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4 dossier fais-moi signe - avril/mai 2016 L’accès au cinéma, une inégalité encore criante Alors que la technologie cinématographique et du sous-titrage est en constante évolution, quel est aujourd’hui l’accès des sourds au cinéma? La situation s’est-elle améliorée ou les sourds restent-ils dépendants des projections en versions originales sous-titrées et d’actions isolées d’associations et de responsables de salles? Fais-moi signe fait le point. texte: Sandrine Burger, photo: montage SGB-FSS S i ces dernières années les personnages sourds se sont multipliés dans les séries télévisées et les films ( Switched at birth, Marie Heurtin, Famille Bélier , etc.), force est de constater que, par contre, les personnes sourdes, elles, restent bien trop souvent exclues des salles de cinéma par manque de sous-titrage! UN DROIT INCLUS DANS LA CDPH Pourtant, dans son article 30, la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), signée par tous les Etats européens, y compris la Suisse, stipule clairement que «Les Etats parties reconnaissent le droit des personnes handicapées de participer à la vie culturelle, sur la base de l’égalité avec les autres, et prennent toutes les mesures appropriées pour faire en sorte qu’elles: a) aient accès aux produits culturels dans des formats accessibles; b) aient accès aux émissions de télévision, aux films, aux pièces de théâtre et autres activités culturelles dans des formats accessibles.» Le sous-titrage devrait donc être une évidence! EVOLUTION TECHNIQUE Cet accès devrait d’autant plus être concrétisé que l’excuse de la technologie ne tient plus. En effet, alors que par le passé, les sous-titres devaient être gravés sur la pellicule elle-même, ce qui nécessitait de réaliser des copies supplémentaires, de nos jours, la technique de la numérisation permet de graver les sous-titres sur un DVD et de les projeter en surimpression du film. Cela est non seulement techniquement plus simple, mais aussi nettement moins coûteux et plus souple. DANS LES FAITS Reste que dans les faits, les personnes sourdes ont un accès limité au cinéma à cause du manque de projections diffusées avec sous-titrage. Non seulement les séances de films en versions originales sous-titrées sont de moins en moins nombreuses en Suisse au profit des séances doublées, mais, en plus, les films en français ne sont, eux, jamais sous-titrés ou alors à titre vraiment exceptionnel (projections organisées par des associations comme Regards Neufs, responsables de salles sensibilisés, fêtes d'associations, etc.). Persuadés que les sous-titres vont gêner les spectateurs entendants – au lieu de voir le potentiel de clientèle en plus que cela pourrait leur rapporter-, les responsables de salles se montrent de plus en plus réticents face au sous- titrage. Même dans le cas du film Marie Heurtin, où le distributeur a choisi de ne distribuer que des copies avec sous-titres, certains responsables de salles se sont montrés hostiles! Face à de tels blocages et conscient qu’en Suisse on n’est pas prêt à voir une loi imposer les sous-titres, l’espoir pourrait peut-être venir des nouvelles technologies. En effet, plusieurs entreprises travaillent depuis quelques années sur le concept de lunettes permettant de diffuser les sous-titres sur les verres et les premiers tests en salle devraient avoir lieu ce printemps en Suisse romande (cf. article p. 6)… Sous-titré à chaque séance, le film Marie Heurtin reste une exception.

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L’accès au cinéma, une inégalité encore criante

Alors que la technologie cinématographique et du sous-titrage est en constante évolution, quel est aujourd’hui l’accès des sourds au cinéma? La situation s’est-elle améliorée ou les sourds restent-ils dépendants des projections en versions originales sous-titrées et d’actions isolées d’associations et de responsables de salles? Fais-moi signe fait le point.texte: Sandrine Burger, photo: montage SGB-FSS

Si ces dernières années les personnages sourds se sont multipliés dans les séries télévisées et les films (Switched

at birth, Marie Heurtin, Famille Bélier, etc.), force est de constater que, par contre, les personnes sourdes, elles, restent bien trop souvent exclues des salles de cinéma par manque de sous-titrage!

Un droit inclUs dans la cdPHPourtant, dans son article 30, la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), signée par tous les Etats européens, y compris la Suisse, stipule clairement que «Les Etats parties reconnaissent le droit des personnes handicapées de participer à la vie culturelle, sur la base de l’égalité avec les autres, et prennent toutes les mesures appropriées pour faire en sorte qu’elles: a) aient accès aux produits culturels dans

des formats accessibles;b) aient accès aux émissions de télévision,

aux films, aux pièces de théâtre et autres activités culturelles dans des formats accessibles.»

Le sous-titrage devrait donc être une évidence!

EvolUtion tEcHniqUECet accès devrait d’autant plus être concrétisé que l’excuse de la technologie ne tient plus. En effet, alors que par le passé, les sous-titres devaient être gravés sur la pellicule elle-même, ce qui nécessitait de réaliser des copies supplémentaires, de nos jours, la

technique de la numérisation permet de graver les sous-titres sur un DVD et de les projeter en surimpression du film. Cela est non seulement techniquement plus simple, mais aussi nettement moins coûteux et plus souple.

dans lEs faitsReste que dans les faits, les personnes sourdes ont un accès limité au cinéma à cause du manque de projections diffusées avec sous-titrage. Non seulement les séances de films en versions originales sous-titrées sont de moins en moins nombreuses en Suisse au profit des séances doublées, mais, en plus, les films en français ne sont, eux, jamais sous-titrés ou alors à titre vraiment exceptionnel (projections organisées par des associations comme Regards Neufs, responsables de salles sensibilisés, fêtes d'associations, etc.).

Persuadés que les sous-titres vont gêner les spectateurs entendants – au lieu de voir le potentiel de clientèle en plus que cela pourrait leur rapporter-, les responsables de salles se montrent de plus en plus réticents face au sous-titrage. Même dans le cas du film Marie Heurtin, où le distributeur a choisi de ne distribuer que des copies avec sous-titres, certains responsables de salles se sont montrés hostiles!

Face à de tels blocages et conscient qu’en Suisse on n’est pas prêt à voir une loi imposer les sous-titres, l’espoir pourrait peut-être venir des nouvelles technologies. En effet, plusieurs entreprises travaillent depuis quelques années sur le concept de lunettes permettant de diffuser les sous-titres sur les verres et les premiers tests en salle devraient avoir lieu ce printemps en Suisse romande (cf. article p. 6)… ■

Sous-titré à chaque séance, le film Marie Heurtin reste une exception.

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Quand le sous-titrage ouvre la voie du succès

Les portails internet de diffusion en continu représentent une concurrence de plus en plus marquée pour le cinéma et la télévision. Pourtant, les offres n’étant pas toutes sous-titrées, elles ne sont pas toujours accessibles aux sourds et malentendants. Or, l’exemple des Etats-Unis démontre qu’une forte culture du sous-titrage peut conduire à un succès mondial.texte: Martina Raschle (trad. Daisy Maglia), photo: Netflix.com

Les portails internet tels que Netflix, Maxdome ou Sky Online permettent à leurs utilisateurs

de télécharger leurs films préférés. Les avantages par rapport au cinéma ou à la télévision sont évidents: on voit ce que l’on veut quand on veut, sur n’importe quel support. Le home cinéma est ainsi devenu un concurrent sérieux du cinéma et de la télévision. Alors que le nombre d’utilisateurs des portails de diffusion en continu ne cesse de s’accroître, l’offre suit la tendance. A l’heure actuelle, Amazon Video propose à lui seul un choix d’environ 15 000 films et séries, tous sous-titrés.

lE modèlE américainEn matière de sous-titrage, les prestataires américains font figure d’exemple: tout

leur contenu, y compris sur internet, sont sous-titrés. La loi américaine sur l’égalité pour les personnes h a n d i c a p é e s exige en effet que chaque émission télévisée soit sous-titrée. Pour les fournisseurs internet, il est donc normal de faire de même et cette culture du sous-titrage profite à tous. Le

fait qu’un nombre croissant d’internautes du monde entier souhaite visionner les films en version originale sous-titrée a propulsé les portails américains de diffusion en continu au rang de leaders du marché mondial.

réalisEr soi-mêmE lEs soUs-titrEsEn Suisse, la situation n’est malheureusement pas aussi rose pour les sourds et malentendants. Les lois sur les services internet sont actuellement en construction, et on ignore encore si internet sera soumis à la loi sur l’égalité pour les handicapés. Cela veut dire que dans notre pays, le sous-titrage est bien souvent une pure question de chance. De nombreux prestataires n’offrent tout simplement pas de sous-titres,

ou alors uniquement des sous-titres automatiques, bien souvent inutiles car incompréhensibles, les programmes utilisés n’étant pas fiables. Les internautes ont donc dû trouver eux-mêmes une solution. C’est ainsi que des fans de films produisent à titre bénévole les sous-titres et les chargent sur des plates-formes telles qu’opensubtitles.org ou srtsubtitle.com. Les utilisateurs peuvent ensuite les télécharger gratuitement dans leur langue sous forme d’un fichier SRT et les insérer dans le lecteur à l’aide de la fonction «sous-titres» ou «paramètres». Cela nécessite certes quelques connaissances, mais permet à chacun de visionner des films sous-titrés sur son appareil privé.

dEs lois PlUs étEndUEsLe principe modulaire avec un sous-titrage flexible présente certes des avantages, mais ne garantit pas aux sourds et malentendants de notre pays l’accès complet aux produits du home cinéma. L’offre de sous-titrage peut en effet varier d’un prestataire à l’autre, et même d’un film à l’autre. Les sourds et malentendants n’ont donc aucune garantie de bénéficier de la même prestation que les entendants. Afin de pallier cette inégalité, la législation sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées doit aussi s’appliquer à internet et exiger des prestataires publics au moins un sous-titrage complet sur tous les appareils. Les exemples venant des Etats-Unis démontrent qu’une culture du sous-titrage prescrite par l’Etat peut entraîner un succès mondial. ■

Une offre cinématographique flexible sur internet.

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Comment rendre le cinéma enfin accessible à tous?

Les sous-titres n’ayant pas la cote auprès des responsables de salles de cinéma, c’est par d’autres technologies que, de-ci de-là, des solutions ont émergé pour permettre aux personnes sourdes d’avoir enfin accès au cinéma. Après le sous-titrage sur smartphones proposé par Greta & Starks pour les sourds germanophones, les lunettes avec sous-titrage intégré s’apprêtent à faire leur apparition en Suisse.texte: Sandrine Burger, dessin: Frederik Vauthey, photo: Greta & Starks

Comme nous l’avons déjà évoqué dans l’introduction de ce dossier, même si l’accès aux salles de

cinéma et aux films est une obligation selon la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) que tous les Etats européens ont signée, y compris la Suisse, dans les faits, les séances avec sous-titrage sont en baisse constante concernant les films en version originale et n’existent carrément pas lors des séances publiques concernant les films en français.

Par conséquent, les personnes sourdes n’ont qu’un accès extrêmement limité à ce loisir qu’est le cinéma et, à moins

d’initiatives ponctuelles et locales, elles sont souvent obligées d’attendre la sortie en DVD pour pouvoir voir le film dont elles ont envie!

soUs-titrEs sUr smartPHonEsHeureusement, grâce aux nouvelles technologies, des solutions alternatives ont pu apparaître de-ci de-là pour pallier ce manque de sous-titrage. Proche de chez nous, une première solution a été mise sur pied par l’entreprise Greta & Starks, en janvier 2014, à l'intention des personnes sourdes d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse alémanique (soit

un potentiel de 218 000 sourds et 14,4 mio de malentendants germanophones).

Engagée en faveur d’un accès au cinéma sans aucun obstacle, Greta & Starks, soutenue par différents organismes allemands ainsi que par l’Office fédéral de la culture suisse, a développé deux applications pour smartphones disponibles gratuitement sur l’App Store et Google Play: Greta, qui propose de l’audiodescription pour les personnes aveugles, et Starks, qui propose des sous-titres pour les personnes sourdes.

Une fois l’application Starks chargée, la personne sourde

qui désire aller au cinéma doit juste penser à charger sur son smartphone les sous-titres du film choisi et, grâce à la collaboration de Greta & Starks avec les principales sociétés de production de film (comme 20th Century Fox, Universal, Warner Bros, etc.), ce choix est vaste. Arrivée dans la salle, la personne sourde n’a alors plus qu’à lancer l’application et celle-ci synchronise automatiquement les sous-titres sur le smartphone avec le film à l’écran.

Bien que le fait de devoir regarder l’image sur un écran et les sous-titres sur son smartphone puisse paraître, à première vue, pas évident, l’application a clairement démontré son succès depuis

S'il vous plaît, écoutez-moi attentivement ...

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son lancement en janvier 2014 puisqu’à fin août 2015, plus de 60 000 utilisations ont été répertoriées. Il faut dire que Starks offre une liberté que n’avaient jamais connue les personnes sourdes auparavant puisque l’application peut non seulement être utilisée dans toutes les salles de cinéma, quel que soit l’heure ou le jour, mais aussi lors de festivals ou à domicile pour visionner la télévision, un DVD ou même un film de vidéo à la demande.

soUs-titrEs sUr lUnEttEsDepuis quelques années, une autre solution semble se profiler pour pallier le manque de sous-titrage dans les salles de cinéma: les lunettes avec sous-titrage intégré aux verres. Plébiscitée tant par les professionnels du cinéma que par les personnes concernées, cette solution n’est cependant pas encore tout à fait au point, mais les premiers tests devraient encore arriver avant l’été en Suisse.

Parmi les sociétés travaillant sur ce concept, Sony avait été la première à faire parler d’elle sous nos latitudes avec notamment un grand test en présence de journalistes et de responsables d’associations du monde de la surdité dans trois villes françaises - Paris, Toulouse et Montpellier - en mars 2013.

Malgré l’enthousiasme soulevé à l’annonce de cette nouveauté, ce premier test, corroboré par d’autres essais effectués à plus grande échelle aux Etats-Unis, a été un échec. En effet, les retours des personnes ayant testé les lunettes ont, dans l’ensemble, été fort mauvais avec notamment comme reproche un sous-titrage de couleur verte non conforme à celui en vigueur à la télévision, mais aussi des difficultés à supporter les lunettes plus de 10 minutes, des problèmes oculaires provoquant des larmes, etc.

Mais loin de jeter l’éponge, Sony s’est remise au travail. Associée à la société de technologie allemande, VerbaVoice, Sony a ainsi développé des lunettes à réalité augmentée appelées SmartEyeGlass. Selon la firme japonaise, celles-ci sont un outil d’aide à la communication pour

les personnes sourdes et malentendantes grâce au système permettant de traduire des contenus audio de spectacles ou de présentations via un outil-interprète en ligne. Concrètement, les contenus sont transmis à une plate-forme en ligne basée sur le cloud de VerbaVoice qui convertit le son en texte.

Si les lunettes fonctionnent déjà aux Etats-Unis, en Europe, elles se font encore attendre. La société Pathé France semblerait intéressée, mais rien n’est encore signé, le prix des lunettes (670 euros) ne jouant pas non plus en faveur de cette solution.

BiEntôt En sUissE?Mais une autre société travaille également sur cette idée de lunettes intégrant le sous-titrage sur les verres, c’est Greta & Starks dont la solution maison (Starks smart glass) a été développée en collaboration avec l’Université de Berlin et semble prête à être testée non seulement en Allemagne dès ce printemps, mais aussi en Suisse! En effet, lorsqu’il a entendu parler de cette avancée technologique sur laquelle travaillait Greta & Starks, Bruno Quiblier, responsable de Regards Neufs (qui se bat depuis plusieurs années pour un cinéma accessible pour tous, malvoyants comme sourds) a immédiatement proposé un partenariat

afin d’ouvrir également le marché suisse à cette nouveauté.

Techniquement, Starks smart glass reprend le concept de base de l’application Starks. La personne sourde doit donc charger l’application sur son smartphone puis télécharger les sous-titres du film qu’elle souhaite voir. Là où cela diffère, c’est qu’au lieu de devoir regarder les sous-titres sur son smartphone en jonglant avec l’écran sur lequel est projeté le film, elle aura à sa disposition une paire de lunettes qu’il lui suffira de brancher sur son smartphone pour qu’immédiatement les sous-titres (en couleurs) soient synchronisés et projetés sur les verres des lunettes.

A terme, l’idée serait que grâce à cette application, une cinquantaine de films soient accessibles aux sourds de Suisse par année. Mais avant cela, une phase de test est encore nécessaire. Celle-ci aura lieu en parallèle ce printemps en Allemagne et en Suisse où Regards Neufs compte lancer un premier test en Suisse romande probablement en mai, puis de faire un second essai à l’occasion des Rencontres de Regards Neufs à Lausanne en septembre avant de lancer officiellement la solution au niveau national à l’automne avec trois ou quatre films dans chaque région linguistique si tout va bien dès que la question de la mise à disposition des lunettes aura été réglée. ■

Le sous-titrage sur lunettes devrait arriver très prochainement en Suisse.

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Nous voulons le 100%!Les spectateurs sourds de films et programmes télévisés ont besoin de sous-titres – et ils en ont le droit. Fais-moi signe s’est entretenu avec Beat Kleeb sur la situation actuelle et future en matière de sous-titres à la télévision, au cinéma et sur internet. La Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) nous apportera-t-elle le sous-titrage à 100%? photo et propos recueillis par Martina Raschle (trad. Antonia D’Orio)

La Fédération suisse des sourds exige de la télévision suisse un sous-titrage à 100%. Est-ce réaliste?Au niveau technique, cela ne pose aucun problème! Il s’agit uniquement d’une question d’argent. Je ferais toutefois une petite restriction: il faut sous-titrer toutes les émissions avec paroles, les émissions purement musicales n’ont pas besoin de sous-titres.

La publicité également?Absolument! Il est très important que les personnes sourdes soient prises au sérieux en tant que consommateurs. Je le répète, c’est techniquement faisable. Une autre question qui se pose, est la qualité des sous-titres, qui dépend à son tour de l’argent disponible.

Comment se manifestent ces dif- férences de qualité?Aujourd’hui, on utilise deux techniques pour le sous-titrage en direct: les sous-titres bon marché générés automatiquement et le re-speaking qui consiste à répéter les dialogues de manière articulée pour un logiciel de reconnaissance vocale. La qualité des sous-titres automatiques laisse beaucoup à désirer. A cause des nombreuses erreurs, les spectateurs sourds perdent le fil des dialogues. J’avoue cependant que je suis surpris par les progrès faits dans le domaine de la reconnaissance vocale par ordinateur, je ne m’y attendais pas. Lorsque j’ai vu l’application pour la première fois en Amérique, j’avais de forts doutes qu’elle fonctionne également

pour une langue aussi complexe que l’allemand.

Il est frappant de constater que les émissions américaines sont toujours pourvues de sous-titres, même sur internet ou Netflix. Est-ce parce que la reconnaissance vocale de l’anglais est plus facile?A mon avis, c’est plutôt parce que la loi sur l’égalité des personnes handicapées aux Etats-Unis impose à la télévision de sous-titrer ses émissions à 100% et que tout ce qui est passé à la télévision, doit être sous-titré sur internet également. Dans les offres comme celle de Netflix, par exemple, cette culture du sous-titrage se manifeste aussi dans la culture d’entreprise : nous devons offrir des sous-

Beat Kleeb est convaincu que l’avenir de la télévision passe par internet

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Beat Kleeb est membre fondateur de la coopérative «Genossenschaft Hörgeschädigten-Elektronik, GHE» (aides techniques pour les sourds et les malentendants), qui a produit les premiers sous-titres pour la télévision suisse pour le compte de Teletext. Il est, en outre, membre d’honneur de la Fédération suisse des sourds SGB-FSS et représente les instances des personnes sourdes dans le groupe de travail des télécommunications (ITU) de l’ONU.

titres, un point c’est tout. Je pense que c’est une conséquence des lois américaines sur l’égalité.

Cela ne profite pas qu’aux personnes sourdes. Beaucoup d’entendants souhaitent voir les émissions américaines en version originale avec sous-titrage.Exactement! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on transfère de plus en plus sur internet. A l’avenir, internet sera connecté à la télé, le câble TV classique disparaîtra.

Il n’y aura donc plus de télévision?Si, mais elle passera par internet. Actuellement, il est beaucoup question de l’introduction de HbbTV. Cela veut dire que le téléviseur est pourvu de deux câbles, l’un pour la réception des programmes TV, l’autre pour se connecter à internet. Personnellement, je crois que le futur appartient à la télévision sur internet. HbbTV est une bonne chose, mais du point de vue technique, elle est déjà dépassée. Aussi bien HbbTV que la télévision sur internet (IPTV) offrent de nombreux avantages. Il est possible, par exemple, d’activer une fenêtre avec la traduction en langue des signes en surimpression à l’image télévisée. De cette manière, il serait plus facile de satisfaire à l’exigence de diffuser au moins 5% des émissions en langue des signes – et chacun décide s’il souhaite afficher ou non l’interprète en langue des signes.

Et qui paie les interprètes?Ce point est réglé dans la loi sur l’égalité des personnes handicapées ou dans la CDPH de l’ONU… Beaucoup de questions restent cependant ouvertes. Il faut, par exemple, définir de manière nette ce qu’est la télévision et ce qu’est internet.

A part internet et la télévision, il y a d’autres canaux, notamment le cinéma, pour la diffusion de films. Actuellement, différentes possibilités d’utilisation flexible des sous-titres, par exemple au moyen de lunettes à sous-titres ou d’une tablette sont testées. Qu’en pensez-vous?

J’ai essayé la solution avec tablette! Il faut télécharger à la maison les sous-titres sur le smartphone ou, mieux encore, sur la tablette. Dans la salle de cinéma, l’app reconnaît le signal sonore du film et affiches les sous-titres mémorisés. J’ai fait le test un après-midi peu fréquenté, aucun des spectateurs ne s’est plaint. J’imagine que dans une salle pleine, les voisins de fauteuil pourraient se sentir dérangés par l’écran lumineux de la tablette. En plus, il faut tenir celle-ci constamment à hauteur des yeux, cela est fatigant. Ce changement continu entre les sous-titres sur la tablette et le film à l’écran est très pénible pour les yeux. Des lunettes à sous-titres seraient bien plus confortables.

C’est cela donc l‘avenir: les spectateurs décident eux-mêmes s’ils veulent ou non des sous-titres au cinéma?C’est en effet une possibilité. Surtout les grands cinémas montreront de moins en moins de sous-titres. De nombreuses personnes profiteraient des lunettes capables de mémoriser les sous-titres en plusieurs langues. Prenons, par exemple, un Genevois en visite à Zurich qui souhaite voir un film, il va à la caisse du cinéma et prend des lunettes pour sous-titres en français. Ce n’est peut-être pas pour demain, de nombreuses questions restent encore ouvertes. Mais du point de vue technique, une telle solution est tout à fait concevable.

Revenons sur la question du paiement des interprètes. La Convention de l‘ONU relative aux droits des personnes handicapées garantit à tous le libre accès à l’information. Cela signifie donc que la télévision publique doit veiller au sous-titrage intégral de ses émissions?Oui, elle le doit. Cependant, il existe un contrat entre les différentes associations actives dans le domaine de la surdité et la SRG SSR. A l’époque, Pascale Bruderer s’était beaucoup engagée afin qu’il soit écrit dans la loi sur la radiotélévision qu’un tiers de toutes les émissions doit être sous-titré. L’idée était qu’en sous-titrant un tiers des émissions de chacune des trois chaînes nationales, on arriverait

à 100%. Gion Linder, le responsable de Swiss TXT, s’est également beaucoup investi. Il a fait un excellent travail, et grâce au progrès technique, nous avons aujourd’hui 50% d’émissions sous-titrées – en tenant compte toutefois des rediffusions. A présent, la télévision suisse dit naturellement qu’elle a rempli son contrat et qu’elle propose même déjà davantage.

Que pouvons-nous faire pour atteindre le 100%?Pour moi, il est important de résilier le contrat avec la SRG SSR. Tant qu’il reste en vigueur, rien ne bougera. En conséquent, la Fédération suisse des sourds va résilier le contrat et s’appuyer sur la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées. Il nous faut évidemment des partenaires politiques pour faire pression. Et les sourds doivent se rendre visibles en tant que consommateurs! Tous les efforts ne servent à rien tant que nous continuons à acheter sans mot dire des services sans sous-titres. La SRG SSR doit remplir ses obligations, mais elle s’opposera bec et ongles à l’augmentation du sous-titrage. La question se pose: la Suisse prend-elle réellement au sérieux la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées qu’elle a pourtant ratifiée? Les sous-titres constituent, à mes yeux, une première mise à l’épreuve de l’utilité de la CDPH… ■

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SRG SSR, les chiffres du sous-titrage «dopés» par les reprisesComme chaque début d’année, les équipes régionales de la télévision suisse (SRG SSR) et Swiss TXT ont fait le point sur l’accessibilité des programmes avec les associations liées aux handicaps sensoriels. Si les chiffres du sous-titrage sont plus ou moins stables, la Fédération suisse des sourds regrette cependant le nombre trop élevé de rediffusions qui tronque les statistiques sur le long terme. texte: Sandrine Burger, tableaux: Swiss TXT

Chaque année, les équipes régionales de la télévision suisse chargées des émissions

interprétées en langue des signes ou en audiodescription et Swiss TXT, chargé du sous-titrage, rencontrent les associations représentant les personnes touchées par un handicap sensoriel (surdité, malvoyance) pour faire le bilan de l’accessibilité des programmes de l’année précédente. Un rendez-vous auquel la Fédération suisse des sourds participe toujours et durant lequel elle ne manque jamais de rappeler ses revendications pour un accès plus large aux programmes télévisés pour les personnes sourdes et malentendantes.

Bilan 2015, langUE dEs signEsCôté émissions interprétées en langue des signes, rien n’a vraiment évolué en 2015, mis à part quelques modifications liées au placement et à la mise en valeur des interprètes dans les téléjournaux de la RTS et de la RSI.

Les programmes interprétés restent donc:■ SRF: le téléjournal de 19h30,

Kassensturz (samedi ou dimanche), les allocutions du Conseil fédéral et 6 histoires pour enfants online;

■ RTS: le téléjournal de 19h30, les allocutions du Conseil fédéral et 10 émissions Signes par année;

■ RSI: le flash info de 18h et les allocutions du président de la Confédération.

Cela reste bien entendu bien en-dessous des 5% d’émissions interprétées en langue des signes que revendique la Fédération suisse des sourds et pour lesquelles elle va continuer à militer activement ces prochaines années.

Bilan 2015, soUs-titragESi l’on compare les chiffres globaux du sous-titrage en 2015 (cf. tableau no 1), on constate qu’ils ont continué à augmenter légèrement en Suisse romande (+ 4,1) et en Suisse italienne (+ 4,5), tandis que la Suisse alémanique a accusé une très légère baisse (- 0,6). Cela découle de la volonté de la SRG SSR qui souhaite garantir un

équilibre entre les différentes régions et a donc davantage investi dans les régions latines ces dernières années qu’en Suisse alémanique qui avait une large avance pendant des années. L’on constate ainsi qu’à la fin 2015, le pourcentage des sous-titrages est maintenant quasiment identique d’une région linguistique à l’autre avec: SRF 49,8%, RTS 50,4% et RSI 49,8%.

EvolUtion En tromPE l’œilSi l’on étudie plus en détail les chiffres du sous-titrage entre 2010 et 2015 (cf. tableau no 2), une autre réalité s’impose. Certes, si l’ensemble des sous-titres a clairement augmenté durant ces six dernières années

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(SRF +44,51%, RTS + 33,66%, RSI + 47,75% et +42,10% toutes régions confondues), il est tout de même à relever que cela est largement dû à l’augmentation des achats faits à l’étranger (sauf Tessin) et, surtout, à la quantité toujours plus importante de rediffusions (SRF +61%, RTS + 47%, RSI + 115%!). A l’inverse, les productions internes (émissions réalisées par les équipes SRF, RTS et RSI) ont, elles, à peine évolué (SRF + 4,16%, RTS + 1,38%), voire carrément diminué en Suisse italienne (- 2%).

Si la quantité de rediffusions est justifiée comme le reflet de la tendance actuelle de l’ensemble des programmes des chaînes de la SRG SSR, il n’empêche qu’inclure ces chiffres dans le bilan présenté chaque année aux associations de personnes sourdes et malentendantes est trompeur. En effet, si l’on analyse l’évolution du sous-titrage avec ou sans les rediffusions, les résultats changent du tout au tout. En effet, entre 2010 et 2015 les rediffusions ont augmenté de 69,97 % alors que les achats n’ont, eux, augmenté que de 9,78% et les productions internes d’à peine 1,29%!

Du coup, sans les rediffusions, on est bien loin de la moyenne de 42,1% d’augmentation fièrement annoncée! Or, que souhaitent les sourds? Sûrement pas regarder quatre fois le même feuilleton américain à l’eau de rose, mais bien des émissions nouvelles et actuelles.

avEnir incErtainQuels que soit ces chiffres et comment on les analyse, les responsables des trois régions linguistiques et de Swiss TXT ont également exprimé leur inquiétude concernant l’avenir. En effet, il est de notoriété publique que depuis quelque temps, les télévisions publiques suisses ont dû commencer à faire des économies, ce qui a notamment impliqué le licenciement de personnel et la suppression de certaines émissions.

Une tendance qui risque encore de s’intensifier dans les années à venir. Si pour le moment cela n’a pas eu d’impact sur la quantité des sous-titrages, Swiss TXT a cependant déjà dû se réorganiser à l’interne afin d’être plus efficient et

ne pourra guère se serrer davantage la ceinture sans que cela finisse par se voir à l’écran.

Du côté politique, si la révision de la loi sur la radio et la télévision (en juin 2014), largement soutenue par la Fédération suisse des sourds, a été une bonne chose, les nuages sur l’avenir de la SRG SSR ne sont pas encore totalement dissipés pour autant. En effet, les discussions au parlement vont reprendre cette année encore sur le service public…

C’est donc dans cette ambiance nébuleuse avec l’obligation d’économiser que les associations représentant les personnes touchées par un handicap sensoriel vont devoir prochainement renégocier l’accord qui les lie à la SRG SSR… Tâche certes pas évidente, mais quoi qu’il en soit, la Fédération suisse des sourds n’en démordra pas et continuera à militer, tant auprès de la télévision suisse qu’auprès des politiques, pour 100% d’émissions sous-titrées et 5% d’émissions traduites en langue des signes! ■

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La parole aux exploitants de salles de cinéma

clore ce dossier sur l’accès des personnes sourdes et malentendantes au cinéma, nous avons voulu savoir ce qu’avaient à répondre les responsables de salles de cinéma à propos du manque de sous-titrage. Nous en avons contacté quelques-uns, voici leurs réponses…

propos recueillis par Sandrine Burger, Martina Raschle et Désirée Haupts, photos: Thinkstock

cinétoilE (laUsannE)«Nous tenons à vous informer que trois de nos salles sont équipées et adaptées aux malentendants. Pour des raisons techniques et de confort pour le client malentendant, nous ne pouvons malheureusement pas toutes les équiper et sommes dans l’obligation d’en équiper une sur deux (risque de capter le son d’un autre film…).

En ce qui concerne les versions originales sous-titrées, nous vous rendons attentif au fait que nous en projetons de plus en plus. En effet, durant une certaine période, beaucoup de versions originales sous-titrées nous avaient été refusées. La semaine dernière par exemple, nous avons joué les films Room, Brooklyn et Avé, César! en versions originales sous-titrées. Par ailleurs et à notre connaissance, les versions françaises sous-titrées ne sont pas disponibles en Suisse.»

arEna cinéma (gEnèvE)«Les versions des films ainsi que les sous-titres ne dépendent pas des cinémas, mais des distributeurs. En effet, les cinémas ne peuvent exploiter uniquement ce qui existe pour le marché suisse. Les films français qui sortent avec sous-titres français sont actuellement très rares voire inexistants.(…) Nous tenons tout de même à vous préciser que pratiquement toutes nos salles sont équipées de boucles magnétiques pour malentendant ainsi que des aménagement et accès réservés aux PMR.»

PatHé (laUsannE)«Ce ne sont pas les cinémas qui décident si un film sera sous-titré ou pas mais le distributeur des films uniquement. La décision est purement basée sur des critères économiques, à savoir est-ce que l’exploitation d’une copie sous-titrée sera rentable ou pas. L’exploitant décide de projeter une copie sous-titrée (lorsqu’elle est disponible) selon ses critères de programmation et son public cible potentiel.Les films suisses ont rarement des versions sous-titrées parce que justement le potentiel commercial est souvent trop faible. Exemple : un film alémanique s’exporte très mal en Romandie, donc l’investissement s’avère souvent trop élevé pour le distributeurLes versions sous-titrées chez Pathé représentent entre un tiers et deux tiers des films projetés selon les villes. La programmation en matière de films en versions originales sous-titrées est adaptée aux demandes des spectateurs. Elle évolue vers une plus grande demande de versions originales sous-titrées.Nous passons aussi en Romandie des versions de films français avec des sous-titres français pour les sourds, mais c’est en association avec l’organisation Base-Court. Ces séances sont limitées et annoncées spécialement car le public « standard » n’apprécie pas de suivre un film français avec des sous-titres en français.»

artHoUsE Kino, ZUricH«Nous diffusons tous les films avec sous-titrage, sauf les film en langue allemande. La majorité du public des cinémas ressentiraient le sous-titrage en allemand comme dérangeant si les dialogues oraux sont déjà en allemand. Mais ces films (en allemand) sont clairement minoritaires

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dossierfais-moi signe - avril/mai 2016

Suite aux réponses que nous avons reçues de cinémas de toute la Suisse concernant le manque de sous-titrage des films en salle, la rédaction a souhaité réagir à certains des propos tenus.

Tout d’abord, le fait de rejeter systématique la faute sur les distributeurs et l’offre de sous-titrage inexistante nous semble quelque peu simple comme excuse… En effet, même si tous les producteurs de films français ne sous-titrent pas encore automatiquement leurs œuvres dès la post-production, la loi française sur l’égalité des droits des personnes handicapées (2005) a peu à peu fait bouger les choses. Certes l’obligation de sous-titrage n’est pas ancrée dans la loi, mais le fait est que depuis 2012, et la prise de conscience de Canal (très impliqué dans le cinéma), de plus en plus de films français sont distribués avec la possibilité de diffuser les sous-titres: ils étaient 50 (sur un total de 279 produits) en 2012 et on en compte déjà plus de 46 en cette fin mars 2016. A relever que l’offre existe aussi du côté germanophone avec des sous-titres allemands pour les films allemands puisque Greta & Starks les obtient des producteurs pour les mettre à disposition sur son site. Donc contrairement à ce que prétendent les tenanciers de salles, l’offre

existe, à eux de faire pression sur les distributeurs suisses pour la mettre à disposition! Appuyer sur l’offre devrait d’ailleurs être d’autant plus facile pour de gros multiplexes comme Pathé et Arena Cinéma qui s’approche parfois de la position de monopole dans certaines villes.

Sans compter que même lorsque l’offre existe, ces mêmes responsables de salles se montrent fort frileux à la diffuser. Pour rappel, le film La famille bélier avait été distribué dans toute la Suisse romande avec le sous-titrage français par le distributeur; or il n’y a eu que très peu de salles à les projeter! Pire encore, lorsque le distributeur, sur demande du réalisateur, de Marie Heurtin a exigé que les sous-titres soient projetés à chaque séance et dans chaque salle, les responsables des cinémas ont été nombreux à ronchonner et chercher à contourner la demande! Pire encore, à l’époque de Intouchables, alors que la Fédération suisse des sourds avait obtenu une copie avec sous-titrage, aucune salle suisse n’avait accepté de la diffuser, ne serait-ce que pour une soirée. Il a fallu se rabattre sur la France voisine!

Réaction de la rédaction

dans notre programmation et donc, la grande majorité des films sont projetés avec sous-titrage. Notre public apprécie de voir les films en version originale. Mais dans les multiplexes, malheureusement, il y a de plus en plus de projection avec doublage. Le public jeune se montre particulièrement peu intéressé à devoir lire des sous-titres.»

cinEstar, lUgano«Nous n’avons pas d’installations spécifique pour les personnes sourdes.Parfois, nous avons quelques films en version originale avec des sous-titres en italien, mais ce ne sont que très peu et en général des blockbusters.Des films en italien avec du sous-titrage italien, cela n’existe pas, il n’y a aucun distributeur qui propose cela et c’est déjà très compliqué d’obtenir des sous-titres en italien d’un film en version originale.L’année prochaine, nous allons rénover notre cinéma. S’il existe des systèmes qui pourraient être installés (ndlr. pour rendre le cinéma accessible aux sourds), ce

serait peut-être l’occasion de le faire. Nous avons déjà un système pour les personnes aveugles mais pour les personnes sourdes la situation est telle que je l’ai décrite.»

Pro cinEma(Association faitière des cinémas et distributeurs suisses)«Economiquement, il est difficile de proposer une offre cinématographique pour les personnes sourdes et malentendantes. Les entendants ne veulent pas de sous-titrage lorsqu’ils comprennent ce qui est dit. C’est un fait, il y a de moins en moins de films sous-titrés dans les cinémas. Certes, la Suisse est encore une exception, mais même ici cela se voit de plus en plus. En Italie, par exemple, 99% des films sont doublés, ce qui fait qu’au Tessin aussi, il y a moins de sous-titrage car les films viennent d’Italie. Les distributeurs livrent en général des copies sans sous-titrage. On devrait donc produire après-coup les sous-titres en Suisse et pour cela il n’y pas de demande. Si le public faisait pression,

cela pourrait un peu changer mais, pour le moment, c’est ainsi: plus il y a de films projeté en version doublée et plus il se vend de billets d’entrée.» ■