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musée d’histoire, mhcdf.ch, ma-di (10h-17h), entrée libre dimanche de 10h à 12h rue des Musées 31, CH-2300 La Chaux-de-Fonds, +41 (0)32 967 60 88 DEUX SIÈCLES DE MIGRATIONS AUTOUR DE LA CHAUX-DE-FONDS 29.04.2016-22.01.2017 Une exposition des Archives de la vie ordinaire et du Musée d’histoire DOSSIER PÉDAGOGIQUE

DOSSIER PÉDAGOGIQUE - La Chaux-de-Fonds · Modules 4-6, programme géographie 5e Cycle 3 : Migrations d'hier et d'aujourd'hui Faire des liens entre la grande et la petite histoire

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musée d’histoire, mhcdf.ch, ma-di (10h-17h), entrée libre dimanche de 10h à 12hrue des Musées 31, CH-2300 La Chaux-de-Fonds, +41 (0)32 967 60 88

DEUX SIÈCLES DE MIGRATIONS AUTOUR DE LA CHAUX-DE-FONDS 29.04.2016-22.01.2017

Une exposition des Archives de la vie ordinaire et du Musée d’histoire

DOSSIER PÉDAGOGIQUE

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1 mhcdf.ch Musée d'histoire – Rue des Musées 31 – CH-2300 La Chaux-de-Fonds - +41 (0)32 967 60 88

CONTENU

L'exposition en bref .................................................................................................................................................... 2

La médiation scolaire ................................................................................................................................................. 2

Le Musée d'histoire pratique ..................................................................................................................................... 2

L'exposition en détail ................................................................................................................................................. 3

Les chapitres de l'exposition ................................................................................................................................. 4

Bibliographie ........................................................................................................................................................... 4

Fiches d'activités ........................................................................................................................................................ 5

CYCLE 1 – Parcourir le monde ............................................................................................................................... 5

CYCLE 2 – Pourquoi partir? .................................................................................................................................... 6

CYCLE 3 - Migrations d'hier et d'aujourd'hui ........................................................................................................ 6

Pour en savoir plus ..................................................................................................................................................... 7

_________________________________ Dossier Sylvie Pipoz, médiatrice culturelle, MHCDF Dossier documentaire Jacques Ramseyer, AVO Illustrations © MHCF, © AVO ©Musée d'histoire La Chaux-de-Fonds - avril 2016

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2 mhcdf.ch Musée d'histoire – Rue des Musées 31 – CH-2300 La Chaux-de-Fonds - +41 (0)32 967 60 88

L'EXPOSITION EN BREF

Voyageurs, horlogers, missionnaires, préceptrices, maçons … L’exposition présente les parcours de gens "ordinaires" qui ont participé aux mouvements migratoires. Objets, documents originaux, photographies, témoignages sonores et interviews filmées relatent des expériences parfois exaltantes, parfois émouvantes, parfois douloureuses ou tout simplement ordinaires. Ces histoires peuvent entrer en résonance avec celles des visiteurs qui, à un moment donné, ont eux aussi "bougé". Cette exposition est réalisée en collaboration avec l'Association pour la conservation des Archives de la vie ordinaire.

LA MEDIATION SCOLAIRE Cycle 1 : Parcourir le monde Découvrir la géographie à travers les parcours des personnes présentées dans l'exposition : un horloger en Amérique latine, une institutrice en Irlande, un commerçant au Japon, etc.

PER / SHS 12 Cycle 2 : Pourquoi partir ? À travers les destins "ordinaires" présentés dans l'exposition, aborder les raisons qui amènent les gens à vivre ailleurs.

PER / SHS 21, SHS 23 Modules 4-6, programme géographie 5e

Cycle 3 : Migrations d'hier et d'aujourd'hui Faire des liens entre la grande et la petite histoire à travers les parcours "ordinaires" de personnes ayant migré pour des raisons politiques, économiques, sentimentales ou autres.

PER / Option spécifique OSH – Chap. 4/HISTOIRE – un monde en mouvement,

SHS 31, FG 32, FG 35 Dossier documentaire complet (70 pages, pdf) Un dossier complet présentant toutes les personnes mentionnées dans l'exposition est disponible sur demande.

LE MUSEE D'HISTOIRE PRATIQUE

Ouverture mardi au dimanche, 10h à 17h Des ouvertures en dehors de ces heures sont possibles sur demande et sous réserve de disponibilité.

Tarifs Gratuit pour les écoles publiques du canton de Neuchâtel Gratuit jusqu'à 16 ans Entrée libre le dimanche de 10h à 12h Plein tarif CHF 10.- / tarif réduit CHF 7.- Visites guidées Pour les classes et sur demande préalable: CHF 40.- (CHF 60.- dès la rentrée

d'août 2016) Contact Musée d'histoire Rue des Musées 31/ CP 2157 2302 La Chaux-de-Fonds 032 967 60 88 www.mhcdf.ch - [email protected]

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L'EXPOSITION EN DETAIL

Pourquoi une exposition sur ce thème ? Le développement des Montagnes neuchâteloises est intimement lié au phénomène de la migration. Le Musée d'histoire et l'Association pour la conservation des archives de la vie ordinaire ont choisi d'approfondir ensemble cette thématique à travers une exposition temporaire permettant de mettre en lumière divers témoignages d'habitants des Montagnes partis s'installer, temporairement ou définitivement, à l'étranger, ou d'étrangers venus s'y établir. Deux siècles de migrations abordés à travers trois parcours L'exposition aborde la thématique de la migration à travers trois cheminements. Les deux premiers s'intéressent d'une part à ceux qui partent pour un long voyage ou pour se fixer à l'étranger et d'autre part à l'arrivée des migrants dans les Montagnes neuchâteloises. Ces cheminements sont rythmés chronologiquement et géographiquement de 1850 à nos jours. Un espace central offre une image contrastée de la situation actuelle, à travers des entretiens avec des habitants de la ville originaires de tous les continents ainsi qu’avec des ressortissants expatriés de La Chaux-de-Fonds. L’exposition offre une expérience émotionnelle à travers les récits de gens "ordinaires" qui ont participé à ces mouvements migratoires. Des objets, des documents originaux, des photographies, des bornes sonores et des interviews filmées permettent d'aborder le thème sous différents angles. Trois parcours pour une thématique

Parcours 1 : ceux qui partent

Signalé par le jaune de l'horaire CFF des trains quittant la gare, ce parcours se segmente en plusieurs parties allant du milieu du 19e siècle aux années 2000. Diverses figures sont présentées et mises en perspective: l'homme d'affaires, le missionnaire, le savant, la gouvernante ou le travailleur ordinaire. Parcours 2 : ceux qui s'installent

Signalé par le blanc de l'horaire des CFF des trains arrivant en gare, ce parcours est également divisé en plusieurs parties. Si les premiers immigrants sont des Bernois, La Chaux-de-Fonds voit rapidement l'arrivée d'immigrants venus de plus loin: de France, d'Italie, d'Espagne, du Portugal, puis d'Asie et d'Afrique à partir du dernier tiers du 20e siècle. Des bornes disposées au fil de ces deux parcours permettent de varier les supports par l'écoute d'extraits de lettres lues par des élèves de l'école de théâtre de Ton sur Ton. Espace central Les personnes présentes dans cet espace transversal ont en commun de s'être expatriées ou d'avoir immigré depuis moins de 15 ans. Leurs témoignages sont accessibles par des interviews filmées et permettent de mettre en perspective des situations de l'histoire immédiate avec l'histoire plus ancienne.

Des quotidiens des principales nationalités présentes à La Chaux-de-Fonds en 2016 sont à disposition pour illustrer la diversité culturelle de la ville.

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Les chapitres de l'exposition

LES MIGRATIONS : UN PHENOMENE PLANETAIRE LES MONTAGNES NEUCHÂTELOISES, TERRE DE MIGRATIONS CEUX QUI PARTENT

EMIGRER AU 19 e SIECLE Entre choix et nécessité L'USAGE DU MONDE Partir pour affaires : une mobilité très ciblée GOING WEST Partir pour travailler : l'appel de l'Amérique L'HORIZON EUROPEEN Des Montagnes neuchâteloises aux grands espaces russes CAP SUR LE SUD Pour le salut des "païens" et la prospérité des colonies L'ENTRE-DEUX-GUERRES Une émigration très limitée DE 1945 A NOS JOURS Une émigration aux mobiles divers

CEUX QUI ARRIVENT

S'INSTALLER DANS LES MONTAGNES AVANT 1914 1914-2016 : DU REPLI A L'OUVERTURE MULTICULTURELLE DU 18 e SIECLE à 1914 Des forces jeunes venues d'ailleurs Le temps des Bernois LA COMMUNAUTE JUIVE Entre antisémitisme et intégration LES TRAVAILLEURS ITALIENS Les Italiens bâtisseurs REFUGIES ET INTERNES Les Montagnes terre d'asile Quand la guerre est à nos portes … L'IMMIGRATION DE 1914 à 1945 Le temps du repli DE 1945 à NOS JOURS Après 1945, une immigration décisive LES MIGRATIONS INTERNES Quand la prospérité des Montagnes attire les travailleurs suisses IMMIGRATION DU VASTE MONDE Une immigration "melting pot"

LA CHAUX-DE-FONDS

UNE VILLE MULTICULTURELLE Un ancrage chaux-de-fonnier, Garder le contact, Traces dans la ville

ÇA BOUGE DANS LES DEUX SENS ! LES ARCHIVES DE LA VIE ORDINAIRE

DONNER LA PAROLE AUX MUETS DE L'HISTOIRE

Bibliographie

Tous ces livres sont disponibles en libre consultation dans l'exposition.

CHALIAND (Gérard), JAN (Michel), RAGEAU (Jean-Pierre), Atlas historique des migrations, Paris, Seuil, 1994.

Migrations. Une aventure humaine. La Vie. Hors-série, décembre 2015.

SCALA (Michele), La migration expliquée à mes élèves, Lausanne : Editions d'en bas, 2011.

WIHTOL DE WENDEN Catherine, Atlas mondial des migrations. Réguler ou réprimer… gouverner, Paris : Editions Autrement, 2009.

Destination Suisse. La migration et l'asile en Suisse, Berne : Office fédéral des migrations, 2005.

Partir pour travailler. Mobilités et migrations professionnelles à Neuchâtel et en Suisse (fin XVIIIe – milieu XXe siècle), Revue historique neuchâteloise, 2014, n° 1-2.

HENRY (Philippe) et al., Vers d'autres continents : voyageurs neuchâtelois outre-mer au XIXe siècle, Hauterive : G. Attinger, 2006, Cahiers de l'Institut neuchâtelois.

COP (Raoul), « Du sang neuf pour les Montagnes neuchâteloises. Quelques aspects de l’immigration sous l’Ancien Régime (1600-1850). » dans Musée neuchâtelois, 1989/4, p. 185-198

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FICHES D'ACTIVITÉS

Toutes les fiches d'activités se présentent en trois parties avec

AVANT: une introduction à la visite

PENDANT: une activité à réaliser au musée

APRÈS: une activité reposant sur l'analyse d'une source pour poursuivre la réflexion ou revenir sur certaines questions.

Les fiches pédagogiques ainsi que les corrigés sont téléchargeables sur le site du musée (mhcdf.ch > jeune public > visite pour les classes). Elles sont à imprimer pour les élèves. Les activités au musée se divisent en plusieurs parties afin de pouvoir diviser la classe en petits groupes. Les enseignants peuvent venir gratuitement au musée pour préparer leur visite avec leur classe.

CYCLE 1 – Parcourir le monde

Cette activité permet d'aborder la géographie mondiale au travers des personnages présentés dans l'exposition. AVANT Réaliser un arbre généalogique simple pour voir d'où l'on vient dans le but de montrer que dans une classe les origines sont variées. PENDANT L'activité se présente en quatre parties, il est possible de faire plusieurs groupes et de laisser les élèves chercher les informations puis de croiser les groupes. En fonction de l'âge, choisir l'une ou l'autre des activités.

1. Exercice avec une carte du monde et des portraits des personnes présentes dans l'exposition.

2. Exercice permettant de découvrir les moyens de transports d'il y a 100 ans. 3. Exercice de découverte d'objets et de leur utilité pour les historiens. 4. Exercice permettant de découvrir les raisons qui poussent des étrangers à venir s'installer

dans la région. APRÈS Questionner les élèves sur ce qu'ils prendraient avec eux s'ils devaient quitter leur chez soi.

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CYCLE 2 – Pourquoi partir?

Cette activité permet d'aborder les causes et les conséquences des migrations à travers les parcours de personnes "ordinaires". AVANT Réfléchir aux raisons qui poussent les gens à bouger, à quitter leur pays. Faire le lien avec la multiplicité des origines au sein de la classe. PENDANT

1. Exercice pour retrouver des personnages ainsi que les raisons de leur départ et leur destination

2. Exercice pour découvrir les raisons qui poussent des étrangers à venir s'installer dans la région.

3. Exercice pour prendre conscience de la diversité culturelle de la ville aujourd'hui. APRÈS Travail avec une source historique pour s'initier au travail de l'historien. CYCLE 3 - Migrations d'hier et d'aujourd'hui

Cette activité permet de faire un lien entre le thème des migrations vu de manière théorique dans le PER et dans le cours d'OSH. AVANT Réflexion générale sur le thème des migrations, leurs causes et leurs origines. PENDANT Découverte de personnes de la région ayant vécu des mouvements migratoires et établir le lien avec certains chapitres d'histoire contemporaine et d'histoire locale. APRÈS Retour et approfondissement autour des conséquences des mouvements migratoires.

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POUR EN SAVOIR PLUS

Un dossier documentaire complet de 75 pages est disponible sur demande ([email protected] ou 032 967 60 88). Quelques extraits sont présents ci-dessous. Dans les encadrés: les textes visibles dans l'exposition. Introduction générale

« Chers migrants et réfugiés, chacun de vous porte en lui une histoire, une culture, des valeurs précieuses. »

Pape François, 13 janvier 2016 (à l’occasion de la Journée mondiale du migrant et du réfugié) LES MIGRATIONS : UN PHÉNOMÈNE PLANÉTAIRE

L’histoire de la migration est en fait celle des sociétés humaines. Dès l’apparition de l’homme sur la Terre, les populations se sont sans cesse déplacées. Les migrations sont liées à la naissance des civilisations, à la formation des grands empires comme aux diverses entreprises de colonisation.

Depuis la fin du 18e siècle, « ça bouge » de plus en plus dans le Montagnes neuchâteloises, en Suisse, comme en Europe et dans le monde. Entre 1815 et 1940, près de 40 millions d’Européens partent vers l’Amérique et l’Australie. Aujourd’hui, ce sont les populations d’Afrique, du Proche et du Moyen-Orient qui affluent vers l’Europe. En tenant compte de la main-d’œuvre légale et illégale, des étrangers admis au titre du regroupement familial et des requérants d’asile, il y aurait en 2015, selon une estimation de l’O.N.U., quelque 232 millions de migrants dans le monde.

Quand il ne s’agit pas de déplacements forcés de populations, les migrations répondent à deux types de motivation : se mettre à l’abri de la guerre, des persécutions, de la faim, du chômage, ou rechercher un profit, l’aventure, une vie meilleure ou simplement différente.

Pour en savoir plus1 On peut imaginer que dans la Préhistoire, des groupes humains ont erré depuis l’Afrique vers l’Europe et l’Asie, puis l’Australie et les Amériques, et enfin, peu avant l’an 1000, ont atteint les archipels de l’Océan Pacifique. Plus tard, de mystérieuses vagues de migrations parties probablement des steppes de l’Ukraine ou de plus loin à l’Est sont le fait des Indo-Européens, qui s’installent en Grèce, en Asie Mineure, en Mésopotamie, en Iran et en Inde. Nouvelle vague d’arrivants vers l’an 1000 av. J.-C. avec les Celtes, les Slaves, les Italiotes, les Illyriens…

Vers –  1100, les Doriens submergent les Mycéniens en Grèce. La colonisation phénicienne démarre vers le 10e siècle av. J.-C., suivie de la colonisation grecque en Méditerranée et en Mer Noire (–  750 à –  550). Les conquêtes du roi de Macédoine Alexandre (–  334 à –  323) contribuent à répandre la civilisation hellénistique.

Du côté de l’Inde, à la migration des Dravidiens (aux origines mal connues) succède celle des Indo-Aryens, qui s’accomplit progressivement de –  1500 à 500. Le passé de la Chine est caractérisé par des migrations massives dues aux calamités naturelles, au manque de terres, à la surpopulation, aux invasions extérieures. De l’empire des Hans à la dynastie mongole Yuan, ce ne sont pas moins de trois migrations qui aboutissent à l’occupation de nouvelles provinces (au sud, au Yunnan, Guangdong, Fujian,…).

Dans l’Antiquité, les mouvements migratoires sont surtout militaires : déportation des Hébreux à Babylone (entre –  597 et –  539), Egypte dominée par les Hyksos, Tamouls refoulés vers le Sud par les « Indo-Iraniens », Juifs dispersés par les Romains après 70 après J.-C., migrations germaniques des 3e – 5e siècles après J.-C., poussée des Huns… Le monde romain quant à lui ne connaîtra pas de mouvements massifs de populations, mais plutôt un brassage des cultures.

1 CHALIAND (Gérard), JAN (Michel), RAGEAU (Jean-Pierre), Atlas historique des migrations, Paris, Seuil, 1994. Les chiffres sont tirés de cet atlas. Ils sont sujets à caution, car les sources ne coïncident pas dans leurs estimations. Les chiffres varient parfois du simple au double ! GARUFO (Francesco), cahier 36 de l’Institut neuchâtelois à paraître HENRY (Philippe), cahier 36 de l’Institut neuchâtelois à paraître

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Au début du Moyen Age, on assiste à l’expansion arabe, aux incursions normandes, à l’émigration des Varègues (futur État de Kiev), à l’arrivée en force des Magyars (855-955). Les Allemands refoulent ou assimilent les Slaves de l’Ouest ; entre le 9e et le 14e siècle, 300 à 400'000 colons germaniques s’installent en Silésie, dans le Brandebourg, etc. ainsi que dans les Carpates et en Transylvanie. Les Croisades peuvent aussi être vues sous l’angle d’une migration militaire (royaumes Francs établis entre 1099 et 1204). Les Turcs, sur presque un millénaire, avancent vers l’Ouest, alors que les Maures et les juifs sépharades sont définitivement expulsés d’Espagne à la fin du 15e siècle. Les opérations militaires des Mongols aux 13e et 14e siècles ont des conséquences sur les populations des territoires conquis (par exemple migration vers le Sud des Thaïs et des Vietnamiens). Il semblerait que les Tsiganes soient aussi arrivés en Europe depuis l’ouest de l’Inde entre le 10e et le 14e siècle. C’est aussi entre le 10e et le 15e siècle qu’a lieu la grande migration bantoue en direction du sud de l’Afrique.

Aux Temps modernes, la traite des Noirs apparaît comme une forme de migration forcée : 11 à 12 millions de Noirs ont été transportés du 16e au 19e siècle vers les Amériques. D’autres transferts forcés de population sont à mentionner. Ainsi au 18e siècle, Frédéric II déplace près de 300'000 paysans du sud de l’Allemagne vers la Prusse.

A l’Epoque contemporaine, l’émigration européenne a été volontaire. Elle est massive vers les Etats-Unis et l’Amérique en général, beaucoup plus restreinte vers les colonies d’Asie et d’Afrique. A noter qu’à l’intérieur de la Chine, les migrations continuent : au 19e siècle, les Chinois peuplent la Mandchourie. Entre 1875 et 1921, il n’y a aucune limitation à l’immigration européenne aux Etats-Unis (des mesures plus restrictives seront prises à l’encontre des Chinois en 1882, des Japonais en 1907, des Asiatiques en 1917). D’abord essentiellement anglo-saxonne et allemande, cette immigration est dans un deuxième temps le fait des pays d’Europe centrale, orientale, et de l’Italie. Entre 1821 et 1920, 260'524 Suisses auraient émigré aux Etats-Unis, soit 2605 par année, selon Gérard ARLETTAZ (Emigration et colonisation suisse en Amérique, 1815-1918, cité par L’Illustré 2015/45, p. 15), mais ces chiffres sont sans doute au-dessous de la réalité, car on confondait souvent les Suisses allemands avec les Allemands.

Les guerres mondiales ont été l’occasion de nombreux échanges de populations. Après 14-18 : Russes, Grecs, Turcs, Arméniens. En 1939-1945, on note le déplacement forcé de plus de 20 à 30 millions de personnes. Après 1945, 13 millions d’habitants seront encore déplacés.

La décolonisation entraîne aussi des mouvements migratoires massifs, par exemple entre Indiens et Pakistanais (16 millions). Le rapatriement des Français d’Algérie et des harkis a concerné près d’un million de personnes. Belges (100'000), Italiens (200'000), Hollandais (300'000), Anglais (330'000), Portugais (800'000) ont aussi été rapatriés en nombre.

La caractéristique du début du 21e siècle est la pression migratoire venue du Sud. Les travailleurs qui migrent pour des raisons économiques veulent de meilleures perspectives et le moyen de subvenir aux besoins de leur famille. Plus le nombre de travailleurs pauvres ou au chômage est élevé et la protection sociale faible, plus le taux d’émigration est élevé. Les travailleurs immigrés jouent un rôle important dans les pays industrialisés : ils permettent la croissance, assurent les rentes et contribuent à la consommation interne. Cependant, à cause des risques encourus, des espoirs déçus, des mauvais traitements (pouvant aller jusqu’au travail forcé et à l’esclavage), la migration, qui peut être interne au pays si on pense par exemple à la Chine, a un prix d’abord pour les migrants !

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LES MONTAGNES NEUCHATELOISES, TERRE DE MIGRATIONS

Depuis sa récente rénovation, le Musée d’histoire donne la parole à ceux qui, connus ou inconnus, ont fait et continuent à faire l’histoire de La Chaux-de-Fonds. Poursuivant cette démarche, le Musée a choisi de collaborer pour sa nouvelle exposition temporaire avec l’Association pour la conservation des archives de la vie ordinaire (AVO), qui poursuit des buts similaires à l’échelle cantonale en donnant la parole aux « muets de l’histoire ».

La migration est d’abord vécue comme un choix personnel ou familial. C’est pourquoi l’exposition prend le parti de raconter deux siècles de migrations à travers les parcours individuels de gens « ordinaires ». Sans prétendre incarner des figures emblématiques, ceux-ci donnent, parmi d’autres possibles, un visage aux différents types de migrants. De ces destins particuliers naissent des histoires qui peuvent entrer en résonance avec celle de chaque visiteur qui, à un moment ou à un autre, a lui aussi « bougé ».

Les Montagnes neuchâteloises, situées à la périphérie de la Suisse, ont été dès la fin du Moyen Âge, mais surtout depuis le 18e siècle, une terre d’immigration, ouverte à l’extérieur. Pourtant, comme le montre le premier volet de l’exposition, un nombre appréciable d’habitants de la région ont aussi émigré en Europe, aux États-Unis et ailleurs. Dans la dernière partie de l’exposition, des témoignages contemporains illustrent ce double mouvement de départs et d’arrivées qui caractérisent la migration.

PARTIR POUR TRAVAILLER : L’APPEL DE L’AMERIQUE

Les Etats-Unis attirent la majorité des émigrants chassés par la misère et la surpopulation ou parfois tentés simplement par l’aventure : entre 1880 et 1919, 85 % des émigrants neuchâtelois gagnent l’Amérique du Nord, 12,5 % l’Amérique du Sud et 2,5 % seulement le reste du monde. Des savants neuchâtelois connus partent aussi faire carrière à l’Ouest en raison de la fermeture de l’Académie de Neuchâtel après la révolution neuchâteloise de 1848. Ils profitent des réseaux protestants européens et s’établissent dans l’Ohio, l’Illinois, le Wisconsin ou l’Indiana.

Pour en savoir plus2 Au début du XIXe siècle, le tarissement du service étranger, la fin de l’emploi industriel à domicile (qui ne concerne pas le cas particulier de l’horlogerie), la modernisation de l’agriculture avec l’abandon – préjudiciable pour les petits paysans – des usages communautaires, l’endettement de nombreux paysans, l’augmentation de la population avec peu de nouveaux débouchés, le manque de logements : autant de causes structurelles qui expliquent le départ de nombreux Suisses pour le vaste monde, le Brésil et les Etats-Unis en premier lieu. Les récits par certains émigrés de leur installation dans la région des Grands lacs aux Etats-Unis – pour prendre cet exemple – sont enjolivés pour justifier leur départ et attirer de nouveaux colons. Des chaînes migratoires se constituent : on vient de la même région pour s’installer au même endroit. La propagande des agences d’émigration et des compagnies de transport maritime renforce par ailleurs le flux migratoire.

Bien évidemment, la conjoncture va accélérer ou ralentir les départs : les difficultés du commerce et la crise agricole des années 1815-1820 – qui a engendré des famines – expliquent qu’en 1817, 103 passeports sont établis par les autorités neuchâteloises, qui tous mentionnent explicitement un départ pour l’Amérique. Parmi ces émigrants, on compte bien des familles : ainsi, en mars 1817, Frédéric-Louis Thiébaud part de La Sagne avec sa femme et ses huit enfants.

Ce sont surtout les Etats-Unis qui attirent les Suisses : au moins 300'000 entre 1851 et 1939. Il ne faut pas négliger en effet l’émigration postérieure à 1919 : 53'000 Suisses partent outre-mer durant l’Entre-deux-

2 Sources : HENRY (Philippe), « Une lettre d’Amérique en 1837. Remarques sur l’émigration neuchâteloise au début du XIXe siècle », dans Musée neuchâtelois, 1989, p. 54-6 HENRY (Philippe), « Croissance démographique et migrations neuchâteloises du milieu du XVIIIe au début du XXe siècle », dans Identités neuchâteloises. Le canton de Neuchâtel au fil de la migration, Le Locle, Editions G d’Encre, Cahier de l’Institut neuchâtelois no 36, 2016 (à paraître) MICHAUX (Jean-Pierre), « A propos de l’émigration neuchâteloise au début du XIXe siècle », dans Musée neuchâtelois, 1990, p. 37-44 Minder (Patrick), « Soixante-trois Neuchâtelois au service de Sa Majesté Léopold II, roi-souverain de l’Etat indépendant du Congo (1885-1908) », dans Musée neuchâtelois, 1996, p. 11-28 Minder (Patrick), « Une Afrique extraordinaire pour des Neuchâtelois ordinaires », dans Vers d’autres continents, Hauterive, Gilles Attinger, 2006, p. 154-181

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guerres, principalement vers les Amériques, parfois encouragés par les subventions fédérales comme en 1922-1923.

En avril 1849 déjà, la Société suisse de bienfaisance de New York réclame du Conseil fédéral des mesures de protection au départ des émigrants et la nomination d’un agent consulaire à New York. Certains émigrés reviennent en effet d’Amérique, indigents, infirmes ou incapables de travailler. De fait, certains cantons encouragent l’émigration pour se débarrasser de leurs pauvres et de leurs marginaux. En même temps, de bons travailleurs partent parce qu’ils ne voient pas d’autre solution. On peut considérer la majorité des émigrants suisses comme des réfugiés économiques…

L’histoire de l’émigration n’est pas seulement celle de ceux qui ont réussi : nombre d‘émigrants ont connu la maladie, l’endettement, les travaux mal rétribués… Par ailleurs, l’émigration est plus ou moins bien vue. Dès 1914, la Nouvelle Société helvétique, nouvellement créée, s’y oppose par patriotisme. A La Chaux-de-Fonds, le préfet est très critique : « En effet, nous croyons qu’une famille honnête et laborieuse peut se tirer d’affaire aussi bien ici qu’en Amérique ou dans d’autres contrées, et que si notre peuple neuchâtelois vivait avec l’économie, les privations et la somme considérable de travail qui sont le lot de la plus grande partie, sinon de la totalité des émigrants, il n’y a nul doute qu’il pourrait accroître son bien-être et sa richesse dans des proportions tout aussi considérables qu’il le ferait à l’étranger, et pourtant il jouit ici des bienfaits d’une civilisation et d’un ordre de choses qui sont loin de se rencontrer au même degré dans une colonie. » (2 août 1882) Certains milieux craignent en cas de crise passagère le départ d’une main-d’œuvre qualifiée qui pourrait implanter une industrie horlogère concurrente ailleurs. Le journal Le National suisse publie ainsi des correspondances d’émigrés déçus par leur sort pour contrebalancer la publicité des agences d’émigration.

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Léo Lesquereux (1806-1889) est né à Fleurier, d’un milieu relativement modeste. Précepteur dans une famille aristocratique allemande, il est ensuite instituteur à La Chaux-de-Fonds. Atteint de surdité, il devient un naturaliste spécialiste des sols tourbeux. Suite à la fermeture de l’Académie de Neuchâtel, il part en 1848 pour l’Amérique rejoindre Agassiz et Desor. Il écrit plusieurs ouvrages sur la formation des gisements houillers.

Pour en savoir plus sur Léo Lesquereux (1806-1889) 3

Léo Lesquereux naît à Fleurier le 18 novembre 1806. Son père était artisan horloger. Il vient d’un milieu modeste, mais estimé. Il tisse ainsi des liens solides avec les enfants de ses voisins Fritz et Georges Berthoud. Il suit ses classes à Fleurier, Môtiers puis Neuchâtel. Il est engagé comme précepteur en Allemagne, dans une grande famille aristocratique saxonne. Il épouse la fille de son employeur et, de retour en Suisse, enseigne au Locle et à la Chaux-de-Fonds. A vingt-six ans, alors qu’il est déjà père de deux enfants, il est frappé de surdité. De retour à Fleurier, il se reconvertit dans l’horlogerie tout en reprenant ses études comme botaniste et paléontologue. Il devient ainsi, à force de travail, spécialiste des mousses et tourbières du canton de Neuchâtel. Il s’adonne sans relâche à ses recherches. Il se passionne pour les plantes, publie des travaux sur ses observations et gagne certains prix. Il est recruté à l’Académie de Neuchâtel (grâce à Agassiz).

Suite à la Révolution neuchâteloise de 1848, l’Académie, alors en plein essor mais jugée trop coûteuse, doit fermer ses portes. La plupart d’entre eux profitent des réseaux protestants européens (issus du Refuge huguenot) et s’établiront dans l’Ohio, l’Illinois, le Wisconsin ou l’Indiana. Ils profiteront également de la modernisation de la navigation et du développement des chemins-de-fer, de la baisse des tarifs transatlantiques et de la concurrence.

Ainsi, Louis Agassiz, Edouard Desor, Georges-Auguste Matile, Léo Lesquereux et bien d’autres décident de s’expatrier. Léo Lesquereux, alors père de cinq enfants, émigre en 1848 à Boston, où il trouve du travail grâce à Agassiz. Pour lui commence alors une vie difficile. Il ne parle pas l’anglais mais l’apprendra, malgré sa surdité… et il publiera tous ses travaux dans cette langue. Il espère s’enrichir, grâce à son savoir-faire en horlogerie, et se faire un nom en tant que scientifique. Mais il rencontre de grandes difficultés financières. Mais sa réputation comme bryologue et paléobotaniste est importante dans le monde scientifique. Quinze ans après son arrivée aux Etats-Unis, il est élu à l’Académie des sciences de Cambridge. Cela lui assure une vie décente. Il vivra à Columbus, dans l’Ohio, dans la maison qu’il aura bâtie.

Il est convaincu, comme d’autres à cette époque, de la supériorité des Blancs. Il écrit ainsi : « Eh bien ! je l’avoue, je suis partisan de l’esclavage pour les nègres. Ce régime me paraît, non pas comme un moyen seulement, mais comme le seul moyen que la sagesse divine ait employé pour faire entrer cette race dans le chemin de la civilisation chrétienne. » Ses propos sur les Indiens vont dans le même sens. (Vers d’autres continents, p.146). Il est convaincu, comme d’autres à cette époque, de la supériorité des Blancs. Ses Lettres écrites d’Amérique (1849-1855) donnent une vision suggestive de la vie des immigrés neuchâtelois dans ce pays.

Il gardera toujours un lien avec NE à travers l’horlogerie et correspondra durant plus de quarante ans avec son ami Fritz Berthoud resté à Fleurier.

Léo Lesquereux s’éteint à Columbus (Ohio) le 25 octobre 1889. Une rue de Fleurier porte aujourd’hui son nom.

3 Sources : SCHAER (Jean-Paul), « Léo Lesquereux : “En Amérique me voici botaniste, naturaliste encore et en même temps marchand de montres et commis-voyageur”, dans Vers d’autres continents, Hauterive, Editions G. Attinger, 2006, p. 142-153. CLEMENT-GRANDCOURT (Michel), Léo Lesquereux, 1806-1889, Neuchâtel, Editions Alphil, 2013 Le Courrier du Vignoble du 23.09.15 : « Léo Lesquereux de nouveau visible et lisible » + L’Express du 24.09.15 : « La rue Lesquereux retrouve son non (Fleurier Hommage à un naturaliste dont les travaux sont toujours d’actualité »

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Elise Kiener (1853-1919) est née à Tramelan, qu’elle quitte pour Dombresson où elle exerce le métier d’institutrice. En 1890, malgré une santé délicate, elle s’engage dans la Mission du Zambèze. Enseignante, puis évangéliste, elle prend la direction de la station de Mabumbu quelques années avant sa mort. La foi et la force de caractère de cette candidate partie dans un esprit de sacrifice lui permettra de surmonter des conditions sanitaires très dures.

Le voyage d’Elise Kiener4

Avec le retour de David Livingstone à Londres en 1857 et le récit de sa traversée d’Afrique d’est en ouest commence la colonisation de l’Afrique australe. Pour justifier leur occupation, les Occidentaux condamnent l’esclavage et se réclament des trois C : Christianisation / Commerce / Civilisation.

Dès les années 1850, des missionnaires partent de Suisse romande pour évangéliser ces terres, soit dans le cadre de la Société des Missions évangéliques de Paris, soit – après 1875 – suite à des initiatives locales. Les missionnaires – explorateurs François et Christina Coillard, qui sont partis du Lesotho en 1884 pour fonder sur les rives du Zambèze une station relevant de la Mission de Paris, font une tournée de conférences en Europe pour réunir des fonds et attirer des missionnaires sur ce terrain très difficile (problèmes d’hygiène, fièvres, etc. expliquent les décès de nombre de missionnaires). Récits, brochures et magazines présentent les missionnaires comme des héros de la foi. Même si la figure-type du missionnaire reste masculine, on assiste à la fin du 19e siècle à une progressive féminisation de la Mission protestante, la conversion des mères africaines restant une affaire de femme.

Elise Kiener part de Dombresson au début de l’année 1890. Elle mettra huit mois pour atteindre la vallée du Zambèze où sont établies trois stations missionnaires : Séfula (fondée en octobre 1886), Kazalunga (dès 1889) et Lealui (1892). Son voyage compte les étapes suivantes :

1. Départ de Dombresson le 4 février 1890 2. Etape à Paris, dans la Maison des Missions 3. Arrivée à Londres le 17 février 4. Départ de Southampton le 21 février 5. Escale à Lisbonne 6. Escale à Madère 7. Arrivée au Cap le 3 mars 8. Départ du Cap le 28 mars 9. Etape à Mafeking (19-22 avril) 10. Arrivée à Shoshong le 20 mai 11. Arrivée à Palapye le 23 mai 12. Un mois de traversée du désert du Kalahari 13. Arrivée à Kazungula le 12 juillet 14. Départ de Shéshéké le 6 août 15. Arrivée à Séfula le 3 octobre 1890

Elise Kiener commence son activité d’institutrice le 10 octobre 1890 déjà. Elle a vu les épreuves du voyage comme des passages obligés sur le chemin de la foi qui la guide. C’était aussi l’occasion pour elle de découvrir les Africains. Animée par le dessein de « sortir ces gens de leurs ténèbres », elle rejette d’emblée danse, musique et autres aspects de la culture africaine : « Avant de partir, les gens se mirent à chanter en exerçant une de leurs danses, j’en étais toute surprise (…), ils n’ont pas compris qu’ils doivent abandonner toutes leurs anciennes coutumes. » (26 avril 1890) Quelques jours plus tard, elle écrit : « J’ai été effrayée de la liberté avec laquelle les femmes, les jeunes filles parlent au premier noir qu’elles rencontrent, hélas ! Partout sur notre pauvre terre, le péché dormant c’est bien l’impureté et l’incrédulité. Que Dieu agisse par sa puissance et trouve les âmes perdues par Satan. Certes, c’est bien ici, dans l’œuvre qui m’attend, que je serai collaboratrice du relèvement moral. » (4 mai 1890) Elle avait relevé le 20 mars 1890 dans son hôtel de Kimberley la présence d’« un portier nègre qui a si bonne façon et qui est très aimable et si poli que l’on oublie qu’il est noir. Si la civilisation a fait cela, le Seigneur fera, lui, de plus grandes choses encore car il est Tout-puissant ! »

4 Staffelbach (Antoine), Entre mythe métropolitain et réalité missionnaire. L’expérience du voyage dans la correspondance d’Elise Kiener, Neuchâteloise traversant l’Afrique australe en 1890, Université de Neuchâtel, Institut d’histoire, 2013

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Les Archives de l’Etat de Neuchâtel possèdent un fonds Elise Kiener qui contient, outre 78 documents iconographiques, 65 lettres et un Journal de bord. La période couverte va de 1890 à 1915. Les lettres de la missionnaire sont adressées à sa famille, à sa sœur Virginie notamment. Non destinées à être diffusées, elles gardent un caractère intime, sans cacher ce qui l’étonne, l’effraie, la rassure, etc.

L’immigration du 18e siècle à nos jours

Le concept d’étranger

Le concept d’étranger est longtemps demeuré ambigu. Au 18e siècle, on distingue les « sujets de l’Etat » (Neuchâtelois de souche) des non-Neuchâtelois. Ces derniers représentent en 1750 environ 10 % de la population, qui se monte alors à quelque 33'000 âmes. Bernois et Vaudois dominent, mais il y a aussi des ressortissants d’autres cantons. S’y ajoutent des Franc-Comtois et des Allemands. Quand Neuchâtel entre dans la Confédération, on distingue dès 1816 trois statuts : Neuchâtelois, Suisses non-neuchâtelois, non-Suisses. La politique de naturalisation cantonale est très restrictive : avant 1875, on compte moins de 20 naturalisations par année. La loi sur les communes de 1888, qui accorde la naturalisation gratuite aux ressortissants des autres cantons, simplifie la donne, même si peu de Suisses saisissent cette opportunité.

Entre 1750 et 1914

L’augmentation de la population du pays de Neuchâtel commence vers 1760, alors que l’économie se modernise et que la mortalité baisse plus rapidement que la natalité. Entre 1750 et 1806, la population « étrangère » triple. A La Chaux-de-Fonds et au Locle, par le fait de l’industrialisation, le nombre des « étrangers » est multiplié par huit à douze. Durant la 1ère moitié du 19e siècle, la population du canton augmente de plus de 50 %. La population non-neuchâteloise se concentre toujours plus dans les zones de développement de l’horlogerie, notamment à La Chaux-de-Fonds (12'600 habitants en 1850) et au Locle (8'500 habitants). La population augmente moins vite entre les années 1850 et 1914. A la fin du 19e siècle, une immigration étrangère, surtout italienne, compense dans une certaine mesure ce ralentissement. En 1910, on compte 61'500 « Neuchâtelois », 57'000 Confédérés originaires d’autres cantons et 14'500 étrangers. 17'300 habitants ont l’allemand comme langue maternelle, 3'700 l’italien. L’augmentation de la population est due d’abord à la croissance naturelle des Neuchâtelois et à l’arrivée des immigrés, mais cette immigration reste discontinue. Ce n’est qu’après 1945 que la balance migratoire jouera un rôle décisif.

L’Entre-deux-Guerres

La Première Guerre mondiale met fin à la liberté de déplacement en Europe ; à l’issue du conflit, les Américains vont aussi restreindre les arrivées. Et tous les Etats adoptent une attitude protectionniste. Jusqu’alors, il n’y avait pas de politique de l’immigration, à cause de la croissance industrielle. Par ailleurs, les populations étaient beaucoup moins contrôlées avant 1914 qu’après la guerre. En Suisse, la police des étrangers entre après 1918 dans le domaine de compétence de la Confédération, qui va donner la priorité au contrôle des étrangers plutôt qu’à leur intégration. La loi sur le séjour et l’établissement des étrangers votée en 1931 (et remplacée par une nouvelle loi en 2006 seulement) a pour but de répondre aux besoins de main-d’œuvre, mais aussi de limiter la « surpopulation étrangère » ( Überfremdung) avec des permis de séjour provisoires annuels ou saisonniers qui favorisent les rotations de main-d’œuvre et permettent d’amortir le chômage par le non-renouvellement des permis. Les crises de 1921 et 1929 frappent durement l’horlogerie, au point que le canton de Neuchâtel connaîtra le taux de chômage le plus élevé de Suisse : cela explique que le nombre d’étrangers dans le canton diminue de 14'454 en 1910 à 4'721 en 1941. La population totale aura passé de 133'061 habitants en 1910 à 117'900 en 1941 (soit – 15'161).

Les Trente Glorieuses

La prospérité des années 1950-1970 entraîne une forte immigration, à Neuchâtel plus qu’ailleurs vu la part élevée du secteur secondaire : 5,3 % d’étrangers en 1950, 11,3 % en 1960, 21,7 % en 1970. L’Etat suisse favorise ce flux ; il signe par exemple un arrangement avec l’Italie en 1948, un autre avec l’Espagne en 1961 (qui fait passer de 1,5 % en 1960 à 21,7 % en 1973 la part des Espagnols parmi les communautés étrangères). Le bassin de recrutement s’élargit ensuite au Portugal, à la Yougoslavie, à la Grèce et à la Turquie. Le

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pourcentage des Italiens baisse de ce fait, mais aussi à cause de la libre circulation des travailleurs au sein de la CEE (depuis 1964), qui incite certains travailleurs de la péninsule à se détourner de la Suisse.

L’horlogerie attire également des travailleurs – surtout des travailleuses – issues des migrations internes à la Suisse (Valais, Fribourg, Tessin). Le flux des travailleurs tessinois vers les Montagnes jurassiennes est d’ailleurs constant des années 1870 à 1960.

Recul et stabilisation de l’immigration

Une limitation des entrées est mise en place en mars 1970. C’est la politique des contingents, abandonnée depuis l’introduction de la libre circulation avec l’UE en 2004 – que l’UDC voudrait réintroduire depuis 2017. Le choc pétrolier et la crise horlogère du début des années 1970 vont mettre un frein de fait à l’immigration. Les étrangers occupent en effet en 1972 le 32,5 % des emplois horlogers (qui représentent 51,5 % des emplois du canton). Les deux tiers des emplois perdus dans le canton le seront au détriment des travailleurs étrangers.

Depuis 1980, l’immigration contingentée se stabilise, mais le regroupement familial est peu à peu facilité. En 1991, la Suisse adopte le système dit des trois cercles, basé sur la distance culturelle : citoyens de l’UE et de l’AELE ; habitants de pays culturellement proches (USA, Canada, Europe de l’Est) ; reste du monde. En 1999, le critère de distance culturelle cède la place au critère de niveau de qualification. Si un non-Européen s’établit en Suisse sans être ni qualifié ni marié, c’est par le biais de l’asile (statut de réfugié ou permis humanitaire), mais statistiquement cela représente un nombre peu important de personnes.

L’immigration a joué et joue un rôle capital dans la croissance de la démographie suisse. Un tiers de la population en est issue et même si les 4/5e des immigrés ne sont pas restés en Suisse pour toujours, ce ne sont pas moins de 5 millions d’étrangers qui se sont établis en Suisse depuis 1945. Parallèlement, 7 millions de permis de saisonniers ont été délivrés. L’essor économique de la Suisse explique cette importante présence étrangère, mais certains Etats ont aussi favorisé une politique d’émigration.

Neuchâtel a joué un rôle de pionnier en Suisse pour l’intégration des étrangers, avec une loi sur l’intégration votée en 1996 et une Charte de la citoyenneté adoptée en 2007.

S’INSTALLER DANS LES MONTAGNES AVANT 1914

Entre 1750 et 1850, l’immigration dans les Montagnes neuchâteloises est peu importante, essentiellement bernoise et protestante. En revanche, dès la seconde moitié du 19e siècle, la Suisse, jusqu’alors terre d’émigration, devient un pays d’immigration, même si le nombre des étrangers croît lentement et de manière discontinue. Le fait marquant reste l’installation massive des Suisses d’autres cantons à La Chaux-de-Fonds, où ils deviennent majoritaires. A la fin du 19e siècle, la nette prédominance des Alémaniques s’estompe au profit des Romands. Quant aux étrangers proprement dits, les Français et les Allemands arrivent les premiers, avant que les immigrés italiens, employés surtout dans la construction et le génie civil, ne s’établissent en nombre. L’identité de La Chaux-de-Fonds est déjà multiple en 1914, mais sa diversité culturelle est encore toute relative si on la compare à celle d’aujourd’hui.

1914-2016 : DU REPLI A L’OUVERTURE MULTICULTURELLE

Les années 1914-1945, marquées par les guerres et les crises, correspondent à une période de recul de l’immigration et de baisse de la population neuchâteloise. Le mouvement s’inverse au début des années 1950 et l’immigration permet d’assurer la croissance d’après-guerre. Les Italiens surtout, puis les Espagnols et les Portugais, arrivent nombreux à La Chaux-de-Fonds. En 1972, le tiers des emplois horlogers est occupé par des travailleurs étrangers, mais beaucoup repartent à cause de la crise qui s’ensuit.

Dès 1980, l’immigration se stabilise et se diversifie. Aujourd’hui, Portugais, Italiens, Espagnols et Français constituent le 69 % de la population étrangère du canton de Neuchâtel. Les pays d’origine des autres immigrés sont toujours plus nombreux et lointains. Ainsi, 138 nationalités sont représentées dans le canton de Neuchâtel.

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Premier canton à scolariser officiellement les enfants clandestins, Neuchâtel a adopté en 1996 une loi sur l’intégration (revue en 2013) qui constitue une première en Suisse. Elle vise à favoriser l’accueil, à prévenir les discriminations, à gérer la diversité pour une meilleure cohésion sociale et une égale dignité pour tous.

LES MONTAGNES TERRE D’ASILE

L’accueil des réfugiés a peu d’impact sur la démographie, mais joue un rôle dans l’histoire politique et socioculturelle du canton de Neuchâtel. Moins d’une dizaine de familles protestantes ayant fui la France à la révocation de l’Edit de Nantes (1685) s’installent définitivement dans les Montagnes neuchâteloises, dont elles favorisent l’essor économique. Entre 1789 et 1798, près d’un millier d’émigrés qui fuient la Révolution française sont accueillis dans la principauté de Neuchâtel. A l’inverse, un certain nombre d’habitants de la région – horlogers pour l’essentiel – se réfugient en France voisine suite aux troubles politiques de ces années-là. La Chaux-de-Fonds se montre plutôt accueillante pour les gens qui, comme les révolutionnaires du 19e siècle, s’y réfugient pour échapper à la répression. Aujourd’hui, les procédures d’asile sont du ressort de la Confédération. Pour en savoir plus5

L’accueil des réfugiés

La Suisse terre d’asile ou pays xénophobe et fermé ? La réponse n’est pas simple et a varié au fil du temps. Géographiquement, la Suisse est par sa position centrale en Europe un lieu de passage et de refuge. Du Moyen Age à 1789 Avant 1798, chaque canton et pays allié est maître de sa politique d’accueil. Si, au Moyen Age, les villes sont assez ouvertes aux serfs fugitifs, aux paysans, aux artisans (elles y gagnent en population et en puissance), la situation change aux 16e-18e siècles. L’accès aux corporations est de plus en plus difficile, les bourgeoisies se ferment et les communes refusent aux « étrangers » (il peut s’agir de migrations internes à l’ancienne Confédération comme de gens venus d’autres pays) terrains à bâtir et droits communautaires. La société d’Ancien Régime est une société de groupes soucieux de défendre leurs privilèges, même minimes. En revanche, les Montagnes, moins peuplées, moins fermées, favorisent une certaine immigration, liée au 18e siècle à un début d’industrialisation. Cette immigration peut être économique ou due à des facteurs religieux. En raison des guerres de religion, des persécutions, et notamment de la révocation de l’Edit de Nantes en 1685, on assiste à des vagues de refuges protestants. Entre 1685 et 1715 environ, 140'000 huguenots transitent par la Suisse qui ne compte alors que 120'000 habitants. La plupart ne s’y établissent pas définitivement, mais ceux qui restent favorisent le développement des régions qui les ont accueillis par leur argent, leurs carnets de commandes et leurs réseaux d’affaires, leurs qualifications professionnelles. Ces protestants contribuent aussi à l’essor culturel du pays. Sur un plan plus régional, des communautés mennonites (anabaptistes) bernoises seront accueillies dans les Montagnes jurassiennes pour pouvoir y pratiquer librement leur culte ; elles devaient en effet pour cela s’établir à plus de 1000 mètres d’altitude ! 1789-1815 Entre 1792 et 1799 principalement, la Révolution française entraîne un flux d’émigrés (6 à 9'000) qui transitent par la Suisse ou s’y établissent temporairement. Entre 1815 et 1848, les cantons suisses accueillent divers réfugiés politiques : membres de la famille Bonaparte, anciens conventionnels régicides, patriotes italiens, libéraux allemands, militaires et nobles polonais, en fonction de la répression des mouvements révolutionnaires et nationaux qui agitent alors l’Europe. Certains d’entre eux seront très présents dans l’enseignement. Les gouvernements cantonaux libéraux, puis radicaux, sont bien sûr les plus favorables à cette politique d’accueil, mais la Diète est soumise aux pressions des puissances étrangères. Les cantons suisses doivent accepter en 1823 et 1836 des

5 Sources : VUILLEUMIER (Marc), Immigrés et réfugiés en Suisse, Aperçu historique, Zurich, Pro Helvetia, 1987 STÜNZI (Robin), « La gestion politique et administrative du domaine de l’asile dans le canton de Neuchâtel », dans L’identité neuchâteloise – visages du canton de Neuchâtel au fil de la migration, Institut neuchâtelois, 2016 (à paraître)

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« conclusums » relatifs à la presse aux étrangers et le départ spontané de Louis-Napoléon Bonaparte de Thurgovie en 1838 évite une crise grave avec la France de Louis-Philippe. 1848-1914 Après 1848, le pouvoir fédéral sera de plus en plus maître du jeu. Comme la Suisse est le seul Etat libéral en Europe après l’échec des révolutions de 1848-1849, elle accueille nombre de réfugiés politiques (jusqu’à 12'000, soit 0,5 % de sa population), mais est soumise à des pressions. La plupart des réfugiés partiront pour la Grande-Bretagne ou les USA. Ceux qui restent occupent parfois des postes importants dans les Universités ou dans la presse (les deux grands journaux radicaux – rivaux – du canton de Neuchâtel au début des années 1850 sont dirigés par des journalistes français). En raison de l’unité italienne et des mesures d’amnistie prises en France et en Allemagne, les pressions sur la Suisse se relâchent. La Suisse accueille beaucoup de rencontres internationales : le Congrès international pour la Paix et la Liberté (à Genève en 1867 avec Garibaldi ; à Lausanne en 1869 avec Victor Hugo…), divers congrès de l’Association internationale des travailleurs (créée à Londres en 1864), etc. Les autorités radicales sont hostiles aux réfugiés socialistes et anarchistes, mais elles refuseront d’extrader vers la France des communards tel Jean-Louis Pindy. Des mesures répressives conduiront en 1879 à l’interdiction du journal anarchiste L’Avant-Garde, imprimé par Courvoisier au Locle, et à l’expulsion de son rédacteur Paul Brousse En 1881, c’est l’anarchiste russe Kropotkine qui est expulsé. Une loi spéciale de 1894 (revue en 1906) vise à prévenir les menaces anarchistes. Suite à l’assassinat de Sissi à Genève en 1898, une conférence internationale se tient à Rome pour coordonner les mesures contre les anarchistes. La Suisse y participe et le contrôle des réfugiés devient plus strict. Les socialistes allemands, pour échapper aux lois restrictives de Bismarck, impriment leur organe Der Sozialdemokrat à Zurich depuis 1879. Suite à l’expulsion de trois rédacteurs en 1888, le journal sera édité à Londres. Une affaire empoisonnera les rapports entre la Suisse et l’Allemagne de Bismarck : un fonctionnaire de police allemand, Wohlgemuth, se laisse piéger par un réfugié socialiste allemand, Lutz, qui lui promet des révélations s’il se prête à une rencontre en Suisse. Avertie, la police bâloise arrête Wohlgemut, qui sera expulsé. Suite à cette affaire, les Chambres votent une nouvelle loi sur la surveillance politique des étrangers, en créant un poste de procureur général de la Confédération chargé de coordonner l’action des polices cantonales. Hostile au régime tsariste, la Suisse tolère les réfugiés russes, qui animent cercles et bibliothèques, tout en imprimant leurs journaux et en diffusant leurs idées auprès de leurs compatriotes étudiants, nombreux en Suisse. Après la révolution de 1905, le Conseil fédéral refusera en général d’expulser les révolutionnaires réfugiés, mais le Tribunal fédéral acceptera en 1908 l’extradition du socialiste-révolutionnaire Victor Wassilieff. 1914-1939 La guerre de 1914-1918 marque une rupture. C’est la fin de la facilité de déplacement en Europe. Les migrations seront désormais très contrôlées, comme l’accueil des populations persécutées. Le « droit de légiférer sur l’entrée, la sortie, le séjour et l’établissement des étrangers » est ancré dans la Constitution fédérale en 1925 et la Police fédérale des étrangers va jouer un rôle d’autant plus fondamental qu’une grande marge de manœuvre sera laissée à l’administration en la matière. Durant le conflit, la Suisse abrite des réfugiés politiques, tel Lénine, des minoritaires socialistes hostiles à l’engagement militaire, des opposants à la guerre (comme Romain Roland et les milieux artistiques qui donneront naissance au mouvement Dada), des déserteurs et des réfractaires. C’est en Suisse (à Zimmerwald et à Kiental) qu’auront lieu des conférences décisives pour l’avenir de la gauche socialiste et communiste. A noter que dès 1916, la Confédération reçoit des prisonniers blessés ou malades des deux camps (au total ils seront 67'726, dont 45'922 de l’Entente et 21'804 d’Allemagne et d’Autrice-Hongrie). La peur engendrée par la révolution bolchévique et la grève générale de 1918 au sein de la bourgeoisie et des milieux conservateurs entraîne une vraie méfiance vis-à-vis des étrangers, vite taxés de communistes. Le thème de « l’invasion étrangère » se développe alors même que le nombre d’étrangers en Suisse diminue. Dès 1933, les autorités veulent faire de la Suisse un pays de transit plutôt que de refuge. D’où une réglementation sévère et la distinction faite entre réfugiés politiques et persécutés pour motifs raciaux. 1939-1945 Les déserteurs sont internés en Suisse, comme les prisonniers de guerre évadés, mais les travailleurs forcés d’Allemagne ou les Français qui fuient le STO sont refoulés. Réfugiés et internés sont rassemblés dans des camps à la discipline militaire tâtillonne. L’enfermement, le manque de doigté de l’encadrement, le désœuvrement, la séparation des familles, l’isolement rendront les conditions de vie pénibles. Le chômage

Page 18: DOSSIER PÉDAGOGIQUE - La Chaux-de-Fonds · Modules 4-6, programme géographie 5e Cycle 3 : Migrations d'hier et d'aujourd'hui Faire des liens entre la grande et la petite histoire

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reste une hantise pour les autorités comme pour les travailleurs, si bien que ce n’est que peu à peu que les internés pourront travailler sur des chantiers de travaux publics ou auprès de paysans. Au 1er février 1945, on compte environ 75'000 réfugiés, dont quelque 40'000 internés militaires. Ils seront 115’00 dans les mois qui suivent, mais la majorité d’entre eux rentreront vite dans leur pays. Au total, près de 300'000 personnes auront séjourné plus ou moins longtemps en Suisse de 1939 à 1945, sans compter les enfants accueillis durant trois mois pour se refaire une santé dans le cadre d’une opération conduite par la Croix-Rouge. De 1945 à nos jours Le droit d’asile n’est plus un enjeu dans les relations de la Suisse avec les pays voisins. L’hostilité au communisme explique le très large accueil des réfugiés venus de Hongrie (surtout en 1956), de Tchécoslovaquie (surtout en 1968-1969), de Pologne (en 1981). La Suisse a alors besoin de main-d’œuvre et ces réfugiés d’Europe de l’Est sont bien formés. Le statut de réfugié a été précisé dans une Convention internationale en 1951 et le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), créé à cette occasion, reconnaît à ceux qui fuient leur pays leur statut de réfugié. L’intégration des réfugiés venus d’Asie (environ 8'200 personnes suite à la fin de la guerre du Vietnam, entre 1975 et 1983) et d’Amérique latine (1'600 Chiliens entre 1973 et 1983) se fera moins facilement que celle des Européens de l’Est. Une loi fédérale sur l’asile voit le jour en 1979. Elle ne cessera d’être révisée. En effet l’afflux croissant de réfugiés des pays du Sud à partir des années 1980 entraîne un ralentissement des procédures d’asile, des résistances de la population (exploitées politiquement) et des durcissements progressifs de la loi. Précarité économique, persécution des minorités ethniques, bannissement de formations politiques, guerres civiles… : les candidats à l’asile entrent de moins en moins dans les stéréotypes habituels. Un statut nouveau de requérant d’asile est créé. Il y aura de plus en plus de requérants déboutés et de décisions de non-entrée en matière (NEM) sur l’octroi du droit d’asile. Les procédures sont longues et les décisions de renvoi difficiles à appliquer. Le principal défi est celui de l’hébergement, collectif dans les premiers mois (dans des centres), puis dans des appartements privés pour ce qu’on appelle le « second accueil ». Les spécificités du canton de Neuchâtel, contraint d’appliquer les décisions fédérales en matière de politique d’asile, sont les suivantes :

a) Le service des migrations (créé en 2005) gère lui-même l’hébergement des requérants. b) Il est intégré au Département de l’économie, contrairement à la majorité des autres cantons qui

attribuent ce rôle aux départements de la police, de la justice, de la sécurité. c) L’hébergement des requérants est décidé en fonction des infrastructures disponibles et de l’attitude

des autorités communales (qui font beaucoup pour que l’accueil de la population soit positif). d) Les relations avec les organisations d’entraide et groupes de soutien aux réfugiés sont

harmonieuses, notamment au sein de la Commission consultative en matière d’asile, qui examine les « cas de rigueur » permettant de demander aux autorités fédérales un permis B pour les requérants en cours de procédure, déboutés ou NEM, installés dans le canton depuis plus de cinq ans et déjà bien intégrés. Les renvois (une centaine par année) sont faits avec le souci de préserver la dignité des requérants refoulés.

e) Le canton a joué un rôle pionnier pour les programmes d’occupation des requérants : travaux d’utilité publique, cours professionnels, cours de langue… Il a privilégié l’intégration pour donner aux requérants un meilleur équilibre psychologique et une meilleure image auprès de la population, là où d’autres cantons avaient d’abord le souci de diminuer l’attractivité de la Suisse et de ne pas rendre les renvois plus difficiles.