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Trois mois avant sa mort, le Prophète de l’Islam venait de parachever notre religion à Ghadir Khom 1 après son dernier pèlerinage à la Mecque, par ce verset : « Aujourd’hui j’ai parachevé pour vous votre religion et accompli sur vous mon bienfait. Et il m’agrée que l’Islam soit votre religion. » (Le Plateau servi, 5 : 3 ). Ainsi après avoir transmis aux hommes la Révélation Divine (le Coran) et effectué son pèlerinage d’adieu à la Mecque, il ne lui restait qu’à désigner le successeur que Dieu Lui-même avait choisi pour poursuivre Son œuvre de Salvation de Ses créatures. Ce qu’il fit à Ghadir Khom avant de conclure par ce fameux verset que nous venons de citer. Il est donc clair que le Prophète devait quitter ce monde une fois et seulement une fois sa mission accomplie. Et aussi que Dieu, toujours dans Son Amour illimité pour Ses créatures, avait laissé aux hommes la voie libre pour garder le cap vers la Société de l’Unicité Divine en 1 Voir l’histoire de Ghadir Khom dans les commentaires de la preuve 11 du chapitre sur les preuves.

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Trois mois avant sa mort, le Prophète de l’Islam venait de parachever notre religion à Ghadir Khom1 après son dernier pèlerinage à la Mecque, par ce verset :

« Aujourd’hui j’ai parachevé pour vous votre religion et accompli sur vous mon bienfait. Et il m’agrée que l’Islam soit votre religion. » (Le Plateau servi, 5 : 3 ).

Ainsi après avoir transmis aux hommes la Révélation Divine (le Coran) et effectué son pèlerinage d’adieu à la Mecque, il ne lui restait qu’à désigner le successeur que Dieu Lui-même avait choisi pour poursuivre Son œuvre de Salvation de Ses créatures. Ce qu’il fit à Ghadir Khom avant de conclure par ce fameux verset que nous venons de citer.

Il est donc clair que le Prophète devait quitter ce monde une fois et seulement une fois sa mission accomplie. Et aussi que Dieu, toujours dans Son Amour illimité pour Ses créatures, avait laissé aux hommes la voie libre pour garder le cap vers la Société de l’Unicité Divine en leur désignant les deux poids auxquels il fallait s’accrocher pour ne pas se perdre : le Livre de Dieu et la Descendance2 du Prophète à commencer par l’Imam Ali Ibn Abi Taaleb.

Le libre arbitre et la faiblesse de l’homme devant l’attrait du pouvoir vont déjouer ce grand dessein à travers une bataille pour la succession qui n’aura une fin que dans l’éclatement de la Communauté Islamique en une constellation de petits groupes et surtout l’éloignement de la seule Voie que tous reconnaissent comme véridique, celle de la Descendance du

1 Voir l’histoire de Ghadir Khom dans les commentaires de la preuve 11 du chapitre sur les preuves.2 Certains Sunnites avancent à tort qu’il s’agit de la Tradition (Sunna) du Prophète et non de sa Descendance. Quand on sait que les deux premiers Califes (Abu Bakr et Omar) avaient interdit d’écrire la Sunna du Prophète de peur qu’on ne la confonde avec le Coran – Omar avait même décrété que « le Livre de Dieu nous suffit.» – on ne peut soutenir qu’on puisse fonder sa foi sur ce qu’on refuse d’écrire et qui n’a aucun autre véhicule de transmission fiable; contrairement à la Descendance du Prophète qui, elle, se perpétuera, In Challah, jusqu’à la fin des temps.

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Prophète. Encore que là nous ne parlons pas des chiites qui, toutefois, s’en réclament.

I – LE TESTAMENT DU PROPHETE   :

Recommandation divine

Dieu dit :«Quand la mort s’approche de l’un de vous, s’il laisse

du bien, le testament vous est prescrit en faveur des pères et mères et des proches, selon l’usage. C’est un devoir pour les pieux.

Donc quiconque l’altère après l’avoir entendu, alors le péché pèse sur ceux qui l’ont altéré. Dieu entend, vraiment, Il sait.

Mais quiconque craint d’un testateur quelque injustice ou péché, et les réconcilie, alors, pas de péché sur lui. Dieu est Pardonneur, vraiment, Miséricordieux ! » (Baqâra, 2 : 180 à 182)

Le Prophète, Meilleur des hommes, Reflet de la perfection divine, ne pouvait déroger à la règle, laissant sa Communauté sans testament donc sans successeur, surtout quand on sait l’importance et la valeur de son héritage.

Le Prophète a effectivement laissé des choses que personne n’a laissées et celles-ci exigent un testament. Nous savons qu’il a laissé la religion d’Allah à son premier stade et dans sa première jeunesse, ce qui rend le légataire plus important encore que s’il y avait de l’or ou de l’argent, une maison ou un terrain, un labour ou des bêtes. La nation toute entière a besoin du légataire qui remplace le Prophète, qui s’occupe de ses problèmes, qui administre les affaires de ce monde et de la religion et soit le garant de la continuité dans le droit chemin de Dieu.

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Il est de ce fait impossible, tant sur le plan de la Loi de Dieu (le Coran) que sur celui de la raison pure et encore moins sur celui de la vérité historique, que le Prophète n’ait laissé un testament à sa communauté contrairement à ce que soutiennent à tort mais aussi à dessein ceux qui veulent justifier la succession des trois premiers Califes que sont Abu Bakr, Omar puis Usmân. D’autant plus que ces derniers n’étaient pas protégés de l’erreur comme le Prophète et que par conséquent ils n’ont pas besoin de cela pour voir leur honorabilité sauvée. Car ils ont par ailleurs leurs mérites et que Dieu seul sait quel sort il réserve à ses serviteurs.

Le contenu du Testament

Dieu dit :«Ô Messager, communique ce qui a été descendu vers

toi de la part de ton Seigneur; - si tu ne le faisais pas, alors tu n’aurais pas communiqué Son message. Et Dieu te protégera des gens. Non, Dieu ne guide pas le peuple mécréant.» (Ma’îda, 5 : 67)

Ainsi le Prophète avait reçu de Dieu l’ordre de communiquer à son peuple le nom de son successeur. C’est ce qui amena le Prophète à réunir son peuple expressément à Ghadir Khom dans les conditions que l’on sait pour lui annoncer solennellement son successeur et légataire:

« Vous croyez qu’il n’y a de dieu que Dieu, que Mohamed est Son messager et Son Prophète, le Paradis et l’enfer sont des vérités, que la mort et la résurrection sont certaines, n’est-ce pas ? »

Ils répondirent tous :  «Oui, nous le croyons !»Il les informa alors qu’il sera bientôt rappelé par son

Seigneur, puis il prononça cette adjuration :« Celui dont je suis le Maître Ali aussi est son Maître.

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Que Dieu soutienne ceux qui soutiennent Ali et qu’il soit l’Ennemi de ceux qui deviennent les ennemis de Ali. »

Oumar et Abu Bakr firent partie des premiers à féliciter l’Imam Ali. Oumar le fit en ces termes :

« Bakhin! Bakhin! (soit Bravo!) Tu es devenu le maître de tous les croyants et croyantes.»

Le testament n’est-il pas le fait de confier certaines de ses affaires à un autre ?

Si oui alors le testament fait à Ali par le Prophète ne peut être nié, car il n’y a aucun doute qu’il lui a confié, après lui avoir légué la science et la sagesse, la tâche de le laver, de le préparer et de l’enterrer3 ainsi que d’acquitter sa dette, d’accomplir sa promesse, de libérer sa conscience, et de montrer aux gens le vrai, les lois et les règlements établis par Allah l’Exalté, lorsqu’ils seront dans la discorde. Il fit savoir à sa nation que Ali est son dirigeant après lui, qu’il est son frère, le père de ses enfants et son ministre. Il est également son proche, son légataire, la porte de sa citadelle du savoir, la porte de sa maison de sagesse, la porte de la rémission de cette nation, sa sécurité et l’arche de son salut4.

Rappelons-nous que la première fois que le Prophète fit connaître solennellement le successeur que Dieu avait choisi pour lui remonte à l’appel à l’Islam5 que Dieu lui avait demandé de lancer à ses proches au tout début de la Révélation.

Il n’a cessé, depuis lors, de rappeler ce testament jusqu’à l’heure de sa mort. Il a voulu, à cet ultime instant, écrire son testament à Ali pour confirmer ses promesses verbales. Il dit : « Apportez-moi de quoi vous écrire quelque chose qui vous empêcherait de vous égarer à jamais. » Ils se sont disputés alors qu’il faut éviter de le faire devant le Prophète, 3 Dans Tabaqât de Ibn Sa’ad Page 61. « Le prophète a recommandé que personne d’autre que moi ne le lave », y dit Ali.4 Cf. « Correspondances » de Sheikh Salim Al-Bishri et Sharafeddine Al-‘Amili. Page 183.5 Cf. commentaire du verset P7 « Avertis ton clan le plus proche » Paragraphe II-2-2.

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ils ont dit : le Messager d’Allah délire6 (yah-jur, en arabe) – que cela déplaise à Dieu. Alors même que Allah dit dans le Saint Coran que le Prophète ne délire jamais et que tout ce qu’il dit est fondé et doté de sens (voir l’Assama du Prophète, chapitre III Conséquence et enjeux).

Il a alors compris, suite à cette parole, qu’il ne resterait trace de cette écriture que la sédition. Il leur ordonna : « levez-vous ». On peut se demander si ces compagnons se rappelaient en ce moment-là ce verset du Saint Coran :

«Ô vous qui avez cru ! N’élevez pas vos voix au-dessus de la voix du Prophète, et ne haussez pas le ton en lui parlant, comme vous le haussez les uns avec les autres, sinon vos œuvres deviendraient vaines sans que vous vous en rendiez compte.» (Les Appartements, 49 : 2)

Ensuite il se contenta de ses engagements verbaux et leur recommanda malgré cela trois choses : qu’ils fassent de Ali leur commandant, qu’ils chassent les polythéistes de l’Arabie et qu’ils rétribuent la délégation, comme il la rétribuait. Mais le pouvoir et la politique en ces jours-là empêchèrent les traditionnistes de rapporter la première recommandation ; ils prétendirent l’avoir oubliée. Al Boukharî dit, à la fin du hadith contenant leur déclaration «le Messager d’Allah délire », ce qui suit : « il recommanda, à sa mort, trois choses : sortez les polythéistes de l’Arabie, rétribuez la délégation comme je la rétribuais, puis il ajouta : j’ai oublié la troisième. Ainsi le rapportent Muslim dans son hadith et les autres auteurs de Sunnans et de hadiths.  

A sa communauté le Prophète a plusieurs fois recommandé de s’accrocher aux deux poids7: le Livre de Dieu et la Sainte Descendance du Prophète. Rappelons à ce sujet le Hadith-ul thakhaleyni :

6 Rapporté en ces termes par Mohammad b. Ismâ’îl al-Bukhâri dans son Sahih P118 du vol.II, rapporté par Muslim et par Ibn Hanbal.7 Pour plus de détails voir le commentaire du verset P1 sur les Ahl-ul Beyt (II-2-1) dans le chapitre II.

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« Je vous lègue deux poids: le premier c’est le Livre de Dieu dans lequel sont votre Guidance et votre Lumière. Puisez dans ce Livre et accrochez-vous à ce Livre et à ma descendance (Ahl-ul-Beyt), ma descendance, ma descendance. », d’après Sahih Muslim de Muslim, Tome II à la page 238.

En conclusion, même si le testament n’a pas été rédigé au moment voulu, il est donc connu de tous parce que prononcé par le Prophète en personne à plusieurs reprises et devant témoins.

La source de la contestation

Pourrait-on un seul instant, à la suite de ce qui précède, douter de ce que le Prophète ait laissé à la Umma un testament faisant de l’Imam Ali Ibn Abi Taaleb son successeur et son légataire?

Hélas on trouve bien des musulmans qui doutent et même réfutent cette réalité toute évidente.

Les prémices de la contestation du testament du Prophète de l’Islam, acte hautement condamnable si on se réfère aux versets cités au début de cette partie du livre (Sourate II, versets 180 à 182), remontent à l’époque où le Prophète attendait le moment propice pour communiquer le Message que Dieu attendait de lui.

En effet, « La protection contre les gens » que Dieu promet au Prophète dans ce verset, ne se justifie que, d’une part dans l’inimitié que nourrissaient certains compagnons du Prophète à l’endroit de l’Imam Ali et d’autre part dans le désir maléfique de retirer à la branche Banu Hachim (celle du Prophète) de la tribu Khoraïch le Khilafat et de ne lui laisser que l’Imamat - moins matériel à leurs yeux et d’ailleurs plus difficile d’accès - dissociant ainsi deux aspects d’une même

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chose : la Connaissance et le Pouvoir ; ignorant également la valeur globale et unitaire de la Connaissance et ses liens symbiotiques avec le vrai Pouvoir. Car dans le Grand Dessein de Dieu, le Détenteur du Pouvoir est aussi Détenteur de la Connaissance.

Encore une fois, à travers cette bataille pour la succession qui s’annonçait, l’homme tenait à s’écarter de la Voie tracée par Dieu en suivant sa raison et non la Raison Divine.

Faisons un rapide tour d’horizon – car un livre entier n’y suffirait pas – de l’argumentation des contestataires du testament :

Tout d’abord, rappelons-nous que ceux-là mêmes qui réfutent le testament (les sunnites, en général), l’acceptent pour Abu Bakr et Omar à leur mort respective.

A ce propos, Ibn Khoutaîba, un célèbre historien sunnite, nous raconte les circonstances de la mort du Calife Omar :

Alors que Omar venait de recevoir trois coups de poignard de la part de Abu Lu Lu-âta juste avant le début de la prière du matin, le médecin venu au secours du blessé demanda à ce qu’on apporte à ce dernier la boisson qu’il aimait le plus : un jus de fruit du nom de nabîz. Le praticien demanda ensuite du lait pour être sûr de son diagnostic. Et à chaque fois le liquide que Omar buvait ressortait par l’ouverture béante laissée par l’arme. Alors le médecin lui recommanda de faire son testament.

Omar appela son fils Abdallah et l’envoya chez la mère des croyants Aïcha pour lui demander de le faire enterrer à sa mort, aux côtés du Prophète et de Abu Bakr, tant il est vrai que le mari et le père de Aïcha avaient été enterrés dans ses appartements.

Dés que Aïcha apprit la nouvelle, elle accepta la demande de Omar et pria le messager de retourner aussitôt auprès de son père pour lui dire de ne pas laisser sa communauté sans

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guide et de rédiger par conséquent un testament. Ce que, par ailleurs, avaient déjà recommandé les muhadjirins à Omar sur les lieux même du drame. Notons bien que Aïcha insista sur le fait que Omar ne devait pas laisser la Umma sans berger. Nous ajouterons : à plus forte raison le Prophète qui devait avoir de meilleures raisons de croire que son peuple ne pouvait lui survivre sans un berger en restant dans le droit chemin.

Après avoir entendu le message de Aïcha, Omar fit la réflexion suivante devant toute la foule ainsi réunie :

« Si je désigne un successeur quelqu’un de meilleur que moi l’a déjà fait (Allusion à Abu Bakr). Si je ne le fais pas quelqu’un de meilleur que moi l’a fait également (Allusion au Prophète).»

En effet Abu Bakr avait désigné Omar pour lui succéder. Usmân, qui devint troisième Calife, rédigea de sa plume ce testament avec beaucoup de patience et d’abnégation. Il lui fallut ces qualités car Abu Bakr perdait souvent connaissance pendant la dictée. Il est d’autant plus remarquable de noter ces qualités, pourtant très ordinaires de Usmân, que ce sont celles qui ont manqué à certains compagnons lorsque le Prophète, sur son lit de mort, leur demanda de lui apporter de quoi écrire. Ils dirent que le Prophète délirait (Que cela déplaise à Dieu).

Le plus fréquent des arguments que les sunnites opposent à l’existence d’un testament est le témoignage malheureusement teinté de partialité de la mère des croyants Aïcha.

En effet les Sunnites renient le testament, se basant sur le récit d’Al Bukhari dans son Sahih et les propos d’Al Aswad, disant :

« Il fut mentionné, devant Aïcha (qu’Allah soit satisfait d’elle) que le Prophète a légué à Ali. Elle réagit en ces termes: « qui le dit ? j’ai vu le Prophète, appuyé contre ma

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poitrine, réclamant la cuvette, il se pencha et mourut. Je ne ressentis rien, comment a-t-il légué à Ali ?»

Al Bukhari rapporte dans son Sahih, également d’après elle, sous plusieurs formes, disant :

«Il est mort entre ma poitrine et ma gorge. » ou bien  « il se courba sur ma cuisse ».

Dés lors s’il y avait eu à ce moment précis un quelconque testament, elle l’aurait su. Cependant le testament ne vaut pas seulement à l’heure de la mort comme nous l’avons précédemment vu.

Dans Sahih Muslim, Aïcha dit :« Le Prophète n’a laissé ni dinar, ni dirham, ni brebis, ni

chameau, il n’a rien légué. »Dans les deux Sahih, Tal’ha b. Masraf dit : « je

demandais à Abdallah B. Abi Awfa : le Prophète a-t-il légué ? Il dit : Non. Je dis : comment a-t-il demandé aux gens de léguer et qu’il ne l’a pas fait ? Il dit : il a légué le Livre d’Allah. »

Voilà bien des témoignages qui méritent quelques observations :

Voyons d’abord qui de Aïcha ou de Ali avait le Prophète contre lui au moment de sa mort.  S’il est vrai que Al Boukharî a rapporté le témoignage précité de Aïcha, il est tout aussi vrai que d’autres savants et historiens sunnites fort célèbres ont également rapporté des témoignages différents voire contraires à celui de Aïcha. Il s’agit, entre autres, de Ibn Sa’ad (dans tabaqât) et de Hâkim (dans Mustadrak) qui ont écrit et confirmé que le Prophète est mort la tête reposant sur la cuisse de l’Imam Ali. C’est aussi le point de vue des chiites qui se basent sur la chaîne de transmission des Ahl-ul Beyt, les descendants directs du Prophète de l’Islam.

Il existe également d’autres historiens qui se rapprochent de cette version mais qui soutiennent que le Prophète est mort

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sous un manteau sous lequel il avait convié l’Imam Ali au dernier moment.

Al Boukharî et Muslim d’une part, Ibn Sa’ad et Hâkim d’autre part sont de grandes références sunnites. Il est clair que la vérité ne se trouve que d’un seul côté. Et il ne serait évidemment pas juste de prendre parti pour l’un des deux côtés sans analyser sa thèse de façon tant intrinsèque qu’extrinsèque.

D’abord Al Boukharî n’a pas le monopole de la vérité, comme veulent nous le faire croire les sunnites. D’autant plus qu’il nous a plusieurs fois prouvé sa partialité dans sa narration des faits tenant à la succession.

Ensuite nous allons aborder le point le plus délicat de ce livre, « là où furent enterrés le testament et les textes manifestes. C’est là qu’ont péri le cinquième prélèvement fiscal (Khumuss), la loi sur l’héritage et le dogme. C’est là qu’est la sédition, la sédition, la sédition8. Aïcha a parcouru les pays pour faire la guerre au prince des croyants (l’Imam Ali), elle a dirigé sa considérable armée pour lui ôter son gouvernement et supprimer son Etat.  « Quelque chose dont je ne me rappelle plus on le suppose bien, ne m’en demande pas le récit. ».

S’appuyant sur ses paroles pour nier le testament à Ali constitue une démarche erronée que nous refusons, car elle fut son adversaire la plus acharnée alors que Ali ne le fut jamais. »9

Un préalable pour aborder ce point crucial consistera à lever le doute qui subsiste dans l’esprit de bien d’entre nous les musulmans : Aïcha, la mère des croyants, a certes ses mérites et son statut, mais elle n’est pas la meilleure épouse du Prophète. Il ne saurait en être autrement puisqu’elle l’a avoué. Elle raconte :8 Cf. Sahih Boukhari, le chapitre consacré aux maisons des femmes du Prophète. 9 Cf. « Correspondances » de Sheikh Salim Al-Bishri et Sharafeddine.Page 189.

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Le Prophète (SAW) mentionna un jour le nom de Khadija. Je me mis à la critiquer : c’est une vieille, etc., etc. Allah t’a accordé meilleure qu’elle. Il dit : Allah ne m’a pas donné à la place meilleure qu’elle, elle a cru en moi lorsque les gens m’ont renié. Elle m’a cru lorsque les gens m’ont pris pour un menteur, elle m’a fait participer à sa fortune alors que les gens m’en ont privé. Elle m’a donné un fils alors que les autres ne l’ont pas fait. »10

Le Prophète (SAW) confirme encore la supériorité de Khadija sur les autres mères des croyants, en disant :

« Les meilleures femmes du monde sont quatre », puis il les nomma : « Considérez les meilleures femmes du monde, Maryam bint ‘Omran, Khadija bint Khouayled, Fatima bint Mohamed et Assia la femme de Pharaon ».

Ensuite il est bon de passer en revue les raisons qui ont amené Aïcha à considérer Ali comme son ennemi irréductible :

L’Imam Ali était le mari de Fatima, la fille adorée du Prophète mais aussi de sa principale rivale, celle-là même que le Prophète aimait citer comme la meilleure de ses épouses. Voilà une première raison pour une femme jalouse de ne pas porter Ali dans son cœur.

Une deuxième raison nous vient d’un événement historique rapporté dans un hadith dit hadithul-ifkh déjà cité plus haut. Rappeler cet événement ne nous ferait pas de mal : l’histoire se déroula lors d’un voyage auquel participa Aïcha en compagnie du Prophète. A la suite du retard qu’Aïcha observa avant de rejoindre le reste de la caravane, après avoir pris du retrait pour des raisons physiologiques, des rumeurs non fondées circulèrent sur sa fidélité. Le Prophète, qui en fut très affligé, finit par en parler à son frère Ali. Ce dernier, touché par l’état dans lequel se trouvait le Prophète et

10 Ce hadith est rapporté par Al Boukhari et Muslim dans leur Sahih dans des termes équivalents.

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souhaitant qu’il s’en détacha, lui fit remarquer : « ne sois pas triste, les femmes il y en a beaucoup.» ; sachant que bon nombre de femmes ne rêvaient que de devenir l’épouse du Prophète et que l’une seulement d’entre elles ne pouvait le préoccupait devant les tâches hautement plus importantes qu’il avait. D’ailleurs peu après cela, Dieu révéla un verset qui mettait hors de cause Aïcha et confondit ses détracteurs. Cependant elle en garda un profond ressentiment à l’endroit de Ali qui pourtant n’avait aucune autre intention que d’élever le Prophète au-dessus de tout souci.

Dés lors il n’est pas étonnant que Aïcha fasse un témoignage en défaveur de l’Imam Ali surtout quand on sait qu’elle l’a déjà fait en d’autres occasions dont nous citerons deux qui finiront d’édifier le lecteur :

La première nous vient de l’Imam Ahmad qui rapporte concernant Aïcha à la page 113 du volume 6 de son Musnad, les propos de Atâ’ b. Yassar disant :

Un homme se mit à médire de Ali et de Ammar devant Aïcha, elle dit : quant à Ali, je ne dirai rien à son propos, mais au sujet de Ammar, j’ai entendu le Prophète (SAW) dire de lui : « entre deux, il ne choisit que le raisonnable ». Eh bien, la mère des croyants déconseille la médisance sur Ammar en rapportant la parole du Prophète (SAW) mais elle ne fait le pas sur Ali qui est pourtant le frère, le gendre, le proche ami et le confident du Prophète, la porte de sa Cité de la Connaissance, le premier musulman, celui qui aime Dieu et son Prophète et que Dieu et Son Prophète aiment. Ses grandes et nombreuses qualités que le Prophète évoquait très souvent ne sont assurément pas inconnues de Aïcha.

La deuxième occasion que nous avons choisi de citer touche à la maladie du Prophète. Ce dernier, épuisé par la maladie et l’entêtement de certains de ses compagnons, se fit soutenir par Ali et Abbas b. Abdel Muttaleb pour venir parler

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une dernière fois à la Umma à propos de l’expédition de l’armée de Oussâma11. Lorsqu’on demanda plus tard à Aïcha quels sont les deux hommes qui aidaient le Prophète à se déplacer, elle cita Abbas et dit qu’elle ne se rappelait plus de la deuxième personne. Dans un hadith rapporté par Al Boukhâri, Obeidallah b. Abdallah b. Ataba b. Mas’oud dit qu’il raconta à Abdallah b. Abbas ce que Aïcha a dit. Ibn Abbas lui demande : sais-tu qui est l’homme que Aïcha n’a pas nommé ? Obeidallah lui dit : non. Ibn Abbas dit : c’est Ali b. Abi Taaleb. Aïcha ne peut le supporter.

Beaucoup d’autres hadiths ont été rapportés par des sunnites, encore plus par des chiites, qui nous éclairent sur les attitudes négatives de Aïcha vis à vis de son père, des autres mères des croyants, et surtout du Prophète qui d’ailleurs lui avait prédit une fin sans sépulture, ni cérémonie. Nous nous passerons dans ce livre, de citer tous ces hadiths tout aussi véridiques que nombreux.

Après de tels témoignages, est-il encore judicieux de se baser sur les propos de Aïcha pour retirer une faveur à l’Imam Ali ? Evidemment, non. Surtout quand on sait ce qui se passa par la suite : la guerre farouche qu’eut à livrer Aïcha contre Ali à travers monts et vaux, désobéissant à Dieu et au Prophète. Or Allah avertit :

« Il n’appartient pas à un croyant ou à une croyante de suivre son propre choix, lorsque Dieu et Son Messager en ont décidé autrement. Quiconque désobéit à Dieu et à Son Messager, s’égare de toute évidence. » (Les Coalisés, 33 : 36)

« Ô femmes du Prophète, vous n’êtes pas comme de quelconques femmes. Si vous voulez vous comporter en piété, alors ne vous abaissez pas en parole, afin que ne vous convoite pas celui au cœur de qui est la maladie. Et tenez un langage décent.

11 Voir plus bas dans II – la bataille pour la succession.

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Restez dans vos foyers ; et ne vous exhibez pas à la manière des femmes d’avant l’Islam. Accomplissez la prière et acquittez l’aumône légale et obéissez à Allah et à son Messager.» (Les Coalisés, XXXIII-32 et 33)

Toujours dans le fil des observations à faire sur les hadiths de Al Bukhâri et de Muslim cités précédemment, nous dirons à propos des biens que le Prophète n’a pas laissés et qu’ils font citer à Aïcha, qu’il est certainement vrai que le Prophète n’a presque rien laissé de ce qu’elle a cité sauf pour ce qui est des chameaux. Donc « ni dinar, ni dirham, ni brebis » c’est vrai, mais tout de même il a laissé, d’après Mohamed Ridâh et bien d’autres historiens sunnites mais aussi chiites:

-trois chameaux (des noms de al khadwa, al jad’ha, al âdba),

-sept chevaux (assakba, al murtadiz, al lahiq, al lazaz, az zarif, al ward, sab’hata)

-cinq mulets (dont le très célébre doul-doul),-un âne (du nom de yah-four),-neuf sabres, cinq lances, trois boucliers, sept tenues de

combat, cinq qîssî (sorte de bâton de commandement d’un mètre et demi de long aux deux bouts pointus) et bien d’autres armes.

-les terres de Fadâkh et les appartements qu’habitaient les femmes du Prophète.

Ces appartements ne seront jamais réclamés par qui que ce soit tandis que les terres qui devaient légitimement revenir à sa seule fille Fatima Al Zahra qui, d’ailleurs les exploitait après que le Prophète les lui a données, seront refusées à cette dernière par Abu Bakr12. Ce dernier lui rétorquera lorsqu’elle ira les lui réclamer après en avoir été expropriée par le premier Calife, qu’il a entendu le Prophète dire : « Nous les Prophètes

12 Rapporté par Al-Boukhâri dans le chapitre consacré à la bataille de Khaybar, Page 37 du vol. 3 de son Sahih.

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on n’hérite pas et on ne nous hérite pas. » ; ce qui est évidemment en contradiction avec le vécu de bien des Prophètes. Car, par exemple, le Prophète Souleymane hérita du Prophète Daoud (les exemples sont multiples)13 mais aussi même les femmes du Prophète ont hérité de celui-ci ses appartements. Pourquoi pas sa propre fille ?

Et enfin pour en finir avec le hadith de Al Boukhâri et de Muslim, venons-en au témoignage de Tal’ha b. Masraf disant : « je demandais à Abdallah B. Abi Awfa : le Prophète a-t-il légué ? Il dit : Non. Je dis : comment a-t-il demandé aux gens de léguer et qu’il ne l’a pas fait ? Il dit : il a légué le Livre d’Allah. »

Ce texte est vrai mais simplement amputé, le seul hadithul-sikhaleyni étant suffisant pour le prouver. Ceci montre encore la manie d’oublier tout ce qui concerne le testament dans les œuvres de ces deux historiens sunnites.

Une tierce fois donc le témoignage de Aïcha rapporté par Al Boukhâri et Muslim, fondement des arguments sunnites contre le testament, se fait ridiculiser par des hadiths sunnites, confirmés par d’autres hadiths chiites mais aussi par le simple bon sens. Vous remarquerez que nous évitons autant que faire se peut de citer les références chiites afin de montrer les contradictions de ceux qui ont déformé les enseignements originaux à travers leurs propres écrits. Car, après tout, comme le dit si bien Sharafeddine Al-‘Amili :

«Si une chose s’éternise, elle se montre elle-même. La description du rayon du soleil devient caduque.»

II – LA BATAILLE POUR LA SUCCESSION   :

13 Voir plus bas dans II-la bataille pour la succession.

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Le Prophète de l’Islam avait accompli sa mission et Dieu était satisfait de lui, Qui fit descendre peu après la fameuse Déclaration de Ghadir Kham, le verset suivant :

«Aujourd’hui, j’ai parachevé pour vous votre religion et accompli sur vous mon bienfait. Et il m’agrée que l’Islam soit votre religion. » (Ma’îda, V-3)

De retour de Ghadir Kham, le Prophète tomba malade et rejoignit son Grand Ami entre 14 et sept jours plus tard – selon les historiens et autres traditionnistes – comme il l’avait prévu et annoncé à sa nation toute entière réunie.

Dés le début de la maladie du Prophète les prétentions se dessinaient et les plans s’échafaudaient.

L’armée de Oussamah :

La maladie du Prophète débuta dans le mois de çafar de l’an 12 après l’Hégire. Le lundi qui précéda sa mort, le Prophète fit installer un camp à Jorf à cinq kilomètres de Médine sur la route qui mène vers la Syrie. Il avait nommé à la tête de cette expédition un jeune homme âgé d’environ dix huit ans du nom de Oussamah, fils de Zeïd.

Zeïd était un ancien esclave de Khadija qui l’avait donné au Prophète. Ce dernier l’avait affranchi par la suite et éduqué un peu comme son fils. Il l’avait nommé pour commander l’expédition qui défendit le drapeau de l’Islam à Mô’tâh – derrière Jaffar Ibn Abî Taaleb et devant Abdallah Ibn Rawahata, selon les chiites. Al Harîth b. Oumar avait été envoyé par le Prophète auprès du Roi de Basra. Il fut intercepté par le chef des romains, Char’habil Ibn Oumar qui, après avoir lu la lettre du Prophète, le fit exécuter.

Le Prophète fit partir une armée de 3 000 personnes pour aller s’enquérir des raisons pour lesquelles son messager avait été tué. La délégation fut attaquée et en grande partie

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massacrée à son tour par l’ennemi, les chefs de guerre en premier; et les hypocrites médirent sur la décision du Prophète d’avoir choisi Zeïd.

C’est le fils de ce valeureux chef de guerre que le Prophète avait désigné pour «chercher le sang» de son père et de tous ceux qui furent martyrs de Mô’tâh, comme le disent les arabes. Certains compagnons refusèrent d’exécuter l’ordre du Prophète, contestant la désignation à la tête de l’expédition d’un ancien fils d’esclave, trop jeune et certainement inexpérimenté à leurs yeux pour les commander.

Le jeudi suivant le Prophète se décida à parler à son peuple de façon définitive à propos de l’expédition de Oussama. En effet, les rumeurs de la contestation de son choix de Oussama et du refus de certains de partir à Jorf qui s’en est suivi, étaient parvenues au Prophète. Bien que très malade, il tenait à leur communiquer ce message car l’effet de surprise était capital pour la réussite de cette opération comme il (SAW) l’avait déjà précédemment évoqué. Il se fit aider dans son déplacement par deux hommes : Abbas b. Abdel Muttaleb et l’Imam Ali. Ce fut par ailleurs le même Ali et son cousin Fadhl Ibn Abbâs qui l’aidèrent encore à se déplacer lorsque, sur la demande de ses proches, ses femmes se mirent d’accord pour qu’il n’ait plus à se déplacer d’un appartement à l’autre vu l’état de sa santé. Ils l’emmenèrent alors de l’appartement de Maymunah, une mère des croyants, à l’appartement de Aïcha où il resta jusqu’à ce que son âme rejoignît le Tout-Puissant.

Ce jour-là donc, le Prophète monta en chaire et prononça ce discours14 :

« Ô gens, j’ai appris ce que vous avez dit contre ma désignation de Oussama. Si vous avez récusé et injurié sa

14 D’après : Tarikh Tabari Vol.3 Page 226, Tarikh Ibn Al Athir Vol.2 Page 317,Tabakhat Ibn Sa’ad Vol.2 P. 190, Assira Al Halabya Vol.3 Page 207.

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tutelle, vous l’avez fait auparavant en refusant la tutelle de son père. Et je jure par Dieu qu’il était digne d’être le chef comme son fils est digne de l’être. »

Il continua :« Préparez promptement l’armée de Oussamah. Qu’Allah

maudisse ceux qui restent en arrière.»15 Il ne retenait que les membres de sa famille qui étaient restés autour de lui : les Ahlul Beyt. Ibn Khoutayba en témoigne dans son Imamat wa Siassah.

Malgré cela certains compagnons revinrent presque aussitôt partis, avertis qu’ils ont été que le Prophète allait de moins en moins bien. Evidemment pour ceux qui s’intéressaient à lui succéder il était essentiel d’être là au moment de la disparition du Guide.

La calamité du jeudi :

Le jeudi qui précéda le Retour du Prophète à son Créateur, il se passa un événement d’une importance capitale au vu de son incidence sur l’histoire de l’Islam par la suite. Car il est à l’origine de bien des divergences qui apparurent dans la Oumma, notamment celle des sunnites et des chiites.

Ce fameux événement, dit « Calamité du jeudi » pour le tort qu’il causa à la Oumma, se déroula comme suit16 :

« Qubayça nous a rapporté d’après Ibn ‘Othayba, Salman al-Ahwal, Saîd b. Jubayr, les propos d’Ibn Abbas disant : « Le jeudi, quel jour ce fut-là », puis il se mit à pleurer, ajoutant : la douleur du Prophète s’accentua ce jour-là, il dit : « Apportez-moi de quoi vous écrire un livre qui vous évitera l’égarement.» Ils se disputèrent et dirent : « le

15 Dans la 4ième introduction du livre Al Millal wal nihal de Al Shahristânî ; Al jawharî dans Al Saqifâ ; Al Mou’tazilî dans son commentaire de Nahg al Balâghah, Vol.2 Page 20.16 Rapporté par : Al Boukhari dans le chapitre sur la maladie et al mort du Prophète; Sahih Muslim Vol.5 Page 75 ; Musnad Ahmad Vol.1Page 355 et Vol.5 Page 116 ; Tarikh Tabarî Vol.3 Page 193 ; Tarikh Ibn Athîr Vol. 2 Page 320.

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Prophète délire. Le Livre de Dieu nous suffit ». Et le Prophète d’ajouter: « laissez-moi, là où je suis vaut mieux que là où vous voulez m’entraîner ». Il recommanda trois choses après sa mort : « sortez les polythéistes de l’Arabie, rétribuez la délégation comme je la rétribuais. » Ibn Abbas se tut ou il dit qu’il a oublié. […]

Ce hadith de Al Boukharî appelle trois remarques :Tout d’abord, il faut dire qu’il est fréquemment cité dans

les livres de cet auteur et dans des versions différentes, notamment changeant l’expression « il délire » par « il est trop souffrant » et disant « sortez » ou « levez-vous » en lieu et place de « laisse-moi…. ». Et ce travail de falsification et de brouillage fut tout à fait inutile parce que non seulement rectifié par d’autres auteurs tout aussi célèbres que lui mais aussi, pour qui croit en l’infaillibilité du Prophète (SAW) comme le dit Dieu Lui-même, il est impensable qu’on puisse ne pas lui obéir même s’il est « trop souffrant ».

Ensuite il est bon de remarquer que le nom de celui ou de ceux qui dirent que « le Prophète délire » n’est pas mentionné, contrairement aux écrits qui nous sont parvenus de plusieurs chaînes de tradition très crédibles tant sunnites que chiites ; par exemple dans Al awçat et dans Kanzul Oummal (Volume 3 Page 138) de Al Tabaranî, on peut lire : Oumar dit lorsque le Prophète (SAW) tomba malade, il (SAW) dit : «Apportez-moi de quoi écrire un livre qui vous évitera l’égarement à tout jamais. » Les femmes qui se trouvaient derrière les rideaux dirent : « n’entendez-vous pas ce que dit le Prophète (SAW) ? » Oumar dit : « Je dis que vous êtes les compagnes de Youssouf, si le Prophète est malade vous vous frottez les yeux et s’il est guéri vous lui sautez au coup. » Le Prophète (SAW) dit : « Laissez-les elles sont meilleures que vous. »

La troisième remarque porte sur la fin du hadith lorsque Al Boukharî dit qu’Ibn Abbas s’est tu ou a oublié. Rappelons

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que Ibn Abbas est non seulement un cousin direct du Prophète mais aussi un grand Sage connu pour l’habilité de son esprit. Il est donc inacceptable de la part d’un tel homme d’oublier des propos d’une telle importance venant du meilleur des hommes (SAW). En réalité c’est Al Boukharî lui-même qui a refusé délibérément de rapporter dans leur entièreté les propos de Ibn Abbas venant du Prophète (SAW), ceci afin de rester dans la droite ligne de sa position par rapport à la succession. Ce qui lui vaudra par ailleurs bien des incohérences dans ses livres.

Nous retiendrons, en tout cas, de cet événement qu’il fut à la base de toutes les dissensions qui existeront par la suite dans l’histoire des musulmans. Une recommandation écrite du Prophète qui allait « nous éviter l’égarement », voilà de quoi nous a privé la prétendue « compassion » de Oumar – selon les sunnites, Oumar voulut éviter au Prophète une fatigue accrue !.

Ibn Abbas dira dans un hadith rapporté par Al Boukharî sur la calamité du jeudi :

« Quelle calamité que d’empêcher le Messager d’Allah (SAW) d’écrire ce livre par leur vacarme et leur dispute. »

Oumar n’en était pas à son premier contre-pied des propos du Prophète. Et pourtant les avertissements de Dieu sur ce point ne manquent pas. Nous rappellerons quelques versets du Coran qui nous confirmerons l’importance qu’il y a à obéir au Prophète, à ne pas le contrarier, à ne pas douter de ce qu’il dit, à ne pas élever sa voix sur la sienne comme le firent des compagnons du Prophète non seulement à cette occasion mais aussi, une fois n’est pas coutume, à plusieurs autres occasions comme nous le verrons plus loin.

Dieu dit« Il n’appartient pas à un croyant ou à une croyante de

suivre son propre choix, lorsque Dieu et Son Messager en ont décidé autrement. Quiconque désobéit à Dieu et à Son

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Messager, s’égare de toute évidence. » (Les Coalisés, XXXIII –36)

« Ce que le Messager vous apporte prenez-le et de ce dont il vous empêche, abstenez. » (L’exode, LIX-7)

« Oui, ceci est la parole, certes, d’un messager noble, doué de force, en situation auprès du Maître du Trône, obéi, là-haut, sûr. Et votre camarade n’est pas fou. » (L’obscurcissement, LXXXI-19 à 22)

« Oui, ceci est la parole d’un noble messager, ce n’est pas la parole d’un poète, - pour peu que vous croyiez - ni la parole d’un possédé - pour peu que vous vous rappeliez ! - C’est la descente faite de la part du Seigneur des mondes.» (Celle qui montre la vérité, LXXIX – 40 à 43)

« Votre camarade ne s’égare ni n’erre ;et il ne parle pas non plus d’impulsion :ce n’est que la révélation révélée, un fort en fait de puissance l’a enseigné. » (Les étoiles, LIII – 2 à 5)

Abu Bakr conduit la prière :

Il est généralement admis que jusqu’au soir du jeudi précédant son décès, le Prophète continua à aller au Masjid pour diriger les prières à toutes les occasions. Mais la nuit de ce jeudi-là, selon plusieurs hadiths, c’est Abu Bakr qui dirigea la prière. Egalement le matin du jour de sa mort, le Prophète alla au Masjid, s’assit à côté d’Abu Bakr qui présida à l’assemblée et que lorsque les prières prirent fin, le Prophète fit un sermon du haut de la chaire avec une voix si puissante que sa portée dépassa de très loin les portes extérieures du Masjid. Certains diront même qu’à dix sept reprises – de façon consécutive pendant huit jours (soit 40 fois alors ?!) selon Souyûti, sur l’équivalent de trois jours et une partie du quatrième jour selon K. Wâqidî cité par W. Muir Vol.4 Page

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264) – Abu Bakr fut dirigé par le Prophète et la congrégation par Abu Bakr.

Il ressort des différentes traditions précitées et d’une multitude d’autres, que le Prophète sortit jusqu’au dernier jour de sa vie au Masjid et dirigea lui-même les prières.

Il est d’autre part étonnant sinon contradictoire que Abu Bakr ait eu à diriger la prière sur ordre du Prophète (SAW) et que ce dernier lui ait enjoint l’ordre de rejoindre l’armée de Oussamah sous peine de malédiction. Cet ordre concernait tous les compagnons sauf l’Imam Ali et ses rares cousins appelés expressément par le Prophète à rester à ses côtés.

Et enfin nous dirons que le fait de diriger la prière, si tant est que cela eut lieu, ne peut être la marque d’une quelconque volonté du Prophète de désigner Abu Bakr comme son successeur. D’abord cela aurait été alors son argument, lui et ses partisans à Saqîfâh, mais en plus il ne fut pas le seul à bénéficier de telles faveurs comme on le comprend aisément dans la réalité quotidienne de nos mosquées. Il ne suffit pas de diriger la prière pour devenir Imam ou remplaçant de l’Imam.

Les derniers moments du Prophète :

Le lundi du jour de sa mort, le Prophète (SAW) fit ses dernières recommandations aux femmes en leur rappelant ces versets du Coran :

« Ô femmes du Prophète, vous n’êtes pas comme de quelconques femmes. Si vous voulez vous comporter en piété, alors ne vous abaissez pas en parole, afin que ne vous convoite pas celui au cœur de qui est la maladie. Et tenez un langage décent.

Restez dans vos foyers; et ne vous exhibez pas à la manière des femmes d’avant l’Islam. Accomplissez la prière

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et acquittez l’aumône légale et obéissez à Allah et à son Messager.» (Les Coalisés, XXXIII-32 et 33)

Al Boukharî, dans le chapitre sur la maladie et la mort du Prophète, mais aussi beaucoup d’autres auteurs de hadiths, rapporte ceci :

A sa fille adorée Fatima Zahra, il (SAW) demanda de s’approcher puis lui chuchota quelques mots dans le creux de l’oreille. Fatima se mit à pleurer. Alors le Prophète (SAW) refit le même geste qui, cette fois la fit sourire.

Quand on demanda à Fatima ce que le Prophète lui avait confié chaque fois, elle dit que la première fois il lui confia qu’il allait mourir et que la deuxième fois, il la rassura en lui annonçant qu’elle allait être la première à le suivre. En effet, elle mourut quelques six mois plus tard des suites d’un avortement provoqué par un mauvais traitement que lui firent subir les nouveaux tenants du pouvoir après le Prophète. Nous y reviendrons plus loin, In Challah.

Le Prophète prit la tête de l’Imam Ali sous son manteau qui les couvrit tous deux, et ce jusqu’à ce que Ali ait sorti sa tête pour annoncer la mort du Messager de Dieu.17

Au matin du lundi suivant vers midi, le Prophète de l’Islam rejoignit son Grand Ami, le Seigneur des Mondes et Propriétaire des Ames.

La tristesse fut immense et la désolation terrible.Une scène bizarre, racontée par tous les historiens et

auteurs de traditions, se joua ensuite dans l’appartement du Prophète : dés que Oumar apprit la nouvelle il vint auprès du défunt, s’assura du décès du Prophète puis se dirigea vers la cour pour crier tel un demeuré :

« Le Prophète n’est pas mort, il est parti auprès de son Seigneur, comme l’avait fait avant lui Mûsâ, pour s’absenter pendant quarante jours. Il retournera parmi nous encore. » 17 « Life of Ali » par Dar Qutni wal Razi Page 739 ; « Life of Ali », édit. Khadimal Talim Press, Lahore ; Madârij al Nubuwah.

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Brandissant son épée, il s’écria :« Je couperai la tête de quiconque oserait dire que le

Prophète est mort. »C’est alors que Abu Bakr apparut, prit le temps d’écouter

Oumar puis alla vérifier lui-même l’état du Prophète. Lorsqu’il ressortit de l’appartement, il interpella Oumar qui continuait à haranguer la foule. Celui-ci ne l’écouta pas. Il s’adressa alors directement à la foule :

« Avez-vous déjà oublié le verset coranique qui avait été révélé au Prophète après le jour d’Ohod ? Et ignorez-vous l’autre verset coranique révélé au Prophète : «Tu vas sûrement mourir, (O Muhammad) et eux aussi vont mourir » (Les groupes, XXXIX – 30) Et abu Bakr de poursuivre :

« Que celui qui adore Muhammad sache que Muhammad est vraiment mort, mais que celui qui adore Dieu sache que Dieu est immortel : Il est vivant et ne meurt pas. »

Le premier verset dont parlait Abu Bakr était le suivant :«Muhammad n’est qu’un Prophète;des Prophètes sont

morts avant lui. Retourneriez-vous sur vos pas, s’il mourait ou s’il était tué ? » (La famille d’Imran, III – 144)

On voit à travers cette scène que Oumar était vraiment un grand ignorant de la Parole de Dieu à moins qu’il ait eu, comme le pensent beaucoup d’historiens, une stratégie en tête; celle qui consisterait à retarder le constat du décès du Prophète afin d’avoir le temps de s’emparer du Pouvoir avant que tout le monde ne soit au courant.

Dans l’après-midi de ce même jour, un ami vint précipitamment trouver Abu Bakr et Oumar à la Mosquée pour les informer que plusieurs notables de Médine s’étaient réunis dans Saqîfâh Banî Sâ’idah et qu’ils étaient en train d’élire comme dirigeant Sa’d b. Obâdah. Il leur expliqua que s’ils voulaient détenir l’Autorité ils devaient arriver là-bas avant qu’une décision ne soit prise car l’opposition deviendrait

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alors dangereuse. Sur ce, Abu Bakr et Oumar accoururent à Saqîfâh accompagnés de Abu Obaydah et de plusieurs autres personnes.

Pendant ce temps, l’Imam Ali, ignorant ce qui se tramait à l’extérieur, était occupé, à l’intérieur de la maison, à la préparation du lavage du corps du Prophète, en compagnie de Abbâs et de ses deux fils, Fadhl et Qutham, ainsi que d’Oussamah et Saleh ou Charqân. Ils enveloppèrent le corps d’un tissu trouvé sur place pour ensuite laisser le soin à Ali de le laver. Comme prévu déjà à sa naissance lorsque le Prophète (SAW) lui donna son premier bain, Ali avait été désigné par lui (SAW) pour cette tâche, et personne d’autre, sous peine de devenir aveugle, n’était autorisé à laver le corps du Prophète.

Ali s’acquitta de cette tâche et ils revêtirent le corps des vêtements dans lesquels il était mort avant de l’enrouler dans deux draps de tissu blanc. Au- dessus de tout cela fut posé un drap de tissu rayé du Yémen.

Puis vint le moment de la prière sur le corps. A la suite de l’Imam, les proches parents suivis par les Partisans et les Compagnons du Prophète entrèrent tour à tour par groupes de dix personnes à la fois pour prier sur le corps.

Il ne restait plus que l’enterrement lorsqu’une discussion portant sur le lieu d’enterrement, s’engagea. Ali18 trancha la question en affirmant avoir entendu le Prophète lui-même dire que là où un Prophète meurt il doit être enterré.

Les deux fossoyeurs de Médine de l’époque, Abu Obaydah al-Jarrâh pour les Mecquois et Abu Talhah Zayd b. Sahel pour les Médinois, furent sollicités sur ordre de Abbas. Le premier se trouvant déjà à Saqîfâh aux côtés de Abu Bakr pour les raisons évoquées ci-dessus, il appartint à Abu Talhah de creuser le tombeau du Prophète (SAW). L’enterrement eu lieu dans la nuit du mardi ou à l’aube du mercredi. L’Imam 18 Ibn Khutayba dans Imamat wa Siassah dit que c’est Abu Bakr qui dit ce qu’on attribue ici à Ali. Or tous les grands auteurs témoignent que Abu Bakr se trouvait à Saqîfâh à ce moment-là.

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Ali fut la dernière personne à quitter l’intérieur du tombeau qui fut ensuite, une fois la voûte (ou lahad) refermée, rempli d’une terre légèrement humidifiée.

La réunion de Saqîfâh :

Alors que les Ahl-ul-Beyt, avec l’Imam Ali à leur tête, s’occupaient du Prophète en plus d’être très vivement touchés par la perte d’un membre de la famille mais aussi du Meilleur des hommes (SAW), Abu Bakr, Oumar et leurs partisans ainsi qu’une bonne partie des notables de la cité de Médine n’avaient d’autre souci que de s’approprier du pouvoir de gouverner à la Communauté. Pouvoir qui pourtant avait été légué, au vu et au su de tous, à l’Imam Ali Ibn Abi Taaleb, le gendre, le frère, le légataire du Prophète comme l’a voulu Dieu et comme l’a communiqué le Prophète à tous.

A la réunion organisée à Saqîfâh, un quartier de Médine, sur l’initiative des Ançars et à laquelle les avaient rejoints les Muhâjirîns parmi lesquels Abu Bakr, Oumar et leurs partisans, il y eut des débats houleux avant que Abu Bakr ne réussît loin de toute unanimité, mais par sa ruse et la fougue de Oumar, à s’imposer comme premier Calife après le Prophète. Oumar était bien plus jeune que Abu Bakr qui avait presque l’âge du Prophète. De toute évidence les deux s’entendirent préalablement sur la passation du pouvoir à la fin du règne du premier, ainsi que nous le verrons de façon claire et nette à la mort de Abu Bakr.

Cette réunion de Saqîfâh fut appelée par les sunnites celle de la consultation ou achûra. Le terme nous semble ici malpropre car il n’y eut aucune consultation à Saqîfâh, encore moins un consensus sinon qu’un groupe s’est imposé à un autre par la force des poumons et de la ruse.

Voici comment Sayed Safdar Hussein relate ces échanges

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dans son Histoire des premiers temps de l’Islam, comme également Abu Bakr Al Jawhari dans son livre Al Saqîfâh ou Hamîdi dans Sharu Nahjil Hamîdî (Tome II P.19) ou encore Charfeddine dans Al Nâs wal Ijtihad :

Les Muhâjirîns de la Mecque et les Ançârs de Médine faisaient parade de leurs mérites respectifs à Saqîfâh. Les Muhâjirîns réclamaient pour eux la préférence en raison de leur antériorité dans l’Islam, leur parenté avec le Prophète et leur émigration avec lui au risque manifeste de leur vie et de leurs biens. Les Ançârs firent valoir (par la voix de leur porte-parole, Hobâb) qu’ils avaient autant de droit que qui que ce fût, vu qu’ils avaient accueilli le Prophète lorsqu’il a été chassé par ses ennemis Mecquois, qu’ils l’avaient protégé au moment de l’adversité et qu’ils l’avaient aidé en tenant tête à ses puissants adversaires, ce qui lui avait permis en fin de compte d’établir sa force et son autorité éminentes. Ils avancèrent19 même qu’ils craignaient qu’on se vengeât20 d’eux si l’autorité tombait entre les mains de ceux dont ils avaient tué les pères et les frères en défendant le Prophète. (Il est à noter ici que c’est dans ce propos que réside le fond de la tragédie de Karbalâ dont parlait Hobâb, un porte-parole prudent et à l’esprit alerte, des Ançârs. Ses craintes s’avéreront justifiées lors du massacre vengeur de la descendance de Ali ou du Prophète- dont un bébé de six mois- à Karbalâ, et lors des crimes hideux perpétrés contre les Ançârs à Harra). Lorsque Hobâb exprima cette opinion, Oumar répliqua avec indignation : « Vous devriez mourir si le Califat tombait entre les mains de telles gens que vous craignez ».

Pour réfuter21 les revendications des Ançârs, Oumar dit : « J’ai désiré moi-même faire un discours que j’avais

19 Ibn Qotaybah ; Ibn Athîr ; Al-Tabarî ; Rawdhat al-çafa.20 La vengeance était presque un principe religieux parmi les Arabes. Venger un parent tué était un devoir pour sa famille, et ce devoir mettait souvent l’honneur de sa tribu en jeu. Ces dettes de sang provoquaient parfois des conflits meurtriers pendant des générations. Voir Al Nâs wal Ijtihad ou Correspondances de Charafeddine. 21 Al-Tabarî ; Ibn Athîr ; Al-Sîrah-al-Halabiyyah.

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spécialement élaboré dans mon esprit - Ayant présumé qu’Abu Bakr manquerait l’occasion22- mais Abu Bakr m’a arrêté et j’ai pensé alors qu’il n’était pas convenable de désobéir au Calife deux fois23 en une seule journée ; Toutefois, à mon grand soulagement, je l’ai trouvé à la hauteur de la tâche. Il argua que les Quraychs ne niaient pas les services rendus par les Ançârs pour promouvoir la cause de l’Islam, mais malgré tous ces services méritoires, ils ne devaient pas croire avoir un titre quelconque pour aspirer à une entière autorité sur les Quraychs.

Concernant les appréhensions dont avait parlé Hobâb, ils ne devaient pas, dit-il, avoir de telles craintes, surtout en raison de la possibilité qui leur était offerte de participer au gouvernement, par le poste de Ministère. Les Ançârs dirent alors qu’ils acceptaient qu’il y eût deux califes, représentant les deux parties, pour exercer l’autorité conjointement,24et ils nommèrent même Sa‘d Ibn‘Obâdah, leur dirigeant, pour être leur élu. Mais Abû Bakr et son parti ne pouvaient d’aucune façon approuver une telle proposition, et persistèrent à affirmer que le gouvernement devait rester entre les mains des Quraychs, et que les Ançârs devaient se contenter du Ministère.

Les Ançârs ayant refusé de céder, la tension monta tellement qu’ils faillirent en venir aux coups25 lorsqu’Abu Bakr intervint et leur demanda s’ils n’avaient pas entendu le prophète dire que « personne d’autre qu’un Quraychite n’est apte à exercer l’autorité sur les Quraychs ». Bachîr B. Sa’d, l’un des Ançârs qui partageait les vues des Muhâjirîns répondit sur-le-champ en faveur de ceux-ci. Encouragé par cette intervention, Abu Bakr déclara avec détermination que

22 Ibn Qotaybah.23 Une première fois, le même jour, Abû Bakr lui avait interdit de haranguer les gens à la porte du Prophète lorsqu’il était mort.24 Ibn Qotaybah ; Rawdhat-al-Ahbâb ; Rawdhat-al-çafa.25 Ibn Athîr ; al-Tabarî ;

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jamais les Quraychs n’accepteraient qu’un non-Quraychite les gouvernât, et il s’avança afin qu’ils choisissent l’un des deux comme Calife. Là les Ançârs commencèrent à dire qu’ils préféraient prêter allégeance à Ali26, le meilleur des Quraychs. A ce moment critique Oumar, perdant patience, s’écria : ‘‘Tends ta main, ô Abu Bakr ! Je te prêterai sûrement serment d’allégeance” ; Abu Bakr répondit : ‘‘Tu es plus ferme que moi” , en le répétant. Oumar, tenant alors la main d’Abu Bakr, dit27 : ‘‘Tu es plus convenable que moi, et tu as sûrement ma fermeté sans parler de tes autres mérites personnels ; Je jure allégeance envers toi”. Ainsi, Oumar déclare à haute voix qu’il reconnaissait Abu Bakr comme chef, et lui fit serment de fidélité. Abu Obaydah et quelques autres Muhâjirîns qui les avaient accompagnés à Saqîfâh suivirent son exemple ; Bachîr et un autre Ançârî de son parti prêtèrent serment d’allégeance à Abu Bakr et la confusion prit ainsi fin ? Hobâb28 eut une altercation avec Bachîr pour sa conduite traîtresse en préférant Abu Bakr à Sa’d b. Obâdah, mais avec l’intercession de certains autres Ançârs, la tension fut apaisée.

Sa’d Ibn Obadâh, le chef des Ançârs, fut profondément chagriné d’être évincé de la sorte. Aussi ne prêta-t-il pas serment d’allégeance à Abu Bakr. Oumar qui avait demandé à Abu Bakr qu’on lui coupa la tête ne fut pas suivi par ce dernier dans cette aventure parce que retenu avec juste raison par Khaîss b. Sa’d29. En effet le fils de Sa’d Ibn Obadah avertit Abu Bakr que s’il tuait son père, il devra tuer ses fils (qui étaient déjà grands), également passer sur les corps des Aws mais aussi des Quajrajs (dirigés par Bachîr), deux sous-groupes rivaux du même groupe des Ançârs. Avec la certitude en fin de compte de soulever tout le Yémen contre lui. Car comme le dit le Proverbe arabe : « Avec mon frère contre mon 26 Ibn Athîr ; Al-Tabarî (version persane) ; Habib al-Sayyâr ; Rawdhat-alçafâ.27Al-Tabarî ; Suyûtî.28Ibn Qotaybah.29Ibn Qotaybah.

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cousin. Avec mon cousin contre l’étranger.»Tout ceci sembla bien trop compliqué à Abu Bakr qui

"préféra" laisser la vie sauve à Obadah.Ce dernier quitta par la suite Médine pour se retirer,

écœuré, en Syrie où il sera assassiné abominablement30, dit-on, à l’époque du Califat de Oumar, en l’an 15 A.H.

Le père s'étonne de l'élection de son fils :

Al Hâkim a écrit dans son mustad'rak en citant Abu Hourayra:"Quand le Prophète (PSL) est décédé, la Mecque fut subitement secouée par la nouvelle. Le père de Abu Bakr demanda ce qui se passait. On lui répondit que le Prophète (PSL) venait de disparaître. Il reconnut en cela un événement monumental et tout naturellement s'enquérait aussitôt de l'identité du successeur. On lui apprit alors que c'est son fils qui s'était retrouvé à la tête du Califat.Alors le père exprima son étonnement en ces termes:"Est-ce que les Banî Abdu manâf et les Banî mukheîra ont accepté ce choix." Il reçut une réponse affirmative à la suite de laquelle il conclut:"Nul ne peut rabaisser ce que Dieu a agrandi et nul ne peut agrandir ce qui a été rabaissé."

III – LE RÈGNE DE ABU BAKR   :

L’installation de Abu Bakr :

Le lendemain de la réunion de Saqîfâh, Abu Bakr devait être installé officiellement dans ses fonctions de Calife. Il était effectivement risqué, vu les circonstances dans lesquelles

30 .Al-Mas‘ûdî ; Aqd al-Farîd ; Rawdhat al-Çafâ.

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s’étaient déroulée son élection, de ne pas accélérer les choses avant que quelqu’un d’autre ne se manifeste. Leur crainte, bien entendu, se situait du côté de l’Imam Ali de qui ils attendaient un désaccord puisqu’ils étaient parfaitement au courant de sa désignation officielle comme successeur du Prophète. Et vice versa... !31

Cette cérémonie de prestation de serment d’allégeance eut lieu au Masjid. Oumar parla le premier et non seulement avoua en des termes on ne peut plus clairs que l’élection de Abu Bakr fut une erreur monumentale mais aussi qu’il tenait absolument à ce qu’elle ne se répétât plus – n’était-ce pas préférable à présent ?! – en menaçant de mort quiconque aurait des ambitions pareilles. Les termes utilisés par Oumar, tels que rapportés par Al Tabarî et Souyûti, furent les suivants:

« La succession de Abu Bakr fut une erreur de celles commises du temps de la Jahilia. Que Dieu nous prévienne les mauvaises conséquences à craindre d’un tel choix. Aussi quiconque ferait une chose pareille mériterait la peine de mort, et si jamais quelqu’un prêtait serment de fidélité à un autre sans le consentement du reste des musulmans, tous deux devraient être mis à mort.»

Ensuite il présenta Abu Bakr comme celui qui était le meilleur d’entre eux et « entre les mains de qui Dieu avait placé l’administration de leurs affaires ». Cela malgré qu’il reconnut que « le Seigneur avait choisi pour son Messager la portion qui est avec lui-même (Ali) de préférence à celle qui est avec nous »32.

A la suite du discours de Oumar, certains parmi ceux qui avaient prêtaient serment d’allégeance la veille à Saqîfâh ratifièrent leur allégeance. De plus un serment d’allégeance général fut prêté par l’assemblée.

31 La désignation de l’Imam Ali comme successeur constitue une raison de la crainte de Abu Bakr et Oumar mais aussi cette crainte constitue une preuve (supplémentaire) de la désignation de l’Imam Ali comme successeur. 32 D’après W. Muir dans Life of Muhammad.

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Le discours de Abu Bakr :

Abu Bakr, alors investi du pouvoir de Calife, se leva et prononça ce discours33 :

«Ô vous les hommes, Dieu le Très Haut, le Savant, le Connaissant, le Sage et le Miséricordieux, le Patient a envoyé Muhammad en vérité et vous mes frères arabes comme vous le saviez vous étiez dans l’ignorance et dans la division. Il a réuni vos cœurs et Dieu vous a fait triomphé par lui et il a renforcé votre foi et il vous a fait hériter de sa voie, celle de la droiture. Il est de votre devoir de suivre le droit chemin et de rester surtout dans l’obéissance car Dieu a placé à votre tête un Calife pour unifier vos cœurs et parler en votre nom. Aidez-moi à atteindre cet objectif dans la paix. Et maintenant je suis chargé de cette autorité, bien que j’aie une aversion pour elle et par Allah ! J’aurais été heureux si quiconque parmi vous avait pu convenir à cette tâche à ma place ; même si vous me chargez d’agir envers vous comme l’a fait le Messager de Dieu, je ne pourrai pas l’entreprendre, car le Messager de Dieu est un serviteur que le Seigneur a inspiré de son inspiration et préservé par là-même de toute erreur, et je suis vraiment mortel et je ne suis pas meilleur qu’aucun d’entre vous. Pour cela, surveillez-moi, et lorsque vous aurez constaté que je suis ferme, obéissez-moi alors. Et lorsque vous aurez remarqué que je dévie du droit chemin, remettez y moi. Et je sais qu’un diable m’accapare. Donc, lorsque vous me trouverez enragé, évitez-moi, car en ces moments-là je pourrai pas écouter vos conseils ou vos bonnes salutations.»

Un tel discours n’appelle aucun commentaire, il parle de lui-même.

33 Ibn Qotaybah dans al Imamat wa Siassah, Souyûti dans Tarikhul Khulafa, Ibn Sa’ad dans Tabaqât.

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Humiliation de Ali et de Fatimah par Abu Bakr et Oumar :

Aucun hâchimite, de la branche Banu Hachim de la tribu Qoraych, n’avait été présent ni à Saqîfâh ni lors de la prestation du serment d’allégeance général. Oussamah, Zobayr, Miqdâd, Salmân, Abu Thar al Ghafâri, Ammar Ibn Yâcir, Barra b. Azhab, Khâlid Ibn Sa’id, Abu Ayyub al Ançârî, Khouzaymah b. Thâbit34 et plusieurs autres Compagnons, ainsi que les hâchimites se tinrent à l’écart de cette prise de pouvoir, persuadés qu’ils étaient du fait que le droit à la succession du Prophète était exclusivement réservé à l’Imam Ali. On peut se demander à l’intention de ceux qui prétendent à l’unanimité qui se serait faite autour de Abu Bakr si ce mot (unanimité) peut avoir un quelconque sens en l’absence d’un si grand nombre de personnalités de valeur.

D’ailleurs pendant tout ce temps l’Imam Ali était occupé à rassembler les différentes parties du Coran pour en faire un livre authentique et ordonné.

Lorsqu’il apprit la nouvelle de la prise du pouvoir par Abu Bakr, il en fut certes très affligé mais il décida de ne pas recourir à la force. La victoire sur le camp des nouveaux gouvernants lui était pourtant presque assurée d’avance quand on connaît ses exploits guerriers personnels et le nombre et la valeur somme toute importants de ses fidèles. Cependant cette victoire aurait été aussi la grande défaite de l’Islam naissant de cette époque. Dés lors l’abandon par l’Imam Ali de tout acte belliqueux pouvait être vu comme une décision d’une très grande sagesse. Elle sera malheureusement interprétée par certains sunnites comme un consentement de la part du légataire officiel.

Abu Bakr et Oumar ont tenu à éviter de rencontrer Ali

34Tarikh Tabarî, Tarikh Ibn Al-Athir, Tarikh Al-Khoulafa, Abul-Fidah, Habîb al-Sayyâr, etc.

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jusqu’à ce qu’ils s’assurent la mainmise complète sur le Califat. Ce qui fit qu’on ne les revit aux cérémonies de funérailles du Prophète que bien après l’enterrement, dans la nuit du mardi au mercredi. Non seulement il ne prièrent pas sur le corps mais non plus n’assistèrent pas à l’enterrement.

A présent que tout était apparemment réglé à leur convenance, ils pensèrent à soumettre l’Imam Ali et les hâchimites restés à ses côtés. Abu Bakr envoya d’abord Qunfûz pour demander à Ali de venir lui prêter serment d’allégeance. Le messager se vit répondre par Ali de dire à son maître que l’Imam était occupé (à l’assemblage des chapitres du Coran) et que, par conséquent, il ne pouvait pas venir.

Une deuxième fois Abu Bakr envoya Qunfûz auprès de l’Imam Ali pour lui dire de venir répondre au « Khalifatul Rassûlilah » (littéralement le Khalife de l’Envoyé de Dieu35). Ali, touché par une telle arrogance, lui dit36 :

«Le Prophète vient à peine de mourir que vous êtes déjà en train de mentir sur lui.37 »

Peut-on affirmer à partir de ce moment-là que l’Imam Ali n’a pas protesté contre la confiscation illégale du pouvoir par Abu Bakr et Oumar ? La suite nous le confirmera encore plus clairement.

Oumar s’énerva lorsque le messager porta à leur connaissance la réponse de Ali. Il demanda avec sa fougue habituelle à Abu Bakr :

« Ne vas-tu pas te décider à envoyer des hommes chercher ce rebelle ! »

Sur ce, Abu Bakr envoya Oumar et Khalîd Ibn Wâlid à la tête d’un groupe d’hommes avec l’ordre d’obliger – par la force s’il le fallait – Ali et ses proches à venir lui prêter serment d’allégeance.35 Cette expression désigne le successeur choisi par le Prophète.36 Ibn Qotaybah dans al Imamat wa Siassah.37 Le mensonge dont il est question ici est le fait d’avoir fait dire au Prophète ce qu’il n’a pas dit et d’avoir laissé de côté exprès ce qu’il a dit.

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Arrivés devant la maison de Fatimah, Oumar intima l’ordre à ceux qui s’y trouvaient de sortir sans quoi il y mettrait le feu. Connaissant le tempérament de Oumar, les hommes sortirent. Il y avait là Ali, Abbas et Zubayr. Ali s’adressa à ses adversaires en ces termes38 :

«Ô vous les Muhâjirîns ! vous avez revendiqué la succession du Prophète de Dieu en mettant en avant vos avantages sur les Ançârs, soit votre antériorité dans l’Islam et votre lien de parenté avec le Messager de Dieu. Maintenant je mets en évidence les mêmes avantages que j’ai sur vous. Ne suis-je pas le premier à avoir cru à la Mission du Prophète et avant qu’aucun d’entre vous n’ait embrassé sa Religion ? Ne suis-je pas plus proche parent du Prophète que vous tous ? Craignez Dieu si êtes de vrais Croyants, et n’arrachez pas l’autorité du Prophète de sa maison pour la faire vôtre.»

Fatimah, qui était encore à l’intérieur de la maison ajouta à l’adresse des assaillants39 :

«Ô gens ! vous avez laissé derrière vous et pour nous le corps du Prophète, et vous êtes partis pour extorquer le Califat à votre profit en abolissant nos droits ». Elle se mit à pleurer et s’écria dans un sanglot :

«Ô père!Ô Prophète de Dieu !Les ennuis s’abattent sur nous si vite après ta disparition, par la volonté du fils de Khattâb et du fils d’Abu Quhâfah ! Comment ont-ils oublié si vite tes paroles de Ghadir Kham et ton affirmation que Ali était à toi ce que fut Hâroun à Musâ ! »

A ces paroles, le groupe de Oumar se scinda en deux. Les uns rebroussèrent chemin quand les plus récalcitrants restèrent.

L’acte lourd de conséquence qui se passa par la suite, émane de source chiite constante et éprouvée. Nous accordons du crédit à ce récit d’autant plus qu’aucun récit de source 38 Ibn Qotaybah ; Abul-Fidâ ; Al-Aqd al-Farîd39 Ibn Qotaybah

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sunnite ne l’infirme, ni ne met une autre explication à la place. Il s’agit de ce qui provoqua la mort de Fatimah Zahra. Dans son livre Al Ghadir, le Savant Amini nous raconte que l’Imam Ali refusa de sortir tant qu’il n’avait pas fini de rassembler le Coran. Oumar et Qunfûz forcèrent alors la porte à grands coups de sabre. Fatimah, qui se trouvait derrière la porte, fut blessée au ventre par l’un des sabres alors qu’elle était enceinte. Elle mourut plus tard d’un avortement résultant de ce traumatisme.

Ali fut conduit chez Abu Bakr où on lui demanda de prêter serment d’allégeance à ce dernier. Sa réponse fut une question :

« Et si je ne lui rends pas hommage ? ». Il lui fut répondu qu’il serait tué s’il refusait de faire « ce que les autres ont fait.» Ali les interrogea à nouveau :

« Comment ! Allez-vous tuer un homme qui est serviteur du Seigneur et le frère du Prophète du Seigneur ? »

Oumar s’exclama : « Esclave de Dieu oui, frère du Prophète non ! ». Puis, s’adressant à Abu Bakr qui avait gardé le silence, il lui demanda de décider du sort de Ali. Mais Abu Bakr dit que tant que Fatimah serait vivante, il ne contraindrait d’aucune manière son mari. Fatimah rejoignit alors son mari puis, attrapant sa main, elle sortit avec lui.

Ils se dirigèrent directement à la tombe du Prophète où l’Imam s’écria, répétant les mêmes paroles que Hâroun avait également prononcées plusieurs années auparavant face à son cousin le Prophète Mûsa :

«Ô fils de ma mère ! Les gens m’ont affaiblis et ils ont failli me tuer. » (Sourate Al A’râf, VII - 150)

Fatimah était la seule enfant survivante du Prophète. A ce titre elle demanda à être reconnue comme héritière légitime de son père et par conséquent à recevoir son héritage. Et cela conformément aux prescriptions du Saint Coran qui nous

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enseigne :«Aux hommes revient une part de ce qu’ont laissé les

père et mère ainsi que les proches ; et aux femmes une part de ce qu’ont laissé les père et mère ainsi que les proches, que ce soit peu ou beaucoup : une part fixée»  (Sourate An Nîssa, IV, 7)

Par ailleurs elle réclama à juste titre son champ de Fadâkh que son père lui avait donné pour en vivre et que Abu Bakr lui avait confisqué.

Abu Bakr refusa malgré cela d’admettre la revendication de Fatima, soutenant : «Le Prophète a dit : Nous les Prophètes, n’héritons pas ni ne laissons d’héritage; ce que nous laissons est pour l’aumône ».

Notons que Al Boukhari, Muslim, Ahmad Hanbal relèvent tous que Abu Bakr a été le seul narrateur de l’affirmation qu’il a attribuée ainsi au Prophète. Ce qui en dit long sur les chances que celle-ci a d’être vraie.

De toute façon les deux versets précédemment cités prouvent déjà qu’une telle affirmation n’était qu’une trouvaille de Abu Bakr pour refuser à Fatimah son dû, dans le sens de l’héritage qu’il lui refuse mais aussi dans le sens d’un bien indûment confisqué (le champ).

D’ailleurs il existe bien des preuves qui attestent que des fils de Prophètes ont hérité de leurs défunts pères, comme nous l’avons mentionné plus haut.

On sait, en effet que Souleymane a hérité de Daoud, tous deux Prophètes. Et que Zacharia a demandé à Dieu de lui donner un héritier :

« …Accorde-moi de Ta part un descendant qui hérite de moi et hérite de la famille de Jacob et fait qu’il Te soit agréable. » (Maryam, XIX – 5 et 6)

Dieu lui répondit :« Ô Zacharia Nous t’annonçons la bonne nouvelle d’un

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fils. Son nom sera Yahya. Nous ne lui avons pas donné auparavant d’homonyme… » (Maryam, XIX – 7)

C’est déjà là un point important mais pas plus que le fait qu’il s’agit de Fatimah la fille adorée du Prophète, mais surtout protégée et purifiée par Dieu Lui-même comme nous l’avons vu plus haut dans les preuves sur les Ahl-ul-Beyt. Et cela Abu Bakr le sait. Comment peut-il dés lors non seulement réfuter les dires d'une si honorable personne, mais également refuser d'accorder un quelconque crédit au témoin de Fatimah, en l’occurrence Oumou Aymane, et qui pis est, il taxa même de partial le témoignage de l’Imam Ali, celui-là même à propos de qui le Prophète a dit, entre autres :

« Ali est avec la vérité et la vérité est avec Ali ; les deux ne se sépareront jamais. »40

En fait une raison, et certainement pas la moindre, du refus d’Abu Bakr était de priver Fatimah donc surtout l’Imam Ali de la principale source de revenus dont ils disposaient et qui auraient pu leur permettre d’entretenir un éventuel soulèvement contre son pouvoir illégal.

Ah-lu Râdâ41 ou la tribu des "révoltés" :

Du fait que Abu Bakr n'était ni l'héritier légal du Prophète, ni même un membre de son clan (les hâchimites), il n'était pas reconnu comme son successeur légitime non seulement dans son environnement immédiat mais également dans un grand nombre de tribus de la Péninsule arabe. Par conséquent, ces tribus cessèrent de régler la Zakât et même manifestèrent leur désaffection à l'égard du Califat à travers l'expulsion de leurs territoires des légats du Prophète et autres collecteurs de Zakât qui étaient censés représenter Abu Bakr et 40Ibn Khoutaîba dans Al Immamat wa Siassa (tome I page 68) ; Al Khatîb al Baghdâdî dans Tarikh (tome 4 page 321) ; Tabarî dans Zakhâ’i-rul ughbâ (page 37) ; Zamakhchari dans Rabi-ul abrar. 41 Ce récit a été abordé par : Suyûti (Târikh-ul khoulafat P.85), Atabarî (tome 3 P.341), Ibnul Açir (tome 3 P.149), Al Wâkhidi, Ibn Khadiar Al ass-kalâni dans al ijâba, Ibn Saad dans âtabakhât, Abul Fidâh dans ses tarikh

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non le vrai Khilafat qui, lui, revenait de droit et de fait à l'Imam Ali Ibn Abi Taalib.

Abu Bakr se sentit alors atteint dans sa dignité. Son moi prit le dessus sur son bon sens et malheureusement aussi sur les enseignements de l'Islam comme le montrera la suite de cette histoire.

Il consulta les compagnons du Prophète (PSL) sur la question en leur proposant la solution qui consistait à forcer les "récalcitrants" à se soumettre. Avec l'Imam Ali et Omar à leur tête, les compagnons lui recommandèrent la patience et le dialogue. Car selon eux l'Islam devait élargir sa communauté. S'entretuer n'était donc pas une solution. De plus l'Imam Ali rappela devant tous les compagnons qui avaient encore cette scène en mémoire ce que le Prophète lui avait dit le jour de la bataille de Khaybar.

En effet ce jour-là après lui avoir remis l'étendard de l'Islam le Prophète (PSL) lui avait demandé de partir et de ne point se retourner. Après quelques mètres l'Imam Ali, sans se retourner, demanda au Prophète à haute voix:

"Sur quoi devrais-je les combattre?"Et le Prophète de répondre:"Combats-les jusqu'à ce qu'ils reconnaissent qu'il n'y a de

Dieu que Dieu et que Mohamed est son Prophète. S'ils le disent vous ne devez plus verser leur sang ni toucher leurs biens sauf pour ce qui vous revient de droit. Pour le reste Allah sera votre seul Juge."

Lorsque l'Imam Ali termina son rappel, Abu Bakr se leva et dit :

"Je jure que je combattrai celui qui séparera la prière de la Zakât parce que la Zakât est le salaire des biens. Je combattrai celui qui me refusera un grain de ce qu'il donnait de droit au Prophète."

Une telle vision des choses ne pouvait qu'avoir les

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fâcheuses conséquences qui vont suivre.Suite à ces discussions, Abu Bakr envoya onze colonnes

indépendantes, commandées chacune par un dirigeant de haut rang42. Les instructions reçues de Abu Bakr étaient de sommer les apostats à se repentir et à proclamer leur soumission au Califat. Le test de soumission consistait à faire l'appel à la prière (azzân). S'ils y répondaient alors ils étaient saufs et le dialogue pouvait s'installer pour les amener à prêter allégeance à Abu Bakr et à régler la Zakât. Sinon ils étaient tenus pour des apostats et par conséquent attaqués en tant que tels. C'est-à-dire leurs soldats tués, leurs femmes et leurs enfants gardés en otages.

Ce qui va arriver par la suite résulte cependant des motivations profondes et inavouées tant des donneurs d'ordre que des exécutants ou tout au moins de certains d'entre eux.

Khâlid Ibn Wâlid avait pour mission de marcher vers Tulayhah, l'imposteur qui s'était proclamé prophète. Pour cela il avait la colonne de loin la plus importante renforcée par les mille cavaliers Banî Tay. A Bozakhah, l'armée de Wâlid mit en déroute celle de Tulayhah. Ce dernier prit la fuite avec sa femme et fit route vers la Syrie. Ceux qui étaient restés acceptèrent de se soumettre et de payer la Zakât.

Du nord-ouest de Médine, Khâlid se dirigea vers le sud pour s'attaquer aux Banî Yerbi. Cette direction ne faisait pas partie du programme qui lui avait été tracé officiellement par ses supérieurs. Ce que ne manquèrent pas de lui objecter quelques-uns des membres de sa troupe. Il leur rétorqua que l'autorité lui appartenait et c'était à lui seul d'en décider comme il l'entendait. Libre à ceux qui ne voulaient pas le suivre de le faire.

C'est ainsi qu'ils allèrent à la rencontre d'un chef de tribu réputé pour ses multiples qualités. Musulman pieux, grand 42 Khâlid Ibn Walid fut envoyé vers Tulayhah, Ikrimah et Charhabîl pour punir Musaylamah, Khâlid B. Sa'îd vers la frontière syrienne, Muhâjir au Yémen, Alâ à Bahrein, Hothayfah B. Mohsen et Arfajah à Mahra.

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cavalier, poète célèbre et dirigeant très écouté par ses sujets, Mâlick Ibn Nouhaîrata s'était converti devant le Prophète qui lui avait confié la collecte de la Zakât dans sa région. Tâche dont il s'était honorablement acquitté jusqu'à la disparition du Prophète.

Avec l'avènement de Abu Bakr, la situation n'était pas encore suffisamment claire aux yeux de Mâlick Ibn Nouhaîra pour qu'il puisse adopter une position définitive et sans ambiguïté en faveur d'un quelconque remplaçant du Prophète (PSL). En effet le nom de l'Imam Ali avait été solennellement cité par le Prophète (PSL) à Ghadir Khom et voilà qu'à présent on lui apprenait que c'est Abu Bakr qui succédait à l'Envoyé de Dieu (PSL). Cette réserve de Mâlick devant un tel changement pouvait dés lors se comprendre.

Arrivés à Bâta'h, les hommes de Khâlid Ibn Wâlid brandirent leurs armes en direction des hommes de Mâlick Ibn Nouhaïra. Ces derniers s'étonnèrent devant une telle agressivité de la part de leurs coreligionnaires et s'armèrent aussitôt. Les partisans de Khâlid déclinèrent leur religion : "Nous sommes des musulmans."

Les autres leur répondirent: "Nous aussi, nous sommes des musulmans."

Sagement, les gens de Khâlid leur dirent: "Alors déposons nos armes et prions."

Les deux troupes déposèrent leurs armes et se mirent à prier chaque armée de son côté.

Dés la fin de la prière les hommes de Khâlid Ibn Wâlid attaquèrent par surprise l'armée de Mâlick Ibn Nouhaïra. Ils firent beaucoup de prisonniers parmi lesquels Mâlick lui-même et son épouse, la très belle Leïla. Cette dernière était d'une beauté légendaire dont la renommée avait dépassé les frontières de sa région. Une beauté qui souleva les ardeurs guerrières de Khâlid et surtout stimula sa conviction à se

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débarrasser de Mâlick.Ce dernier se trouvait sous les bottes de Khâlid lorsque le

victorieux lui annonça sa mort. Mâlick lui demanda si c'était l'ordre de son ami Abu Bakr. Khâlid lui répondit que c'est son apostasie qui le perdait. A cela Mâlick lui retourna: "je suis encore et toujours musulman. Amène-moi chez Abu Bakr car vous y avez amené des gens qui avaient commis des crimes bien plus graves que celui dont vous m'accusez aujourd'hui. "

Abdallah Ibn Oumar (fils de Oumar Ibn Abi Thalib) et Abu Qatâdatah confirmèrent leur accord sur la demande de Mâlick de l'amener chez Abu Bakr. Khâlid refusa la demande et donna l'ordre à ses soldats d'exécuter Khâlid.

Mâlick tourna son regard vers sa belle femme qui suppliait Khâlid d'épargner son mari, et dit à son bourreau: "C'est sa beauté qui m'a perdu." Khâlid lui répéta: "C'est ton apostasie qui te perd."

La tête de Mâlick fut tranchée et le même soir Khâlid épousa la très belle Leïla.

Abu Qotâdatah, révolté par le comportement indigne et contraire aux principes islamiques de Khâlid Ibn Wâlid, jura de ne plus rester sous les ordres d'un chef aussi injuste. Il se sépara de Khâlid et retourna à Médine en compagnie de plusieurs autres soldats qui étaient d'accord avec lui.

Une fois à Médine, Abu Qotâdatah et le frère de Mâlick Ibn Nouhaïra, Moutamim, allèrent directement se plaindre auprès de Abu Bakr qui rejeta leur plainte.

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Ils allèrent trouver Oumar qui approuva leur position. Oumar les ramena chez Abu Bakr à qui il dit:

"Khâlid doit être tué pour avoir tué un musulman."Abu Bakr refusa d'appliquer cette sentence en soutenant

que Khâlid avait pêché plus par erreur qu'intentionnellement.Oumar reprit: "Il faut alors le lapider parce qu'il a

commis l'adultère."Abu Bakr répondit de la même façon.Oumar ne trouvera plus jamais un quelconque terrain

d'entente avec Khâlid Ibn Wâlid. D'ailleurs il prouvera lors de son règne43 qu'il n'a jamais accepté le verdict combien erroné de Abu Bakr.

Nous relevons là encore un acte de Abu Bakr qui, tel qu'on l'avait prévu au début de ce récit, n'était dû qu'à un sens aigu du moi devant l'intérêt global de l'Islam, allant même jusqu'à défendre l'indéfendable au mépris des principes les plus élémentaires de l'Islam.

Fujâha assalmi:

Chef de la tribu des Banî Sleim, compagnon du Prophète, combattant aux côtés de celui-ci lors de la bataille de Badr, Fujâha assalmi s'était présenté à Abu Bakr pour demander des armes et des hommes afin de mener des attaques contre les "révoltés".

Abu Bakr répondit favorablement à sa demande en comblant ses besoins.

Au lieu de soumettre lesdits "révoltés", Jujâha se livrait à des actes de pillage à travers les contrées de l'Arabie. Lorsque Abu Bakr eut écho d'un tel comportement de son protégé, il envoya Târikh ben Hâjiz pour qu'il ramène Fujâha assalmi à la raison et ensuite de le remplacer. Ce que, bien sûr Fujâha 43 Il retournera sa part de butin aux ayants-droit. Notamment il remaria les femmes prisonnières à leur mari d'antan. Nous y reviendrons dans le règne de Oumar.

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n'accepta pas.Ils convinrent d'aller consulter leur donneur d'ordre en

vue de savoir qui des deux avait raison. Dés qu'ils arrivèrent, Abu Bakr ordonna qu'on amena manu militari Fujâha à Bakhiya où un feu avait été allumé pour l'occasion. Il y fut jeté sans autre forme de procès. Il ne fut ni entendu, ni jugé et pourtant si sauvagement exécuté44.

L’homme Abu Bakr :

A l'époque de sa prise du pouvoir, Abu Bakr était alors âgé d'environ soixante ans. Il était le fils d'Abu Quhâfah, un Quraychite. Abu Bakr était le septième dans la descendance de Taym, le fils de Morrah, le septième ancêtre du Prophète. Les deux lignées, celle du Prophète et celle d'Abu Bakr se séparent au niveau de ce septième aïeul.

Le clan auquel il appartenait se dénommait Banî Taym. Bien qu'Abu Bakr fût reconnu comme étant l'un des premiers à se convertir à l'Islam, son père ne se convertit à l'Islam que vingt ans après le début de la mission du Prophète.

Sa mère, Salmâ, n'avait aucun fils survivant avant Abu Bakr. Ce qui l'amena à aller prier au temple pour demander à ses dieux "d'immuniser ce fils contre la mort". Lorsque l'enfant grandit par la suite et dépassa l'âge où ses parents pouvaient encore rester inquiets, sa mère l'appela "Atîq", qui signifie "libéré"45. Son nom originel était Abdul Ka'bah.

A sa conversion à l'Islam à l'âge de trente huit ans, il prit le nom de Abd-Allâh. Après le mariage de sa fille vierge Aïcha avec le Prophète, il s'appela Abu Bikr (le père de la vierge), qui fut déformé ensuite en Abu Bakr.

Abu Bakr était un généalogiste versé dans la recherche de

44 Récit repris par Suyûti dans Tarkhul Khulafat, Ibn Qôtaybah dans Imamat wa siyassa, Ibnul Açir et Ibnu Khaldûn.45 Tarikhul khulafat de Suyûti. P.27, dans la version anglaise traduction de Jarret)

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l'ascendance des arabes, et plus particulièrement de celle des Quraych.

Une anecdote qui en dit long sur les habitudes de Abu Bakr et sur sa profession, est racontée par Suyûti :

Abu Bakr avait tellement pris l'habitude de se rendre à son commerce de vêtements que le lendemain matin de la prestation de serment d'allégeance qui lui avait été faite, il se dirigea dés sa sortie du lit vers le marché avec quelques manteaux sur le bras. Omar lui demanda: "Où vas-tu ?" . "Au marché", répondit-il. Omar lui dit: "Est-ce que tu fais cela même après avoir été chargé de gouverner les musulmans ?" "Et comment donc ma famille sera-t-elle nourrie ?", répliqua-t-il. Omar dit : "Viens, Abu Obaydah va t'approvisionner". Abu Obaydah était le Trésorier du Bayt-al-Mâl ou Trésor Public. Abu Bakr réclama plus que les deux mille dirhams qu'on lui octroya, objectant qu'il avait de la famille et qu'on l'employait dans un autre travail que le sien. Un supplément de cinq cents dirhams lui fut accordé. Par la suite une allocation de six mille à huit mille dirhams, selon les version, lui fut accordée pour les charges de la maison46.

Yazid nommé Général à Damas:

Un acte plein de conséquences que posa Abu Bakr fut la nomination de Yazid comme Général de l'armée de Damas.Parlons d'Abu Souffiane, le père de Yazid et de Mouhawyah afin de mieux comprendre la portée d'un tel acte. Abu Souffiane qui était un grand notable de la Mecque, n'était entré dans l'Islam que sous la contrainte de Omar qui ne lui avait pas laissé le choix, sauf celui de se voir trancher la tête. Il faisait ainsi partie des "atulakha", c'est-à-dire les amnistiés (après s'être convertis à l'Islam).

46 Ibn Athîr.

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Trois personnalités importantes de ce clan vont être tués par les Hachimites dirigés par l'Imam Ali. Ces trois sont Uthba, Cheybah et Walîd. Trois grands combattants dont les seuls noms faisaient trembler de peur bien des guerriers. Ils étaient allés dans leur mécréance jusqu'à défier le Prophète lui-même. Ce dernier choisit deux de ses cousins, qui étaient l'Imam Ali et ubayda ibn harith ainsi que hamza son oncle. Ce jour-là, le Prophète s'adressa à Dieu en ces termes: "Aujourd'hui, c'est toute la Foi en Dieu qui combat contre toute la Mécréance."Les trois mécréants furent tués et leurs partisans se jurèrent de les venger. Et c'est ce qui expliquera toute la hargne qu'auront Abu Souffiane et les siens à combattre la famille du Prophète. Dés lors on peut comprendre la haute portée de la désignation de Yazid comme Général de Damas, la région la plus importante de l'Arabie. Point de rencontre de diverses cultures (indienne, romaine, perse, africaine, etc.), grand carrefour économique, Damas était un centre stratégique et géopolitique capital pour l'Arabie.Cette nomination n'était que le fait des pressions directes ou indirectes qu'exerçaient Abu Souffiane et les siens sur Abu Bakr. Les pressions venaient notamment du fait que Abu Souffiane savait que le pouvoir légitime n'appartenait pas à Abu Bakr, et aussi de ce que le clan d'Abu Souffiane était puissant de par sa position sociale, et économique.

Les interactions entre la famille du Prophète et celle de Abû BAkr

Aïcha, la fille de Abû Bakr, épouse du Prophète Mohamed (PSL), ira en guerre contre l’Imam Alî Ibn Abî Tallib, cousin et gendre de son illustre mari.Le fils de Abû de Bakr, Abdu Rahmane était aux côtés de Aïcha dans la bataille du chameau contre l’Imam Alî.

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Zoubeir Ibn al-Awâm, mari de Asmâh, la fille de Abû Bakr, était un des lieutenants de l’armée de Aïcha qui combattit l’Imam Alî. Il eut beaucoup d’influence sur Aïcha.Abdallah, le fils de Soubeir et de Asmâh, donc petit-fils de Abû Bakr, dirigeait une division de l’armée de Aïcha. Il fut tué lors de la bataille du chameau.Tal’âh, cousin et gendre de Abû Bakr par Oumou Kalsum, était un des dirigeants de l’armée de Aïcha. Ses avis étaient prépondérants sur les décisions de Aïcha.Le frère de Tal’âh, Abdu Rahmane, cousin de Abû Bakr faisait partie de l’armée de Aïcha. De même que Mouhamed, fils de Tal’âh et petit-fils de Abû Bakr par Oumou Kalsum.Oumou Farwah, la sœur de Abû Bakr avait une fille du nom de Ja’ahdâ. Mu’âwiyah promit à cette dernière de la marier à son fils Yâzid et de la combler de biens de ce monde si elle arrivait à empoisonner Al Hassan, le petit-fils du Prophète et fils de l’Imam Alî. Elle acheva sa mission mais n’eut aucune des récompenses qui lui avaient été promises. Comme à son habitude, Mu’âwiyeh ne tint pas parole.Deux frères de Ja’ahdâ, fils de Oumou Farwah donc neveux de Abû Bakr, dont l’un s’appelait Is’hâb étaient dans l’armée de Yazid contre Al Hossein, le petit-fils du Prophète et fils de l’Imam Alî.Mas’hab Ibn Zoubeir était le fils adoptif de Abû Bakr. Il combattit Mokhtar qui voulait venger le meurtre du même Al Hossein, petit-fils du Prophète.

Les regrets de Abu Bakr :

Selon les livres sunnites Al-Tabârî, Al’Aqd al-Farîd, Kanz al-‘Ummâl, Al Immamat wa siassah, Tarîkh-ul khulafâ, le Calife Abu Bakr exprima avec amertume, pendant sa maladie, son regret pour trois types de ses actes :

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1. Ceux que « j’aurais aimé ne pas avoir faits »,2. Ceux que « j’aurais aimé avoir faits »,3. Ceux sur lesquels que « j’aurais dû demandé l’avis du

Prophète de son vivant ».Pour la première série d’actes qu’il n’aurait pas dû poser, Abû Bakr cite :

- La râfle dans la maison de Fâtimah, la fille bien-aimée du Prophète de l’Islam, et de l’Imam Alî, cousin et gendre de Mohamed (PSL)

- Le fait d’avoir fait brûler vivant Fujâ’ah al Salmî au lieu de le relâcher ou de le faire passer par le sabre. Fajâ’ah est celui-là qui avait demandé à Abû Bakr une armée pour soumettre des populations révoltées contre son arrivée au pouvoir et en avait profité pour les piller.

- Le fait d’avoir épargné le rebelle Ach’ath à qui il maria par la suite sa sœur Om Farwah. Cet homme, dit-il, avançait toujours dans la bassesse.

La deuxième série d’actes que Abû a vivement regretté de ne pas avoir commis est :

- Il aurait dû refuser d’être Calife et plutôt prêter allégeance à Oumar ou à Abî Oubaydah. Ainsi, il se satisferait du poste de second en tant que wazir (Ministre, en arabe).

- Lorsqu’il envoya Khâlid Ibn Wâlid vers la Syrie, il aurait dû envoyer Oumar en Irak. Ce qui lui aurait valu une plus grande part de bénédiction dans le sens de l’accomplissement de ce qu’il considèrait comme une mission.

- Le fait d’avoir donné en mariage sa sœur Om Farwah à Ach’ath qu’il a par ailleurs regretté d’avoir épargné.

La troisième série de regets d’Abû Bakr concernent les questions qu’il aurait dû poser au Prophète :

- Il aurait souhaité demander au Prophète avant sa mort, à

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qui revenait le pouvoir après lui l’Envoyé de Dieu. Cela aurait évité qu’on ne se batte pour lui succéder, pensa-t-il.

- Egalement, il aurait aimé savoir de la bouche–même du Prophète si les ançârs avaient une part dans ce pouvoir et en quoi consistait-elle.

- Il lui manquait aussi d’avoir posé au Prophète une question sur l’héritage : la signification du mot Al kalâlah (Sourate Nîssah-les femmes, Verset 175). Il dit à ce propos : « je vais vous donner une signification. Si elle est juste, elle est de Dieu, si elle est erronée, elle est de moi et de l’esprit malin. Je pense que ce mot signifie manque de parent et de descendant. ».

Ces regrets appellent de notre part quelques observations essentielles qui nous permettent de mieux les situer dans leur contexte.Dans l’ordre nous allons commencer par la première série. En effet, le premier regret concerne la râfle ordonnée par Abû Bakr chez l’Imam Alî et sa divine épouse Fâtimah Zahra, fille adorée du Prophète. Certes ce sont les exécutants de l’ordre qui en ont rajouté, mais le donneur d’ordre en est le responsable, comme on le dit en matière juridique. Les conséquences de cet acte furent incalculables, notamment l’avortement brutal suivi de la mort de Fâtimah. Cette dernière demanda même suite à ce fait que Abû Bakr et Oumar ne soient à jamais associés à quoi que ce soit de ce qui la concernait jusqu’à sa mort. Elle dira même après l’entretien qu’elle eût avec Abû Bakr en la présence forcée de l’Imam Alî, qu’elle ne souhaite pas que Abû Bakr et Oumar assistent à ses funérailles et qu’elle se plaindra de ceux-ci auprès de son Saint père le Prophète. On comprend dés lors le regret d’Abû Bakr d’autant plus que le Prophète leur avait démontré, et ceci plusieurs hadiths déjà cités nous le rappellent, à quel point il

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aimait Fatîmah à propos de qui il disait d’ailleurs que quiconque l’offense l’aurait offensé lui le Prophète. Or des versets du Saint Coran nous rappellent que celui qui offense le Prophète a offensé Dieu le Tout-Puissant. L’un de ces versets est :« Ceux qui offensent Allah et Son messager, Allah les maudit ici-bas, comme dans l’au-delà et leur prépare un châtiment avilissant » (Al-‘Ahzâb ou les Coalisés, 33 : 56)Dés lors, la conclusion coule de source…Passons sur les deux autres regrets qui concernent des personnes qu’il regrette d’avoir mal sanctionné ou pas suffisamment sanctionné . Surtout quand on sait que l’Islam n’a nulle part autorisé un homme à brûler un autre homme pour une quelconque faute.Dans la deuxième et la troisième série, nous observerons qu’Abû Bakr reconnaît s’être accaparé du pou-voir de diriger la Ummah islamique après le Prophète, sans y être préposé. Il aurait souhaité, dit-il, demander au Prophète à qui il revenait de de s’asseoir au Khilafat après lui. N’est-ce pas l’acceptation de l’idée minimale qu’il est entré dans une affaire dont il ne maîtrisait pas les contours ?Pour sûr, son règne lui a permis à posteriori d’avoir l’honnêteté d’appréhender qu’il n’était pas à la hauteur de la tâche et que par conséquent il n’était pas le digne successeur du Prophète de l’Islam. Si Oumar Ibn Khattâb a toujours porté l’entière responsabilité de ses actes, ce n’était pas le cas de bien de ses contemporains qui, eux aussi, ont porté Abû Bakr au pouvoir sous le couvert du droit légitime à la succession dont, selon eux, il bénéficiait. Oumar soutenait que le Prophète leur avait laissé le Chûrâ, c’est-à-dire la voie de la Consultation. Certains écrivains sunnites fort célébres comme Al Suyûti défendent hélas cette thèse injustifiée de la légitimité successorale de Abû Bakr malgré les regrets de ce

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dernier. Les actes qui ont été posés et ceux qui le seront plus tard par ceux que ces auteurs soutiennent et défendent, expliquent ce comportement comme la fin explique les moyens lorsqu’on n’est pas guidé par la main de Dieu.Particulièrement dans la troisième série Abû Bakr nous étale son ignorance des préceptes du Coran, là encore contrairement aux enseignements que nous avons reçus de nos maîtres sunnites. Il aurait aimé poser une question au Prophète sur l’héritage. Or donc Dieu nous a dit que tout est dans le Saint Coran :« Nous n’avons rien omis dans le Livre. » (Sourate , - )«Aujourd’hui, j’ai parachevé pour vous votre religion et accompli sur vous mon bienfait. Et il m’agrée que l’Islam soit votre religion. » (Ma’îda ou le Plateau servi, V-3)    Peut-on dire que cet homme-là connaissait bien le Saint Livre ? Assurément non. Du moins pas autant que l’Imam Alî Ibn Abî Tâlib dont la quintessence du savoir justifiait son surnom de « Porte de la Cité de la Connaissance » que lui avait attribué le Prophète en personne, lui la Cité. Abû Bakr était bien en deçà du Grand Maître Alî qui disait : « demandez-moi avant de me perdre. »Concernant la part des ançârs dans la succession du Prophète, la conscience de Abû Bakr le grondait quant à l’exil en Syrie puis la fin de Sa‘d Ibn‘Obâdah le chef des ançârs. On découvrira plus tard les commanditaires et les exécutants de ce meurtre crapuleux (voir le règne de Oumar – La destitution de Khâlid Ibn Wâlid).

La mort d’Abû Bakr :

Abû Bakr est mort au mois lunaire de Jumâ’di sâni en l’an 13 A.H, soit l’an 634 de notre ère. Son règne dura deux ans trois mois et dix jours.

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Sa femme Asmâ’a Bint Omaïs et son fils Abdu Rahman ont procédé au bain mortuaire et Oumar a présidé la prière mortuaire. Il fut enterré dans la chambre de sa fille et épouse du Prophète, Aïcha. Sa tombe fut creusée à côté de celle du Prophète et sa tête posée au niveau de l’épaule de ce dernier.On raconte que c’est lors d’un repas que Abû Bakr partageait avec Hâriss Bun Kaladata, que ce dernier l’avertit, dés qu’il en eut le pressentiment, de la présence d’un poison mortel au bout d’un an dans la nourriture dont ils venaient d’ingurgiter les premières portions.C’est ainsi qu’effectivement ils mourront le même jour un an plus tard. Al Suyûti raconte cette histoire dans son Târikhul Khulafat, citant Ibn Sâ’ad et Al Hâkim.Sur son lit de mort, Abû Bakr prit la résolution de mettre sur papier ses dernières volontés, notamment le nom de son successeur. Il demanda à Usmân d’écrire :« Au nom de Dieu le Clément et le Miséricordieux, moi Abû Bakr, fils de Abû Quhafa, à l’approche de ma mort je fais la déclaration suivante de ma volonté aux musulmans. Je nomme comme successeur… » A ce moment-là, il s’évanouit. Usmân qui savait qui serait désigné par Abû Bakr, mit le nom de Oumar Bun Khâttab.Lorsque Abû Bakr reprit connaissance, il demanda à Usmân le nom que ce dernier avait mis. Usmân le lui dit. Abû Bakr remercia Dieu et Le pria de bénir Usmân pour sa prévenance tout en assurant à ce dernier que n’eût-été la promesse faite par lui à Oumar de lui céder le pouvoir, il n’aurait pas « enjambé » Usmân. C’est d’ailleurs en reconnaissance à Usmân pour sa soumission à cette décision de Abû Bakr, que bien plus tard Oumar passera le pouvoir à son tour à Usmân d’une façon plus subtile et moins dictatoriale que Abû Bakr. Comme nous le verrons plus loin.Abû Bakr poursuivit :

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« Si j’étais mort suite à cet évanouissement, la Ummah aurait été laissée dans les ténébres. » Il poursuivit la dictée : « Ecoutez-le et obéissez-lui ; car il gouvernera avec justice, sinon Dieu qui connaît tous les secrets, le traitera de la même façon. Je veux dire que tout ira bien, mais je ne connais pas les secrets cachés dans les cœurs. Adieu. »Tal’ha réagit à cette nomination en ces termes :« Que diras-tu à ton Seigneur maintenant que tu as désigné Oumar dont tu connais la rigidité »47

Abû Bakr se mit brusquement sur ses coudes et lui répondit :« C’est par la Vindicte de Dieu que vous voulez me menacer. Si je rencontre Dieu, je lui dirais que j’ai désigné le meilleur d’entre vous. »Manque de crainte de Dieu ou autosuffisance et assurance ? A chacun d’apprécier.Lorsque le père d’Abû Bakr apprit le nom du successeur de son fils, il réagit sans surprise : « Ah ! son ami »De tout ceci il résulte que la désignation de Oumar comme successeur de Abû Bakr était prévisible et prévue. Cela depuis l’arrivée de Abû Bakr lui-même au Califat.La remarque de taille qu’on aimerait faire ici c’est que ceux qui avaient empêché le Prophète d’écrire ses dernières recommendations à la Ummah, prétextant qu’il « délirait » ou « souffrait », sont ceux-là mêmes qui ont encouragé, aidé et accepté que les dernières volontés de Abû Bakr soient couchées sur papier malgré les évanouissements de l’agonisant.Il est tout à fait inadmissible que ce qui a été refusé au Prophète de l’Islam, l’Envoyé de Dieu, le mâqsum (infaillible), soit accordé à Abû Bakr, un simple mortel, un faillible qui a même reconnu ses erreurs et ses faiblesses.L’Héritage du Prophète à l’aube de l’Islam, n’était-il pas plus

47 Al Suyûti et Ibn Qutaybah.

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important que celui de Abû Bakr ?N’était- il pas plus urgent, plus indispensable et donc plus essentiel pour le Prophète que pour Abû Bakr ou un autre, de désigner son successeur ?Ne revenait-il pas au Prophète lui-même avant qu’Abû Bakr ne se sente obligé de le lui demander, de désigner son successeur, vu l’importance de cet acte et les enseignements du Coran à ce propos ?Dés lors que le Prophète aurait laissé sa Communauté dans la Chûra (consultation), comme ils le soutiennent, Abû Bakr n’aurait-il pas dû, en bon croyant qu’il était, imiter l’exemple du Prophète en laissant à sa Communauté la voie de la consultation ?Etait-il seulement concevable que Abû Bakr puisse refuser de « laisser la Ummah dans les ténèbres », par le simple fait de ne pas donner le nom de son successeur auquel tout le monde s’attendait, et que par contre ce ne fut point du tout le souci du plus éclairé des hommes, le Guide, la Cité de la Connaissance, Al Mustapha, l’Elu de Dieu ?Un esprit, quelque rétors qu’il puisse être ne saurait accepter cela. Il est clair que si Abû Bakr et ses acolytes sont arrivés à forcer la main à toute la Communauté musulmane à la mort du Prophète, c’est bien parce que l’acte était prémédité et conçu en association. La passation du pouvoir au sein des membres du groupe, de l’un à l’autre, nous le prouve et nous le prouvera davantage par la suite. Hélas ceci au détriment de toute la Communauté et plus particulièrement de la sainte lignée des protégés de l’erreur, celle de la Sainte Famille du Prophète, celle des Saints Imams choisis par Dieu pour garder la pureté et l’entièreté de Son Enseignement.Encore une fois les hommes venaient de choisir les voies biscornues de la déviance et de la perdition au détriment de la Foi et de la Salvation, comme par nostalgie des temps anciens

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de la Jahilia. Confirmant ainsi la vérité décrite dans le Coran et qui consiste en ce que l’humanité devra atteindre une ère de perversion qui atteindra un niveau tel que Dieu fera descendre le ciel sur la terre. Ce sera alors la fin du monde et le jour du Jugement dernier. La suite, puisqu’il y en a une, sera alors une ère de perfection pour tous les êtres, la fin de la mission de l’homme sur terre.N’empêche que ceux qui auront atteint la perfection avant ce dernier scénario auront, eux, accompli leur mission avant tout le monde et seront épargnés des âffres de ce dernier jour.

IV – LE RÈGNE DE OUMAR   :

La naissance et les origines de Oumar

Né 13 ans après l’année de l’éléphant, Oumar Ibn Khâttab était du clan des Banu Adi. Cette célébre année de l’éléphant tirait vraisemblablement son appellation de la venue dans la région du Roi Abrahata en compagnie d’un grand nombre d’éléphants.Ses ancêtres rencontrent ceux du Prophète de la tribu des Quraïchs à la huitième génération en amont.Avant de se convertir à l’Islam, il s’opposait très vivement au Prophète et même cherchait à l’éliminer physiquement. Oumar était très proche de Abû Jahal, le frère de sa mère, donc son oncle. C’est cet homme qui se battra farouchement contre le Prophète aux côtés de Abu Sufiane au point d’y laisser sa vie lors de la célèbre bataille de Uhûd. C’est dire que Oumar vivait dans un entourage hostile au Prophète et qui le restera d’ailleurs pour le cas de Abû Jahal au moins.La date de sa conversion à l’Islam, source de controverse, se fit, selon toute vraisemblance, à l’âge de trente trois ans. L’événement qui déclencha cette conversion se déroula chez

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sa sœur. L’histoire est racontée chez bien des historiens sunnites de référence :

Selon eux elle s’est comme suit : quelqu’un l’avait rencontré et lui avait demandé : « Oumar, où t-en vas-tu si vite et si puissament armé ? »« Je m’en vais tué Mohamed », lui répondit Oumar.L’homme reprit : « Avant de tuer Mohamed, va donc tuer ta propre sœur qui s’est convertie à l’Islam. »Sur ce, Oumar se précipita chez sa sœur. Dés qu’il ouvrit avec fracas la porte, le mari et son épouse, surpris, tentèrent de cacher les feuillets sur lesquels se trouvaient les versets de Coran qu’ils apprenaient. Le mari, craintif, se cacha pendant que la femme courageuse et déterminée reçut une gifle d’une rare violence de la part de son frère. Elle osa protester devant Oumar lorsqu’il s’empara d’une feuille pour la lire. Elle lui disait qu’un impur ne devait pas toucher les Saints Ecrits d’Allah.Contrairement à toute attente, Oumar trouva dans la lecture de ces quelques versets de Coran, les raisons de sa conversion.

Une autre version plus acceptable nous vient de quelques auteurs sunnites48 moins connus mais surtout des chîtes :Oumar, en renfort à sa propre hostilité envers Mohamed, s’était proposé de gagner la prime de cent chameaux ou de mille onces d’or offerte par Abû Jahal à qui lui apporterait la tête de Mohamed. En chemin, Oumar rencontra Sa’d Ibn Abî al-Waqqâç à qui il fit part de son projet, ne sachant pas qu’il était un adepte de Mohamed. Sa’d le mit d’abord en garde contre le risque qu’il courait, puis il lui suggéra d’aller voir en premier lieu sa propre sœur et son mari qui étaient déjà des adeptes de Mohamed. A l’approche de la maison de sa sœur, il

48 Ibn Hichâm ; Târikh al-Khamîs.

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entendit un cours d’enseignement du Coran dispensé par un Khabbâb à sa sœur Aminah et à Sa’îd Ibn Zayd, son mari. Il entra brusquement dans la maison, fonça tout droit sur Sa’îd, engagea un corps à corps avec lui, et le jetant par terre où il tomba sur le dos, il s’assit sur sa poitrine. Là, sa sœur intervint. Elle reçut à son tour une claque qui la fit saigner, mais dans un accès de colère elle lui cria qu’il pouvait faire ce qu’il voulait à présent qu’elle a changé de foi.Ayant honte de l’avoir acculée à une telle effronterie, Oumar s’écarta et lui demanda de réciter ce qu’elle apprenait. Elle récita les quatorze premiers versets de la sourate Tâhâ avec une solennité qui affecta le fond de son cœur. Oumar fut stupéfait par la langue, qui avait un effet surnaturel auquel il ne put résister lui-même. A la fin, il leur demanda à tous les deux de le conduire à Mohamed. Khabbâb qui s’était caché dans la maison en voyant Oumar foncer vers eux, sortit alors de sa cachette.La conversion de Oumar eut lieu trois jours après celle assortie d’un serment de protection de Hamzah, un grand notable de la Mecque et non moins oncle de Mohamed.Cette parenthèse nous permet de camper le caractère très impulsif de Oumar qui ne changera pas même lors de son règne.

Oumar devint Calife des Musulmans le 22 Jumâ’dah sâni de l’an 13 A.H, à l’âge de cinquante deux ans. Le pouvoir lui revint suite au legs que lui en avait fait Abû Bakr.Nous allons vous citer un fragment de son discours d’investiture :« Ô Dieu, je suis dur de tempérament, rends-moi plus souple. Je suis faible, donne-moi la force. Je suis avare, rends-moi plus généreux. », d’après Al Suyûti dans Tarikhul Khulafa.

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Les faits marquants dans le règne de Oumar

1. Destitution de Khalid Ibn Wâlid et Ahlu Râdda

La première décision qu’a prise Oumar à son arrivée au pouvoir fut la destitution de Khâlid Ibn Wâlid, Commandant de l’armée en Syrie. La raison officielle était l’enrichissement illicite et combien important de Khâlid. Il avait mis dans cette mouvance tous ses proches. La corruption était banalisée.En plus de cela, Oumar n’avait pas digéré le crime odieux que Khâlid perpétra sur la personne de Malick Ibn Nouhayrah. Ce dernier, pour mémoire, avait été injustement tué pour le simple refus de payer la Zakaat à Abû Bakr. Khâlid épousa sa femme de force le même soir, sans attendre les trois mois de veuvage exigés par l’Islam.

Après l’avoir destitué, Oumar rencontra un jour Khâlid et lui reprocha son acte ignoble. Khâlid rétorqua que Oumar ne devait pas lui faire un tel reproche car, lui rappela-t-il, il lui avait déjà rendu un grand service en tuant un homme dans l’intérêt de Oumar et de Abû Bakr, pour des problèmes qui existaient entre eux et cet homme, loin de tout respect envers la Charia. Il s’agissait, pour lui rafraîchir la mémoire, de Sâ’d Ibn Obâdah dont le crime avait été effectivement attribué de façon absurde d’ailleurs aux djinns sans aucune suite. La victime, rappelons-le, était un des notables ançârs qui avait refusé la prise du pouvoir par Abû Bakr et avaient soutenu que le Khilafat appartenait aux ançârs, eux qui avaient accueilli le Prophète à Médine.

Suite à la bataille de Banû Yarbî où Khâlid Ibn Wâlid s’illustra de la façon que l’on sait contre les Ahlu Râdda (littéralement les gens révoltés) dirigés par Mâlick Ibn

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Nouhayrah, Abû Bakr qui était alors Khalife avait fait distribuer le butin de guerre comme d’habitude aux familles de Médine. Ainsi les hommes faits prisonniers devenaient des esclaves et les femmes des épouses.Oumar, dés son arrivée au pouvoir, marqua une deuxième fois après la destitution de Khâlid, sa désapprobation des actes commis lors de cette guerre en restituant les biens, les hommes et les femmes.Il récupéra ce qu’il pouvait encore trouver des biens, ainsi que les hommes et les femmes. Les biens furent restitués à leurs propriétaires, les hommes recouvrèrent la liberté tandis que les femmes étaient séparées de leurs nouveaux époux. Certaines d’entre ces dernières étaient enceintes. On imagine leur retour tumultueux auprès de leurs anciens maris avec tous les autres problèmes qu’une telle situation peut créer tant derrière elles que devant elles ; si tant est que derrière serait peut-être devenu devant ou l’inverse ?Une question nous reste au travers de la gorge sur cette décision de Oumar :S’il a raison c’est Abû Bakr qui a tort. Alors qui des deux a raison ou a tort ?

2. Târâwih (Prières surrérogatoires du mois de Ramadhan)

Toute sa vie durant, le Prophète a toujours autorisé et même recommandé avec insistance à sa Communauté de faire, chacun dans l’intimité de sa demeure, le maximum possible de prières surrérogatoires (nawâfil ou encore tarâwih) pendant les nuits du mois de Ramadhan. Un hadith du Prophète confirme la justesse de ce comportement :« La meilleure prière que peut faire un musulman est celle qu’il fait dans sa maison, excepté les cinq prières. »Les raisons en sont bien simples :

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D’un, l’homme est responsable de sa famille, femmes, enfants et biens. Il doit veiller à les protéger. Ce qui n’est pas le cas lorsqu’il consacre en dehors de sa maison et de façon régulière un temps important de chaque nuit pendant un mois aux tarâwih.On remarque à ce propos que, dans les villes comme dans les villages, bien des viols, vols, adultères et autres exactions sont commis pendant ces heures de prières.De deux, il est clair que celui-là qui se lève la nuit de son propre gré avec l’intention de glorifier Dieu et qui fait ses ablutions pour ensuite prier en toute quiétude, fait preuve d’une grande foi et verra cette foi renforcée.Par ailleurs, toujours avant d’aborder les faits relatifs à Oumar dans ce sujet, il est encore bon de souligner qu’il est formellement interdit en Islam de créer une quelconque tradition innovatrice dans les pratiques cultuelles, donc dans la prière, les cérémonies religieuses, etc. On retrouve cet interdit dans un hadith très célébre :« Après ce que Dieu a dit et ce que le Prophète a recommandé, toute attitude innovatrice est bidâ. Tout bidâ est ignorance et l’ignorance conduit au feu de l’enfer. » Or donc, Oumar a innové pendant son règne en étant le premier à regrouper les musulmans lors des prières surrérogatoires pendant les nuits du mois de Ramadhan.Il faut dire que pendant le règne de Abû Bakr les recommandations du Prophète dans le domaine des tarâwih étaient respectées. Les musulmans faisaient leurs prières surrérogatoires chacun de son côté.Oumar mit fin à tout cela une nuit du mois de Ramadhan de l’an 14 A.H. Il fit une suggestion à ses proches alors que les musulmans priaient chacun de son côté : il serait préférable de voir tout ce monde réuni derrière un seul Imam et priant dans un seul mouvement.

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Le lendemain, de grands groupes de prières se formèrent tant chez les femmes que chez les hommes.Oumar, voyant cette harmonie dans les mouvements, s’extasia :« Ce bidâ là, en tout cas, est un bon bidâ ! »A partir de ce moment, nous lui laissons l’entière responsabilité de sa décision.Ces faits sont racontés par tous les grands auteurs tant sunnites49 que chîtes.

3. L’appel à la prière (al Azzân)

Sous le règne de Oumar et à sa demande, l’appel à la prière a connu deux changements majeurs dans sa formulation. L’un est un retrait et l’autre un ajoût.Il a fait retirer une phrase dans cet appel :Après « ayâlla sallâh, ayâllal fallâh », il y avait « ayâlla khay’ril ammal » qui signifie « venez au meilleur des travaux ».Oumar trouvait que les musulmans pouvaient à cause de cette phrase, négliger la guerre sainte (jihâd) et le travail quotidien en faveur de la prière.Le Prophète en personne, et Abû Bakr après lui, l’avaient pratiqué sans problème. Oumar lui, y trouva matière à changement. Un second bidâ à son actif.Le second changement dans l’appel à la prière est le rajoût de la phrase « assalatou khayroun mina nawmi »50 ; ce qui signifie « la prière est meilleure que le sommeil ». Le muezzin qui venait de dire cela pour réveiller son Calife pour la prière du matin, vit ce dernier lui proposer de rajouter cette phrase dans l’appel à la prière du matin.

49 Boukhâri et al Suyûti.50 Dans le Mwata de l’Imam Malick.

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4. Les guerres offensives de Oumar et la rémunération des soldats.

Le Prophète de l’Islam n’a jamais mené de bataille offensive. D’ailleurs, dans le Coran, il n’a toujours reçu que des ordres de riposte défensive. Le rappel des motivations des guerres auxquelles il a fait participer l’armée islamique, constituerait un document suffisament exhaustif pour sortir du cadre de ce livre.Après lui, Abû Bakr puis Oumar impliquèrent leurs soldats dans des guerres de conquête offensive. Plus tard, ils furent suivis en cela par de nombreux autres dirigeants musulmans qui comme eux n’auront pas suivi les enseignements du Prophète.Tout ce monde, allant de Abû Bakr puis Oumar à tous ceux qui méneront après eux des batailles offensives pour convertir des non-musulmans à l’Islam, aura pourfendu cette Parole divine :« Nulle contrainte en religion! Car le bon chemin s'est distingué de l'égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle tandis qu'il croit en Allah saisit l'anse la plus solide, qui ne peut se briser. Et Allah est Audient et Omniscient. » (Bâqara, II-256)Dieu n’a jamais demandé au)x musulmans de contraindre ceux qui ne le sont pas, à se convertir. Au contraire, bien des exemples nous prouvent dans la vie du Prophète comme dans le Coran que d’autres moyens plus civilisés existent, notamment intellectuels. Dans certains cas, bien entendu, aucune discussion ne peut être engagée car souvent les fausses croyances se fondent sur un ego très développé et une …extraordinaire mauvaise foi.Rappelons-nous de la confrontation entre le Prophète et les chrétiens de Najrân dont on a déjà parlé plus haut dans nos

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propos sur les Ahlul Beyt. Dieu ordonne au Prophète dans le Coran :

«Si quelqu’un te contredit après ce que tu as reçu en fait de science, dis : « Venez ! Appelons nos fils et vos fils, nos femmes et vos femmes, nous-mêmes et vous-mêmes : nous ferons alors une exécration réciproque en appelant une malédiction de Dieu sur les menteurs. » » (Al-îmran, III-59 à 61)Le Tout-Puissant n’a donc pas demandé d’aller en guerre contre les mécréants, encore moins contre les chrétiens et les juifs. Il faut plutôt engager le débat intellectuel, mais avant cela encore faudrait-il renforcer sa connaissance du Coran et des hadiths du Prophète.Pour en venir à la décision de Oumar, nous dirons simplement qu’il a suivi Abû Bakr dans les guerres offensives mais, allant plus loin, demanda à ce qu’on ne distribue plus une partie de la Zakât aux non-musulmans pour attirer leur sympathie. Car, dira-t-il, désormais celui qui refusera de se convertir à l’Islam, sera simplement combattu. L’ordre divin venait encore une fois d’être dérangé.De plus, Oumar décida qu’une partie de cette Zakât sera payée aux combattants. Cela eut pour effet de porter le doute sinon de muter les motivations profondes des combattants lors des batailles. L’argent prenait le pas sur la foi ainsi que sur la …rétribution divine. En effet, peut-on dire que ceux qui mourraient lors de ces guerres avec une motivation d’ordre pécunier ou matériel étaient des martyrs de l’Islam ?

5. La nomination de Mu’âwiyeh, Gouverneur de la Syrie

Il a existé sur plusieurs générations une grande rivalité, et même une certaine vendetta entre la famille du Prophète et celle de Abû Soufiane. Cela avait commencé entre Ummâyah

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et Hâchim. Le premier, grand-père de Abû Soufiane, était farouchement jaloux du second, grand-père de Muhammad (PSL).Après eux, Abû Soufiane, pour en venir à l’essentiel, participa financièrement et fut un des inspirateurs d’un grand nombre de batailles menées contre le Prophète.Sa femme, Hindd, éventra Hamza l’oncle du Prophète, après l’avoir fait tuer. Les sunnites soutiennent qu’elle a mangé son foie tandis que les chîtes réfutent cela soutenant que Dieu lui a refusé cet honneur. Pour nous l’essentiel est ici de savoir qu’il y a un accord minimal entre eux sur l’essentiel : le fait d’avoir éventré un cadavre.Abû Soufiane, son beau-père Hotbah, et ses deux fils Wâlid et Chayba, sont tous tombés dans la bataille de Bâdr sous le sabre de l’Imam Alî (pour Wâlid), Hamza (pour Chayba), et Oubayda, tous membres de la famille hâchimite du Prophète. Oubayda et Hotbah se blessèrent mutuellement, puis Alî et Hamza, venus au secours de leur frère, achevèrent Hotbah avant de ramener Obaydah qui succomba de ses blessures quatre jours plus tard51.Autre détail : Abû Jahal, l’oncle de Oumar fut également tué dans cette guerre. Il était un dignitaire mecquois très craint et était en tête de ceux qui avaient chassé le Prophète de la Mecque.C’est en pleine connaissance de toutes ces circonstances que Oumar prit la décision de nommer Mu’âwiyah, le fils de Abû Soufiane et de Hindd, Gouverneur de la Syrie.Cette décision sera à la base de l’éclatement de l’empire musulman.

6. Le premier à couper la main des voleurs au niveau du poignet

51 Zakir Hussayn : « History of Islam ».

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Du temps du Prophète, la charia était appliquée dans sa totalité. Et pourtant il n’a jamais été question de trancher la main au niveau du poignet de qui que ce soit, fut-il un voleur. Pour la simple raison que le droit musulman ou encore le code pénal islamique ne prévoit de trancher la main au niveau du poignet d’un voleur pour le sanctionner de son forfait que dans un cas extrême de récidives multiples et injustifiées (ce sujet sera discuté ci-dessous).

7. La punition de Oumar à son fils

A plusieurs reprises, Oumar a eu à prouver son manque de maîtrise ou simplement sa méconnaissance du Coran.Cette fois, il s’agit de son propre fils. Ce dernier, Abdou Rahmane Ibn Oumar, qui se trouvait en Egypte, avait eu l’indélicatesse de boire de l’alcool. Le Représentant du Calife Oumar dans la région encore sous le joug arabe, Oumr Ibn al-Açyr, le punit selon la charia en lui faisant administrer quelques coups de fouet. Puis il avisa le père de la déviation de son fils.Oumar demanda qu’on le lui envoyât immédiatement sur le dos d’un chameau sans selle, sanction traditionnelle suprême à l’époque et qui ne figurait et ne figure (heureusement !) nulle part dans les peines prévues par la charia.Lorsque le jeune homme arriva tout épuisé à Médine, Oumar le battit à mort de ses propres mains. Croyant ainsi appliquer une seconde fois la charia.Il venait en réalité de tuer un croyant. Même si ce dernier était en faute , il avait déjà purgé sa peine et il était injuste de vouloir la répéter surtout qu’il revenait d’une épreuve très pénible, son voyage.A ce propos, le Saint Coran dit :

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« C'est pourquoi Nous avons prescrit pour les Enfants d'Israël que quiconque tuerait une personne non coupable d'un meurtre ou d'une corruption sur la terre, c'est comme s'il avait tué tous les hommes. Et quiconque lui fait don de la vie, c'est comme s'il faisait don de la vie à tous les hommes. […] » (Al Mâ’ida, V-32)Et encore:« Quiconque tue intentionnellement un croyant, Sa rétribution alors sera l'Enfer, pour y demeurer éternellement. Allah l' a frappé de Sa colère, l' a maudit et lui a préparé un énorme châtiment. » (An’Nîssa, IV-93)

8. Les autres innovations et/ou erreurs de jugement de Oumar :

Plusieurs autres innovations de Oumar pourraient être citées. Nous vous en livrons quelques unes :a) Le premier des Califes à se faire appeler le Commandeur

des croyants. Abû Bakr, s’étant déjà fait appeler Khalife du Prophète, Oumar trouvant trop long l’appellation Khalife du Khalife du Prophète, créa tout simplement ce nouveau titre.

b) Le premier à interdire qu’on écrive les hadiths, sous le prétexte que cela avait perdu certains peuples qui confondaient la Parole de Dieu aux hadiths. Les buts n’étaient tous avoués.

c) Le premier à interdire de prier après la 3ième prière de la journée, açr, avant celle de maghrib. Le Prophète avait pour habitude de faire deux rakaas après cette prière de açr, contrairement à la décision de Oumar. Dans la logique de Oumar, puisque le Prophète interdisait de prier à l’heure où l’horizon est rouge, au coucher comme au lever du soleil, il

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trouva plus radical et donc mieux pour lever toute équivoque, d’interdire carrément de prier après açr.

d) Sous le règne du Prophète, autant que sous celui de Abû Bakr, le buveur d’alcool recevait 40 coups de fouet. Oumar doubla la peine pour la porter à 80 coups.

e) Il fut le premier à interdire le mariage temporaire (mutah tun nîssah) que l’on traitera plus bas.

f) Il a fait couper et désouché l’arbre dont parle le Coran dans le verset suivant :« Allah a très certainement agréé les croyants quand ils t' ont prêté le serment d' allégeance sous l' arbre. Il a su ce qu' il y avait dans leurs cœurs, et a fait descendre sur eux la quiétude, et Il les a récompensés par une victoire proche. » (Al Fath, 48-18)Il prétendait que c’était un acte d’idolatrie.

g) Le makhama Ibrahim, lieu où ce dernier se plaçait pour passer les briques qui servaient à construire la Kaaba, a eu à être déplacé à plusieurs reprises :Oumar le déplaça suite au dernier déplacement exécuté par le Prophète. Mohamed (PSL) l’avait déplacé pour le remettre à son emplacement originel. Celui actuel, qui nous vient de Oumar n’est donc pas l’emplacement originel.

h) Il ramena à quatre le nombre de takbîr (Allahou Akbar) lors de la prière sur le mort.

La liste de ces innovations est exhaustive. Des ouvrages en traitent et peuvent être trouvés dans la littérature sunnite comme chîte.

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La mort puis la succession de Oumar

L’assassin de Oumar était un jeune ouvrier très expérimenté dans plusieurs métiers : forgeron, graveur et charpentier. A tel point que le Gouverneur de la région de Kûfah, Al Mûqîrah Ibn Chô’ba, le recommanda à Oumar, le Commandeur des croyants.Arrivé à Médine, le jeune Abû Luh’lûhata se plaignit auprès de Oumar pour le montant élevé de l’impôt mensuel de 100 dirhams qu’il devait verser au Gouverneur Al Mûqîrah. Oumar ne trouva pas ce montant élevé et il ne fit rien pour apaiser le mécontentement du plaignant.Evidemment ceci joint à cela, le jeune homme, coléreux et impulsif, vit rouge.Un matin, à l’heure de la prière, Oumar s’occupait avec force et vigueur comme d’habitude à aligner la première rangée de croyants Pendant ce temps, Abû Luh’lûhata s’était caché dans une embrasure du mirhab, l’endroit où se tient l’Imam pour diriger la prière.Dés que Oumar se tourna vers lui pour commencer à diriger la prière, le malfaiteur lui porta trois coups de poignard. Le coup fatal fut porté au centre de l’abdomen, en-dessous du nombril.Parmi ceux qui intervinrent pour retenir le criminel, six furent tués et dix autres blessés dans sa furie.Abdurahmane Boun awf dirigea la prière tandis que d’autres portaient Oumar à sa demeure.Le docteur appelé à son chevet demanda qu’on donnât à Oumar sa boisson préférée qui était le nabîz. Ce qu’il en but ressortit mélangé avec le sang. Pour être plus sûr de son diagnostic, le docteur demanda qu’on lui donnât du lait. Là il comprit en voyant la couleur du liquide qui sortit cette fois que l’irréparable était arrivé.

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Oumar envoya son fils Abdallah chez la mère des croyants, Aïcha. Le messager transmis à Aïcha la demande de son père à autoriser qu’on l’enterrât à sa mort auprès du Prophète et de Abû Bakr dans son appartement.Aïcha accepta et dit au messager de transmettre en retour à son père la recommandation suivante : n’abandonne jamais la communauté de Mohamed sans un berger.Quand Oumar entendit cette recommandation, il répondit :« Si je désigne un successeur, quelqu’un de meilleur que moi l’a fait [allusion à Abû Bakr]. Si je n’en désigne pas un non plus, quelqu’un de meilleur que moi l’avait fait, également.[allusion au Prophète] »

Oumar, sachant tout espoir de survie perdu, fit appeler six personnes : Usmân Boun Affâne, Alî Ibn Abî Tallîb, Abdurahmane Boun Awf, Zoubeyr Boun al-Awâme, Tal’ha, Sa’d Ibn Abî Waqqâç.Il leur demanda d’organiser la Chûra (consultation) entre eux pour désigner son successeur en l’espace de trois jours. Si au bout de ce délai, ils ne parvenaient pas à s’entendre sur un nom, ils seraient tous les six décapités. Alors il reviendrait à ce moment-là aux musulmans de choisir leur guide. Egalement s’il se trouvait qu’ils ne parvenaient pas à s’entendre par égalité des voix, son fils Abdallah qui était admis en tant qu’observateur, devait participer au vote et faire pencher la balance. Or à celui-ci il avait demandé expressément de voter du côté où se trouverait Abdurahmane Boun Awf.En outre, Oumar avait fait poster à l’entrée de l’endroit où devaient se concerter les six personnes, Abî Tal’ha et cinquante guerriers armés.A Sa’d, il s’adressa en lui disant que s’il ne l’a pas nommé directement c’était à cause de sa dureté, de sa violence.

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A Abdurahmane, il dit qu’il reprochait d’être le pharaon (un homme doté d’une ambition démesurée) de cette communauté.A Zoubeyr, il reprocha son tempérament excessif en toute chose, tant dans la joie que dans la colère. Ta colère est identique à celle d’un mécréant, lui dit-il.Tal’ha, jugea Oumar, est quant à lui vaniteux et hautain.Usmân, poursuivit-il, ton ethnocentrisme te pousserait à mettre les banu umâyah au-dessus de tout le monde.A l’Imam Alî, il dit ne pouvoir le désigner pour sa « trop » grande rigueur islamique.Après s’être adressé à chacun d’eux, il leur dit :« Je vous ai tracé le chemin. Il ne faut pas le tordre. »Puis à l’endroit de l’Imam Alî, il ajouta :« Peut-être que ces gens [qui seront avec toi dans la Chûra] vont reconnaître tes droits, ta part, tes liens de parenté avec le Prophète et ta connaissance. Et si cela devait arrivait, je te demande de ne pas mettre ta famille, les banu hâchim au-dessus de tous. »Après ces dernières recommandations, le Commandeur des croyants, comme il se faisait appeler, quitta ce monde.Les six se retrouvèrent alors pendant trois jours. Au troisième jour, Abdurahmane leur fit remarquer qu’on en était presque arrivé au terme du délai que leur avait donné Oumar. Il leur proposa alors de lui faire confiance pour désigner le successeur de Oumar dés lors que lui se retirait de la course. En précisant toutefois que personne ne contestera son choix par la suite.Voyant que l’Imam Alî était resté silencieux alors que Usmân avait donné son accord, Abdurahmane lui demanda s’il acceptait la proposition qu’il venait de faire.L’Imam Alî posa à son tour une condition : pourvu que Abdourahmane soit lui-même juste et ne se base que sur les qualités intrinsèques de chacun.

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Abdourahmane obtempéra à cette dernière exigence de Alî. Puis après un instant de reflexion, il demanda à l’Imam Alî : « Accepteras-tu de nous diriger conformément aux préceptes du Coran, à la tradition du Prophète et à celles de Abû Bakr et de Oumar ? »Drôle de programme, dirait-on de nos jours. Abû Bakr et Oumar avaient tellement de différences dans leurs « traditions », l’une par rapport à l’autre, sans parler de leurs différences d’avec celle du Prophète, qu’il était facile de deviner la réponse de l’Imam Alî.Ce dernier, en effet, fit comprendre à Abdurahmane que ce qui importait n’était pas de suivre ce qu’avaient fait Abû Bakr et Oumar mais plutôt ce qu’avait recommandé Dieu et ce qu’avait fait le Prophète.Sur ce, Abdurahmane posa la même question à Usmân qui, lui, accepta aussitôt et sans restriction.Ainsi Usmân fut désigné Calife devant succéder à Oumar. Evidemment Alî ne pouvait protester car Oumar avait prévu que quiconque protesterait suite à la désignation du successeur devait être aussitôt tué par la garde armée postée devant la porte.C’est ce que Abdourahmane rappela à Alî lorsque celui-ci lui fit observer qu’il a été partial comme il le craignait : « tu es en train de te dénoncer », lui lança Abdourahmane.En fait ce résultat n’avait nullement surpris l’Imam Alî, encore moins ses partisans, parmi lesquels son cousin Abbâs qui lui avait même conseillé de ne pas y aller. Alî savait donc qu’il n’allait pas être choisi par l’ensemble de ses « pairs » à l’exception de Zoubeyr et, peut-être, de Tal’ha. Mais le souci de préserver son nom pour la postérité, devant le devoir qu’il avait de réclamer son droit, l’avait conduit à aller à cette parodie de consultation.Parodie de consultation, voyons pourquoi :

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Sur les six, trois étaient de façon sûre du côté de l’un des candidats : Abdourahmane était le gendre de Usmân, Sa’âd était le cousin de Abdourahmane. Abadallah, le fils de Oumar, participant au rang d’observateur, avait reçu de son père une voix délibérative en cas d’égalité et devait se ranger du côté de Abdourahmane. Au décompte, cela faisait quatre voix pour Usmân contre au plus trois voix pour l’Imam Alî. La cause était donc entendue.Il faut dire que Alî et Usmân étaient les seuls à concourir, si on puit dire car les autres ne faisaient pas le poids. Seul Oumar a eu l’audace de les faire prétendre à une telle ambition qu’ils savaient eux-mêmes hors de leur portée.Blessé le mercredi 26 Zoul hijjah de l’an 23 A.H par trois coups de poignard du jeune Abû Luh’lûhata, Oumar fut enterré le dimanche 1er Muharram de l’an 24 A.H. Il avait 63 ans et régna pendant dix ans, six mois et quelques jours, quatre ou huit selon les versions.Sohayr, qui l’avait remplacé à la mosquée pendant tout le temps qu’il était resté couché, prononça avec quatre takbîrs (Allahou Akbar) la dernière prière sur le corps de Oumar.

V – LE RÈGNE DE USMÂN   :

Usmân Boun Affâne est le fils de Abul Âçi fils de Umayyah fils de Abd Chams fils de Abdu Manaf fils de Khussey fils de Killâbah fils de Mûrrâta fils de Kah’âb fils de Luhay fils de Qâlib.Il est de la tribu quraych et plus précisément du clan banu umayyah. Il est né six ans après l’année de l’éléphant. Sa mère Arwa Bint Kariz est la fille de Rabi âta fils de Habib fils de Abd Chams. Ce dernier est aussi le grand-père de Usmân.Usmân s’est exilé deux fois, en Ethiopie et à Médine, suite à une attaque perpétrée contre l’Islam et ses pratiquants.

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Egalement, il a épousé deux femmes supposées être, selon les auteurs sunnites, des filles du Prophète de l’Islam. De cette considération, il tire son surnom de « nurayni »52, donné par les sunnites. Ce titre signifie « les deux lumières », faisant allusion aux deux « filles » du Prophète.En réalité, ces deux femmes qui étaient Oumou Kalçum et Rokhaya n’étaient pas des filles du Prophète. Elles étaient les filles de Hâlata, la sœur de Khadija. Nous vous renvoyons sur ce point à la 1ère partie de ce livre (II-4).

Quelques actes de Usmân en tant que Calife :

1. Le refus de juger ubaydallah Ibn Oumar :

Usmân arriva à porter le titre de Calife dans les conditions décrites plus haut, suite à une parodie de consultation organisée par Oumar depuis son lit mortuaire.L’Imam Alî demanda à Usmân, dés le début de son règne, de juger ubaydallah, le fils de Oumar qui avait tué trois personnes pour soit-disant venger son père ; il s’agissait d’un prince perse Hormazân, de Jafînah la femme de Abû Luh’lûhata et de sa fille53. Les deux premiers pour la seule raison que le fils de Abû Bakr, Abdurahmane, les aurait aperçus la veille du crime en conversation avec Abû Luh’lûhata et que même le poignard qui a causé la mort de Oumar serait tombé lors de la discussion entre les trois hommes.Usmân répondit à Alî, concernant sa demande de jugement de ubaydallah, qu’il ne pouvait tuer ce dernier dés lors qu’il avait perdu son père. C’était là la première erreur judiciaire de Usmân. Un non respect singlant de la Parole de Dieu doublé d’une injustice flagrante lorsqu’on sait que trois personnes

52 Al Suyûti dans Tarikhul khulafa, dit qu’il n’a jamais été connu un autre homme que Usmân qui aurait épousé deux filles d’un Prophète.53 Ibn Khotaybah.

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venaient d’être injustement tuées pour un pêché qui ne leur était en rien opposable. Justice ne leur sera pourtant pas rendue.

2. La réhabilitation de Hâkam et de Marwân :

L’un des premiers actes que posa Usmân dés son accession à la tête de la Ummah fut de réhabiliter Hâkam, plus connu sous le nom de « Tarîda Rassûlulâh », ce qui signifie « celui qui a été chassé par le Prophète ». Hâkam était aux côtés du Prophète un hypocrite d’une rare méchanceté. Toujours proche du Prophète, il passait son temps lorsqu’il s’éloignait de ce dernier à dire du mal de lui. Le Prophète le sut et, après l’avoir maudit, lui et sa descendance, le chassa hors de la ville de Médine.Usmân et Hâkam étaient cousins : leurs pères étaient frères. Cela poussa Usmân à demander à Abû Bakr puis à Oumar lors de leur règne respectif de réhabiliter son cousin Hâkam. Chacun de ses deux prédécesseurs lui refusa une telle largesse arguant chaque fois qu’il ne pouvait pardonner quelqu’un qui avait été maudit et chassé par le Prophète en personne.C’est donc sous son règne que Usmân va réhabiliter son cousin Hâkam, le chassé du Prophète. D’une manière extraordinaire d’ailleurs. Entre autres, le trésor public lui a été grandement ouvert et il enretira ce qu’il voulût ; également, à sa mort il fut dignement enterré par Usmân qui pria sur son corps et décora sa tombe du mieux possible.Hâkam ne fut pas le seul réhabilité. Son fils Marwân, également touché par la malédiction lancée sur le père et sa descendance, bénéficia des largesses de Usmân. D’abord Usmân donna sa fille en mariage à Marwân, accompagnée de plusieurs centaines de milliers de dinars. Ensuite il fit de lui son éminence grise, véritable numéro deux du régime.

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Enfin à son gendre Marwân, Usmân donna tout le Khumuss (le 1/5 des revenus des travailleurs musulmans) de l’Afrique et les fameuses terres de Fadâq, laissées par le Prophète à sa fille adorée, Fatimah Zahra. Pour rappel, ces terres qui revenaient légalement et naturellement à Fatimah, lui furent refusées par Abû Bakr qui les confisqua sous l’injuste et fallacieux prétexte qu’on n’hérite pas d’un Prophète.Il faut tout de suite préciser que ces terres de Fadâq seront ainsi maintenues entre les mains des banu umayyah pendant presque tout leur règne, environ quatre vingts ans, jusqu’à l’arrivée de Oumar Ibn Abdul Aziz qui les mit au compte du trésor public.Pour confirmer le caractère injuste et innoportun de la décision de réhabilitation de Hâkam et de son fils Marwân, nous rappelons simplement ce verset du Saint Coran :« Tu n' en trouveras pas, parmi les gens qui croient en Allah et au Jour dernier, qui prennent pour amis ceux qui s' opposent à Allah et à Son Messager, fussent- ils leurs pères, leurs fils, leurs frères ou les gens de leur tribu.[…] » (Al-Mujâdalah, la discussion Sourate 58 – Verset 22)Ce que Abû Bakr et Oumar ont refusé de faire redoutant la « colère » de Dieu et de Son Prophète, Usmân, lui, n’hésita pas un instant à le faire de la manière la plus provocante qui fut. Ce fut d’ailleurs la source d’une révolte populaire contre le Calife Usmân, révolte qui s’engrossira certes d’autres motifs par la suite.

3. Le népotisme de Usman :

Partout dans l’Empire musulman, le népotisme était érigé en règle pour les nominations aux postes clés. Le Calife n’avait nommé Gouverneurs que ses parents proches, les bnû umâyah, et il les laissait agir comme bon leur semblait.

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Ceux des banû umâyah qui avaient été nommés par le précédent Calife Oumar, tels que Moghîrah Ibn Cho’bah et Mu’âwiyeh, virent leurs pouvoirs étendus, tandis que les autres gouverneurs qui n’étaient pas umâyades furent remplacés par des banû umâyah.S’il est vrai que Moghîrah Ibn Cho’bah fut nommé gouverneur de Basrah avant d’être destitué pour adultère puis nommé à nouveau gouverneur de Kûfa par le même Oumar, ses pouvoirs furent renforcés par Ousmân qui lui confia une région plus vaste. De même, Mo’âwiyeh fut certes nommé gouverneur à Damas par Oumar mais Commandant Principal de la Syrie par Ousmân.

4. L’iniquité contre Abdallâh Ibn Mas’hûd et le fait de brûler des manuscrits du Coran  :

Un autre acte marquant du règne de Usmân concerne un compagnon du Prophète très connu par les musulmans. Il s’agit de Abdallah Ibn Mas’hûd. Il fait partie des premiers à mémoriser le Coran dés les premières heures de l’Islam. A ce propos, il osa défier le riche mais combien mécréant Abû Jahal à la Mecque, en récitant devant lui en présence de grands notables des versets du Saint Coran ; ce que le sinistre individu tenait pour une injure suprême.Son conflit avec Usmân prit sa source dans l’opération célébre du Calife de « réunification » du Coran. Le Calife avait demandé à tous ceux qui disposaient d’une version du Livre de la lui amener. Lorsqu’il reçut les dites versions, il en sélectionna une seule, celle de Hafsa fille du défunt Calife Oumar et veuve du Prophète. Les autres versions furent immédiatement brûlées.Abdallah Ibn Mas’hûd, lui, refusa de donner son exemplaire. Des personnes proches de Usmân en tinrent mot à ce dernier.

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Il fit venir le constestataire et, après un mauvais traitement – Usmân lui administra des coups de pied qui lui brisérent deux côtes – Abdallah rendit sous la contrainte sa version. Laquelle fut également brulée comme les autres non choisies.Abdallah mourrut quelques jours plus tard des suites de ses blessures.Sur cet acte de Usmân, nous nous interrogeons sur l’opportunité et surtout la justesse de la décision de brûler le Coran au cas où il se serait agi de la même version encore qu’il eût fallu les vérifier pour savoir si c’était le cas ou non.Ce qui par contre relève tout simplement du domaine du non respect des droits de l’homme, c’est le mauvais traitement infligé à Abdallah sans procès.

5. L’iniquité contre Ammâr Ibn Yâçir :

Un autre homme qui a marqué le règne de Usmân, c’est Ammâr Ibn Yâçir, un esclave noir affranchi de banu magh-zûm. Sa mère Summayah fut une martyre des premiers temps de l’Islam. Elle refusa de renier sa foi islamique malgré tous les mauvais traitements qu’on leur infligea, elle et son enfant Ammâr. Ce même Ammâr à propos duquel le Prophète avait dit qu’il sera toujours du côté des véridiques. Ce qui nous permet d’en déduire que Usmân ne devait pas être du côté des véridiques.

En effet, c’est suite à une protestation populaire montante contre Usmân, que Ammâr rencontrera la colère puis la violence de Usmân. Ce qu’on reprochait le plus à Usmân, c’était les cadeaux faramineux qu’il avait offerts, au détriment du Trésor Public, à ses proches, qui avaient été haïs par tous et maudits par le Prophète : Hâkam, Abdullah Boun Abî Sarh, Marwân, entre autres. La nouvelle de ce bradage du patrimoine public s’ébruita à tel point que Usmân intervint sur

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ce point lors d’une réunion publique, en disant à ses détracteurs que l’argent qui se trouvait dans le Trésor Public était sacré et appartenait à Dieu, et qu’il allait, en tant que successeur du Prophète, en disposer à sa guise malgré eux54.

C’est ainsi qu’un groupe de mécontents se mirent d’accord pour lui remettre une lettre de protestation. Lorsqu’il ne resta plus qu’à déposer la lettre auprès de l’intéressé, tous les compagnons de Ammâr disparurent de sorte qu’il se retrouva seul avec la lettre. Il décida malgré tout d’aller la remettre à son destinataire.

Après l’avoir remise à Usmân qui la lut entièrement, il fut obligé de répondre à l’interrogatoire de ce dernier :

- C’est toi qui a écrit cette lettre ?- Oui, répondit Ammâr.- Qui était avec toi ?- Un groupe de personnes.- Où sont les autres ?- Ils se sont dispersés de peur de te rencontrer.- Qui sont-ils ?- Je ne te donnerai pas leurs noms.C’est alors que Marwân, l’éminence grise, intervint sur un

ton haineux :« Ô Amîr al-Mu’minîne (commandeur des croyants), cet

esclave noir ose faire choir ton honneur de la sorte. Il faut le tuer et cela servira d’exemple aux autres. »

Usmân donna alors l’ordre de le frapper. Ce qui fut fait et de quelle manière : Usmân, lui-même donna un coup de pied, le jetant par terre. Puis il fut battu jusqu’à l’évanouissement avec des hémorragies internes et des côtes brisées.

Les banu makhzûm, descendants de l’oncle de Ammâr avec à leur tête Hichâm Ibnul Walîd Ibnul Muqîrah, ramenèrent ce dernier et jurèrent que s’il mourait des suites des coups reçus,

54 Murûj al-thahab de Al-Mas’ûdî ; Ibn Qutaybah ; Ibn Athîr.

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ils se vengeraient sur une personnalité importante des banu umâyah, faisant allusion à Usmân.

Cet outrage à l’endroit d’un des plus fidèles Compagnons du Prophète fut largement propagé à travers le territoire de l’Empire musulman et contribuera énormément à soulever un mécontentement général.

6. Le bannissement de Abû Zâr Al-Ghifârî :

Pendant le règne de Usmân, il y eut également une autre très grave injustice fort connue : le bannissement de Abû Zâr Al-Ghifârî.

Le bien nommé était un vénérable Compagnon du Prophète. Abû Zâr était l’une des quatre personnes55 dont l’amour avait été ordonné aux gens par le Prophète qui avait déclaré :

« Dieu m’a ordonné d’aimer quatre personnes qu’Il aimait Lui-même. Ce sont Alî, Abû Zâr, Mighdâd et Sâlman. »

Un autre hadith, largement repris par la majorité des auteurs sunnites56, ajoute ceci :

« Il n’existe pas sur terre ou dans les cieux quelqu’un de plus véridique que Abû Zâr. Si vous voulez retrouver cette qualité que possédait à la perfection le Prophète Issa (Jésus), regardez Abû Zâr. »

Bien d’autres hadiths étalant les vertus extraordinaires de Abû Zâr peuvent être cités ; l’un d’entre un prédisait même qu’il sera tué par le groupe des rebelles contre la vérité.

C’est dire que cet homme était simplement exceptionnel. Il n’était pas pensable qu’on pût lui porter un quelconque préjudice moral ou physique, sauf si on n’était pas un croyant, et encore… !55 Sahih de Al Tirmizî, tome 2 Page 213 ; Sunan Ibn Mâja, tome 1 Page 66 ; Al mustadrak de Hâkim, tome 3 Page 130 ; Al Suyûtî citant Hâkim.56 Sahih Thirmîzî (T.2 P.221) ; Musnad Ahmad (T.2 P.163, 175, 223) ; Mustadrak de Hâkim (T.3 P.342) ; Tâbakhât de Ibn Sâhad (T.4 P.167) ; Jâmih-u Sakhiîr de Al Suyûti ; Sunan de Ibn Mâja ; etc.

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A Damas, en Syrie où il était, Abû Zâr fulminait contre l’émergence des riches et les multiples déviations du chemin tracé par le Prophète. Ces déviations, initiées par Usmân et sa clique, ne cessaient de corrompre les gens. L’ascète n’avait de cesse non plus de prêcher la répentance aux habitants et de rappeler aux dilapidateurs ce qui les attendait en citant le verset suivant :

« […] À ceux qui thésaurisent l'or et l'argent et ne les dépensent pas dans le sentier d'Allah, annonce un châtiment douloureux […] » (Al-Tawbah, 9 : 34)

La foule s’attroupait en masse pour l’écouter fustiger les mauvais comportements de ses coreligionnaires : la débauche, l’alcool, certains divertissements interdits, les jeux de hasard, toutes les turpitudes y passaient.

Moâwîyah qui commandait la région vit en lui un gêneur. Il requit l’aide de Usmân pour reprendre l’empêcheur de tourner en rond que celui-ci lui avait en effet envoyé.

Usmân demanda alors à son cousin de Moâwiyah de faire venir l’ascète à Médine sur le dos sec d’un chameau rabougri, sans selle et conduit par un chamelier rude et brutal. C’était une punition extrême à cette époque surtout pour le vieillard aux cheveux blancs et au corps si frêle qu’était Abû Zâr.

De multiples meurtrissures et courbatures plus tard, Abû Zâr arriva à Médine et fut reçu pourtant chaleureusement par Usmân.

Le véridique maltraité ne s’empêcha de dire à la face de Usmân cet autre hadith du Saint Prophète :

« Lorsque la postérité d’Abûl ‘Âç [Note de l’auteur : le grand-père paternel de Usmân] sera au nombre de trente, elle fera siennes les richesses du Seigneur et traitera le peuple de Dieu comme s’il était ses propres serviteurs et esclaves. Elle déviera du droit chemin. Puis le peuple sera libéré d’elle par le Seigneur ».

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Pour de nombreux auteurs sunnites57, cette vérité fut soutenue par un verset du Coran qui est descendu sur « l’arbre maudit » (la descendance) des banû umâyyah. Le Prophète avait vu en songe (vision) la déviation future du chemin de Dieu par les banu umâyah et ce verset du Coran lui confirma la réalité de sa vision :

« […] Quant à la vision que Nous t'avons montrée, Nous ne l'avons faite que pour éprouver les gens, tout comme l'arbre maudit mentionné dans le Coran. Nous les menaçons, mais cela ne fait qu'augmenter leur grande transgression. » (Al Isra, 17 : 60)

Donc Usmân, très courroucé contre les vertes vérités du vieillard, le proscrit par la suite à Rab-dza, un endroit sauvage dans le désert de Najd où il moura deux ans après dans la privation et l’abandon.

Sa sortie de Médine pour aller dans son exil désertique fut mouvementée et pathétique.

La fille resta solidaire de son père et l’accompagna dans son exil.

L’Imam Alî, ses deux enfants (Hassan et Hossein), son frère Aqîl, Abdallah Ibn Jâfar et Ammâr Ibn Yâçîr avaient décidé d’accompagner Abû Zâr à la porte de la ville pour lui marquer leur sympathie et leur soutien. Marwân le sous-fifre de Usmân ne voyait pas ce geste noble des ahlul beyt d’un bon œil. Il leur rappela, s’adressant directement à l’Imam Alî que Usmân ne voulait pas que Abû Zâr fût accompagné, ni même qu’on lui adressât la parole. L’Imam Alî donna un coup de fouet sur la selle du cheval de Marwân en ordonnant à celui-ci de s’écarter de son chemin. Il lui fit observer par ailleurs qu’il

57 Al-Suyûti dans Zurul Mansur (T.4 P.191, T.6 P.41) ; Â-Lûçi dans son tafsir (T.15 P.107) ; Ibn Mardawiya rapporta de Aïcha ; Qurtibî dans ses tafsirs (T.10 P.286) ; Tabari dans Târikh (T.11 P.356) et Tafsit (T.15 P.77) ; Hâkim dans Mustadrak (T.4 P.48) ; etc.

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n’était pas une obligation pour les musulmans de suivre leur Calife même dans l’injustice.

Suite à cet incident, l’Imam Alî se vit reprocher par Usmân d’avoir provoqué Marwân. La discussion qui s’en suivit vira à une dispute très houleuse dont nous vous épargnerons la narration.

Comme prédit par le Prophète, Abû Zâr sera enterré par un groupe de voyageurs qui comprenait entre autres Mâlik al-Achtar de Kûfa et, selon certains, Ibn Mas’ûd, encore une victime de l’injustice de Usmân. Peu de temps avant sa mort qu’il sentit proche, Abû Zâr avait demandé à sa fille de tuer un chevreau et de le préparer pour un groupe de voyageurs qui passeraient bientôt par là pour l’enterrer.

7. Une femme lapidée à mort par erreur de Usmân :

Toujours sous le règne de Usmân une décision brutale et injuste de Usmân entraina la mort par lapidation d’une brave femme.

Elle venait de donner naissance à un enfant après seulement six mois de mariage. Des présomptions d’adultère pesant sur elle, elle fut présentée devant le Calife pour être jugée bien qu’elle ait acclamé son innoncence, notamment à sa sœur qui pleurait et qu’elle rassura en ces termes :

« Ne pleure pas, ma soeur. Aucun autre homme que mon mari ne m’a connue ».

Usmân ordonna qu’elle fût lapidée jusqu’à la mort. Pendant qu’elle était conduite vers le lieu de son exécution, l’Imam Alî qui venait d’être informé de l’affaire, alla trouver Usmân.

Alî expliqua à celui-ci que la durée minimale d’une grossesse est de six mois et qu’une femme qui accouche après

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ce délai ne doit être suspectée d’adultère à moins que des preuves suffisantes la chargent. Le Coran dit à ce propos :

« Et Nous avons enjoint à l'homme de la bonté envers ses père et mère: sa mère l'a péniblement porté et en a péniblement accouché; et sa gestation et sevrage durent trente mois; […] » (Al Ahqâf , 36 : 15)« Et les mères, qui veulent donner un allaitement complet, allaiteront leurs bébés deux ans complets. […] » (Baqara, II : 233)

En soustrayant deux ans (allaitement), soit vingt quatre mois, de trente mois (gestation + allaitement), il reste six mois (gestation). Donc la gestation dure bien au minimum six mois.

Lorsque Usmân fut convaincu par Alî de son erreur, il dépêcha des hommes pour empêcher l’exécution qu’il venait d’ordonner. Arrivés à l’endroit du supplice, ils constatèrent malheureusement que celle-ci avait déjà eu lieu.

Comme pour confirmer au grand jour l’énormité de la faute de Usmân, l’enfant qu’avait accouché la victime fut le portrait craché de son père qui ne put s’empêcher de le reconnaître comme étant son vrai fils.

La liste des charges contre Usmân58 :

Pour résumer le long chapelet de reproches que tenait le grand public à l’encontre de son chef Usmân, nous vous dressons une liste non exhaustive :1. D’avoir fait revivre certaines coutumes que le Prophète

avait pris soin d’abolir.2. D’avoir violé les enseignements et les pratiques du

Prophète en accomplissant les prières de Mina à Arafât.3. D’avoir agi en violation des précédents d’Abû Bakr et de

58 Al-Imâmah Wal-Siyâsah ; Târikh al-Khamîs.

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Oumar en s’asseyant sur la marche supérieure de la chaire, place que seul le Prophète avait l’habitude d’occuper.

4. Le fait d’avoir réhabilité et fait revenir Hâkam et Marwân qui avaient été bannis par le Prophète (Abul-Fidâ).

5. D’avoir commis le sacrilège de brûler les manuscrits sacrés du Coran.

6. D’avoir offert à ses proches des cadeaux faramineux, soutirés des biens religieux destinés aux pauvres.

7. D’avoir démis de leurs fonctions de vénérables Compagnons du Prophètes pour mettre à leur place ses propres proches impies.

8. D’avoir maltraité Ammâr IbnYâçir, un vénérable Compagnon du Prophète.

9. D’avoir maltraité et banni le pieux Abû Zâr, le Compagnon favori du Prophète, dans un endroit désert où il mourut dans le besoin, son allocation ayant été supprimée.

10. D’avoir maltraité Abdallah Ibn Mas’ûd et d’avoir coupé son allocation.

11. D’avoir banni de Kûfa, Mâlik al-Achtar et Ka’b.12. D’avoir banni Obaydah Ibn Samit pour avoir déchiré

l’outre à vin apportée à Mu’âwiyeh. (Tarikh al-Khamîs ; al- Imâmah Wal Siyâsah).

13. D’avoir accordé à ses proches l’utilisation exclusive de l’eau de pluie rassemblée dans des réservoirs pour l’usage commun. (Ibidem)

14. D’avoir réserve les terres pastorales pour l’usage exclusif de ses propres bêtes. (Ibidem)

15. D’avoir restreint l’exclusivité des Mers à ses propres vaisseaux de commerce. (Ibidem)

16. D’avoir dénigré Abdul Rahmân Ibn Awf comme un hypocrite. Les gens disaient que si celui-ci était un

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hypocrite, son choix de Usmân comme Calife avait donc été illégal, ou bien s’il était dénigré par malveillance par Usmân, dans ce cas-là, ce dernier ne méritait pas le Califat. (Ibidem)

La révolte contre Usmân puis sa fin :

1. La montée de la constestation :

Les germes de la révolte étaient dans cette longue litanie de griefs. Ce qui va arriver à Usmân était aussi prévisible que le jour vient après la nuit. D’autant plus qu’il bénéficiait des conseils d’un sage parmi les sages, l’Imam Alî, qui se rendit un jour chez le Calife pour donner une suite aux nombreux appels au secours qui provenaient des provinces. Les gouverneurs despotiques et cruels - tous des parents proches de Usmân – y opprimaient les populations.

Alî discuta de tout cela avec le Calife en lui disant59 :« Les gens se plaignent de tes gouverneurs et sont venus

réclamer une réforme, et ils te tiennent pour responsable des agissements de tes gouverneurs. Ils te reprochent de ne pas écouter leurs griefs réitérés. Prends donc garde à la trahison, sinon elle tempêtera comme les vagues furieuses de la mer. Crains Dieu et rends-leur justice, afin qu’ils retournent satisfaits. »Il ajoutera :

« Oumar avait le contrôle total de ses fonctionnaires. Ils obeissaient à ses ordres, et lorsqu’ils commettaient des fautes, il les punissait, alors que tu les traites avec mollesse et que tu ne les sanctionnes pas en raison de tes liens de parenté avec eux. N’admets-tu pas que les serviteurs de Oumar ne le

59 Ibn Açîr ; Ibn Qutaybah.

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craignaient pas autant que le craignait Mu’âwiyeh ? » Usmân acquiesça. Alî reprit :« Mais maintenant, il fait ce qui lui plaît en ton nom, et toi tu sais tout cela, sans lui demander des comptes »après cette mise en garde au Calife, Alî repartit.

Selon Major Price : « Le sénile Calife était souvent conseillé par Alî, mais l’influence maligne de son secrétaire Marwân intervenait perpétuellement pour l’empêcher de tirer avantage des bons conseils qu’il avait reçus. En fait, Marwân avait un grand ascendant sur Usmân et était l’esprit insinuateur et actif de son gouvernement et le mauvais génie de Usmân. Il peut être justement considéré comme la principale cause de la ruine de Usmân. »60

Les protestations contre Usmân et ses Gouverneurs vont monter très rapidement en virulence avec le mouvement d’une forte délégation de mécontents venant d’Egypte, de Kûfa et de Basrah.

Remontons à la l’origine de la formation de cette délégation particulière. Il était de coutume que les gouverneurs des différentes provinces se rendent à la Cour Califale à Médine à leur retour du Pèlerinage de la Mecque. Pour cette onzième année de Califat de Usmân, en l’an 34 A.H., 655 A.J.C, Usmân demanda aux citoyens qui nourrissaient des griefs contre leurs gouverneurs de venir les porter en leur présence afin que justice soit rendue. Bien évidemment, les plaignants n’osèrent pas se présenter de risque de subir des représailles qui resteront impunies comme tant d’autres déjà. Le Calife discuta malgré tout de la situation avec ses gouverneurs et, sans qu’aucune résolution finale ne soit arrêtée sur la conduite à tenir, leur recommanda d’user de tous les moyens pour contrôler la situation.

60 Simon Ockley dans History of the Saracens.

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Les gouverneurs virent à travers ce langage de Usmân la porte ouverte à tous les abus. Arrogance et cruauté redoublèrent d’effet au grand dam des administrés.

C’est alors que les opprimés décidèrent d’envoyer des représentants une fois de plus à Usmân. Les délégations arrivèrent à Médine au mois Rabî awâl, 35 A.H et, après avoir présenté une longue liste de griefs, exigèrent réparation des préjudices subis et, à défaut, l’abdication du Calife. Le pire fut évité grâce à l’intercession de l’Imam Alî, à la promesse de réparations et à des dons généreux de la Trésorerie. Hélas c’était sans compter avec Marwân, le mauvais génie de Usmân. Il reprocha à celui-ci sa faiblesse et lui conseilla de prononcer dés le lendemain un discours très ferme à l’endroit des délégations. Et comme d’habitude Usmân le suivit. Mais mal lui en prit car de vigoureuses protestations s’élevèrent de la foule.

Quand Alî apprit le contenu du discours de Usmân, il fit part de sa déception et demanda de réparer son erreur en reconnaissant qu’il sétait trompé. Marwân, cette fois-ci, pendant la réunion supposée être celle de la réconciliation critiqua Alî ouvertement pour, dit-il, avoir induit le Calife en erreur en lui faisant avouer ses fautes, prouvant ainsi que les accusations portées contre Usmân étaient vraies. De plus, il mit à la porte les visiteurs si brutalement que ceux-ci, en colère allèrent tout raconter à l’Imam Alî. Ce dernier, très indigné, déclara qu’il ne s’occuperait plus des affaires de Usmân.

La femme de Usmân, une juive du nom de Nâ’ilah mit en garde son Calife de mari du danger imminent qui le menaçait et l’amena à faire davantage confiance à Alî qui, à ses yeux, était le seul à même de l’aider dans cette situation.

Cependant, Marwân ne lui laissa aucun répit et continua à lui faire manquer ses promesses de réforme.

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Les délégations sus-dites retournèrent donc à leurs bases, mais les égyptiens61 furent arrêtés dés leur arrivée par le gouverneur qui tua les dirigeants et emprisonna les autres.

Outragés par un tel acte de barbarie, plusieurs centaines d’égyptiens, partirent en direction de Médine sous le commandement de al-Ghâfiqî Ibn Harb.

De Kûfa partirent également plus de deux cents hommes dirigés par Mâlik al-Achtar.

Basrah ne fut pas en reste, qui envoya un contingent égal en effectif à celui de Kûfa et dirigé par Hurquç Ibn Zubayr.

Ces trois groupes entreprirent leur voyage deux mois avant le Pèlerinage de l’an 35 A.H et campèrent séparément dans le voisinage immédiat de la ville. Ils envoyèrent un message à Usmân, exigeant qu’il choisisse entre démettre de leur fonction leurs gouverneurs respectifs ou démissionner et se faire remplacer.

Sentant la menace, Usmân leur promit de donner suite à leurs revendications conformément au Coran et à la Sunnah. Les porteurs de la réponse de Usmân furent grossièrement repoussés par les révoltés.

Naelah, la femme de Usmân, suggéra à Usmân de faire intervenir Alî. Alî accepta la médiation sous la condition que Usmân expia ses erreurs publiquement. Ce qu’il fit de façon émouvante du haut de la chaire, dans un flot de sanglots et de larmes.

Encore une fois Alî sauva le trône de Usmân, aidé de la répentance public de ce dernier.

Cependant les égyptiens ne voulurent pas lâcher prise sur un point : le remplacement de Abdullâh Ibn Abî Sarh, leur gouverneur.

61 Zakir Hussayn dans History of Islam Tome 3, Page 149.

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Usmân céda et Muhammad le fils de Abû Bakr fut désigné à l’unanimité. Alî fut le garant de cet accord consigné dans un document portant le sceau du Calife et remis aux égyptiens.

2. La lettre perfide :

Les insurgés levèrent le camp et prirent le chemin du retour. Cependant les égyptiens n’étaient pas au bout de leurs surprises.

Après quelques jours de voyage, ils virent un homme monté sur un dromadaire les dépasser rapidement. Il fut arrêté et porté devant Muhammad, le nouveau gouverneur promu.

Ayant remarqué que l’animal qu’il montait était celui de Usmân, on l’interrogea sur sa destination et sa mission. Il répondit qu’il avait une commission importante à faire au gouverneur d’Egypte. On lui fit observer qu’il était devant ledit gouverneur. Il rétorqua que son message était destiné à Abdullâh Ibn Abî Sarh. Puis, à la demande, il nia être porteur d’une quelconque lettre. Une fouille au corps et de ses bagages prouva le contraire : une lettre marquée du sceau du Calife fut découverte.

La lettre fut aussitôt lue devant tous les membres du convoi. Son contenu était ahurissant :

Usmân y expliquait qu’il avait été contraint d’accepter l’exigence des contestataires égyptiens de nommer un nouveau gouverneur en la personne de Muhammad. Cependant sa confiance en Abdullâh Ibn Abî Sarh reste entière. Ses instructions, très claires dans la lettre, étaient donc de faire disparaître Muhammad Ibn Abû Bakr et les dirigeants qui le soutenaient dés leur arrivée en Egypte, et d’emprisonner tous ceux qui avaient envoyé des plaintes à Médine.

Pris entre une colère irascible contre le Calife et une indignation sans borne, les égyptiens de la délégation

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s’ébranlèrent à nouveau vers Médine. Ils dépêchèrent des messagers aux délégations de Basrah et de Kûfa qui n’étaient pas encore non plus arrivées à destination.

3. Le siège du Palais du Calife Usmân :

Les révoltés des trois provinces susdites s’étant joints à ceux de Mèdine que Aîcha la Mère des Croyants avait contribué62 à ragaillardir, ce furent près de dix mille révoltés qui se retrouvèrent ainsi autour du Palais de Usmân.

Devant Alî qui alla le consulter comme devant les représentants de la délégation égyptienne qu’il accepta de recevoir, Usmân jura solennellement qu’il ne savait rien de la lettre en question.

Les preuves étaient accablantes : le porteur du message parti sur le propre ordre de son maître était l’esclave de Usmân, le dromadaire celui de Usmân, la lettre portait le sceau unique du Calife Usmân.

Mais Usmân nia avoir connaissance de cette lettre. Les insurgés demandèrent alors à Usmân de convoquer Marwân. Encore un plan diabolique de Marwân, pensèrent-ils devant les dénégations de Usmân. Ce dernier refusa de livrer son cousin et gendre qui était pourtant dans la Cour Califale.

Ils n’insistèrent pas, soutenant que quelque soit l’auteur de la lettre Usmân ne méritait pas de garder le Sceptre qu’il détenait. Sa démission fut exigée. Ce qu’il refusa arguant que c’est le Seigneur qui lui a donné ce pouvoir.

Il se répentit une fois de plus et fit des promesses. Les insurgés refusèrent de se laisser prendre dans ce piège connu. Il s’en suivit une chaude altercation. Alî quitta alors les lieux, suivi peu de temps après par les délégués.

62 Ibn Âçir dans Nihâyeh. Aïcha leur avait dit : « Tuez ce Na’thal (un vieux juif qui ressemblait beaucoup à Usmân) car il est devenu un mécrant. » En fait Aïcha voulait le pouvoir pour Tal’hah ou Ibn Zubayr qui lui obéissaient au doigt et à l’œil.

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Le torchon s’était ainsi définitivement brûlé entre les antagonistes.

Le palais de Usmân restera encerclé quarante jours avant que l’irréparable ne se produisit. Pendant les trois premières semaines Usmân put sortir pour diriger les prières habituelles dans la Mosquée. De telles sorties ne purent se prolonger car il régnait une forte tension entre Usmân et les insurgés avec son corollaire d’incidents malheureux.

Les amis de Usmân lui conseillèrent de partir en Pèlerinage à la Mecque – c’était la période – afin de pouvoir ensuite profiter de l’immunité que conférait l’habit de pèlerin et les mois de trêve qui suivent. Il refusa l’idée et donna même l’ordre à Abdullâh Ibn Abbâs de conduire les rites du Pèlerinage de cette année.Tout de même, sentant la gravité de la situation, Usmân envoya des SOS à Mu’âwiyeh en Syrie, à Abdullâh Ibn Âmir à Basrah et à Abdullâh Ibn Abî Sarh en Egypte.

Talhah mit la pression sur ses partisans pour renforcer le siège et gagner à l’usure en aggravant les privations63.

Même l’eau leur fut coupée. Lorsque l’Imam Alî l’apprit il mit fin à cela en leur faisant porter de l’eau par ses fils Hassan et Hossein.

4. L’assaut final :

Fatigué de devoir subir indéfiniment un siège de plus en plus dur, Usmân se décida un jour à parler aux insurgés. Du toit de sa terrasse, il s’enquit de la présence de Tal’hah, de Zubayr et de Sa’d Ibn Abî Waqqâç. Tous étaient là. Après des rappels sur sa vie passée, il lança cette mise en garde64 :

« Maintenant vous vous êtes soulevés pour assassiner l’élu du Seigneur. Attention, vous les hommes ! Ôter la vie à 63 Al-Tabarî ; Ibn Qutaybah.64 Ibn Qutaybah dans al-Imâmah Wal Siyâsah..

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quelqu’un n’est légal que sous trois conditions : qu’il soit apostat, meurtrier ou adultère. Prendre ma vie sans ces conditions, c’est poser l’épée sur vos propres nuques. »

Ils lui crièrent aussitôt qu’il existait une quatrième raison d’exécuter un homme : le mensonge doublé de l’iniquité, sa spécialité selon eux.

Le déroulement des événements, notamment l’appel au secours de Usmân aux gouverneurs des provinces et l’incident ci-dessus, incita les insurgés à rapprocher la fin du siège. Le processus allait s’accélérer malgré eux par la faute des assiégés. Au cours d’un pourparler organisé sur la demande d’un des Compagnons du Prophète, un archer décocha une flèche du haut des remparts du Palais et tira sur un des insurgés, le touchant mortellement.

Les assaillants réclamèrent en vain le meurtrier. Ils se résolurent finalement à mettre le feu aux portes pour pénétrer à l’intérieur du Palais.

Une fois à l’intérieur, ils firent face à environ cinq centaines de soldats à la tête desquels était Marwân. Même si Usmân avait tenté de les dissuader de résister, il est évident que le rapport de forces en présence était largement favorable aux insurgés. Les combats furent certes sanglants mais courts.

Al Hassan le fils de l’Imam Alî, de même que les fils de plusieurs autres Compagnons du Prophète (Tal’hah, Zubayr, etc.) se trouvait à l’entrée du Palais. Il fut blessé par les insurgés. De peur que cela ne fut mal interprété par les banu hâchim, la famille du Prophète, Muhammad se décida à en finir le plus vite possible avec Usmân. Il passa par derrière accompagné par un groupe de valeureux guerriers.

Il parvint très rapidement à la chambre de Usmân. Seuls Usmân et sa femme Naelah étaient là.

Muhammad sauta sur le Calife et s’assit sur la poitrine du vieil homme. Lui tirant la barbe, il lui dit :

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« Ô toi Nâ’thar, tu mérites la mort. » Usmân lui répondit :« Si ton père, Abû Bakr, te voyait il m’aurait pleuré »Muhammad, touché par ces paroles, se leva et sortit de la

chambre. Aussitôt, d’autres insurgés entrèrent dans la pièce et firent couler le sang du Calife sous leurs coups de cimeterre. Naelah tenta de défendre son mari et fut blessée.

Le corps déchiqueté de Usmân ne fut enterré que trois jours après sa mort. Non pas dans le cimetière musulman mais dans un endroit appelé Hachkawkab, et de nuit. C’est Mu’âwiyeh qui transférera plus tard le corps à Bâkhiya, le cimetière musulman.

Après avoir constaté la mort de Usmân, Alî s’en alla chez lui et s’enferma.

Usmân fut assassiné à l’âge de quatre vingt deux ans, le 18 Zil’hîjah, 35 A.H., après onze ans onze mois et quatorze jours de règne.

VI – L’IMAM ALI, MU’ÂWIYEH ET AÏCHA   :

La désignation de Alî comme Calife :

Après la mort de Usmân, face à la surexcitation des insurgés qui attendaient de savoir qui allait être leur nouveau Calife, les Compagnons du Prophète se réunirent et décidèrent d’aller prêter allégeance à l’Imam Alî.

Ils devaient agir très vite, craignant qu’il n’ y ait une guerre civile car le pouvoir était dans la rue. Et la seule personne qui paraissait, à l’unanimité de tous les Compagnons du Prophète présents, la plus apte à détenir le Sceptre de Calife était l’Imam Alî. Ce fut d’ailleurs en ces termes65 que Zubayr reconnut publiquement les mérites et la compétence de

65 Ibn Qutaybah dans Al-Imamat Wâl Siyâsah.

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Alî. Il demanda aux gens d’aller prêter allégeance à l’Imam Alî.

La réponse de Alî à cette sollicitation fut d’abord négative. En réalité, les conditions ne s’y prêtaient pas. Il savait qu’il ne pouvait diriger sans heurt des gens qui s’étaient fortement pervertis en plus d’avoir pris de mauvaises habitudes de vie par rapport à la voie tracée par le Prophète.

Cette déviation avait débuté d’abord sous Abû Bakr, ensuite elle s’était aggravée sous Oumar, mais elle avait atteint un point de non retour sous Usmân.

Devant l’insistance des notables de Médine qui lui dirent qu’ils comptaient sur lui pour sauver la religion, l’Imam Alî, qui tenait à les prévenir sur le redressement à opérer, leur dit :

« Si vous m’excusez et élisez un autre que vous jugeriez plus digne que moi d’être élu, je me soumettrai à votre choix et je prêterai allégeance à votre élu.

Sinon, et si je dois me conformer à votre désir et accepter votre offre, je vous dis franchement dés le début que je conduirai l’administration d’une façon totalement indépendante et que je traiterai tout selon le Livre Sacré du Seigneur et mon jugement ».

Sans hésitation, ils acceptèrent ces conditions de Alî et voulurent lui serrer la main en guise de prestation de serment d’allégeance. Alî leur exprima sa préférence pour que tout accord ait lieu en public. Craignant avec juste raison toute allégation ultérieure provenant d’où que ce soit. Car même si Tal’hah et Zubayr66 faisaient partie de la délégation de notables venus lui prêter allégeance, Alî savait que Mu’âwiyeh n’était pas de son côté et que la Mère des Croyants Aïcha, partie en petit Pèlerinage (Umra) à la Mecque peu avant la mort de Usmân, ne le portait pas non plus dans son cœur.

66 C’est un de ces deux (Tal’hah ou Zubayr, tous deux frères de lait de Aïcha) que Aïcha souhaitait voir prendre le pouvoir. Mais puisque leur sponsor n’était pas à Médine, ils se sont résolus à pousser Alî à devenir Calife dans cette situation très difficile et inquiétante. Ils confirmeront par la suite leur réel parti. (Ibn Qutaybah)

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C’est ainsi que le lendemain matin, le 18 Zul Hijja de l’an 35 A.H., soit quatre jours après l’assassinat de Usmân, fut inauguré le Califat de Alî dans la Mosquée en présence de Tal’hah et Zubayr. Les gens lui rendirent hommage et prêtèrent serment d’allégeance en commençant par les notables ançars et muhajirins.

Aucun des umâyyades ni des proches partisans de Usmân ne se présenta. Certains notables de Médine restèrent également à l’écart. Ce furent notamment environ une quizaine de personnes qui furent désignées Mo’tazilah (les « démissionnaires »). Ces gens s’étaient effacés également de la même façon lors du soulèvement contre Usmân.

A la suite de cette cérémonie, les insurgés, satisfaits du dénouement de la situation, rentrèrent chez eux.

Les réformes de Alî :

L’action que le nouveau Calife eut à poser dans l’immédiat pour répondre à la demande de son peuple fut la révocation des personnes impies aux agissements et délibérations injustes qui gouvernaient la plupart des provinces de l’Empire.

Concernant Mu’âwiyeh, Alî rejeta d’une main la proposition de Abdullah Ibn Abbâs de ne pas le déposer pour l’instant vu sa popularité en Syrie et son refus de se soumettre. Alî s’expliqua par le fait que la Loi de Dieu n’autorise pas les tromperies astucieuses, avant d’assurer qu’il ne devait pas permettre à un impie de rester à ce poste ne serait-ce qu’un jour. Il proposa ensuite à Abdullah Ibn Abbâs d’aller remplacer Mu’âwiyeh. Ibn Abbâs déclina l’offre arguant que Mu’âwiyeh le tuerait à cause de sa parenté avec Alî.

Le Calife tenait à appliquer les réformes que le droit chemin lui imposait de faire et auxquelles Dieu mais aussi son

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peuple attendait de lui. C’est ainsi que furent envoyés au mois de Moharam 36 A.H. :1. Ubaydullah Ibn Abbâs au Yémen,2. Qays Ibn Sa’d Ibn Obâdah en Egypte,3. Quthâm Ibn Abbâs à la Mecque,4. Samâhah Ibn Abbâs à Tihâmah,5. Awn Ibn Abbâs à Yamânah,6. Usmân Ibn Honayf à Basrah,7. Ammara Ibn Chahab à Kûfa,8. Sa’îd Ibn Abbâs à Bahrein,9. Sahl Ibn Honayf en Syrie.

La plupart des nouveaux gouverneurs que l’Imam Alî avait nommés, ne trouvèrent à leur poste ni prédécesseur ni trésor public. Les deux (prédecesseur et trésor) étaient souvent partis rejoindre Aïcha dans son appel à la rebellion. C’est ainsi que Obaydallah s’aperçut lorsqu’il arriva au Yémen que Ya’lâ son prédécesseur, avait transféré vers la Mecque tout le trésor public67, soit environ soixante mille dinars, qu’il remit gracieusement à Aïcha en plus de plusieurs centaines de chameaux dont celui qui donnera à la bataille qui va suivre son nom de bataille du chameau. Ce chameau, de bonne race, était grand et d’une rare beauté. Il s’appelait Al-Askar.

Qays Ibn Sa’d, le nouveau promu pour l’Egypte réussit à remplacer Abdullah Ibn Sarh en usant de ruse. Ibn Sarh s’était enfui en Syrie, chez Mu’âwiyeh, dés la nouvelle de la mort de Usmân. Devant la résistance de quelques opposants Ibn Sa’d feignit d’abord de prendre parti pour Usmân avant de se faire accepter.

Usmân Ibn Honayf, lui, nouveau gouverneur de Basrah, y entra sans opposition.

67 Rawdhat al-Ahbâb ; Ibn Athîr ; Ibn Khaldûn.

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Ammârah apprit sur le chemin vers Kûfa que les gens de cette ville portaient leur choix sur Mûsâ al-Ach’arî qu’ils avaient fait nommer par Usmân. Il rebroussa chemin et fit un rapport à l’Imam Alî.

Il en fut de même pour Sahl, le nouveau gouverneur de Syrie nommé par Alî pour remplacer Mu’âwiyeh. Avant d’arriver à Damas, des cavaliers rencontrés en chemin lui apprirent que les Syriens n’étaient pas préparés, loin s’en fallait, pour accueillir un homme de Alî.

D’autres nominations interviendront par la suite en dehors de celles citées ci-dessus.

Il y eut dans toutes ces réformes de l’Imam Alî au moins deux grands déçus : Tal’hah et Zubayr. Ils se virent refuser par Alî leurs candidatures au poste de gouverneurs respectivement de Kûfa et Basrah. Alî leur opposa son désir de les garder à ses côtés en tant que conseillers.

Pour ce qui était de la Syrie, Alî savait ce qu’il lui restait à faire : aller faire entendre raison à Mu’âwiyeh et libérer le peuple de Dieu du joug d’un chef injuste, à travers le dialogue d’abord, l’arme des forts, puis la force des armes si l’impie persistait dans l’erreur. En procédant ainsi Alî tenait à rester en conformité avec le Saint Coran comme dans tous ses actes. En effet, Dieu nous dit à ce propos :

« Et si deux groupes de croyants se combattent, faites la conciliation entre eux. Si l'un d'eux se rebelle68 contre l'autre, combattez le groupe qui se rebelle, jusqu'à ce qu'il se conforme à l'ordre d'Allah. Puis, s'il s'y conforme, réconciliez-les avec justice et soyez équitables car Allah aime les équitables. » (Al-Houjourât, ID-9)

68 Ici le mot français ‘rebelle’ (utilisé deux fois dans le même sens) rend mal le terme arabe baghya qui regroupe plusieurs défauts à la fois que sont l’autosuffisance, l’arrogance, le manque d’éducation et de respect. Or quiconque connaît un tant soit peu l’histoire de Mu’âwiyeh, sait qu’il avait tous ces défauts en plus d’être un impie comme son père Abû Soufian qui ne s’était converti que par contrainte sans aucune conviction. Les actes qu’ils ont posés tout le long de leur vie le prouvent suffisamment.

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La formation des alliances contre Alî par Aïcha :

Il faut rappeler que Aïcha n’avait jamais oublié l’attitude de l’Imam Alî lors de l’incident de hadithul ifkh (la suscipion d’adultère qui se révéla infondée). Alî sétait montré assez ferme vis à vis d’elle dans les propos qu’il avait tenus au Prophète qui semblait affligé devant une si grave accusation pesant sur son épouse, en lui demandant de ne pas trop s’en faire pour une seule femme. Sans toutefois soupçonner Aïcha de l’acte indélicat que la rumeur propageait. Dieu fit descendre un verset sur la nécessité de preuves avant toute accusation d’adultère, lavant ainsi Aïcha de tout soupçon.

Ce n’était pas le seul grief que Aïcha nourrissait contre Alî. En effet, la « Mère des Croyants » était très jalouse de Khadija la première « Mère des Croyants », comme on l’a vu plus haut. Or Alî avait épousé Fatimah Zahra la fille adorée du Prophète et de Khadija. Quand on sait en plus les problèmes qui opposèrent Fatimah et Alî d’une part à Abû Bakr et Oumar d’autre part, on comprend le parti pris de Aïcha et de Hafça, les filles respectives des deux premiers Califes.

Aïcha et Hafça, deux veuves du Prophète, formeront ainsi un duo féminin infernal contre le Califat de Alî, quoique Hafça n’eût pas participé à la guerre du chameau (Harb Jamal). Leur alliance trouvait sa raison d’être dans le soutien à leurs pères et dans la haine contre Alî et son épouse Fatimah.

C’est ainsi qu’elles réuniront un grand nombre d’arabes qui avaient perdu qui un père, qui un frère, qui un cousin. Tués qu’ils ont été par l’épée de Alî au nom et pour la sauvegarde de l’Islam sur les différents champ de bataille où s’opposèrent des partisans et des pourfendeurs de la Religion de Dieu.

Le troisième type d’alliés que Aïcha et sa clique ameutèrent contre l’Imam Alî fut les banu umâyyah qui venaient de perdre en Usmân leur plus grand défenseur. Les

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umâyyades tenaient à venger le sang de leur frère et père Usman. Aïcha prétextait de vouloir venger le sang d’un umâyyade afin de rassembler le maximum de monde possible mais en réalité les meneurs de cette vengeance n’avaient aucun lien de parenté avec les umâyyades. Tal’hah et Zubayr avaient des liens de parenté avec Aïcha et étaient tous des banu taïm. Les sœurs cadette et aînée de cette dernière étaient les épouses respectives de Tal’hah et Zubayr. Tal’hah était le cousin du père de Aïcha, Abû Bakr. Le fils de Zubayr, Abdullah, était adopté par Aïcha.

Lorsque Aïcha apprit la mort de Usmân elle salua l’événement en disant :

« Le na’thal est mort. C’est le fruit de son travail. Il a brûlé le Livre de Dieu et il a fait mourir la Sunnah du Prophète. C’est pourquoi Dieu lui a donné la mort. Scellez mon dromadaire. J’ai fini ma Umra et je rentre à mon domicile ».

Arrivée à Charfâ, elle rencontra Obayd Ibn Um Kulâb. Elle a demanda des nouvelles de Médine, sa destination. Obayd lui dit que Usmân a été tué. Elle réagit aussi :« Le na’thal a été tué. Qui a été choisi ? »« Alî Ibn Abî Talib. », répondit la voyageur.

« J’aurais souhaité que le ciel tombe sur la terre. Le Calife de Dieu a été tué à tort. Ramenez-moi à la Mecque. » En compagnie de sa complice Hafçâ, veuve du Prophète et fille de Oumar, elle retourna à la Mecque, en se jurant de venger Usmân.

Un nommé Khaïss Ibn Hâzim, qui avait assisté aux deux déclarations contradictoires de Aïcha à la Mecque et à Charfâ, s’étonna d’un tel revirement dans les pros de la Mère des croyants. Il composa alors un très beau poème illustrant la lègereté des contradictions de Aïcha.

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Pour la beauté du texte arabe, nous vous en donnons un extrait transcrit :« Minekil bida-ou wa minekil ghîya.Wa minekil riyahou wa minekil matar.Wa anti amarti bi qatlil imam.Wa qul ti lana inahou khad fadjar.Fa hab na atâh-nâ ki fî qat-lîhi.Wa khâti louhou indana man amar.Etc. »Ce qui tend à dire :« Tu es au commencement et tu es à la fin.Le vent vient de toi et la pluie vient de toi.Et c’est encore qui as donné l’ordre de tuer l’Imam.Et tu nous dis que c’est un mécréant.On t’a obéi au meurtre.Celui qui l’a tué, pour nous, est le donneur d’ordre. »

Revenons aux événements de Médine. Tal’hah et Zubayr souhaitaient être nommés gouverneurs par Alî. Mais Alî déçut leurs espoirs en leur disant son choix de les maintenir à côté de lui comme conseillers. Son argument était qu’ils étaient des Compagnons du Prophète et qu’il avait besoin d’eux. Meurtris par une telle déception, ils écrivirent une lettre à Aïcha. La lettre fut remise à Abdallah Ibn Zubayr, fils de la sœur de Aïcha. Ils y demandaient à Aïcha d’organiser la rebellion contre Alî.

Aïcha regroupa, sous le prétexte de venger le sang de Usmân, les banu umâyyah de la Mecque et de Médine qui avaient rejoint la Mecque après la mort de Usmân.

Abdallah Ibn Âmir, le gouverneur de la Mecque sous Usmân, fut le premier à répondre à l’appel de Aïcha.

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Le discours que prononça Abdallah Ibn Âmir pour marquer son soutien à Aïcha, fut le premier d’un banu umâyyah à la Mecque.

Tal’hah et Zubayr demandèrent à l’Imam Alî une permission pour aller faire la umra (petit pèlerinage) à la Mecque. En réalité, un prétexte pour rejoindre Aïcha. Ils furent rejoints par Marwân, Abdallah Ibn Oumar, son frère Ubaydullah, les enfants de Usmân, et bien d’autres ennemis de Alî.

Ils arrivèrent à la Mecque quatre mois après la mort de Usmân. La rebellion contre Alî était déjà bien organisée autour de Aïcha.

La bataille du chameau (Harb Jamal) :

1. Le choix de Basrah comme premier objectif :

L’Etat-Major des forces rebelles se réunit pour décider de la direction à prendre pour mener la guerre contre Alî. L’avis de Aïcha d’aller directement à Médine fut vite battu en brèche par le réalisme des autres qui y virent un suicide collectif vu le soutien populaire dont bénéficiait Alî à Médine.

L’on suggéra d’aller à Damas chez Mu’âwiyeh. Mais d’autres ravisèrent très vite se disant que le désir avoué de Mu’âwiyeh était d’obtenir son indépendance vis à vis de Médine. Il venait d’ailleurs de le prouver en refusant de répondre à l’appel de détresse de Usmân lorsque ce dernier était assiégé. La présence de forces extérieures, fussent-elles des forces de coalition, ressemblerait, pensèrent les partisans de Aïcha, à une ingérence.

La troisième proposition sera la bonne et fut adoptée. C’était celle de Abdallah Ibn Amîr (ou Tal’hah selon les versions) qui suggéra d’aller à Basrah où il avait des partisans

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sûrs (ce qui s’avérera faux par la suite) et d’où ils pourraient ensuite attaquer Alî après s’être renforcés.

Sur le chemin de Basrah, à Awtass (non loin de Khaybar) Moghîrah Ibn Cho’bah, ex-gouverneur de Basrah et Sa’îd, un Mûhâjirin de la première Emigration eurent une discussion avec Tal’hah, Zubayr et Aïcha. Ils soupçonnaient Tal’hah et Zubayr de ne pas dévoiler leur vrai dessein lorsqu’ils prétextaient la vengeance du sang de Usmân. Ils firent avouer à Tal’hah et Zubayr que s’ils gagnaient contre Alî c’est l’un d’entre eux deux qui serait choisi par le peuple. Or deux des fils de Usmân, Obân et Wâlid, étaient dans leur rang, firent observer Moghirah et Sa’id qui après de tels propos refusèrent de suivre les rebelles. Ils retournèrent sur leurs pas et lançèrent à la face de Marwân et des autres suiveurs de Aïcha :

« Où allez-vous traquer les meurtriers ? Ils sont devant vos yeux (en pointant son doigt vers Tal’hah, Zubayr et Aïcha). Tuez-les et retournez chez vous. »69

2. Aïcha dans la vallée de Haw’ab :

Ayant appris que le Calife Alî était sorti de Médine pour les poursuivre, Aïcha ordonna qu’on changeât de route pour aller plus vite. Ils quittèrent la route principale et prirent des raccourcis.

Le guide des rebelles annonçait habituellement le nom de chaque endroit particulier qu’ils atteignaient. Une nuit il annonça : « La vallée de Haw’ab »

Cette fois l’annonce ne passa pas sans réaction. Aïcha frissonna de tout son corps lorsqu’elle entendit ce nom et qu’elle vit aussitôt les chiens du village l’entourer en aboyant vivement.

69 Ibn Qutaybah dans Al-Imamat Wal Siyasah.

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« Quel est cet endroit ? », hurla-t-elle. Le guide répéta sur le même ton : « La vallée de Haw’ab »

La prédiction du Prophète (que lui avait rappelée, à son départ de la Mecque, Om Salama, une veuve du Prophète) venait de se réaliser.

Le Prophète avait prédit qu’après lui, une de ses épouses, qui n’aurait pas obéi aux prescriptions divines en restant dans sa demeure (Aïcha en l’occurrence) allait se retrouver parmi les rebelles (avec la connotation d’injustes) dans la vallée de Haw’ab entourée de chiens aboyants :

« Peu après ma mort, les chiens de Haw’ab aboieront contre l’une de mes épouses qui sera parmi la bande rebelle. Oh ! j’ai su qui elle était ! Gare à toi, Ô Homayra70 ! Je crains que ce ne soit toi ».

Un hadith reconnu par tous les grands historiens musulmans, toutes tendances confondues.Aïcha fit agenouiller son chameau puis descendit de sa litière et le visage entre les mains, elle se lamenta :

« Innâ Lillahi wa Innâ Ilayhî râje ûn » (Nous appartenons à Dieu et nous devons retourner à Lui). Puis :

« Hélas ! je suis en fait la misérable femme de Haw’ab. Le Prophète m’en avait déjà prévenue. »

Elle refusa ensuite de faire un pas de plus. Tal’hah et Zubayr essayèrent de l’en dissuader en lui racontant que le guide s’était trompé sur le nom de l’endroit. Cinquante témoins arabes furent appelés à jurer. Mais Aïcha ne les crut pas.

Ibn Qutaybah dit à ce propos que c’était le premier faux témoignage public dans l’histoire de l’Islam.

Aïcha accepta à reprendre la route suite à ce témoignage.Une autre version moins crédible nous dit que Aïcha ne

crut pas ceux qui avaient juré. C’est alors que Tal’hah et

70 Couleur ambrée de la peau de Aïcha.

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Zubayr finirent par avoir raison de l’entêtement de Aïcha en criant soudainement :

« Vite ! Vite ! Alî s’approche rapidement pour nous surprendre ».

Ils appuyèrent leurs cris en s’enfuyant à vive allure. Aïcha, toute aussi effrayée, les suivirent.

L’incohérence de cette dernière version relève de ce que puisque Aïcha est persuadée qu’elle est la femme dont parle le Prophète, elle ne saurait continuer à lutter dans « la bande rebelle » comme le disait le hadith même si elle parvenait à s’échapper à l’attaque de Alî qu’on utilisat pour lui faire peur.

Or après avoir quitté la vallée de Haw’ab, elle continua de plus bel à lutter contre Alî. Bref, là n’est pas le plus important d’ailleurs. L’essentiel étant que la prédiction du Prophète sur le mouvement comportement de Aïcha s’est réalisée et que Aïcha l’a reconnue.

3. La prise de Basrah par Aïcha :

Arrivés aux alentours de Basrah, ils campèrent et envoyèrent un message au gouverneur Usmân Ibn Hanîf (ou Honayf), lui demandant de les rallier. Celui-ci refusa et envoya deux Compagnons (Abûl Aswad Adû-alî et Imrân Ibn-ul-Hassîn) du Prophète pour rencontrer Aïcha et ses compagnons hors de Basrah. Les messagers reprochèrent à Tal’hah et Zubayr d’avoir tué Usmân puis prêté serment d’allégeance à Usmân sans leur demander leur avis et en conclurent qu’ils ne pouvaient suivre les partisans de Aïcha contre Alî sans que ce dernier ne soit entendu. Ils demandèrent ensuite à Aïcha si elle avait reçu du Prophète un aval pour mener cette lutte contre Alî. La veuve du Prophète ne trouva pas de réponse idoine à cette question. Ce qui conforta les messagers de Usmân Ibn Hanif dans leurs convictions. Les

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paroles échangées furent très riches mais l’objet de ce livre serait dévoyé si nous tenions à vous relater dans les détails ces échanges. Sachons seulement que les notables de Basrah dans leur grande majorité refusèrent de répondre positivement à l’appel de Aîcha et de ses partisans.

Aïcha décide alors de faire son entrée à Basrah où elle tint un discours. L’impact de ce discours fut plutôt négatif sur l’ensemble de la population malgré quelques ralliements. Il en résulta un affrontement qui eut pour résultat quelques blessés.

D’autres affrontements eurent lieu. Là il y eut cinq cents banû Abel-Khayss, partisans (chîha) de l’Imam Alî tués.

Il fallut finalement trouver un compromis devant témoins. L’accord accepté par les deux parties stipulait que le palais, le trésor public et la mosquée restaient entre les mains du gouverneur Usmân Ibn Honayf jusqu’à l’arrivée de l’Imam Alî tandis que Aïcha et ses troupes obtenaient en retour l’autorisation d’entrer et de rester à Basrah en toute sécurité pendant la même période.

Hélas, le gouverneur avait fait un mauvais choix. La roublardise de Tal’hah et Zubayr allait avoir raison de leur sincérité. En effet, une nuit les rebelles attaquèrent les gardes du gouverneur et en tuèrent quarante. Quand le gouverneur Usmân sortit, il fut capturé par Marwân puis entièrement rasé de la tête à la barbe. Il finira par échapper à ses geoliers et à rejoindre l’Imam Alî.

L’armée de Aïcha venait de triompher à Basrah. A la Mosquée Tal’hah et Zubayr se tiraillaient déjà pour diriger la prière. Aïcha mit fin à cette lutte en décidant que c’est Ibn Zubayr, fils de Zubayr mais aussi fils adoptif de Aïcha, qui dirigera désormais la prière à Basrah.

La guerre venait d’être définitivement déclenchée contre le Calife Alî.

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4. Le départ de Médine de l’armée de Alî :

Entre-temps, à Médine l’Imam Alî, ayant appris le refus de Mu’âwiyeh de lui prêter allégeance et son désir d’indépendance, se préparait à aller en Syrie pour y restaurer la légalité. Mais on lui apprit que Basrah était tombée entre les mains de Aïcha et de son armée avec un cortège de massacres. Au vu de l’urgence de la situation à Basrah, Alî décida d’y faire un détour surtout que c’était toujours en Syrie.

Au départ de Médine, l’armée de l’Imam Alî eut quelques difficultés à recruter auprès de ceux qui doutaient de devoir combattre la veuve du Prophète même si le devoir les y appelait ( ?).

Près de neuf cents hommes – des guerriers de grande valeur et d’expérience tant muhajirins71 que ançars72 et surtout des badriyins73 – partirent avec lui.

5. Le ralliement des Kûfites à l’armée de Alî :

Des milliers d’autres guerriers rejoignirent les loyalistes de Alî pendant le déplacement. Notamment les banu taym. Egalement neuf mille hommes74 de Kûfa rejoignirent l’Imam Alî par voie de terre ou par bateaux.

Les conditions de ralliement de cette dernière vague d’hommes (de Kûfa) mérite une petite halte à Kûfa. En effet, Alî avait envoyé Muhammad Ibn Abî Bakr et Abdullah Ibn Ja’far à Kûfa pour amener son gouverneur Abû Mûsâ al-Ach’arî, peu disposé envers le Calife, à mobiliser des hommes pour renforcer ses rangs.

Aïcha avait précédé l’Imam Alî auprès de Abû Mûsâ à travers des lettres le dissuadant de prêter allégeance à Alî et 71 Les émigrants, venus de la Mecque avec le Prophète.72 Les autochtones de Médine.73 Anciens combattants qui ont participé à la guerre de Badr, aux côtés du Prophète.74 Al-Tabarî.

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l’invitant à venger le sang de Usmân. Abû Mûsâ était donc déjà politiquement marqué lorsque les envoyés de Alî arrivèrent à lui. Il leur répondra d’ailleurs dans la même veine : le serment envers Usmân pesant encore sur tous selon lui, il fallait absolument venger le sang de Usmân ; dés lors il ne participerait à aucune expédition75.

Quand Alî apprit cette réponse il dépêcha76 le vieux et vénéré Compagnon du Prophète Ibn Abbâs et le vaillant Mâlik al-Achtar pour solliciter directement les Kûfites.

Ceux-ci furent à leur tour confrontés à la mauvaise volonté de Abû Mûsâ qui, cette fois appela les Kûfites à ne pas se mêler de cette bataille entre des Compagnons du Prophète. Il tenta d’illustrer ses propos par un hadith du Prophète qui prévoyait des troubles entre musulmans pendant lesquels il vaudra mieux être inactifs qu’actifs.

La réponse apportée à l’Imam Alî le décida à envoyer une quatrième fois77des gens à Kûfa. Hassan Ibn Alî, Ammâr Ibn Yâçir (ancien gouverneur de Kûfa sous Oumar), Mâlik al-Achtar et Qardhah Ibn Ka’b al-Ançârî78furent les envoyés de Alî à Kûfa.

Ils furent reçus très correctemnt. Dans la Mosquée de Kûfa se tint une réunion publique. Lorsque les envoyés de Alî invitèrent les Kûfites à participer à l’expédition contre les rebelles, Abû Mûsâ déclencha les hostilités en rejetant cette invitation. Il reprit le même discours qu’il avait tenu aux derniers envoyés de Alî avec le même hadith à la clé. Ibn Abbâs engagea la discussion avec lui. Il lui fit remarquer que ledit hadith avait été mal utilisé par Abû Mûsâ car ces paroles

75 Al-Tabarî.76 Ibn Athîr.77 la 1ère fois, c’était Ammâr Ibn Chahab désigné nouveau gouverneur par Alî. Il fut dissuadé par des voyageurs d’arriver à Kûfa avant même de l’atteindre.78 Alî venait de le nommer gouverneur de Kûfa à la place de Abû Mûsâ al-Acharî.

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du Prophète visaient à réprimander des gens comme lui. Abû Mûsâ continua tout de même à lancer ses appels à la neutralité.

Un certain Zayd Ibn Sihân vint conforter les envoyés du Calife. Il sortit et lut deux lettres de Aïcha, l’une adressée à lui et l’autre à tout le public. Aïcha leur demandait de rester neutre ou alors de la soutenir79.

Entre-temps Mâlik al-Achtar était en train de vider le Palais de Abû Mûsâ de ses gardes. Avec l’aide de quelques partisans et à coups de bâtons il faisait battre ces gens et les dirigeait vers la Mosquée. Quand ceux-ci arrivèrent à la Mosquée et ils provoquèrent effectivement l’arrêt des discussions.

A la Mosquée, justement, le gouverneur récalcitrant avait commencé à s’affaiblir devant les arguments des envoyés de Alî et de leurs partisans. Abû Mûsâ, alerté par ses gardes chassés, rejoignit sa demeure sur-le-champ. Il y trouva Mâlik al-Achtar qui avait fini de maîtriser la situation. Mâlik le pria de faire ses bagages et de quitter le Palais.

Hassan Ibn Alî monta sur la chaire de la Mosquée et prononça un discours pathétique sur l’accusation injuste dont son père était victime. Il finit en demandant à ceux qui le désiraient de rejoindre leurs rangs. C’est ainsi que ces neuf mille Kûfites s’ajoutèrent à l’Armée de Alî.

Lorsqu’ils arrivèrent à Basrah Ils furent environ vingt mille80 hommes prêts à affronter les rebelles.

Alî arriva à la tête de ses troupes aux portes de Basrah, précisément à Khoraybah. A côté de Alî, au premier rang, on pouvait voir Abdallah Ibn Abbâs, Hindâ al-Muradî, Ammâr Ibn Yâçir, Mâlik al-Achtar, Muhammad Ibn Abû Bakr,

79 Al Tabarî.80 Dix mille selon al-Tabarî.

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Muhammad Ibn-ul-Hanefiya (fils de l’Imam Alî et de Hawlatu Bint Jaffar), Al-Hassan, Al-Husseyn.

A la vue de tels hommes de valeur et d’autres dans les rangs des troupes de Alî, les rebelles furent secoués par une onde de frayeur.

L’armée de Aïcha était dirigée par Tal’hah, Zubayr, Abdallah Ibn Zubyar, Marwân, Muhammad Ibn Tal’hah, Abdurahman Ibn Ubadata, Hilâl Ibn Wukay.

On était au matin du vendredi 16 Jamâdî II de l’an 36 A.H. (Novembre A.J.C.). Aïcha fit son entrée dans le champ de bataille, assise dans une litière posée sur le dos d’un grand chameau, Al-Askar. Elle motiva ses troupes par sa présence et sa voix.

Tout d’abord, Alî mit tout en œuvre pour éviter l’affrontement. Il envoya Ibn Abbâs avec le Livre Saint pour dire à Tal’hah et Zubayr qu’ils lui avaient prêté allégeance et que le Coran était leur témoin. Ceux-ci rejetèrent les propos de Alî et de son Messager, soutenant qu’ils avaient été contraints de se soumettre.

C’est alors que Alî décida d’aller vers eux sans arme, ce que trouvèrent ses partisans trop risqué. C’est que Alî tenait encore absolument à éviter le pire.

Il fit appeler Zubayr et lui rappela qu’il avait juré devant le Prophète qu’il l’aimait lui, l’Imam Alî et que le Prophète lui avait prédit qu’il allait se rebeller contre l’Imam Alî et qu’à ce moment-là il aurait tort. Zubayr reconnut tout cela et fit amende honorable en se retirant des rangs des rebelles. Il s’en suivit une dispute stérile entre lui et son fils soutenu par Aïcha.

Lorsque Tal’hah fut appelé par Alî – Zubayr était encore là – il lui fut reproché également de revenir sur son serment d’allégeance. Il répondit comme Zubayr qu’il y avait été contraint et que Usmân avait subi un affront que, eux, ils

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voulaient laver. Alî lui fit observer que sous Abû Bakr, Oumar puis Usmân ils n’avaient pas protesté contre ce qui leur avait été imposé par la force des armes et c’est maintenant seulement qu’ils se rebellaient alors que rien ne leur était imposé. L’Imam Alî leur demanda où se trouvaient leurs femmes. Ils répondirent qu’elles étaient restées à la Mecque. Il leur reprocha encore d’avoir laissé leurs femmes à la maison et de se promener avec la femme du Prophète pour guerroyer à travers l’Empire. Alors qu’ils savent ce que le Coran a dit des femmes du Prophète :

« Ô femmes du Prophète, vous n’êtes pas comme de quelconques femmes. Si vous voulez vous comporter en piété, alors ne vous abaissez pas en parole, afin que ne vous convoite pas celui au cœur de qui est la maladie. Et tenez un langage décent.

Restez dans vos foyers ; et ne vous exhibez pas à la manière des femmes d’avant l’Islam. Accomplissez la prière et acquittez l’aumône légale et obéissez à Allah et à son Messager.» (Les Coalisés, XXXIII-32 et 33)

Voyant qu’il n’avait toujours pas réussi à faire entendre raison les rebelles, Alî tenta une dernière action de paix. Il fit envoyer un jeune volontaire à ceux-ci pour leur lire un verset du Coran. Celui-ci alla réciter ledit verset comme demandé :

« Et si deux groupes de croyants se combattent, faites la conciliation entre eux. Si l'un d'eux se rebelle contre l'autre, combattez le groupe qui se rebelle81, jusqu'à ce qu'il se conforme à l'ordre d'Allah. Puis, s'il s'y conforme, réconciliez-les avec justice et soyez équitables car Allah aime les équitables. » (Al-Houjourât, ID-9)

Le jeune homme fut tué sur-le-champ sur l’ordre de Aïcha qui estimait que les conciliabules avaient trop duré. Des flèches fusèrent des arcs rebelles vers l’armée des justes.81 Ici le mot français ‘rebelle’ (utilisé deux fois dans le même sens) rend mal le terme arabe baghya qui regroupe plusieurs défauts à la fois que sont l’autosuffisance, l’arrogance, le manque d’éducation et de respect.

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Les partisans de l’Imam commencèrent à se sentir un peu trop indolents et proposèrent la riposte. L’Ima Alî récita les versets suivants :« Et si, après le pacte, ils violent leurs serments et attaquent votre religion, combattez alors les chefs de la mécréance - car, ils ne tiennent aucun serment - peut-être cesseront-ils ? » (Sourate At-Tawba, IX-12)« Ne combattrez-vous pas des gens qui ont violé leurs serments, qui ont voulu bannir le Messager et alors que ce sont eux qui vous ont attaqués les premiers ? Les redoutiez- vous ? C'est Allah qui est plus digne de votre crainte si vous êtes croyants ! » (Sourate At-Tawba, IX-13)

Suite à cela, l’Imam Alî conduisit l’attaque contre l’armée rebelle. Le résultat82 fut désastreux, surtout pour les rebelles : vingt cinq mille morts dont six mille dans les rangs de Alî, le reste chez l’ennemi. Les amputés furent au nombre de quatorze mille. Al-Tabarî est un des rares auteurs à avoir parlé de dix mille tués chez les rebelles de Aïcha et cinq mille parmi les loyalistes.

La bataile dura trois jours ou une journée (du matin au soir) selon les versions. Elle finit en tout cas dans la victoire des loyalistes de Alî.

Comme nous l’avons dit plus haut, cette bataille dût son nom à ce chameau mythique de Aïcha. En effet, elle trouva son dénouement dans la prise de Aïcha qui resta longtemps inaccessible, bien protégée dans sa litière qu’elle était par le chameau al-Askar et une bonne partie des rebelles. Mâlik Al-Achtar, pourtant guerrier héroïque, faillit même se décourager devant la bête après lui avoir cassé deux pattes. C’est quand l’Imam Alî en personne lui donna courage en lui demandant de frapper sans hésitation qu’il continua. Lorqu’il frappa la troisième patte l’animal s’affaissa sur ses genoux.

82 Mas’udi ; Mhamad al-Kâzim al-Khazwîni ; entre autres.

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Muhammad Ibn Abû Bakr fut chargé par Alî d’aider sa sœur à descendre de sa litère en lui donnant la main ; il fut choisi à la place de tout autre homme pour son lien de sang avec la veuve du Prophète. Elle accepta de donner la main à son frère et non moins ennemi pour descendre enfin.

Tal’hah83, Zubayr84, Muhammad Ibn Tal’hah et bien d’autres chefs rebelles périrent dans cette bataille. Abadallah Ibn Zubayr fut blessé.

Marwân réussit à s’enfuir avec un bon nombre de rebelles pour rejoindre Mu’âwiyeh à Damas.

L’Imam Alî fit conduire Aïcha à Médine malgré elle. Elle fut escortée par quarante femmes déguisées en hommes. Elle dira alors que l’Imam Alî lui avait fait un grand honneur sauf qu’il l’avait fait accompagner par des hommes. Quand les femmes firent tomber leurs déguisements d’hommes, elle fut alors entièrement comblée.

Aïcha en tira un grand respect pour l’Imam Alî qu’elle ne combattra plus par la suite. Elle sera plus tard l’invitée de Mu’âwiyeh qui lui tendra un piège mortel.

83 Tal’hah fut tué par …Marwân en personne. Le mauvais génie de Usmân (Marwân) s’était révolté au cours de la bataille de voir Tal’hah se battre avec beaucoup de vigueur alors qu’il l’avait vu au premier rang de ceux qui ont combattu son Maître Usmân. Un grand nombre d’auteurs reconnaissent que Tal’hah s’était répenti avant de mourir en priant pour que Dieu lui pardonne son pêché de parjure (violation de serment) envers Alî. Alî, magnanime et juste, fut affligé par la nouvelle de sa mort dans de telles conditions d’autant plus qu’il s’était rappelé que Tal’hah fut son ami. (Rawdhat-al-Ahbâb)84 Il fut tué sur le chemin du retour par un partisan de Alî, Umr Ibn Jarmuz, qui ne savait pas que Zubayr s’était répenti. Le meurtrier insultera Alî avant de se suicider par la suite quand l’Imam Alî lui rappela que le Prophète avait prédit que celui qui tuera Zubayr ira en enfer. (Ibn Athîr)