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NOëL 1914 Un trop court moment de paix dans l’atrocité des combats. Cent ans après, quatre témoignages pour se souvenir de cette nuit au cours de laquelle les soldats ont fait place aux hommes, pour commémorer ensemble une fête… sans combat. Dossier conçu par Henri Del Pup Cette proposition concerne les professeurs des écoles et les professeurs de lycée-collège, plus particulièrement le cours moyen et la classe de 3 e . Son objectif est : – de faire une mise au point scientifique sur la Grande Guerre, – de proposer un exemple de progression et de séance pour chacun des niveaux, – d’offrir des pistes pour aller plus loin tant pour le professeur que pour les élèves. Dossier pédagogique Trêve de Noël 1914

Dossier pédagogique - Editions Milan · 3 I. le conflit Cette guerre, qui oppose des armées de centaines de milliers de soldats – des millions si l’on parle de l’ensemble

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Noël 1914Un trop court moment de paix dans l’atrocité des combats.Cent ans après, quatre témoignages pour se souvenir de cette nuit au cours de laquelle les soldats ont fait place aux hommes, pour commémorer ensemble une fête… sans combat.

Dossier conçu par Henri Del Pup

Cette proposition concerne les professeurs des écoles et les professeurs de lycée-collège, plus particulièrement le cours moyen et la classe de 3e.

Son objectif est :– de faire une mise au point scientifique sur la Grande Guerre,– de proposer un exemple de progression et de séance pour chacun des niveaux,– d’offrir des pistes pour aller plus loin tant pour le professeur que pour les élèves.

Dossier pédagogique Trêve de Noël 1914

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SommaireI. le conflita. Les grandes phases de la guerreb. L’année 1914c. La « course à la mer » : octobre-novembre 1914

II. les débats et controversesa. Le regard des Allemands en trois pointsb. Le regard des Anglo-Saxonsc. Les remises en cause en France

III. Pistes pédagogiquesa. Le dossier documentaire : contexte historique et dateb. Proposition de séquence pour l’école primaire (avec développement d’une

séance)c. Proposition de séquence pour le collège (avec développement d’une séance)

Courte bibliographie indicative

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I. le conflitCette guerre, qui oppose des armées de centaines de

milliers de soldats – des millions si l’on parle de l’ensemble d’un front –, est marquée par trois moments singuliers au sein desquels l’année 1914 est individualisable, avec une place particulière pour le mois de décembre.

a. Les grandes phases de la guerre

L’année 1914 est marquée par une véritable guerre de mouvement. Les états-majors doivent réviser leurs stratégies après l’échec des plans initiaux. Sur le front ouest, la bataille de la Marne, du 5 au 12 septembre 1914, est le tournant de cette « guerre de mouvement » initiée par l’invasion de la Belgique avec la bataille des Frontières, du 14 au 24 août 1914, et conclue par les furieux combats autour d’Ypres et sur l’Yser entre novembre et décembre 1914.

De 1915 au printemps 1918, le front est stabilisé. Il est comme figé par le réseau inextricable des tranchées ; immobilisé par les gaz asphyxiants et les lance-flammes ; écrasé sous les obus de l’artillerie, les balles des mitrailleuses. Verdun et la Somme sont des symboles de cette « guerre de positions ».

Avec le printemps 1918, le retrait de la Russie marque la fin des combats sur le front est et crée un déséquilibre des forces à l’ouest, qui s’explique par le transfert d’une partie des forces allemandes sur le front ouest. La « guerre de mouvement  » reprend après la seconde bataille de la Marne. L’armistice, signé le 11 novembre 1918, sanctionne l’impossibilité des troupes allemandes à simplement tenir leurs positions et surtout l’effondrement des alliés de l’Allemagne sur les autres fronts (Turquie, Bulgarie, Autriche-Hongrie), menaçant le sud de l’Empire, l’épuisement de la population et de l’économie allemande en raison du blocus et l’inéluctabilité de la défaite avec la montée en puissance des États-Unis.

b. L’année 1914

Le 3 août 1914, la guerre promet d’être courte. Les États ont accumulé vivres et munitions pour quelques mois seulement. L’état-major allemand s’appuie sur le plan Schlieffen-Moltke. Misant sur la supériorité supposée des troupes allemandes sur les armées françaises et la lenteur de la mobilisation russe, qui devrait permettre d’éviter la guerre sur deux fronts, celui-ci vise d’une part à écraser les forces françaises bloquées entre Champagne, Ardennes et Vosges et d’autre part à envahir la Belgique – pourtant neutre depuis 1851 – pour, par un vaste mouvement enveloppant les plaines de Flandres, de Picardie et d’Île-de-France, encercler les unités françaises.

Mettant en jeu une artillerie lourde de campagne d’un demi-millier de pièces (548 canons lourds), l’Allemagne pense que l’affaire devait être conclue en six semaines.

L’armée française, de son côté, a son plan XVII, actualisé en 1913. Elle entend mener trois grandes offensives :

– la première sur le plateau lorrain, entre Vosges et Pays messin ;

– la deuxième depuis Thionville, entre Metz et Luxem-bourg ;

– la dernière en haute Alsace, vers Mulhouse, Colmar et, au-delà, Strasbourg.

L’offensive immédiate paraît surprenante mais tient compte :

– du déséquilibre démographique entre la France et l’Allemagne, qui ne peut qu’aller en s’accentuant si on laisse aux réserves le temps de se former ;

– du peu de confiance de l’état-major dans la qualité de ses réservistes ;

– de la nécessité de permettre aux Russes de mobiliser leurs troupes en attirant le maximum d’effectifs allemands ;

– de l’impossibilité morale et économique d’admettre le moindre recul aux frontières, zones densément peuplées et fortement industrialisées ;

Le 3 août 1914 commence un conflit que tout le monde croit limité à quelques semaines, mais qui va devenir la Grande Guerre et faire quelque 10 millions de morts : du jamais-vu !

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– d’une croyance dans la nécessité des offensives stratégiques (non pas tactiques) pour remporter la victoire.

Les soldats regagneraient leurs foyers pour les ven-danges ou, au plus tard, pour Noël.

Le semestre suivant dément ces calculs. Côté alle-mand, la petite armée belge (117 000 hommes) résiste au- delà des prévisions. Pour vaincre devant Liège (4-17 août), qui bloque 39 000 de ses soldats, l’état-major a besoin de 60 000 hommes supplémentaires. Le Corps expédi-tionnaire britannique (BECD : 70 000 hommes), dont l’intervention n’est pas prévue ou est supposée être négligeable, échappe à tout encerclement. La « bataille des Frontières  » est plus difficile à gagner que prévu. Au siège de Maubeuge (28 août-8 septembre), Karl von Bülow doit immobiliser 60 000 hommes.

De son côté, l’armée française se replie dans l’ordre en dépit de ses défaites. Les succès initiaux en haute Alsace restent sans lendemain. Le Sundgau et Mulhouse, contrôlés du 9 au 25 août par les Français, retombent sous tutelle allemande. Il en est de même en Lorraine. L’attaque lancée le 14 août est arrêtée le 20, et les troupes reculent jusqu’à la «  trouée de Charmes  » où elles se cramponnent à partir du 24. La «  bataille des Frontières  », qui s’étend du 14 au 24 août, est aussi un échec. À la fin août, Paris estime ses pertes à plus de 206 500 hommes, contre 136 400 pour Berlin. Lors de la seule journée du 22 août, entre 20 000 et 25 000 Fran çais sont tués ainsi que quelque 15 000 Allemands. C’est quatre fois plus qu’à Waterloo !

La bataille de la Marne, du 6 au 12 septembre, et l’installation des Allemands sur l’Aisne entre le 13 et le 28 septembre marquent, de fait, l’abandon des stratégies initiales. Les Allemands ont conscience que la France ne peut être vaincue en six semaines. Moltke est relevé, remplacé par Erich von Falkenhayn, et l’état-major français réalise que ce n’est ni en Alsace ni en Lorraine que la victoire peut être remportée. Sur 250 km, 2 millions de soldats se sont battus, 250 000 d’entre eux sont morts entre Nanteuil-le-Haudouin et Dombasle-en-Argonne (en particulier sur l’Ourcq, le Grand et le Petit Morin et les marais de Saint-Gond). Mais, repliés sur les hauteurs de l’Aisne (et déjà sur le chemin des Dames et à Craonne), les Allemands cassent la contre-attaque de Joffre. Les armées s’enterrent.

c. La « course à la mer » : octobre-novembre 1914

Les états-majors n’ont aucune autre option, pour vaincre sans délai, que contourner l’armée adverse par les flancs (« déborder par les ailes »), en particulier à l’ouest. S’engage alors une « course à la mer ». Elle se conclut par de violents combats : en Flandres sur l’Yser (à la mi-octobre), marqués par l’ouverture des digues et l’inondation des polders, autour de Dixmude (seconde moitié d’octobre), illustrés par l’héroïsme des fusiliers marins bretons de l’amiral Ronarc’h, et dans la région d’Ypres (pendant pratiquement tout le mois de novembre). Payant le prix de pertes importantes, les troupes britanniques et franco-belges réussissent à former une ligne de front continue de Bixschoote à Armentières.

Dès lors, le front se stabilise de la mer du Nord aux Vosges. Quatre millions de soldats se font face. Toute opération de contournement de l’ennemi est devenue impossible. Il faut soit percer par de sanglantes attaques frontales, comme sur le front ouest : la Somme, Verdun, chemin des Dames/Craonne ; soit repenser toute la stratégie, comme le fera Foch à la fin du printemps 1918, de la seconde bataille de la Marne à la signature de l’armistice.

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II. les débats et controverses

Ce conflit se sera avéré long pour la France, puisqu’il aura duré d’août 1914 à novembre 1918, coûteux en vies humaines (1,4 million de tués [10,5 % des mobilisés mais un tiers des 3,7 à 4 millions de combattants véritables qui ont au moins passé trois mois au front] et 4,3 millions de blessés et de « gueules cassées ») et même ruineux avec 11 ans d’investissements (au niveau 1913).

Paradoxalement, cela a très vite généré une forme de consensus historiographique dont les grandes lignes ont été fixées :

– en politique avec Pierre Renouvin, Les Origines immédiates de la guerre (1925 – en fait plus tôt, puisque c’est l’édition d’un cours professé en Sor-bonne dès 1922-23) ;

– en littérature avec Henri Barbusse, Le Feu (1916), Roland Dorgelès, Les Croix de bois (1919), et surtout Maurice Genevoix, un authentique « poilu » rescapé de Verdun, devenu LE grand écrivain de cette guerre. Ceux de 14 (1949) est une compilation de textes antérieurs : Sous Verdun (avril 1916), Nuits de guerre (décembre 1916), La Boue (février 1921) et Les Éparges (écrit en 1921, mais publié en 1923).

Le discours tenu peut se résumer en trois propositions :• Le conflit aurait pu rester localisé, même avec le cas

d’un soutien russe aux Serbes, si l’Allemagne avait su retenir son alliée, l’Autriche-Hongrie, ce qu’elle semblait faire jusqu’au 28 juillet, en lui conseillant une simple prise de gages le temps de l’enquête judiciaire ;

• À partir du 30 juillet, l’Allemagne change d’attitude et laisse faire l’Autriche-Hongrie, qui exige que sa police mène elle-même, en territoire serbe, l’enquête sur l’assassinat de son archiduc, connaissant les réactions de la Serbie et de la Russie ;

• Enfin, le gouvernement allemand passe la main à l’état-major, qui estime que, pour vaincre, il doit mettre en œuvre sans délai le plan Schlieffen-Moltke. La Bel-gique neutre, est alors envahie.

Il faut attendre un réexamen de cette mémoire consensuelle pour faire du « poilu » un héros de tragédie grecque victime du Destin sous les regards extérieurs allemand et, surtout, anglo-saxon.

a. Le regard des Allemands en trois points

Dans les mois qui suivent l’armistice, le point de vue de l’Allemagne, secouée par des révolutions et en gestation d’une république, est proche de celui de la France. L’Allemagne a conscience de la responsabilité qu’elle a eue dans la guerre qui vient de se terminer. Karl Kautsky constatait, dans Comment s’est déclenchée la guerre mondiale (1919 ; traduit en français en 1921), que « pendant plusieurs de ces années, la politique des puissances centrales était déjà telle que la paix n’avait pas été maintenue par elles, mais seulement malgré elles  ». Même si, selon lui, les vrais responsables sont les militaires, les gouvernements et non les peuples  : « L’Autriche-Hongrie combattait, en Croatie et en Bosnie, les tendances à une liberté plus grande, non seulement par un régime de terreur, mais aussi par une série de procès et une propagande sans scrupules […], sous l’égide du comte Forgach, qui devait prendre une part funeste à l’ultimatum adressé à la Serbie en 1914 et au déchaînement de la guerre mondiale. Pires encore furent les “conquêtes morales” de l’Allemagne, lors de l’affaire de Saverne, en novembre 1913, immédiatement avant la guerre, affaire qui prouva à l’évidence que, dans l’Empire allemand, la population civile était hors la loi en face de l’armée, et que celle-ci dominait entièrement le gouvernement civil. »

La crise, tant politique, économique que sociale, qui secoue les premières années de la jeune république de Weimar conduit à une remise en cause de cette analyse. Le traité de Versailles est qualifié de diktat. Son article 231  : « Les gouvernements alliés et associés déclarent, et l’Allemagne le reconnaît, que l’Allemagne et ses alliés sont responsables pour les avoir causés, de toutes les pertes et de tous les dommages subis par les gouvernements alliés et associés et leurs nationaux en conséquence de la guerre qui leur a été imposée par l’agression de l’Allemagne et de ses alliés » est dénoncé avec véhémence. L’Allemagne n’aurait pas voulu la guerre européenne, bien qu’elle n’ait pas été disposée à l’éviter à tout prix. La Russie aurait aggravé la crise ouverte par l’Autriche-Hongrie et la Serbie. Hermann Lutz, dans La Politique européenne dans la crise de 1914 (écrit en 1926 et traduit en français en 1933), prépare le terrain à un « négationnisme » qui réfute « la thèse versaillaise des

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responsabilités de la guerre ». Ce point de vue domine jusqu’au début des années 1960.

Fritz Fischer, dans Les Buts de guerre de l’Allemagne

impériale (1961, traduit en français en 1970), évoque une « affaire Dreyfus allemande » (Der Spiegel) : il prouve la justesse des thèses de Pierre Renouvin (historien français). L’impérialisme allemand est bien responsable de la Grande Guerre et de l’orientation donnée à la politique des buts de guerre. Il radicalise sa démonstration en 1969 avec La Guerre des illusions, en affirmant que les problèmes économiques de l’Allemagne de la Belle Époque accentuent la marche à l’affrontement.

Cette concordance entre ces analyses et celles admises en France permet la rédaction de deux chapitres, identiques dans la forme et le fond, du Manuel franco-allemand en 2008 sur la guerre de 1914. Sauf que la « Grande Guerre » devient la « Catastrophe originelle » (l’Urkatastroph), laquelle précipite l’Allemagne dans une nouvelle guerre de Trente Ans (1914-1945) qui se conclut par le démembrement du pays, sa division et son occupation.

Au fond, pour les Allemands, la guerre de 1914 n’est

« que » la Première Guerre mondiale. Pour les Français, elle est un tournant majeur marqué par un effondrement démographique et un effacement durable.

b. Le regard des Anglo-Saxons

Il est à la fois classique et original. À partir d’une vision diplomatique, politique et militaire du conflit, somme toute proche du point de vue français, les chercheurs de la London School of Economics évoluent vers des territoires nouveaux avec :

– L’histoire des mentalités pour éclairer différemment l’histoire diplomatique, en se demandant pourquoi les politiques britanniques n’ont pu se mesurer efficacement aux réalités de 1914 (James Joll, The Second International, 1889-1914, 1968) ;

– L’histoire culturelle, en se demandant, avec des méthodes empruntées à l’anthropologie, comment on peut cerner le « vrai visage » du combat (Fussell, Great War and Modern Memory, 1975).

Ces historiens en viennent à avancer l’hypothèse d’une « culture de/en guerre », à travers l’étude de cas particuliers, au quotidien. C’est une histoire « par le bas », qui fait ressortir tout le caractère subjectif des narrations, y compris de celles jusqu’à présent admises sans débats.

Émergent aussi la question de la « mémoire/identité » dans le champ de la recherche sur 1914-1918 et la question des représentations, par exemple avec la perception des atrocités allemandes commises en Belgique en 1914, notamment dans German Atrocities, 1914  : A History of Denial (2001) de John Horne et Alan Kramer, qui donnent crédit à ce que l’on a longtemps considéré comme des fables inventées par la propagande (« le bourrage de crâne ») : des crimes de guerre contre les populations civiles sous l’effet du souvenir plus ou moins mythifié du franc-tireur de 1870. Celui-ci a bien failli transformer la victoire prussienne de Sedan en une défaite de l’Allemagne par une guérilla impitoyable.

Le résultat est une vision renouvelée du conflit, caractérisée par une vie dans les tranchées où les temps d’affrontement sont plutôt rares, ce qui n’empêche pas qu’ils soient tragiquement sanglants. Il apparaît que les assauts, les attaques sous les obus sont exceptionnels, l’ordinaire est plutôt de tenir, en dépit des escarmouches et malgré les tireurs d’élite. Les historiens britanniques proposent de voir dans ces temps de non-combat « un système du vivre et laisser vivre  », au sens propre un modus vivendi (Tony Ashworth, Trench Warfare, 1914-1918, The Live and Let Live System, 1980). Ils étudient la routine du front en s’attachant à l’ordinaire du soldat : organisation des pelotons, répartition des corvées, partage du matériel, etc. (Bill Rawling, Surviving Trench Warfare : Technology and Canadian Corps 1914-1918, 1997, traduit en français en 2004) et montrent les postures et comportements propres à éviter de se faire tuer/de tuer. Au fil des mois qui passent, faire la guerre devient un « métier » et le « poilu » un « professionnel » qui doit savoir éviter l’« accident » surtout mortel.

Cette manière d’aborder le sujet du point de vue des soldats pose la question : qu’est-ce que cela implique d’être sur un champ de bataille ? Pour Peter Simkins (Kitchner’s Army :The Raising of the New Armies 1914-1916, 1988), ce sont les fameux pals battalions, littéralement « bataillons de copains », constitués en fonction d’une origine géographique, sociale ou professionnelle commune sur une idée de lord Derby pour trouver des volontaires en nombre suffisant pour avoir une armée capable à la fois de combler les pertes des premiers combats et de rivaliser, en effectifs, avec les armées allemandes. La question rebondit sur la manière dont les rapports socioprofessionnels d’avant guerre ont pu être transposés au front. Comment les relations sociales du temps de paix ont-elles été marquées par la

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guerre ? Les conditions de travail et les luttes syndicales ont façonné une manière d’être et un esprit de corps : que sont-ils devenus ? Comment un simple soldat acceptait-il les ordres d’un officier que, souvent, il s’était choisi ? Ce qui sous-tend ces interrogations, c’est que nombre des soldats de Sa Majesté, qui viennent d’un pays où la classe ouvrière est nombreuse et syndiquée (le gros des pals battalions est issu des « pays noirs » de l’Angleterre et d’Écosse), ne se sont jamais mutinés ouvertement, à la différence de ce qui arrive dans l’armée française. La réponse serait que le « poilu » britannique reste, d’abord, un sujet de la Couronne et se comporte comme tel, reproduisant au front hiérarchies et rapports de force existant avant guerre (MacDonald, They Called it Passchendaele. The Story of the Third Battle of Ypres and the Men Who Fought in it [1978] et The Last Man, Spring 1918 [1998]). Certains assurent aussi qu’un certain flegme, voire une tradition d’obéissance à une rude discipline auraient facilité la vie au front.

Le plus surprenant est le jugement porté sur le traité de Versailles, considéré comme étant un bon traité de paix, alors que, depuis décembre 1919, John Maynard Keynes dénonce The Economic Consequences of the Peace (traduit en français dès 1920). Manfred F. Boemeke (The Treaty of Versailles : A Reassessment after 75 Years [1998]) et Alan Sharp (The Versailles Settlement  : Peacemaking after the First World War, 1919-1923 [1991]) assurent que le traité était un compromis acceptable compte tenu des circonstances exceptionnelles de la situation internationale du moment. Quant aux réparations monétaires, certains historiens s’entendent pour dire que l’Allemagne avait les moyens de payer selon les exigences du traité.

c. Les remises en cause en France

Une génération de jeunes historiens rassemblés, d’une part, autour du musée/centre de recherches de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne (Somme) ouvert en 1992 et, d’autre part, dans le Collectif de recherche international et de débats sur la guerre de 1914-1918 (CRID 14-18), créé en 2005, cherche à répondre à la question posée par Jean-Baptiste Duroselle, en 1994, dans La Grande Guerre des français 1914-1918 – L’incompréhensible : comment les Français ont-ils pu supporter une si longue guerre ?

Diverses hypothèses sont confrontées :

– Tout d’abord, « consentement » ou « consensus » ? Les Français auraient accepté, voire voulu, la confrontation. Ce qui expliquerait aussi le faible niveau des refus ouverts – sous forme de désertions ou d’insoumissions – et le peu de révoltes. De fait, les mutineries de 1917 ne concernent que quelques centaines d’individus et quelques dizaines de bataillons (Guy Pédroncini, Les Mutineries de 1917 [1967]). Ce à quoi d’autres opposent le «  consensus  », qui est plutôt de la résignation, de l’inertie. On accepte parce qu’on ne peut pas se dérober. Les mutineries de 1917 deviennent alors l’expression du noyau dur d’un refus contenu au centre d’un halo d’insubordinations plus ou moins actif. C’est trois fois plus de soldats qui ont connu les tribunaux militaires pendant cette période durant laquelle on voit aussi une recrudescence des désertions et insoumissions (André Loez, 14-18, les refus de la guerre, une histoire des mutins [2010]). En bref, il n’est pas nécessaire de vouloir la guerre pour la faire. Des moyens de contraintes existent.

– Ensuite, « brutalisation » du combattant ou « système du vivre et laisser vivre » ? George L. Mosse, dans Fallen Soldiers : Reshaping the Memory of the World Wars (1990 ; traduit en français, en 1999, par De la Grande Guerre au totalitarisme, la brutalisation des sociétés européennes), laisse entendre que les autorités prennent des mesures qui par « la banalisation et l’intériorisation de la violence de guerre […] permettent d’accepter durablement tous ses aspects, même les plus paroxysmiques, et de les réinvestir dans le champ politique de l’après-guerre  » (A. Becker). Les combattants auraient été violentés/ren-dus brutes par la guerre elle-même, par la propagande de tous les instants, par la perte de la liberté  : «  Tuer pour ne pas être tué », et en auraient gardé le réflexe une fois retournés à la vie civile (d’où la violence des luttes politiques de l’entre-deux-guerres). Face à cette vision, d’autres émettent l’idée d’une « adaptation au conflit », une sorte de stratégie d’évitement des situations critiques, que Tony Ashworth résume par «  le système du vivre et laisser vivre  ». Les combattants qui se font face seraient parvenus, fréquemment, à réduire et à ritualiser la violence, à travers des avertissements et des habitudes partagées, comme l’établissement d’horaires réguliers pour les tirs, qui rendent ceux-ci inoffensifs. Une communication minimale entre les tranchées ennemies est la condition de possibilité de ce système. Quand elle a lieu, le système se fonde sur une réciprocité des actes

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de bienveillance ou d’agression (Rémy Cazals, La Grande Guerre, pratiques et expériences [2005]). Les faits de fraternisation relèvent de cette bienveillance, selon les témoignages connus.

– Enfin, « guerre vue d’en haut » ou « guerre vue d’en bas » ? Longtemps, le récit de la Grande Guerre n’aurait été qu’une reconstruction a posteriori élaborée par des historiens proches du pouvoir en place. Les généraux (Joffre, Pétain, Nivelle et Foch, en France), les batailles décisives (la Marne, Verdun, le chemin des Dames) et les politiques (Poincaré ou Clemenceau) auraient pris le pas sur le combattant anonyme et sur le quotidien de la tranchée. Cette histoire-là serait aseptisée. Elle évacuerait la violence, la souffrance. A contrario, une histoire tirée des récits de poilus redonnerait aux faits leur vraie dimension, remettrait la guerre dans une perspective plus juste en prenant en compte la mort omniprésente, la peur de chaque jour, les refus d’obtempérer voire les révoltes. Mais des historiens ont soutenu que les témoignages publiés après la guerre véhiculaient une vision déformée dont il faudrait se défier. Dans la même logique, les refus de la guerre ou les ententes entre adversaires sont soupçonnés de véhiculer une mémoire « pacifiste » du conflit ou de refléter des préoccupations contemporaines, insignifiantes à l’époque. En fait, plus que jamais la critique du témoignage est à faire, comme déjà le démontraient Jean Norton Cru dans Du témoignage (1929) et plus récemment Rémy Cazals.

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III. Pistes pédagogiques

Les propositions qui suivent prennent en compte :– les enjeux scientifiques, sommairement rappelés

précédemment ;– les programmes officiels de l’école primaire et du

collège ;– les démarches pédagogiques dites « actives ».

En conséquence, nous proposons une démarche préalable de contextualisation des documents du dossier, une fiche séquence et une fiche de séance pour le cycle III ainsi qu’une fiche séquence et une fiche de séance pour la classe de troisième.

a. Le dossier documentaire : contexte historique et date

Le contexte historique est celui des violents combats qui marquent la fin de l’année 1914. En Flandres, les offensives de la 8e armée, lancées les 14, 15 et 16 décembre, échouent. Elles se heurtent « partout à un ennemi sur ses gardes et fortement organisé » (Foch, Mémoires). Dans la partie nord du saillant d’Ypres, les tentatives britanniques se limitent à quelques avancées. « Dès le 19 (décembre), en raison des difficultés du terrain, nous arrêtions l’action offensive. Le 24, n’ayant plus rien à attendre des attaques anglaises sur la Lys, nous réduisions la densité de nos forces en première ligne et nous reconstituions des disponibilités. En résumé, à la date du 23 décembre, nos offensives dans le Nord avaient échoué ou donné des résultats insignifiants. » (Foch, ibidem).

Et Foch évoque le contexte géographique, « l’état du terrain marécageux dans lequel les hommes enfonçaient jusqu’aux cuisses ». De fait, en Flandres, le paysage est plat, entaillé par de multiples fossés de drainage. Le temps est pluvieux, froid. L’humidité est partout. Le sol spongieux de sable et de glaise rend difficile la construction d’abris souterrains. En plus d’un endroit, l’eau stagnante empêche même le creusement de tranchées. Des sacs de sable et des parapets de bois restent les seuls moyens de se protéger. Aussi, les états-majors limitent les attaques d’envergure. (Attention, il est important de préciser que Foch écrit ces lignes après la guerre, alors qu’il est l’incarnation du grand chef victorieux et qu’il a tout intérêt à minimiser ses responsabilités dans ces échecs – relatifs – de 1914. Il est alors en effet délégué de Joffre

et chargé de coordonner l’action des troupes françaises dans le Nord et en Belgique.)

Cela ne signifie pas que ce bout de front est calme. Ponctuellement, des coups de main sont tentés. Le scénario est toujours le même : un bombardement des lignes adverses (« préparation d’artillerie ») et un assaut frontal de fantassins contre le reste des lignes de barbelés et des nids de mitrailleuses adverses pour « emporter » les tranchées ennemies. Sauf que la préparation de l’artillerie est souvent faible (par le rationnement des munitions – 40 coups par pièce et par jour contre 1 390 prévus par l’état-major, côté français – et/ou des pièces d’artillerie) ; les lignes de défense, de plus en plus sophistiquées, résistent, et les assaillants ne peuvent guère gagner plus de quelques centaines de mètres (généralement perdus par une contre-attaque) en raison des pertes subies et de la capacité de l’adversaire à colmater la « brèche ». « C’étaient de nouveaux procédés d’attaque avec de puissants moyens de destruction qu’il fallait mettre en œuvre. » (Foch, ibidem.)

La « bataille de Givenchy », les 20 et 21 décembre 1914, est une illustration, parmi beaucoup d’autres, de la vanité de ces combats de « rupture du front » par des attaques sans suite. Pour détourner des forces allemandes en action sur Arras, six attaques sont lancées par les Britanniques. Leurs troupes enlèvent les deux premières lignes de tranchées proches du village de Givenchy et, un peu plus au nord, percent sur 300 m. Mais les Allemands contre-attaquent en fin de matinée à coups de grenades et d’obus, repoussant leurs assaillants et les menaçant de prendre Givenchy, sauvé de justesse par des renforts. En deux jours, environ 6 000 morts sont à déplorer, pour… rien !

Comme, plus tard, en Artois et en Champagne (1915), puis à Verdun et sur la Somme (1916) et au chemin des Dames (1917).

Le 25 décembre, le jour de Noël, est une des grandes fêtes de la Chrétienté. Elle rappelle la naissance, à Nazareth, d’un enfant dénommé Jésus qui serait le fils d’une Marie et d’un Joseph, de la prestigieuse maison royale de David (Luc, 2, 1-5). Il serait le Messie (l’oint du Seigneur, en hébreu machia) que les prophètes auraient annoncé. En grec, messie est traduit par christos (le Christ) dont le nom en vient à désigner ceux qui le reconnaissent comme le « Sauveur » de l’humanité promis par Dieu.

Mais, au-delà, le 25 décembre reprend des festivités

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plus anciennes. Celles du dies natalis de l’empereur Constantin le Grand et encore la fête plus ancienne et fort populaire de Sol Invictus : le Soleil invaincu. C’est-à-dire la fête du solstice d’hiver, dont les origines remontent aux origines de l’humanité.

Symboliquement et/ou religieusement, cette nais-sance est accompagnée de cet hymne qui prend un relief particulier : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur terre paix pour ses bien-aimés.  » (Luc, 2, 14.) À l’ordinaire, Noël est fêté par des cantiques dont certains remontent au Moyen Âge. C’est le cas d’Adeste fideles attribué à Bonaventure (XIIIe siècle). Certains sont très populaires. C’est le cas de Stille Nacht, heilige Nacht (Douce nuit, sainte nuit), composé en décembre 1818 par Josef Mohr, prêtre de l’église Saint-Nicolas d’Obendorf près de Salzbourg, sur une musique de l’organiste Franz Gruber. Ce cantique est une berceuse pressant l’enfant de dormir « dans la paix du ciel ». On en connaît plus de 140 traductions.

Les fraternisations ne sont pas exclusives de la fête de Noël – il y en a eu durant toute la guerre, à l’ouest comme à l’est –, néanmoins elles ont été plus fréquentes à Noël 1914. L’événement est rapporté par la presse britannique, notamment The Daily Telegraph  : les Allemands sont sortis de leurs tranchées et ont entonné leur Stille Nacht, heilige Nacht, applaudis par les Britanniques. S’en sont suivis des échanges de bouteilles, de chocolat, de tabac ; quelques accolades se sont même vues, et une rencontre de football a été improvisée. Dans ses mémoires, Up to Mametz and Beyond (1931, mais écrit dans les années 1920), le Gallois Wyn Griffith décrit la scène : « Des hommes ont surgi des deux camps, avec des boîtes de corned-beef, des biscuits, et d’autres choses à échanger. C’était la première fois que je voyais le no man’s land transformé en every man’s land. »

Très vite, les autorités ont eu écho des fraternisations échangées sur le front et préviennent : « Tout contact avec ceux d’en face est considéré comme un acte d’intelligence avec l’ennemi passible de la peine de mort en conseil de guerre. » (Ordre du général Pétain du 12 septembre 1916.) Et plutôt que d’admettre que des combattants puissent se respecter, l’état-major préfère croire à une manipulation de l’ennemi, une théorie développée dans un opuscule de décembre 1917 intitulé Une nouvelle arme allemande : la fraternisation.

Le lieu n’est pas innocent. Vlamertinge et Zillebeke sont très proche d’Ypres qui a fait l’objet d’âpres combats. Le « saillant d’Ypres » est un coin enfoncé dans les lignes allemandes. Il couvre la route de Calais et Dunkerque d’où débarquent les forces britanniques. Aussi la ville est-elle un enjeu récurrent, tant pour les Alliés que pour l’Allemagne. En décembre 1914, on estime à 150 000 les pertes allemandes pour conquérir la ville, qui n’est plus que cendres mais résiste encore. En 1915, Guillaume II fait utiliser pour la première fois un gaz asphyxiant pour parvenir à ses fins : l’ypérite. En vain.

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b. Proposition de séquence pour l’école primaire

L’idée mise en œuvre s’appuie sur 3 principes :• le respect des Instructions officielles et des programmes (janvier 2012)  : ce qui explique que les objectifs 1916

Verdun, Clemenceau et 11 novembre 1918, armistice de la Grande Guerre, charpentent la progression ;• le recours au « milieu local » et à l’histoire des arts à travers le monument aux morts (30 000 ont été érigés entre

1920 et 1925, et 95 % des communes françaises en possèdent un) ; • la « problématisation » de chaque séance : on n’apprend (et on apprend bien) qu’en répondant à une question

– c’est le sens de la remarque récurrente des enfants : à quoi ça sert ?

Titre de la séance « Problématique » Objectifs de la séance

Séance no 1 Le monument aux mortsQu’est-ce que la Grande Guerre ?

– Inventaire de l’iconographie et du lexique du monument

– Inventaire des questions à se poser

Séance no 2Verdun Où ? Quand ? Pourquoi ? – Découvrir la guerre

de positions– Comprendre comment

on en est arrivé là

Séance no 3(développée en suivant)

Faire la guerre Comment le « poilu » a-t-il réagi à cette violence ?

Vivre au front Par exemple : les fraternisations de Noël

Séance no 4 Le 11 novembre 1918Comment les « Alliés » ont-ils vaincu ?

G. Clemenceau, Foch et les chars

Séance no 5Bilan de la Grande Guerre Quelles ont été les

conséquences d’un si long conflit ?

– Le traité de Versailles– La nouvelle carte de l’Europe– « L’Europe suicidée »

MoDAlITÉS D’ÉVAlUATIoN : avec un extrait de lettre de « poilu », répondre à quelques questions qui reprennent les mots clés de la trace écrite.

PoUR AllER PlUS loIN :Prolongement :– en histoire des arts, soit sur le thème générique de la guerre, soit sur celui, plus particulier, de la Grande Guerre (à travers l’analyse

d’affiches, par exemple) ;– en « maîtrise de la langue », soit avec la lecture d’un ouvrage de littérature jeunesse, soit avec des extraits d’auteurs de la Grande

Guerre (Maurice Genevoix, Henri Barbusse, Blaise Cendrars). 12

Séance no 3 développée : proposition pour une fiche de préparation

Connaissance(s) visée(s) pour les élèves :

Vivre et mourir au front : les fraternisations

Compétence(s) visée(s) : Lecture de textes et exercice de l’esprit critique

Connaissances utiles pour le maître : Rémy Cazals et André loez Vivre et mourir dans les tranchées, Texto, 2012

DéroulementActivités prévues

aux différentes phases

Durée ConsignesMatériel

et support utilisésorganisation pédagogique

Introduction : 1 : mobilisation de prérequis2 : annonce de l’objet de la séance

5 min

* Rappelez-moi ce que nous avons découvert lors de la précédente séance ?Quelles questions nous sommes-nous posées ?

* Aujourd’hui, nous allons chercher à comprendre comment le « poilu » a réagi.

Une photographie d’une tranchée à Verdun

Collectif

Développement :1 : préparation du travail de groupe : un document par groupe2 : annonce de la consigne3 : demande de reformulation

5 min

Comme vous, j’ai cherché à savoir comment un soldat pouvait réagir à cette violence.J’ai trouvé des copies de lettres. Aussi, chaque groupe va recevoir une des lettres. Vous devrez :1 : lire la lettre,2 : la résumer,3 : me donner les informations qui vous paraissent importantes.

Qui peut me répéter ce que je demande ?

Photocopies des lettres : une lettre par groupeUne grande feuille de papier pour noter les informations relevées

Travail de groupe :les groupes sont constitués en fonction de l’habitude des élèves(de 2 à 5)

Mise au travail 15 min Contrôle du bon déroulement du travail Collectif

Retour

10 min

1 : chaque groupe affiche ses résultats.

2 : la classe en prend connaissance.

Y a-t-il des questions sur les affiches ?Que remarquez-vous ?[identité des faits relatés]Qu’en déduisez-vous ?[véracité des faits rapportés]

3 : Comment expliquer ?[fête de Noël, 1914…]

Une affiche vierge est placardée pour noter les « hypothèses » à formuler après les échanges sur les travaux de chacunNotation des remarques

Collectif

Validation des hypothèses et amorce de conclusion

5 min

Retour sur :

* quelques remarques contenues dans les lettres [le froid, les cadavres, les marches nocturnes autour d’Ypres détruite, etc.]

* la prise de conscience de l’inhumanité de cette guerre et de la fraternité entre les hommes.

Conclusion et mots clés pour une trace écrite 5 min

Qu’avons-nous découvert ?

Que devons-nous retenir ?

Mots clés pour une trace écrite : * énormité des pertes* peur et souffrance du combattant* regret de la « Belle Époque » symbolisée par la fête de Noël

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c. Proposition de séquence pour le collège

Les principes en arrière-plan de ces propositions sont les mêmes que pour l’école primaire.Sauf que le thème demande que l’on évoque : * Verdun, Clemenceau, l’armistice, mais aussi : * le génocide des Arméniens, * la révolution russe de 1917 et Lénine.

Titre de la séance « Problématique » Objectifs de la séance

Séance no 1Sarajevo et ses implications

Pourquoi l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand conduit-il à une guerre mondiale ?

– Rappeler l’événement déclencheur de la Grande Guerre

– Donner un état des lieux géopolitique de l’Europe en 1914

Séance no 2De la Marne à la Marne Comment évolue la guerre ? Découvrir les transformations

dans la manière de se battre (guerre de mouvement, guerre de positions, guerre mécanique)

Séance no 3(développée en suivant)

Vivre au front Comment le « poilu » a-t-il subi/réagi ?

Des fraternisations de 1914 (celles de Noël) aux grèves des combattants (démontrant la colère et la lassitude des soldats) de 1917

Séance no 4 À l’Est, quoi de neuf ? Comment les Russes et les Ottomans ont-ils fait la guerre ?

– Le génocide arménien– Les révolutions russes– Lénine

Séance no 5 L’année 1918 Comment les Alliés ont-ils gagné ?

– Clemenceau– Foch et les chars

Séance no 6Bilan de la Grande Guerre Quelles ont été les

conséquences d’un si long conflit ?

– Le traité de Versailles – La nouvelle carte de l’Europe– « L’Europe suicidée »

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Intitulé de la séance :Vivre au front

Prérequis: * connaître les grandes phases de la guerre ;

* savoir ce qu’a été Verdun ;* savoir lire, en historien,

un document

DéroulementActivités Supports pédagogiques Durée Attendus

Introduction :1 : rappel des connaissances acquises lors de la séance précédente (en particulier Verdun)2 : titre et objectifs de la séance3 : représentations des élèves sur la vie du « poilu »

Interrogations orales

Aujourd’hui, je voudrais savoir comment le « poilu » a réagi à ces conditions de la guerre.

Carte de géographie historique montrant l’évolution des fronts

Une affiche est faite qui doit rester au vu de toute la classe

10 min Le tragique de la vie dans les tranchées

Révolte, insoumissions,fuite, etc.

DéveloppementLes « fraternisations »Ex. : celles de Noël 1914

J’ai un jeu de textes de soldats. Chaque groupe aura un des textes. Je vous propose de l’analyser.C’est-à-dire : 1 : qu’est-ce que ce texte ?2 : qui l’a écrit? Quand ? Où ?3 : que dit-il ?4 : quelle interprétation en donneriez-vous ?

Qui me dit ce que j’attends de chacun ?

Chaque groupe reçoit : * un des textes* une affiche pour noter les

réponses aux questions

10 min – Ce sont des documents privés

– La date (« Noël »/fin décembre 1914)

– Le lieu (un bout de tranchée en Flandres, près d’Ypres)

– La situation (des chants de Noël, des échanges de « cadeaux », une partie de football)

Retour du travailAffichage des réponses

Que remarquez-vous ?Quelle interprétation faites-vous ?

Affiches au tableau 10 min – Les faits rapportés ont eu lieu

– La lassitude de la guerre – La nostalgie de l’arrière

et de l’avant-guerre – Échec, car les combats

continuent

1er moment de synthèse

Donc, les soldats, fatigués par les conditions de la guerre, choqués par les tueries, se souviennent qu’ils sont des hommes et profitent de Noël pour « fraterniser » entre combattants de toutes nationalités.

Mots clés à noter :* extrême dureté des combats* lourdeur des pertes* lassitude du soldat* regret/nostalgie du temps

de paix* Noël et fraternisation

5 min

Proposition pour la séance no 3 : des fraternisations de 1914 aux révoltes de 1917

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Transition : Et pourtant la guerre continue, encore plus horrible. À Ypres sont utilisés les premiers gaz asphyxiants, puis les lance-flammes, etc. (rappel des combats de Verdun)

5 min Échec : 1 : opposition des états-

majors2 : la guerre continue

Quelle a été la suite de ces mouvements de « fraternisation » ?

1 : 1res réponses des élèves (« savoirs déjà là » comme représentations)

2 : faire écouter La Chanson de Craonne

3 : distribuer un récit sur les mutineries de 17

10 min La fuite, le refus, l’insoumission, la révolte (= « mutinerie »)

Les mutineries

Mais comment les soldats peuvent-ils faire savoir qu’ils n’en peuvent plus ? Qu’ils en ont assez de cette guerre ? De la manière dont elle est faite ?

Comment peuvent réagir les autorités ?

Distribuer un document sur les mesures prises par le général Pétain : tribunaux militaires pour les « meneurs », prises en compte des revendications des combattants (sur les permissions, sur la nourriture, sur les attaques, etc.)

10 min Répression et écoute : les mutineries cessent mais la guerre continue

2e temps de synthèse sur les mutineries

Synthèse générale sur :1 : la violence faite aux soldats,2 : les mouvements

de fraternisation3 : les mouvements de mutinerie

Ouverture sur la leçon suivante : « À l’Est, quoi de neuf ? »

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Courte bibliographie indicative

Pour le professeurOuvrages de synthèse :

AUDoIN-RoUZEAU (Stéphane), BECKER (A.), 14-18, retrouver la Grande Guerre, Folio Histoire, 2003.CAZAlS (Rémy), La Grande Guerre, pratiques et expériences, Privat, « Regards sur l’histoire », 2005.CAZAlS (Rémy) et loEZ (André), 14-18 vivre et mourir dans les tranchées, Texto, 2012. DURoSEllE (Jean-Baptiste), La Grande Guerre des Français 1914-1918 : l’incompréhensible, Perrin, « Tempus », 2003.KEAGAN (John), La Première Guerre mondiale, Perrin, 2003 pour la traduction française.KEAGAN (John), Anatomie de la bataille, nombreuses rééditions (Perrin, 2013 pour la dernière).loEZ (André), 14-18, les refus de la guerre, une histoire des mutins, Folio Histoire, 2010. PRIoR (Robin) et WIlSoN (Trevor), La Première Guerre mondiale, éditions Autrement-Atlas des guerres, 2001 pour la traduction française.PRoST (Antoine), Penser la Grande Guerre : un essai d’historiographie, Le Seuil, « Points Histoire », 2004.

Sur les « fraternisations » :FERRo (Marc) et CAZAlS (Rémy) : Frères de tranchées, Perrin, « Tempus », 2005.

Témoignages :La Guerre de 14-18 racontée par un Allemand, Bartillat, 2001.GUÉNo (Jean-Pierre), Paroles de poilus, lettres et carnets de guerre, Librio Document, 2013.

Œuvres littéraires sur la Grande Guerre :La Grande Guerre des écrivains, d’Apollinaire à Zweig, Folio classique, 2014.BARBUSSE (Henri), Le Feu, journal d’une escouade.CENDRARS (Blaise), La Main coupée.DoRGElÈS (Roland), Les Croix de bois.GENEVoIX (Maurice), Ceux de 14.GIoNo (Jean), Le Grand Troupeau.HEMINGWAY (Ernest), L’Adieu aux armes.JÜNGER (Ernst), Orages d’acier.REMARQUE (Erich Maria) À l’Ouest rien de nouveau.

Pour les élèves :MoRPURGo (Michael), La Trêve de Noël, Gallimard Jeunesse, 2005.PRoST (Antoine), La Grande Guerre expliquée à mon petit-fils, Le Seuil, 2005.TARDI (Jacques), C’était la guerre des tranchées, Casterman, 1993.THIERRY (Gabrielle), Carnet de poilu. Leur vie racontée aux enfants par Renefer, Albin Michel, 2013.

Autres ressources :Nous avons évoqué les monuments aux morts. On peut encore se tourner vers les archives départementales,

service public gratuit qui conserve la « mémoire » du département. On y trouvera des collections de journaux locaux, affiches et photographies, des notes, instructions, enquêtes diligentées par les services du préfet à la demande du gouvernement, parfois des archives privées (et donc des journaux de marches, des lettres, des carnets) de « poilus ».

La plupart des archives ont un service éducatif conduit par un ou plusieurs professeurs avec le concours de personnels des archives. Ce service peut aider efficacement l’enseignant(e) dans sa recherche documentaire, lui proposer des fascicules réalisés à l’occasion d’une exposition, etc.

L’Institut national de l’audiovisuel, pendant des Archives nationales pour les fonds audiovisuels, met en ligne des ressources cinématographiques : http://www.guerre1418.fr/grande-guerre-14-18-batailles

La Bibliothèque nationale a réalisé une exposition en partie accessible sur son site : http://expositions.bnf.fr/guerre14/index.htm

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1914.

Quatre soldats, sur le front : Maurice le Français, Kurt l’Allemand, Greg l’Anglais, Karel le Belge.

Chacun dans sa guerre, dans sa tranchée, sous la mitraille, dans le froid, dans la boue. Et puis vient la nuit de Noël. Ennemis de toujours, ils deviennent frères d’un soir.

Dans une lettre, un carnet, ils racontent.

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