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Arbres et forêts 34 septembre 2013 Arbres et forêts 35 septembre 2013 BOIS Associé à l’architecture balnéaire, de montagne, ou à quelques écoquartiers qu’on observait de loin en Allemagne et en Autriche, le bois arrive dans nos agglomérations longtemps enduites de bitume, hérissées de pierre et de béton. Exemples glanés au fil d’une balade commentée dans les rues de Lyon. en ville Le bois s’invite T out parcours à la découverte d’une ville commence par sa place centrale. Face à l’hôtel de ville de Lyon, la place des Terreaux, relookée par Christian Dre- vet et Daniel Buren, sans un arbre, est une surface cuisante en été, glissante en hiver, où l’on ne s’attarde pas. Contraste saisissant, à deux pas de là, la place des Célestins prend la forme d’une immense terrasse de bois, sur laquelle les familles viennent prendre le frais à l’ombre des magnolias. « Le bois revient depuis une vingtaine d’années dans les lieux publics : il répond bien aux préoccupations en matière d’environnement et aux attentes très fortes des habitants vers plus de naturalité dans l’espace urbain », observe Daniel Boulens, directeur des espaces verts de Lyon. À Lyon, le bois remplace le béton Le bois est aussi apprécié pour ses qualités intrinsèques : un banc en plein soleil est plus confortable en bois qu’en béton, les platelages en bois amortissent la marche et le bois massif, naturel, qui devient peu à peu gris, exige peu d’entretien. C’est en bois brut que sera ainsi construite la monumentale aire de jeux de près de 1 000 mètres carrés du futur parc du Sergent- Blandan, dans le 7 e arrondissement, confiée à l’agence Base. Celle-ci intervient également LA PLACE des Célestins, dans le 2 e arrondissement de Lyon. Photos : Arnault Breysse

dossier bois 3-Terre Sauvage/Arbres et Forêts-septembre 2013

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Arbres et forêts 34 septembre 2013 Arbres et forêts 35 septembre 2013

bois

Associé à l’architecture balnéaire, de montagne, ou à quelques écoquartiers qu’on observait de loin en Allemagne et en Autriche, le bois arrive dans nos agglomérations longtemps enduites de bitume, hérissées de pierre et de béton. Exemples glanés au fil d’une balade commentée dans les rues de Lyon.

en villeLe bois s’invite

Tout parcours à la découverte d’une ville commence par sa place centrale. Face à l’hôtel de ville de Lyon, la place des Terreaux, relookée par Christian Dre-vet et Daniel Buren, sans un arbre, est

une surface cuisante en été, glissante en hiver, où l’on ne s’attarde pas. Contraste saisissant, à deux pas de là, la place des Célestins prend la forme d’une immense terrasse de bois, sur laquelle les familles viennent prendre le frais à l’ombre des magnolias. « Le bois revient depuis une vingtaine d’années dans les lieux publics : il répond bien aux préoccupations en matière d’environnement et aux attentes très fortes des habitants vers plus de naturalité dans l’espace urbain », observe Daniel Boulens, directeur des espaces verts de Lyon.

À Lyon, le bois remplace le béton Le bois est aussi apprécié pour ses qualités

intrinsèques : un banc en plein soleil est plus confortable en bois qu’en béton, les platelages en bois amortissent la marche et le bois massif, naturel, qui devient peu à peu gris, exige peu d’entretien. C’est en bois brut que sera ainsi construite la monumentale aire de jeux de près de 1 000 mètres carrés du futur parc du Sergent-Blandan, dans le 7e arrondissement, confiée à l’agence Base. Celle-ci intervient également

la Place des Célestins, dans le 2e arrondissement de Lyon.

Photos : arnault Breysse

LE bois En viLLE

Arbres et forêts 36 septembre 2013 Arbres et forêts 37 septembre 2013

sur le grand projet de reconquête des rives de la Saône : « Le bois a du sens dans un lieu qu’on destine aux générations futures. Le bois verni, laqué, ne nous intéresse pas. Notre choix d’utiliser le bois brut, qui change de couleur avec le temps, est un pied de nez aux systèmes fermés, qui n’évoluent pas », remarque l’un des trois dirigeants de Base, l’architecte-paysagiste Bertrand Vignal. Depuis la création de la structure à Paris au début des années 2000, il a observé qu’il y a beaucoup moins d’appréhension, « même si certains gestionnaires d’espaces publics restent frileux. Par exemple, on continue de refuser les pavés en bois, alors que des techniques existent pour éviter qu’ils deviennent glissants. La mise en œuvre du bois dans l’espace urbain reste malgré tout encore complexe. Il faut se débrouiller pour trouver les architectes, les bons fournisseurs, mettre au point des procédés, aller voir des exemples à l’étranger… ». L’approvisionne-ment reste un point délicat. L’aire de jeux du parc Blandan sera réalisée en robinier faux-aca-cia de Hongrie : « la filière n’existe pas en France », regrette Bertrand Vignal. La ville de Lyon s’inter-dit depuis plusieurs années d’utiliser des bois exotiques non certifiés et privilégie autant que possible les bois locaux. Ainsi, les clôtures et les piquets viennent de l’Isère, à 100 kilomètres de l’agglomération lyonnaise. Le circuit peut même être encore plus court : les troncs des plus beaux arbres d’alignement de la ville sont de plus en plus souvent réutilisés en bois d’œuvre. Au parc de la Tête d’Or, les arbres ont ainsi été transfor-més en tables et chaises, en sculptures monu-mentales patinées par les mains des enfants. Giraferie de la plaine africaine, enclos, pavillons sanitaires : les bâtiments en béton du parc dis-paraissent peu à peu au profit de structures en

la Giraferie du zoo du parc de la Tête d’Or (ci-dessous). En bas à droite : bâtiment Le Jardin de Jules, à Villeurbanne.

Bâtiment sanitaire du zoo du parc de la Tête d’Or, à Lyon.

bois. « Le bois dans les espaces verts tisse un lien symbolique fort avec l’arbre sur pied et lui donne une seconde vie, remarque Daniel Boulens. Pour qu’il tienne dans le temps, le bois exige d’être bien scié, bien séché, il faut le connaître. Pendant des années, on a trouvé plus facile d’avoir recours aux produits bitumés, au béton. La limite de l’utilisation du bois en ville, c’est la connaissance. »

Dans le sillage de techniques anciennesL’architecte lyonnais Jacky Suchail, qui a signé

les nouveaux pavillons sanitaires de la Tête d’Or en mélèze naturel, précise : « La préfabrication permet des chantiers très courts et sans nuisance. L’étape la plus longue est de couler le soubassement ! C’est une qualité importante lorsqu’on intervient dans les espaces publics et urbains. » C’est aussi en bois qu’il réalise, dans un ancien bâtiment industriel du 9e arrondissement, le futur siège de son agence et plusieurs logements, dont celui du dernier étage, surmonté d’une vaste toiture en bois : « Nous avions une contrainte de légèreté de la structure sur ce site. J’avais aussi envie d’utiliser le bois pour des raisons affectives, parce qu’il est agréable à l’œil, au toucher. Et puis l’assemblage, avec ce côté Meccano, est amusant pour un archi-tecte qui assouvit ainsi peut-être un rêve d’enfant », avoue-t-il.

Ainsi le bois trouve sa place en ville. Ou plu-tôt la retrouve. Car le bois, associé à la terre, a construit l’essentiel des cités jusqu’aux xvie et xviie siècles, en particulier l’habitat des modestes. La pierre était réservée aux bâtiments de prestige. Aujourd’hui, les centres urbains, denses et patri-moniaux, s’ouvrent encore peu aux immeubles en bois. « On ne construit plus grand-chose en centre-ville… », lâche un urbaniste. Alors, ce

sont sur les marges contemporaines des agglo-mérations, dans les quartiers en mutation qui émergent ou se métamorphosent, que le bois est le plus souvent convié. L’agence lyonnaise Tekhnê a achevé, il y a deux ans, un immeuble de logements sociaux BBC, cours Berthelot, dans le 8e arrondissement, un quartier remodelé par le passage du tramway. Les façades, bardages et claustras du bâtiment de quatre étages jouent avec différentes teintes du bois, du roux au blond. « On sait aujourd’hui maîtriser le vieillis-sement du bois, ce qui permet de travailler les cou-

leurs comme une palette », commente l’architecte Christian Charignon, gérant de Tekhnê, dont les bureaux sont situés à deux pas. En 2012, l’agence a remporté le prix national de construction bois, pour un gymnase à Saint-Martin-en-Haut, dans les monts du Lyonnais. « Au niveau architectu-ral, le bois offre mille possibilités, une force et une variété d’expression incroyables, en jouant sur les veines, les aplats, des panneaux. Par sa chaleur, sa douceur, le bois permet de réconcilier nos sociétés avec l’architecture contemporaine. » Les procédés mis en œuvre aujourd’hui n’ont plus grand-

Place des célestins Très grande terrasse de bois, où les magnolias s’épanouissent, la place des Célestins, au centre de Lyon, est un des signes du retour du bois dans les aménagements urbains.

Parements bois d’un immeuble voisin du stade Sonny-Anderson, dans le 2e arrondissement de Lyon.

à voir à Lyon

Dans le centre-ville, outre la place des Célestins, le bois a investi les berges

du Rhône, avec de grands bancs et des cheminements le long de la Piscine du Rhône. Le parc de Gerland abrite les imposants bâtiments du skatepark, club house et tennis couverts, en ossature et bardages bois. En revanche, assez peu de bois pour l’instant dans le nouveau quartier de Confluence, qui déroule les grands noms de l’architecture actuelle, en dehors de la passerelle de la Darse, du stade sonny-Anderson (structure et bardages) et des parements du centre commercial. ne pas rater les halles du 8e arrondissement, et la place du 8-mai-1945, réalisées par Françoise-Hélène Jourda. Un tour dans le 9e arrondissement permet d’apercevoir la brasserie L’ouest, de Paul bocuse, qui modernise l’ambiance western avec des revêtements et des menuiseries en bois, puis, en remontant le val de saône, les aménagements en cours des espaces publics le long de la rivière. Côté bureaux, il faut sortir de Lyon intra-muros pour voir l’étonnant étage en porte-à-faux du bâtiment de l’agence d’architectes bbC, à vaulx-en-velin, réalisé en ossature, panneaux et bardages de bois. Dans la même commune, on peut pousser la porte du temple réformé pour en admirer la charpente en lamelles entrecroisées.

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Arbres et forêts 38 septembre 2013 Arbres et forêts 39 septembre 2013

chose de commun avec ceux des cités médié-vales. Poutres en lamellé-collé, panneaux de fibres, bois-béton pour les murs, bois-résine en parements : le bois est devenu un matériau tech-nologique. « Il y a quinze ou vingt ans, nous nous sentions un peu seuls dans un pays de maçons. Il est aujourd’hui possible de réaliser un bâtiment en bois, de l’ossature aux planchers, jusqu’à la couverture, l’habillage, les fenêtres », explique l’architecte Max Rolland, de Tectoniques, qui vient d’achever un groupe scolaire de 4 000 mètres carrés, entière-ment en bois, à Rillieux-la-Pape. La réalisation a été conduite avec Arborescence, un bureau d’ingénierie des structures bois, qui se partage entre son siège à Bourg-Saint-Maurice et Lyon.

Des projets en bois récompensésCe bureau a contribué à la réalisation d’un

temple réformé à Vaulx-en-Velin, d’un centre de loisirs à Caluire, travaillé aussi sur des ouvrages d’art, ponts et passerelles. Autant de structures dont la construction était impensable il y a encore quelques années. Laurent Clère, gérant d’Arbo-rescence, remarque : « Les racines de la construc-tion en bois sont anciennes, mais les gestes sont réinterprétés avec notre époque et ses techniques dis-ponibles. Ce qui est nouveau, c’est l’industrialisation de certains procédés. Aujourd’hui, nous disposons d’un matériau bois fiable, avec des caractéristiques mécaniques précises, ce qui nous autorise à l’utiliser exactement de la même manière que les charpen-tiers métalliques de la fin du xixe siècle, l’époque de la tour Eiffel. » Quant à la crainte ancestrale des grands incendies, qui ont jadis ravagé les villes, Laurent Clère, qui a accompagné l’édifica-tion de plusieurs casernes de pompiers, dissipe vite les idées reçues : « Les pompiers adorent les constructions en bois ! » Le bois brûle, certes, mais il se consume lentement et de manière prévi-sible, alors que le métal s’effondre brutalement et généralement bien plus vite. Les écoquartiers ont naturellement adopté le bois, comme le village vertical de Villeurbanne, aboutissement d’un long projet d’habitat groupé, l’un des rares à avoir vu le jour, inauguré en juin 2013. Sur 80 projets candidats, celui qui a été retenu était le seul à proposer du bois, ce qui lui a permis de se différencier. Richard Llung, adjoint à l’urba-nisme de Villeurbanne, estime pourtant que le bâtiment en bois souffre encore auprès du grand public de l’image de la maison des trois petits cochons : en paille, ça ne tient pas, en bois c’est mieux, mais rien ne vaut le béton. « Notre rôle d’élu est de pousser les promoteurs à innover dans l’habitat, et la construction bois fait partie de ces innovations. Il est important désormais que le bois soit utilisé dans les logements collectifs classiques. » l

à voir dans l’Hexagone

À Paris et dans sa région : le théâtre éphémère de la Comédie-Française, près du Palais-Royal, la réhabilitation des halles Pajol, dans

le 18e arrondissement, le hall E de l’aéroport de Roissy et ses ondulations en peuplier, les pavillons d’entrée du parc de saint-Cloud. Dans le nord-est : le superbe centre Pompidou de Metz et la nouvelle gare TGv de la Meuse, recouverte de tavaillons, comme le bâtiment périscolaire de Tendon, dont la structure a été réalisée avec des hêtres locaux. À saint-Dié-des-vosges s’achève le plus haut bâtiment de France en structure de bois et isolation de paille : huit étages de logements sociaux. Dans le nord-ouest ont été réalisés en bois des ouvrages aussi divers que le pont-passerelle du Mont-saint-Michel, la halle de La Madeleine et le siège d’Atlanbois, tous deux à nantes, l’écomusée du Pays de Rennes, ou encore le beau manoir du Tourp, dans la Manche. Dans le sud-ouest : les lignes souples de la maison de la réserve naturelle du Courant d’Huchet, à Léon, ou encore le siège de la Fédération française de surf, à Hossegor, en harmonie avec les plages de sable.Enfin, dans le sud-Est, on pourra croiser l’étonnant belvédère sur la vallée de l’Eyrieux, en Ardèche, l’auditorium du Pontet (vaucluse), réalisé en robinier, ou encore l’école Jean-Carrière, à nîmes.

à voir ailleurs

En Autriche, le vorarlberg a su marier dès des années 1960 la création contemporaine et les filières locales. C’est un lieu de pèlerinage pour

tous les architectes de la construction écologique. L’Allemagne voisine n’est pas en reste, avec « E_3 », un immeuble de sept étages en structure de bois à berlin. À Hanovre, découvrez la crèche « Postfossil Ecowood », la voûte arborescente d’Expo 2000, ou encore la villa b en forme de sandales japonaises, sur le lac starnberg. En suède, la célèbre « cabane » zoomorphe de la réserve de Glaskogen s’agrandit en fonction du nombre d’occupants. L’église de Karsarmaki, en Finlande, contemporaine, a été construite avec des techniques artisanales. En Grande-bretagne, le conservatoire de l’architecture en bois, dans le sussex, a utilisé du chêne vert pour sa coque en bois et, à Londres, le stadhaus, huit étages d’habitation en structure de bois, a été réalisé en moins d’un mois de chantier. En suisse, on peut citer la passerelle piétonne et le stade Leitzigrund, à Zürich, ou encore les bureaux verts de Givisiez, en bois non traité et avec une isolation en papier recyclé. Enfin, le centre culturel Jean-Marie Tjibaou, près de nouméa, signé par Renzo Piano, en bois d’iroko, est probablement l’un des plus beaux exemples au monde de construction en bois.

le skatePark du 7e arrondissement de Lyon.

l’éGlise réformée de Vaulx-en-Velin.la toiture du Centre

Pompidou-Metz est posée sur une charpente en bois évoquant un chapeau chinois : l’une des plus grandes et des plus complexes réalisées à ce jour.

l’éGlise contemporaine de Kärsämäki en Finlande réinterprète les méthodes artisanales du xVIIIe siècle dans un espace et des lignes contemporaines.

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