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Dossier NRP juin 2011, n°8 Société L’Internet au secours des Algériens Djedjiga Rahmani Economie L’argent d’abord, l’amitié plus tard Chawki Amari Droit Avec l'intervention en Libye, l'ONU a démontré sa partialité légendaire Oumar Thiam Mémoire Que reste-t-il de Boumediene? Cherif Ouazani Printemps arabe : « Thank you Facebook ! »

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Dossier

NRP juin 2011, n°8

Société L’Internet au secours des Algériens

Djedjiga Rahmani

Economie L’argent d’abord, l’amitié plus tard

Chawki Amari

Droit Avec l'intervention en Libye,l'ONU a démontré sa partialité légendaireOumar Thiam

Mémoire Que reste-t-il de Boumediene?

Cherif Ouazani

Printemps arabe :« Thank you Facebook ! »

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NRP,juin 2011, n°8

SommaireN° 8 juin 2011

La NRP est la nouvelle formule de la « Revue de presse »,

créée en 1956 par le centre des Glycines d’Alger.

[Attestation du ministère de l’information: A1 23, 7 février 1977]

Revue bimensuelle réalisée en collaboration avec le :

Ont collaboré à ce numéro

Farid BELGOUMBernard JANICOT

Hizia LAKEDJAFayçal SAHBI

Mehdi SOUIAHLeila TENNCI

Houari ZENASNI

CENTRE DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET SOCIALE

3, rue Kadiri Sid Ahmed, Oran • Tel: +213 41 40 85 83 • Courriel: [email protected]

Site web: www.cdesoran.org

Si vous voulez recevoir gracieusement les numérossuivants de la Nouvelle Revue de Presse, envoyez-nous un message à l’adresse suivante:

[email protected] idées exprimées dans les textesrepris par la NRP n’engagent que laresponsabilité de leurs auteurs

Dossier:

Printemps arabe : « Thank youFacebook ! »

Facebook compte 1,2 million d’utilisateurs enAlgérieMadjid Makadhi, p.4

Google par-ci, Facebook par-là, Youtube del'autreMohammed Beghdad, p.5

Blogs et liberté d’expressionPamela Chrabieh Badine, p.6

Internet bouleverse-t-il les rapports sociaux?Igor Martinache, p.7

Enquête: la «ligue @rabe»Pierre Boisselet, p.7

SociétéL’Internet au secours des AlgériensDjedjiga Rahmani, p.8

Maroc: La vie en tramMehdi Michbal, p.9

EconomieL’argent d’abord, l’amitié plus tardChawki Amari, p.10

36,3 millions d’habitants en Algérie, p.11

DroitAvec l'intervention en Libye, l'ONU a démon-tré sa partialité légendaireOumar Thiam, p.12

Hommage à Mohand Issad, Architecte des ré-formesFarid Abdeladim, p.13

MémoireAu cœur de l’autrefois, A propos du livre de: «El qaçba, Zeman » de Kaddour M’HamsadjiAbderahmane Zakad, p1.4

Que reste-t-il de Boumediene?Chérif Ouazani, p.15

Bibliographie, p.16

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NRP,juin 2011, n°8

EditorialPrintemps arabe : « Thank you Facebook ! »

Alors que l’on est « déjà » au 8ème numéro de la NRP, il y aune certaine tendance qui se confirme : Certains dossierssont plus « faciles » à monter que d’autres ; il existe dessujets qui s’imposent, qui percent, qui pointent leur boutde pensée, et ils ne vous abandonnent pas avant que vous

ne les couchiez sur papier blanc ou écran noir. Ils sonnent comme une urgence, presque comme uneévidence.On dit « presque », parce que la question que tente d’entrainer ce numéro est loin d’être irrécusable.S’il on a énoncé le titre de cette façon qui semble quasi-péremptoire, sans que l’on met de pointd’interrogation - chose qui aurait pu atténuer le ton du dossier, voire même le remettre en question– c’est qu’on assume ce choix. « Un choix assumé » est un pléonasme. « Un éditorial subjectif » en estun autre. Ceci n’est pas une analyse. Ceci n’est pas un compte-rendu. Ceci est un éditorial.Il est parfois plus utile d’approcher un évènement politique par son côté humoristique que par sonsérieux. Il est plus spontané et moins conditionné par les appareils médiatiques. Il s’avère égale-ment souvent plus significatif. Pendant le soulèvement populaire en Egypte, au début de l’année, quia provoqué la chute de son Raïs, on racontait à qui veut l’entendre une courte histoire satirique, quirésume, sans réduire, l’image que se faisaient les égyptiens de « Facebook ». Cette histoire met enscène deux hommes qui paraissent peu cultivés et surtout très atteints par les ravages de la bou-teille. Le premier interrogea le second au sujet de cette nouvelle chose que l’on appelle Facebook.Celui-ci répondit, non pas sans flegme : « C’est un truc avec lequel on chasse les présidents dans nospays ! »Si l’on a très vite désigné ces révoltes populaires comme étant une sorte de révolution facebook,c’est qu’il y a une part de vérité dans ce constat. L’histoire des nations est faite de succession derévoltes et de révolutions, mais ce qui caractérise les révolutions tunisienne puis égyptienne (dansun ordre chronologique) c’est qu’on a eu recours à de nouvelles technologies et à des médias «virtuels » dont les répercussions et les conséquences ont étaient, elles, bien réelles. En fait, ces « révolutionnaires électroniques » n’ont été que le prolongement d’un combat qui ger-mait déjà au sein de leurs sociétés et qui était en gestation depuis bien longtemps. Facebook, ou toutautre réseau social sur internet, n’est pas la cause de la révolte des peuples arabes, il n’en est qu’unde ses outils. Il y a eu bien d’autres peuples qui se sont auparavant révoltés, sans qu’ils aient eurecours à internet, à commencer par la révolution iranienne contre le Shah jusqu’à la révolte desjeunes d’octobre 88 en Algérie.Pourtant ces réseaux sociaux ont été décisifs au moins pour deux raisons. D’abord par leur capacitéà rassembler et à « mettre en lien » des points distants qui ne se seraient peut-être jamais rencontréssans l’aide de cet outil ; De plus, ces réseaux ont garanti plus de visibilité à ces mouvements populai-res. Les deux révolutions ont atteint leurs objectifs notamment grâce à l’image que l’on a véhiculéed’elles. La révolution égyptienne fut presque « belle » même sur un plan strictement esthétique. Ellefut héroïque sur un plan symbolique. Facebook, tweeter, ou encore youtube n’en sont pas étrangersà tout cela.Enfin, ces deux révolutions ont été également une réponse éloquente à des clichés générationnels,vieux comme le monde, et qui ont la peau dure…comme tous les clichés. Dans l’histoire du rapportentre l’homme et ce « monde virtuel » que sont les réseaux sociaux, il y a eu quasiment un avant et unaprès « printemps arabe ». On dénombrait plus les pamphlets qui les jugeaient nocifs. Ils étaientsynonymes de perte de temps et d’abrutissement des jeunes gens. Hormis quelques voix discordan-tes, on est aujourd’hui loin de ce discours, devenu par la force des choses et des faits, incommode etdémodé. Ces e-révolutions réfutent un certain discours générationnel dominant, qui s’appuie sur lanégation du présent au bénéfice du passé , dans le cadre du « Avant c’était mieux » Pour légitimerdes logiques de domination d’ordre culturel et de nature paternaliste… Le printemps arabe est,avant tout, l’histoire « d’une bande d’adolescents boutonneux » qui ont fait chuter des régimesautoritaires des plus pugnaces et ont marqué de leur empreinte l’histoire du combat des peuplesdans leur long chemin vers la liberté. S’ils ont fait cela, c’est qu’ils ont appris, de ce « monde virtuel», une leçon essentielle : rien n’est plus désormais impossible.

Fayçal SAHBI

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NRP, juin 2011, n°8

DOSSIER

Ce que l’étude Webdialn@ révèle de particulièrementfrappant, c’est l’incontestable percée des réseaux so-ciaux, tels que facebook ou Twitter, pour ne citer que lesplus connus. Pas moins de 32% des internautes déclarentse connecter pour accéder aux réseaux sociaux.Le grand gagnant de ce marché très porteur est sansconteste facebook, qui totalise 70% des connexions à desréseaux sociaux en Algérie. Chiffre à retenir : facebookcompte 1,2 million de membres algériens», notent lesauteurs de cette étude des usages et perceptions desinternautes algériens. Cette enquête, qui s’est étalée surquatre semaines (19 juillet-21 août 2010), a concerné unéchantillon de 18 064 internautes qui ont répondu à unquestionnaire électronique publié sur plusieurs sites webalgériens.«Ideatic et Med&Com ont réalisé la plus grande enquêtejamais menée en Algérie», explique la même source.Selon l’étude, l’utilisation des technologies de l’informa-tion et de la communication (TIC) se généralise dans lasociété algérienne et se propage à présent à travers les48 wilayas du pays.«Loin d’être un effet de mode, la prise de consciencecollective de l’importance des TIC est en train de s’an-crer chez nos concitoyens», commente-t-on encore. Ledéveloppement de l’ADSL a influé positivement sur lapénétration de l’internet en Algérie.«Alors qu’en 2009, la région centre du pays comptabili-sait, à elle seule, 50% des internautes, en 2010, la donne achangé. D’autres régions ont profité du développementde l’ADSL. Ainsi, la région Ouest compte 21,8% desinternautes contre 15,68% l’année dernière. Il en est de

même pour le Sud qui passe de 9,36% à 12,4% cette an-née», lit-on dans le même communiqué.

Le faible débit mis en causeL’enquête en question relève que les Algériens préfè-rent se connecter chez eux ; ils représentent 77% de latotalité des internautes. «Plus de 50% des foyers équipésregroupent au moins trois utilisateurs», précise-t-on. Maisle débit ne suit pas. «52% des internautes disposent d’uneconnexion égale ou inférieure à 256 Kbits/seconde, cequi est largement insuffisant pour le type de contenusproposés aujourd’hui sur Internet, que ce soit des vidéos,des jeux…», ajoute-t-on.Si Internet est utilisé largement par les étudiants, cetteenquête note que les structures d’enseignement, en Al-gérie, sont faiblement connectées. «Ils ne sont que 9%des étudiants algériens à se connecter depuis leur lieud’étu des», expliquent encore les auteurs du sondage.S’agissant des habitudes de connection, les internautesalgériens sont des «internet addicts» puisqu’ils sont 66,7%à se connecter plusieurs fois par jour, dont 40% se con-nectent plus de 20 heures par semaine.Internet a tendance aussi à surclasser les médias tradi-tionnels, puisqu’il devient l’outil d’information numéro 1des internautes algériens. «74% des internautes algériensdéclarent préférer Internet comme outil d’information»,lit-on aussi dans ce document. Ce sondage révèle égale-ment l’existence d’une nouvelle habitude chez les Algé-riens : la consultation des publicités sur Internet : «Lesinternautes algériens sont très tentés de cliquer sur lesbandeaux publicitaires qui s’affichent au cours de leurnavigation.»

Facebook est très prisé en Algérie. Le premier réseau social au monde cartonne dans notre pays, où ilcompte actuellement 1,2 million d’utilisateurs.C’est ce qui ressort d’une enquête, Webdialn@, réaliséepar deux entreprises algériennes spécialisées dans le conseil en webmarketing (Med&Com) et les solu-

tions logicielles (Ideatic) dont les résultats ont été rendus publics hier.

Madjid MAKADHI

Facebook compte 1,2 million d’utilisateursen Algérie

19 mars 2011

Facebook en chiffresDate de création : février 2004.Valorisation actuelle : 33 milliards dedollars (estimation), soit 23,6 milliardsd'euros.Nombre de membres : entre 500 et550 millions [dont 1,2 millions en Al-gérie].Couverture géographique : 207 paysou territoires sont couverts.Taux de pénétration : dans 17 pays,plus de 30 % de la population (pas seu-lement les internautes) est connec-tée.Nombre moyen d'amis : 130 parmembre.

Source: Le Monde Magazine 10.10.2010

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NRP, juin 2011, n°8

DOSSIER

Mohammed BEGHDAD

Inimaginable il y a quelques mois seulement ! Une jour-née parlementaire sur le thème «Réseaux sociaux enligne: analyse, enjeux et impact» a été organisée en celundi 9 mai 2001 au sein de l'Assemblée Populaire Natio-nale. Une première pour cette institution.Comme le rapporte la presse, cette rencontre a été ani-mée par des parlementaires, des journalistes, des cher-cheurs universitaires à laquelle avaient pris part égale-ment des ministres, des représentants du mouvementassociatif, des étudiants, des professionnels et des ex-perts de la communication. Il semble que cette journéeait été programmée un peu dans la précipitation car rienn'avait filtré sur les préparatifs et surtout sur le choix desinvités. Il aurait été souhaitable que cette journée soitdiffusée en direct et en rediffusion sur les antennes de latélévision nationale pour la faire ressortir de sa coquilleet de sa torpeur actuelle. On pourrait quand-même trou-ver une tranche d'horaires dans une télévision où les re-diffusions à la sauce turque et mexicaine font un mal-heur à longueur de l'année. Sans les révolutions arabes,ce sujet serait resté sans aucun doute aux oubliettes etconstitué un tabou pour l'éternité mais un vent vient desouffler sur notre pays et sur le peuple avide de nouvel-les libertés synonymes de ces nouvelles technologies del'information et de la communication. Sans l'anticipation,cette brise peut être suivie d'un ouragan si l'on ne s'inté-resse pas plus particulièrement aux problèmes de la jeu-nesse algérienne et des algériens en général.Au fait, il n'y a pas que les jeunes qui pullulent dans lesréseaux sociaux. Les plus âgés sont aussi des abonnésdu célèbre Facebook dont l'audience est en train d'ex-ploser exponentiellement. Il est sans doute plus puissantque le président des Etats-Unis lui-même. D'ailleurs,Barak Obama l'avait subtilement utilisé en plus de Twitterpour devenir président de l'actuelle première puissancemondiale contrairement à son adversaire, le vieux McCaine qui misait beaucoup plus sur les médias tradition-nels. Les jeunes ont encore une fois fait la différence.C'est pour vous signifier l'ampleur que sont en train deprendre les réseaux sociaux sur la politique des TIC. Ontrouve de tous, des universitaires, des journalistes, desreprésentants de la société civile, des anonymes, deschômeurs, etc.. Enfin toutes les tranches d'âge des al-gériens avec une forte représentativité des jeunes.

Les collégiens, les lycéens et les étudiants sont devenusde varis adeptes, des facebookiens très assidus. Ils pas-sent beaucoup plus de temps que devant un écran deTV. Ils racontent tous leurs problèmes sur ce réseau quiest devenu un immense défouloir pour nos jeunes qui netrouvent aucun remède à travers le média traditionnel,qui se croit à travers l'ENTV, tenir en haleine tous les al-gériens. Le journal télévisé de 20 heures qui était, autre-fois, le moment fort et privilégié de l'audimat, estabondonné sans cesse. Chacun peut vérifier cela sur sespropres enfants. On jette de temps à autre un coup d'œilpour voir si les choses ont changé mais brusquement onrepart bredouilles plus que jamais chassés.Les journaux consacrés aux pays du Maghreb d'Al-Jazeera et celui de France 24, ont plus de saveur. Ils abor-dent tous les sujets que ne peut le faire l'unique qui se

croit être toujours le nombril de l'Algérie lorsqu'on écoutele ton solennel de ses speakers, à part peut-être pourquelques nostalgiques qui la regardent beaucoup pluspar contrariété que par conviction.Pendant ce temps, Google, Facebook, Twitter, Youtube,DailyMotion et j'en passe, déroulent tranquillement surun terrain laissé vierge par nos gouvernants et en écra-sant tout sur leur passage. On peut lire une chroniqued'un journaliste avant qu'elle ne soit ou pas publiée dansson journal. C'est une peine perdue à l'avance. Nous nesommes plus comme l'ère d'avant. Il existe l'avant etl'après internet où l'on pourrait retrouver son maîtred'école dont on a perdu les coordonnées depuis plus de40 ans. Nos étudiants et lycéens possèdent presque tous uncompte sur le numéro un des réseaux sociaux. C'est unengouement sans limite. Ils échangent tout entre eux,les informations dans leurs moindres détails. Ils déjouenttoute manipulation en une seconde. Ils sont connectésen permanence. On a tous vus comment les étudiantsont géré leur dernière grève. Ils filment tous sur leur pas-sage, toujours avec leurs téléphones portables prêts àbondir et photographient toute scène suspecte et miseaussitôt en ligne à la célérité de la lumière. On ne peutrien faire contre cette nouvelle génération Facebook quiest en train de nous surpasser en tous. Il faut juste setourner vers eux et les comprendre comme on le faitdans les pays outre-méditerranée. Ils peuvent mettre endérision n'importe quelle personnalité, politique, spor-tive ou artistique. Leurs critiques sont acerbes et les cari-catures constituent leur terrain favori. Ils ont créé leurpropre journal des guignols sans qu'ils ne passent pasaucune censure ni ciseaux à l'ancienne. Ils n'ont aucunelimite sauf celle de l'éthique et de la déontologie lors-qu'ils n'agissent pas en anonymes. Ils ne reculent devantrien. Ils ont les mains et les doigts libres pour cliquer surune icône sans aucune retenue, comme ils le désirent. Ilsuffit de prendre leurs responsabilités. Ils peuvent briserune carrière promise sans aucun remord. Attention, lagénération souris est là, prête à sévir.Autrefois, ils avaient besoin d'une autorisation spécialepour se réunir, pour discuter. Plus maintenant, ils peu-vent discourir sans passer par un quelconque agrément.La création d'une association n'est plus un parcours ducombattant en faisant la chaîne et demander des ren-dez-vous d'un bureau administratif à un autre. Il suffitjuste de surfer de son Netbook et choisir entre les choixd'une page Web à une autre. Cela ne dépend plus d'unbureaucrate qui peut vous créer tous les problèmes pos-sibles et de vous mettre toutes les embûches incroya-bles pour vous éjecter de toute idée moderne.Internet a cassé toutes les barrières pour créer songroupe sur le thème que l'on veut. On peut devenir unami de n'importe quelle personnalité de la planète mêmelorsqu'il s'agit d'un président, d'un prince, d'un footbal-leur ou d'une star de pop.Un groupe sur Facebook peut traiter les problèmes enune heure plus qu'une tournée du pays de nos chefs departis rouillés dans leurs anciens dogmes. On peut mêmecréer son propre parti en un click de la souris et faireadhérer tous les êtres vivants sur la terre. Les invitationsgratuites sur ce site vous arrivent tous les jours. Vousêtes sollicités de toutes parts pour donner un avis ou un

Google par-ci, Facebook par-là, Youtube de l'autre

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NRP, juin 2011, n°8

DOSSIER

12 mai 2011

L’Internet est devenu un instrument essentiel deconstruction et de diffusion de l’information au niveau mondial, garantissant un certain niveau de li-

berté d’expression, même lorsque le contrôle règnecomme dans la plupart des pays arabes – hormis le Liban.Lors du premier colloque des blogueurs du monde arabeorganisé par la fondation allemande Heinrich Böll Stiftung(Zicco House, Beyrouth, Liban, août 2008), auquel nousavons participé, la conquête/reconquête de la libertéd’expression constitua un sujet majeur de préoccupa-tion. Plus de trente blogueurs et blogueuses du Liban,de l’Égypte, du Maroc, de la Tunisie, de l’Arabie saoudite,de Bahreïn, de la Palestine, de l’Irak et de la Syrie parta-gèrent leurs visions et pratiques édificatrices, mais aussileurs amères expériences avec les autorités de leurs paysrespectifs. Certains blogueurs voient leurs sites arrêtésou sont emprisonnés, voire contraints à l’exil.Toutefois, dans d’innombrables situations, les blogueursremplacent les journalistes dans leur rôle de témoins. Leblogueur égyptien Wael Abbas, par exemple, est devenuune véritable star de la blogosphère après avoir postésur son blog et sur YouTube des images de tortures dansles prisons égyptiennes. Ces documents ont conduit aupremier procès contre les forces de l’ordre égyptiennes.En ce sens, des blogueurs permettent d’accroître la li-berté d’expression. Le Saoudien Ahmed al-Omran (http://saudijeans.org/) a permis de rendre publique l’affaire deQatif, une jeune fille condamnée pour avoir été violéepar sept hommes. Le site Mideast Youth (http://www.mideastyouth.com) du Jordanien Mohamed Azraqconstitue un espace de liberté plus individuelle puisqu’il

ose enfreindre, entre autres, les tabous sociétauxcomme celui de l’homosexualité.Nombreux sont les blogueurs qui critiquent la répres-sion, la censure, les crimes contre l’humanité et ceux quimilitent pour les droits humains en général. Le blog cons-titue dans le monde arabe un nouvel outil de communi-cation pour la jeunesse et les exclus – dont les femmeset les minorités. Certains ont créé leur blog, car ils sen-taient qu’ils «?allaient exploser?» s’ils ne racontaient pasau monde ce qu’ils ressentaient, comme en Arabiesaoudite (où les femmes représentent plus de la moitiédes blogueurs du royaume), dans les Territoires palesti-niens (des blogueurs palestiniens ont affirmé vouloirobtenir la reconnaissance de leur peuple) et en Égypte(contre la persécution de jeunes membres des Frèresmusulmans). Mentionnons aussi le cas de la révélationpar des blogs d’agressions sexuelles contre des femmesau Caire, lors d’une fête religieuse en octobre 2006 ; ouen 2005 lorsque les autorités ont arrêté trois modéra-teurs de forums Internet au Bahreïn, les blogueurs ontlancé un appel en leur nom, ont posté les heures et leslieux de manifestations pour leur libération et ont conçuun système d’alerte par couleurs pour signaler le degréde proximité de leur libération ; ou encore l’exemple d’undes pionniers de la cyber-dissidence, Zouhair Yahyaoui,mort à trente-six ans en mars 2005, lequel avait fondé lesite TUNeZINE sous le pseudonyme de «?Ettounsi?» («?leTunisien?» en arabe), où il y décrivait la situation lamenta-ble des droits humains en Tunisie.

Extrait de : «Les blogs, nouvel enjeu du monde arabe»de Pamela Chrabieh Badine paru dans le Financier du

17 mai 2011

Blogs et liberté d’expression

conseil à un ami. Vous pouvez commenter n'importequelle info qui arrive sur le fil d'actualité et écrire tout cequi vous passe par la tête. On apprend à défendre et àdébattre toute idée. Vous pouvez aimer ou ne pas ne pasaimer quelque chose. Vos photos sont épluchées au plusprofond des détails.En une seconde en appuyant sur «amis seulement», ou«Amis de mes amis» ou «tout le monde», vous pouvezbalancer une information et toucher des millions de per-sonnes se trouvant sur la toile. Et comme la pageFacebook est la seconde page active à laquelle vont lesinternautes, le monde entier est à votre écoute. Un SOSest vite repéré et la traque immédiatement lancée.D'après les dernières statiques disponibles, le nombred'abonnés sur Facebook des algériens dépasseallègrement les 2 millions. Ils étaient à peine la moitié dece chiffre il y a quelques mois seulement. Leur nombrene cesse de croître en dépit du bas débit, des coupuresqui vous découragent et des points d'accès qui font dé-faut si ce ne sont pas les cybers qui se sont refaits unenouvelle agréable santé. Malgré qu'Il faut attendre desheures avant de visionner une quelconque vidéo. Pour-tant Internet n'a pas fait un bond spectaculaire dans lesfoyers.Lorsque les budgets le permettent, Il faut s'attendre danspeu de temps à un second boom dans l'utilisation desréseaux sociaux avec l'arrivée sur le marché, actuelle-ment timide due à son prix, du téléphone Iphone et de larévolutionnaire tablette d'Ipad qui sont en train de faireun tabac dans les pays dits riches technologiquement.Quant à chez nous, on entend parfois des discours quel-ques fois attirants comme celui dernièrement, à titred'exemple, du ministre de la jeunesse et des sports et de

son homologue de l'information qui nous parlent deBlogs, du phénomène des réseaux sociaux mais vite es-camotés lorsqu'on regarde la réalité de nos médias lourdsqui roulent en sens contraire. A les entendre parler, nousavons l'impression que l'on est en pleine révolution desmédias mais la réalité nous fait sursauter de nos rêves etla poudre aux yeux nous fait retourner à la périoded'avant le 17 décembre 2010.Nous avons toujours l'impression qu'il existe des forcesoccultes qui ne veulent pas du bien à ce pays et qui veu-lent gouverner à contre-sens mais ils oublient que la des-tinée va être confiée, tôt ou tard par les lois de la nature,à ces jeunes qui sont en train de faire leur révolution pourle moment virtuelle.A force de les oublier, ils ont créé leur monde à eux, leurespace pour respirer, leurs amis réels ou fictifs pour par-tager, leurs propres réseaux pour s'informer en dehorsde toute tutelle. Ils vivent en Algérie mais déconnectésdu monde des adultes et des gouvernants. Ils ont inventéleur style qui est totalement différent du monde desgrands qui les ont trop complexés. Ils possèdent leursvisions des choses qui les discernent distinctement desautres. Ils ont tout simplement généré leur propre Algé-rie en attendant que nous nous effacions un jour devantleur chemin qu'ils ont tracé.Il faudrait mieux les accompagner dans leur nouvelle ré-volution que d'être doublé, de rater l'évènement et depasser à la trappe de l'histoire.

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NRP, juin 2011, n°8

DOSSIER

Igor MARTINACHE

« Alerte ! Aziz tabassé puis disparu depuis 14h! » «Anonymous a décidé de pirater les sites du gouvernement. Ils ont besoin de vous pour identifier des

cibles. Rejoignez-les. »L’Histoire retiendra sans doute que c'est avec ce genrede courts messages, postés sur la plateforme demicroblogging, Twitter, que s’est écrite la fin du règnede Zine el•Abidine Ben Ali. Les expressions « révolutioninternet » ou « révolution Facebook », qui ont fait florèsdepuis sa fuite, sont certes exagérées - c’est d’abordsous la pression de la rue que Ben Ali et Hosni Moubarakont jeté l’éponge —, mais il est indéniable que les ré-seaux sociaux en ligne ont joué un rôle crucial en amont.Dans la diffusion de l’information notamment. C’est surces réseaux que s’est répandue, depuis Sidi Bouzid, lanouvelle de l’immolation, le 17 décembre 2010, de

Comme l‘ont encore illustré les révolutions tunisienneou égyptienne, le rôle des réseaux sociaux numériques est de plus en plus mis en avant dans les sou-

lèvements populaires. S'ils peuvent faciliter la circulationdes informations et la coordination, Facebook ou Twitterne sont des conditions ni nécessaires ni suffisantes desmobilisations et ne doivent pas occulter des facteurssocio-historiques plus profonds.Le web fournit certes de nouveaux outils délibératifs, duvote électronique aux forums politiques, en même tempsqu'il enrichit l’accès à l’information en permettant demieux confronter les sources, d'aller directement auxdocuments bruts, sans passer par des intermédiaires,mais aussi de créer des médias alternatifs comme le ré-seau Indymedia. Plus généralement, en abaissant consi-dérablement les couts d'entrée à diverses pratiques jour-nalistiques, artistiques ou scientifiques, le Web a nourriune montée des amateurs qui contestent l'hégémoniedes experts-spécialistes, ainsi que le décrit Patrice Flichy.Mais ce faisant, il développe aussi la diffusion d’œuvresmédiocres, de thèses douteuses et de rumeursinfondées, qui appellent à une plus grande vigilance.

Les présupposés d'égalité, comme le principe de neu-tralité du Net, masquent la réalité du fonctionnement duréseau. L’essentiel du trafic est concentré sur une sériede sites qui savent tirer leur épingle du jeu des techni-ques de classification des moteurs de recherche commeGoogle. Et finalement, la logique de l’audience, qui rendincontournables les intermédiaires qui trient et hiérar-chisent l'information, y conserve le même rôle que dansles médias classiques,Pire encore, l'emprise des f irmes marchandes peutmême emprunter des formes plus pernicieuses en épou-sant les nouvelles potentialités du Web collaboratif pourgagner la confiance, voire l'affection des internautesdont elles demandent à devenir les « amies » en ligne.Elles profitent dans le même temps de leur inattentionpour stocker quantité d’informations sur leur compteavec leur tacite consentement. Des données d'abord àvaleur commerciale, mais qui pourraient aussi être utili-sées à mauvais escient. Au final, Internet accentue plusqu'il ne provoque les évolutions sociales.

Mohamed Bouazizi. Les grands médias ne commence-ront à s’y intéresser qu’après les premiers soulèvementsdans la région, quand les internautes les plus branchés,eux, veulent déjà venger le « martyr ». Le régime aurabeau accentuer la censure, les images amateurs - trèscrues - des victimes de la répression se répandent à toutevitesse. Elles resteront même longtemps le seul maté-riau visuel à la disposition des chaines de télévisions étran-gères.C’est à l’appel de blogueurs influents, comme SlimAmamou (devenu depuis secrétaire d’Etat à la Jeunesseet aux Sports), que les premiers rassemblements ont lieuà Tunis. Grâce à leurs contacts tunisiens sur la Toile, quel-ques manifestants égyptiens se réuniront même (déjà!)au Caire, à la fin de décembre, en solidarité avec les habi-tants de Sidi Bouzid.

Pierre BOISSELET

Internet bouleverse-t-il les rapports sociaux?

Enquête: la «ligue @rabe»

Extraits. Alternatives économiques, n°301

Extraits. Jeune Afrique, n°2617

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NRP, juin 2011, n°8

[S

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IÉT

É]Djedjiga RAHMANI

30 mai 2011

C’est à la recherche d’un refuge oud’une échappatoire à la réalité queles Algériens passent le plus clairde leur temps sur Internet. S’ex-traire au contexte réel, aux tracasde tous les jours, demeure laprincipale motivation de ces jeunesrencontrés dans les différentscybercafés d’Alger-Centre.

La plupart des internautes reconnais-sent que leur conduite a beaucoupchangé et qu’ils ne peuvent pas passerune journée sans se connecter, mais ilsignorent tous que cet enivrement pour-rait devenir pathologique. PourKamel, un jeune universitaire, lesréseaux sociaux, notammentFacebook, lui permettent de re-nouer les liens avec ses amis,surtout avec ceux établis àl’étranger. «J’utilise Facebookpour discuter avec les personnesque je connais déjà», a-t- ilénoncé. Bien qu’il soit occupépar son travail, cet universitairene peut pas se passer del’Internet. Il profite même de lapause déjeuner pour se connec-ter. Le soir, il le fait égalementchez-lui. «Je consulte Facebookquotidiennement. J’y passe pratique-ment trois heures par jour», a-t-il af-firmé. Idem pourRedouane, un jeune de 21ans. «J’utilisele tchat tous les jours. Je passe 2 à 3heures par jour pour discuter avec mesamis d’Algérie et des pays arabes», a-t-ilprécisé. Pour certains, l’Internet est unmoyen de communication qui leur per-met d’établir de nouvelles relations etde renouer des liens avec les personnesperdues de vue. En revanche, d’autresle conçoivent comme étant un refuge.«C’est un refuge pour moi», a déclaréKamel, qui pourtant ne souffre pascomme la plupart des jeunes des pro-blèmes du chômage.

Mariage par Internet

Si les internautes rencontrés avouentqu’ils sont des adeptes de ce moyen decommunication, ils se montrent mé-

fiants vis-à-vis de certains services of-ferts par ce mode de communication,notamment les sites de mariages. Dumoins, c’est ce qu’ils déclarent ouverte-ment s’appuyant sur les arguments reli-gieux et les inconvénients de la connais-sance virtuelle. «Hram, (c’est péché), jene peux pas connaître ma femme decette façon», a réagi Redouane au sujetdu mariage par Internet. Pour ce qui estdu mariage avec les étrangères visantessentiellement les femmes occidenta-les, Redouane est catégorique : «Je nepeux pas quitter le pays à n’importe quel

prix.» Kamel, quant à lui, reconnaît avoirconnu beaucoup de personnes qui sesont mariées par Internet et dont le ma-riage a bien réussi. «Ce moyen n’est pasutilisé uniquement pour quitter le pays,j’ai un ami au Canada qui cherche à con-naître une femme algérienne parInternet», a-t-il argué.

Kamel avoue qu’il est contre la désacra-lisation du mariage, utilisé comme unmoyen pour quitter le pays. «Je ne croispas qu’on puisse connaître la personneréellement», infère-t-il. Mais, il justifietout de même ces pratiques qui sontdevenues récurrentes en Algérie : «Jeconnais quelqu’un qui s’est marié avecune femme âgée de 53 ans alors qu’iln’a que 28. Je le comprends parfaite-ment. Je suis venu d’une région (TiziOuzou), où certains universitaires n’ontjamais eu l’occasion de travailler. Dansma région, le chômage a atteint un picalarmant», regrette-t-il. Pour les filles qui

ont connu leurs conjoints par le biaisdes sites de rencontres, ellesl’avouent rarement aux amis et sur-tout à leurs parents. «Je connais cinqfilles qui ont connu leurs époux parInternet, mais elles ont dû expliquerà leurs parents qu’ils se sont rencon-trés à la fac. Elles ont peur de la réac-tion des parents», a témoignéHakima, étudiante en médecine. Qua-lifié de coup du hasard, de mensongeet d’insensé, le mariage par Internetsemble de prime abord n’intéresseraucune des personnes rencontréessur le terrain.

«Il n’y a pas de sincérité,sauf peut-être pour les sitespayants parce qu’on ne peutpas payer en euros pourjuste passer le temps», a es-timé un internaute. «Pourmoi, ce n’est pas un choix,le mariage avec les étrangè-res est un signe de déses-poir. Quand on est nau-fragé, on s’accroche à n’im-porte quoi. C’est une autreface de harga», a épiloguéun autre internaute. Toute-fois, notre inscription sur

l’un des sites de rencontres du ma-riage a révélé l’afflux de nombreuxAlgériens sur ce mode de communi-cation. Nous avons en effet reçu unevingtaine de réponses en 48 heures,ce qui dénote du paradoxe que viventla plupart des Algériens. Pourquoi ont-ils honte d’assumer leurs actes ? Ilsmanifestent pourtant de plus en plusun intérêt important à ce genre derencontres. De l’avis de certains spé-cialistes, l’Internet assure la sécuritéà ses usagées. Contrairement auxcommunications menées dans la vieréelle, sur Internet, la face del’internaute est beaucoup mieux pro-tégée. «J’utilise l’Internet pour m’ex-primer à l’aise et vaincre ma timidité»,a avoué Kamel.

Instauration des relations interpersonnelles

L’Internet au secours des Algériens

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[Tout le monde en parle, mais personne ne peut réaliser ce que va être la vie avec. Le tramwayalgérien vient de faire ces premiers pas, en effet « ce dimanche 8 mai 2011 a lieu, nous apprend la

presse nationale, la mise en service du premier tronçon du tramway d’Alger. Il relie Bordj El Kiffan àBab-Ezzouar, dans la banlieue est, la plus peuplée de la capitale. Réalisé avec le concours d’Alstom -et

d’autres entreprises-, ce tramway va contribuer à faciliter les déplacements des Algérois en attendantl’apport du métro d’Alger d’ici la fin de l’année ». En attendant la livraison de la première ligne à Oranprévue pour décembre de l’année en cours, l’équipe de la NRP vous propose cet extrait de reportage

sur « la vie en tram » dans une réalité similaire à la réalité algérienne, celle du Maroc.]

Ayant nécessité un investissementde 3,8 mill iards de dirhams, letramway reliant les deux rives duBouregreg a changé la face del’agglomération Rabat-Salé. Zoomsur un projet qui compte«révolutionner» le quotidien de 400000 Rbatis et Slaouis.Après trois ans et demi de galère, leshabitants de Rabat-Salé peuventenf in souffler : la «bête» est enmarche. Reliant les deux rives duBouregreg, via le nouveau pontMoulay Hassan, le tramway sillonnedepuis une semaine les rues etgrandes artères des deux villes.Gratuitles trois premiers jours (une sorte decadeau pour les habitants de Rabat-Salé), le tram a entaméofficiellement sa phase commercialele lundi 23 mai. Et le succès était aurendez-vous : «Les trois premiersjours, les rames en circulation ont étéprises d’assaut par la population. Ona même dépassé notre capacité detransport. Mais les choses sontrevenues à la normale dès lundi»,nous conf ie Nadia Jebrou, ladirectrice de communication de lasociété du Tramway Rabat-Salé,maître d’ouvrage du projet.

«Le tram a changé ma vie»A son lancement en décembre 2007,le projet du tram n’avait pourtant pasrecueilli l’adhésion de la populationlocale. Les travaux de gros-œuvre,de déviation des voiries etd’installation du réseau ferré ontchamboulé le quotidien des Rbatis etSlaouis (les Casaouis endurenttoujours ce calvaire, lire encadré ).Cette image d’ogre encombrant faitdésormais partie du passé. Et letram, cet engin design, écolo etfurtif, est aujourd’hui plébiscité parles habitants des deux rives. «C’estça la révolution, la vraie !», lance cetétudiant slaoui, heureux d’en avoirfini avec le diktat des grands taxis etautres bus qu’il empruntait depuis

deux longues années pour se rendreà Madinate Al Irfane, quartieruniversitaire à l’autre bout de lacapitale. Autre témoignage, celuid’un cadre bancaire dont la voituredort désormais au garage et qui voitdans le tram une opportunitéd’affaires : «Mon appart’ est à deuxpas de la station du tram. Sa valeurdevrait désormais exploser…», seréjouit-il, le sourire malin.Comme lui, ce sont pas moins de 400000 habitants qui vont profiter dutram. D’une capacité de 580voyageurs par rame (dont 118 placesassises), ces véhicules tout justesortis des usines Alstom de laRochelle et de Barcelonereprésentent 10 à 12 fois la capacitéd’un bus ordinaire et devronttransporter pas moins de 6 millionsde voyageurs par an.Opérationnelles 7j/7, de 7h à 21h enmilieu de semaine et jusqu’à 23 h leweek-end, les 44 rames aujourd’huien circulation desservent lesprincipaux «points chauds» del’agglomération. Quartieruniversitaire, hôpitaux,administrations, centre-ville, garesroutières et ferroviaires… le tramratisse large. Et ce n’est que le début: une première extension du réseauà quatre nouvelles stations estprévue à partir du mois de juillet,«dès l’aboutissement des dernierstests techniques», nous signale la dir’com du projet. «Et les horaires defonctionnement seront étendus de6h à 23h, du lundi au dimanche»,ajoute-t-elle. Exit également lesdélais aléatoires (et interminables)d’attente : la fréquence de passagene dépasse pas les 15 minutes pourla première ligne et 30 minutes pourla seconde. A partir de juillet, «cedélai sera uniformisé et réduit à 10minutes pour l’ensemble desstations», promet-on.

Pour quelques dirhams de plus

Prix du ticket : 7 DH, pour unedurée de validité d’une heure, soitpratiquement le double de celuidu bus ! Trop cher ? «Oui, un peu,mais ça en vaut vraiment la peine»,assure ce Rbati. Comparé auxautobus en circulation, le tramRabat Salé est un havre de luxe !Dernier cri de la gamme duFrançais Alstom Transport, leadermondial dans le domaine, lesrames offrent un design ultra-moderne, avec une petite toucheartistique marocaine inspirée duzellije du mausolée Mohammed Vde Rabat. Dans les rames, l’odeurdu neuf prend à la gorge (du moinspour le moment) et le confort estassuré : sièges tapissés,climatisation automatique,signalisation électronique enarabe et en français… Et le nec-plus-ultra : des caméras desurveillance épient le moindre devos gestes. Liées directement auposte de commande, les imagespeuvent être consultées à toutmoment par la police suite à «undépôt de plainte ou sur demandeexpresse de la police», est-ilsignalé aux passagers dans unpetit guide d’utilisation distribuédans les différentes stations.«Même le son est enregistré»,lance, pas peu f ier, ce jeunecontrôleur, pantalon gris et vestebleue d’usage. Le tram a mêmeune boîte noire ! Pour ceux qui seplaindront toujours de la cherté duticket, une offre d’abonnementest en cours de finalisation : cartede 10 voyages, abonnement à lasemaine, abonnement mensuelou annuel seront lancés à partirdu mois de juil let. Objectifannoncé : réduire le prix moyendu voyage à 5 DH seulement. Quedemande le peuple ? [...]

Maroc: La vie en tramMehdi MICHBAL

n° 475

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Chawki AMARI

Près de 700 entreprises françai-ses et algériennes se sont réuniesà Alger le 31 mai 2011 pour fixer4.300 rendez-vous économiques.La hache de guerre est momen-tanément enterrée pour déter-rer à la pelle contrats et projets.

Par consentement mutuel, le prési-dent algérien Abdelaziz Bouteflika,qui a peur d'être lâché par tout lemonde, se rapproche de son homo-logue français Nicolas Sarkozy, qui luia toujours peur de manquer d'argent.Lune de miel financière pour mariagede raison, les deux pays ont trouvépour un temps un terrain d'entente,comme dans un divorce où l'argentsert à acheter la paix et à dépassion-ner les débats. Ce premier Forum departenariat Algérie-France, selon l'in-titulé officiel, n'est pas un hasard —et les deux parties sont gagnantessur ce resserrement.En perte de vitesse comme la plupartdes autocrates arabes encore de-bout, le président Bouteflika a besoind'alliés, et, en bon politicien, il saitque l'argent sert à s'acheter des sou-tiens, à défaut d'amis. Pour la France,tout contrat est bon à prendre entemps de crise, le président Sarkozys'étant aperçu que la part françaisedu marché algérien était passée en20 ans de 25% à 15% et réalisé qu'ilpouvait lui échapper. Economique-ment, c'est donc «l'opération la plusimportante» depuis deux ou trois ansselon Christophe Lecourtier, direc-teur général d'Ubifrance, l'agencefrançaise pour le développement in-ternational des entreprises.Des projets et des accords spectacu-laires, parmi lesquels le rachat parSaint-Gobain du leader de la verreriealgérienne Alver, l'entrée de l'assu-reur français Axa en Algérie etd'autres fusions et joint-venturescomme une usine de montage deRenault pour produire 150.000 véhi-cules avec un taux d'intégration de50% (1 milliard d'euros d'investisse-ment), un vapocraqueur d’éthaneavec Total et Sonatrach, l'entreprisepublique pétrolière algérienne (5 mil-liards d'euros d'investissement), unpartenariat Alstom-Ferrovial et unautre entre Lafarge et le groupementGica, auxquels il faut ajouter uneunité de production pharmaceutiqueSanofi-Aventis. Des tonnes d'anxio-

lytiques, pour deux hypertendus.

Le temps des silencesSigne révélateur, lors de ce Forumles consignes ont été strictes de partet d'autre: entre les discussions, lessignatures et les applaudissements,en France comme en Algérie rienn'est venu gâcher la découpe du gâ-teau. Pas un mot sur la guerre d'Al-gérie, les crimes coloniaux ou surl'ouverture des archives dont unenouvelle partie sera accessible en2012.La France est le premier investisseurhors hydrocarbures en Algérie, avecses 30.000 expatriés y vivant, la ma-jorité travaillant pour le compte deprès de 400 filiales d'entreprises fran-çaises qui s’activent dans ce pays ré-puté difficile. L'Algérie, avec ses 27milliards d'euros d'importations pour2010, reste un bon client, et la Franceest son premier fournisseur. Ce qui apoussé le président Sarkozy, talonnépar la Chine en forte progression(deuxième fournisseur pour l'Algé-rie avec 4,69 milliards de dollars —6,14 milliards de dollars pour la Franceavec 13% du marché en 2010), à dé-fendre ses chasses gardées et mêmeà nommer un «Monsieur Algérie» enla personne de Jean-Pierre Raffarin,ancien Premier ministre, qui s'estrendu plusieurs fois en Algérie.Les deux parties sont donc utilesl'une à l'autre, et pour un temps onaura oublié les sujets qui fâchent,guerres de l'histoire et du présent ouessais nucléaires au Sahara, libre cir-culation des personnes (problémati-que des visas) et hostilité anti-immi-grés en France. Bref, l'impossible ré-conciliation avec la demande de re-pentance pour les crimes coloniauxd'un côté, l'outrecuidance d'un sup-posé rôle positif de la colonisation del'autre. Si ce forum est une «réussite»pour les deux acteurs, politique-ment, tout reste au point mort. Pourl'Algérie, il s'agit de camper au bi-vouac de la nostalgie d'un passé hé-roïque pour faire oublier le triste pré-sent aux Algériens; pour la France,de dormir sur son glorieux passéd'empire et ne pas s'éloigner desélecteurs du Front national en prévi-sion des prochains scrutins qui s'ap-prochent —à pas de loup.

Binationalité, le maillon faibleComme dans un divorce, l'argentpeut diluer les tensions mais ne rè-gle pas le problème de la garde des

enfants. Il ne s'agit que de mar-chés; les passerelles sont dès lorssuperflues, le producteur parlantdirectement au consommateur.C'est dans cet esprit que les dé-tenteurs d'une double nationalité,algérienne et française, sontaujourd'hui stigmatisés en France,alors qu'ils devraient être, aumoins par rêverie, ce pont entreles deux rives. C'était la dernièreillusion: le mariage de raison en-traînera donc un lâchage des en-fants mixtes, qui seront probable-ment remis à l'assistance.Sur ce coup et toujours dans laperspective de la présidentielle de2012, l'extrême droite a été re-jointe par l'UMP (l’Union pour unmouvement populaire, le parti deNicolas Sarkozy), dont une partiesoutient ce débat sur l'exclusivitédes nationalités. Tout le mondel'aura compris, il ne s'agit bien sûrpas de s'en prendre aux Françaisqui ont la nationalité américaine ourusse, ni à ceux qui possèdent lanationalité israélienne, mais à ces«4 millions», selon Marine Le Pen,de «Français possédant la nationa-lité algérienne».La nouvelle star du populisme durrejoint d'ailleurs sur ce point le pré-sident Bouteflika, qui il y a quel-ques années s'étonnait que l'onpuisse avoir plusieurs nationalités,fustigeant les binationaux algéro-français ou franco-algériens selonle point de vue. L'histoire n'est pasallée bien loin; aucun débat n'a eulieu et aucun projet de loi n'a étéenvisagé —contrairement au côtéfrançais, où l'on songe de plus enplus à légiférer sur cette dualité quiirrite.L'amitié c'est bien beau, mais, parglissements progressifs, il ne s'agitplus que d'argent et de contrats.Pour la France de droite et d'ex-trême droite, il n'est plus questionque chacun reste chez soi mais depousser maintenant à choisir soncamp de manière exclusive, po-sant un véritable problème auxenfants de couple mixtes, déjàpassablement schizophrènes. Ladernière passerelle va peut-êtretomber.

L’argent d’abord, l’amitié plus tard

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L’Algérie comptait 36,3 millionsd’habitants au 31 décembre2010, dont 50,6 % de sexe mas-

culin et 49,4% de sexe féminin, se-lon l’Office national des statistiques(ONS), indique l’APS.Le 31 décembre 2011, la populationalgérienne devrait être supérieurede quelque 800.000 âmes pour at-teindre 37,1 millions d’habitants, pré-voit cette source. Le bilan démogra-phique issu de l’exploitation des bor-dereaux numériques de l’état civilfait ressortir, en 2010, l’enregistre-ment de 888.000 naissances vivan-tes, 157.000 décès et 345.000 ma-riages.Au premier juillet 2010, la populationrésidente totale était estimée à 36,0millions d’habitants faisant que l’ac-croissement naturel vient de fran-chir le seuil des 2 %, soit +731.000personnes en 2010 contre +690.000en 2009. Selon l’ONS, la structurede la population par âge et par sexeest marquée par une légère baissedu pourcentage des moins de 15 ansqui passe de 28,2% en 2009 à 27,8%en 2010.Néanmoins, la part de la populationâgée de moins de 5 ans continued’augmenter, passant de 10 % à 10,7% durant la même période, alors quela population en âge d’accomplirune activité économique (15 à 59ans) se stabilise autour de 64,5 %.Par ailleurs, il est observé que la partdes personnes du troisième âge (60ans et plus) a connu une légère aug-mentation par rapport à celle rele-vée en 2009, passant de 7,4% à 7,7 %soit un effectif de 2.785.000 person-nes. Enfin, la population féminine enâge de procréer (15-49 ans) est esti-mée à 10,2 millions de femmes.L’année 2010 était marquée essen-tiellement par une augmentationimportante du nombre de naissan-ces, une légère diminution du vo-lume global des décès et une pro-

gression modérée des mariages, re-lève l’ONS.L’Algérie a enregistré durant la mêmeannée, 887.810 naissances vivantesréparties en 454.037 de sexe mascu-lin et 433.773 de sexe féminin, soit unrapport de 105 garçons pour 100 filles,a précisé la même source.

ACCROISSEMENT DE 4,6%Comparativement à 2009, le nombrede naissances vivantes a connu uneaugmentation de près de 39.000âmes, ce qui représente un accrois-sement relatif de 4,6% ainsi. Le tauxbrut de natalité passant de 24,07 pourmille en 2009, à 24,68 pour mille en2010.L’année 2010 a été marquée d’autrepart par une diminution de 2000 dé-cès par rapport à 2009, ce qui se tra-duit par un recul du taux brut de mor-talité qui passe de 4,51 pour mille à4,37 pour mille. Le taux de mortalitéinfantile poursuit le même rythme dediminution observé ces dernières an-

nées et passe de 24,8 pour mille,en 2009, à 23,7 pour mille en 2010,soit un gain d’un point environ.La diminution de la mortalité infan-tile et celle de la mortalité géné-rale affecte directement le niveaude l’espérance de vie à la nais-sance, qui passe de 75,5 ans en2009 à 76,3 ans en 2010 soit un gainde 9 mois. Concernant la nuptialité,l’ONS signale que l’effectif desmariages s’est accru de 1% entre2009 et 2010 contre 3% entre 2008et 2009.Pour l’ONS, cette augmentation «li-mitée» inaugure probablementune nouvelle phase caractériséepar une stagnation du volume desmariages. Le taux brut denuptialité a quant à lui subi unebaisse et passe de 9,68 pour mille,en 2009, à 9,58 pour mille, en 2010,selon l’ONS.

25 mai 2011

Statistiques au 31 décembre 2010:

36,3 millions d’habitants en Algérie

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Oumar THIAMOumar Thiam, juriste sénégalaiset doctorant à l'université deReims (France), se livre à unecritique de l’intervention mili-taire en Libye. Au-delà de lalégalité internationale desfrappes occidentales qu'il dé-nonce, ce spécialiste du droitpublic décèle dans le dossierlibyen le signe d’uneinstrumentalisation des Nationsunies par les grandes puissances.

L’Organisation des nations unies(ONU) a pour but principal de déve-lopper la coopération multilatérale etles relations amicales entre les États,mais surtout maintenir la paix et lasécurité internationales. Toutefois,en dépit de l’existence de cette or-ganisation, l’idéal d’un monde sansguerre reste toujours un mirage. LeConseil de sécurité ainsi que le sys-tème de sécurité collective qui cor-respondent « à une tentative d’insti-tutionnalisation et d’universalisationdu gouvernement de fait des gran-des puissances, n’est orienté vers lerespect du droit ni dans la façon dontil est conçu, ni dans la façon dont ilfonctionne »1.Ainsi, le Conseil a tendance à trans-former ses résolutions et décisionsen règle générale au détriment dudroit international. Autrement dit, àtravers ce Conseil de sécurité, lesgrandes puissances transformentleur volonté en légalité internatio-nale. Il est clairement et facilementconstatable que « la primauté dusystème s’enracine avant tout dansla puissance de ceux qui le dominent.Son fonctionnement n’est que peuencadré par le droit puisque, au-delàdes procédures, la qualification dessituations comme pouvant justifierson intervention est discrétionnaireet donc tributaire de l’accord desÉtats qui composent le Conseil. Ce-lui-ci peut donc devenir tout à faitarbitraire, voire être bloqué, ce quel’on a abondamment observé […] Il

peut aussi être contourné ou impuis-sant à soumettre les plus puissants »2.

Ainsi, avec la crise libyenne et la réso-lution 1973, l’ONU, à travers le Con-seil de sécurité, a démontré une nou-velle fois sa partialité légendaire.

L’inégalité de traitement des situa-tions justifiant des interventions

extérieures

Il est clair qu’il existe dans le mondedes situations dans lesquelles despopulations civiles sont soit massa-crées soit soumises à des conditionsjustifiant la mise en œuvre, de la partde la soi-disant communauté interna-tionale, du principe de la responsabi-lité de protéger.Depuis juin 2007, après l’arrivée aupouvoir du Hamas, Israël a décrétéun blocus dans la bande de Gaza.Cette situation apparaît plus commeune « punition collective » qu’unegarantie de la sécurité israélienne. Àla fois, elle constitue un crime contrel’humanité et menace la paix et lasécurité internationales. Au-delà dublocus, Israël se fait remarquer pluspar son mépris du droit internationalet des résolutions des Nations unies.On reproche à Kaddafi de n’avoir pasrespecté le cessez-le-feu imposé parla résolution. Combien de fois les Is-raéliens ont foulé aux pieds les réso-lutions du Conseil de sécurité. Maisdans le cas israélien, nous n’avonsentendu personne parmi ces gensqui s’agitent aujourd’hui pour deman-der quoi que ce soit.En Côte d’Ivoire, depuis novembre2010, quotidiennement des civils nonarmés sont massacrés par des forcespro-Gbagbo. Certainement des cri-mes contre l’humanité y sont com-mis. Mais là encore, au-delà des con-damnations usuelles et alors mêmeque des milliers de Casques bleus etde soldats français étaient sur place,les Occidentaux n’ont pas daignénous sortir cette responsabilité de

protéger, sinon in extremis. Pour-quoi ? Parce que le cacao ivoirienne vaut pas plus que les puits depétrole libyens.L’indifférence de la soi-disant com-munauté internationale au sort desGazaouis (pendant des années) etdes Ivoiriens (pendant des mois)et son attention subite à l’égarddes Libyens attestent qu’elle n’estpas une communauté en tant quetelle mais une sociétéinterétatique foncièrement divi-sée par des intérêts qui n’ont rienà voir avec l’éthique et l’idéal hu-maniste comme on veut le fairecroire. Elle reste une société inter-nationale où les plus forts déci-dent en fonction de leurs intérêts.

La différence de traitement dessituations justifiant la saisine de

la CPI

Indéniablement, des actes pou-vant relever de la compétence dela Cour pénale internationale (CPI)sont commis en Libye. Mais, nousdisons que, tant dans un passé ré-cent qu’actuellement, des crimesrelevant de la compétence de laCPI sont commis dans diverses ré-gions du monde : Israël, Irak,Guantanamo, Darfour, Côted’Ivoire, Afghanistan, Syrie, Yé-men, etc. Mais jusqu’à présent,dans la plupart des cas, la Cour n’aeu à se saisir ou n’a été saisie quedes cas africains (Ouganda, RDC,Darfour, Kenya, Libye, etc.). Il estconstatable que le deux poidsdeux mesures est très en voguedans ce domaine.Cela traduit une fois de plus, l'idéeque l’Occident instrumentalise lesNations unies pour régler sescomptes avec Kaddafi. Quoi qu'onpuisse reprocher à ce dernier,nous pensons que dans le cas d'es-pèce, il s'agit plus d'une volontéde règlement de comptes avecKaddafi que d’une action salutairepour sauver des civils. Les Occi-

Avec l'intervention en Libye,l'ONU a démontré sa partialité légendaire

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dentaux utilisent les révoltes despopulations comme prétexte pour leliquider.La présence d’États arabes dans lacoalition n’enlève en rien la natureexclusivement occidentale et impé-rialiste de cette intervention.Au total, en dépit du caractère con-damnable de la répression opéréepar les troupes pro-Kaddafi, l’inter-vention occidentale en Libye traduitplutôt le pouvoir de la puissance oc-cidentale dans le fonctionnement dusystème international et la créationde la légalité internationale. Les Na-tions unies en général et le Conseilde sécurité en particulier, demeu-rent des instruments au service despuissants qui les utilisent pour créer

des règles censées protéger les in-térêts de la « communauté interna-tionale » mais qui, en réalité, ne ser-vent qu’à conforter leur dominationdu monde.Nous ne sommes pas contre le prin-cipe de la responsabilité de protégermais il faut qu'elle s'applique à touset sans arrière-pensée. Si la soi-disantcommunauté internationale a le droitou devoir d'intervenir pour protégerdes civils, cela doit être appliqué par-tout dans le monde lorsque les situa-tions l'exigent. Or, ce n’est pas en-core le cas. En effet, la réalité desrelations internationales fait que lesarrière-pensées politiques, écono-miques, idéologiques et stratégiquessont toujours déterminantes sur le

poids des décisions des différentsacteurs. C’est pourquoi les ingé-rences extérieures s’appliquent demanières différentes « selon quevous soyez puissant ou misérable».Du coup la responsabilité de pro-téger apparaît plus comme l’ha-billage d’une ingérence pour fairetomber un dictateur et installer unrégime démocratique à la solde desOccidentaux, le tout avec la com-plicité aberrante des médias occi-dentaux.

n° 2635

Le vide laissé par le départ dece grand avocat dévoué à lacause nationale, à la construc-

tion d'un ?tat de droit, n'est guèrefacile à combler.Rapatriée de Pa-ris, la dépouille mortelle du défunt,Me Mohand Issad, a été inhumée,hier, au cimetière Zedek de BenAknoun, en présence de nombreu-ses personnalités nationales.Y figu-raient, entre autres, les générauxTouati et Khaled Nezzar, les an-ciens Chefs de gouvernement,Mouloud Hamrouche, Ali Benflis etSid-Ahmed Ghozali, ainsi que les re-présentants d'organisations off i-cielles, Abdelmadjid Sidi-Saïd del'UGTA et Saïd Abadou de l'ONM,ou encore l'ex-directeur de la Biblio-thèque nationale, Amin Zaoui. Ce-pendant, aucun membre de l'Exé-cutif n'a été aperçu au cimetière.Cequi n'est, toutefois, pas sans éviterà la cérémonie funèbre les rituelsprotocoles officiels obligeant sou-vent les riverains à se tenir au"garde-à-vous" pendant de longuesheure! s. Les confrères du défuntavocat, à leur tête le secrétaire gé-néral du Syndicat national du bâ-tonnat, Me Selleni, étaient égale-ment venus en grand nombre pourl'accompagner à sa dernièredemeure.Ceci, outre ses amis et lesgens de son village natal, Ath Ab-bas, (Tizi Ouzou), qui ont, eux aussi,tenu à rendre hommage au grandavocat que fut le professeurMohand Issad. L'émotion étaitalors à son comble.D'aucuns ne

pouvaient remettre en cause lemérite du grand homme que futMe Mohand Issad, décédé mer-credi dernier à l'hôpital de l'Hôtel-Dieu, à Paris, à l'âge de75 ans, dessuites d'une longue maladie. Levide laissé par le départ de ce grandavocat dévoué à la cause nationale,à la construction d'un ?tat de droit,n'est guère facile à combler. "Ilnous laisse un grand vide ; il étaitune référence pour nous, les avo-cats ; il était le premier professeuralgérien agrégé. Son patriotismeétait exemplaire. Son combatn'était autre que celui de construireun ?tat de droit. C'est ! vraiment unegrande perte pour l'Algérie", a dé-claré Me Sellin! i, en guise de recon-naissance à celui qui fut son profes-seur à l'université d'Alger.La thèsede doctorat du grand professeur,rappelle le représentant du bâton-nat, est jalousement gardée à labibliothèque du Congrèsaméricain.De son côté,Abdelmadjid Sidi-Saïd, secrétairegénéral de l'UGTA, n'est pas prèsd'oublier les louables services ren-dus par le défunt maître à l'Algérie.Il atteste que"Me Issad a toujourshonoré ses engagements ; il a rendude louables services à la nation, auniveau de tous les postes qu'il a euà occuper".Au cimetière, on déce-lait à travers toutes les "tantines"engagées entre les présents, quel'homme, le défunt Mohand Issad,était en effet, connu et reconnupour son engagement, sa conduite,

son dévouement, mais aussi etsurtout pour la constance de sespositions salutaires.Professeuragrégé en droit, spécialiste dudroit international, il faut dire quefeu Issad n'a jamais était com-plaisant avec les décideurs, lepouvoir, et ce, en dépit des post!es "sensibles" qu'il a eu à occu-per. En 1999, il a été désigné pré-sident de la Commission natio-nale de réforme judiciaire (CNRF).Quoique justes, ses conclusionsfiniront toutefois par être misesau placard. Mais il sera rappeléencore une fois, en 2001, par leprésident de la République,Abdelaziz Bouteflika, pour dirigerla commission d'enquête sur lesévènements de la Kabylie en2001.Hélas, là aussi, ses conclu-sions et autres recommanda-tions n'allaient pas connaître unmeilleur sort.Les responsabilitésqu'il avait alors situées dans sonrapport objectif sur ces malheu-reux évènements entachés à ja-mais par l'assassinat de 126 jeu-nes n'allaient pas élucider lavérité?Pour mieux comprendrel'auteur de plusieurs ouvrages etarticles (de presse), il faut surtoutle (re)lire "entre les l ignes",comme aimait-il à le répéter.

Farid ABDELADIM

Hommage à Mohand IssadArchitecte des réformes

28 octobre 2010

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(…) Ecrire sur la Casbah et ses tradi-tions (…) enfin quelqu’un allait s’inté-resser à cette cité tant criée et décriée,pour l’y pénétrer avec la raison et lecœur et non pas avec la passion stérilequi fausse le regard sclérose de la mé-moire (…) C’est là une joyeuse prome-nade, véritable labyrinthe déchiffré pourla découverte de l’immense trésor querecèle la Casbah, parfois hermétique, etqu’il faut envisager aujourd’hui commeparcelle encore vivante d’un millénairede traditions. Dans un travail de mé-moire, avec du recul, de la pudeur (…)les tableaux se retiennent d’humilité surla vie des gens (…) Il s’agit de la mé-moire d’une ville, la casbah tant aimée,tant chantée et aussi tant pleurée lors-que les dégradations commencèrent àla mettre à bas, paraphée par des mon-ticules de gravas, de soupirs et de sou-venirs (…) L’auteur remonte à la genèsede la Casbah, se posant la question del’origine exacte de la cité « El-Djazaïr »et l’abordant par « L’île aux mouettes »avant d’entamer une balade historiqueembellie par le charme de la parole hu-maine. Il nous rappelle Eikosim-Icosium.Raconte les péripéties de Zîrî Ibn Menadet de son fils Bolloghin qui fonda troisvilles : « l’une sur le bord de la mer, appe-lée Djazaïr-Beni-Mezghanna ; l’autre surla rive orientale de l’oued Chlef, appe-lée Miliana ; la troisième porte le nomde Médéa ». Il nous mène jusqu'à SultânDjezaïr de la période ottomane que l’onpeut traduire par «Alger, la ville sultane», qualifiée de « l’une des plus belles vil-les de la Méditerranée des XVIe-XVIIIesiècles ». Mais, la Casbah que l’on con-naît aujourd’hui, (…), a été commencéeen 1516 par Aroudj et achevée sous lepacha Khedar. Elle a remplacé la primi-tive Casbah berbère, « El-Qaçba el-Qadima ». Et, c’est à partir de la Casbahottomane jusqu'à celle d’aujourd’huique l’auteur analyse le site, depuis elOuata (la plaine) jusqu’au Djebel (lemont). Il s’étend sur son évolution (…)en nous décrivant la physionomie an-cienne des rues et des places, allant jus-qu’aux détails des boutiques, fontaines,édifices religieux (…) et bien sûr, de lamaison algéroise, modèle de raff ine-ment dans la simplicité. C’est un agréa-ble parcours historique qui nous est of-fert ainsi, une intrusion urbanistique enprofondeur, des arrière-boutiques d’ar-tisanat jusqu'à la vie sociale ou surgis-sent parfois des noms de rues oubliés(…) Dans la partie ethnologique (…) re-lative au mariage, aux fêtes et pratiquessociales, l’auteur tente de percer le se-cret de la formation morale (…) je mesouviens du jour ou je le trouvais per-turbé (…) En réponse à mes inquiétu-des, il me répondit qu’il n’arrivait pas à

régler un problème (…) Il s’agissait dutexte de la chanson Abqâw âlâ khir quechantait Fadila Dziria et qu’il ne trou-vait pas ! Je me proposais de lui acheterun CD. Il refusa car la chanson pouvaitne pas être l’original. Il voulait un textecertifié. Pendant plusieurs mois, il s’estdémené auprès des spécialistes. Il ren-contra Ahmed Serri et AbdelkaderChaou. Personne n’était sûr de l’origi-nalité du texte jusqu’au moment ou,après de minutieuses requêtes auprèsde vieilles dames algéroises, des infor-mations recueillies chez MohammedRéda Guechoud et un ouvrage de l’eth-nographe Joseph Desparmet (1905), ilparvint à reconstituer le texte de la po-pulaire chanson (…) Qui ne se souvient

pas de cette chanson de fin de fête, dudépart, de toujours ? Oui, un départ heu-reux, dès la nuit tombée ou les femmeslancent leurs youyous en même tempsque leurs salutations, allant et venantdans le « West-Eddar », se bousculant,pour arranger leur « Haïk m’rama ». Cesfemmes ennuagées de Khol à faire fon-dre le plus froid des dockers à la chemlad’Antan, femmes suaves et frêles maisassurées sur des chaussures noires gar-dées pour les belles occasions, femmesd’Alger, mais aussi de Constantine, deTlemcen, de Béjaïa ou d’ailleurs, femmesde chez nous(…) Non ! Ce n’est pas dela nostalgie. Ce sont là nos traditions,les unes éparses et d’autres enfiléescomme un collier de perles, sûres etdurables. Et ce qui fait le collier, ce nesont pas les perles mais le fil qui les re-tiennent, c’est-à-dire la solidarité quiunissait les femmes. C’était l’époque oules algériens savaient partager la mi-sère, l’époque où l’on se soutenait dansla peine. C’était l’époque des fêtes or-ganisées dans une cour ou dans deschambres aux matelas posés par terreet qui permettaient à la chaleur humaineet aux esprits de se transmettre par ca-

pillarité. Le bonheur d’être simple etde ne pas trop dépenser. Le plaisirde goûter le café à l’eau de fleursd’oranger, accompagné de gâteauxà base de semoule, de pâte de dat-tes, d’amandes et de miel. (...) Mais,quittons la fête et avançons dans lavie sociale. Kaddour M’hamsadji con-vie le lecteur à apprécier l’art de vi-vre de la société citadine algéroise,jalouse de ses racines et de ses liensancestraux (…) Dans la Qaçbazemâne, la vie n’était pas un amuse-ment mais un langage sérieux (…)Ainsi, ce passage : « Avec un peu desaine naïveté et un brin de bon senspopulaire, on peut comprendre quetoute mémoire est mémoire ingé-nieuse ; en quelque sorte, elle esttechnicienne, elle fabrique la traditionde la tradition : un passé, repassédans le présent qui reproduit le passépour le futur qui déjà l’accueille ». Et,c’est ainsi que l’auteur passe de l’his-toire aux coutumes en nous expli-quant l’art de la tradition multiple,spécifiant ce que véhicule la paroleet ce qu’exprime le geste dans leurssignifiants (…) Ce qui fait la Casbahne réside pas seulement dans lesmaisons, les ruelles, mais surtoutdans l’humain. Et, c’est bien dans lesêtres que se construit la civilisationet que se fabrique le langage.L’auteur s’attache alors à définir lesmots parmi les plus usités du parleralgérois ancien, en les inscrivant dansles faits de la vie d’autrefois. « Lemot, affirme-t-il, est alors saisi dansla situation même de la pensée et dela volonté du citadin de la Casbah ;pour beaucoup, il réveille des imagespeut-être oubliées ; pour beaucoupd’autres, il rend à la parole soncharme imprévisible, si particulier etsa valeur subjective et singulière. Lemot permet alors au langage d’ex-primer tout l’espace intime de la Cas-bah ». Le lecteur est invité à flirteravec le « Hadri » et le « Barrani »(…)Ainsi, une adolescente est dite une «aouitqa », un adolescent «aouizeb ».Et c’est de la sorte que l’auteur nousrestitue les mots du « Klam zemân »Cette œuvre de Kaddour M’hamsadjine méritait pas de passer inaper-çue(…) C’est un jardin de fleurs créésur le champ de notre culture. Et siles roses exigent d’être entretenuespour l’agrément, ces livres devraientagrémenter et votre esprit et votrebibliothèque.

Au cœur de l’autrefoisA propos du livre de: « El qaçba, Zeman » de Kaddour M’Hamsadji, OPU

Abderahmane ZAKAD

19 mars 2011

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E]Trente-deux ans après sa mort, il

est le seul ancien président quin’ait pas sombré dans l’oubli

(…) y compris chez les plus jeunes.Renversé, démissionnaire (…) ou as-sassiné, un président algérien n’a plusdroit de cité dès lors qu’il n’est plusau pouvoir (…) On n’en parle pas.Cette fâcheuse tradition du systèmepolitique s’explique par la mobilisa-tion de l’appareil de propagande of-ficielle au profit exclusif du chef del’Etat en exercice. Mérites(…) nepeuvent être mis à l’actif du prédé-cesseur, lequel s’est vu opposer l’iné-vitable « rupture avec les pratiquesdu passé » le jour ou son bail à El-Mouradia a pris fin. Résultat : les jeu-nes (…) ne savent rien (…) des troispersonnalités qui, chaque année, àl’occasion de l’anniversaire du (…)1er novembre 1954, président, encompagnie de Bouteflika, le banquetoff iciel lançant les festivités (…),Ahmed Ben Bella, Chadli Bendjedidet Ali Kafi, trois des anciens prési-dents encore vivants-le quatrième,Liamine Zéroual, ayant fait le choixde s’abstenir de toute apparition pu-blique- semblent avoir été sortis dela naphtaline pour l’occasion. En re-vanche, ces mêmes jeunes « citent,sans hésitation, Boumediene, quandon leur demande d’évoquer un an-cien président, aff irme uneprofesseure dans un lycée de la capi-tale. Cela ne tient pas aux connais-sances acquises à l’école mais auxconversations en milieu familial. Bou-mediene demeure la référence enmatière d’homme d’état. » Il est vraique la simple évocation de son nomprovoque nostalgie chez les uns etcrainte de l’uniforme chez les autres.Vice-président de la république et mi-nistre de la défense au moment del’indépendance, ce solide berbère,de son vrai nom Mohamed BenBrahim Boukharrouba, natif deGuelma, a régné sur l’Algérie jusqu'àce qu’un mal mystérieux l’emporte,le 27 décembre 1978, à l’âge de 46ans. Incarnation du nationalismeombrageux, de la posture révolution-naire, Boumediene est le seul ancienprésident dont le portrait orne en-core le bureau du cadre ou du subal-terne, le mess des officiers ou la ca-serne de pompiers. Qu’on l’aime ouqu’on l’abhorre, Boumediene nelaisse pas indifférent. Mieux, c’estl’unique ex-président qui n’a passombré dans l’oubli, ni alimenté leshistoires salées dont l’humour grati-fie les puissants. Paradoxalement, ce

n’est pas sa longévitéqui pourrait expliquersa notoriété. Un algé-rien sur deux a moins de40 ans et n’a donc pasconnu les années Bou-mediene. Non seule-ment le système politi-que qu’a façonné l’ex-président lui a survécu(…) mais trente-deuxans après sa mort, c’estBouteflika qui gou-verne le pays. « La po-pularité de Bouteflikaauprès des jeunes a in-directement contribuéà maintenir vivace lamémoire de Boume-diene », explique SouadBouabdallah. Un argu-ment que rejette son collègueMohamed Zerdi : « Ce sont ses actesqui lui valent d’être encore dans lecœur des algériens. C’est à lui quel’on doit plus de 80% du potentiel in-dustriel dont dispose l’Algérie. » Il estvrai que d’El-Hadjar, avec son im-mense complexe sidérurgique, à Ar-zew, qui abrite le premier sitepétrochimique, en passant parRouiba, avec ses industries mécani-ques, les plus grosses unités indus-triels datent des « années Boum »,comme disent les nostalgiques desannées 1970. « Mais Boumediene, cen’est pas uniquement un legs, dansle sens matériel du terme, argu-mente Kaddour, diplomate à la re-traite, c’est aussi le souvenir d’uneAlgérie devenue la Mecque des ré-volutionnaires et des mouvementsindépendantistes, et dont la voixcomptait dans le concert des nations.» Dans un pays qui a adopté le slogan« Un seul héros, le peuple » pour glo-rifier la guerre de libération, Boume-diene a réussi à incarner l’image decelui qui, à lui seul, a bouté hors dupays l’ancienne puissance coloniale.Comment ? « En prenant deux déci-sions majeures, raconte Kaddour. Ila obtenu en 1968, l’évacuation de labase navale de Mers-el-Kebir par l’ar-mée française, et fait nationaliser, en1971, les sites pétroliers de HassiMessaoud et le gazier de Hassi R’melau détriment des groupes françaisTotal et Elf. » Boumediene a aussi sesdétracteurs. « On paie aujourd’hui lesconséquences de certaines de sesdécisions, déplore NassimKourdoughli, militant associatif. Au

plus fort de la crise diplomatiqueavec la France, à la suite de la na-

tionalisation des hydro-carbures, Paris avait me-nacé de ne plus acheterde vin algérien, alorsdeuxième source de re-venues en devises pourle trésor public. Coup desang de Boumediene,qui décide l’arrachage demilliers d’hectares de vi-gnobles, une hérésieéconomique et une ca-tastrophe écologique,les vignes freinant l’éro-sion des collines. Qua-rante ans plus tard, on afini par prendre la me-sure des bienfaitsenvironnementaux desceps, mais nos vigneronsn’ont pas le savoir-faire

de ceux qui avaient planté les vi-gnobles arrachés. » D’autres lui re-prochent sa conception des liber-tés publiques. « Ses discoursétaient ponctués de formules tou-tes faites, comme la suivante : « Ledernier mot revient au peuple. »Mais c’était toujours lui qui prenaitla décision finale », analyse Houria,militante au RCD, dont le président,Saïd Sadi, a signé en 2010 un pam-phlet dans lequel il accuse Boume-diene d’avoir dissimulé, durant desannées, les dépouilles des colonelsAmirouche et Si-El-Haouès, (…),pour d’obscures raisons de rivali-tés historiques. Outre son « socia-lisme spécifique », sorte d’idéolo-gie marxiste-léniniste teintéed’arabisme et de charia, Boume-diene est passé de mode sur uneautre question. Chef d’état-majorde l’ALN, ministre de la défense àl’indépendance, putschiste troisans plus tard, l’ancien président in-carnait la primauté du militaire surle civil. Cette question n’est plus demise. C’est Wikileaks qui nous l’ap-prend. Selon les confidences deBouteklika à un émissaire de laMaison Blanche, « en Algérie, lesgénéraux obéissent aux civils.»C’est définitif : Boumediene n’estplus de ce monde.

n° 2607-2608

Chérif OUAZANI

Que reste-t-il de Boumediene?

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[BIBLIOGRAPHIE]

La désirante: Malika MokaddemGrasset, 2011

Groupe Index: TikaGenre : RockDate de sortie : 2011

Le groupe Index est sûre-ment la révélation rock deces dix dernières années.Faiz, Salim, Fayçal, Fares etAzzedine sont un grouped’étudiants qui a très rapi-

dement gagné enmaturité pour sevouer sérieusementà la musique. Indexétait connu dans lesclubs et quelquescafés où l’on organisait des concerts undergroundà Alger. Le groupe se consacrait aux reprises desstandards des années 70 et 80 : Doobie Brothers,Bob Marley, Bee Gees, Carlos Santana…En pa-rallèle à leur quotidien musical classique, fait ex-clusivement de reprises, Index préparait son pro-pre répertoire, sous l’influence et les applaudis-sements de ses "aînés" auxquels il ne manquejamais de rendre hommage : Cheikh Sidi Bémol,l’ONB, Youcef, Raina Rai.A Alger, Index avait déjàune certaine notoriété quand il assura la premièrepartie des Gnawa Diffusion lors de leur passagedans la capitale. Très ancré dans la réalité de lavie algéroise - et par extension algérienne - In-dex passe au scanner (mais avec beaucoup d’hu-mour), la société. Avec un premier CD sorti en

2002, Index est en train d’entamer une grande carrièrede groupe de rock.

[DISCOGRAPHIE]

Maghreb-Machrek, n°207, primptemps 2011Recompositions au Moyen-Orient

Shamsa, fille du soleil, fille des sa-bles, apprend la disparition de soncompagnon, Léo, dont on vient detrouver le bateau à la dérive.Elle décide de partir à sa rechercheà travers la Méditerranée …L’amour tant spirituel que physiquequi la lie à Léo lui donne la force debraver toutes les barrières psycho-logiques, géographiques, de me-

ner sa propre enquête, de tenter de retrouver àtout prix son bel amant aux yeux bleus rencontrésur le port de Montpellier.Au fil de ce roman qui se lit d’une traite, l’émotion

se vit à fleur de peau. Un roman du désert, de la mer, duvent, habité par la passion et anéanti par le manque del’être aimé....

Certains des fondements et des ac-teurs des recompositions actuelles dela région du Moyen-Orient sont présen-tés. La pérennité et l'impact qu'ils pour-raient avoir sur l'avenir de cette régionau cœur d'enjeux internationaux et derecompositions internes sont évalués: les aspirations sociales des popula-tions, l'influence grandissante de la Tur-quie, la diplomatie française, etc.

Le développement économique de l’AlgérieS/d: Taïeb HafsiCasbah, 2011

D’éminents sociologues et économistes se penchent surl’économie de l’Algérie. Ils ont écrit 765 pages sur le su-jet. Leurs contributions sont publiées dans un ouvragecollectif intitulé le Développement économique de l’Al-gérie, expériences et perspectives.Dès les premières pages du livre, Hafsi donne le ton. «Leproblème du développement économique est qu’il n’estpas seulement économique», écrit-il. Il pense que le dé-veloppement économique est déterminé par des fac-teurs sociaux et politiques, partis et gouvernement, en-tre autres. Le Dr Abderrahmane Mebtoul, expert inter-national et enseignant à Oran, ajoute la dimension histo-rique pour comprendre les politiques de développementet se livre à un bilan d’un demi-siècle de réalisations éco-nomiques. Il ne dément pas Hafsi en soulignant, lui aussi,que l’économie est politique. L’analyse est achevée parun regard sur la période 1999-2010 pendant laquelle, écrit-il, le Président a promis de rétablir l’Algérie sur la scèneinternationale et de relancer la croissance économiquepour atténuer les tensions sociales et mettre fin à l’effu-

sion de sang.Ces réalités n’ont pas échappéà d’autres rédacteurs, à l’ins-tar de Ahmed Benbitour, an-cien chef de gouvernementqui avait fait été d’une stabili-sation macroéconomique«bien établie et d’une aisancefinancière jamais égalée». Acela s’ajoute le règlement duproblème de l’endettementextérieur. Il regrette que lesréformes du secteur réel n’aient pas été mises en oeuvreau rythme nécessaire pour contribuer au règlement desproblèmes sociaux. Le couple économie-société doitfonctionner main dans la main. Tous ces rédacteurs sontd’accord sur le constat, y compris Nadji Safir, selon le-quel toute société ne peut fonctionner que s’il existeentre tous ses membres une communication organiséepour atteindre le consensus à propos des valeurs et descroyances qui sont des repères pour baliser les modesd’action.Quelles sont les propositions émises pour parvenir à ceconsensus? Bachir Mazouz et Nourredine Belhocine ex-plorent quelques pistes et mettent l’accent sur le rap-prochement entre les secteurs public et privé. D’autressont enclins à croire que de nouvelles méthodes de ges-tion sont à même de contribuer au redressement del’économie.