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1 PROJETER AVEC L’EXISTANT Dossier d’analyse d’un projet (existant ou non) relatif à un bâtiment existant L.U. / Lieu Unique Nantes Patrick Bouchain 1994-2000 1 Semestre 2 / Master 1 / mai 2012 / Cyrielle Doucet / ENSAS

Doucet Cyrielle - Lu

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PROJETER AVEC L’EXISTANT

Dossier d’analyse d’un projet (existant ou non) relatif à un bâtiment existant

L.U. / Lieu UniqueNantesPatrick Bouchain1994-2000

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Semestre 2 / Master 1 / mai 2012 / Cyrielle Doucet / ENSAS

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Le lieu unique est situé dans le quartier du Champ-de-Mars, le long du canal Saint-Félix, à l’ex-trémité est de ce qui était autre-fois l’île Gloriette. Tout proche de la gare SNCF, il est aussi à côté du château des Ducs de Bretagne, de la cathédrale et de la cité des congrès.

présentation

La société L.U. a été dévelop-pée par une dynastie de pâtis-siers, les Lefèvre-Utile. Les bâtiments du site L.U. ont été conçus par Auguste Bluysen. Le bâtiment abritant Lieu Unique correspondait à l’annexe Fer-dinand-Favre, érigée en 1886. Le Lieu Unique était à l’origine la fabrique de Petit-Beurre et de Paille d’Or. Aujourd’hui, le bâtiment est l’une des dernières empreintes architecturales des usines LU. Le site LU engage des démolitions des bâtiments dès 1974 en vue d’un transfert de la production à partir de 1986 - année d’inauguration du site de la Haie-Fouassière. Ainsi les 450 salariés travaillaient dans l’usine du centre de Nantes jusque dans les années 1980 avant d’être désaffectée.

historique

Employés réunis dans l’usine - 1907

ci-contre : Louis Lefèvre-Utile

partie 1 : le bâtiment avant intervention

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Usines L.U. - 1952

Publicité ‘Petit-beurre Lu’ - 1924

Zoom de l’illustration, site de production - 1924

Les deux tours LU étaient le symbole de la réussite des bis-cuiteries de Nantes. Elles furent érigées entre 1905 et 1909, soit quarante ans après que Jean-Romain Lefèvre et Isabelle Utile (les parents de Louis Lefèvre-Utile) eurent inventé la recette du «petit beurre» et vingt ans après que leur fils en ait inventé le découpoir donnant sa forme actuelle au petit-beurre. «Les initiales LU figuraient le vrai sigle industriel de Nantes», écri-ra Julien Gracq. «Elles furent détruites en 1972, dans l’indif-férence générale» (Le Point, 14 mai 2012). Les deux tours ont été édi-fiées au début du XXe siècle par Auguste Bluysen dans un style proche de l’Art nouveau. Il s’agissait à l’époque d’affirmer la puissance de l’entreprise en créant une perspective dans le prolongement des cours Saint-Pierre et Saint-André et en ré-pondant aux tours du château des ducs de Bretagne.

la tour

annexe Ferdinand-Favre

deuxième bâtiment L.U. existant encore aujourd’hui

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ci-contre : la verrière de la cour avant intervention

La partie de l’ancienne usine qui a été remplacée par le Grand Atelier

La cour avant aménagement

Extrait du carnet de détails - 1998

«Réhausse et extension du mur existant»

«Ré-hausse

et exten-sion

du mur exis-tant»

photo avant travaux

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Présentation neutre du projet : (rénovation, réhabilitation, reconversion ...) à partir de documents gra-phiques disponibles (plans, photos, maquette) et du nouveau programme affecté à l’édifice.

partie 2 : le projet

Coupe sur la Cour et le Grand Atelier

Elévations des facades

Croquis de la Cour et du Grand Atelier

Coupe de la galerie

Jean Blaise, directeur du CRDC, souhaite installer durablement sur le site le Centre de Recherche pour le Développement Culturel. Il sou-met un projet culturel à Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes : il s’agit de créer un lieu où la vie côtoie spon-tanément l’art, dasn ses formes les plus contemporaines, voire «déran-geantes». Le projet consiste aussi à inclure des espaces de services (bar, restaurant, librairie, crèche, hammam).

La ville rachète l’annexe Ferdi-nand-Favre en 1995. Déclarée site protégé, la friche industrielle n’est donc pas détruite. Elle accueille de nouvelles manifestations culturelles du CRDC comme Les allumées en 1994 (festival accueillant pendant 6 nuits des artistes de grandes villes du monde : Barcelone, Saint-Pé-tersbourg, Buenos-Aires, Naples, Le Caire), Trafics : marché de l’art et trafic de spectacles en juin 1996, Cuisines et Performances en juin 1997, Fin de Siècle à Johannes-burg, en octobre 1997 ou Fin de Siècle à New York en 1998.

intervention du CRDC

ci-contre : percements côté quai / structure extension côté rue de la biscuiterie

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6Plan du rez-de-chaussée

Plan masse

À la fin des années 1990, la tour est l’objet d’une remise dans son état d’origine. La tour, haute de 38 mètres, qui coiffe depuis 1998 le bâtiment est due à l’architecte Jean-Marie Lépinay. Il s’agit d’une reconstitution fidèle, établie grâce aux archives de la famille Lefèvre-Utile. Au sommet, la lanterne est identique à celle présentée par le pavillon LU à l’exposition univer-selle de 1900 et est coiffée d’une flèche de métal. Le dôme est com-posé de six fenêtres de forme ova-le et surmontées d’aigles sculp-tées. Enfin, le corps est décoré d’une Renommée, ange brandis-sant une trompette et entouré de six des signes du zodiaque.

En quelques secondes d’ascen-seur ou 130 marches plus haut, Nantes s’observe grâce au Gyro-rama, plate-forme qui s’oriente à l’aide d’une manivelle au bon soin des curieux. Au dernier étage, une vidéo relate l’histoire de l’usine il-lustrée d’un riche fonds de photos d’archives.

Réhabilitation/Re-construction

Reconstruction de la tour est - 1998

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Enseigne, av. Carnot - 2012

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Billeterie (1)

Café (2)

Boutique (3)

Librairie (4)

Cour - Salle d’exposition (5)

Restaurant (6)

L’usine est réhabilitée par Patrick Bouchain en 1998, revendiquant le respect de l’identité industrielle du site en mélangeant l’architec-ture ancienne et nouvelle.

Les ouvertures quai Favre consti-tuent les accès publics du site conservant leur caractère de per-cées par l’aspect rudimentaire. Une extension, la plus importante, se situe à «l’arrière» du bâtiment - comme on peut le voir sur les cartes ci-dessus - y concentre le grand Atelier, constituant au-jourd’hui l’une des façades princi-pales, visible par la voie la plus empruntée. D’autres extensions sont réalisées au-dessus d’une partie de la zone publique.

Le bâtiment offre 8000 m² d’es-paces sur deux niveaux. Au rez-de-chaussée, se trouve :- l’Accueil/Billetterie : boite métal-lique dans l’espace principal (Lieu de vie)- le Café : espace ouvert dans l’es-pace principal, surélevé, double ambiance jour/nuit (Lieu de vie)- la Boutique : espace libre, éta-gères en fin d’allée (Lieu de vie)- la Librairie vent d’ouest : boite métallique dans l’espace principal (Lieu de vie)- la Cour : espace d’expositions, 1200 m², lumière naturelle, ver-rière et poteaux de fonte d’origine, géométrie variable- le Restaurant : isolé du reste, ouvert vers les quais- la Tour Lu : ouverte au public de-

© IGN 2012 - www.geoportail.fr/mentionslegales/

Longitude : 01º 32' 44.4'' O / Latitude : 47º 12' 55.2'' NÉchelle : 1 : 2000

© IGN 2012 - www.geoportail.fr/mentionslegales/

Longitude : 01º 32' 44.4'' O / Latitude : 47º 12' 55.2'' NÉchelle : 1 : 2000

Enseigne, av. Carnot - 2012

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Atelier

Atelier du Silo

Tour L.U. (7)

Hammam

Grand Atelier (8)

Salon de Musique

puis 2004, gyrorama de Métalobil offrant vidéos/photo historiques- le Hammam : 650 m², style oriental- le Grand Atelier : spectacles ou concerts, 620 m², gradins téles-copiques de 532 places assises, 1500-5000 places debout (sans-avec la Cour), plateau de scène entièrement démontable, seule partie récente, décor de recy-clages franco-africain, Grenier du siècle dans une double paroi

... au premier étage : - le Salon de musique : petites formes musicales, conférences, lectures, insonorisé- les Ateliers : 1000 m², espaces bruts, transformation selon be-soins artistiques- l’Atelier du silo : atelier d’artiste, un plasticien boursier pendant 6 mois pour expérimentation, ren-contre du public, atelier, exposi-tion

... et au deuxième étage : - la Crèche associative ‘la souris verte’- les bureaux

Jean Blaise et toute son équipe inaugurent le lieu unique le 30 dé-cembre 1999 lors du festival Fin de Siècle à Nantes. Cette ouverture est d’abord placée sous le signe du Grenier du Siècle : une double paroi extérieure est conçue par Patrick Bouchain pour recevoir une importante collection d’objets hétéroclites, dons de la popula-tion. “Mis en conserve” dans des boites en métal, ils vont séjourner un siècle entier dans le Grenier, qui ne s’ouvrira que le premier jan-vier 2100 à 17h précises. Photo, poupée, lettre d’amour, téléphone portable, vieille TSF : les objets de 11 855 citoyens sont ainsi scellés, contribuant à l’élaboration d’une mémoire géante pour les généra-tions futures.

Entrée quai Favre Facade rue de la Biscuiterie

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Ma première approche des locaux réhabilités L.U. a été par du bouche à oreille lors d’un voyage à Nantes. On m’a décrit un lieu culturel «à la mode» avec ce côté artiste et pas fini. Je me suis déplacée jusqu’aux anciennes usines L.U. avec un vélhop sous la pluie pour. J’ai fait le tour du bâtiment, j’ai garé mon vélhop devant (une borne prévue pour l’usage) et j’ai regardé. Ma formation d’architecte m’a tout d’abord amené à «scanner» les lieux, cette analyse que l’on fait lorsqu’on découvre un bâtiment pour la première fois, pour essayer de lire son fonctionnement de l’exté-rieur.

Ma première réaction a été cet alignement d’entrée, décrivant à chaque fois une fonction à l’intérieur. Chaque entrée avait ce côté «brut» où chaque percée de porte avait été laissée telles quelles, sans être habillées, comme pour laisser cette trace de l’intervention du passé. Le passé très nettement présent au travers la tour LU, reflet du passé, malgré sa reconstruction très récente. En plus des entrées, le dernier nouveau est laissé brut, démarquant avec le reste du bâtiment par sa matérialité. De bas en haut, le tout connecté, distribué, par des escaliers métalliques don-nant cet aspect «atelier d’artiste» en gardant à l’esprit l’âme industriel du lieu.

Rentrée à l’intérieur par l’ «entrée», on découvre un grand espace «à vif» où s’enchaînent café, librairie, restaurant, billetterie, boutique, etc. mais aussi d’autres espaces accolés comme la salle d’exposition. Le parti pris, de laisser le bâtiment brut, très clairement affiché à l’extérieur est poursuivi à l’intérieur. En déambulant dans les différents espaces j’ai remarqué les différentes ambiances qui ressortent en fonction des espaces où on se trouve. Autant le bâtiment principal révèle une continuité dans l’espace, lorsque l’on rentre dans la galerie d’exposition les shedders apportent une lumière uniforme ouvrant vers le nord. La toiture de la cour couverte existe de la fonction d’usine du bâtiment et n’a pas été transformée ou même remise à neuf. Elle apparait comme juste nettoyée. Les murs aussi nous aident à comprendre le lieu en accumulant les matériaux, chacun correspondant une époque/fonction : brique, parpaings, cloisons mobiles. Enfin, la dernière ambiance que j’ai pu percevoir durant ma –courte- visite du lieu correspond aux sanitaires. Situés dans le niveau inférieur, de matériaux à l’état brut, ils sont décorés par toutes les personnes y passant, laissant tour à tour leur trace. On se retrouve avec un patchwork de signatures, poèmes et messages adressés à quelqu’un en particulier ou aux visiteurs en général comme si on était dans la rue, un endroit public, ouvert à tous.

Ceux-ci témoignent de l’histoire du projet, « un projet culturel installé en squatteur, qui a obtenu en fin de compte droit de cité » (p. 9, in Le Lieu Unique, le chantier, un acte culturel/Nantes, Christophe Catsaros, édition l’Impensé Actes Sud). Le projet proposé par l’architecte Patrick Bouchain n’était pas le premier choix du jury. Il a proposé de rénover entièrement les locaux et les remettre aux normes et la création d’une grande salle, soit le double de surface qu’imposé au programme, avec le même budget. P.B. n’en était pas à sa première expérience avec L.U., puisqu’il s’est occupé de la rénovation des Magasins à Grenoble, lieu que j’ai également visité. Le parti pris de l’architecte, dans les deux cas, est de mêlé passé et présent en étant le plus honnête possible. J’entends par « honnête » conser-ver l’état brut des matériaux et des éléments pour nous permettre d’en comprendre la fonction et l’histoire, comme des couches superposées du temps, l’architecture comme palimpseste.

Ce projet m’a intéressé à deux niveaux, par sa fonction de lieu culturel, tel un concentré d’activités, mais aussi par son caractère. En effet, la mise en place du programme est, je trouve, très bien menée. L’architecte a su s’approprier les lieux afin de faire glisser la majorité du programme dans les locaux existants. Le choix de conserver l’espace global de la galerie par exemple est, selon moi, particulièrement judicieux. Les fonctions sont alignées les unes après les autres mais la courbe de l’espace empêche d’en saisir sa profondeur et instaure ainsi une échelle plus ciblée sur la fonction en elle-même. Et quand la fonction nécessite un espace défini, clos, pour des raisons matérielles ou de gestion, il a déposé des cages en grille métallique. Elles permettent de fermer le lieu quand il y a besoin tout en conservant la vision du bâtiment. L’ensemble des fonctions se sont organisées de façon que je trouve très subtiles, profitant des recoins pour une boutique ou d’un plancher surélevé pour définir le café.

Le seul point qui ne me satisfait qu’à moitié finalement est l’arrivée sur le lieu. Le grand mur aveugle de l’avenue Jean-Claude Bonduelle ne permet pas de comprendre ce qu’il va se passer, et je trouve ne représente qu’à moitié l’esprit du lieu. Certes, il est sobre, brut comme le reste de L.U. mais en même temps il ne profite pas de cet espace libre vertical qu’il est. Cependant, il intrigue, nous invite à nous retourner sur les quais. Le choix de ne pas ouvrir sur le boulevard mais plutôt sur le canal est justifié par la volonté des habitants de ne pas être gêné par le bruit. De plus, la galerie profite beaucoup mieux d’une ouverture sur le canal avec ses grandes baies vitrées. Peut-être aurait-on pu imaginer que le mur aveugle n’aurait pas dû être nu mais devenir à lui seul un nouvel espace d’expression renouve-lable du Lieu Culturel quand bien même se soit possible sans altérer l’impact de la tour LU juste à côté.

partie 3 : mon point de vue