danielle Martinigol ? Nous ne le saurons qu’à la fin de la nouvelle, le récit allant vers une sorte de révélation tout en laissant des indices comme point d’appui au lecteur pour élaborer des hypothèses.La lecture devient ainsi, comme cela sera souvent le cas dans les récits de science-fiction, la progres-sion vers la résolution d’une énigme.

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2. La nature nous est montrée sous un aspect inquiétant et stérile : il n’y a qu’un univers minéral. Il n’est question que de grottes, de cavernes, de glaciers, de banquise. La partie végétale semble absente. Elle n’est évoquée qu’avec la « farine » (p. 16), qui vient de très loin (elle a été troquée au « loinporteur »). On en déduit donc qu’il n’y a plus de terre fertile dans le secteur où vivent les per-sonnages. Quant au monde animal, il n’est représenté que par le poisson que capture Denilo, dont la laitance est qualifiée de « mets très rare ». Pas d’oiseaux, pas d’insectes. L’attention se porte donc sur le lapin que Denilo a rencontré. Ils ont normalement disparu puisque Gaïetan ne le connaît que par l’image de l’abécédaire (« ça s’appelait un lapin » p. 17).Le lapin que Denilo apprivoise est une sorte de monstre : « il était totalement glabre, il faisait cin-quante centimètres de haut, et sa peau avait l’apparence écailleuse des gros poissons du lac » (p. 17). Il est d’ailleurs désigné au début par la périphrase « l’étrange animal » (p. 15).Le lecteur ne voit donc dans la nature, telle qu’elle nous est montrée que quelque chose d’inerte, de froid. La connotation de la chaleur, présente dans l’idée de la vie animale a disparu: même le lapin a des écailles de poisson et il refuse les caresses. C’est l’idée de stérilité et de mort qui domine.

3. Les points de vue proposés sont celui de Denilo, celui du narrateur et celui des autres person-nages. Il faut rappeler, à cette occasion, qu’on distingue entre un narrateur omniscient et un point de vue plus restreint, qu’il soit interne ou externe. Il faut également mentionner le fait que le point de vue apparaît dans les différentes désignations que reçoit un objet ou un personnage.C’est évidemment le point de vue très restreint des personnages qui retiendra tout d’abord l’atten-tion. On ne reviendra pas sur le petit lapin «l’étrange animal», pour Denilo, qui ne perçoit pas, semble-t-il, l’aspect très inquiétant de son apparence. On s’intéressera plutôt à ce que les person-nages nomment le « trésor ». C’est d’abord Denilo qui le découvre dans la grotte. Il s’agit de « cubes de lumières », des « tubes de verre renfermant les cylindres d’où sourdait la lumière » (p. 18). Les lettres gravées HAVL sont interprétées comme le nom du possesseur de ce trésor. Pour Denilo, il s’agit d’un secret. Mais la scène de la veillée nous apprend que d’autres personnages pen-sent qu’il existe un «trésor» enfoui dans les grottes de Soulahaine. L’attitude du liseur laisse supposer qu’il en sait plus qu’il n’en dit, et c’est là qu’il faut faire remar-quer l’intérêt du point de vue externe sur le personnage. Nous n’avons pas accès à sa pensée, nous n’avons que son attitude (« un rictus déformait la bouche du liseur » p. 23) et l’ampleur de sa déné-gation (« Tout ce qu’ont créé les hommes d’avant les âges sauvages a disparu. Tout ! » p. 23) pour étayer cette impression.à ce stade, il faut remarquer que le lecteur aura l’impression d’en savoir plus que les personnages et que le narrateur. Les indices présents dans le texte peuvent être interprétés, et notamment cette « fleur » qui orne la porte de la salle (p. 16). Pour Denilo, il s’agit d’une fleur, et le narrateur ne contredit pas cette interprétation. Le lecteur y aura probablement reconnu le symbole de la radioac-tivité. Il peut donc alors interpréter la maladie de Denilo et celle du lapin comme des conséquences d’une exposition à des produits radioactifs.à l’inverse, l’intervention du liseur, pendant la veillée, correspond à un passage du récit où le lecteur en sait moins que les personnages : on y apprend que la situation découle d’un bouleversement climatique. Tout a disparu sauf ce qui était enfoui sous terre. Donc ne restent que les mines et les zones d’enfouissement des déchets radioactifs. à la fin du récit, le lecteur tient tous les fils de l’énigme et il peut reconstituer la totalité des événe-ments. Il peut même interpréter l’ellipse contenue dans l’expression « liseuse orpheline nommée Fleur », qui renvoie à la mort de Jenila et de Merkel, ainsi qu’à celle, probable, des autres person-nages, contaminés par les déchets.

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La séance se terminera sur la constatation de la position à la fois dominante et isolée du lecteur, semblable en cela à Fleur, survivante et orpheline : il sait et comprend, mais ce savoir ne débouche que sur une solitude un peu triste, un savoir dysphorique, diraient les savants…

SéANCE 2 aQuella

Cette séance se construira, comme la précédente, sur l’étude d’une nouvelle, Aquella de Donald Wollheim.On s’intéressera à la construction de la nouvelle en trois parties et on cherchera à montrer com-ment progresse la narration. Une question générale peut amener l’échange oral, que l’on synthéti-sera à la fin de la séance : pourquoi avoir organisé le récit en trois différentes parties ? Pourrait-on donner un titre à chacune ? On peut aussi avoir demandé aux élèves de préparer par écrit trois titres possibles et d’avoir songé à ce qui pourrait les justifier. On reprendra également les acquis de la séance précédente en réfléchissant sur le point de vue dans le texte.

�L’organisation du récitAprès avoir pris connaissance de quelques titres suggérés par les élèves et des justifications avan-cées, on pourra proposer un titre comme Un inquiétant paradis. Cette première partie présente l’arrivée du narrateur sur une planète que l’on peut en effet qualifier de paradisiaque. C’est le texte descriptif qui domine et on relèvera ce qui contribue à présenter l’endroit comme idyllique : « mer tranquille », « brise chaude chargée du parfum des fleurs », « doux mouvement des arbres ». L’impression dominante est celle de la tranquillité, de la « paix », ce que confirme le climat lui-même : « le temps était toujours clément ». On peut éventuellement percevoir quelque chose de troublant dans ce monde qui semble ignorer le mal : « pas de bêtes malfaisantes, pas de maladies » (p. 27).Le point de vue choisi, celui d’un narrateur interne, cherche à créer une connivence avec le lecteur : le récit ne juge pas nécessaire d’expliquer ce qu’est un « yacht spatial », ni « la faible clarté cuivrée des mondes d’Altaïr », (p. 26) et le mécanisme de l’implicite fonctionne pour « le problème de la fédé-ration stellaire » (p. 28) : la phrase présuppose qu’il existe une « fédération stellaire » et qu’elle a (ou est) un problème ; le lecteur est donc mis sur le même plan que le narrateur, puisque ce problème est supposé connu. On insistera sur l’importance de ce procédé narratif, que l’on peut presque considérer comme constitutif du genre, et qu’on pourra réutiliser lors des travaux d’expression écrite de la séance 7.Il reste, bien entendu, une double énigme qu’on peut demander aux élèves de formuler.Comment expliquer que les habitants d’Aquella aient l’air triste (p. 27) ? Comment expliquer que cette planète n’ait pas plus de visiteurs ? Le lecteur perçoit donc, finalement, ce monde merveilleux comme anormal, et la paix et la tranquil-lité apparaissent en fait comme des symptômes plus que comme des bienfaits ! On en conclut qu’une connaissance fait défaut, et le lecteur attend que la suite du récit manifeste ce qui est caché.

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La deuxième partie a pour fonction de donner au lecteur quelques indices lui permettant de recons-tituer l’histoire de la planète. Cette recherche du passé se fait par l’intermédiaire de Salur, un des habitants de la planète, un de ces curieux habitants « à peau rose ». Il peut être intéressant, dans notre recherche d’un titre pertinent, de remarquer ce que le texte associe à ces informations concer-nant le passé de la planète.Le lien qui est fait, et que les élèves peuvent repérer, c’est le lien entre le passé (distance temporelle) et la profondeur (distance spatiale). On peut vraiment dire, en ce qui concerne Aquella, que le passé est en dessous. En effet, la planète a été inondée « pour éteindre les mouvements du sol » (p. 29). Autrement dit la planète, si calme en surface, si douce, était un monde d’une violence permanente, « un monde volca-nique secoué par de continuelles éruptions et par des geysers » (ibid). L’immense océan est « peu pro-fond » (p. 30) et le narrateur qui scrute les fonds n’aperçoit rien. Il n’y a pas de vie dans cet océan. Pourtant le récit avait évoqué précédemment des endroits « abyssaux » (p. 28), que l’on ne peut man-quer de relier à un passé enfoui, « terrible passé (…) de volcans, de lave et de craquements » (p. 30).Le personnage de Salur est mis en relation avec ce passé. L’étrange comportement des habitants de la planète est rapporté par le narrateur au fait qu’ils sont pour partie autochtones, c’est-à-dire qu’ils sont, d’une certaine manière, liés à ce passé cataclysmique. « C’était sans doute le souvenir d’un terrible passé (…) qui trainaît dans leur inconscient collectif et leur donnait cette tristesse. » (ibid). Cette tristesse est « étrange », elle renvoie peut-être à autre chose, tout comme le calme de l’océan renvoie à un passé cataclysmique. On serait alors tenté de chercher dans le texte les raisons d’un parallèle entre l’océan et les habitants « à peau rose ». L’un et l’autre apparaissent d’abord comme doux et pacifiques : les habitants sont « indifférents » aux problèmes de la fédération, ils ont des chants « languides et doux » (p. 28) et Salur est montré comme « aimable » (p. 29) et agissant « indolemment » (p. 31). Mais, de même que les fonds marins renvoient à de violents phénomènes météorologiques, le regard de Salur « eut un jour un éclair étrange » (p. 29) et quand il contemple les fonds marins, « quelque chose d’autre » que la tristesse s’empare de lui, une chose qui « donna » au narrateur « un léger frisson qui me parcourut le dos ».C’est dans cet aspect double (pour ne pas dire duplice) qu’il faut chercher une justification à un titre comme L’eau et le feu.On terminera en remarquant le rôle métaphorique joué peut-être par cette « caravelle aux voiles rouges » (p. 30), unique bateau visible et dont la couleur des voiles, assez particulière pour un bateau de plaisance, évoque la lave, le feu, ou le sang.Quant à l’inondation provoquée par la fédération stellaire, elle pourra peut-être être mise en rap-port avec le déluge, qu’on trouve dans de nombreux récits aussi bien dans la Bible que dans l’épo-pée de Gilgamesh ou dans l’épisode de Deucalion et Pyrrha.C’est ce qui permettrait de commencer à identifier Aquella à la Terre, et les habitants à peau rose à des occidentaux.

La troisième partie se présente sous la forme d’un dévoilement apocalyptique. Le passé ressurgit, dans une scène où l’horreur se mêle aux sentiments de Salur. Pour en rendre compte, il suffit de s’attacher à la dramatisation du « spectacle ». On relèvera donc les éléments qui participent à cette mise en scène : - Tombée de la nuit. - éléments déchaînés : tempête, tourbillons (p. 32). - Pause (à effet de suspense) et pensées du narrateur : « je sentis qu’à cet instant je n’étais plus loin

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du secret que ce peuple portait en son cœur » ; il est question d’une « révélation » (p. 33). - Paroxysme de la fureur des éléments (« tonnerre », « hurlement violent », « les eaux se tordaient dans la démence » « torturé par des séismes » p. 34).Finalement on assiste au surgissement du passé sous la forme d’un paysage dévasté par la guerre. On peut alors mettre en rapport le comportement de Salur avec les événements auxquels il assiste. Les bras tendus en avant, les mains agitées, les hurlements et le discours qu’il tient, qui « n’aurait jamais dû être entendu par un homme civilisé », tout cela dénote le désir, l’accord profond qu’il y a entre Salur et le monde d’avant. Le dévoilement est donc négatif : ce qui gît en dessous, dans le passé, sous la mer, et dans le cœur de Salur, c’est la violence humaine. Le titre que nous pourrions choisir devrait rendre compte de cela : Apocalypse now serait une amu-sante référence au film de Coppola et aux paroles du colonel Kurts The horror, the horror, mais cela serait peut-être un peu cryptique. On pourrait aussi évoquer le mythe de l’Atlandide dans un titre comme Hideuse Atlandide ; pour rendre compte de l’aspect spectaculaire, et quasi hallucinatoire, de la scène on pourra choisir Une vision d’horreur ou Sous le lagon, l’horreur.

�Le point de vueOn poursuivra en insistant sur le rôle joué par le point de vue choisi, celui d’un narrateur venant d’une autre planète. Ce point de vue crée ici une double distance. Il y a d’abord la distance propre à un récit d’anticipation qui nous présente une terre (la nôtre) dont le détour par le futur nous apprend qu’elle est vouée à la destruction et à la violence et fait de Salur non pas un alter ego du lecteur, en tant que terrien, mais un personnage repoussoir dans son désir avilissant de violence et de malheur. Mais il y a également la distance née de la perspective propre à un narrateur à peau noire et à vêtements « nufricains » qui juge des terriens à la peau rose. Autrement dit, la violence, le culte du progrès technique mortifère (« tours de métal », « roues dentées », « canon » p. 35) est ici associé à l’occident, à l’homme blanc, qui, par le renversement qu’opère ce récit, devient l’homme qui n’appartient pas à la civilisation. Le dévoilement final résout donc finalement l’énigme que proposait la première partie : Aquella est une planète à part, prisonnière de son passé, isolée, par sa violence enfouie, du reste du monde. Le lecteur est donc, d’une certaine manière amené à se considérer en tant que terrien comme une sorte de pestiféré de l’univers, mais, en tant qu’il adopte la vision « civilisée » du narrateur, amené à se dissocier de la part mauvaise des terriens.

La séance se terminera par une petite synthèse qui insistera sur la progression du récit, de l’énigme au dévoilement, et sur le jeu des correspondances entre passé et profondeur, entre Salur et la vio-lence, correspondances qui participent à l’inquiétante étrangeté de cette planète…

�VocabulaireLe travail sur le vocabulaire est possible à partir du champ lexical de la douceur qui caractérise les habitants d’Aquella : languissant, indolent, apathique, doux, paisible… Les antonymes : violent, irascible, brutal, virulent… On peut également parler de la formation des adverbes et des questions d’ortho-graphe qui y sont liées : brutal donne, de façon régulière, brutalement, (adjectif au féminin + -ment), languissant donne languissamment, indolent donne indolemment (le son [-amã] en fin de mot entraîne une graphie avec –mm,a voyelle, a ou e, venant de l’adjectif de départ).

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SéANCE 3la ScieNce-FictioN coMMe geNre litteraire

Pour cette séance, on aura demandé aux élèves d’avoir cherché une définition du mot « science-fiction », et d’avoir lu les nouvelles suivantes : Dans le silence du soir de Lee Hoffman, Le jour se lève de Robert Bloch, Dans le regard des miens de Pierre Bordage, Que la lumière soit de Horace B. Fyfe. Les questions auxquelles on cherchera à répondre concernent le genre et on peut les formuler ainsi. Quels sont les éléments propres au genre qu’on retrouve dans ces nouvelles ? Qu’est-ce que ce genre a de spécifique ?La séance se structurera autour d’un échange oral argumenté, où l’appui sur le texte sera nécessaire. Une prise de note en synthèse ponctuera les remarques orales. L’occasion sera bonne, également, de donner envie de lire en évoquant les classiques du genre. Rien n’empêche, d’ailleurs, de deman-der à certains élèves de lire telle ou telle œuvre et d’en faire, par la suite, un compte-rendu oral…

I. Définir un genreOn commencera donc à travailler sur le mot « science-fiction » : il faut rappeler qu’il s’agit d’un américanisme, qui signifie : roman (fiction) de science et, en effet, la science joue un rôle dans nos récits. On peut chercher à le préciser.Dans Que la lumière soit, les robots sont capables de repérer toute sorte de dysfonctionnements et de venir y remédier. Il s’agit là de l’expression d’un lieu commun du genre : celui de la technique devenue autonome et de la créature (ici la machine) échappant à son créateur. Cela pourrait donner lieu à une recherche sur le mot robot, qui vient du tchèque robota qui signifie « travail ». Ce thème se retrouve aussi dans Dans le regard des miens puisque les terriens ont abandonné la terre aux automates (p. 105).Dans d’autres nouvelles, la science est présente de façon plus indirecte, pour camper un univers particulier : celui du futur. Ainsi, dans Dans le silence du soir, le récit débute par « L’holovision était baissée (…) Les fenêtres, en position translucide, luisaient dans la chaleur du crépuscule » (p. 52). Dans Dans le regard des miens, on peut relever dans les premières pages des phrases comme « un res-pirateur de mon invention qui permettait de vivre hors des biosphères », « Les navettes, désormais automatisées, progressent désormais par bonds quantiques » ou « les androïdes qui servent boissons et repas ont moins de charme que les anciennes hôtesses » (p. 94-95). Les mots savants (biosphère, quantiques, androïdes) fonctionnent comme des indices signalant d’emblée un moment où la science est plus avancée qu’aujourd’hui. Ils permettent une sorte de jeu créatif à partir de notions vagues, que le lecteur serait bien en peine de définir, mais qu’il accepte telles quelles, dans ce pacte de lec-ture particulier qui est à l’œuvre dans les récits d’anticipation. On pourra réutiliser ces mécanismes créatifs pour préparer l’expression écrite, en demandant aux élèves d’inventer des notions sur le modèle de « bonds quantiques » (du genre : transfuseur moléculaire, dématérialisateur spectral, etc, etc.). Quant à l’emploi de l’article défini, on en précisera le fonctionnement dans la séance suivanteOn peut ajouter que, dans cette nouvelle, le cœur de l’intrigue est lié aux conséquences néfastes du progrès scientifique : l’implantation de « correcteurs génétiques » a entraîné une mutation morbide : la « transgénose » (p. 104).On peut alors montrer qu’il y a là une caractéristique du genre : les situations sont évidemment imaginaires, mais elles sont rendues vraisemblables grâce à la notion de progrès scientifique, ce qui implique de situer les histoires dans le futur, d’où l’équivalence pratique des deux termes : science-fiction et anticipation.

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à ce propos, on réfléchira à la possibilité de démarquer la science-fiction de deux autres genres qui font l’objet d’une réflexion au niveau du collège : le merveilleux et le fantastique. Le merveilleux, comme la science-fiction, ne mettent pas en question l’univers imaginaire qui est proposé. Mais la science-fiction a besoin de rendre réaliste et vraisemblable cet univers : d’où le recours à la science et à l’anticipation (et on ne peut manquer de citer Jules Vernes, comme un des auteurs fondateurs du genre). Le fantastique, quant à lui, situe bien l’histoire dans une perspective réaliste, mais il laisse justement la porte ouverte entre vraisemblable et invraisemblable, rationnel et irrationnel, merveilleux et science (la séance 6 consacrée aux Outils de la langue reprendra ces notions de vrai-semblance et de réalisme).

On continuera en repérant quelques lieux communs du genre, au niveau des intrigues. On a déjà relevé la domination de l’homme par les machines, dans Que la lumière soit, et la science devenue source de problèmes dans de nombreuses nouvelles. On peut ajouter à cela l’idée d’une société réglée par un ordre utopique, devenu tyrannique. C’est le ressort de nombreux romans, dont Le meilleur des mondes, d’Aldous Huxley ou 1984 d’Orwell. On retrouve ce scénario dans la nouvelle de Lee Hoffman, Dans le silence du soir, et, dans Aquella, avec l’idée d’une « fédération interstellaire » qui aurait décidé d’inonder une planète trop violente. Dans le regard des miens évoque aussi un « pro-gramme génétique mondial » qui avait pour but d’éradiquer toutes les maladies.La notion de régression, qu’on a rencontrée dans Le petit lapin tondu, est également très présente dans des récits classiques, comme Ravage de Barjavel ou Malevil de Robert Merle, ce dernier récit reprenant l’idée, très présente dans les années 1970 des dangers liés au nucléaire, ce dont témoigne ici Le jour se lève. On voit à quel point les préoccupations sont représentatives des angoisses d’une société donnée à un moment donné. Et on peut associer des thèmes et des moments : ainsi, la destruction par la guerre est très présente dans les récits d’après la seconde guerre mondiale et de la guerre froide (Aquella date de 1942).On peut donc voir avec les élèves que la science-fiction, loin de n’être qu’un genre lié à la fantaisie de l’imagination, est au contraire très impliqué dans les problèmes de son temps. Comment expli-quer alors que les auteurs préfèrent, si les problèmes d’une société les sollicitent, ce détour par l’anticipation ? II. Le point de vueLa réflexion abordera à nouveau la question du point de vue. Si, comme le dit La Fontaine dans l’Hirondelle et les petits oiseaux : « Nous n’écoutons d’instincts que ceux qui sont les nôtres, / et ne croyons le mal que quand il est venu », alors il peut être tentant de changer la perspective pour permettre la prise de conscience et, donc, de présenter non les choses mais les conséquences des choses. D’où l’image d’une terre ravagée par les glaciers, parce que les humains n’ont pas su prendre conscience des changements climatiques que leur façon de vivre induisait, d’une terre en proie à la maladie, par suite de manipulations génétiques mal maîtrisées, d’une terre dévastée par suite d’une guerre nucléaire…On rapprochera alors la science-fiction des autres genres qui permettent au lecteur d’adopter un point de vue différent sur son univers et sa société : récits de voyage, certes, mais surtout récits de voyages imaginaires comme ceux du Gulliver de Swift, ou ceux des Lettres Persanes de Montesquieu.

III. La constitution d’un réseauOn pourra également à l’occasion de cette séance constituer une réseau autour de titres comme Ravage de Barjavel, Je suis une légende de Richard Matheson ou Dune de Frank Herbert.

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10 façons d’assassiner notre planète Niveau 4e / 3e

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SéANCE 4 le grouPe NoMiNal :

DéterMiNatioN et caractériSatioN

Cette séquence sera consacrée précisément à un travail sur les outils de la langue, préparatoire à la séance d’expression écrite qui sera consacrée à un changement de point de vue. L’étude du groupe nominal se prête idéalement à une réflexion sur la relation qu’il y a entre des moyens d’expression et des effets de sens.On peut utiliser le début de la nouvelle de Thomas Disch, les Oiseaux et réfléchir sur un certain nombre de groupes nominaux, après avoir, si besoin était, fait les rappels et les ajustements néces-saires. Voici quelques remarques qui illustrent des fonctionnements fréquents dans les nouvelles du recueil.

« ce spray qu’ils mettent sur tout » : la détermination est complète, et l’adjectif démonstratif renvoie ici non à une réalité montrée, mais à un objet (le spray) bien connu de l’interlocuteur (soit parce qu’il est célèbre, soit parce qu’ils en ont déjà beaucoup parlé). L’intérêt est de projeter le lecteur dans un univers dont il devient instantanément familier. Dans les autres nouvelles, c’est l’article défini qui fonctionne ainsi, et on peut rappeler ce qu’on a dit dans les séances 2 et 3 à propos de la conni-vence qui se créait entre le lecteur et le narrateur, dès lors que les objets nouveaux étaient présentés comme connus (« la faible clarté cuivrée des mondes d’Altaïr », ou l’holovision était baissée). Ce procédé pourra être utilement réutilisé en expression écriteLa relative complète le groupe et permet d’introduire un « ils », tout à la fois inconnu et connu. C’est pour le lecteur le même fonctionnement que « ce ».

« ses plumes engluées d’huile brunâtre » : la caractérisation passe ici par un groupe construit autour d’un participe employé comme adjectif, mais muni, de par son origine verbale et son sens passif, d’un complément d’agent que l’on pourrait demander aux élèves de reconstruire en privilégiant la voix active (« qu’une huile brunâtre engluait »).

« leur point de vue » : l’adjectif possessif renvoie au mystérieux « ils ». L’absence d’intervention nar-rative pour expliquer qui sont les personnages désignés par « ils » est, comme on vient de le voir à propos de la détermination complète, une caractéristique des récits de science-fiction, où lecteur et personnages sont censés partager le même univers de référence.

« la fragile coquille » : ce groupe permet de dire un mot de l’adjectif et de ses fonctions. On peut aussi remarquer que la place, quand elle n’est pas contrainte, permet des effets de sens. Ici, « fragile », antéposé, renvoie au point de vue de Curtis. On comparera avec la valeur moins évaluative et plus descriptive qu’on aurait dans « la coquille fragile ».

On terminera par le rôle des groupes nominaux dans les faits de reprise : « un caneton à peine formé » est repris par « le petit être sans vie ». Là encore c’est la traduction d’un point de vue qui est permis par ce qu’on envisagera déjà comme une périphrase, et qu’on comparera à celle dont l’étude peut clore cette séance : « l’amas de détritus non biodégradables », où, après celle d’épithète et de complément de l’antécédent, on verra la fonction de complément du nom.

La séance pourra être utilement prolongée (ou préparée) par des exercices d’application.

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SéANCE 5 le SacriFié

Cette séance sera consacrée à l’étude de la nouvelle de Philippe K. Dick, le Sacrifié. On peut rappeler l’importance de cet auteur dans le domaine de la science-fiction : Ubik¸ en 1969 est un roman de référence, où les univers s’entremêlent et où la notion même de réalité est mise en question. Les amateurs de Matrix apprécieront…Un questionnaire de lecture, qui pourra donner lieu à un travail écrit, ou à un échange oral, sera le point de départ de la séance. On aura demandé aux élèves d’avoir lu la nouvelle et on les aura prévenus qu’ils auraient à répondre, sans le texte, à un petit questionnaire.

I. Questionnaire de lecture1. Qui sont « les dieux » et « le géant » ? 2. Qu’est-ce que sait l’homme ? 3. Dans le débat qui oppose Tirmus et Lala, Lala suggère de ne pas attaquer. Quelles sont ses raisons ?4. Avec qui l’homme a-t-il une discussion et qu’apprend-il en ce qui concerne l’histoire de la Terre ?5. Quelle est l’ambiguïté du propos de la Croqueuse : « je crois que nous pouvons vous sauver » ?

éléments de réponse1. Les « dieux », ce sont les fourmis (p. 132), le « géant », c’est l’homme. Le terme renvoie évidem-ment au point de vue des insectes. Il contribue à accentuer, dans le récit, la disproportion entre l’homme et les insectes. 2. L’homme sait que les insectes ont des intentions hostiles. Cette connaissance est d’ailleurs la cause de son malheur. Tout d’abord parce que c’est cette connaissance qui est l’argument principal de Lala, dans le débat qui l’oppose à Tirmus « Mais ne comprenez-vous pas ? Il sait ! » (p. 127). Ensuite il faut bien mesurer que cette connaissance est problématique puisqu’elle isole l’homme. Il ne la partage pas avec les autres : « (…) éprouvant un plaisir soudain à s’asseoir parmi des gens chauds, silencieux, le regard fixé dans le vague avec indifférence » (p. 125-126). On peut alors ima-giner que la faculté étrange qu’a l’homme de communiquer avec les animaux fait de lui un individu à part. C’est peut-être cette spécificité qui est un des thèmes profond de la nouvelle, et la phrase qu’on vient de citer oppose des hommes indifférents à un homme conscient. On peut rattacher cela à ce qu’on a déjà remarqué à la fin de la séquence 3, et voir là une des modalités de l’expression du thème de l’ignorance du danger. Il n’est donc pas anecdotique qu’il meure à la fin.3. La décision de laisser vivre le géant repose précisément, pour Lala, sur le fait qu’il est isolé et donc inoffensif. Il ne peut pas communiquer ce qu’il sait mais ce n’est pas lui qui ne peut pas dire les choses, ce sont les autres humains qui ne pourront pas l’entendre : il sera tenu pour fou. C’est à rapprocher de ce que la question précédente a fait voir.4. L’homme discute longuement avec une araignée, dont on peut rappeler aux élèves qu’elle n’est pas un insecte (p. 131 ssq.). Elle lui apprend que la terre a été dominée pendant longtemps par les insectes et que l’homme est venu d’une autre planète. La situation actuelle est le résultat d’une guerre qui a opposé les deux communautés.5. L’ambiguïté vient du mot « vous ». Il pourrait désigner l’homme qui est l’interlocuteur de l’arai-gnée (équivalent alors d’un « tu », poli) mais il peut aussi désigner l’espèce humaine (les hommes, en général). C’est évidemment le deuxième sens que l’araignée a en tête.

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II. La construction du récitOn clora la séance en réfléchissant sur la construction, proche de celle d’un récit fantastique (comme les récits de Buzzati, par exemple) : la fin est tout à la fois attendue et surprenante. Pour développer cette réflexion, on soulignera en premier lieu le contraste entre un début à la fois étrange et serein : « une douce sensation de sécurité le traversa » (p. 126), et une fin atroce : « Et ses yeux terrifiés voyaient déjà le plancher s’effondrer et l’énorme masse de l’armée souterraine prête à le dévorer ».On relèvera ensuite les moments où le suspense augmente, et où apparaissent des éléments destinés à accroître le sentiment d’angoisse. Ainsi, au moment où l’homme rentre à la maison et doit faire face à une première attaque des insectes : - La rue est déserte.- Il se débat dans une toile d’araignée, ce qui est une sorte d’image de sa situation (se débattre).- Il hésite à entrer.- Les objets sont désignés de façon inquiétante : le tapis « s’étalait devant lui, une mare noire », « la silhouette de la lampe », qui laisse penser qu’ils sont, d’une certaine manière autres qu’ils ne sont.à l’inverse le discours de l’araignée est rassurant, et peut faire croire au lecteur que tout va, quand même, bien se terminer. Le lecteur est alors censé ressentir les mêmes sentiments que l’homme. On a vu que cette confiance ne repose que sur l’ambiguïté d’une formule.

On pourra conclure, après une prise de note plus ou moins rapide sur la construction du récit, en revenant au thème de l’affrontement avec les insectes. Il s’inscrit dans un thème plus large qui, replaçant l’homme à son rang d’espèce parmi d’autres, fait du triomphe d’une espèce un simple moment de l’histoire. Rien n’empêche d’imaginer que, dans d’autres circonstances, une espèce dif-férente ne soit favorisée. Il suffit de penser à La Planète des singes de Pierre Boule.Cette ultime remarque fera le lien avec la séance suivante.

SéANCE 6 HoMo SaPieNS ?

Cette séance s’organisera autour d’un travail de synthèse sur l’image de l’homme dans ces récits, en liaison avec le titre du livre Dix façons d’assassiner notre planète. Les élèves auront lu l’ensemble des nouvelles et on pourra leur demander de préparer la séance en relevant des éléments qui leur per-mette d’étayer une réflexion ; la problématique pourrait être : l’être humain, coupable ou victime ?On peut aider les élèves à réfléchir en leur demandant de trouver les adjectifs qui caractérisent les différentes images de l’homme proposées dans les récits, et de chercher les exemples qui justifient le choix de ces adjectifs.

I. L’image de l’hommeOn pourra commencer en précisant que toute étude de personnage suppose qu’on tienne compte des interactions dans lesquelles il est pris. L’image de l’homme, dans les nouvelles, s’élabore dans sa relation avec les autres personnages : humains, animaux, robots, habitants d’une autre planète.Dans ce cadre l’homme apparaît d’abord comme un personnage souffrant et dégradé, renvoyant par là à la planète elle-même. C’est le cas dans Le Petit lapin tondu ou dans Dans le regard des miens. Dans La Grande décharge, il est condamné à vivre parmi les ordures, dominé par les déchets qu’il a produits. Il est, de fait, en général dominé : dominé par les insectes qui le submergent dans Le Sacrifié, dominé par les robots contre lesquels il se rebelle, dans Que la lumière soit.

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On peut aussi le voir comme fou : dans de nombreux récits, il est en effet montré dans sa folie. Cela apparaît bien entendu dans Le jour se lève, où les scènes d’horreur de la mort font place à la vision d’humains livrés à leur manie, entretenant les incendies, volant, buvant, entassant des billets, alors qu’ils n’ont plus que très peu de temps à vivre (p. 71 et ssq). On retrouve cette image dans l’attitude du personnage de Salur, dans Aquella. On le voit hurler, tendre les bras, agiter les mains. À cette attitude correspond, comme dans le cas d’une manie dépressive, une « tristesse morbide » (p. 35), en dehors des moments paroxystiques.Cette position de l’homme victime se retrouve, de manière presque comique, dans l’image d’un homo jardinus en cage, devenu espèce rare dans la nouvelle du même nom. Il faut alors redresser la perspective et montrer que l’homme est aussi dominant: Cette domination est visible dans une nouvelle comme Le Jour se lève, dans le personnage du général (qui fait penser au docteur Folamour de Kubrick), « fier guerrier » qui se rengorge et se réjouit d’avoir gagné la guerre (p. 79). Cette position dominante se retrouve également dans Dans le silence du soir. Il s’agit cette fois d’une domination de la raison. Le monde des hommes est un monde d’où l’irrationnel (celui de la « Révolution Emotiviste », p. 56) a été banni. Il reste qu’il ne débouche pas sur un bonheur sans mélange, comme en témoignent les larmes de Winston.Cette puissance de l’homme est évidemment une notion centrale de notre recueil, et on constate qu’il s’agit surtout d’une puissance destructrice. Elle va de pair, et c’est ce qui est le plus remar-quable, avec une absence au niveau du récit.Les élèves pourront constater que la puissance de nuire n’est pas montrée directement. Dans Les Oiseaux, l’homme n’est qu’un « ils » un peu énigmatique et ne se perçoit que par ses œuvres : la pol-lution. Pour finir, il est un tueur inconscient, incarné, si l’on peut dire, dans l’avion supersonique, image ici de sa supériorité technique et de son indifférence. Dans Le Petit lapin tondu ou dans Aquella, l’homme destructeur et puissant, celui qui crée les déchets nucléaires ou la guerre est renvoyé hors du récit, dans le passé de l’histoire. Dans Homo Jardinus, l’homme qui a détruit la nature est précisé-ment celui qui a existé entre Beagle et les hommes du futur. On conclura que dans toutes les nouvelles (mis à part Le Sacrifié) l’homme est responsable de ses propres malheurs. Cette vision schizophrène est bien au cœur de ces récits, loin des récits de la science-fiction du début où l’homme s’affrontait aux martiens, ou explorait des mondes lointains…

II. Le thème des nouvellesLa séance peut donner lieu, en guise de prolongement, à des exposés reprenant, dans une approche documentaire, les thèmes des nouvelles : réchauffement climatique, surpopulation, menaces nucléaires dans le monde, manipulation génétiques, bouleversement des équilibres éco-logiques…

SéANCE 7 uNe DéciSioN De la FéDératioN iNterStellaire

On peut imaginer qu’une séance d’expression écrite puisse réutiliser de façon convaincante des élé-ments mis au jour dans la séquence : rôle de l’implicite pour établir une connivence entre le narra-teur et le lecteur, prise en compte de points de vue différents de celui des hommes pour stigmatiser un comportement, effet de suspense et de chute.On peut proposer bien des sujets d’imagination, liés au genre même de la science-fiction, mais on peut aussi décider de travailler sur une contrainte, comme celle du changement de point de vue.

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Dans ce cadre un sujet possible pourrait être le suivant :Vous écrirez, dans le cadre de l’histoire qui est proposée dans Aquella de Donald Wollheim, le récit de la séance où les dirigeants de la Fédération Stellaire ont pris la décision d’inonder la terre.Votre récit tiendra compte des données du texte de départ, et comportera un passage argumentatif (Cette consigne vaut évidemment surtout pour la classe de 3e).

On pourra préciser ce qu’on attend, notamment : - que le genre soit perceptible.- que l’on réutilise les procédés vus en classe (implicite, création lexicale, point de vue…).- que la construction du récit soit pensée et qu’elle ménage éventuellement des surprises ou des temps de suspense.

La séance de correction dépendra, bien sûr, des travaux des élèves. La lecture d’une bonne copie montrera que le plaisir d’écrire est souvent lié aux possibilités offertes par un genre bien codifié, qu’on en suive les lieux communs, ou qu’on les détourne…