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Risbourg Danny L2 Lettres Modernes PE Année 2020 M. Gauthier Dossier Théâtre : La tragi-comédie au XVIIème siècle

Dossier Théâtre : La tragi-comédie au XVIIème siècle€¦ · Les tragi-comédies reprenaient les thèmes, les personnages et les procédés des romans héroïques à la mode

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Risbourg Danny

L2 Lettres Modernes PE

Année 2020

M. Gauthier

Dossier Théâtre : La tragi-comédie au XVIIème siècle

Le terme tragi-comédie s’est appliqué chez les Latins à des pièces où les dieux, les

héros ou les rois de la tragédie se trouvaient mêlés à des aventures comiques. C’est au

XVIème siècle que Robert Garnier avait créé le premier chef-d’œuvre du genre avec sa

Bradamante. Dès le début du XVIIème, Jean de Schélandre et Alexandre Hardy avaient eux

aussi exploité cette voie, et de 1630 jusqu’en 1640 environ, il y eut un tel déferlement de

tragi-comédies que cette forme dramatique éclipsa toutes les autres, et que certains auteurs en

faisaient leur spécialité, et d’autres comme Corneille, Mairet, Rotrou désiraient en écrire. Les

tragi-comédies reprenaient les thèmes, les personnages et les procédés des romans héroïques à

la mode où les aventures et amours contrariés étaient les indispensables ingrédients. Les

figures typiques du monde romanesque comme les amants exemplaires, les rivaux jaloux, les

parents hostiles, les tyrans cruels étaient emportés dans le tourbillon d’une action qui

accumulait péripéties et rebondissements, coups de foudre et quêtes éperdues, malheurs

répétés et dénouement heureux tout cela resserré sans aucune vraisemblance dans le temps

restreint de la représentation théâtrale. Ces productions dramatiques nécessitaient des lieux

variés, des actions multiples, une durée indéterminée allant de plusieurs jours à plusieurs mois

ou années. La diversité, le mélange des tons et des registres étaient une autre audace puisqu’il

y avait des gens du peuple, des personnages truculents et bouffons à côté de nobles héros,

eux-mêmes engagés parfois dans des situations comiques. Ces éléments avaient pour fonction,

non seulement de détendre l’atmosphère mais aussi de faire vrai en imitant la vie telle qu’elle

était avec ses rires et ses pleurs. Les tragi-comédies étaient en outre sanglantes, érotiques et

cruelles dans des aventures rocambolesques. Le langage était souvent cru ou obscène, on

s’exhibait sur scène avec des combats, duels, préparatifs de supplices, et même des tortures,

des viols ou des tentatives de viol, des suicides, des meurtres. Ce théâtre préclassique se

voulait celui de la cruauté spectaculaire. Il était fidèle à la mentalité et à l’esthétique baroque.

En effet, il s’efforçait avant tout de frapper, de griser l’imagination et la sensibilité. La

tragédie ne doit pas être confondue avec la tragi-comédie, genre voisin qui s'est développé à

l'âge baroque, comme nous l’évoquions précédemment, et dont le nom signifie « tragédie qui

finit bien ». La tragi-comédie diffère de la tragédie par sa liberté envers les règles des trois

unités.

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Sommaire :

- Vous avez dit tragi-comédie ?

- Une époque dominée par le classicisme

- Corneille, le précurseur

1) Son œuvre tragi-comique, Le Cid

2) Acte II, scène 2

3) L’analyse au fil du temps

4) La réponse de L’Académie Française

- Jean de Schélandre

1) Sa présentation

2) Tyr et Sidon : Acte V, scène 2

3) La tradition romanesque s’invite dans la tragi-comédie

- Alexandre Hardy

1) Qui est-il ?

2) La Force du sang : Acte III, scène 1

3) Fille face à Mère, un duel tragi-comique

- The Tempest by William Shakespeare

1) Scene from Shakespeare's The Tempest

2) Un art théâtral

- Le Jugement du roi Salomon

- La fin significative

- Bibliographie et sitographie

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La tragi-comédie était tout de même au second plan puisque le XVIIème siècle était

représenté par le classicisme, où le rapport entre le pouvoir et les arts était important grâce au

Roi Soleil, Louis XIV. Par ailleurs, autrefois, on ne parlait pas d’époque classique, mais plutôt

d’atticisme, c’est-à-dire l’influence des Grecs sur les arts. Et justement cette période fut tout

autant marquée par la querelle entre les anciens et les nouveaux auteurs. En effet, tous les

auteurs sont d’accord pour prendre l’Antiquité comme modèle mais tous ne sont pas d’accord

sur la manière de le prendre en exemple. Les anciens, comme Boileau, La Fontaine, La

Bruyère, Racine et Bossuet, pensent que les arts de l’Antiquité sont parfaits, et donc

inégalables, et de l’autre côté, les modernes, dirigés par Charles Perrault, pensent qu’il faille

s’inspirer pour le surpasser. Corneille, avec Le Cid prend des libertés en se basant sur

l’histoire de l’Espagne.

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Corneille n’a pas inventé les personnages qui ont réellement existés dans l’Espagne du

XIème siècle. Le Cid était un mercenaire chrétien, héros de La Reconquista, réputé invaincu,

il devint rapidement une figure légendaire, c’est dans la Cathédrale de Santa-Maria de

Bourgos que vous pourrez voir son tombeau et celui de son épouse Chimène. La pièce de

Corneille est aussitôt attaquée. En effet, Jean Mairet accuse Corneille d’avoir plagié « les

enfances du Cid », une pièce espagnole de Guillén de Castro. Avec Georges de Scudéry, un

autre dramaturge, il reproche à Corneille de ne pas avoir respecté les unités du théâtre

classique, c’est-à-dire l’unité de temps, l’unité de lieu, la vraisemblance, les bienséances.

Tous ces débats qui suivent la publication de la pièce se nomment « la querelle du Cid ».

L’Académie Française, fondée en 1634 par Richelieu, va arbitrer le débat et rejeter la

dénonciation du plagiat mais elle reconnait que les unités ne sont pas respectées. Cependant,

on écrivit un ouvrage Des sentiments de l’Académie française sur la tragi-comédie du Cid qui

se termine sur cette phrase : « La naïveté et la véhémence de ses passions, la force et la

délicatesse de plusieurs de ses pensées, et cet agrément inexplicable qui se mêle dans tous ses

défauts lui ont acquis un rang considérable. ». Corneille avait réussi. Corneille devint donc un

précurseur de la tragi-comédie et nous allons donc analyser l’un des extraits de son œuvre, Le

Cid dont la première représentation au théâtre fut en janvier 1637.

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Nous allons étudier l’Acte II, scène 2 où Don Rodrigue et le comte de Gormas se

combattent en duel. Don Rodrigue étant résolu à venger son père se retrouve enfin face à

l’auteur de ce forfait : Don Gomès, le comte de Gormas. Mais cet homme est aussi le père de

sa fiancée, Chimène... Le jeune homme a déjà renoncé à elle car il sait que son honneur doit

passer avant tout. D’ailleurs, il n’a pas le choix, Chimène n’épousera pas un homme sans

honneur de toutes façons. Cette scène apparaît comme une véritable joute verbale, un combat

de mots. Elle précipite le duel à l’épée qui ne sera pas représenté sur scène pour des raisons de

bienséance. Mais tout n’est pas si simple, car les deux hommes s’admirent mutuellement et

c’est ça qui fait la beauté de cette scène : ils ne se confrontent pas pour ce qui les oppose, mais

au contraire pour ce qui les lie, c’est-à-dire le sens de l’honneur et du devoir. Leur

confrontation a un aspect tragique, l’un doit vaincre l’autre, mais ce n’est pas pour la bonne

raison, et lorsque nous lisons toute la pièce, nous comprenons la place de la tragi-comédie.

Dans cette scène, comment Corneille utilise-t-il les ressorts du théâtre pour mettre en scène

une confrontation entre deux personnages dont les valeurs communes rendent paradoxalement

leur duel inévitable ? La première interlocution de cette scène s’ouvre sur un dialogue vif qui

nous fait ressentir l’approche du duel sous le regard du spectateur. Le rythme est saccadé avec

des répliques très courtes, Corneille utilise des stichomythies. Les alexandrins sont brisés

entre les deux interlocuteurs et le fait que la ponctuation de Don Rodrigue se montre tous les

deux pieds prouve la colère qu’il éprouve. Il assaille le comte de questions pour l’obliger à

revenir sur ce qu’il a fait, pourtant il ne fait que lui couper la parole, sans cesse. Par ailleurs,

on remarque que l’isotopie de la parole est très présente, il a vraiment besoin de parler au

comte. Tout d’abord, il lui demande de reconnaitre la valeur de son père « vertu » ( v.399 ),

« vaillance » ( v.400 ), « l’honneur » ( v.400 ) sont les attributs du même sujet « ce vieillard »

( v.399 ). Ces valeurs sont importantes dans la noblesse et Rodrigue revendique donc le lien

avec son père puisque le verbe « je porte » ( v.402 ) au présent remplace le passé comme

« fut » ( v.399 ). Par ailleurs, « son sang » ( v.403 ) représente la lignée familiale, il y a ici

l’utilisation de la métonymie. Cette image représente bien la transmission, Don Diègue ne

peut plus se défendre donc Don Rodrigue est présent pour le venger. La forte opposition des

personnages envahit la scène « A moi, comte » ( v.393 ), ce qui signifie à nous deux, par

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exemple. Dans la syntaxe de Don Rodrigue, les deux personnages principaux de cette scène

sont constamment représentés par les pronoms personnels « je » ( v.405 ), « tu » ( v.400 ).

L’agressivité de Don Rodrigue est perceptible, il tutoie Don Gomès, alors que ce dernier est

plus âgé que lui, et emploie l’impératif afin de donner un ordre. En effet « Sais-tu » ( v.400 )

revient quatre fois en deux paroles, en début et en fin de phrase, le spectateur fait face à une

épanadiplose ce qui donne un effet d’encerclement, il n’y a plus d’échappatoire, le duel est

inévitable. Les effets de mise en scène sont intéressant dans cet échange puisque, d’une part,

les réponses du comte sont réticentes avec une courte réponse affirmative « Oui » ( v.397 )

mais qui devient progressivement une réponse peu précise « Peut-être » ( v.401 ) puis « Que

m’importe » ( v.404 ), cela prouve que le comte est dos au mur et que Don Rodrigue a pris

l’ascendant. La réplique « A quatre pas d’ici je te le fais savoir » ( v.405 ) signifie que ce

dernier veut prendre en duel le comte. Le duel n’est pas représenté au théâtre pour des règles

de bienséance comme expliqué auparavant, et c’est aussi à cause de Richelieu qui avait

interdit les duels. L’audace de la mise en scène s’allie avec l’audace de l’expression ce qui

rend la tragi-comédie très influencée par l’esthétique baroque. Ensuite, à partir de « Parle sans

t’émouvoir » ( v.404 ) à « Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de maître » ( v.410 ),

Rodrigue prend totalement le dessus. Il le provoque en lui demandant de garder son calme et

d’être plus digne « Parle sans t’émouvoir ». C’est Don Rodrigue qui donne le tempo de la

scène en contrôlant les rimes tout en continuant de donner des ordres au comte « Parle ». Il est

en désaccord avec le compte et l’indique en utilisant une conjonction de coordination « mais »

( v.405 ) après avoir employé une reprise des mots du comte « Je suis jeune » ( v.405 ).

L’utilisation de vérité générale lui donne plus de pouvoir dans la scène « La valeur n’attend

point » ( v.406 ). Par ailleurs, le premier terme de ce vers revient une nouvelle fois, ce qui le

rapporte à son père, ce dernier sera le sujet de toute la scène puisque Don Rodrigue souhaite

le venger. On le démontre avec l’emploi de phrases exclamatives et courtes. Malgré cela, il

sait ce qu’il doit faire et pour cela, il doit rester humble. En effet, Don Rodrigue connaît le

parcours et l’expérience de son adversaire, en cela, il ne le dévalorise jamais et le surnomme

« maître » ( v.410 ). Le comte lui demande une question à laquelle Rodrigue a déjà répondu

« Sais-tu bien qui je suis ? » ( v.411 ). L’emploi de « qui » ne se réfère pas à la personne mais

plutôt à sa réputation. Rodrigue ne tarde pas à lui répondre et utilise une hyperbole avec « Au

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seul bruit de ton nom » ( v.412 ), il semble ; cette fois, se moquer de lui, le provoque ainsi.

Pour autant, il lui rappelle qui le respecte pour son passé et qu’il ne le sous-estime pas, pour

cela il parle en utilisant une métonymie « Les palmes » ( v.413 )à propos des victoires du

comte. L’hyperbole se poursuit avec « Un bras toujours vainqueur » ( v.415 ), le comte n’a

donc connu que la victoire. Rodrigue n’oublie pas ses propres qualités et fait valoir son jeune

âge face au compte qui porte le poids des années « je vois ta tête si couverte » ( v.413 ). Cette

tirade de Rodrigue est divisée en deux. En effet, la division se fait grâce au connecteur

logique « mais » ( v.418 ) et la suite se fait au futur avec la certitude et au présent d’action.

Rodrigue annonce la défaite de son adversaire et le spectateur comprend que le duel approche

« Ton bras est invaincu, mais non pas invincible » ( v.418 ). Ce dernier vers résume cette

tirade puisque la polyptote utilisée montre d’un côté le respect de son adversaire et de l’autre

côté l’adversité qui les entoure. Puis, c’est la première fois que nous entendons le comte aussi

longtemps et sa réponse se fait également deux parties. Evidemment, ce dernier reconnait la

valeur de son adversaire avec le mot « cœur » ( v.419 ) qui désigne le courage. En effet, ces

deux termes ont la même étymologie provenant du latin « corps ». Ensuite, le comte compare

Rodrigue en employant des périphrases comme « l’honneur de la Castille » ( v.421 ), en

Espagne, ou « un cavalier parfait » ( v.427 ). La description ne s’arrête pas là, nous avons

l’impression que le comte nous expose une flatterie, il manie l’isotopie qui va dans le même

sens que les périphrases, comme « l’honneur » ( v.421 ), « devoir » ( v.424 ), « magnanime » (

v.25 ), « haute vertu » ( v.426 ), « estime » ( v.426 ), « parfait » ( v.427 ). Le spectateur se

questionne puisque, pour le moment, le comte est dominé mais ne pense qu’à valoriser son

adversaire. Mais il se sert de l’imparfait « découvrais » ( v.420 ), « destinait » ( v.422 ),

« trompais » ( v.428 ), c’est un passé qui est oublié qui illustre l’avancement de l’intrigue de

la pièce. Chimène n’appartenait plus à Rodrigue dès le moment où les deux pères sont rentrés

en conflit, c’est pour cela que le comte oppose la « passion » ( v.423 ) de Rodrigue et

son « devoir » ( v.424 ). L’utilisation de l’anaphore « Que » ( v.424, 425, 426 ) à chaque vers

accélère le rythme et cela lui montre ce que Rodrigue a perdu. Tout au long de la scène, il y a

donc un jeu de miroir. Lors du dernier dialogue, le comte assomme Rodrigue à l’aide d’un

parallélisme « J’admire ton courage, et je plains ta jeunesse » ( v.430 ). Nous l’avons compris,

le comte reprend les termes de Rodrigue et les transforme pour que les arguments de ce

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dernier deviennent ses défauts et donc sa perte « jeunesse » ( v.430 ), « coup d’essai fatal » (

v.431 ). Il prononce sa sentence en utiliser les mêmes modes que Rodrigue, comme le présent

de vérité générale, c’est réellement un jeu de miroir que fait le comte « A vaincre sans péril,

on triomphe sans gloire » ( v.434 ). Ce vers célèbre possède un combat en lui-même, les mots

dominent les armes. C’est une comparaison avec nos deux protagonistes, le comte ne veut

pas se battre et laisse l’occasion à Don Rodrigue de revenir sur ses pas « Ne cherche point » (

v.431 ), « Dispense ma valeur d’un combat inégal » ( v.432 ). Malgré ces arguments, nous

sommes dans une tragi-comédie, et même si la fin ne s’annonce pas malheureuse, le combat

est inévitable. L’utilisation des termes « sans » ( v.435 ) n’y change rien puisque l’objectif de

Rodrigue est de venger son père et ce dernier ne retiendra que le mot « gloire » ( v.434 ) qu’il

emportera à la fin du duel. Le comte se montre plus faible « abattu sans efforts » ( v.435 ), ce

qui va encourager les actions de Rodrigue. Enfin, la réplique de Rodrigue « Qui m’ose ôter

l’honneur craint de m’ôter la vie ! » ( v.438 ) est une ultime menace, cette utilisation de

diviser la phrase en la terminant par un point d’exclamation démontre un point de non-retour

et que cette fois, le duel arrive. Les stichomythies réapparaissent et chacun y va avec son

argument accompagné d’une question rhétorique « Es-tu si las de vivre ? » ( v.440 ), « As-tu

peur de mourir ? » ( v.441 ). « Viens, fais ton devoir, et le fils dégénère Qui survit un moment

à l’honneur de son père. » ( v.442 ; 443 ), l’honneur et le devoir sont les valeurs communes ce

qui dès le début, ne laissait aucune autre alternative que le duel. Ces tirades du comte et de

Rodrigue étaient un duel sans les armes, un duel de raison, et de mots. Corneille a eu la

faculté de montrer aux spectateurs un combat entre ses deux hommes sans armes ni sang.

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Des sentiments de l’Académie Française sur la tragi-comédie du Cid est un essai de

1840, soit six ans après la création de cette Académie par le cardinal Richelieu. Cet ouvrage a

pour but d’indiquer au peuple certaines caractéristiques de l’œuvre de Corneille. Parmi elles,

l’Académie rejette l’accusation de plagiat mais estime que l’auteur ne respecte pas les unités

du théâtre classique. L’Académie Française fait également remarquer à Corneille que choisir

comme thème l’Espagne, alors que la France était actuellement en guerre contre son pays

voisin, n’avait pas été approuvé par les membres de l’Académie.

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Même si les auteurs de tragi-comédie se font rares, surtout en cette époque de

classicisme, Corneille ne fut pas le seul à écrire sur ce thème. En effet, il y eut également un

écrivain moins connu de notre époque qui a pour nom Jean de Schélandre. Jean de Schélandre

( 1584 – 1635 ) fut un soldat et un poète, on ne sait pas grand-chose de la vie de ce

gentilhomme lorrain, d’origine protestante, sinon qu’il servit dans l’armée des Province-Unies

et qu’il fit des voyages en Angleterre, où il s’intéressa sans doute aux drames élisabéthains. Il

publia en 1608 une tragédie à sujet romanesque, mais de facture humaniste, Tyr et Sidon, qu’il

remania pour en faire, vingt ans plus tard, sous le même titre, une tragi-comédie qui peut

passer, avec ses dix actes divisés en deux « Journées », son intrigue compliquée et

mouvementée, ses lieux et ses tons divers, pour le monument le plus impressionnant du

théâtre irrégulier d’avant 1630.

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Les hasards de la guerre ont conduit le vaillant Belcar, fils du roi de Sidon, blessé et

captif, jusque dans les murs de Tyr ; les filles du roi, Méliane et Cassandre, l’ont soigné et

sont tombées amoureuses de lui. Le jeune homme n’a été séduit que par Méliane et la

malheureuse Cassandre se meurt de désespoir. Sa nourrice entreprend de la sauver en la

substituant à sa sœur dans le bateau qui doit permettre à Belcar et à Méliane de s’enfuir

ensemble. Mais les choses tournent mal dans cette œuvre de 1628 : arrivé le premier, Belcar

découvre la supercherie et accable Cassandre de son mépris ; celle-ci se jette dans la mer en se

poignardant. Son corps échoue sur le rivage de Tyr, où se désole Méliane, convaincue que son

amant l‘a trahie en s’enfuyant seul ; on surprend la princesse alors qu’elle tient en sa main le

poignard qu’elle a retiré du sein de sa sœur. Tout laisse à penser que c’est elle la meurtrière.

Elle s’apprête à mourir courageusement sur l’échafaud lorsqu’apparaît Belcar.

Dans cette tragi-comédie, lors de l’acte V, scène 2, nous assistons aux retrouvailles des

amants, de la princesse et de son sauveur donc, ce qui est de la pure tradition romanesque.

Nous remarquons que c’est une scène pathétique et dramatique qui permet au spectateur de

ressentir des émotions fortes dans leur cœur puisque cela est une scène d’adieu « Etant hors

de péril, de t’y précipiter ? » ( v.16 ) entre deux jeunes amoureux. Le cœur de chacun semble

se détruire à cause de cette séparation ce qui pousse même Méliane à douter de son amant «

comment, cet injuste soupçon, Vous a-t-il pu séduire en aucune façon ? » ( v.58 ). Ces longues

tirades pleines de désespoir provoquent la compassion chez le spectateur. Mais elle devient

pathétique puisque, il faut l’intervention implicite du roi « le Roi vous donne grâce » ( v.87 )

pour que Méliane ait des remords, le retournement de situation fut si rapide que la scène en

devient pathétique « O mon parfait ami, ma méfiance fausse de ta fidélité le mérite rehausse »

( v.93 ; 94 ). Il est possible de nuancer cette scène puisque qu’elle appartient plus à la tradition

romanesque plutôt qu’à la veine tragique, ce qui rend la scène tragi-comique, puisque les

personnages se trouvent dans le monde des romans, ayant une accumulation de caractère,

sentiments, comportement et identité même différents.

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Enfin, le dernier auteur francophone présent dans ce dossier est Alexandre Hardy. Le

théâtre d’Alexandre Hardy ( 1572 – 1632 ) est le premier théâtre important du siècle. Cet

auteur, acteur, à la vie mal connue, reconnaissait avoir composé plus de six cents pièces, dont

la moitié étaient des tragi-comédies, et dont il subsiste seulement une quarantaine. Les œuvres

de Hardy, même lorsqu’il écrivit des tragédies régulières dans la grande tradition humaniste,

sont imprégnées de l’esprit du théâtre irrégulier, moderne, ou même baroque. Les sujets sont

atroces, souvent invraisemblables, romanesques, les situations exceptionnelles, ou encore les

passions et actions violentes, sans oublier d’omettre les péripéties dramatiques et les scènes

pathétiques à souhait.

Risbourg Danny, 2020

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Cette tragi-comédie du nom de La Force du sang de 1625 est tirée d’une nouvelle de

Cervantès, l’action s’étend sur une durée de sept ans et tourne autour du viol d’une jeune fille

de Tolède, Léocadie, qu’un jeune homme de bonne famille enlève de force à ses parents pour

une nuit. Les précautions prises empêchent l’héroïne de reconnaître son ravisseur et la maison

où on l’a emmenée. Libérée au petit matin, elle n’a d’autre ressource que d’aller cacher sa

honte dans le foyer de ses parents. Alphonse, le criminel, part pour un long voyage, en Italie.

Sept ans passent, le temps que grandisse l’enfant du déshonneur. Le dénouement sera

cependant heureux grâce à la tragi-comédie. Léocadie finira par épouser celui qui ne l’a

jamais oubliée depuis la nuit de l’enlèvement et dont elle tombera amoureuse lorsqu’elle fera

enfin sa connaissance.

Dans cet acte III, scène 1, l’héroïne, Léocadie, en elle-même apporte l’aspect tragique à cause

de ses sentiments et de son langage. Entre sa colère qui laisse parler une isotopie de la cruauté

avec les termes « cruel » « fléau » ( v.2 ), « épouvantable » ( v.32 ) ou encore « mon crime

une sombre couleur » ( v.20 ). Le spectateur entrevoit très facilement la tragédie qui s’émane

de ce personnage. Mais la mère, Estéfanie, est l’opposé de sa fille, elle provoque l’humaine

comédie grâce à son registre familier et à son propre personnage. Elle contredit sa fille en

employant des mots plus joviaux « agréable issue, une fin plus heureuse » ( v.65 ) face aux

dires de sa fille « Que n’en fut l’origine horrible et funéreuse » ( v.66 ). Cette fois, ce n’est pas

le costumes des personnages, le décor qui font de la comédie dans la tragédie mais c’est plutôt

la vraie nature des personnages, leurs sentiments qui transforment cette pièce en tragi-

comédie.

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Le tableau Scene from Shakespeare’s The Tempest a été peint par William Hogarth en 1735.

La peinture relève du domaine public et ne se situe donc pas dans un musée. L’œuvre est de

style rococo et c’est une huile sur toile. Il représente l’acte I, scène 2 de la pièce de William

Shakespeare, La Tempête. La dimension tragi-comique est présente grâce aux couleurs

sombres de l’arrière plan et d’un personnage particulièrement laid : l’homme à droite de

l’œuvre. Miranda, au centre du tableau, est l’élément principal et elle se trouve sur un trône de

coquillages et de corail, donnant du lait à un agneau, symbole d’innocence et de douceur.

Miranda à l’air distraite, enjouée, ce qui donne une impression d’infantilisation. Elle porte du

bleu, couleur de la noblesse, couleur de la vierge Marie faisant référence à sa pureté, et du

rouge, couleur du pouvoir et de la passion, annonçant son mariage avec Ferdinand. A sa

gauche, nous retrouvons son père, Prospero, puis à l’extrême gauche, Ferdinand, son futur

mari, semblant prier. L’ange correspond à Ariel, l’esprit « positif » qui a fait couler le bateau,

il joue du luth. A droite, c’est l’autre esprit, Caliban, l’esprit « négatif », au visage difforme,

aux pieds palmés et à la peau verte, qui marche sur une colombe, symbole de pureté, de paix

et de liberté, s’opposant directement à la chauve-souris tout au dessus du personnage, trônant

au dessus de sa tête. Concernant le décor, le ciel est nuageux, un éclair le déchire faisant

référence à la tempête qui a frappé le navire. Le bleu des nuages déchiré par cet éclair jaune

pâle rappelle Miranda vêtue de bleu et son teint blanchâtre.

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Cette toile est donc une reprise de l’œuvre The Tempest par William Shakespeare

écrite en 1611, soit quelques années avant la mort de l’auteur. Ce fut donc sa dernière pièce

qui a été joué au théâtre. Cette œuvre et une tragi-comédie qui débute par une tempête

naufrageant Antonio, Alonso, le Roi de Naples, et son fils Ferdinand sur une île à leur retour

d’un mariage. La tempête a été causée par Prospero, un vieux sorcier qui a été exilé sur cette

île avec sa fille Miranda depuis Milan, il y a plusieurs années, quand ses frères l’ont trahi. Il

est déterminé à se venger de ses frères pour leur trahison. Ferdinand est séparé de son père et

croit que ce dernier est mort, mais il rencontre Miranda et Prospero alors qu’il erre sur l’île. Il

tombe immédiatement amoureux de Miranda, qui fait partie du plan de Prospero. Il prétend

initialement s’opposer à l’union. C’est alors qu’Ariel, l’assistance surnaturelle du sorcier, fait

son apparition. Ensuite, Prospero s’arrange pour qu’un banquet fantôme apparaisse et

disparaisse brusquement devant Alonso, Antonio et leurs hommes. Ariel apparaît comme une

harpe et déclare qu’Alonso, Antonio et Sebastian ont été amenés à l’île pour être punis pour

ce qu’ils ont fait à Prospero, elle trahit donc son maître. Les hommes deviennent donc

complètement effrayés, et Prospero les fait prisonniers. Ce dernier donne son consentement

pour que Miranda et Ferdinand soient mariés. Il se sent alors mal d’avoir emprisonné les

hommes, il dit alors à Ariel de les amener vers lui afin qu’il puisse accomplir son dernier

sortilège. Il révèle son identité. Alonso s’excuse, et est alors soulagé lorsqu’il découvre que

Ferdinand est vivant après tout ces évènements, et qu’il soit engagé à Miranda. Prospero

propose qu’ils retournent tous à Milan pour le mariage, où il se retirera également. Le navire

est magiquement réparé, et Prospero demande au public de le libérer avec leurs

applaudissements. Cette œuvre est une tragi-comédie puisque, tout le long de l’œuvre, les

personnages n’ont plus le destin entre leurs mains et que c’est Prospero qui va désigner leurs

sorts. La mort ou l’exil semble donc évident pour les prisonniers, cela ressemble donc à une

tragédie. Mais Shakeapeare en décide autrement, il ajoute de la comédie dans son œuvre,

grâce aux hommes qu’il rend ridicules, et grâce à certains événements, comme les actions

d’Ariel, le sorcier change d’avis et souhaite que cette histoire se termine bien, avec un

mariage. Enfin, nous pouvons remarquer que c’est une pièce où Shakespeare se retrouve

auteur et acteur puisqu’il est Prospero. En effet, ils ont de nombreux points communs comme,

malheureusement, la vie qui se termine pour tous les deux. Ils ont eu une grande carrière et

plus vraiment d’actions à prouver dans leur art. Mais surtout, Prospero manipule les

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personnages très facilement et à sa guise, tel un auteur qui fait agir ses personnages. C’est lui

qui crée et poursuit ses intrigues. Dans cette pièce, nous avons plusieurs genres théâtraux

répartis en trois groupes. Tout d’abord, l’intrigue poétique avec les rois et des complots est

incarné par Alonso, Sébastien et Antonio. Ensuite, la comédie est représentée par le peuple,

les gens plus pauvres et donc les hommes d’une classe sociale inférieure. Et enfin, l’histoire

d’amour est complétée par Miranda et Ferdinand. Ariel est la jonction entre l’art de l’auteur,

du mage et la réalité, la mise en scène. C’est donc une pièce de Shakespeare, dans son

univers, son train, il s’agit alors d’une introspective de sa carrière.

Risbourg Danny, 2020

Le jugement de Salomon est une œuvre de Nicolas Poussin de 1649. A notre époque,

elle se situe au Musée du Louvre à Paris. C’est une œuvre burlesque qui est tragique

puisqu’elle raconte l’histoire de deux femmes qui se retrouvent devant le roi qui effectue un

procès. Le conflit est que ces deux femmes s’approprient le même nouveau né. Comme

personne ne sait réellement qui est la mère de cet enfant, le roi décide de trancher ce dernier

pour que chacune des mères ait la moitié du nourrisson. La première femme trouve que cela

est une idée juste et approuve cette décision, alors que la seconde implore le roi de ne pas

exécuter l’enfant et qu’il est préférable de le confier à la première femme. Le roi comprit alors

que c’est celle qui est en désaccord avec lui est la véritable mère. Cette œuvre, et cette

histoire, est tragique puisque un enfant était presque mort à cause de l’aveuglement d’une

mère qui avait elle-même perdu son enfant. Ce qui rend l’œuvre tragi-comique est le fait que

le nourrisson n’ait pas reçu un destin aussi fatidique et que la première femme s’est faite avoir

aussi facilement, et qui se retrouve sans l’enfant qu’elle n’a pas eu, et couverte de honte

d’avoir agit ainsi et de s’être fait réprimandée grâce à une telle ruse. L’œuvre est en symétrie

totale, et le roi désigne chaque côté comme il peut désigner la tragédie et la comédie des

mêmes côtés.

Risbourg Danny, 2020

La tragi-comédie est donc apparut au XVIIème siècle, lors de l’époque du baroque et

du classicisme, est se base sur d’autres normes. C’est un mélange de registres qui doit être

composé d’un sujet sérieux avec des choix contradictoires qui doivent mener à une triste fin

mais qui est sauvée par l’invraisemblance et le dénouement heureux de la comédie. Ce genre

théâtral fut donc très critiqué à sa découverte mais son charme est que la tragi-comédie

représente la vie. La difficulté de nos épreuves pour une récompense à caractère moral. La

plupart des auteurs de tragi-comédie sont des hommes, surtout au XVIIème siècle, mais les

femmes font leurs apparitions au fil du temps alors que la femme était très souvent l’intrigue

principale de ce genre. »

Risbourg Danny, 2020

Chapitre d’ouvrage collectif :

- CORNEILLE, Pierre, « Le Cid », Larousse, 2012

- textes et documents, Littérature du XVIIème siècle, collection Henri Mitterand, Nathan

Article en ligne :

- https://www.universalis.fr/encyclopedie/la-tempete/, LA TEMPÊTE, William

Shakespeare

- foucart.net, Nicolas Poussin, https://foucart.net/2010/08/19/nicolas-poussin-une-peinture-

entre-deux-mondes/

- Wikiart, https://www.wikiart.org/fr/william-hogarth/prospero-and-miranda-from-the-tempest-

of-william-shakespeare

- Mediaclasse, https://www.youtube.com/watch?v=FoYlgnjN4Y0&t=69s

- Mediaclasse, https://www.youtube.com/watch?v=p2MnzNz2yaE&t=282s

- La Tempête de Shakespeare, https://www.youtube.com/watch?v=yIc8o2LfVeE

- Franceinfo, La dernière pièce de Shakespeare,

https://www.francetvinfo.fr/culture/spectacles/theatre/la-tempete-la-derniere-tragi-comedie-

de-shakespeare-a-ajaccio_3362573.html

- Du bon usage des codes, https://books.openedition.org/pur/35037?lang=fr

- Représentation de la tragédie d’Hérode, http://utpictura18.univ-

montp3.fr/GenerateurNotice.php?numnotice=A6635

- www.lexilogos.com

- Musée des Beaux-arts de Besançon, https://www.patrimoine-

histoire.fr/Patrimoine/Besancon/Besancon-Musee-d-Art-et-d-Archeologie.htm

Autre :

- Cours de M.Greiner, Littérature du 17ème siècle

Risbourg Danny, 2020