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Supplément gratuit à La Libre Belgique réalisé par la Régie Générale de Publicité - 19 novembre 2011 Supplément juridique M odes A lternatifs de R èglement des C onflits ( MARC ’s ) Procès Médiation Droit collaboratif Justice Conciliation

Dossir MARC S 19 novembre 2011

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Modes Alternatiifs de Reglements des Conflits

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Page 1: Dossir MARC S 19 novembre 2011

Supplément gratuit à La Libre Belgique réalisé par la Régie Générale de Publicité - 19 novembre 2011

Supplément juridique

Modes Alternatifs de Règlement des

Conflits(MARC’s)

Procès

Médiation

Droit collaboratif

JusticeConciliation

Page 2: Dossir MARC S 19 novembre 2011
Page 3: Dossir MARC S 19 novembre 2011

3Dossier RGP - MARC’s

Sommaire

Avant-propos

SUPPLÉMENT GRATUIT À LA LIBRE BELGIQUE RÉALISÉ PAR LA RÉGIE GÉNÉRALE DE PUBLICITÉ - 19 NOVEMBRE 2011Rue des Francs,79 - 1040 BruxellesTèl:02.211.28.49 - Fax:02.211.28.70

EDITEURS RESPONSABLES:Emmanuel DENIS, Henry VISART

COORDINATION ET PUBLICITÉ:Luc DUMOULIN (02/211 29 54)

[email protected]

RÉDACTEURS:Dominique CLAES, Thibaut COLIN,

Marc DAL, Stéphanie DAVIDSON,

Patrick DE WOLF, Laurence DURODEZ,

Olivier d’URSEL, Roland FORESTINI,

Sophie JACMAIN, Maurice KRINGS,

Gérard KUYPER, Didier MATRAY,

Jean Pierre RENARD, Fabian TCHÉKÉMIAN,

Jean-François VAN DROOGHENBROECK,

Patrick VAN LEYNSEELE.

COORDINATION: Laurence DURODEZ

MISE EN PAGE: Azurgraphic sprl

PHOTOS: www.Photos.com,© Bénédicte Maindiaux

INTERNET: www.lalibre.be

Comment résoudre au mieux un différend ? Sans trop perdre de temps et d’argent si possible… C’est un dilemme auquel nombre d’entreprises se

trouve ou se trouvera confronté. Engager un procès est souvent le premier refl exe car nous pensons tous que le juge dira qui a raison et qui a tort et qu’après tout sera résolu ! Mais avant de franchir le pas et d’enga-ger une démarche judiciaire, les questionnements sont nombreux. Combien de temps va durer la procédure ? Combien va me coûter mon avocat ? Et si le juge me condamne ? L’enjeu en vaut-il la peine ? Est-ce une bonne publicité pour ma société ?

Y-a-t-il d’autres alternatives ? OUI. Existe-t-il une solution miracle ? NON.

Depuis plusieurs années se développent dans toute l’Europe de nouvelles manières de régler ou de dépas-ser les confl its voire de les prévenir. On les appelle les modes alternatifs de règlement des confl its ou MARC’s. Les MARC’s constituent un ensemble de dispositifs et de pratiques qui se distinguent des procédures judiciaires « classiques » et les complètent.

On pense immédiatement à l’arbitrage, à la médiation ou à la conciliation… mais les MARC’s sont bien plus

nombreux, d’autant plus qu’il est possible de les alterner, de les panacher … pour apporter la Solution au litige, celle qui prendra au mieux en compte les intérêts respec-tifs des parties en cause. Aussi, certains n’hésitent pas à parler de Mode Approprié de Règlement des Litiges.

Alors que l’arriéré judiciaire est de plus en plus abyssal, il nous est apparu nécessaire de faire le point sur les MARC’s en réunissant autour d’une table ronde d’éminents spécia-listes pour en débattre : Quels sont les différents MARC’s ? Comment choisir celui qui convient le mieux à mon litige ? Est-ce vraiment une solution sur mesure ? Quel sera mon rôle en tant qu’entreprise ou particulier dans ce processus ? Encadré par le Vice-président du CEPANI (Centre belge pour la pratique de l’arbitrage national et international), Mon-sieur Didier Matray, vous pourrez lire dans les pages sui-vantes le compte-rendu de leurs échanges. Les éclairages proposés par ces praticiens des MARC’s vous donneront autant d’éléments de réponses et de réfl exion si d’aven-ture un différend venait à se profi ler … Enfi n, de nombreux articles viennent compléter ce débat en abordant plus en profondeur certains aspects spécifi ques des MARC’s.

Bonne lecture à tous,

Laurence Durodez

Page 3: Avant - propos

Pages 4 à 14 : Compte rendu de la table ronde

Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ou les avantages comparés des MARC’s

Page 15 : Les nouvelles stratégies de règlement des confl its

Page 16 :Il vous rappellera tout

Page 18 :La conciliation fi scale : vers une évolution de l’esprit du contentieux

Page 20 :Investissements en Afrique : la sécurité OHADA

Page 22 :L’arbitrage en question (s)

Page 24 :Restructuration d’entreprise et Conciliation sociale : l’impossible défi ?

Page 26 : Extension du domaine de l’arbitrabilité des litiges

Page 28 :MARC’s : Panorama

Page 30 :L’arbitrage : les avantages d’une justice privée

Page 4: Dossir MARC S 19 novembre 2011

4Dossier RGP - MARC’s

Table ronde

Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès

ou les avantages comparés des MARC’sPour ce dernier supplément de l’année 2011, nous avons eu le plaisir d’accueillir Monsieur Didier Matray,

Vice-président du Centre belge pour la pratique de l’arbitrage national et international (CEPANI). Il nous a

fait l’honneur d’animer notre table ronde réunie le 24 octobre dernier sur le thème des Modes Alternatifs de

Règlement des Confl its (MARC’s), débat lancé par cette phrase en forme de boutade « Un mauvais arrangement

vaut mieux qu’un bon procès ! »

Les intervenants de la table ronde organisée le 24 octobre dernier

De gauche à droite: Luc Dumoulin (RGP), Jean-François Van Drooghenbroeck (Nauta Dutilh),

Olivier d’Ursel (van Cutsem Wittamer Marnef & Partners), Dominique Claes (Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte),

Didier Matray (CEPANI), Patrick Van Leynseele (Dal & Veldekens), Jean Pierre Renard (Verhaegen Walravens),

Thibaut Colin (Cabinet Forestini), Fabian Tchékémian (De Wolf & Partners), Maurice Krings (Krings Law),

Laurence Durodez (LexGo.be)

« »

Page 5: Dossir MARC S 19 novembre 2011

5Dossier RGP - MARC’s

Table rondeLes avantages comparés des MARC’s

Didier MATRAY

CEPANI

Dominique CLAESTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte

Fabian TCHÉKÉMIANDe Wolf & Partners

Jean Pierre RENARDVerhaegen Walravens

Jean-François VAN DROOG-HENBROECKNauta Dutilh

Laurence DURODEZ

LexGo.be

Maurice KRINGSKrings Law

Olivier d’URSELvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens

Thibaut COLINCabinet Forestini

Didier Matray Pour nos lecteurs, je propose de rappeler brièvement ce que sont les Modes Alternatifs de Règlement des Confl its ou MARC’s. Il s’agit de mécanismes alternatifs au pro-cès, à la disposition des parties dans le cadre d’une démarche volontaire pour trouver une solution au confl it qui les oppose. Sont notamment concernés l’arbitrage, la médiation ou encore la conciliation, la tierce décision obligatoire, la négociation ou le droit collaboratif. Dans les limites du respect de l’ordre public, les MARC’s peuvent être pratiqués dans tous les domaines de la vie des affaires: droit des sociétés, droit commercial, droit social, droit civil, et même, dans une certaine mesure, droit fi scal … Nous avons la chance d’avoir autour de la table des spécia-listes de toutes ces matières. Aussi, je souhaiterai vous poser une question très simple qui permettra de rentrer dans le vif du sujet : quels sont selon vous les avantages ou les bienfaits des MARC’s par rapport à l’activité judiciaire ?

Patrick Van Leynseele Il y a beaucoup d’avantages. Le

premier avantage est d’éviter les tribunaux. Cela signifi e éviter

des procédures souvent lourdes, parfois inutilement lourdes,

qui sont presque toujours très lentes et qui compte tenu du

temps qu’elles prennent, peuvent se révéler fort coûteuses.

L’essentiel est là. Tout mode de résolution de confl it autre que

le mode judiciaire vaut la peine d’y réfl échir. Il faut se rendre

compte qu’il y a moyen de résoudre les confl its autrement

qu’en faisant appel à Monsieur le Juge. D’éminents magistrats,

aux Etats-Unis comme en Europe disent « avant d’arriver de-vant les tribunaux, vous devriez avoir tout essayé pour les éviter ; le tribunal ne devrait être que l’ultime recours quand vraiment, après avoir essayé tout le reste, vous n’avez pas réussi à résoudre votre confl it. ». Voilà une philosophie que

j’aime bien. Elle sous-tend toute la matière des MARC’s.

Olivier d’Ursel Il y a une multitude de manières de ré-

soudre des confl its. Mais il s’agit de choisir le mode le plus ap-

proprié aux besoins des parties. C’est très important. Si la voie

judiciaire est un mode de résolution, qui dans certains cas peut

être le bon, il est probable que dans la grande majorité des cas,

il ne soit pas le bon parce qu’il ne correspond pas à ce que

recherchent les parties. Les MARC’s ne visent pas à éviter le

confl it, ce qui en soit est quelque chose de positif, mais visent

à lui apporter une solution adaptée aux besoins des parties.

Fabian Tchékémian Pour ma part, je vois trois avantages

et un petit bémol. Avantages : rapidité, fl exibilité, maîtrise du

fond et des coûts, - et un petit bémol c’est qu’il faut à mon sens

relativiser les avantages théoriques que je viens de citer par

rapport à l’expérience pratique qui amène, malheureusement

à certains égards, à devoir revoir ces avantages.

Maurice Krings Le procès implique inéluctablement une

dramatisation des rapports entre les parties. Les parties, par

hypothèse, ont conclu un contrat, sont arrivées à avoir des

divergences sur ce contrat. Ces divergences se cristallisent au

stade de certaines demandes ou de défenses. Puis c’est la rup-

ture qui mène à la citation en justice. C’est la dramatisation

de la situation. On bascule d’une logique d’écoute de l’autre

à une logique de confl it : « je veux avoir raison et je veux que quelqu’un dise que l’autre a tort. ». L’arbitrage a comme

avantage qu’il permet ne fut-ce qu’au stade de l’élaboration

de l’acte de mission de donner la possibilité de dire aux par-

ties : « au regard du contentieux qui vous oppose, n’y a-t-il pas un certain nombre de points préalables qu’on pourrait éventuellement résoudre ? Parce que si ces points préalables étaient résolus, vous pourriez peut-être vous entendre sur toute une série de conséquences qui s’en déduisent ? »

C’est une des vertus de la sentence partielle en matière d’arbi-

trage. La sentence partielle est celle par laquelle l’arbitre ré-

pond à un certain nombre de questions préalables sur la base

desquelles les parties pourront, le cas échéant, résoudre elles-

mêmes le solde de leur confl it.

Dominique Claes En matière de droit social, je dénonce-

rai la totale inadéquation du judiciaire par rapport aux confl its

sociaux. Le droit social est pionnier de la conciliation. On uti-

lise d’ailleurs les termes de « partenaires sociaux ». Le judiciaire

n’a donc pas à s’immiscer dans une relation qui, par défi nition,

doit avoir lieu entre les partenaires. Le seul avantage du judi-

ciaire dans un confl it collectif du travail est qu’il parvient à faire

respecter certains droits fondamentaux. C’est la seule utilité

du judiciaire notamment dans une situation de privation de

liberté à l’occasion d’initiatives syndicales où là, effectivement,

le judiciaire retrouve sa place pour faire respecter ces droits

fondamentaux.

Jean Pierre Renard Pour illustrer les avantages des

MARC’s, je voudrais citer un proverbe chinois « Gagner un pro-cès, c’est acquérir une poule en perdant une vache ». Il fau-

drait le mettre au fronton de tous les tribunaux du royaume !

Quelque soit le résultat d’une procédure judiciaire, son coût et

sa durée – qui viennent d’être mentionnés -, je voudrais sou-

ligner l’incertitude de l’issue d’un procès, paramètre que les

chefs d’entreprise ne supportent pas! Ajoutons que les modes

alternatifs permettent d’être très rapidement sur la balle pour

rappeler aux personnes qui vivent le confl it, qu’il faut impéra-

tivement trouver une solution constructive parce qu’il y a tou-

jours un après judiciaire. Et, il faut constater que dans le cadre

des modes alternatifs, les continuations d’activités sont bien

plus nombreuses. En effet, quand les deux parties sont arrivées

à une solution, après s’être bien dit les choses en face, elles

vont continuer à vivre à deux, elles vont continuer à faire du

commerce à deux ... tandis que dans un confl it où un tribunal

va dire : qui a raison et qui a tort ...en général, c’est fi ni. C’est

un autre problème du judiciaire par rapport aux MARC’s.

Thibaut Colin La conciliation fi scale est récente

puisqu’elle est vraiment opérationnelle depuis le 1er juin

2010. Son effi cacité devra donc être prouvée. Mais, elle pré-

sente toutefois deux grands avantages : d’abord elle permet un

Page 6: Dossir MARC S 19 novembre 2011

6Dossier RGP - MARC’s

Table ronde Les avantages comparés des MARC’s

Didier MATRAY

CEPANI

Dominique CLAESTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte

Fabian TCHÉKÉMIANDe Wolf & Partners

Jean Pierre RENARDVerhaegen Walravens

Jean-François VAN DROOG-HENBROECKNauta Dutilh

Laurence DURODEZ

LexGo.be

Maurice KRINGSKrings Law

Olivier d’URSELvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens

Thibaut COLINCabinet Forestini

débat plus constructif entre l’administration fi scale et le contri-

buable, alors que parfois chacun campe sur sa position. De

plus, les tribunaux et les cours en matière fi scale sont vraiment

submergés (les premières dates d’audiences sont fi xées en

2014-2015), dès lors au niveau de la bonne administration de la

justice il faut clairement trouver des solutions. La conciliation

fi scale devrait résorber une partie de l’arriéré judiciaire qui est

galopant. Enfi n au vu de l’actualité économique mondiale, il

va falloir clairement faire entrer de l’argent dans les caisses de

l’Etat et la conciliation fi scale est une des réponses à apporter !

Jean-François Van Drooghenbroeck Pour mesurer

les avantages et les inconvénients de chacun des MARC’s, je

voudrais distinguer les modes alternatifs au jugement et les

alternatives au juge. Par ‘alternatives au juge’, j’entends que

le processus de décision reste le même : un tiers tranche un

litige dans le respect plus ou moins étendu de la contradiction.

On songe à l’arbitrage, à la tierce décision. Les avantages se

mesurent alors surtout en termes de résultats : la qualité, la

prévisibilité, la confi dentialité et avec un point d’interrogation,

la célérité. Quant aux avantages des ‘alternatives au jugement’,

où là l’innovation est plus spectaculaire encore puisqu’il est

question d’une réappropriation de la décision par les parties

elles-mêmes, les qualités sont partiellement identiques et par-

tiellement différentes : sérénité et réappropriation de l’histoire

litigieuse.

Didier Matray Je retiens plusieurs points qui méritent de retenir l’attention. D’abord, l’idée selon laquelle, il faut toujours choisir le mode le plus approprié. Aucun mode alternatif n’est en soi une panacée. Vous avez également souligné que dans les modes alternatifs au jugement, il y a une réappropriation du litige par les parties. C’est un élément distinctif très intéressant de l’approche proposée par les modes alternatifs. Revenons brièvement sur ces deux points.

CONSTRUIRE LA SOLUTION ADAPTEE A SON PROPRE LITIGE

Jean-François Van Drooghenbroeck La meilleure ma-

nière de mener les parties à une solution pour un litige qui les

oppose est de les aider à en mesurer elles-mêmes les tenants et

aboutissants. Et, pas à pas, sous l’égide bienveillante d’un mé-

diateur ou d’un conciliateur, de construire une solution dont

elles ne se dépossèdent pas et maîtrisent mieux les tenants et

aboutissants. Cela garantit la pérennité de la solution. Mais, pa-

radoxalement, c’est précisément cette réappropriation qui peut

faire peur dans la médiation. Chacun s’accorde sur les mérites

de la médiation mais pas pour soi ! On constate une angoisse

de s’abandonner dans son litige et le risque peut-être de voir

triompher la loi du plus fort à son détriment. Donc, il y a une

sorte de paradoxe dans cette réappropriation : elle fait peur.

Pour la célérité, là aussi un petit paradoxe : au regard des

statistiques moyennes, l’arbitrage -pour ne parler que de lui

- est un mode globalement plus rapide que le litige judiciaire

notamment parce qu’il est sur mesure et que l’appel est peu

fréquent, voire interdit. Mais paradoxalement l’arbitrage est,

en tout cas en Belgique, moins bien équipé pour tenir le choc

de l’urgence. Il n’existe pas encore (je ne dis pas encore parce

qu’il existe peut-être des réfl exions au Cepani notamment),

d’Emergency Arbitration, c’est-à-dire la possibilité pour les

arbitres de pouvoir ordonner des mesures conservatoires, qui

ne peuvent souffrir le moindre délai. C’est un peu le paradoxe,

le choc de l’urgence n’est pas encore assumé par l’arbitrage

belge !

Didier Matray Effectivement, la Chambre de Commerce Internationale a modifi é son règlement et, à partir du 1er jan-vier 2012, des arbitres «d’urgence» pourront être désignés. Le CEPANI, le Centre belge pour la pratique de l’arbitrage national et international, a mis la question à l’étude. Mais pour l’ins-tant, il existe une complémentarité effi cace entre les modes alternatifs et le pouvoir judiciaire: les procédures de référé per-mettent aux Présidents de tribunaux d’ordonner très rapide-ment des mesures provisoires par le moyen de décisions qui sont immédiatement exécutoires. Même si l’on prévoyait dans le règlement d’arbitrage du CEPANI un arbitre d’urgence, il ne faudrait pas, à mon sens, exclure pour autant de façon géné-rale tout recours au référé. Revenons à la réappropriation du litige, qu’en est-il en matière fi scale ?

Thibaut Colin Lorsqu’il fait appel à la conciliation fi scale,

le contribuable n’abandonne pas la possibilité de porter le

litige devant des magistrats. C’est une distinction importante

par rapport à d’autres MARC’s. C’est une procédure qui est

distincte de l’arbitrage, puisqu’elle n’est pas contraignante,

et également de la médiation puisque l’objectif n’est pas vrai-

ment d’arriver à un compromis où chacun va devoir lâcher du

lest même si on peut y arriver et y tendre ; ce qui est impor-

tant c’est de tenter d’arriver à un compromis et surtout à le

faire admettre. Souvent, le contribuable voit l’Etat comme un

« vieux voleur » et donc faire admettre que parfois il a tort,

que ce soit pour l’administration ou pour le contribuable, c’est

forcément important.

Didier Matray La conciliation n’a-t-elle pas ses limites dans la mesure où la loi fi scale est d’ordre public ?

Thibaut Colin C’est un point important. La conciliation

ne peut pas amener à une exemption de l’impôt, ni à une

réduction, ni porter sur un point d’interprétation. Le service

des conciliations fi scales n’a pas de pouvoir d’interprétation

de la loi fi scale. Il ne peut pas trancher de questions de droit.

La conciliation porte généralement sur des questions de faits

comme par exemple : le caractère non déductible, non profes-

sionnel d’une dépense, tout ce qui est relatif au recouvrement.

Beaucoup de demandes portent sur des questions de recou-

vrement ou bien sur la taxation judiciaire

Page 7: Dossir MARC S 19 novembre 2011

7Dossier RGP - MARC’s

Table rondeLes avantages comparés des MARC’s

Didier MATRAY

CEPANI

Dominique CLAESTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte

Fabian TCHÉKÉMIANDe Wolf & Partners

Jean Pierre RENARDVerhaegen Walravens

Jean-François VAN DROOG-HENBROECKNauta Dutilh

Laurence DURODEZ

LexGo.be

Maurice KRINGSKrings Law

Olivier d’URSELvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens

Thibaut COLINCabinet Forestini

Didier Matray Avez-vous une idée des statistiques de recours à la conciliation ?

Thibaut Colin Depuis le 1er juin 2010, le service de conci-

liation fi scale a traité plus de 3.000 demandes. C’est un chiffre

encore faible pour la simple raison que beaucoup de contri-

buables et même certains fi scalistes ignorent cette procédure.

Parmi les demandes un grand nombre concernent le recou-

vrement. Mais, certaines demandes ne sont pas de véritables

demandes de conciliation mais simplement des demandes de

contribuables qui se retrouvent dans ce service pour un rensei-

gnement qui n’a rien à voir avec de la conciliation fi scale ! C’est

un processus qui doit encore mûrir pour pouvoir faire le point

dans un an, deux ans ou plus.

Jean Pierre Renard Je reviens sur l’aspect « célérité » pour

signaler que Bruxelles est un cas particulier. Mais, si on fait le

calcul par rapport à l’arbitrage ou à d’autres mesures, la voie

judiciaire me paraît toujours nettement plus longue. Quant à

la palette des modes alternatifs, je voudrais mentionner « le

protocole de négociation préparé par Barreau de Bruxelles ».

Il contient notamment les négociations directes avec la confi -

dentialité et la suspension des procédures, ainsi que les diffé-

rents recours à des tiers. S’agissant de trouver les mesures les

plus appropriées pour régler un différend, on s’aperçoit que

le choix est vaste : recours à un expert, évaluation juridique

indépendante, recours au médiateur, recours au conciliateur

et accord transactionnel avec fi n du processus. Le « protocole

de négociation préparé par le Barreau de Bruxelles » est une

« convention pré-faite » dont l’objectif est d’aider à la résolu-

tion du confl it. Mais, le gros problème est celui de l’informa-

tion et du changement de mentalité. Les avocats ne sont mal-

heureusement pas encore suffi samment formés pour inciter

leurs clients à la médiation. Ou bien la raison est qu’ils sont

consultés trop tard, mais il est très clair aussi qu’un avocat

pense plutôt au contentieux ! Il faut donc leur apprendre ce

qu’est une médiation. Il est intéressant de constater qu’après

être passé par la médiation, autant les avocats que les clients

disent : « c’est une merveille » ; par contre ceux qui n’y sont

pas encore passés ont une espèce d’appréhension de se dire :

« mais qu’est-ce que c’est ?». L’information est donc essentielle !

Fabian Tchékémian Sur la célérité, il faut relativiser. A

Bruxelles, aujourd’hui si on introduit une procédure devant

un tribunal de commerce réputé pour ne pas avoir beaucoup

d’arriérés, il faut compter 18 mois entre la date d’introduc-

tion et la date de plaidoirie avec parfois des mises en état très

courtes. Avec des délais de mises en état de 6 mois, deux jeux

de conclusions par partie, s’il n’y a que deux parties, il faut

ajouter un délai d’attente de plus ou moins un an avant de

pouvoir plaider. Si on compte la faculté d’appel rarement pré-

vue en matière de MARC’s, le délai est d’environ 4 à 5 ans de

procédure judiciaire pour avoir une décision défi nitive. Au ni-

veau de la célérité le mode alternatif, de par le fait qu’il est par

essence plus court et ne fut-ce que parce qu’il n’a pas souvent

double degré de juridiction, peut aider.

S’agissant du fait qu’aucun mode de règlement, qu’il soit judi-

ciaire ou autre, ne soit la panacée, nous sommes bien d’ac-

cord. Il faut pouvoir panacher tout ou partie de ces modes

alternatifs ou judiciaires. Parfois, le recours unilatéral au juge

peut être une bonne chose notamment pour démarrer dans

des situations extrêmes et pour provoquer soit la concertation

soit la conciliation, ou pour déboucher sur un arbitrage ou une

médiation. Tout est dans tout. Il faut pouvoir, le cas échéant,

panacher, en utilisant tous les modes à disposition, ou en choi-

sir certains par rapport à l’intérêt du client ou par rapport à

l’enjeu lui-même.

En ce qui concerne la réappropriation du litige par les parties

dans le cadre d’un mode alternatif, tout dépend aussi de la

personnalité du client et de son réel souhait de s’impliquer.

Certains s’impliquent beaucoup dans leur dossier judiciaire

et font 80 % du travail à la place de leur avocat, alors que

d’autres pas. Et, inversement dans les modes alternatifs, cer-

taines personnes sont extrêmement craintives parce qu’elles

ont l’impression de se mettre à nu devant un tiers et ont plus

confi ance dans le juge. Ce peut aussi être un frein à certains

moments. Il y a beaucoup de choses à relativiser dans un cas

comme dans l’autre.

Olivier d’Ursel La réappropriation du litige me paraît im-

portante. Elle se situe sur l’ensemble de la relation qu’auront

les parties. En s’impliquant, toute partie a la faculté - si évidem-

ment son adversaire joue aussi le jeu -, de faire avancer plus

rapidement la résolution du litige. Mais, surtout elle a la faculté

aussi de l’exécuter d’une manière plus adéquate puisqu’elle

aura elle-même dans le cadre de la médiation, construit la solu-

tion du litige. Elle sera donc probablement plus motivée pour

l’appliquer. La réappropriation du litige passe par la réappro-

priation de l’ensemble des relations : une fois que le litige aura

été résolu, les relations peuvent continuer de manière plus

harmonieuse voire plus amicale dans la durée. C’est dans ce

sens qu’on peut parler d’une relation durable. Un des objectifs

des MARC’s, quels qu’ils soient, est de permettre une relation

à plus long terme, et plus elle va permettre d’élever le regard

des parties, plus le terme de la relation sera long.

Jean Pierre Renard Je rebondis en qualité de juge sup-

pléant. En effet, il est possible comme arbitre dans l’acte de

mission de déterminer avec les parties le cadre dans lequel

on va décider. Mais, le juge est, lui, coincé par une citation et

par ce que les parties vont demander. Il ne peut pas aller au-

delà de ce qui lui est soumis. La frustration qui est la mienne

comme juge suppléant est importante. Souvent, on se dit que

le jugement ne va pas résoudre le problème, ou en tout cas

que la question est mal posée et que ce n’est pas ainsi qu’elle

sera résolue.

Page 8: Dossir MARC S 19 novembre 2011

8Dossier RGP - MARC’s

Table ronde Les avantages comparés des MARC’s

Didier MATRAY

CEPANI

Dominique CLAESTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte

Fabian TCHÉKÉMIANDe Wolf & Partners

Jean Pierre RENARDVerhaegen Walravens

Jean-François VAN DROOG-HENBROECKNauta Dutilh

Laurence DURODEZ

LexGo.be

Maurice KRINGSKrings Law

Olivier d’URSELvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens

Thibaut COLINCabinet Forestini

Didier Matray En droit social, je voudrais revenir un instant sur l’idée que le judiciaire n’est pas adapté au confl it collectif. Pourtant, l’absence d’un magistrat indépendant et impartial ne pourrait-il avoir pour conséquence que les parties au confl it poussent leurs avantages par le recours à la voie de faits, parfois même la violence ? Dans la vie en société, le règle-ment judiciaire est une forme de garantie du maintien de la démocratie. Là où il n’y a pas de pouvoir indépendant extérieur pour contrôler les abus ou en tout cas pas suffi samment, n’y a-t-il pas un risque d’atteinte aux valeurs fondamentales de notre société ?

Dominique Claes Il faut faire le constat : la concertation

est de plus en plus ébranlée par les voies de faits répétées.

Prenons le droit de grève. Principe fondamental pour les tra-

vailleurs de faire entendre leur point de vue. Les cours et les

tribunaux, lorsqu’ils sont saisis pour des voies de faits comme

des piquets de grève, se montrent de plus en plus tolérants

tant que les piquets de grève restent un mode d’expression

pacifi que du droit de grève. Par contre, les cours et tribunaux

ont des diffi cultés à se positionner sur des faits de séquestra-

tion. Le judiciaire est fort inadapté. Avec une ordonnance du

Président du tribunal de première instance sur requête unila-

térale, ordonnant le libre accès à l’usine, la libre circulation du

personnel et de ses dirigeants, comment faire respecter cette

décision de justice, lorsque vous avez 300 travailleurs devant

les portes ? Le judiciaire est peut-être une chambre d’échos

aux problèmes auxquels est confronté le management. Sou-

vent les décisions inappliquées sont utilisées comme moyen

de ramener les partenaires autour de la table. Mais, il faut sur-

tout éviter la banalisation des voies de faits. C’est un constat un

peu amer pour les praticiens du droit du travail de s’apercevoir

que les syndicats voient les piquets de grève et la séquestra-

tion comme un passage obligé pour aboutir à un accord ! Ceci

donne un ton un peu négatif des relations sociales collectives.

Mais, la note positive est que tous les confl its collectifs se ter-

minent par une solution négociée.

Didier Matray N’est-ce pas parfois alors la victoire du plus fort, même si dans un certain nombre de cas, il faut nuan-cer ? Mais, quand les parties sont face à face, un tiers neutre et objectif, indépendant et impartial, ne pourrait-il parfois mieux mettre fi n au confl it en tranchant le différend ?

Dominique Claes Le judiciaire sanctionne uniquement

un mode d’expression des travailleurs à un moment crucial

d’un confl it. Lorsque vous annoncez à 500 travailleurs que

demain ils seront chômeurs, on peut comprendre les mouve-

ments d’humeur. Malheureusement ils ne sont pas encadrés.

Le judiciaire ne va donc pas régler une restructuration, il n’en

a pas le pouvoir. Par notre ordre juridique en droit social, nous

sommes très bien organisés sur une structure paritaire, que ce

soit au niveau interprofessionnel au CNP, au niveau paritaire,

au niveau des commissions paritaires, au niveau de l’entre-

prise, dans les organes sociaux. Il y a suffi samment de relais

pour relancer la négociation et la concertation lorsqu’elle

échoue. Nous disposons d’ailleurs d’un instrument qu’il fau-

drait peut-être remettre au goût du jour, c’est le bureau de

conciliation au sein de commissions paritaires, et la désigna-

tion d’un conciliateur social par le Ministre de l’emploi. Pour

favoriser un règlement amiable à un confl it social, avant de

recourir au judiciaire ne pourrait-on pas imposer aux parties

d’abord de se faire entendre par un conciliateur social ? Et que

les parties aient l’obligation de suspendre toute mesure tant

du côté employeur que du côté des syndicats ?

Didier Matray C’est la question des outils. Quels sont les outils à la disposition des artisans des modes de résolution des confl its ? Notons une ouverture de plus en plus grande puisque la loi prévoit maintenant que si le juge estime à un moment donné que le judiciaire n’est pas la bonne méthode pour sortir du litige, il peut suspendre la procédure et proposer aux parties une médiation. Voilà quelque chose d’assez neuf qui témoigne d’un changement de mentalité important. La phase judiciaire aura été utile pour permettre de dégrossir toute une série de choses, et puis on peut terminer le litige par une conciliation ou bien par une médiation. De plus en plus, les tribunaux favo-risent les médiations, car aucun juge n’aime rendre une déci-sion qu’il va considérer comme conforme au droit, mais non-conforme à l’intérêt des parties ou plus généralement à l’équité.

Fabian Tchékémian Juste à une petite chose. On ne

s’est pas posé la question fondamentale, qui est plus théorique

et philosophique que pratique, à savoir qu’aujourd’hui nous

sommes dans une société où on confl ictualise beaucoup plus,

ou en tout cas où on rend publics plus facilement les confl its.

Avant, dans des systèmes plus communautaires, beaucoup de

choses se réglaient « en petit comité ». Aujourd’hui, les gens

vont pratiquement dans un cabinet d’avocats pour « acheter »

un procès. Alors, on se pose la question de savoir quelle est la

solution à apporter à ce confl it judiciaire ? Il y a donc peut-être

une question en amont qu’il faudrait se poser, qui est celle de

la source du confl it et celle de son règlement préalable avant

d’aller voir l’avocat.

Patrick Van Leynseele « Le juge tranche un litige, mais il ne le résout pas ». C’est une phrase prononcée par Marc

Juston1 qui résume assez bien ce qui a été dit ici.

Deux commentaires. D’abord, sur la célérité, méfi ons-nous

des amalgames ! Quand on pense célérité, on pense arbitrage

et on imagine que l’arbitrage est véritablement plus rapide que

les tribunaux. Non pas nécessairement et pas toujours, sauf s’il

n’y a pas de phase d’appel. Choisir l’arbitrage pour la célérité

est un mauvais argument parce que le risque est qu’il prenne

quand même beaucoup de temps. Par contre, pour les autres

MARC’s, ce peut être un énorme avantage. Quand je fais une

médiation, c’est un dossier qui dure deux mois et est terminé

au bout de deux mois… depuis le moment où j’ai reçu le pre-

mier appel pour me demander d’intervenir comme médiateur

1 le président (ou ex) du tribunal de grande instance

de Tarascon.

Page 9: Dossir MARC S 19 novembre 2011

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Page 10: Dossir MARC S 19 novembre 2011

10Dossier RGP - MARC’s

Table ronde Les avantages comparés des MARC’s

Didier MATRAY

CEPANI

Dominique CLAESTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte

Fabian TCHÉKÉMIANDe Wolf & Partners

Jean Pierre RENARDVerhaegen Walravens

Jean-François VAN DROOG-HENBROECKNauta Dutilh

Laurence DURODEZ

LexGo.be

Maurice KRINGSKrings Law

Olivier d’URSELvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens

Thibaut COLINCabinet Forestini

dans le litige et le moment où le dossier se clôture, 3 fois sur

4 par un accord, 1 fois sur 4 par une absence d’accord. Ces

deux mois c’est quoi ? C’est le temps utilisé par les parties avec

l’aide du médiateur pour résoudre leur litige. Ici, je reprends

l’idée d’appropriation. C’est parce que le médiateur se place

entre les parties, qu’il travaille avec elles et arrive à ce qu’elles

se rendent compte qu’au fond le dossier n’est pas tout blanc

ou tout noir, et qu’il y a moyen de réfl échir de manière plus

constructive soit en choisissant quelque chose de gris soit en

se disant : « construisons ensemble quelque chose de totale-ment différent de ce que la solution juridique ou judiciaire donnerait. » Pourquoi ? Parce que la limitation des possibili-

tés n’existe pas. Un litige peut être résolu de très nombreuses

manières différentes. Certaines sont conformes à ce que pré-

voirait le Code civil, mais d’autres pas, non pas qu’elles soient

illégales mais parce que les parties peuvent construire autre

chose et renouer une relation ou mettre un terme à une rela-

tion autrement que de la manière dont le juge devrait le faire

parce qu’il est contraint d’appliquer les règles du droit

Maurice Krings Patrick Van Leynseele vient de le dire:

« on voit des arbitrages qui durent aussi longtemps si pas plus que des procédures au fond ». Je voudrais replacer le contexte.

Il y a des arbitrages dans lesquels les arbitres doivent prendre

connaissance de milliers de pièces ! Il est parfois plus réaliste

de se dire que des arbitres en prendront connaissance plus

sûrement que des juges qui doivent traiter le dossier parmi des

quantités d’autres. C’est sans doute un avantage de l’arbitrage

au delà de l’aspect célérité. Par ailleurs, l’arbitrage s’impose

parfois dans certaines situations. Fabian Tchékémian a parlé

précédemment de la publicité faite autour des procès. Le prin-

cipe de l’arbitrage et de la confi dentialité de tout ce qui s’y at-

tache, évite cette publicité. N’oublions pas que les entreprises

impliquées dans des arbitrages fi nanciers et industriels sont

par ailleurs des opérateurs qui se rencontrent dans une mul-

titude d’affaires. Par conséquent, si elles ont un confl it, elles

vont le résoudre par l’arbitrage car elles savent très bien que

demain elles seront ensemble sur une autre affaire !

PAS DE SOLUTION DECEVANTE, MAIS UNE SOLUTION ACCEPTEE

Jean-François Van Drooghenbroeck Dans le cadre de

la médiation, de la conciliation et du droit collaboratif, la réap-

propriation du litige est à la fois une vertu mais aussi un défi .

Vertu ? Parce que les modes alternatifs vont permettre d’abord

aux parties d’injecter dans le débat les éléments en nombre, en

qualité et en portée qu’elles ont souhaités. Combien de fois a-

t-on entendu comme avocat « le juge n’a rien compris » ? Vertu

également : réappropriation en termes de cadence. On n’est

pas face à un problème mort avec des solutions mortes qui

viennent 10 ans plus tard ! On est sur le vif, les parties sont maî-

tresses d’une certaine cadence qu’elles peuvent choisir, ralen-

tir, temporiser. Quel bienfait en termes de vertu ! Egalement

en termes de réappropriation, les seuils de tolérance sont

exprimés. Il n’y a pas de solution déprimante ou décevante. Il

y a de solution que celle qu’on a acceptée et sentie venir, avec

chacun nos seuils de tolérance. Et puis aussi, tout simplement

la fi erté du travail accompli. Plutôt que de maudire son juge, ici

il y a cette fi erté d’avoir la copaternité ou la comaternité d’une

solution qu’on a soi-même créée. De fait, on est plus enclin à la

respecter. Mais c’est aussi un défi , le pari de s’abandonner à la

résolution dans la réappropriation de son propre litige et de ne

pas avoir le confort du tiers décideur qui discrétionnairement

du haut de son pouvoir souverain va m’imposer une solution.

C’est une question de responsabilité et fi nalement c’est le pari

de la confi ance en soi et en l’autre.

Didier Matray Me Van Drooghenbroeck a évoqué le droit collaboratif. Quels en sont les avantages par rapport au pro-cessus de conciliation et de médiation ? Peut-être serait-il inté-ressant de donner une défi nition du droit collaboratif pour nos lecteurs ?

Patrick Van Leynseele La caractéristique du droit colla-

boratif est que chacune des parties choisit un avocat qui n’inter-

vient que pour trouver une solution négociée au litige. La pre-

mière condition évidemment c’est que les deux parties fassent

le choix de cette procédure de résolution et que les avocats ne

puissent intervenir que dans ce cadre-là. C’est en cela qu’on

l’appelle « collaborative » parce que permettant aux parties de

collaborer à la recherche d’une solution et quelque part de tirer

un maximum d’échelles de secours au cas où ça ne fonctionne-

rait pas. C’est un parti pris pour la solution négociée.

Olivier d’Ursel Le droit collaboratif, pourquoi est-ce

bien ? Mais parce qu’il donne un cadre à ce qui n’est rien

d’autre qu’une négociation de partie à partie assistée par des

avocats. Et pourquoi a-t-on besoin d’un cadre ? Tout d’abord

parce que ça rassure. Cela donne une assise contractuelle à la

confi dentialité qui est bien souvent un élément indispensable

pour que la négociation puisse avoir lieu. Grâce à cette confi -

dentialité, à la collaboration avec les avocats, à la compréhen-

sion du mécanisme, on peut aller au fond des choses ce qui

n’est pas toujours possible dans une négociation simplement

de partie à partie, voire même assistée par les avocats. On a

créé un cadre et tout le monde s’est mis d’accord sur ce cadre

sachant exactement à quoi s’en tenir.

Dominique Claes Par analogie en droit social dans les

relations collectives, il existe un concept proche : la Loi Re-

nault. Elle impose dans une première phase, à tous les par-

tenaires sociaux, d’instruire le processus de restructuration.

Durant cette phase, qui n’est pas délimitée dans le temps, les

représentants syndicaux ont le droit de faire valoir tous leurs

moyens de défense quant à un projet de restructuration. La

loi prévoit qu’au terme de cette phase d’instruction va démar-

rer une phase de négociation. Cette phase est par contre déli-

mitée dans le temps puisqu’elle est, en théorie, d’un délai de

30 jours. Et donc, à l’échéance de ce processus d’instruction/

négociation on arrive classiquement à un plan social, si tout

va bien.

Page 11: Dossir MARC S 19 novembre 2011

11Dossier RGP - MARC’s

Table rondeLes avantages comparés des MARC’s

Didier MATRAY

CEPANI

Dominique CLAESTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte

Fabian TCHÉKÉMIANDe Wolf & Partners

Jean Pierre RENARDVerhaegen Walravens

Jean-François VAN DROOG-HENBROECKNauta Dutilh

Laurence DURODEZ

LexGo.be

Maurice KRINGSKrings Law

Olivier d’URSELvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens

Thibaut COLINCabinet Forestini

Fabian Tchékémian Les avantages des différentes tech-

niques que nous venons d’évoquer impliquent nécessairement

que les parties soient de bonne foi. En effet, parce que parfois

- et c’est la grande différence entre l’arbitrage et le judiciaire où

on s’en remet à quelqu’un qui est investi d’une autorité et qui

tranche - dans les modes plus collaboratifs que ce soit le droit

collaboratif ou la médiation, on doit compter sur la bonne foi

du confrère et des parties. Si une des parties utilise ces tech-

niques comme mode dilatoire ou comme « enfumage », il peut

y avoir plus de dégâts in fi ne ! Un élément à apprécier : c’est la

bonne foi de l’interlocuteur !

LA REUSSITE DES MARC’S SUPPOSE LA BONNE FOI DES

PARTIES

Maurice Krings C’est vrai que dans les MARC’s, on n’ima-

gine pas des acteurs de mauvaise foi. En matière d’arbitrage,

les audiences ne sont pas uniquement des audiences de plai-

doiries à l’inverse de la procédure judiciaire où en réalité il y a

un paravent entre la partie, le juge et l’avocat. L’avocat raconte

l’histoire qu’il a mise au point avec son client, formalisée dans

des conclusions qui ont été peaufi nées etc. On a gommé tout

ce qui pouvait éventuellement être dangereux ou diffi cile à

défendre. Il y a un discours de plaidoirie parfaitement préparé

par l’avocat dont le juge doit se contenter. Quand on plaide de-

vant un juge 1 ou 2 heures, on est contents. Mais en arbitrage,

il n’est pas exceptionnel d’avoir des journées d’audience, d’au-

dition des parties ou de témoins, voire plusieurs jours. C’est

très diffi cile à ce moment-là de maintenir un discours de mau-

vaise foi. Dans l’arbitrage où on prend le temps d’écouter tous

les acteurs, la vérité sort toujours !

Patrick Van Leynseele La mauvaise foi en arbitrage, Me

Krings nous dit qu’il n’y croit pas beaucoup, qu’on arrive tou-

jours à la voir. En matière de médiation, une fois sur deux j’en-

tends les parties dire que l’autre est de mauvaise foi. Il y a tou-

jours de la mauvaise foi. En réalité, quand on taxe quelqu’un

de mauvaise foi bien souvent c’est parce qu’on ne le comprend

pas. On ne voit pas ce qui l’anime. Le dialogue qui peut être

instauré permet de balayer tout ça. J’ai très souvent eu des ac-

cords en médiation alors que les parties parlaient de mauvaise

foi au départ. Donc, je me méfi e. Ceci dit, je suis entièrement

d’accord pour dire que dans les MARC’s basés sur l’accord

des parties, la vraie mauvaise foi n’a pas sa place. Il faut faire

confi ance à un moment donné. Le médiateur, si réellement

il voit, sent, ou sait qu’il y a de la mauvaise foi, va lui-même

interrompre la médiation parce qu’il ne peut pas participer à

un processus biaisé, qui ne suit pas le cours normal. Il faut de

la collaboration et la mauvaise foi n’est pas compatible avec la

collaboration.

Didier Matray C’est un constat important. Tous les pro-cessus fondés sur l’accord des parties et la volonté des parties d’aboutir ne peuvent fonctionner si une des parties ne joue pas le jeu. Une limite est ainsi tracée. Mais voyez-vous d’autres obs-tacles au bon aboutissement des MARC’s?

Fabian Tchékémian Un autre inconvénient : le coût. Cer-

taines procédures sont jugées extrêmement coûteuses par les

parties, peut-être à tort, car il est vrai qu’il faut faire un bilan

entre plusieurs années de procédure et quelques jours ! Par ail-

leurs, vu le haut degré de spécialisation des intervenants, il est

clair que cela engendre un coût certain qui peut être dissuasif.

Il y a aussi l’aspect d’attente, parfois d’attente irraisonnée de

certaines parties sur la solution. Ceci notamment parce qu’on

leur a vanté les mérites des MARC’s. Et, de nouveau la diffé-

rence entre la pratique et la théorie. Parfois, on esquisse théo-

riquement un tableau des avantages et des inconvénients mais

en pratique on peut avoir une mauvaise surprise. Encore une

fois, il faut relativiser entre les attentes des uns et des autres

et le résultat pratique en fonction des intervenants et des élé-

ments du litige. Il peut effectivement y avoir un hiatus.

Olivier d’Ursel Il est certain que quand une partie est

de mauvaise foi, n’importe quel processus de résolution d’un

litige est ralenti. Mais, dans les MARC’s la mauvaise foi se verra

assez rapidement. Si réellement une partie est de mauvaise foi,

il faut abandonner évidemment le système ou bien le mettre en

veilleuse. La mauvaise foi ou la diffi culté d’accepter un système

alternatif existe mais le temps peut souvent aider aussi à accep-

ter. Au niveau des inconvénients - qui n’en est pas réellement

un mais plutôt un obstacle - je pense à l’engagement dans le

litige. C’est vrai qu’on perd, comme disait Me Van Drooghen-

broeck, l’avantage de se dire « maintenant je confi e tout à un juge et puis je ne m’en occupe plus ». Rares sont les personnes

qui peuvent le faire, qui ont ce détachement par rapport au

litige. Autre inconvénient qui est quelque part le revers, mais

que je vois comme un avantage, c’est la responsabilisation

des parties dans le processus. C’est certain qu’au départ on

peut être réticent, et puis au fur et à mesure de l’évolution du

processus on fait un travail sur soi-même, sur le dossier et sur

l’adversaire, qui fait qu’on arrive à une solution.

Jean Pierre Renard Un inconvénient notamment sur

un point précis. En matière de «procédures collectives » pour

parler de manière générale, nous avons un problème en ma-

tière de médiation. En effet, imaginons qu’on représente 200

personnes, en face se trouve celui qui veut négocier. Il va se

poser la question suivante « La médiation d’accord, mais que se passe-t-il s’il a encore 100 autres personnes dans la même situation ? ». C’est un inconvénient. A cet égard, les hollandais,

qui sont des gens pratiques, ont déjà trouvé la solution. Ils ont

une espèce de « class mediation » c’est-à-dire qu’une fois qu’on

a un accord avec un certain nombre de personnes, on peut dé-

poser cet accord auprès du tribunal et celui-ci sera opposable

(je passe les détails) aux autres parties qui se trouvent exac-

Page 12: Dossir MARC S 19 novembre 2011

12Dossier RGP - MARC’s

Table ronde Les avantages comparés des MARC’s

Didier MATRAY

CEPANI

Dominique CLAESTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte

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Maurice KRINGSKrings Law

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Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens

Thibaut COLINCabinet Forestini

tement dans les mêmes situations. C’est à mon sens le point

sur lequel on doit réfl échir. L’absence de « class mediation » a

souvent conduit à l’échec de nombreuses médiations.

Patrick Van Leynseele Sur les inconvénients, je crois

qu’il ne faut pas trop faire d’amalgames. Chaque mode de ré-

solution des confl its a ses avantages et ses inconvénients. La

médiation a comme inconvénient que statistiquement une fois

sur quatre ça rate. C’est quand même un gros inconvénient !

Le système de l’ombudsman dont on n’a pas encore parlé

a un inconvénient : on n’est jamais très sûr que ce tiers soit

neutre et indépendant parce que même s’il est là pour aider

à résoudre un confl it entre utilisateur d’un service public et

le service public, il est quand même payé tous les mois par le

service public ! L’arbitrage a comme inconvénient que ça coûte

cher et que ça peut durer longtemps. Le droit collaboratif et

le protocole de négociation dont on parlait tout à l’heure ont

comme inconvénient que ce n’est jamais qu’une négociation,

et une négociation n’est pas forcée d’aboutir. Il y a toujours

des inconvénients. C’est précisément la raison pour laquelle

les parties et leurs avocats doivent passer en revue « tous les

modes de résolution des confl its » avant de s’embarquer ou

d’accompagner leur client dans un des modes, qu’il soit judi-

ciaire, non-judiciaire, qu’il soit arbitral ou qu’il soit de négocia-

tion. Il faut voir ce qui convient à son client et qui conviendra

probablement le mieux au client de la partie adverse, ce qu’il

ne faut pas oublier !

Didier Matray Je suis assez sensible à la notion d’indépen-dance. N’est-elle pas cruciale, compte tenu du rôle que jouent par exemple les co-arbitres ou les conciliateurs? Du côté judi-ciaire, beaucoup de garanties sont données et l’indépendance fait partie de la culture de base des juges. J’aimerais avoir vos réactions sur cette notion d’indépendance.

Maurice Krings La question de l’indépendance de l’ar-

bitre reste un point polémique et particulièrement pour les

arbitres désignés par les parties. Ils doivent normalement si-

gner une déclaration d’indépendance à l’égard des parties et

de leurs conseils. Donc, on suppose que les arbitres désignés

par les parties sont indépendants. Mais, c’est vrai que s’ils ont

été désignés, c’est qu’ils ont des liens forcément. Un juge on

ne le choisit pas ! Ceci dit, si effectivement on peut parfois

se dire « tiens, pourquoi telle personne est-elle désignée ? » notamment si cette personne n’est pas connue pour sa pra-

tique de l’arbitrage et se trouve désignée comme arbitre, per-

due au milieu d’avocats praticiens habituels de l’arbitrage. On

suppose évidemment que cet arbitre a été désigné en raison

des liens avec la partie qui a proposé sa désignation. Cela m’est

arrivé une fois. Sinon, je n’ai jamais eu le sentiment de siéger

dans des arbitrages où il y avait des arbitres qui prenait partie.

Est-ce qu’un arbitre a l’indépendance d’esprit ou pas par rap-

port aux parties ? Je ne me suis jamais senti mal à l’aise à ce

niveau-là. Autre inconvénient de l’arbitrage : la nécessité pour

la décision de l’arbitre de demander l’exequatur. Mais, aussi et

surtout la possibilité à chaque sentence partielle de recourir à

un recours en annulation. C’est un inconvénient réel. Il faut

vraiment réfl échir à la possibilité de restreindre, voire d’inter-

dire ce type de recours que je ressens comme l’un des incon-

vénients de l’arbitrage. C’est un frein à la possibilité de mener

des arbitrages en souplesse.

L’HUMAIN AU CENTRE DES MARC’s AVANT LE JURIDIQUE

Dominique Claes Je fais un petit détour par le droit so-

cial et les concertations collectives parce que le modèle social

belge impose la concertation. C’est le passage obligé. Cepen-

dant nous avons un gros problème d’acteurs. On met face à

face pour se concerter et se concilier des gens qui se côtoient,

travaillent et s’affrontent au quotidien ! Et, on leur demande de

trouver une issue amiable au confl it social. Notre modèle social

manque d’un tiers. Il faudrait imposer dans la conciliation so-

ciale la présence d’un accompagnant, que ce soit un concilia-

teur social, un avocat, peu importe, mais un tiers ayant l’habi-

tude de vivre des confl its collectifs. Il pourrait être le point de

repère lorsque la négociation dérape. Lorsque vous me parlez

de la qualité, de l’indépendance, etc., des experts, des arbitres,

des médiateurs, le problème en droit social est qu’il n’y en a

pas ! (à l’exception des conciliateurs sociaux qui sont désignés

par le Ministère de l’Emploi). C’est aussi la raison pour laquelle

beaucoup de revendications dérapent en confl its collectifs,

parce qu’on n’a pas l’écoute de l’autre. C’est peut-être une

spécialisation qu’il faudrait encourager. Nous sommes tous tel-

lement enfermés dans l’aspect juridique de la médiation, de la

conciliation, des litiges civils, mais sur le terrain les relations

sociales ont besoin également d’une expertise !

Patrick Van Leynseele Une des qualités d’un médiateur

est précisément de faire fi de ses réfl exes juridiques. Il y a du

relationnel d’abord. La solution, il faudra l’emballer juridique-

ment, mais il y a d’abord un problème de relations. Ce que

vous dites à propos des confl its sociaux l’illustre parfaitement.

Jean-François Van Drooghenbroeck Je voudrais souli-

gner deux inconvénients ou plutôt deux infi rmités : l’une gué-

rissable et l’autre dont il faudra s’accommoder. Guérissable,

c’est l’inaptitude pour l’instant à tenir le choc de l’urgence.

Des mesures conservatoires, a fortiori réclamant l’extrême

urgence, à ce stade nous sommes assez mal équipés. Que les

institutions d’arbitrage s’inspirent de ce qui se fait soit à l’étran-

ger soit dans des institutions internationales, je le souhaite

personnellement. Pour l’instant, nous en sommes à devoir

recourir au juge des référés du tribunal, mais c’est guérissable.

Une autre infi rmité à mon avis congénitale, c’est l’inaptitude

à l’implication forcée de tiers. C’est que le mal est une bulle

qui lorsqu’elle évolue comme une bulle c’est-à-dire entre par-

Page 13: Dossir MARC S 19 novembre 2011

13Dossier RGP - MARC’s

Table rondeLes avantages comparés des MARC’s

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Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens

Thibaut COLINCabinet Forestini

ties initiales peut donner des merveilles mais si d’aventure le

confl it doit s’ouvrir à un autre intervenant, il y a des blocages

que vous connaissez.

Un petit mot sur l’indépendance et l’impartialité. Soupçonner

les juges, les arbitres, les experts quant à leur impartialité, je

crois d’expérience que cela relève plus du fantasme que de la

stricte réalité. Ceci dit, je me demande si on ne pourrait pas

faire deux choses : un effort de plus grande communication, de

transparence quant au statut des arbitres, au recrutement des

arbitres, à leur diversité. Est-il également bien indispensable,

nécessaire et souhaitable de multiplier le nombre d’arbitres ?

Est-ce que ce n’est pas de nature non seulement à renchérir

les coûts et à prolonger les délais inutilement ? Mais aussi à

créer l’impression totalement biaisée que chacune des parties

a son propre arbitre pour la coacher ? Est-ce qu’une manière

plus radicale d’aborder le problème ne serait pas de faire de la

pluralité des arbitres une exception ?

Didier Matray C’est une bonne question. Dans beaucoup d’arbitrages multipartites, une solution effi cace est le choix d’un l’arbitre unique. L’arbitre unique est nécessairement tenu d’être indépendant et impartial, car il n’a pas été désigné par une seule partie. Pour en terminer avec les possibles inconvénients des MARC’s, qu’en est-il en matière de conciliation fi scale ?

Thibaut Colin Je voudrais souligner 3 inconvénients.

Le premier, et je rejoins Me Van Leynseele dans sa réfl exion

sur l’ombudsman, c’est bien sûr le manque d’impartialité et

d’indépendance. La cellule de conciliation fi scale est une cel-

lule autonome mais reste tout de même une cellule du SPF

Finances et se situe d’ailleurs dans les mêmes bureaux ! La

seconde critique concerne l’absence d’interprétation de ce

service puisque quand bien même une circulaire serait incor-

recte ou illégale, ce service n’a pas le droit de se prononcer

et de donner un avis sur celle-ci. C’est donc un frein à son

bon fonctionnement et également à son impartialité et à son

indépendance puisque permettre à ce service de critiquer,

d’émettre un avis concernant une circulaire prouverait juste-

ment son ‘impartialité et son indépendance par rapport à l’ad-

ministration fi scale ! En comparaison avec les autres MARC’s

où les deux parties sauf mauvaise foi souhaitent arriver à un

débat constructif et à une solution autre que judiciaire, le

contribuable va introduire une demande de conciliation mais

ce n’est pas pour autant que le fonctionnaire taxateur voudra

arriver à un compromis. Il va peut-être camper sur sa position

et participer à un échange avec le contribuable uniquement

parce que la loi l’y oblige ! A ce niveau-là la loi ne peut rien

faire. Il faut qu’un changement de mentalité s’opère au niveau

de l’administration fi scale. J’espère que ce sera le cas et que la

conciliation fi scale atteindra son objectif premier de soulager

l’arriéré du contentieux judiciaire en matière fi scale.

Maurice Krings Le service de conciliation en matière fi s-

cale est à mon avis un vrai leurre créé par la loi. La conciliation

en matière fi scale s’oppose à un principe constitutionnel lié à

l’égalité de tous devant l’impôt. Pourquoi est-ce que certains

paieraient leurs impôts et d’autres iraient se concilier ? En plus,

la compétence de ce service de conciliation en matière fi scale

est extrêmement limitée dans le temps puisque le service n’est

compétent que lorsqu’il existe un confl it entre le contribuable

et l’administration, sans confl it le service n’est pas compétent,

et dès qu’un recours judiciaire est introduit contre une déci-

sion de l’administration, le service de conciliation fi scale n’est

plus compétent. Autre chose que je voudrais quand même

signaler, c’est que l’avis du service de conciliation se trouve au

dossier de l’administration. Lorsque l’avis est défavorable au

contribuable, et que le contribuable maintient sa position par

un recours judiciaire, l’avis négatif du conciliateur se trouve au

dossier. On a beau dire que le juge ne doit pas tenir compte de

l’avis du conciliateur, qu’il n’est pas lié à cet avis, c’est quand

même un avis qui est au dossier et qui pèsera forcément contre

le contribuable. C’est une curieuse idée que cette conciliation

en matière fi scale !

Jean-François Van Drooghenbroeck La confi dentialité

est la condition sine qua non de tous les modes alternatifs. La

divulgation des résultats d’une conciliation rapportée est pour

moi contre nature, que ce soit en médiation, en arbitrage. Cela

fait partie des dogmes.

Patrick Van Leynseele En Italie ils ont inventé le

contraire ! Du coup, la médiation aboutit à des tas de blocages.

Le médiateur doit dire quels étaient les derniers états des

offres qui ont été formulées, ça n’a pas de sens !

Didier Matray Les sujets de débat ne manquent pas au-tour de cette table. Malheureusement, il nous faut conclure. Aussi, j’aimerai vous demander votre souhait ou votre vœu à formuler en guise de conclusion … en vous remerciant de nous avoir éclairé sur tous ces aspects des MARC’s.

Dominique Claes Mon vœu : améliorer la concertation

sociale. On sent bien qu’au fi l des incidents qu’occasionnent

les confl its sociaux, il manque un acteur dans cette concerta-

tion sociale. On ne peut pas demander à deux personnes en

confl it de trouver toutes seules la solution. Ma recommanda-

tion serait d’imposer à l’annonce de chaque licenciement col-

lectif, de chaque restructuration, un accompagnant, que ce soit

un conciliateur social ou un autre expert. Son choix pourrait

être laissé à la discrétion des parties. Le rôle de cet accompa-

gnant serait également de tempérer non seulement les ardeurs

des acteurs autour de la table, de leur servir de fi l conducteur,

de construire un peu leur débat ce que les partenaires sociaux

n’ont pas toujours comme capacité. Il pourrait être entendu si

un débat judiciaire devait s’ouvrir. Ce rôle pourrait être inté-

ressant pour un magistrat afi n de connaître la réalité du terrain

qui actuellement lui est soumise par une seule des parties dans

le cadre d’une procédure unilatérale.

Page 14: Dossir MARC S 19 novembre 2011

14Dossier RGP - MARC’s

Table ronde Les avantages comparés des MARC’s

Didier MATRAY

CEPANI

Dominique CLAESTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte

Fabian TCHÉKÉMIANDe Wolf & Partners

Jean Pierre RENARDVerhaegen Walravens

Jean-François VAN DROOG-HENBROECKNauta Dutilh

Laurence DURODEZ

LexGo.be

Maurice KRINGSKrings Law

Olivier d’URSELvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens

Thibaut COLINCabinet Forestini

Thibaut Colin Améliorer le service de conciliation fi scale

tel qu’il existe aujourd’hui et pourquoi pas de se rapprocher,

comme Me Van Leynseele l’a dit, d’une médiation en matière

fi scale : c’est mon souhait. Autant pour le contribuable que pour

l’administration, cela peut avoir du bon parce que lorsqu’on

voit la lenteur des procès en matière fi scale, lorsqu’on voit les

coûts pour les contribuables, à mon avis aucune des parties

n’a intérêt à se lancer dans des procédures qui durent, comme

dans certains dossiers, plus de 20 ans. Il serait bon que le légis-

lateur puisse amener également les confl its en matière fi scale

dans des processus de médiation et à tout le moins d’amélio-

rer le service tel qu’il existe aujourd’hui puisque je ne pense

pas qu’il est véritablement effi cace et surtout crédible aux yeux

du contribuable.

Jean-François Van Drooghenbroeck Par rapport à la

boutade «un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès», boutade devenue politiquement correcte – et, je

m’en effraye un peu - j’ai toujours considéré que nous avions

une justice étatique parmi les plus dignes et les plus intelli-

gentes d’Europe, pour ne pas dire du monde. Elle souffre de

ses lenteurs et de ses coûts. C’est certain. Mais, je reste per-

suadé qu’en termes de résultats notre justice étatique n’a pas

à rougir de ceux produits par les modes alternatifs. Les modes

alternatifs présentent la faculté d’être plus agréables à vivre

et plus sereins en termes de processus. Sur ce point, je suis

d’accord. Mais, en termes de résultats, je pense qu’une bonne

justice fonctionne de manière aussi satisfaisante que les bons

arbitrages, ou que les bonnes médiations.

Maurice Krings Effectivement, nous avons une bonne

justice. Mais, c’est une justice, je parle ici de justice civile et

commerciale, peu armée pour de gros procès où il y a beau-

coup de matière à assimiler, des faits compliqués. Je n’ai ja-

mais vu au civil ou au commercial des audiences qui duraient

éventuellement une semaine. Or je crois que c’est utile et c’est

quand même tout l’avantage de l’arbitrage : pouvoir dire aux

arbitres « écoutez, nous vous demandons de consacrer tout le temps nécessaire et utile ».

Patrick Van Leynseele Quand je parle des MARC’s, je

dis Mode Approprié de Règlement des Confl its et… la justice

en fait partie. C’est un des modes de règlement des confl its, il

ne faut pas l’oublier. Je voudrais conclure sur la complémen-

tarité qui existe en pratique et a énormément de vertus. En

introduisant une procédure comme un référé par exemple

pour un rachat forcé d’actions, une des premières choses que

le magistrat m’a dit « avez-vous pensé à la médiation ? ». Je lui

réponds « Madame le Juge, j’ai évidemment pensé à la média-tion mais cela n’a pas eu l’air de plaire à la partie adverse ». Le magistrat se tourne vers l’avocat de la partie adverse : « Vous ne voulez pas aller en médiation Maître ? - Mais bien entendu Madame le juge ». Voilà une complémentarité entre la justice

et la médiation. Et il y en a d’autres. Quand on disait, à juste

titre, un des problèmes de l’arbitrage est qu’il n’y a pas de vraie

bonne solution pour les problèmes urgents, mais il y a une

complémentarité dans l’autre sens qui s’appelle le référé. Il ne

faut pas dire c’est l’un ou l’autre. Il faut dire l’un et l’autre. Je

crois énormément à ces idées de complémentarité : avec une

bonne clause de résolution dans un contrat, si on arrive dans

un différend, la première chose à faire est d’en parler, de négo-

cier à l’amiable; si on ne trouve pas de solution on tente une

médiation, donc une négociation accompagnée par un tiers, et

si on ne s’en sort toujours pas, on va à l’arbitrage. Voilà encore

un exemple de complémentarité.

Olivier d’Ursel Je suis tout à fait d’accord avec Me Van

Leynseele. Il faut choisir le mode le plus approprié et ne dis-

créditer aucun des modes. Je rebondis sur la proposition de

Me Claes sur l’organisation de la résolution d’un confl it dans

une situation de crise donnée. Après cette table ronde, s’il y a

une suggestion à faire c’est de réfl échir à l’anticipation du litige

- plus le litige aura été anticipé, plus son mode de résolution

aura été préparé, plus rapidement il pourra être résolu et donc

moins il aura pris d’ampleur. Je terminerai en rappelant que

les trois vertus qui me semblent importantes pour essayer de

trouver une solution à un litige : c’est la souplesse, l’imagina-

tion et la formation.

Fabian Tchékémian Pour conclure, je voudrais insister

sur notre rôle d’avocat par rapport au client qui nous consulte.

Il faut qu’il soit le premier juge de son affaire comme le rappe-

lait tout à l’heure Me Van Leynseele. Nous devons le conseiller

selon ses intérêts, parfois même au contraire de ce qu’il peut

penser, le dissuader éventuellement de prolonger le confl it si

ce n’est pas nécessaire. Si réellement il y a nécessité de pour-

suivre ce confl it, lui donner l’éclairage suffi sant pour pouvoir

choisir et discuter avec lui d’une voie plutôt qu’une autre ou

de se réserver la possibilité de mélanger plusieurs voies en fai-

sant une grande distinction et un grand effort de clarifi cation

puisqu’on peut fi nalement rassembler en deux grands groupes

les méthodes de résolution des confl its - d’un côté celle où le

tiers n’est jamais qu’un vecteur facilitateur et d’un autre côté

celui où il est fi nalement le référant qui tranche, c’est-à-dire

l’arbitre ou le juge; et en rappelant également que le juge a un

devoir de conciliation qui est inscrit dans notre Code judiciaire,

qu’il utilise trop peu souvent, et qu’il a également le pouvoir

d’inciter les parties à aller vers la médiation, voir vers un autre

mode de règlement. Eclairé utilement, le client pourra tran-

cher pour réfl échir à son problème le mieux possible.

Retrouvez l’intégralité des débats de la table ronde sur www.lexgo.be

Page 15: Dossir MARC S 19 novembre 2011

15Dossier RGP - MARC’s

L’ouverture d’un confl it a toujours une forte connotation émotionnelle dans le chef des protagonistes, quelle que soit

la nature de celui-ci (professionnelle, syndi-cale, familiale, de voisinage, etc.). Même une procédure visant à obtenir le paiement d’une facture impayée peut se charger d’émotions au fur et à mesure de l’évolution du litige. La dispute ne peut pas rester émotionnellement neutre.

La procédure judiciaire structure le confl it et le « théatralise » en « mettant en scène » les acteurs du confl it et de sa résolution : les par-ties, les avocats, le juge, le décor, les habits, le vocabulaire utilisé, la manière d’échanger les arguments, ...

Lorsque les adversaires envisagent la pro-cédure judiciaire, c’est qu’ils sont générale-ment déjà très loin dans leur opposition, ce qui, d’une certaine manière, les « aveugle » et aboutit à faire prévaloir le confl it pour lui-même. L’adversaire devient l’objet du confl it et non plus un acteur de celui-ci. Il faut sou-vent du temps pour que la charge émotion-nelle s’atténue et que le confl it soit remis en perspective. Paradoxalement, l’écoulement

du temps causé par l’arriéré judiciaire a, à cet égard, une vertu.

Du point de vue émotionnel, la frustration qui est à l’origine du confl it se trouve exacerbée, quelle que soit la décision fi nale. Au demeu-rant, la fonction de juger n’a pas pour objectif de réconcilier les parties. Elle vise à imposer une solution.

Les modes alternatifs de règlement des confl its (en abrégé, les « MARCs ») que sont la négociation raisonnée, la médiation, le droit collaboratif et la conciliation offrent une perspective différente aux parties en confl it. Ils supposent de pouvoir prendre du recul et se concentrer sur ce que l’on souhaite réel-lement.

Les « MARCs » proposent une approche stra-tégique dans la résolution des confl its. Ils impliquent de se projeter dans l’avenir et de réfl échir à la manière de régler le litige.

C’est une véritable gymnastique de l’esprit et, d’une certaine manière, un jeu de straté-gie qui nécessite, pour avoir une vue claire de la situation, de s’intéresser à son adversaire, à ses besoins, à ses perspectives, ses points

forts et ses faiblesses. Lorsqu’un avocat est consulté, il doit, de la même manière, s’inté-resser à son client et à l’adversaire : quelles sont leurs contraintes respectives, leurs pos-sibilités, leurs besoins et leurs intérêts ? Son rôle ne peut plus se limiter à une analyse pu-rement juridique du litige. Quel serait en effet l’intérêt de mener un procès si l’adversaire n’est pas en mesure d’exécuter le jugement ? Sait-on seulement qu’en matière commer-ciale, 30% des jugements ne sont pas exécu-tés parce que l’adversaire n’en a matérielle-ment pas ou plus les moyens ?

Les « MARCs » permettent de gagner autre-ment. C’est une invitation à la créativité, au mouvement. La confi dentialité des négocia-tions et du processus de médiation permet aux parties de s’exprimer plus librement et favorise l’émergence de solutions créatives. La procédure judiciaire est classique et son résultat est souvent aléatoire. Les « MARCs » sont déroutants et suscitent une perception différente de la réalité.

En ayant recours aux « MARCs », les parties ne sont plus les victimes d’un confl it mais de-viennent les stratèges de sa résolution.

Les nouvelles stratégies de règlement des confl its

Gérard KUYPER

Avocat associé Alterys

Page 16: Dossir MARC S 19 novembre 2011

16 Dossier RGP - MARC’s

Les parties en litige ont désigné ou fait désigner un médiateur et elles sont réunies pour la première rencontre de

médiation.

Avec l’aide de ce médiateur, elles vont défi -

nir les modalités d’organisation et la durée

du processus de médiation. Elles rédigeront

à cet effet un «Protocole» dont la signature

suspendra durant la médiation le cours de la

prescription des obligations querellées.

Outre le contenu imposé par la loi, les par-

ties seront bien inspirées par le médiateur de

rédiger ce Protocole d’une manière qui leur

permette de s’assurer bonne compréhension

et mémoire des principes de la médiation :

Processus VolontaireChaque partie décide librement de participer

au processus de médiation afi n de trouver

une solution au litige. Elles peuvent organi-

ser la médiation comme elles l’entendent et

y mettre fi n à tout moment. Elles peuvent

notamment décider de recourir ou non simul-

tanément aux procédures judiciaires ou arbi-

trales mais les suspendront généralement,

sauf celles qui revêtent un caractère pure-

ment conservatoire.

Combien de temps dure une médiation ?Les parties ont la maîtrise de la durée du

processus. Déjà écouter dans son entièreté

l’exposé du point de vue de son adversaire et

exposer complètement le sien est bénéfi que.

Une bonne perception des besoins et intérêts

respectifs stimulera la poursuite active de la

médiation.

Le Médiateur a-t-il un rôle ?Selon le Brussels Business Mediation Center

(BBMC) le médiateur «facilite, structure et

coordonne les négociations des parties en

litige, en vue d’aboutir à une solution viable ».

Son rôle est de créer ou recréer et d’entre-

tenir un lien de confi ance permettant un tel

aboutissement.

En toute indépendance et impartialité, il

s’emploiera à maintenir un climat d’écoute

qui permettra une bonne communication,

expression et compréhension par chacun des

attentes et diffi cultés réciproques. Les parties

construiront alors un accord dont le média-

teur n’a, en principe, à juger ni de la valeur

ni de l’opportunité sauf s’il percevait en âme

et conscience qu’il engendrerait un préjudice

grave ou serait tellement déséquilibré qu’il

risquerait fi nalement de n’être qu’une bombe

à retardement.

Le médiateur est soumis à une déontologie

(code de bonne conduite). Même s’il est

juriste, il ne donnera pas d’avis juridique aux

parties, lesquelles pourront être assistées

d’un avocat durant toute la médiation.

Des apartés ?S’il le juge utile, le médiateur demandera à

rencontrer chacune des parties séparément

au cours de « caucus » (apartés). Il le fera éga-

lement à la demande de l’une ou l’autre des

parties. Ce qui se dit au cours de ces apartés

reste confi dentiel sauf ce que la partie concer-

née autorise à divulguer en séance plénière.

Confi dentialité Tant le législateur belge que l’européen pré-

voient que, sauf accord contraire des parties,

ni le médiateur ni les personnes participant

au processus de médiation ne peuvent rendre

publiques des informations glanées au cours

d’un processus de médiation, sauf rares ex-

ceptions telles que des raisons impérieuses

d’ordre public. La violation de tels secrets est

sanctionnée pénalement.

Les documents et les communications échan-

gés au cours de la médiation sont donc confi -

dentiels, de même que les différents projets

de conventions élaborés en cours de média-

tion. S’ils devaient malgré tout être communi-

qués en violation de cette règle dans le cadre

d’une procédure, ils seraient d’offi ce écartés

des débats. Une telle violation de l’obliga-

tion de confi dentialité pourrait donner lieu

à condamnation à des dommages et intérêts.

Les documents que les parties détenaient

déjà avant le début du processus de média-

tion ou qu’elles auraient pu obtenir légale-

ment par ailleurs ne sont pas visés par cette

confi dentialité.

L’accord issu de la médiation est-il effi cace ?L’objectif des législateurs européen et belge

est de garantir par la médiation un meilleur

accès à la justice. La médiation est une solu-

tion de même valeur que d’autres types de

procédure. Dès lors, un accord issu de la

médiation doit pouvoir, au même titre qu’une

décision judiciaire ou arbitrale, être exécuté

dans chaque Etat membre de l’Union Euro-

péenne.

En Belgique, c’est l’homologation par le Tri-

bunal qui – au besoin - permettra l’exécution

de l’accord. Pour ce faire, il est requis que le

médiateur qui a encadré l’éclosion de l’ac-

cord soit agréé par la Commission Fédérale

de Médiation. Les décisions d’homologation

rendues dans un Etat membre de l’Union Eu-

ropéen sont reconnues dans les autres Etats

membres sans qu’il soit en principe néces-

saire de recourir à aucune autre procédure,

ce qui permet à un accord de médiation de

traverser les frontières et, selon le vœu du

parlement et du conseil européens, de pré-

server une relation amiable et durable entre

les parties de manière plus marquée encore

dans des situations comportant des éléments

transfrontaliers.

Cela étant, étant donné que les parties ont

elles-mêmes «construit» leur accord, elles

l’exécuteront spontanément, sans devoir re-

courir à l’homologation.

et le coût ?Les honoraires et frais du médiateur seront

déterminés au Protocole et seront générale-

ment pris en charge à part égale par chacune

des parties.

Droit applicable. Une déontologie ?Le Protocole prévoira enfi n le droit applicable.

Lorsque le Médiateur, du fait de sa profes-

sion, est soumis à une déontologie, c’est le

moment de le rappeler, cette déontologie se

juxtaposant à celle à laquelle il est soumis en

sa qualité de médiateur : une double garantie

pour les parties.

Pour conclure, soulignons que le « Protocole »

constitue déjà un premier point d’accord des

parties qui, dès le début, s’entendront déjà

sur le processus dans lequel elles s’engagent,

sur certaines règles de base de leur commu-

nication et sur la valeur réelle, au même titre

qu’un jugement ou une sentence arbitrale,

qu’aura la convention à laquelle elles arrive-

ront à la fi n de ce processus.

Il vous rappellera tout

Olivier d’URSEL

Avocat associévan Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Page 17: Dossir MARC S 19 novembre 2011

Droit des sociétés

Droit des associations et fondations

Droit commercial

Droit du travail et de la sécurité sociale

Droit fi scal

Droit de la distribution

Droit des assurances et de la responsabilité

Banque et crédit

Droit à la propriété intellectuelle et des pratiques du commerce

Droit de la concurrence

Droit européen

Droit immobilier

Droit de la construction

Litiges et arbitrages et médiations

Droit des personnes et des familles

Droit de la circulation

Recouvrement de créances

Procédure de règlement collectif de dettes – Médiation de dettes

Droit de la presse

Domaines de Compétence

Depuis 35 ans, notre équipe d’une quarantaine d’avocats accompagne les entreprises,

de la PME à la multinationale, dans la réalisation de leurs projets.

Roeland MOEYERSONS

Pierre BEYENS

Damien DE KEYSER

Bertrand WITTAMER

René-François PIRET

AlainVANDERSTRAETEN

Bernard DAUTRICOURT

Eric LOUIS

Katrien SERRIEN

Jean-Pierre van CUTSEM

Pierre VAN FRAEYENHOVEN

Jan CUYPERS

Laurent TAINMONT

Olivier d’URSEL

Patrick MARNEF

Page 18: Dossir MARC S 19 novembre 2011

18 Dossier RGP - MARC’s

La loi du 25 avril 2007 a créé le « Ser-

vice de conciliation fi scale ». Selon les

termes de la loi, cette cellule autonome

du Service public des fi nances « examine les

demandes de conciliation dont il est saisi,

en toute objectivité, impartialité et indépen-

dance et dans le respect de la loi ; il tend à

concilier les points de vue des parties et leur

adresse un rapport de conciliation ». Ce ré-

cent service n’est toutefois opérationnel que

depuis juin 2010 et il est donc à ce jour fort

peu connu des fi scalistes et encore souvent

méconnu des contribuables.

Ce service a donc pour objectif de tenter de

concilier l’administration et le contribuable

en cas de litige ; et ce pour l’ensemble des

impôts relevant de la compétence du SPF Fi-

nances : impôts sur les revenus, TVA, revenu

cadastral, douanes et accises, droits d’enre-

gistrement (à l’exclusion des droits d’hypo-

thèque et de greffe) et droits de succession.

Concrètement, le contribuable - personne

physique ou morale - peut faire appel au ser-

vice de conciliation (par email, fax, courrier

ou oralement lors des permanences organi-

sées) tant que le litige se trouve dans la phase

administrative ; ce qui implique qu’une récla-

mation ait été préalablement introduite. La

mission de ce service est limitée par le carac-

tère d’ordre public de la législation fi scale :

son intervention ne peut donc aboutir à une

exemption ou modération d’impôt contraire

à la loi fi scale. Le contribuable fera généra-

lement appel à lui pour des questions ou

situations de fait comme dans le cas du rejet

du caractère professionnel d’une dépense,

dans le cas d’une discussion sur la réalité

des dépenses du ménage lors d’une taxation

indiciaire, en cas de refus du receveur de per-

mettre au contribuable ou à un assujetti de

payer l’impôt en plusieurs fois, dans la situa-

tion où une garantie exigée par le receveur

est impossible à fournir, etc.

Une fois saisi, le service de conciliation fi scale

fi xe alors un calendrier où les parties sont

invitées à échanger leur point de vue. A la fi n

de cette procédure, le conciliateur remet un

rapport de conciliation, dans lequel il ne peut

que constater le compromis ou les points

divergents des interlocuteurs. En pratique,

il est évident que le service de conciliation

prendra position sous forme d’un « avis » qui

permettra peut-être à l’administration fi scale

ou au contribuable d’admettre une décision

ou un fait établi et ainsi d’éviter une procé-

dure judiciaire. Mais il ne prononce aucune

décision contraignante pour les parties : le

contribuable n’est pas lié par ce rapport et

peut en conséquent porter son litige devant

le tribunal de première instance s’il n’est pas

d’accord avec la décision rendue par le Direc-

teur des contributions. En revanche, si elle

conclut un compromis avec le contribuable,

l’administration sera liée par celui-ci étant

donné qu’il s’agit d’un accord administratif.

Le fi sc ne pourra donc pas ultérieurement,

lors de la réponse à la réclamation, changer

d’avis en rendant une toute autre décision.

La conciliation fi scale est un procédé qui

s’inscrit dans la lignée de bon nombre de

modes alternatifs de résolution des confl its

(« MARC’s ») ayant fl euri ces dernières années

dans le paysage juridique. L’objectif de cette

initiative est de réduire l’arriéré judicaire

grandissant en matière fi scale (à Bruxelles, les

dates d’audiences sont aujourd’hui fi xées au

plus tôt fi n 2014 !) et de réduire de manière

générale les contentieux judicaires parfois

injustifi és et coûteux en termes humains et

fi nanciers. Si l’objectif initial de ce nouveau

procédé est parfaitement louable, il n’a toute-

fois pas échappé aux critiques des praticiens

du droit fi scal, certains y voyant un « nouveau

bidule fi scal » ou un « leurre » pour les contri-

buables.

Tout d’abord, il a été reproché la création de

ce service au sein même du SPF Finances, et

le fait qu’il soit composé d’anciens membres

de l’administration fi scale pour la plupart.

Cela représente inévitablement un handicap

quant à son objectivité et son impartialité,

pourtant voulues par le législateur. Il est en

effet malaisé d’être à la fois conciliateur et

partie…

Ensuite, selon la doctrine, les chances de

réussite de ce service sont également hypo-

théquées par le fait qu’il n’est pas compétent

pour interpréter la loi, ce qui limite sérieuse-

ment les possibilités de son intervention. Le

service de conciliation fi scale ne pourra, par

exemple, pas empêcher le fi sc de continuer à

appliquer une position condamnée par la ju-

risprudence ou une circulaire manifestement

illégale.

Enfi n, la conciliation fi scale peut s’avérer être

une arme à double tranchant pour le contri-

buable car, dans le cas où l’avis du service de

conciliation ne penche pas en sa faveur, il fera

néanmoins partie du dossier administratif et

le juge qui sera ultérieurement amené à se

prononcer sur le litige y aura donc accès. En

conséquent, il est légitime de craindre que cet

avis négatif puisse infl uencer la décision du

magistrat en défaveur du contribuable.

A regarder le nombre croissant de demandes

introduites, le Service de conciliation fi scale

est un succès : 1198 demandes en 2010, déjà

plus de 2000 demandes depuis début 2011.

Sans pour autant démolir cette réussite gran-

dissante, l’utilité de la conciliation fi scale doit

être prouvée sur le terrain et remplir concrè-

tement son rôle, à savoir diminuer le nombre

de litiges portés devant la justice. A ce titre,

aucun chiffre ne permet d’affi rmer ou d’infi r-

mer l’utilité et donc le véritable succès de ce

service.

En conclusion, il convient dans un premier

temps de féliciter cette initiative qui se veut

moderne et pragmatique. Elle a le mérite de

tenter d’apporter une réponse parmi d’autres

pistes pour lutter contre un arriéré judicaire

croissant, intolérable pour les contribuables

et inadmissible dans un Etat de droit. Dans

un second temps, et outre les améliorations

nécessaires à y apporter, le Service de conci-

liation fi scale n’a pas encore prouvé qu’il rem-

plissait pleinement son rôle. Il lui appartient

donc, à l’avenir, de démontrer son effi cacité.

Enfi n, attirons tout de même l’attention du

contribuable sur le fait qu’il ne coûte rien de

faire appel à ce service et qu’il doit lui être

gardé à l’esprit « qu’un mauvais arrange-

ment vaut mieux qu’un bon procès ».

La conciliation fi scale : vers une évolution de l’esprit du

contentieux ?

COLIN

Avocat

FORESTINI

Avocat associé Maître de conférences à l’ULBCabinet Forestini

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22 Dossier RGP - MARC’s

La gestion d’un litige pour une entreprise est un enjeu qui se mesure en termes de temps et de coûts et qui allie aux

contraintes de ces investissements une bonne dose d’incertitude : suis-je bien défendu(e) ? le juge va-t-il entendre ce que j’ai à dire ? quand aurais-je mon jugement ? si je gagne, l’adversaire acceptera-t-il d’exécuter volontai-rement la condamnation ? combien tout cela va-t-il me coûter ?

A ces questions légitimes, l’avocat ne peut pas toujours répondre de manière positive ou encourageante ; le manque de moyens dont disposent les juridictions belges (sur-tout bruxelloises) et l’arriéré judiciaire qui en résulte sont autant d’aléas qui s’ajoutent à ces interrogations. C’est pourquoi de nombreux avocats conseillent aujourd’hui à leurs clients entrepreneurs de se tourner vers ce que l’on a longtemps appelé les « modes alternatifs de résolution des confl its » (« MARC » ou, en anglais, « Alternative Dispute Resolution » ou « ADR ») et que la tendance actuelle renomme plus volontiers « modes adaptés de résolution des confl its ». L’arbitrage, à l’instar de la né-gociation ou de la médiation, est l’un de ces modes de résolution de confl it.

Qu’est-ce que l’arbitrage? L’arbitrage résulte d’un accord né entre des parties à un litige, existant ou susceptible de survenir, portant sur le fait de soumettre les questions qui les opposent à un (ou des) tiers (le ou les arbitres), à charge pour celui-ci de rendre une décision (la « sentence arbi-trale »), qui tranche défi nitivement ce litige. Cet accord doit être écrit et, dans la pratique, porte le terme de « clause compromissoire » ou « clause d’arbitrage ». Il peut être prévu à l’avance, lors de la conclusion d’un contrat, ou lors de la survenance du différend.

En acceptant de prendre part à une procédure d’arbitrage, les parties renoncent à la possibi-lité de se tourner vers les cours et tribunaux et s’engagent à accepter la sentence qui sera rendue par le tribunal qu’elles auront choisi. En effet, parmi les nombreux avantages of-ferts par l’arbitrage et dont on ne retient ha-bituellement que la rapidité et la discrétion, fi gurent, d’une part, le fait que la très grande majorité des sentences sont volontairement exécutées à l’issue d’une procédure qui ne prévoit pas de possibilité de degré d’appel et, d’autre part, la possibilité pour les parties de participer à la constitution de leur tribunal.

Cet exemple illustre un aspect essentiel de l’arbitrage : il s’agit d’une procédure dont les parties restent maîtres et qu’elles peuvent modifi er à leur guise ou adapter à leurs be-soins, pour autant que le respect des droits fondamentaux (droits de la défense et prin-cipe contradictoire) soit assuré. Oubliées, les lourdeurs de procédure inhérentes à un Code judiciaire qui a, certes, subi divers rafraîchis-sements, mais qui refl ète encore et toujours une conception de la justice du 19ème siècle : les parties souhaitent choisir leur juge ou sou-mettre leur litige non pas à un seul juriste mais également à un technicien, seul à même de comprendre les subtilités qui les opposent ? C’est possible. Les parties aimeraient pouvoir faire venir des témoins et les interroger devant les arbitres, leur poser des questions et tenter

de faire sortir la vérité lors d’une audience ? C’est possible. Les parties veulent que la procédure ait lieu en langue anglaise, seule langue commune ? C’est possible. Les parties souhaitent que tout soit traité par e-mail, afi n de limiter les coûts et pertes de temps ? C’est encore possible. En matière d’arbitrage, tout est modélisable et la procédure peut être tail-lée sur mesure, par les parties elles-mêmes, afi n de répondre aux besoins de leur litige. En vue de guider les parties dans la procédure et d’inscrire celle-ci dans un cadre règlemen-taire, des centres d’arbitrage ont vu le jour ; l’arbitrage est alors dit institutionnel. En Bel-gique, le Cepani est certainement le plus re-connu. Ces centres offrent des règles de pro-cédure pré-établies et un canevas dans lequel les parties peuvent s’inscrire. Mais le recours à un centre d’arbitrage n’est pas obligatoire et les parties peuvent décider de créer ensemble leurs règles ou se référer à celles prévues par le Code judiciaire ; dans ce cas, l’on parle d’ar-bitrage ad hoc.

L’arbitrage est-il susceptible de régler le litige de mon entreprise? Oui, l’arbitrage a essentiellement pour vocation de répondre aux contraintes des entreprises et commerçants. C’est une procédure qui s’est développée en matière de commerce interna-tional, sous l’égide des chambres de commerce (et notamment de la CCI à Paris). Et si elle peut parfaitement s’adapter aux besoins de multi-nationales et à des litiges internationaux d’une grande complexité, la procédure d’arbitrage, par la souplesse qui la caractérise, rencontre tout autant les besoins locaux des PME.

En Belgique, la loi autorise le recours à l’arbi-trage pour toutes les matières « sur lesquelles il est permis de transiger » et ceci inclut évi-demment les litiges civils et commerciaux (mais pas ce qui a trait notamment à l’état civil des personnes). L’interprétation, la vio-lation ou la mauvaise exécution d’un contrat et le préjudice qui en est résulté pour une partie forme la matière de prédilection des arbitrages nationaux : rupture d’un contrat de distribution, interprétation et application d’une clause de calcul de commissions pour un vendeur, litige autour d’une convention de cession d’actions ou d’entreprises, mise en cause de la responsabilité d’un entrepreneur dans la réalisation d’un ouvrage ... en sont autant d’exemples.

Tout commerçant est susceptible, un jour, de connaître un différend qu’il préfèrerait voir tranché par un tribunal arbitral. Les rai-sons peuvent être nombreuses et, à titre d’exemple, l’on peut songer à la volonté de maîtriser la procédure ; au souhait de fi xer les critères de détermination des arbitres, voire le fait de désigner un des arbitres et de le choisir pour son expertise en la matière ; ou encore, à la possibilité d’éviter une procédure d’appel et donc d’être fi xé plus rapidement et de manière défi nitive. L’on reviendra ci-après sur le coût de l’arbitrage mais si - pas ques-tion de se voiler la face - la procédure est plus onéreuse que le recours au service public de la justice, ce coût a le mérite de pouvoir être calculé au regard de barèmes et donc être budgété. Dans la panoplie des procédures qui

s’offrent au dirigeant d’entreprise, aux côté de la procédure judiciaire classique, une nou-velle place doit être créée pour les MARC’s, et l’arbitrage en fait évidemment partie.

L’arbitrage est-il rapide ?La durée d’une procédure arbitrale varie se-lon la complexité de l’affaire, le cas échéant, des délais convenus entre les parties, voire de l’attitude plus ou moins procédurière des par-ties et de leurs avocats. Ceci étant, la durée moyenne d’un arbitrage placé sous l’égide du Cepani en 2010, du jour de l’introduction de la procédure jusqu’au jour où la sentence est rendue, était de 15 mois. Il faut avoir à l’esprit que, sauf accord exprès des parties, la sentence arbitrale ne pourra être frappée d’appel. A l’exception d’un éventuel recours en annulation, la sentence arbitrale sera donc rendue en dernier ressort. Les parties qui décident de recourir à l’arbitrage feront donc, en règle générale, le choix de renoncer à l’appel et au délai supplémentaire qui s’y rapporte. Il s’agit d’un indéniable avantage en termes de durée de la procédure.

L’arbitrage est-il cher ?Le tribunal arbitral sera rémunéré en vertu d’un accord intervenu entre lui et les parties. Il est donc possible, par exemple, que les arbitres soient rémunérés sur la base d’un taux horaire ou selon toute autre formule convenue. De telles modalités de rémunération sont généra-lement rencontrées pour les arbitrages ad hoc. Les arbitres intervenant dans le cadre d’arbi-trages institutionnels seront généralement rémunérés sur la base d’un barème arrêté par le centre d’arbitrage et déterminé en fonction de l’enjeu du litige. Ce barème couvre les ho-noraires et frais des arbitres mais également les frais administratifs du centre d’arbitrage. A titre d’exemple, les frais d’arbitrage, comprenant les honoraires de l’arbitre et les frais administratifs, s’élèveront à 625 EUR pour un arbitrage placé sous l’égide du Cepani dont le montant en jeu sera inférieur à 12.500 EUR. Pour un litige por-tant sur 100.000 EUR, les frais d’arbitrage s’élè-veront en moyenne à 13.000 EUR pour un ar-bitre unique et à 30.500 EUR pour trois arbitres intervenant conformément au règlement de la CCI. La moyenne sera de 4.400 EUR pour un arbitre unique et de 13.200 EUR pour trois ar-bitres intervenant dans le cadre du Cepani. En-fi n, il faut savoir qu’en matière d’arbitrage, le tri-bunal peut décider de faire supporter à la partie qui perd le procès les frais et coûts de la procé-dure de l’arbitrage ainsi que les frais d’avocat de la partie qui a gagné ; en d’autres termes, pour l’entreprise qui voit sa thèse triompher, la charge d’un procès peut être assumée, parfois dans sa totalité, par son adversaire.

Si le coût de l’arbitrage est souvent dénoncé par ses détracteurs, une récente étude démontre que le fait de disposer d’une politique claire de résolution des confl its offre de toute évi-dence un important avantage stratégique. 86% des personnes interrogées affi rment qu’une telle politique permet d’économiser des coûts parce qu’elle assure une gestion effi cace de la procédure de litige ou contribue à minimiser les risques d’une escalade du confl it.

L’arbitrage en question(s)

DAL DAVIDSON

Avocat associé

Avocat associéDal & Veldekens

Page 23: Dossir MARC S 19 novembre 2011
Page 24: Dossir MARC S 19 novembre 2011

24 Dossier RGP - MARC’s

La concertation sociale est le fondement

de notre système de relations collectives

de travail. Notre ordre juridique social est

structuré en ce sens et repose sur le prin-

cipe de la parité : le Conseil national du

travail, les Commissions paritaires et, au

niveau des entreprises, le Conseil d’entre-

prise et le Comité pour la prévention et la

protection du travail.

Si le dialogue est le maître-mot de nos

relations sociales, alors pourquoi autant

d’échecs dans la concertation sociale ?

Pourquoi de plus en plus de restructura-

tions n’ont d’écho dans les médias qu’en

fonction des coups d’éclat des travail-

leurs ? On ne parle plus que de piquets

de grève, de grève sauvage, d’occupation

d’usine et même de séquestration. Devant

la menace qui pèse sur leur emploi, les

travailleurs estiment leurs moyens d’ac-

tion légitimes et proportionnés.

Le droit de grève qui, rappelons-le, est

un droit fondamental, connait une dérive

inquiétante. Son exercice se traduit de

plus en plus rarement par une action paci-

fi que.

Devant ces actions irrégulières souvent

abusives, les employeurs n’ont qu’un re-

cours pour protéger la liberté du travail, la

liberté d’entreprise et le droit de proprié-

té: le judiciaire. Mais cette institution n’a

pas vocation - quelle que soit la juridiction

qui serait désignée pour être compétente

(tribunal de première instance ou tribunal

du travail) - pour régler un confl it collectif

de travail. Elle ne peut ordonner dans l’ur-

gence que des mesures coercitives, sans

aborder les objectifs et préoccupations

des uns et des autres.

Ce n’est pas avec une ordonnance as-

sortie d’une astreinte qu’un employeur

gagne l’épreuve de force sociale. Il aura

seulement affi ché sa détermination quant

à sa volonté de voir aboutir son projet de

restructuration.

C’est un fait : la crise économique radica-

lise les comportements des « partenaires

sociaux ».

Et le dialogue social dans tout ça ?

Il faut éviter la banalisation des « voies de

fait ». Elles ne doivent pas devenir un pas-

sage obligé à un accord social.

La question que l’on est en droit de se po-

ser est celle de savoir si, dans le cadre des

confl its collectifs de travail, notre système

de conciliation est encore adapté à ces

situations d’affrontement. Aujourd’hui, en cas de situation de blocage au niveau d’une entreprise, soit la partie la plus dili-gente saisit le bureau de conciliation de la commission paritaire compétente, soit un conciliateur social du SPF Emploi et Tra-vail est affecté à la situation de crise.

Cette démarche souffre bien évidemment de son caractère a posteriori mais surtout du fait que les conciliateurs sont limités à une intervention ponctuelle et ne dis-posent pas d’une connaissance suffi sante du dossier, n’ayant aucun background du climat social de l’entreprise.

Ce constat est cependant rarement expri-mé car tous les confl its sociaux sont desti-nés à connaître une issue négociée.

L’accord social auquel les parties abou-tissent diffi cilement ne doit cependant pas occulter les incidents parfois violents qui l’ont précédé et la grande amertume qui s’ensuit pour tous les acteurs ; la re-lation de confi ance qui est un élément essentiel de la concertation sociale s’en trouve sensiblement affectée.

Ne faudrait-il pas intervenir en amont du confl it social ? Ainsi, ne pourrait-on ima-giner que dès l’annonce d’une restructu-ration, l’employeur et les organisations syndicales présentes dans l’entreprise doivent faire choix d’un « accompagna-teur social ».

Il devrait s’agir d’un « expert » indépen-dant des parties, choisi parmi les pra-ticiens du droit social (juges sociaux, membre du SPF Emploi, DRH, avocat spé-cialisé) sur une liste dont les participants seraient désignés, après candidature, par le Conseil national du travail.

Leur rôle consisterait à assister à la phase d’information et de consultation prévue par la Loi Renault (Loi du 13 février 1998) en cas de restructuration ainsi qu’à celle de négociation du plan social.

Leurs compétences pourraient être va-riées : fi xation du calendrier des réunions d’information, rédaction des procès-ver-baux, assistance à la préparation des ques-tions des travailleurs et des réponses de l’employeur, avis quant à la clôture de la phase de consultation. Dans la phase de négociation, ils pourront conseiller les parties en matière d’élaboration d’un plan social effi cient (ex : techniques de garan-tie des plans de prépension, poursuite des assurances soins de santé et pension complémentaire, aspects sociaux et fi s-caux des régimes de sécurité d’existence,

des régimes dérogatoires de prépension,

de plans warrants et autres indemnités

conventionnelles), ils pourront assister

aux assemblées du personnel en support

technique des délégués et permanents

syndicaux, ils participeront à la rédaction

des conventions collectives de travail en

vue d’assurer leur conformité aux accords

intervenus ainsi qu’à la mise en place de la

cellule pour l’emploi, ils assureront le sui-

vi des dossiers de reconnaissance comme

entreprise en restructuration ou en diffi -

culté, etc…

Ils seront dans un premier temps modéra-

teur et garant du respect de la procédure

légale et, dans un second temps, ils pour-

ront, si nécessaire, se muer en concilia-

teur. Leur valeur ajoutée est de connaître

les acteurs et la problématique de la res-

tructuration dès l’annonce de celle-ci.

Dans le cadre d’une procédure judiciaire,

ils pourraient même être les témoins

impartiaux qui font toujours défaut aux

magistrats lorsqu’ils doivent statuer dans

un confl it collectif, que la procédure soit

unilatérale ou contradictoire.

Le concept « d’accompagnateur social »

n’est pas un gadget. De par leur indépen-

dance, leur expertise et les prérogatives

qui leurs seront attribuées, ils pourront

favoriser en cas de crise sociale le retour

à nos fondamentaux : le dialogue social.

Le principal obstacle à l’intervention de

ces nouveaux acteurs est la méfi ance

presque idéologique des organisations

syndicales qui pourraient y voir une forme

d’atteinte à leur monopole de défense des

droits des travailleurs en cas de restructu-

ration. Qu’ils ne se méprennent pas, ces

« accompagnateurs sociaux » n’ont qu’une

mission, celle d’entretenir le dialogue

entre ceux qui doivent rester des parte-

naires.

Leur réussite dépendra de l’acceptation

des uns et des autres de leur légitimité à te-

nir un discours « vérité » qui pourrait infl é-

chir tant la position de l’employeur quant à

son plan de restructuration initial que celle

des travailleurs quant à leurs revendica-

tions et aux moyens de les exprimer.

N’attendons pas qu’un accident majeur se

produise lors d’un confl it collectif de travail.

Le modèle belge de concertation sociale

n’a plus évolué depuis des décennies.

Adaptons- le aux nouveaux comporte-

ments sociaux et économiques. Soyons

innovants.

Restructuration d’entreprise etConciliation sociale : l’impossible défi ?

CLAES

Avocat associéTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte

Page 25: Dossir MARC S 19 novembre 2011

L’association Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte est un cabinet spécialisé en droit social. Elle compte également des spécialistes reconnus en droit fi scal, en droit des affaires ainsi qu’en droit de l’enseignement et en droit administratif.

Composée d’une soixantaine d’avocats qui exercent leur activité à Bruxelles, Liège et Gand, cette association constitue un des pre-miers cabinets belges spécialisés dans le con-seil et le contentieux en matière de droit du travail, droit de la sécurité sociale, droit fi scal, droit commercial et des affaires au sens large.

Issue du rapprochement entre le cabinet Ta-quet & Van Eeckhoutte et le cabinet Clesse – Deprez – Neuprez, cette entité constitue un des acteurs juridiques majeurs dans le droit des entreprises.

L’association Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte of fre un service complet, ses avocats accom-pagnent, conseillent et défendent leurs clients depuis les juridictions de proximité jusqu’à la Cour de cassation.

Une approche personnalisée: au-delà d’un conseil juridique ou d’une défense en justice, nos avocats apportent une aide à la décision fondée sur une longue expérience pratique des problèmes ren-contrés par les entreprises et les personnes privées. Grâce à la maitrise et la répartition de ses compé-tences, l’association offre à ses clients un service personnalisé et rapide ainsi qu’une disponibilité totale pour résoudre les problèmes les plus urgents.

Une approche scientifi que: association à la pointe du droit pouvant compter sur l’apport scienti-fi que de ses membres dont plusieurs professeurs d’université ou de hautes écoles, elle intervient dans le développement de la doctrine par ses nombreux ouvrages et publications et assure la formation permanente de ses membres et clients par l’organisation de séminaires.

Une approche diversifi ée: le droit social, le droit fi s-cal ainsi que le droit des sociétés s’inscrivent dans une structure globale qu’il faut maîtriser. Soucieux de garder des passerelles avec toutes les branch-es du droit, le cabinet compte des spécialistes en droit des contrats, responsabilité pénale et civile, réparation du préjudice corporel, droit des assur-ances…La maîtrise de ces diverses compétences permet d’offrir un service complet.

Une approche régionale, nationale et interna-tionale : intégré de longue date dans le tissu so-cio-économique de chaque région, le cabinet Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte répond aux be-soins locaux de sa clientèle. Nos avocats sont en outre reconnus depuis longtemps comme des interlocuteurs crédibles par les acteurs de la vie économique au niveau national et par les juridic-tions du pays. Enfi n, nous entretenons des relations privilégiées avec des cabinets de niche en droit social et présents sur la scène internationale.

Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte offre:

Contacts : www.bellaw.be

Bruxelles : chaussée de la Hulpe, 166à 1170 Bruxelles – 02.660.69.00

Liège : Quai de Rome, 2 à 4000 Liège - 04.254.11.00

Gand : Drie Koningenstraat, 3 à 9051 Gand – 09.220.82.00

Page 26: Dossir MARC S 19 novembre 2011

26 Dossier RGP - MARC’s

Dans le cadre de ce supplément juri-

dique consacré aux Modes Alternatifs

de Règlement des Confl its (MARC’s)

notre propos se limitera à quelques considé-

rations relatives à l’arbitrage comme mode

de règlement des confl its qui trouvent leur

origine dans l’exécution (ou l’inexécution)

d’obligations conventionnelles. Le Code judi-

ciaire belge défi nit l’arbitrage comme étant la

convention en vertu de laquelle deux ou plu-

sieurs parties conviennent de confi er à un ou

plusieurs arbitres la mission de trancher entre

elles un différend né ou à naître. La «conven-

tion d’arbitrage» apparaît fréquemment sous

forme d’une disposition insérée par les par-

ties contractantes dans une convention dont

l’objet peut concerner, par exemple, une

vente, un contrat d’entreprise, un contrat

de fi nancement, etc. Les litiges qui trouvent

leur cause dans l’exécution (ou l’inexécution)

des obligations contractuelles constituent

par conséquent le domaine d’élection de

l’arbitrage organisé soir par le Code judiciaire

belge, soit – lorsqu’ils s’appliquent – par des

traités internationaux.

Le développement de l’arbitrage en Belgique est un phénomène relativement récentLa loi belge sur l’arbitrage date du 4 juillet

1972. Cette loi insérait dans le Code judiciaire

les dispositions de la loi uniforme issue d’une

convention européenne en matière d’arbi-

trage. Avant cette loi de 1972, le recours à

l’arbitrage entre parties établies en Belgique

était relativement exceptionnel en raison des

conditions restrictives de l’ancien Code de

procédure civile de 1806 relatives à l’arbitrabi-

lité des litiges. Depuis la loi du 4 juillet 1972,

le recours à l’arbitrage comme mode de règle-

ment des confl its a connu un développement

remarquable en Belgique.

Quel est l’effet d’une clause d’arbitrage conte-

nu dans une convention? Une convention

d’arbitrage a pour effet de soustraire la solu-

tion du litige entre parties à la compétence des

juridictions de l’Ordre judiciaire. Lorsqu’une

clause d’arbitrage valable existe entre parties,

les cours et tribunaux de l’Ordre judiciaire

perdent leur compétence pour trancher le

litige entre elles. Si l’une d’elles porte le diffé-

rend devant un tribunal de l’Ordre judiciaire,

le juge est tenu de se déclarer incompétent.

Pourquoi des entreprises ou des particuliers ont-ils recours à des arbitres qu’il faut rémunérer, alors que la justice est un service public mis gratuitement à la disposition des justi-ciables? Quels sont les avantages de l’arbitrage? Les

parties qui y ont recours y voient principa-

lement trois avantages. Le premier est la fa-

culté (fréquente dans la pratique) de renon-

cer à toute possibilité d’appel. Les arbitres

statuent en ce cas en dernier ressort, sans

possibilité pour la partie qui succombe dans

la procédure d’arbitrage de tenter d’obtenir

une réformation devant d’autres arbitres. Le

deuxième avantage est une plus grande sou-

plesse de la procédure ce qui permet aux

arbitres d’adapter la procédure de l’arbitrage

aux besoins spécifi ques du litige dont ils sont

saisis. Ainsi par exemple, lorsque le litige re-

quiert de longues auditions de témoins, les

audiences d’arbitrage peuvent se prolonger

pendant plusieurs jours, voire pendant plus

d’une semaine, chose diffi cilement conce-

vable devant les tribunaux de l’Ordre judi-

ciaire compte tenu de leur charge de travail.

Le troisième avantage est la discrétion de l’ar-

bitrage : les audiences ne sont pas publiques;

les sentences d’arbitrage restent en principe

confi dentielles.

L’arbitrage n’est certes pas la procédure qui

s’impose absolument par préférence à tout

autre mode de règlement des confl its. Nous

avons en Belgique un système judiciaire qui,

dans la très grande majorité des cas, fonc-

tionne remarquablement bien. Cependant,

lorsque les parties sont établies dans des pays

différents, un phénomène de méfi ance vis-à-

vis des institutions judiciaires de l’autre par-

tie se rencontre et c’est tout naturellement

que les parties choisiront l’arbitrage comme

mode de règlement des différends entre elles.

Ceci explique le développement de l’arbi-

trage en Belgique depuis une quarantaine

d’années. Chaque année, des milliers de li-

tiges sont ainsi soumis et résolus en Belgique

par les arbitres.

Le champ d’application de l’arbitrage (ce que

l’on dénomme «l’arbitrabilité» du litige) n’a

cessé de croître. Au départ confi née dans le

domaine strictement contractuel entre en-

treprises commerciales, la compétence des

arbitres a été reconnue dans les domaines les

plus divers. Les arbitres peuvent par exemple

prendre des décisions qui s’imposeront à tous

(et donc pas seulement aux parties qui ont

soumis leur différend aux arbitres). Ainsi des

arbitres peuvent prononcer la nullité d’une

société et leur décision s’imposera à tous si

cette décision fait l’objet des publications

prévues par le Code des sociétés. Les arbitres

peuvent également par exemple prononcer

la nullité d’un brevet. En outre, les arbitres

peuvent se prononcer sur l’application de dis-

positions d’ordre public comme par exemple

la contrariété d’une convention à une loi

d’ordre public ou une norme européenne.

Mais y a-t-il en défi nitive des matières qui échappent à la compétence des arbitres ? Le Code judiciaire impose effectivement

deux types de restriction à l’arbitrabilité d’un

litige. Tout d’abord les personnes morales de

droit public (l’Etat, les Régions, les provinces,

les communes, les CPAS, etc.) ne peuvent

conclure une convention d’arbitrage que

pour le règlement de différends relatifs à

l’exécution d’une convention. Ensuite l’arbi-

trage n’est permis que pour trancher un litige

relatif à un rapport de droit sur lequel il est

permis de transiger. Ce qui est hors com-

merce ne peut faire l’objet d’une transaction

et par voie de conséquence, les litiges relatifs

à ce type de rapports de droit ne peuvent

être soumis à l’arbitrage. Il existe donc des

domaines du droit qui échappent à la com-

pétence des arbitres. Ce sont – de manière

très sommairement résumées – les matières

où s’exerce la puissance publique : le droit

de la famille, le droit pénal, le droit fi scal et

les «voies d’exécution» (c’est-à-dire la mise à

exécution - le cas échéant - forcée de déci-

sions de justice, en ce compris les décisions

des arbitres). Ceci étant, les modes alternatifs

de règlement des confl its interviennent, mais

– serait-on tenté de dire – à la marge, même

dans ces matières : médiation familiale, mé-

diation pénale, conciliation fi scale.

Hormis ces matières qui constituent dans

tous les pays le «noyau dur» des compétences

des juridictions étatiques, le domaine de com-

pétence des arbitres, l’arbitrabilité des litiges,

a connu au cours des quarante dernières an-

nées un remarquable développement.

Extension du domaine de l’arbitrabilite des litiges

KRINGS

Avocat associéKrings Law

Page 27: Dossir MARC S 19 novembre 2011

KRINGS LAW OFFICE

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Maurice KRINGS

Martine EULAERTS

Anaïs LEGRAND

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Avocats – Advocaten – Attorneys

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au service de l’entreprise

Get Out Of The Maze !

Answers That Matter

Page 28: Dossir MARC S 19 novembre 2011

28 Dossier RGP - MARC’s

Rapide rappel historiqueC’est en 1980 qu’apparurent aux Etats-Unis

les premiers modes alternatifs de règlements

des confl its inhérents à la vie des affaires. Le

coût et la durée des procédures aux Etats-

Unis ne furent sans doute pas étrangers à la

naissance des « ADR » (Alternative Dispute Re-

solution). Ce courant passa l’Atlantique dans

les années 1990. En Europe francophone, l’on

parle aussi des « Modes Alternatifs de Règle-

ments des Confl its » ou « MARC ».

Les avantages d’éviter un procès sont

connus : une procédure coûte cher, est lente

(à Bruxelles on attend entre 18 et 24 mois

pour plaider un dossier) et surtout connaît

une issue incertaine (ce qui est, pour un chef

d’entreprise, peu acceptable), alors qu’une

solution hors prétoire est rapide (hors l’hypo-

thèse de l’arbitrage), confi dentielle, souple,

adaptée à la volonté commune des parties

qui l’ayant trouvée ensemble l’appliqueront

plus facilement qu’une décision de justice qui

leur est imposée. Mais l’avantage décisif d’un

« MARC » est qu’après avoir résolu ce confl it,

ce qui arrive dans 3 cas sur 4, les parties se

retrouvent et peuvent continuer à avoir des

relations, sans perdant, ni gagnant que ce soit

comme associé, partenaire commercial, four-

nisseur, client,...

Les deux voies royales des MARC’s : la médiation…Mais quels sont ces modes alternatifs dont

on nous parle tant ? Deux de ceux-ci nous pa-

raissent devoir être mis en avant, car bien que

les plus pratiqués, ils sont souvent confon-

dus : la médiation et la conciliation.

Il n’existe pas de défi nition légale de la mé-diation. Nous utiliserons celle des travaux

préparatoires de la loi du 21 février 2005 qui

a introduit, de manière générale, la médiation

en Belgique : « La médiation est un proces-sus de concertation volontaire entre parties en confl it, avec le concours actif d’un tiers indépendant qui facilite la communication et tente de conduire les parties à sélection-ner elles-mêmes une solution ». Chaque mot

est important !

Voici les principales caractéristiques de la

médiation :

La médiation est un processus volontaire,

une négociation entre parties qui peut donc

commencer et s’arrêter à tout moment ;

Par rapport à une simple négociation, la

médiation fait intervenir un tiers (un mé-

diateur agréé) mais qui n’aura qu’un rôle

limité : celui de trouver la bonne longueur

d’ondes qui permettra aux parties de se

(re)parler et de trouver ensemble une solution. Pour ce faire, le médiateur qui ne peut imposer aucune solution, pourra avoir des contacts avec l’une ou l’autre partie séparément (ce qu’on appelle des « caucus ») ;

Comme la loi de 2005 le précise, la média-tion est confi dentielle : rien ne pourra sor-tir de ces discussions et des documents échangés à cette occasion ;

La médiation qu’elle soit volontaire (c.-à-d. décidée par les parties hors toute pro-cédure) ou judiciaire (c.-à-d. décidée par un juge avec l’accord des parties) suspend toute procédure judiciaire ;

La médiation, si elle réussit (en général on parle en jours et maximum en mois) se termine par la signature d’un protocole d’accord qui sera éventuellement déposé au tribunal pour être entériné par le juge.

En notre qualité d’administrateur de l’asbl BBMC, créée par les deux Ordres du Barreau de Bruxelles et la Chambre de Commerce de Bruxelles (devenue BECI), nous nous per-mettons de conseiller à ceux qui sont inté-ressés par cette formule d’aller visiter le site : www.bmediation.be. Ils y trouveront tous les renseignements utiles pour résoudre un diffé-rend « B to B ».

…et la conciliationBien que souvent confondue avec la média-tion, la conciliation est toute différente. Il s’agit d’ « un mode pacifi que de règlement des différends grâce auquel les parties s’en-tendent soit directement soit par l’entremise d’un tiers pour mettre un terme à leur litige. Si le conciliateur est un tiers, il s’autorisera des recommandations sur le fond, des pro-positions de solutions, des tentatives d’in-fl uence dans la recherche de l’accord ».

Cette défi nition, tirée également des travaux parlementaires, nous permet d’appréhender les points communs et les différences de cet autre « MARC » avec la médiation :

Comme la médiation, la conciliation peut être volontaire ou judiciaire ; la loi prévoit d’ailleurs la conciliation dans certaines cas, comme le renouvellement d’un bail com-mercial ;

Il y a aussi intervention d’un tiers : ce tiers peut être un juge ou quiconque (un conci-liateur ne doit pas être agréé) ;

Mais ce tiers est plus « interventionniste» puisqu’il peut donner son opinion quant aux solutions proposées ou même en re-commander ;

Sauf si les parties le prévoient (dans la conciliation volontaire), la conciliation n’est pas confi dentielle. A défaut d’accord devant un juge, il sera d’ailleurs dressé un « procès verbal de non conciliation ».

Si la médiation est une technique relative-ment neuve, la conciliation était déjà prévue dans notre Code judiciaire depuis 1967 mais est encore trop peu utilisée par les plaideurs. Pourtant la première confrontation avec le juge peut souvent rapprocher les points de vue ou au moins permettre de jauger la façon dont celui-ci tranchera l’affaire s’il est appelé par la suite à en juger.

Les autres MARC’sPour aborder les autres formules (à ce su-jet, l’imagination est aux pouvoirs), nous nous servirons du tout récent et excellent modèle de « Protocole de négociation » que vient d’établir l’Ordre français du Barreau de Bruxelles.

Outre le recours à la médiation ou à la conci-liation, ce protocole prévoit de faire appel à:

L’avis d’un expert souvent fort utile pour donner à un litige sa juste proportion ou

L’évaluation juridique indépendante don-née confi dentiellement par un tiers juriste qui donne aux parties une indication utile quant à leurs droits et obligations respectifs, sans passer par le détour d’une procédure.

Brèves conclusionsLa rapidité et l’internationalisation des rap-ports commerciaux rendent les procédures judiciaires (sauf celles d’urgence, appelées « les référés ») inadéquates pour résoudre les différends « B to B » de toute nature.

Certes il ne faut pas tomber dans l’angélisme, il faudra toujours des tribunaux civils voire pé-naux pour défendre les droits de ceux qui se trouvent confrontés à des aigrefi ns ou autres gougnafi ers.

Toutefois les MARC’s sont avant tout une fa-çon d’aborder les diffi cultés en ne cherchant pas « à qui la faute » mais comment résoudre celles-ci en faisant un effort commun. La dé-pense d’énergie (et d’argent) sera souvent moins importante et, oh combien, plus pro-fi table à court et long terme.

Merci à La Libre Belgique de nous avoir permis de vous esquisser les MARC’s car en cette ma-tière, comme en beaucoup d’autres, il faut avant tout informer pour changer les mentalités.

Notre vœu fi nal : transformer le dicton po-pulaire en: un bon arrangement vaut mieux qu’un mauvais procès !

MARC’s : PANORAMA

RENARDAvocat associé Barreaux de Bruxelles et de Nivelles, Juge suppléant du tribunal de commerce de NivellesVerhaegen Walravens

Gagner un procès, c’est acquérir une poule en perdant une vache (proverbe chinois)

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Page 30: Dossir MARC S 19 novembre 2011

30 Dossier RGP - MARC’s

Face aux pesanteurs de la justice éta-

tique, voire de l’inaptitude de celle-ci

à trancher certains litiges hors normes,

l’arbitrage s’est considérablement développé

ces dernières années tant sur le plan interna-

tional que sur le plan national.

L’arbitrage est une forme de règlement de

confl it par laquelle les parties en litige déci-

dent de soumettre leur différend à un tribunal

arbitral, juridiction privée et choisie, compo-

sée généralement de un à trois arbitres. Ceux-

ci, aux termes une procédure « sur mesure »,

fl exible et en principe rapide, rendent une

décision - la sentence arbitrale - qui n’est pas

susceptible de recours, sauf les cas exception-

nels d’annulation et à moins que les parties

ne se soient réservé l’appel. Exécutée volon-

tairement dans la plupart des cas, le pouvoir

judiciaire doit rarement accorder l’exequatur

de la sentence aux fi ns d’exécution forcée.

L’arbitrage dit «ad hoc» (organisé par les par-

ties elles-mêmes, souvent pas référence aux

dispositions de notre Code judiciaire) ou

institutionnel (via une institution comme

le CEPANI ou la CCI,..) permet une justice

plus rapide rendue par des spécialistes choi-

sis pour leur compétence dans la matière

litigieuse et leurs garanties de totale discré-

tion. Les arbitres sont en effet astreints à une

confi dentialité absolue : l’arbitrage n’est pas

public et les sentences arbitrales ne peuvent

être publiées qu’avec l’accord des parties.

Mécanisme conventionnel de résolution des

confl its, l’arbitrage repose entièrement sur

la volonté des parties, qu’elles se réfèrent au

règlement d’une institution ou qu’elles pré-

fèrent organiser elles-mêmes la procédure.

Les justiciables demeurent ici maîtres de leur

litige, ce qui tend à maintenir un certain climat

de confi ance entre elles. Or, la préservation

du lien s’avère souvent nécessaire lorsque les

opérateurs économiques sont appelés à res-

ter en relations d’affaires. La conciliation des

parties, par les arbitres, s’en trouve du reste

facilitée

S’agissant de relations commerciales inter-

nationales, les parties optant pour l’arbitrage

s’épargnent une empoignade aventureuse,

dans une langue étrangère, au prix d’une

procédure inconnue voire incompréhen-

sible, jalonnées d’interminables confl its de

juridictions. Par le recours à l’arbitrage, elles

s’offrent de situer leur différend dans un cadre

familier, dans une langue (fréquemment l’an-

glais) qu’elles auront au préalable agréé, sous

l’égide d’une institution d’arbitrage, et dans

un espace-temps, uniques.

Mais cette forme de résolution de confl its

n’est elle pas réservée à une catégorie privilé-

giée de justiciables? Même si les partisans de

l’arbitrage fl attent la prévisibilité de ses coûts,

il faut concéder que cette forme de justice

privée s’avère, notamment par la barémisa-

tion des honoraires des arbitres en fonction

de l’enjeu du litige et de leur degré de compé-

tence, beaucoup plus onéreuse que notre jus-

tice traditionnelle, ce d’autant que les arbitres

rechignent souvent à condamner la partie

succombante au paiement des frais d’arbi-

trage. Or, grâce au récent système des indem-

nités de procédure, le perdant s’expose, dans

le cadre d’un litige judiciaire, à la prise en

charge, non seulement de ses propres frais

mais également, et dans une certaine mesure,

à ceux de son adversaire. (P)osons, plus fon-

damentalement, la question : l’arbitrage est-il

une panacée ?? Nos juridictions sont-elles à ce

point défaillantes qu’il faille recommander la

déjudiciarisation à tout (tous !) prix ?

Sur le plan national, l’arbitrage se conçoit

certes en presque toutes matières. Mais

nos cours et tribunaux sont organisés en

chambres spécialisées et maitrisent souvent

excellemment les contentieux qui leur sont

soumis, en sorte que le recours à un (et a

fortiori plusieurs) arbitre(s) spécialisé(s) ne

se justifi e pas si souvent. Il ya aussi, quant à

l’avantage de la célérité, que l’arriéré judiciaire

est un fl éau essentiellement bruxellois, tandis

quel es arbitres, souvent avocats et/ou profes-

seurs, consacrent rarement l’entièreté de leur

temps - hormis quelques exceptions- à cette

fonction particulière, ce qui relativise leur

disponibilité. En pratique, même s’ils veillent

à la ponctualité de leurs sentences, celles-ci

se font parfois attendre. Songeons aussi que

l’arbitrage accuse certaines limites, comme

celles de l’urgence et de son extension à des

tiers., Malgré tout, il demeure que certains

types de litiges, à haute densité passionnelle

(ex. une succession) ou technique (ex. en

informatique), de même que les litiges de

faible ‘importance n’ont pas leur (meilleure)

place au palais de justice, et n’y trouvent pas

de solution vraiment pérennes et apaisantes..

Là ou souvent les arbitres tendent à statuer

en équité, nos cours et tribunaux se doivent

d’appliquer « froidement » les règles de droit,

au risque d’éloigner les parties de l’idée de

«justice» et leur laisser en héritage une solu-

tion unanimement frustrante. C’est alors,

précisément, que l’arbitrage - couplé, idéale-

ment, aux autres modes de règlements alter-

natifs de litige comme l’expertise technique,

la médiation, le mini-trial organisées par les

mêmes institutions - présente sans conteste

une inestimable plus- value, tant nos juridic-

tions sont peu équipées, débordées, cade-

nassées par les lois et procédures inaptes à

sceller une vrai paix judiciaire dans ces litiges

particuliers.

Pour toutes ces raisons, dans tous ces cas,

ainsi que dans le cadre des litiges transfron-

taliers et, multipartites, aux contours juri-

diques et factuels complexes, l’arbitrage et

les autres modes alternatifs de règlement des

litiges présentent sans conteste de nombreux

avantages par rapport à notre justice tradi-

tionnelle et sont, sans doute, encore voués à

un bel avenir. Gageons, entre autres souhaits,

que ces prétoires alternatifs sauront, à tous

égards, rester accessibles, et pourront rele-

ver le défi de l’urgence qui, inexorablement,

gagne les contentieux de tous types.

L’ arbitrage: les avantages d’une justice privée

Jean-François VAN DROOGHENBROECK

Sophie JACMAIN

Professeur à l’université catholique de Louvain et aux Facultés Universitaires Saint Louis, Avocat au Barreau de Bruxelles

Associate Partner, Assistante ULB en matière de procédures collectives et sûretésNauta Dutilh

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