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Django Rein hardt - exultet.net · Montmartroise, Reine de musette ou Triolets, sans oublier le ... toutes les nuances et qu’il est digne de le suivre dans les bals musette

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DjangoReinhardtLegénievagabond

Dumêmeauteur

Romans,nouvelles,récits:Lamusiqueadoucit lesmeurtres -FaceA,LianaLevi (1987),MilleetUneNuits(2001).Lamusiqueadoucit lesmeurtres -FaceB,LianaLevi (1987),MilleetUneNuits(2001).Soledad,Calmann-Lévy(1992).Séville:baladesgitanes,AlbinMichel(ill.Jean-MichelPayet-1994).LaPlancheàfrissons,MilleetUneNuits(2002).LesFleursdubal,Fayard(2007).Les Mystères du vin : petite enquête sur le sang des vignes,Transboréal(2014).Lamortd'unchien…inLivressecrets,CastorAstral(2014).

Essais,biographies(musique):Lesgrandesvoixdujazz,Editionsdel’Instant-JazzHot(1989).Charles Trenet, Editions du Rocher (1992 et 2001), reéditionFrance-Empire(2013).L’Odysséedujazz,LianaLevi(1993),6eédition+CD(2012).BillieHoliday,corpsetâme,MilleetUneNuits/ArteÉditions(2000).Miles Davis, l’ange noir, Mille et Une Nuits / Arte Editions(2001).HistoireduNegroSpiritualetduGospel,Fayard(2001).MúsicaCubana,Fayard(2006).MaNuitavecNeilYoung,CastorAstral(2013).ChetBaker,leclair-obscur,CastorAstral(àparaître2016).MingusErectus,lesfablesdeCharles,CastorAstral(àparaître

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roulottesminiaturesavecdesmatériauxderécupération,maisletempsdesjouetsestrévoluetilnepeutplusquittersonbanjo,suivant la trace de ses aînés dès qu’il en a l’occasion. Sonapprentissageestplusquerapide, toutsimplementfulgurant, ilne tardepasàmaîtriser l’instrumentet s’inventedéjàunstyle,des formules cinglantes et des respirations inattendues quilaissent déjà effarés tous ceux qu’il accompagne. Les aînésl’invitentbientôtàsejoindreauxviréesdusamediquiontlieuChezClodoche, une guinguette deLaVarenne où les ouvriersparisiensviennentboireetdanserjusqu’auxaurores.Malgrésonjeuneâge,Djangonecraintpasdeselancerdanslesprouessestechniquesqueréclamentdescompositionsardues,tellesqueLaMontmartroise,Reine de musette ou Triolets, sans oublier lecélèbremorceaudebravoureLaValsedesniglos, composéparGusti Malha – un banjoïste gitan réputé pour sa virtuositéauprès des accordéonistes mythiques que sont Émile Vacher,LouisPéguri,FredoGardonietAlbertCarrara.

Le jeuneDjango apprendrabeaucoup, peut-être l’essentiel,au contact de cemusicien original dont les compositions sonttoujours exigeantes. Notamment les accords de transition quis’enrichissent considérablement et que le petit Reinhardt netardepasàreproduire.Desquintesaugmentées,dessixtes,desseptièmes diminuées et des neuvièmes qui mettentdéfinitivement au rancart les accords dits « à l’italienne »,beaucoupmoinssophistiqués,voiresimplistes.GustiMalhaluidonnera aussi le goût d’improviser des contrepoints pourornementer la ligne mélodique des accordéonistes. L’élève estnon seulement sérieux, attentif à la moindre indication, maisaussi prêt à devancer les conseils. Il excelle dans l’art deconstruiredes lignesdebassesolidesqui relancent lemorceausans jamais l’emballer. Son approche rythmique doiténormément à un autre gitan d’envergure : le fameux Poulette

Castro,qu’ilalonguementetreligieusementécoutésurlazonedelaportedeSaint-Ouen.Cevieuxmaîtredelabanduria3luiaenseignélatechniquedelamaindroite,cegesteàlafoisféroceetgracieuxquiconsisteànepasreposerlesdoigtssurlatabled’harmonie pour garder un poignet souple tout en favorisantl’attaquedumédiator.C’esttoutunartquedefrapperlescordesen les caressant, de les câliner tout en les fouettant. Vers lemilieudesannées1920,Djangoneseprivepasd’expérimenterses acquis dans les bistrots de la porte d’Italie. On le voitrégulièrement, suivi de son frère Joseph, en train d’interpréterdesvalsesàlaterrasseduPetitBicêtreouÀlaRoutedeDijon.Etc’estlà,enpleinerue,quel’accordéonisteGuérinolerepèrealors qu’il fait la manche en jouant une version enlevée duDanubebleu.

Instrumentistetalentueuxetredoutéparsespairs,Guérinoade l’expérienceetnese trompepas. Ilasuffisamment roulésabossepoursavoirquecegosserespirelamusique,qu’ilensenttoutes lesnuances et qu’il est dignede le suivredans lesbalsmusette.C’estainsiqueDjangoestengagépourlasommeassezrondelette de dix francs par jour.Lorsqu’il débarque dans unesalle de la rue Monge pour accompagner le très populaireGuérino, il entre de plain-pied dans le monde redoutable desprofessionnels. Evoluant sans souci au milieu des marloustaciturnes et des grisettes faussement ingénues, des ouvriers àgapettes et des catins aguicheuses, l’adolescent n’a aucunproblème à suivre le mouvement et s’adapte parfaitement aucontexte musical. Django n’est encore qu’un gamin aux yeuxdesvieuxbriscardsdumusette,maistousveulents’attachersesservices. Ils sentent qu’ils sont tombés sur une perle rare etperçoiventplusoumoinsconfusément toutcequ’ilapportedebrillance et de trouvailles dans les conventions souvent

routinièresdugenre.Negros est bien obligée de laisser faire mais elle reste

vigilante. Elle n’oublie jamais de venir le chercher à la fin dechaque soirée et ne se gêne pas pour récupérer le cachet,craignantquesonfilsn’ailletoutdépenseraujeudedés.Ilestvrai qu’il ne parvient même pas à conserver les deux francsqu’elleluiconcèdepourprendrelemétroetqu’ilarrivesouventtrèsenretardàsontravailaprèsavoirtraverséParisàpied.Sesemployeurs apprendront à s’accommoder de ses absencesrégulières.Django ne vient jouer que s’il en a vraiment envie,jamais par caprice ou par simple fantaisie mais parce que lamusique ne se commande pas, elle doit être désirée. Ilbénéficieradebeaucoupd’indulgence tant les remplaçantsfontpâlefigure.Unseulbanjovientàmanquerettoutestdépeuplé.

Entre 1925 et 1926, après avoir écumé les nuits de ChezJacquet, rue de la Huchette, œuvré un temps Chez Marteau,place des Alpes, il joue à La Chaumière avec Fredo Gardoni,autrecolossedel’accordéon.LelieuestsituéprèsdelaportedeClignancourtoùlafamilleestvenueplanter laroulottedans lazone adjacente. Django fait désormais partie du milieu dumusetteetsescollèguesl’accueillentavecrespect.IladéfrayélachroniqueenlivrantuneversiondiaboliquedePerledecristallors d’un banquet organisé parLesAmis de l’Accordéon dansun restaurant de La Villette. On l’estime et on le redoute, oncherche sacompagnieen la craignantunpeu, et certainschefsd’orchestreosentàpeineavouerqu’illeurvolelavedette.

Aprèsavoirservil’accordéonisteAlexandertouslessamedissoirsdans l’ambiance joyeusementenfuméedeChezBerlot, lebanjo-guitaredeDjangoestréquisitionnéparJeanVaissade.Cetautreaccordéoniste,originairedeLozère,n’estcertainementpasleplusdouédesagénérationmaisils’exprimeavecconviction.IlproposeaujeuneManouchedelesuivrepourlasaisond’étéà

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émouvantes soient-elles, n’a provoqué en lui une telledéflagration.

ÉmileSavitryesttouchéparlaréactiondecesdeuxGitansdont lamine farouche cache une intelligence sensible, ouverteaumonde.Ilfaitmonterdessandwichesetseshôtesaffamésseruent sur la nourriture. Ils lui expliquent la précarité de leursconditions de vie, leur maraude qui s’éternise sous le soleilcannois.Qu’à cela ne tienne, le peintre leur laisse les clés deson antre. L’homme est généreux et leur accorde sa confiancesans compter, sans rien attendre en retour, pour le seul plaisird’être là quand les autres en ont besoin. Obligé de visiter safamille qui vit au Lavandou, il abandonne ses nouveaux amisquelques jours ; lorsqu’il revient, il constate que la tribu s’estagrandie. Naguine a débarqué et ce sera bientôt le tour deLaurence, lamère couragedésormais auxpetits soinspour sesenfants.Savignynes’enoffusquepas ;bienaucontraire,cetteinvasiongitanel’amuse.Ilprofitedesesrelationsenvillepourtrouver aux frèresReinhardt un emploi d’une semaine auCoqHardy, un grand café du boulevard de Strasbourg où ilspasserontenattractionavecl’orchestreFederoff,uneformationrussequitomberasouslecharmedesczardasdeDjango.

Les choses semblent s’arranger. Ils partagent leur tempsentreles«bicoques»poséesàLaRôde,laplageoùilsjouentjusquetardlesoirprèsdesbarqueséchouéesetlebistrotChezThomas, situé dans la rue Merle. L’accordéoniste etcontrebassisteLouisVolalesarepéréset,aprèsavoirbeaucoupinsisté,parvientàconvaincreDjangodevenir joueravec lui. Ildirige l’orchestreduLido,undancing réputéde lavilleoù lesdanseurs affluent entre 21 heures et minuit. Le cachet estcorrect, mais le répertoire ne correspond pas vraiment auxattentesduguitariste.Volapartagelesmêmesgoûtsqueluietsepassionne également pour le jazz,mais il faut bien survivre et

répondreauxdésirsdesclients.À cette même époque, la maison de disques Gramophone

envoie quelques-uns de ces techniciens pour enregistrer lesartistes locaux qui animent les soirées d’Avignon, Marseille,Nice et Toulon. Le 28 mai 1931, plusieurs titres sont doncgravés par l’orchestre du Lido, comptant dans ses rangs pasmoinsdehuitmusiciensauxquelssejointundénomméLixbot,vocalistepoussifetroucoulant,àlajustesseapproximativedanslepasoCanaria,maisplusencoresurUnevalsequichante,unemélodie langoureuse jusqu’à paraître liquide, où le chanteurtraînailleavecextasesurlesfinsdephrase.Enrevanche,Djangofaitpreuved’unegrandefacilitésurchacundestitres,indifférentàl’indigencedesescamaradesdejeu,notammentsurCariñosa,un tango italianisant, dont l’intro lui est confiée, soit quatremesures en solo, ciselées au scalpel et conclues sur deuxharmoniquespiquetées.LouisVola,quinemanquenidetalentnidegoût,estbienconscientqu’ilnetrouverapasdesitôtuntelguitariste. Et quand le Manouche disparaît à la suite de sesengagements,lechefd’orchestreunpeudésemparéfaitaussitôtle tour de la ville, le cherchant en vain dans les moindresrecoins, désespérant de le revoir un jour alors qu’unepropositionintéressantedoitlesconduireàCannes.

Louis Vola vient en effet de dégotter un contrat au PalmBeachdeCannes.Àl’initiativedudessinateurPolRab,ilaétéchargédemonterunorchestrededansepourfaireguinchertoutlegratindelaRiviera.Ilcommenceàseproduiresanslesoutiende songuitaristequ’il continue cependantde chercher, chaquejour, en sillonnant les routes de l’Esterel. Il enquête dans lescampsgitans, questionne çà et là lesnomadesde laCôte sansobtenirde réponse.Pourtant,Djangon’estpas loin. Il rôdeducôtédeNice,toujourssanslesou,sereposantsurl’ingéniositédesafemmepourdénicherdequoisubsister.Lorsquelecouple

arrive à Cannes, Naguine envisage de coucher dans une desbarquesdelaplage.Maissonmariseretourneverselleetluidittranquillement:

–Tiens!Onvasepayerdeculot,oniradansleplusgrandhôteldeCannes.Demain, tu tedébrouillerasbienpour trouverdessous.

Naguine n’est plus à une extravagance près, les décisionsfantasquesdesonhommenelasurprennentplus.Ilss’installentau George V, un palace à cinquante francs la chambre oùpersonnen’oseleurdemanderdecomptes.Djangoentre la têtehaute, l’œilnoir tailléenamande, le teintbasané, ladémarcheassurée. La réception est persuadée qu’il s’agit d’un princehindou. Le lendemain matin, au moment de régler la note,Naguineprétendquel’argentestàlabanqueetqu’elleyvadecepas.Fidèleàlatraditiongitane,ellesedémènerapourréunirla somme sans que sonmari ait à s’en préoccuper.Quoi qu’iladvienne,Djangodoitvivrecommeunseigneur.

Le soirmême, ils se promènent du côté duPalmBeach ettombentnezànezavecLouisVolaquisortdu travail.Ravidelesretrouverenfin,ils’inquiètecependantdelessavoirinstallésdansunhôtelaussicoûteux;illeurproposedelouerunepetitevilla à côté de la sienne et en profite pour embaucherDjangodanssonorchestre.L’affaireestviteconclue;ledestinsouritànouveau. Louis Vola est aux anges, mais il se méfieconstammentdesfauxbondsdeDjangoqu’ilestforcédesuivreet de surveiller toute la journée s’il veut l’avoir le soir à sescôtés.Habillésentenuesdemarin,tricotsrayésbleus,pantalonslarges et espadrilles de corde, ils passent en attraction face àl’orchestre anglais de Jack Harris. Pour le grand gala de lasaison,leguitaristeestintrouvableetVolasesentbienseulsurscène.Mais l’homme n’est pas rancunier et apprend à jongleraveccesincartadesrépétées.

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quiluifaitdiresanscraindreleridicule:«Enadoptantlestylenègre, les musiciens blancs y apportèrent inconsciemmentcertaines qualités d’ordre purement musical provenant de leurculturesupérieure.Celaneveutpasdirequ’ils“civilisèrent”lestyle nègre, qu’ils l’atrophièrent. Non. Ils n’éliminèrentnullement de leur jeu la brûlante spontanéité noire ; toutsimplement, ils perfectionnèrent la forme. Lesmusiciens noirsde valeur furent à leur tour influencés par ce polissage et envinrentinsensiblementàjouerd’unemanièreplussoignée.»

Quoiqu’ilensoitdelapuretédesracesetd’uneéventuellesupérioritéculturelle,iln’estpasquestiondeparlerdepolitiqueau sein du bureau du Hot Club de France. D’autres garçons,débarqués d’horizons fort différents, vont œuvrer autour dePanassié sans forcément adhérer à ses réflexions théorisantespour le moins spécieuses. On y trouve essentiellement despassionnésquisecantonnentàdesdiscussionssurl’esthétiquemusicale, comme Jacques Bureau, marxiste proche desmouvements dada et surréalistes ; Gaston Brun, sympathisantsocialiste;PierreNourry,camelotroyaliste;lesfrèresAlvarez,proches du parti communiste ; Henri Bernard, très marqué àdroite…Sansoublierdemettreenexerguel’undesplusactifsd’entre eux, un certain Charles Delaunay, fils des artistesplasticiensRobert et SoniaDelaunay.Né en 1911, il a connudans son enfance toute l’intelligentsia parisienne et baignénaturellementdansuneintenseeffervescenceartistique.

Tous ces JeunesTurcs frondeurs, souvent issus demilieuxaisés, vont se démener avec un certain anticonformisme etdépenserunefolleénergieàécriredanslapresse,organiserdesconcerts,animerdessoiréesd’écoutecollective,dansleseulbutderépandrelaparoledesapôtresdujazz.

Leursviréesnocturnesetleurfréquentationquotidiennedesmusicienslesamènentàconnaîtretoutcequifermentedansles

cabarets de la capitale. Lors des nombreux concerts organisésparleHotClubdeFrance,ilsparviennentàréunirlegratindujazz parisien avec des musiciens américains de passage. Lesnuitssontchaudes,parfoisagitéesetfébriles.Lesmusiciensseproduisentsouventdansunepetitesallede l’Écolenormaledemusiquedevanttroiscentsétudiantsacquisàlacauseduswing.Le but de ces manifestations est avant tout de favoriserl’émergence de talents français et de patronner un jazzd’obédience hexagonale. Au contact de ses pairs, Djangodominebiensouventlasituationetsefaitremarquersansavoirbesoin de forcer son jeu. Un compte rendu paraît aumois defévrier1934danslarevueJazzTango,souslaplumedeJacquesBureau:«Onpeutdirequelui,cefutlarévélationduconcert.C’est un musicien très curieux dont le style ne ressemble àaucunautreconnu[...].NousavonsmaintenantàParisungrandimprovisateur [...].De plus, Reinhardt est un garçon charmantqui semble apporter dans sa vie la même fantaisie légère quiilluminesessolos:jugez-en,ilaéludomiciledansuneroulotte,cequi luipermetdevoirdupays sansbougerdechez lui…»Deuxmoisplus tard,unenouvellechroniquerapportedans lesmêmes colonnes les échauffourées joyeuses de la soirée dusamedi3mars,lorsdubaldesélèvesdel’Écolecentrale:«CefutlecomblequandAndréEkyan,DjangoReinhardt,sonfrèreetAlRomanssejoignirentàl’orchestredeBigBoy,c’étaitdudélireetcedéliredurajusqu’àuneheurefortavancée.»Decesnuitssurvoltées,prodiguéesparleHotClubdeFrance,naîtpeuàpeul’idéed’uneformationexclusivementconsacréeàDjango.Cela fait déjà unmoment que PierreNourry pense à créer unorchestredemusiciensfrançaispourdéfendrelescouleursd’unjazz hexagonal en pleine expansion. Avec le soutien attentifd’Émile Savitry qui continue de suivreDjango de très près, ilenvisagealorsdeconfiercerôled’ambassadeurduHotClubau

guitaristeleplusprisédelacapitale.LeprojetdeNourryn’estpaspourdéplaireàDjangoquirêvededirigeruneformationdecordespours’yexprimerlibrement.

En attendant de se lancer dans une aventure pluspersonnelle, il est réquisitionnépourdenouvelles séancesauxcôtés des Sablon. Notamment le 11 avril avec Jean en petitcomitéetle12maiaveclasœuraînée,épauléeparl’orchestredeMichelWarlop.Entre cesdeux sessions,Django s’est rendu àLondres pour y accompagner JeanSablon auMonseigneur, unclubtrèschicdePiccadilly.Lebattageautourdel’événementaétébienmenédepuis laFranceet JeanCocteaus’est fendudequelquesdéclamationslyriqueslorsdelaconférencedepresse.En revanche, le voyage ne se déroulera pas sans mal. LeManouche n’a pas de carte d’identité, encore moins depasseport. Il sait à peine ladate et le lieude sanaissance.Deplus, il refuse de prendre l’avion ou le bateau. Pour seuleréponse,ilprétextequ’ilyadesespions.Onabeaulerassurer,rienn’yfait.Djangoestconvaincu,outentedesepersuader,quedesespionssedissimulentpartout.Cetteseuleraisonlaissesonentourageperplexemaiscacheseulementsagrandeangoissedeschoses inconnues.Levéritablemotifn’est autreque sa crainteviscérale des éléments dont il ne peut expliquer lefonctionnement.Leguitaristeleplussubtildesonépoqueestunêtre fruste, un môme inquiet et rustique, loin des réalitésordinaires,toutsimplementhorsdumonde.

Lorsquel’aviondécolleenfin,Djangon’enmènepaslargeetilnepeutcontrôlerunecrisedefourirenerveuxtoutlelongduvoyage. La traversée se déroulera sans trop d’encombre etl’accueillondonienseradesplusenthousiastes:deuxémissionsconsécutivessur lesondesde laBBCetdesgalas triomphantsenprésenceduprincedeGallesquineratepasuneseulesoirée.Jean Sablon est le « french lover » le plus prisé de Grande-

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imagination. Pourtant, le guitariste ne reproduit jamais de «phrases favorites»,nonpasqu’il en soit incapable,mais il nefonctionne et ne fonctionnera jamais selon des plans ou desclichéspréétablis.Iln’abuserajamaisdesschémasetdesdoigtésinduitsparl’instrument.Djangoneseplagiepas,nesereditpas,il assène à chaque fois une phrase définitive qu’il ne répéteraplusparceque toutestditdans l’instant.Dans leseffarementsextatiquesdePanassié,oncaptecettefascinationpouruntravailtoujours sublimé par les trouvailles. Les spéculationsintellectuelles,aussiétayéessoient-elles,n’ontpasdeprisefaceaugénie.Carsiletermeestsouventutilisédefaçonabusive,ilconvientparfoisd’accepterl’évidence:ilyaeffectivementdeshommes qui, par une disposition naturelle et une aptitudeunique à la création, s’élèvent au-dessusdu commun, exercentune influence déterminante, bousculent leur époque et latransfigurent.

SileQuintetteestsoudainauréolédeprestigeetdéfraieleschroniques spécialisées, il reste toutefois un groupe decirconstance, voué à l’enregistrement et à quelques prestationspubliques. Le jazz seul ne suffit pas à procurer un travailrégulieretlesmusicienss’éparpillentdanslanature,augrédesengagements. Pour Django, le début de l’année 1935 estconsacréà lachanson.Toutd’abordauxcôtésdeJeanSablon,les 7 et 11 janvier, avec une guitare mélancolique et retenue,presque chaste, sur La Dernière Bergère, vite secouée par lepiano stride de Garland Wilson sur The Continental. Cemusiciennoiraméricainâgédetrente-cinqans,arrivéenEuropevers1932,estunspécialistedubluesinfluencéparEarlHines.Iloffreunepoignéed’accordsmauvessurUnbaiser,balladesurlaquelle Django se laisse aller à des tirades langoureuses dumeilleur effet. Du chanteur ou du guitariste, on ne sait paslequelestlepluscajoleur.

Lemoissuivant,c’estautourdeLéonMonosson,chanteurgermanophiledésespérémentapathique,d’utiliserlesservicesdupianiste Alain Romans et son ensemble du Poste Parisien.Djangos’ennuievisiblement.Lesmusiciensontbiendumériteànepascraquerdevantcetteentreprisedépourvuedeswing,quel’on pourrait qualifier de gentiment soporifique, s’il n’y avaitcetteexécrablemiseenplaceduchanteurquiralentitsanscessele mouvement. Plus émouvantes sont les séances des 5 et 22févrieraveclePetitMirsha,ungamind’origineroumainedontlabouille d’angelot et la voix séraphique toucheront le cœur desménagères.Aprèsuneversionépurée et très ironiquedeVieni,Vieni, le tube de TinoRossi écrit parVincent Scotto, sa voixcristalline et lacrymale va se loger dans la ouate du grandorchestredeMichelWarlop.LaguitareduManouches’ymontredélicate et intervient par petites touches pudiques surMaman,ne vends pas lamaison, un titre dont l’auteur n’est autre queCharlesTrenet,ainsiquesurPetithomme,c’estl’heuredefairedodo, l’adaptation d’un succès américain qui inonde alors lesradios.

En dehors de ces séances alimentaires, Django fréquenteassidûmentleStageB,uneboîteduboulevardMontparnasseoùilseproduitavecStéphaneGrappelli,lebatteurGeorgesMarionet le saxophoniste Alix Combelle, aux côtés du trompettisteaméricainArthurBriggs.Depuisquelquesmois, il aoptépourunmodedevieplussédentaireenlouantunechambredansunhôtel de la place Émile-Goudeau, accroché à la butteMontmartre.Maisilcontinuedevivresanspouvoirreniertoutàfait son nomadisme. Naguine cuisine sur un réchaud à alcooldont elle ne se sépare jamais ; le couple a retiré toutes lesampoules électriques et préfère s’éclairer avec des lampes àpétrole;lesingeapprivoiséquidepuisunmomentnequitteplusDjango passe ses journées à rogner le revêtement du sol et à

dégraderlesmeubles.Commetoujours,illeurfautpeudetempspour recréer l’ambiance de la roulotte. Le seul changementvraimentnotableestlesoinméticuleuxaveclequelleManouchechoisit désormais ses vêtements. Naguine connaît la raison decettesoudaineélégance.Ennovembredernier,sonhommes’estéprisd’uneentraîneuseauxcheveuxblondsquiluiafaittournerlatête.Unerelationcourtemaisintensequil’aconduitàraffinersa toilette et à s’intégrer davantagedans lemondedes gadgés.Django prend conscience de sa notoriété naissante et, s’il luiarrived’avoirlanostalgieducampement,delarouteetdesfêtesgitanes, il réalise que sa réussite aura lieu inévitablement horsducercletsigane.

LesnuitsauStageBsontlongues,ilfauttravaillerdurpourygagnerseulementquatre-vingt-dixfrancs,maisonsesentlibred’y jouer lamusiquede sonchoix.ArthurBriggsn’apas à seplaindredesonguitaristequi,contrairementàsaréputation,seprésente à l’heure et honore la plupart de ses engagements. Ils’absenteseulementpoursuivreSablonengalaou,de tempsàautre,pourrejoindrelesfrèresdela«zone»etfaireunefuguesalutaireenroulotte.

Desoncôté, leHotClubdeFrance,aidépar lacompagnieUltraphone, va organiser quelques concerts pour soutenir lapromotion du Quintette. Les dates sont clairsemées, mais legroupes’installepeuàpeudanslepaysagescénique.LethéâtredesChamps-Élyséeslesaccueillele5févrierpourle«Galadudisqueetdelaradio».Unesoiréeorageusequidémarresouslessifflets pour la chanteuse Marianne Oswald programmée enpremière partie. Cette égérie de l’expressionnisme, superbedéclamatrice des drames humains qui captiva Jean Cocteau,AndréGide,MaxJacob,PaulFortouLouisAragonlorsdesesdébutsauBœufsurleToit,s’envasouslesquolibets.LorsqueDjango et ses acolytes se présentent sur scène, les spectateurs

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SanspouvoirtoutàfaitremplacerlacomplicitéétablieavecSablon,Djangova s’entendre àmerveille avec JeanTranchant.Lorsque celui-ci ne s’embarrasse pas de sa muse, l’irritanteNane Cholet, il est un partenaire plutôt fréquentable. Il nepossèdepasl’énergiefélinedeSablonoudel’explosifCharlesTrenet dont tout le monde parle désormais, mais il s’investitavec fouguedans son art, signe les paroles et lesmusiques detoutesseschansons, taquinegentiment lepianoetnavigueà laperfection dans les eaux troubles du music-hall. Invité demarque du Poste Parisien pour l’émission du Micro de laRedoute,patronnéeparlesfilaturesdeRoubaix,ilfaitaussitôtappel à Django et Grappelli pour le soutenir. Présenté par lagentille Francie Lenne sur le ton un peu pincé qui est alorsd’usage sur les antennes radiophoniques, il s’accompagne aupianoetchantecinqmorceauxaveccettefaçonderoulerlesRqui donne un petit côté désuet dans ses tentatives demodernisme. Le guitariste et le violoniste ne boudent pas leurplaisir et l’accompagnent avec leur à-propos coutumier, tantôtfestif,tantôtmélancolique,collantauplusprèsdesintentionsdel’auteur.

Après un petit détour du côté de la somnolente YvonneLouis, sur une chanson intituléeAu grand large et qui incitevraiment à larguer les amarres, le guitariste se rend au studioPolydor,le17avril1936,pouraccompagnerMichelWarlopsursix facesàdestinationdePolydor.Lesmembresde l’orchestresonttousdesfamiliersduManouche:levétéranAlexRenardàla trompette, lebrillantMauriceCizeronà l’alto, la flûte et laclarinette,lejeuneloupAlixCombelleauténor,lesolideEmilStern au piano, le trop effacé Joseph Reinhardt à la guitarerythmique et l’inséparable Louis Vola à la contrebasse. Ilsgraveront de belles prises bourrées d’une énergie fiévreuse.Lecoup d’archet véhément et la phrase emportée de Warlop se

marient superbement aux fulgurances de Django. On sent lesdoigts pétrir l’ébène, le crin s’écraser sur la corde, et l’oncomprend mieux pourquoi ces deux-là étaient faits pour lesrencontres éphémères et les étreintes fugaces. Le ménagen’auraitcertainementpasdurélongtempsavecdestempéramentsaussi fortement marqués. Non pas que Grappelli manque decaractère, mais lui sait composer, au sens où il faut savoirgommercertainesaspéritéspours’accorder.

Ilestd’ailleursgrandtempsdeseretrouveravecleQuintetteduHotClubdeFrance.Celafaitbientôthuitmoisquelegroupen’arienenregistré.Lavalsedesétiquettessepoursuitetc’estautour de la grande firme Pathé de les abriter. Une séance estorganiséele4mai1936pourlecataloguedulabelGramophone,l’une des branches phonographiques de la compagnie. LouisVola estprovisoirement remplacéparLucienSimoens,mais cechangementn’aaucuneincidencesurlacohésiondugroupe.Lacouleur sonore est intacte,magnifiquementmise en valeur parGeorgesCaillyquiprofiteenfind’unmatérielplussophistiquéluipermettantd’affinerlesfréquences,decreuserlesnuancesetderestituerenfinlegraindesinstrumentistes.Depuislafameuseséancedu10septembre1934,Caillyestdevenuunenregistreurexpérimenté et s’est progressivement acclimaté aux sinuositésintempestivesdujazz.LechanteurFreddyTaylorestdelafête.En souvenir des nuits endiablées de la Villa d’Este, Djangol’accueilleàbrasouverts.JamaislesmusiciensduQuintettenes’étaientsentisaussi libres jusque-là.JeanBérard, leprésidentde lamaison de disques, est un sage homme : il leur a laissécarteblancheetsaitparfaitementquel’onobtientd’autantplusquand on n’exige rien. La confiance règne et le Quintette netrahirapascettemarqued’estime.Sixtitressontempoignésavecvigueur.LaprésencevocaledeFreddyTaylor sur lamoitiédesmorceauxn’est en rien gênante ; elle apporte au contraire une

boufféedefraîcheurquirelancechacundesprotagonistes.Deuxcompositions sont cosignées Reinhardt-Grappelli : OrientalShuffle etAre You In TheMood ?, deux pièces rutilantes quirépondent sans complexe aux quatre standards américains quesontI’seAMuggin,ICan’tGiveYouAnythingButLove,AfterYou’veGoneetLimehouseBlues.Grappellipromènesonarchetavecunefantaisied’enfantmutin,ilconfectionnedescouronnesdeguirlandesets’émerveilledepouvoirlestresseràsaguise.

Django semontre plus péremptoire, comme si chacune deses phrases devait être la dernière. Il manifeste un désirimpérieux d’asséner des traits définitifs et la liberté qu’on luiconcède enfin décuple ses forces.Rien n’est traité à la légère,aucune intervention ne peut être innocente. Ses chorus sontcreusésàlapointe,méticuleusementchantournés,sculptésavecrage pour être enfin lustrés et enveloppés dans le satin. Leguitariste fait preuve d’une autorité que personne ne pense àcontester,samaturitéesttellequel’onoubliesonâge.Pourtant,Djangoatoutjustevingt-sixans.

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internationalesdel’annéepouragrandirleurcatalogueavecdessignatures de prestige. Dicky Wells accepte la propositiond’enregistrementetrassemblesixmusiciens:BillColeman,BillDillard et Lester « Shad » Collins sont aux trompettes, lecontrebassiste Richard Fullbright et le batteur Bill Beasonassurent la section rythmique.Une fois de plus,Django est leseulinvitéfrançaiset,danslajournéedu7juillet,ilparticipeàunedemi-douzainedeprises.Sonrôleconsisteessentiellementàsefaufilerdanslebattementrégulierimpriméparlacontrebasseetlabatterie.Onluilaissepeudeplacepours’exprimer,saufderaresetcourtschorussurHangin’AroundBoudon,BugleCallRag, Between TheDevil AndTheDeepBlue Sea et JapaneseSandman. Trop engoncé dans la section et sous-employé dansses fonctions d’improvisateur, il parvient tout de même àpréserver sa signature dans cet art singulier du placementrythmique. Pour une autre séance deDickyWells prévue cinqjoursplus tard, leManoucheéchaudépréféreradécliner l’offreetseferaremplacerparRogerChaput.

Quitteàtenirunesimplefonctionderythmicien,cequinelerebutejamais,Djangoaimeautantêtreseulàbord,commeleluidemandeAndréEkyanpourdeuxtitresgravésdanslafouléedesséances de Wells. Un travail impeccable, accompli avecl’abnégation nécessaire, au seul service d’un ami. Lesaxophoniste alto se sent en confiance et s’exprime avec unefluiditéetuneassurancequeseulpermetunesolideassise.Unmois plus tard, c’est le trompettiste Philippe Brun quiréquisitionne le guitariste. Les jeunes patrons de Swing neperdent pas de temps et engrangent de quoi se chauffer pourl’hiver. Cette fois-ci, Django est soliste à part entière, LouisGasté, membre émérite des Collégiens, est responsable de laguitare rythmique, Grappelli est promu pianiste, Eugèned’HellemmestientlacontrebasseetMauriceChaillous’occupe

des tambours. C’est l’occasion de livrer un P. B. Flat Bluesémouvant, un de ces moments rares où l’on est heureux dediscuterentrevieuxpotes,de toutetde rien,dechoses futilesmais essentielles. Ce même jour du 9 septembre, DjangoenregistredeuxpiècessoussonnomavecGastéetd’Hellemmes.Unsimpletrio,commeuneformuleéconomeduQuintette,unerécréation pour se divertir sur St. Louis Blues et Bouncin’Around.MaisDjangonefaitrienàmoitiéetnepeuts’empêcherdedonneruneleçonmagistrale.Cethommeabesoinderespireretiln’estjamaismeilleurquedansledépouillement.Illuifautde l’espace pour pouvoir souffler des confidences joyeuses ettragiques.Djangoalesourirehermétiquedeceuxquin’ontrienàcacher.

Panassié et Delaunay ont du flair et de la suite dans lesidées. Eddie South, qui se produit au Club des Oiseaux, unpavillon édifié dans le cadre de l’Exposition universelle, estlibre pour enregistrer quelques faces sous étiquette Swing. Lajournéedu29septembres’annoncechargéeetDjangonevapaschômer.PasmoinsdeseptthèmesàgraviravecEddieSouthenpremier de cordée. À sa suite, deux grimpeurs de gammesexpérimentés, puisque Michel Warlop et Stéphane Grappellisont également convoqués pour se mesurer à leur homologueaméricain. L’idée est belle et risquée. Plusieurs formules vontêtrecombinées.Toutd’abord,unduodeSouthetDjangodansunsomptueuxbluesaudébotté,auquelonajoutelacontrebassedeWilson«Serious»MyerspouruneversionalertedeSweetGeorgia Brown. Puis Roger Chaput vient s’asseoir à côté deDjangopouraccompagnerletriumviratdesviolonssurLadyBeGood. Warlop se retire sur deux titres : Dinah et Daphné.Ensuite,South cède saplace àWarlopetGrappelli, seulementépaulés par les deux guitaristes. Enfin, Stéphane et DjangoconcluentlaséanceavecI’veFoundANewBaby.Aucunedeces

rencontres ne tourne au pugilat, à la démonstration technique,encore moins à l’affrontement des ego. D’emblée, c’est lacomplémentarité des styles et des sensibilités qui se révèle.Eddie lyrique, Michel écorché et Stéphane serein, chacunexprime ce qui lui tient à cœur. Sur Lady Be Good, ladémonstrationestévidente.Onyentend,parordred’apparition,Warlopauborddelarupture,Grappellienpaixaveclui-même,South usant élégamment des doubles cordes pour relever satechnique accomplie. Et au beau milieu de ces cordesentremêlées,Django s’affirme comme le catalyseur de tous lesépanchements, de tous les risques et de toutes les trouvailles.C’est seulement par le prisme de sa guitare que l’on peutobserver toutes les colorations de l’ensemble, non pas ens’arrêtantàsessolostoujoursstupéfiants,maisenlesuivantpasà pas dans chacune de ses constructions harmoniques, de sesaccordsdécalésetdesescadencesaucordeau.Silesviolonsontuneâme,saguitareestunpuresprit.

L’automne de cette riche année 1937 sera partagé entreconcertsponctuels,séancesd’enregistrementrégulièresetbrèvestournéesà l’étranger.Le20octobre, leQuintettefaitvibrer lesfondationsdelasalleGaveauetHuguesPanassiéécritdansJazzHot.«C’est leplusbeauconcertdemusiquede jazzque j’aieentendu.»On le croit donc surparole.Dix joursplus tard, legroupe est à Bruxelles pour clôturer en vedette un tournoid’orchestres amateurs. Grappelli fait partie du jury et on leurdéroule le tapis rouge. Une manifestation du même ordre lesconduit en Hollande. En juillet dernier, ils s’étaient déjàproduits au Kurzall de Scheveningen et Django y avait étéharcelépardesfansdanslecouloirdesloges.Iln’enétaitsortisain et sauf qu’après avoir griffonné des autographes pendantplus d’une heure. Cette fois-ci, à La Haye, l’accueil est toutaussi chaleureux et Django passe la nuit à faire le bœuf aux

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membresduQuintettevontmontersurlabutteMontmartrepourserendreàlaGrandeNuitduJazz.L’événementestentièrementorganisé par leHotClub de France et a lieu auMoulin de laGalette, dans la pittoresque rue Lepic. Sur les affichesplacardéesdans toute lacapitale,onpeutvoir l’annonced’unequinzained’artistes,parmilesquelsleQuintetteduHotClubdeFrancesedétacheenlettrescapitales.JacquesBureau,l’undesactifs fondateurs du Hot Club, a pris soin de transporter dumatériel d’enregistrement pour garder quelques traces de lamanifestationsuracétate.Lesmachinessontrudimentairesetlesonyesteffroyablemaisonyentendlafouledesgrandssoirs.Au milieu du vacarme, le Quintette envoie ses grenadeshallucinogènessurdesspectateursterrasséspar lesbrûluresduswing.Django accompagne également d’autres interprètes, telsMichelWarlopouValaïdaSnow,pourleplaisirdefairelafête.Les clameurs contagieuses du public valent autant que lesprestationsdesmusiciens.Carlejazzestavanttoutunehistoiredepartage.

La tournée britannique démarre enfin et va durer plusieurssemaines. Les pérégrinations du groupe ne manqueront pasd’épisodes rocambolesques. Dès le départ, Django rate leconcert de Manchester. Il a été refoulé à la frontière par lesautorités. Persuadé qu’il est suffisamment connu en Grande-Bretagnepoursepasserdepapiersd’identitéetdepasseport,ils’est présenté au volant de sa voiture en toute innocence. Lesdouaniersleretiennentetilfaudral’interventiondel’imprésarioLewGradepourqu’ilpuissefranchirlafrontière.Lorsd’ungalade prestige auKilbumTheater, où sont réunis les groupes lesplusconnusdel’île,Djangoestimequelascèneesttropvasteetrefuse de s’y produire, craignant que le Quintette ne se senteperduloindesauditeurs.Lesorganisateursfinirontparluifaireentendre raisonetDjangon’aurapasà le regretter.À la findu

spectacle, l’acteur américain Eddie Cantor quitte sa place, seprécipitesurl’estrade,saisitreligieusementlamaindeDjangoetlaluiembrasseavecdévotiondevantunpublicmédusé.Peudetempsaprès,auPalladiumdeLondres, ilspassentenattractionavec le cow-boy TomMix et son cheval du Grand Ouest, unwestern d’opérette pour faire frissonner les demoiselleslondoniennes,maisilfaudraqueleQuintettecravachedurpoursauver lespectacledunaufrage.Lessurprisesnemanquentpaset Django se plaît beaucoup à Londres. Il y a pris quelqueshabitudes lors de son précédent voyage et s’esquive souventpourjouerauxmachinesàsousetaubillard.Lerestedutemps,iltraîneàmoitiédébraillédanssachambre,paressevolontiersetregardepasserlesheuresaveccettedistanceprincièredontilnesedépartitjamais.Installédansl’appartementd’unlord,enfacedeHyde Park, il vient de s’acheter une énormeBuick et s’estattaché les services d’un chauffeur de maître. Django aimeflamber, l’argent est fait pour être consumé. Naguine suit lemouvement et s’en amuse, mais une brouille sérieuse vaassombrir le séjour. Alors qu’elle se promène un soir dans lequartierdeSoho,elleaperçoit laBuickgaréedevantuneboîtedenuit.Elletrouvesonmariattablé,entraindeprofiterdelaviedans des bulles de champagne. Elle fait ses valises et rentreaussitôtàParisoùellese réfugiedansunpetithôtelde la ruePigalle.Djangoestseul,nerveuxettourneenrond.Naguineluimanque, il double les tempos, expédie les chorus avecexaspération.Àlafind’unconcert,ilenvisagedefileràlagarepourrejoindresafemmeàParis.GrappellitéléphoneàNaguineetlasuppliederevenirauplusvite.SanslaprésencedeDjango,leQuintetten’aplusdesens,latournéeserainterrompueetlesmusiciens ne pourront jamais rembourser le dédit. Naguine selaisse amadouer et comprend bien qu’elle ne peut pas fairecourir ce risqueau restede l’équipe.Le lendemain, elle repart

pourLondres,l’incidentestclos.LeQuintette s’apprête àboucler sa tournée en enregistrant

unenouvelle foispourDecca.Le30août,ondémarreparuneintroductiondeguitare imprégnéedebluesdansTheFlatFootFloogie, une chanson désopilante des contrebassistes SlimGaillard et Slam Stewart dont le Quintette ne privilégiera pasl’aspecthumoristique,préférantlatraiteravecnonchalance.Unautre tube d’époque est inscrit au répertoire, la reprise duLambeth Walk, une danse jouée tranquillement comme s’ilsuffisait de répondre au goût du jour et d’y déposer sonempreinte. Plus réussie est l’interprétation sensitive de WhyShouldn’tI?,bellecompositiondeColePorter,entretenantunclimat de pénombre où les solistes donnent le sentiment devouloircapturerlesdernièreslueursd’unebougievacillante.Le1er et le 10 septembre, Django va enregistrer plusieurs solosavec le piano de Grappelli pour unique soutien. Entre cesquelques sérénades jouéespour apaiser leurs tensions toujoursvives,onlessentparticulièrementproches–rapprochésdevrait-ondire–surPleaseBeKindoùleclaviern’abesoind’appuyeraucun effet, tant l’édifice est tenu par un chorus savammentcharpenté,toutenéquilibremouvantetimbricationspérilleuses.Django conclut ce long séjour britannique par une pièce desolitudequiserabaptiséeImprovisationn°2,oùn’apparaîtplusle souffle andaloude lapremièreexpériencedu27avril1937.Pourcenouveaumonologue,Djangoversedansunclassicismequicorresponddavantageàlalittératuredelaguitarebaroque.Ilexiste une cire d’essai de cette pièce, prouvant qu’uneimprovisation n’est jamais autre chose qu’une composition,certes instantanée mais portée en soi depuis suffisammentlongtemps pour qu’elle surgisse sous une forme aboutie quis’apparentedéjààl’écriture.

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Fouad,ainsiqueNin-NinouNininequiserelaientauxguitaresrythmiques. Ilyaaussi les frèresSalvadorquiviennentgratterleurs six cordes avec cœur et soutiennent Django à diversesoccasions.LejeuneHenriSalvadorestunhabituéducabaret;ilyajouéavecsonfrèreAndré,ainsiqu’avecMarcelMazelinaupiano et un certainMartin à la batterie.LeManouche est sonidoleet,lorsqu’ilseretrouveàsescôtés,ilessaiediscrètementde copier certains accords. Quand Django s’en aperçoit, ilchangedeplacedèslelendemainsoiretinstallelajeunerecrueà sa gauche pour qu’il ne puisse pas piller ses secrets.Cependant, les deux hommes s’entendent bien et le maîtreinvitera sondisciple à jouer aubillard.Unepartie disputée encent points, que Salvador observera du bord de la table aprèsavoir commis l’erreur innocente de laisser la main à Django.Celui-ci aligne la centaine de coups d’une seule traite, sanslaisserlamoindrechanceàsonpartenaire.

Django est un joueur expérimenté,mais il sait surtout quel’on doit prendre des risques si l’on veut gagner. Il lui fauttrouverunnouveaupartenairepourchangerladonneetilsemetenquêted’unsaxophonistecapabledeluiapporter lasurprise.Sur les conseils d’Alix Combelle, il rencontre le tout jeuneHubert Rostaing, alors employé dans l’orchestre de danse duMimi Pinson, une boîte des Champs-Élysées. La premièreentrevue est pour le moins singulière13. Rostaing vénère leguitariste et il est terrorisé lorsqu’il pénètre dans le Jimmy’s.Django l’attend en smoking, l’air crâne et l’humeur enjouéesoussacasquettedetoile..

–Viens,monfrère!Onvaboireunverre.Django ne dit rien d’autre et les consommations se

succèdentsansqu’unseulmotsoitéchangé.Auboutdusixièmeverre,Rostaingesttotalementivreetsonfuturemployeurselève

enluidisant:«Bon,vienstravaillerdemain!»Rostaing est encore un novice et, lorsqu’il attaque sa

première confrontation avec le groupe, sa sonorité de ténormanqueunpeud’épaisseur,l’émissionestincertaineetlestressn’arrangerien.Desonpropreaveu,ilneconnaîtpaslesnotionsélémentairesdubluesetsonexpérienceselimiteàunrépertoiredechansonspopulairesàpeinejazzi-fiées.Qu’àcelanetienne,Django insiste pour que ce garçon peu aguerri lui donne laréplique. Et lorsque Rostaing, anxieux, casse son anche, poseson saxophone et se saisit de sa clarinette, tout se décrispesoudain. Django aime cette sonorité aigre-douce, cette inciserapide comme un coup de canif dans le velours. Il s’arrête dejoueretseretourneverssanouvellerecrue:

«Nelâcheplusjamaiscetinstrument!»Le Manouche envisage sérieusement de constituer un

Quintette du Hot Club de France, avec un clarinettiste et uncontrebassiste, mais en n’utilisant qu’un seul guitaristerythmique et en s’adjoignant les services d’un batteur discret.L’orchestredechambreàcordesfaitpeuàpeuplaceàuncombodejazzplusprochedesconventions.

Cela faitdéjàhuitmoisque laguerreestdéclaréeet laviesuit son cours. L’inaction prolongée de l’armée française estnéfasteaumoraldes troupes.Ledésœuvrementet l’incertitudeont sapé les motivations tout le long de cette « année del’allégressedesnaufragés»,selonlaformuled’AndréMalraux.Environ12%deseffectifssontenpermission–dontplusieurstrèshautsgradés–quand,le10mai1940,Hitlerdonnel’ordred’attaquerlaFrance,maisaussilesPays-Bas,laBelgiqueet leLuxembourg.Enmoinsd’unesemaine, lesStukaet lesPanzermettent en déroute l’essentiel des divisions françaises. LacampagnedeFranceestfinieàlastupéfactiongénéraleet,le15

mai,legénéralGamelindéclarequelaroutedeParisestouverte.LegouvernementdePaulReynaudquitte lacapitale le10 juinet, quatre jours plus tard, les Allemands défilent sur lesChamps-Élysées.

Devant l’avancéefulgurantedel’ennemi, laFranceterrifiéedevientnomadeetselancedansunexodepitoyablesouslefeude laLuftwaffe.Comme les huitmillions deFrançais échouéssurleborddesroutes,DjangoetNaguinesetrouventmêlésàladébâcleetprennentlafuiteverslesuddupays.Lorsque,le22juin,l’armisticeestsignéàRethondesparlemaréchalPétain,lapopulation hagarde et fourbue finit par rentrer au bercail.Django rejoint assez rapidement Paris qu’il retrouve presquedésert : un paysage vert-de-gris, peuplé de pancartes en lettresgothiques, de patrouilles arrogantes, d’oriflammes à la croixgamméeetdechantsallemandssouslemartèlementdesbottes.De leur côté, Hubert Rostaing passe l’été à Biarritz, CharlesDelaunays’estrepliésurCannes,HuguesPanassiéesttoujoursdanssaretraiteduTarn-et-Garonne.

À l’automne, le pays est balafré par une ligne dedémarcationquimaintientunsemblantd’uniténationaleautourdel’Étatvichyssois.Entre-temps,laplupartdesacteursdelaviemusicalesontremontésàParis,surprisd’y trouveruneactiviténocturneplutôtintense.LesFrançaisonttoujourscetalentraredetraverserlesépreuveslespluslourdesaveclégèreté.Delaunayenvisagetrèsvitedereprendresesactivitésdiscographiques.Sapremière séance est évidemment dédiée à Django dont lenouveau Quintette est prêt à retourner en studio dès le 1eroctobre.Conformémentàsesdésirsformulésaumoisdemai,leManouche a bâti son groupe avec Hubert Rostaing à laclarinette,sonfrèreJosephàlasecondeguitare,FrancisLucaàlacontrebasseetsonamiPierreFouadàlabatterie.Durantces

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plusieursfâcheries,lasectionrythmiquejettel’éponge.FouadetRovira vont voguer dans d’autres galères. Joseph rejoint GusViseurquiesttoujoursravid’accueillirunguitaristemanouchepoursoutenirsestrillesd’accordéon.

Rostaing reste à demeure et continue de s’enfermer desjournéesentièrespour travaillerson instrument. Il saitqu’ilnetrouvera jamais de meilleure école que le Quintette pourprogresser de telle sorte.Malgré quelques griefs pécuniaires àl’encontredesonemployeur,illuirestefarouchementattaché.

Auprintemps1942,Djangoreconstitueunenouvelleéquipe.EmmanuelSoudieuxetEugène«Ninine»Véessontderetour,et labatterieestconfiéeàAndréJourdan.Le31mars,CharlesDelaunay attend tout le monde au studio Albert. Deux facesvontêtregravéessousl’étiquetteDjango’sMusicetdeuxautresavec leQuintette duHotClubdeFrance.Nymphéas etFéeriesontdespièces sciemmentécritespourprivilégier les effetsdemasse. Si la première marque son allégeance àl’impressionnisme de Debussy ou Ravel, tout en évocationsbrumeuses et douces digressions, la seconde propose enrevanche une chevauchée swing particulièrement débridée. Leguitaristecaracolegaiemententêtedepelotontandisqu’AndréJourdan cravache ses fûts sansménagement.Comparativement,les morceaux suivants interprétés par le Quintette semblentd’une facture un peu plus convenue, quoique la découperythmiquedeLentement,mademoiselle soit très travailléeet lechorus de guitare sur Belleville s’avère d’une limpiditédésarmante.Avantdesequitter,HubertRostaingvarapidementimproviserunejamsessionavecAiméBarellietNoëlChiboustsurPremière idée d’Eddie, un thème écrit par le jeune EddieBarclay,néÉdouardRouault,quis’assiedderrièrelepiano.Lesamis du Quintette assurent la section rythmique et Djangos’offreunchorusde contrebasse à l’archet.L’airde rien, juste

pourleplaisirdegratterlecrinsurlescordesetdeprouver,s’ilétaitbesoin,queleswingestjusteunehistoirederespiration.

Une tournée en Belgique attend le Quintette dès le moisd’avril. Plusieurs concerts sont organisés à Bruxelles,notammentaupalaisdesBeaux-Arts.L’accueilestmagnifiqueetDjangoprendviteseshabitudes.Ilestvraiqu’ilestsursaterrenataleetqu’ilsesentunpeuchezluidanscepaysoùlepublicne cache pas son enthousiasme et où la presse se répand enarticlesélogieux.Danslajournée,iltraînesouventducôtédelagrandefoireetgagnedesquantitésdebabiolesenorauxjeuxdehasardetd’adresse. Ilarborefièrementses trophées,n’hésitantpas à se mettre une montre à chaque poignet, et Naguine seretrouve couverte de bijoux au point de ne plus savoir où lesaccrocher.

La Sobedi, Société belge du disque, propose au grouped’enregistrerpourundeseslabels.Lesnégociationsnetraînentpaset,le16avril,toutelacliques’installedansunstudioassezrudimentaireencompagniedugrandorchestreduclarinettisteetsaxophoniste Fud Candrix. Pour se chauffer, Django invite lepianisteIvondeBieàl’accompagnersurquelquestitresenduo.Ilasouventexploitécetypederencontrefortuitequilaisselibrecoursàdesconfidencesintimes,maiscettefois-ci,leguitaristese saisit d’un violon, cet instrument nomade qui berça sonenfance,témoindespremièresgammessousl’oeilsévèredesonpèreetdesnuitsdebraiseentrelesroulottesendormies.Djangon’est pas un virtuose du violon, mais sa musicalité innée faittoute la différence. D’une tendresse infinie, d’une sensualitépudique, ilcaresse l’instrumentavec lamélancoliedeceuxquisont fidèles aux leurs etquine renieront jamais leurparcours.En alternant violon et guitare sur Vous et moi et Blues enmineur,ilneveutriendémontrerd’autrequesonappartenanceàunmondeoùlamusiqueestleseullangagedevérité.

Aprèscesfragmentsd’émotionsvives,ilsejointàl’artillerieorchestrale de Fud Candrix pour quatre morceaux auxarrangementssubtilementéchafaudés.Àcetteoccasion,DjangolivreunenouvellecompositionintituléePlacedeBrouckère,enhommage à l’hospitalité bruxelloise ; une pièce d’une grandemodernitéharmoniqueoùlechorusdeguitareestdéroulédansunesuccessiondedérapagescontrôlés,dedissonancesraffinéesetdetroubleschromatiques.LegrandorchestredeFudCandrixest un bel écrin pour expérimenter ce type d’approche. Lesaccordsysontfoisonnants,lestimbresparfaitementmaîtrisésetlarythmiquetenueparlescompagnonsduQuintetterépondàlaperfectionauxattentesdusoliste.Uneautreséanceauralieule8maiavecuneformationtoutaussiimposante,dirigéeparStanBrenders.Lesorchestresbelgesn’ontrienàenvierauxmeilleursreprésentantsfrançais.Bienaucontraire,onytrouveunsensdudétailetunsoucidelacouleurquiysontsouventsupérieurs,unsens de l’économie qui ne verse jamais dans l’indigence, uneébullition qui ne tourne jamais à la boursouflure. Django ararement été aussi bien compris et soutenu. Sa version deNuages, latroisièmeenregistrée,estunmodèledeséductionetd’angélisme. Des violons onctueux, une rythmique élastique,des vents porteurs et des nuances vaporeuses, il ne lui en fautpasdavantagepours’envolertrèshautettoucherlesétoiles.Lesseptautrestitressonttoushabitésdumêmefeuintérieuretdelamêmeexigenceesthétique.Avantde reprendre la routepour laFrance,Django a conscience que ces séances belges comptentparmisesplusbellestracesenregistrées.

Durantl’été1942,leQuintettevamusardersurlesterresduNord et du Pas-de-Calais, écumer d’autres villes de provincecomme Lyon, Béziers, Montpellier et Nice, avant des’embarquer pour l’Algérie vers la fin septembre. Django adépensé des sommes énormes au Casino de Nice. Comme

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rivaliser avec l’illustre mouvement initié par Panassié etDelaunay. Le 17 février 1945, Django accepte de venirenregistrer dans l’auditorium du JCF, perché au 32, rue duRanelaghdansleXVIearrondissement.La tentationestgrandede se frotter à desmusiciens américains qui le réclament et leManouchenepeutrésister,quitteàfroisser lasusceptibilitédeDelaunayetàencourirsacolère.

Pour passer incognito, on baptise le groupe Jazz ClubMysteryHotBand et on croit préférabled’indiquerdes lettresd’alphabetpourseuleindicationdupersonnel.MaisderrièredessignescabalistiquestelsqueU.Saxoclarinette–V.Trompette–W.Piano–X.Guitare–Y.Basse–Z.Drummer,secachentenréalité Bemie Privin, Michael A. « Peanuts » Hucko, MelPowell, Django, Josz Schulman et RayMcKinkley. La séanceest décontractée, on fait le bœuf autour de thèmes connus detous,debonsvieuxstandardscommeHowHighTheMoon, IfDreams Cooe True, Hallelujah ! et Stompin’ At The Savoy.Django est heureux de renouer avec des instrumentistesfraîchementdébarquésdesÉtats-Unis. Il ressentencore l’appelde la Terre promise, ce désir encore jamais assouvi d’aller senicher là-bas dans le berceau du jazz. Les lumières de NewYork, la gloire et les dollars… Django poursuit son rêveaméricain.

13.Témoignaged’HubertRostaing,citéparCharlesDelaunay.14.Témoignaged’HubertRostaing,citéparCharlesDelaunay15. Cité par Daniel Nevers dans le livret du volume 12 de l’anthologiediscographiquechezFrémeaux&Associés

«Django’sBlues»

(1945-1948)

La petite infidélité discographique à l’égard de CharlesDelaunay va se reproduire dans le courant dumois de février1945. Django accepte de participer au projet saugrenu du «ChampionnatdeFrancedu Jazz», fomentépar leSwingClubdeFrancedansl’enceintedelasallePleyel.Encoreunenouvelleorganisation concurrente qui s’essoufflera vite, mais menaceraquelque temps les intérêts hégémoniques du Hot Club deFrance. La formation du Manouche se verra confrontée àl’orchestre d’Aimé Barelli en demi-finale, et l’épreuve seraremportéeparletrompettiste.Quelquesacétatesserontgravésàla demande des adhérents et l’on peut y entendre une versiond’Artillerie lourde – rebaptisée Haevy Guns dans uneorthographe anglaise approximative - terriblement grésillante.Cette idée de compétition pour lemoins grotesque ne porterapas à conséquence mais révèle tout de même un fort désird’indépendance chez Django. Il est vrai qu’en ces temps depénurieetdereconstruction industrielle, iln’yapasbeaucoupd’occasions d’enregistrer et que le patron de Swing l’a peuconvoquéaucoursdesderniersmois.

Engagédans une longue tournéequi doit le conduire dansdes camps militaires basés sur la Côte d’Azur, Django monteune petite formation dont Gérard Lévêque fait évidemmentpartie. De Monte-Carlo à La Ciotat, en passant par Nice,Cannes,Toulon,Bandol etMarseille, ils vont écumer tous lesthéâtres, lescentresderepos, leshôpitauxet lesbasesoùsontcantonnées les troupesaméricaineset françaises.Aucuncachet

n’estprévu,maisDjangos’enmoque.Onleurassurelegîte,lecouvert, les déplacements, et cela suffit à son bonheur. Ildemandeseulementunminimumd’attentionetderespectdurantles concerts. Lors d’un gala à l’hôtel Negresco de Nice, desparachutistes du Middle West complètement imbibés parlenttrop fort, et le guitariste n’hésite pas à quitter la scène,nullementtroubléparlaréactiondesmilitairesquimettentàsacl’établissement.Django est ainsi : on ne plaisante pas avec lamusique. Pour le reste, il trouve toujours à s’arranger. Aprèsavoir fait venir Naguine et Babik, il les installe dans un belappartementàBandolets’occupedepourvoirauconfortdesapetite famille.Pendant sixmois,Djangoacceptede jouer sansrechigner et se laisse porter par la douceur du Midi, ballottéentredespartiesdecartesoudepétanquepourmiserquelquesbillets, croisant de temps à autre des frères manouches qu’ilretrouvelelongdesroutesetaveclesquelsilpartagelepain.

Aucoursdecettetournée,DjangovajoueraveclesmembresdutrèsmilitaireATCBandquiseproduitàCannes.Ildéboulesur la scèneà l’improviste, laguitareà lamain, alorsquecelafait déjà plusieurs semaines que l’arrangeur Lonnie Wilfongcherche à le rencontrer. L’escarmouche dure jusqu’au lever dusoleil et l’on promet de se revoir car la qualité de la jam estporteuse de promesses. Cet orchestre de l’Air TransportCommand s’inscrit dans la lignée des nombreux ensemblesgalonnésdontlavocationpremièreestderemonterlemoraldestroupes, toutenvéhiculantunevitrineculturelledel’Amériquetriomphanteauprèsdespopulationslibérées.LefracassantArmyAir Force Band du tromboniste GlennMiller en est la figureemblématique,ronflanteetsatisfaite,enrubannéeparlesmassesviolonneusesdeRayMcKinley,uneimagehéroïquequitourneraàl’idolâtrielorsquel’aviondumajorMillersombreraenmer.Cejazz simple, frais, massif, tonique et foncièrement optimiste,

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beaucoup de ce voyage et on lui prédit les plus grands succèsavant d’ajouter en bas de page : « Dernière heure : NotrecorrespondantWalter E. Schaap nous câble deNewYork queDjangoReinhardtestarrivéaudébutdumois,ettouts’annoncemagnifiquement pour lui. Détail qui intéressera ses familiers,Django est parti sans la moindre valise, et a même laissé saguitare en France. Il demande justement qu’on la lui envoied’urgence.»

Effectivement,Djangoestparti sansaucunbagageet iln’apas jugé bon de prendre son instrument, persuadé qu’unemarqueaméricaineseprécipiterapourluioffrirunmodèlehautde gamme dès que son arrivée sera annoncée. Au matin du 3novembre 1946, lorsqu’il aperçoit les premiers gratte-ciel deManhattan,àdeuxpasde la torchedresséedeLadyLiberty, iltoucheenfinlamèrepatriedujazz.Dèslelendemain,ilestauPublic Music Hall de Cleveland dans l’Ohio et il n’a qu’unquartd’heurepourrépéteravantleconcert.L’accueilduDukeetde son orchestre est chaleureux, de cette sympathie souriantebien spécifiqueauxprofessionnelsaméricains, et lorsqu’on luidemande dans quelle tonalité il va jouer son premier titre,Djangosecontentededire:

–Nevousoccupezpasdemoi!Jesuivrai.Attaquez!La réponse du Manouche est chargée de sens, presque

prémonitoire, déjà porteuse d’amertume et d’une certainedésillusion. En effet, on ne s’occupera pas beaucoup de luidurant cette longue tournée et il suivra pendant que les autresattaquent. Il n’y a aucun arrangement sérieux écrit à sonattention, il intervienten finde spectacleet joue laplupartdutemps avec le seul soutien de la section rythmique, avant quen’intervienne,sur lesdernièresmesures, l’orchestreaucompletdansdesriffsplutôtbasiquesoudesnappesharmoniquesassezsimples.Certes, leDuke en personne est à ses côtés, égrenant

quelquesnotesdepiano toujoursbien choisies et le soutenantduregard,maisdanslefluxdesconcertsquis’enchaînentsansdiscontinuer, Ellington est contraint d’assumer sesresponsabilités de patron, d’organisateur et de gestionnaire.Buffalo, Kansas City, St. Louis, Cincinnati, Boston, Detroit,Philadelphie, Rochester, Chicago, Norfolk, Toledo, Omaha,Lincoln,SanFrancisco,Pittsburgh,NewYorketuncrochetparle Canada pour jouer à Toronto : les dates se succèdent à unrythmeeffréné.DukeEllingtonestdébordédetravailetn’apasle temps de concocter des orchestrations spécifiques pour soninvité.

Les réactions du public sont pourtant enthousiastes, onréservemêmeàDjangodestonnerresd’applaudissementsetunemultitudede rappels.Malgré laguitare électriquequi lui a étéprovisoirementconfiéeetdontilapprendpeuàpeuàmaîtriserleseffets,Djangofaitpreuved’unsensde l’adaptationévidentetd’unevirtuositéimpressionnante.Ilseprêtevolontiersaujeu,attendsontouretintervientcommel’attractionduspectacle,lasurpriseduchef.Maisiln’estpasvenudesi loinpourêtreunphénomène de foire, un supplément de frisson, undivertissementajoutéenfindeprogramme.Ilattendaitmieuxdece fabuleux orchestre où l’on ne trouve que des pointures deluxe:Harold«Shorty»Baker,TaftJordan,SheltonHemphilletRayNance aux trompettes,LawrenceBrown,Wilbur deParis,Claude Jones aux trombones, Russell Procope à l’alto et à laclarinette,JohnnyHodgesàl’alto,AlSearsetJimmyHamiltonaux ténors, Harry Carney au baryton, Oscar Pettiford à lacontrebasseetSonnyGreeràlabatterie.Unepléiaded’étoiles,dontquelquesmonstressacrés,quigravitentautourdel’autoritéducaleavecunprofessionnalismeextrêmementrigoureux.

Dans une certaine mesure, Django était davantage mis envaleurauseindel’ATCBanddusergentPlattetsonintégration

dans lesmasses de cuivres avait tout son sens parce qu’aucundétailn’avaitéténégligé.Detouteévidence,l’aventureenterred’Amérique a été mal préparée, trop précipitée. Le guitaristeespérait tellement de ce voyage, peut-être trop d’ailleurs, qu’ilperdpeuàpeusesambitions.Lesrêvesdegloire,lesespérancesfollesetlesprojetsdémesuréss’effritentchaquejour.

Il envoie une longue lettre à Stéphane Grappelli. Unemissive émouvante, rédigée nerveusement en gros caractères,dans une langue approximative et une orthographe chaotique.Unelettrequ’ilesttoujoursdélicat,voirecruel,dereproduiresil’on n’en explique pas les ressorts. Ce courrier deDjango estd’autant plus méritoire que l’écriture est toujours un exercicedouloureux.IlenverraunautremotàGérardLévêqueetiln’estpassurprenantqu’ilaitpenséàcesdeux-là.C’estprécisémentStéphanequiluiaapprisavant-guerreàtracerleslettresdesonnom. Gêné par son analphabétisme, il s’était émerveillé depouvoir écrire ses initiales d’une main tremblante. Il lui avaitfallubeaucoupd’effortspourécriresasignatureet, fascinéparlerésultat,ilenavaittapissélesmursdeshôtels.QuantàGérardLévêque,samaîtrisedusolfège,saculturedebourgeoislettréetsasciencedesarrangementsenfontunhommedessignesetdessymboles. Django respecte les gens instruits, éduqués etcultivés. Il leur expédie donc ses premières impressions devoyage.Ony apprendqu’il voyage en trainPullman,dansdesconditions luxueuses dont il se délecte visiblement. Il al’honneurdepartagerlacabineduDukedontilditqu’ilest«leplusgrandmusicien».LeManoucheyestpoignantdecandeuretdefierté.

AucoursdupériplesontprévuesdeuxsoiréesdeprestigeauCarnegieHall,les23et24novembre.SouslaplumedeJimmyWeiser,onentrouveraunpremiercompterendudanslenumérode décembre de Jazz Hot : « Ce soir mardi, j’ai accompagné

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lecourantdel’automne1947,ilapportedanssesbagagesetsaboîteàviolonuneboufféedefraîcheurquivaapaiserDjango,letemps de rapides retrouvailles. Ces deux complices n’enfinissent plus de se donner des rendez-vous éphémères. Cettefoisencore,lemaîtredelacérémonieestCharlesDelaunayet,le14 novembre, la maison Swing abrite logiquement leurrencontre. Le guitariste empoigne à nouveau sa guitareacoustique,celledesjoursdéjàanciensoùlescordesd’acieretles fils de crin semêlaient aux essences du bois. Cinq piècesinédites sontgravéesdans lacire :What IsThisThingCalledLove,fortpriséparlesadeptesdube-bopdepuisquelethèmeaservidesupportauHotHousedeParkeretGillespie,Ol’ManRiverdansdescataractesdedoubles-crochesincendiaires,Situsavais,dontlamélodiedépouilléeestrespectéeaveclyrismeetpudeur,Diminushing à l’exposé opaque et au développementvolontairementtroubletoutenappels-réponsesénigmatiques,etenfinlapromenadeguilleretted’Éveline,untitredédiéàlafilledeGrappelli, une enfant de douze ans qu’il a connue à peinel’année précédente pour avoir perdu de vue lamère depuis denombreusesannées.Leviolonisteasouventlaréputationd’êtreundandyprécieuxet assez secret sur ses amitiésparticulières,maisilnes’enintéressepasmoinsauxfemmesquandellessontravissantes.Cette idylle brève et passionnéequ’il a connue en1934avecunejolieSylviaadonnénaissanceàunegaminequiluiressemblebeaucoup.

Le17novembre,lasallePleyelvaréserverunbelaccueilauQuintetteetcesuccèspermettradeprolongerlesfestivitéssurlascènedel’A.B.C.,pourquelquesdates.JazzHots’enfaitl’échodanssonnumérodedécembre1947,souslaplumed’uncertainDaphnis : «Django, croyons-nous, n’avait pas joué si bien enpublicdepuisplusieursannées.Ileutdeschorusquirappelaientle merveilleux improvisateur que nous avions connu.

L’abondancedesidéesmélodiquesledisputaitàlavirtuositédel’exécution et à la saveur de l’accompagnement. Il semblecependantneplusjoueraveclamêmeflamme,lemêmedésirdecréer qu’autrefois ; mais c’est peut-être là une impressionpersonnelle. » En effet, l’appréciation est subjective, à moinsqu’ellenesoitpilotéeensous-mainparunDelaunaysoucieuxd’entretenir cette version acoustique du Quintette, tout endécochantunepetiteflècheàl’encontredesonguitaristepasséàl’ennemi.Toujoursest-ilque,les21et28novembre,l’émissionde radio Surprise Partie accueillera longuement Django etStéphaneaveclamêmeformation,avantquechacunnes’enaillechasser à nouveau sur ses propres fiefs. Une quinzaine demorceaux seront couchés sur acétate pour des diffusionsultérieures, et certains thèmes autrefois enregistrés en studiodans les années 1930 apparaissent ici transfigurés par lesconditionsd’enregistrementdelaradioquisemblentréussirauxdeux solistes. Détendus, prolixes, inspirés, intrépides, ilsn’avaient pas dialogué avec une telle bonne humeur depuislongtemps.

LecomettisteRexStewart,ancienmembredel’orchestredeDuke Ellington, demande à rencontrer Django lors de sonpassage à la salle Pleyel le 5 décembre 1947. Il ne peut pasquitter Paris sans avoir enregistré avec le Manouche à qui ilvoueuneréelleadmiration.Cinqjoursplustard,EddieBarclayse fait l’entremetteur de la séance et les deux musicienss’installentaustudioTechnisonorpourdeuxtitres:NightAndDayinterprétéselonuncompromisdontpersonnen’estvraimentdupetellementçaalacouleurdube-bopsansenavoirlasaveur.En revanche, Confessin’ ne cherche pas à répondre auxtendances modernes dont Rex Stewart est friand maisvisiblementéloigné,etcetteballadetrouvesaplénitudedansunjeu conforme à l’esprit d’un swing dont personne ne pense à

renierlesvaleurs.HuguesPanassiéquisupervisecetteséancepour lecompte

de Barclay va faire preuve d’une croustillante perversitélorsqu’il oublie d’inviter le Quintette du Hot Club de FrancelorsdupremierFestivaldejazzdeNiceenfévrier1948.Ilaencharge la programmation de cette manifestation qui est unévénementpuisqu’il s’agitniplusnimoinsdupremier festivalde jazz jamais réalisé aumonde. L’affiche, conformément auxgoûtsprononcésduprélat,estd’untraditionalismedebonaloi.On y voit l’indétrônable Louis Armstrong et son Ail Starscomprenant le pianiste Earl Hines, le clarinettiste BarneyBigard, le tromboniste JackTeagarden, lecontrebassisteArvellShaw et le batteur Sidney Catlett, tousmusiciens de légende.Les soirées se déroulent surtout autour de personnalitésaméricaines comme le saxophoniste Lucky Thompson ou leclarinettiste Mezz Mezzrow, et le seul groupe français estClaude Luter et ses Lorientais, sympathiques musiciensrevivalistesquinedérangentenrienlecredodePanassié.

EnoccultantdélibérémentDjangoetGrappelli,lamauvaisefoi est à son comble. Le scandale couve et la rumeur enfle.Armstrongenpersonnes’étonnedenepasvoirleQuintettedontla renommée n’est plus à faire. Les spectateurs, comme lesorganisateurs locaux, qui sont peu au fait des divergencesintestines du milieu, se demandent bien pourquoi on n’a paspensé aux représentants les plus prestigieux du jazz français.Devantletollégénéraletsouslapressiondesautoritéslocales,Panassié est contraint de s’incliner et invite le Quintette à ladernièreminute.Legroupen’auradroitqu’àlaportioncongrue,maissetailletoutdemêmeunsuccèsretentissant,ausoirdu28février,faisantdumêmecoupunbeaupieddenezàl’inquisiteurmontalbanais.

Cemêmemois de février,Django a croiséDizzyGillespie

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êtresimplementlui-même.Sonjeuesttellementchargéetporteensoiunetelle«modernité»qu’ils’inscritnaturellementdansn’importe quel contexte. Que le public vienne nombreux ouqu’il soit clairsemé, Django se sent bien. Il s’est trouvé unenouvelle tribu. Il abandonne la caravane sur le campement duBourget et s’installe avec Naguine et Babik à l’hôtel Crystal,situé rue Saint-Benoît, juste en face du club. Daniel Gélin,acteur alors en début de carrière, habite dans le mêmeétablissementetsesouviendraplus tardqueJean-PaulSartre«évoquait souvent le petit Babik, qui chipait des sucres et despetitspainsàlaterrasseduCafédeFloreetdisparaissaitcommeuneflècheaucoindelarue.Plusd’unefois,ilrapportachezluidespetitescuillèresenargentqu’ilavaitchipées,etDjangoétaittrèsfierquesonfilsperpétuâtcettetraditiongitane20».

Le Manouche reprend goût à la vie et renoue rapidementavecseshabitudesparisiennes.Lebillardetlepoker,lesfinsdenuitdevantunbockdebièreàPigalle,unspectaclededanseaupalais de Chaillot où il est bouleversé par laMusique pourcordes, percussions et célesta de Béla Bartók, quelques filmsaméricainssurlesboulevards,lesdînersentreamis,lesviréesenvoiture et le plaisir de se faire arrêter par des motards qui lelaissentrepartiruniquementparcequ’ilestM.Reinhardt.Pourtoutpermisdeconduire,illuisuffitdemontrersamaingauche.Il n’en faut pas plus aux policiers pour savoir qu’ils ont eul’honneur d’intercepter le célèbre guitariste aux trois doigts.Circulez,Djangoestderetouretl’existencesouritànouveau.

Aprèsavoir jouépourquelquesémissionsde radiodans lecourantdumoisdefévrier1951,Djangoestenstudioavecsonnouveaugroupe,pourDecca,le11mai.Quatretitreslimpides:DoubleWhisky,DreamOfYou,ImpromptuetVampoùleplaisirde jouer, la jubilation de partager, la stupéfaction d’être enfin

libérétranspirentàchaqueétincelledenote.Lasaisond’étéserafraîche.Legroupeseproduitàl’ombre

du casino de Knokke-le-Zoute, en Belgique. Tout va pour lemieux,lachanceestaurendez-vousautourdutapisvertet,àlafin du contrat,Django se permet de rejoindre son domicile entaxi.Désormais,lafamilleestinstalléeàlacampagne,dansunepetitemaisonàunesoixantainedekilomètresausuddeParis.EnpleincœurduvillagedeSamois,DjangoetNaguineviventpresquecommedesgadgés.Àquelquesdétailsprès,carBabikne fréquente pas trop l’école, les cousins sont souvent depassageet ilarrivequ’onentende laguitaredupèredefamilleune bonne partie de la nuit. Quand il n’a pas d’engagement,Djangojoueaubillard,seconsacreà lapeintureetnemanquejamaisuneoccasiond’allerpêcher.Ilpassedesheuresdevantleseaux paresseuses de la Seine. Quitte à se fixer quelque part,autantquecesoitdevantunpaysageenmouvement,uneillusiondevoyage,uneinvitationauxpenséesvagabondes.

Le30janvier1952,Djangoenregistrequatrenouveauxtitrespour Decca. Le vibrant Roger Guérin remplace Hullin à latrompette, Bamey Spieler reprend le poste de Michelot. LesfrèresFol etLemarchand sont fidèles auposte. Il n’ya jamaisaucuneffetderedondancenidedémonstration,encoremoinsdefroideur ou d’autosatisfaction dans ces faces pourtant trèssavantes et virtuoses. Personne ne se laisse aller à unquelconquemimétismedesmodèlesaméricainssurKeepCool,unthèmeàladécontractionsophistiquée,dontlarespirationestassezprochedel’universdeMilesDavis;Flèched’or,toutendécoupesvirevoltantes,accordsimplosifsetvertigesélectriques;Troublantboléro,commelapochadelanguided’untropiquederêveshumides,roulédansunhamacàsixcordesdontonnepeuts’échapper ; Nuits de Saint-Germain-des-Prés où l’on courtd’unpointà l’autre,dans l’espoird’ydécrocher lespoussières

d’unpianoétoilé,furieusementinsouciantetfébrile,quitteàs’ybrûler lesailes.Uneséanceimpeccable,de lapremièrenotedetrompettejusqu’audernierroulementdecaisseclaire.

Dix jours avant cette séance, le groupe s’est rendu auThéâtredesGaleries,àBruxellespourunconcertorganiséparleHot Club de Belgique. Django réalise qu’il attire beaucoupmoinsd’auditeursqueparlepassémaisiln’enestpastroubléetselivretoutentierdanssanouvellemusique.JazzHotenfaitlecompte rendudans le numérodumois demars 1952 : «Maisc’estdansl’harmoniequel’écolemoderneapucolorerlestyledeDjango.Reinhardtatoujoursétéunharmonistedegénie.Ilal’art de prendre, dans l’accord, la note la plus osée, tout enconservant la justesseet labalance.Grâceà lapuissancede laguitare électrique, cette technique atteint lamoelle épinière del’auditeur,luiarrachantpresquedessensationsextra-musicales.Un sommet du genre est son chorus en doubles cordes surYesterdays.»

Les traces enregistrées seront plutôt rares en cette année1952, Django gravera en sextette le titre Nuits de Saint-Germain-des-Prés, pour l’hypothétiquemusique d’un film quidoits’intitulerLaRoutedubonheur. Ilparticiperaégalementàl’émissionderadioJazzVariétésaveclegrandorchestred’AiméBarelli. Sur deuxpièces concertantes (Yesterdays et Lover), leguitariste sera particulièrement bien enveloppé dans lessomptueuxarrangementsqueluiaconcoctésletrompettiste.

Django sort peu de sa retraite campagnarde. Il préfèredésormaislesrencontresraresetrespectueusesplutôtquedeseperdredansdesexpériencesindignes.UnarticleparaîtdansLaMarseillaise du 3 janvier 1953, où il est question de sonnouveau mode de vie : « À Samois, Django est hautementrespecté, pas tellement parce qu’il estDjangoReinhardt,maisparcequ’iljouemerveilleusementaubillardetquegrâceàluile

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Saxophonesoprano:(ss)Saxophoneténor:(ts)Trombone:(tb)Trompette:(tp)Tuba:(tu)Vibraphone:(vib)Violon:(v)Xylophone:(xyl)

1928

20juin,ParisJeanVaissadeJeanVaissade (acc),DjangoReinhardt (bjo), inconnu (sifflet àcoulisse).Marégulière/Griserie/Parisette/LaCaravane.

Mai-juin,ParisJeanVaissadeJean Vaissade (acc), Jiango Renard (Django Reinhardt) (bjo),FrancescoCariolato(xyl).Amour de gitane/Aubade charmeuse/Môme lagratiche/L’Ondée/LaPlusBelle/Déceptiond’amour.

Septembre-octobre,ParisVictorMarceauVictor Marceau (acc), Érardy (siffleur), Jeangot (DjangoReinhardt)(bjo).MissColumbia/Aupaysdel’Hindoustan/Tarragone/Moiaussi.

193128mai,ToulonLouisVolaetsonorchestreLouis Vola (acc, b, dir), Doubraire (p), Jules Pouzalgues (v),

DjangoReinhardt(g),Lixbot(voc),inconnus(dm,tp,tb,s).Canaria/C’estunevalsequichante/Carinosa.

1933

14mars,ParisÉlianedeCreusÉlianedeCreus(voc),JefdeMurel(dir),FaustinJeanjean(tp),LéonFerreri (tp, tb, v),Roger Jeanjean (as, cl), Paul Jeanjean(ts, cl), Russell Goudey (as, bs), Michel Warlop (v), MichelEmer(p,arr),DjangoReinhardt(g),HenriBruno(b),MaxElloy(dm).Yenn’apasdeuxcommemoi.

L’orchestreduthéâtreDaunouMêmeorchestre+JeanSablon(voc)remplaceÉlianedeCreus.Ah!LaBiguineMêmeorchestresanschanteurs.Sij’aimeSuzy.

ÉlianedeCreusetJeanSablonMichel Emer (p), Django Reinhardt (g), Max Elloy (dm) +ÉlianedeCreusetJeanSablon.Parcequejevousaime/Sij’aimeSuzy.

19mars,ParisGuérinoetsonorchestremusettedeLaBoîteàMatelotsV.Guérino(acc,dir),PierrePagliano(v),Pierre«Baro»Ferret(gsolo),DjangoReinhardt,LucienGallopain(g),«Tarteboulle»(b),inconnu(voc).Brisenapolitaine/Vito/Gallito/Nesoispasjalouse.

3avril,Paris

JeanSablonJeanSablon(voc),LéonFerreri(p,voc),MichelEmer(cel,voc),DjangoReinhardt(g,voc),MaxElloy(dm).LeMêmeCoup/Jesuissex-appeal.

1934

16janvier,ParisJeanSablonacc.parAndréEkyanetsonorchestredejazzJean Sablon (voc), André Ekyan (cl, as, dir), GastonLapeyronnie, George Hirst (tp), Eugène d’Hellemmes (tb),Maurice Cizeron (cl, as), Andy Foster (as, bs), StéphaneGrappelli (v), Michel Emer (p), Django Reinhardt (g), RogerGrasset(b),MauriceChaillououMaxElloy(dm).Lejouroùjete vis/Un sou dans la poche/Prenez garde au grandméchantloup/Passurlabouche.

6février,ParisGermaineSablonacc.parMichelWarlopetsonorchestreGermaine Sablon (voc), Michel Warlop (dir), Noël Chiboust(tp),MarcelDumont,IsidoreBassart(tb),CharlesLisée,AndréEkyan (cl, as), Amédée Charles (as, ts), Alix Combelle (ts),Stéphane Grappelli (p), Django Reinhardt (g), Roger Grasset(b),McGregor(dm).Unjour,surlamer/Icil’onpêche.

26février,ParisMêmeformationquele6février.Icil’onpêche/Toboggan/Cellequiestperdue.

16mars,ParisMichelWarlopetsonorchestreMichel Warlop (v, dir, arr), Maurice Mouflard, Pierre Allier,

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DickyWells (tb, arr, dir),BillDillard,Lester «Shad»Collins,BillColeman(tp),DjangoReinhardt(g),RichardFullbright(b),BillBeason(dm).Bugle Call Rag/Between The Devil And The Blue Sea/I GotRhythm/Sweet Sue/Hangin’ Around Boudon/JapaneseSandman.

AndréEkyan(assolo),DjangoReinhardt(g).PenniesFromHeaven/TigerRag.

9septembre,ParisPhilippeBrunetsonorchestrePhilippe Brun (tp, dir), Stéphane Grappelli (p), DjangoReinhardt (g solo), Louis Gasté (g), Eugène d’Hellemmes (b),MauriceChaillou(dm).WhoaBabe!/PB.FiatBlues.

Django Reinhardt (g solo), Louis Gasté (g), Eugèned’Hellemmes(b).St.LouisBlues/Bouncin’Around(RhythmInGMinor).

29septembre,ParisEddieSouthEddieSouth (v solo),DjangoReinhardt (g),Wilson«Serious»Myers(b).Eddie’sBlues/SweetGeorgiaBrown.

TriodeviolonsMichel Warlop, Stéphane Grappelli, Eddie South (v), DjangoReinhardt(gsolo),RogerChaput(g),WilsonMyers(b).LadyBeGood.

DuodeviolonsStéphaneGrappelli,EddieSouth(v),DjangoReinhardt(gsolo),RogerChaput(g),WilsonMyers(b).Dinah/Daphné.

MichelWarlopetStéphaneGrappelliMichel Warlop, Stéphane Grappelli (v), Django Reinhardt,RogerChaput(g).YouTookAdvantageOfMe.

StéphaneGrappelliStéphaneGrappelli(v),DjangoReinhardt(g).I’veFoundANewBaby.

Novembre,LaHaye(Pays-Bas)QuintetteduHotClubdeFranceStéphane Grappelli (v), Django Reinhardt (g solo), JosephReinhardt,EugèneVees(g),LouisVola(b).Dutch Polygon Journal (fragments radiophoniques nonidentifiés).

19novembre,ParisBillColemanandhisorchestraBill Coleman (tp, dir), ChristianWagner (cl, as), Frank «BigBoy» Goudie (ts, cl), Emil Stern (p), Django Reinhardt (g),LucienSimoens(b),JerryMengo(dm).IAin’tGotNobody/Baby,Won’tYouPleaseComeHome?/BigBoyBlues/SwingGuitars/BillColemanBlues(tpsolo+D.R.).

23novembre,ParisEddieSouthEddieSouthEddieSouth(v),DjangoReinhardt(g),PaulCordonnié(b).

SomebodyLovesMe/ICan’tBelieveThatYouAreInLoveWithMe.

25novembre,ParisEddieSouthEddieSouth,StéphaneGrappelli(v),DjangoReinhardt(g),PaulCordonnié(b).Interprétation swing du Ier mouvement du concerto en rémineur de J.-S. Bach/Improvisation sur le 1er mouvement duconcertoenrémineurdeJ.-S.Bach/FiddleBlues.

25novembre,ParisQuintetteduHotClubdeFranceStéphane Grappelli (v), Django Reinhardt (g solo), JosephReinhardt,EugèneVées(g),LouisVola(b).Bricktop/Speevy/MinorSwing/VipersDream.

7décembre,ParisQuintetteduHotClubdeFranceavecMichelWarlopMêmeformationqueprécédemment+MichelWarlop(v).SwingingWithDjango/ParamountStomp.

14décembre,ParisQuintetteduHotClubdeFrance+cuivresetcordesAndréComille,GusDeloof,PhilippeBrun(tp),GuyPaquinet,Josse Breyere (tb), Paul Bartel, Joseph Swetchin, MichelWarlop(v), Django Reinhardt (g solo), Joseph Reinhardt,EugèneVées(g),LouisVola(b).

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(g),EmmanuelSoudieux(b),PierreFouad(dm).Hungaria/OutOfNowhere.

DjangoReinhardtetleQuintetteduHotClubdeFranceDjangoReinhardt(gsolo,arr),HubertRostaing(cl,arr),EugèneVées(g),EmmanuelSoudieux(b),PierreFouad(dm).Dinette/Crépuscule/Swing42.

26septembre,ParisFestivalSwing1942Part 1 : Hubert Rostaing et son orchestre, Jam Session, GusViseuretsonorchestre,AlixCombelleetleJazzdeParis.Part2:AiméBarellietsonorchestre,MichelWarlopTrio.DanyKaneQuintette,Django’sMusic.FestivalSwing42(Part1etPart2).

1942

31mars,ParisHubertRostaingetsonorchestreHubertRostaing(cl,arr,dir),AiméBarelli(tp),NoëlChiboust(ts),EddieBarclay (p),EugèneVées (g),DjangoReinhardt (bsolo),EmmanuelSoudieux(b),AndréJourdan(dm).Premièreidéed’Eddie(Petitpéchémignon).

Django’smusicDjangoReinhardt(gsolo),HubertRostaing(cl,as,arr),Pierre-Séverin Luino, Alex Caturegli, Aimé Barelli (tp), MauriceGladieu, Pierre Rémy (tb),Maurice Cizeron (as, fl), ChristianWagner(as),NoëlChiboust(ts),PaulCollot (p),EugèneVées(g),EmmanuelSoudieux(b),AndréJourdan(dm).Nymphéas/Féerie.

DjangoReinhardtetleQuintetteduHotClubdeFranceDjangoReinhardt (g solo),HubertRostaing (cl),EugèneVées(g),EmmanuelSoudieux(b),AndréJourdan(dm).Belleville/Lentement,mademoiselle.16avril,BruxellesDjangoReinhardtDjangoReinhardt(g,v),IvondeBie(p).Vousetmoi/Distraction/Bluesenmineur/Studio24.

DjangoReinhardtet songrandorchestre (FudCandrixetsonorchestre)Django Reinhardt (g solo), Fud Candrix (cl, ts, arr, dir),Maurice Giegas, Lucien Devroye, Janot Morales (tp), NickFrérar, Louis Melon (tb), Bobby Naret, Lou Logist (cl, as),BennyPauwels(cl,ts),VictorIngeveld(ts,fl),IvondeBie(p),EugèneVées(g),EmmanuelSoudieux(b),AndréJourdan(dm).PlacedeBrouckère/Seulcesoir/Mixture/BeiDirWarEsImmerSoSchön.

8mai,BruxellesDjango Reinhardt - Stan Brenders et son orchestre dedanseDjango Reinhardt (g solo, arr), Stan Brenders (dir), PaulD’Hondt,RaymondChantrain(tp),GeorgesClais(tpsolo),JeanDamm,SusVanCamp(tb),LouisBillen,JoMagis(as,cl),JeffVanHeerswingels (ts), JackDemany (ts, v, arr),ArthurSaguet(bs, ts, cl, arr), Jean Douillez, Walter Féron, Émile Deltour,ChasDolne(v),JohnOuwerx(p),JimVanderjeught(g),ArthurPeters(b),JosseAerts(dm).Divine biguine/Nuages/Djangologie/Eclats de cuivre/DjangoRag/Dynamisme/Tonsd’ébène/Chezmoiàsixheures.

1943

17février,ParisDjangoReinhardtetleQuintetteduHotClubdeFranceDjango Reinhardt (g solo), André Lluis, Gérard Lévêque (cl),EugèneVées(g),JeanStome(b),GastonLéonard(dm).Douceambiance/Manoirdemesrêves/Oui/Cavalerie.

26février,ParisDjangoReinhardtetleQuintetteduHotClubdeFranceDjango Reinhardt (g solo), Gérard Lévêque (cl), EugèneVées(g),JeanStorne(b),GastonLéonard(dm).Fleurd’ennui.

DjangoReinhardtDjango Reinhardt (g solo), Eugène Vées (g), Jean Storne (b),GastonLéonard(dm).Blues clair/Improvisationn°3 (take1)/Improvisationn°3 (take2).

12mars,ParisDjango Reinhardt et son orchestre (Fud Candrix et sonorchestre)Django Reinhardt (g solo), Fud Candrix (cl, ts, arr, dir),Maurice Giegas, Lucien Devroye, Janot Morales (tp), NickFrérar, Louis Melon (tb), Bobby Naret, Guy Plum (cl, as),Benny Pauwels (cl, fl, ts), Ivon de Bie (p), Eugène Vées (g),Emmanuel Soudieux (b), Pierre Fouad (dm), Gérard Lévêque(arr).Belleville/Oubli/ZuiderzeeBlues.

7juillet,ParisDjangoReinhardtetsonorchestreDjango Reinhardt (g solo, arr, dir), Alex Caturegli, Maurice

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éditions,1983.Tournés, Ludovic, New Orleans sur Seine, éditions Fayard,1999.Williams, Patrick, Django, éditions du Limon (rééd.Parenthèses),1991.

De nombreuses publications périodiques ont également étéconsultées,notammentlesmagazinesJazzHot,JazzMagazine,Jazzman,DownBeat,Metronome,FrenchGuitar,ainsiquelesrevues Etudes tziganes, Les Cahiers du jazz et Ethnologiefrançaise.

Remerciements

Max Robin pour sa générosité, son érudition, son ironiediscrète, son redoutable «Band of Gypsies» et ses «Ferrailleuses».

Philippe Cuillerier que tout le monde appelle «Doudou»parce que c’est le crooner-guitariste-bourlingueur le plusattachantquej’aiejamaisrencontré.

PatrickFrémeauxquiestunhommed’affectavantd’êtreunhomme d’affaires. Longue vie à son entreprise de salubritéculturelle.

AlainAntoniettoetDanielNeversquejen’aijamaiscroisésetquim’ontpourtantbeaucoupapporté.Chacun,àsamanière,afournidestravauxessentiels.QuesainteSaralesprotège.

Maurice «Prez» Cullaz qui avait toujours une anecdotecroustillanteàm’offrir.Ilétaitd’unebonnemauvaisefoiquifaitsouventdéfautaujourd’hui.Lesondesavoixmemanque.

StéphaneGrappelli,ensouvenird’uneinterviewaussidrôleque stylée, que nous avons achevée dans les bulles dechampagneetlesarpègesd’unpianodroit.

Et,bien sûr,CharlesDelaunayavecqui j’ai troppeuparlélorsque je le rencontrais parfois dans le passage de la Boule-Blanche.Seslivresdesouvenirsontétéprécieuxetonnerendrajamaisassezhommageàsontravaild’orpailleur.

Enfin, je voudrais évoquer Jacques Montagne que j’airencontré un jour de 1977, dans un magasin d’instrumentsd’occasion. Assis sur un petit ampli, il jouait au fond de laboutique sur une vieille Favino électrique dont le vernis étaitpassablementécaillé.Jesuisrestéplantélà,àl’écouterpendantplusd’uneheure,etjenesavaispasalorsqu’ilétaitunegrandefiguredujazzmanouche,undecespasseursquicomptentdans

l’histoire.Àvraidire, jen’avaisencore jamaisvuunguitaristecapabledes’exprimeraussiviteetavecautantdeprofondeur,enutilisantseulementdeuxdoigts.Jen’aipasoséluiparler,etcen’estpasplusmal.J’aiapprisplustardquecethommeétaitpeuloquaceetassezsolitaire.Maissaguitarem’enavaitditassez.Jeluidoisunedemesplusfortesémotionsmusicales.

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