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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2009) 10, 79—83
VOTRE PRATIQUE
Douleur chez la personne âgée non communicante.Expérience de mise en place de l’échelle Algoplusen USLD
Pain in the non-communicating old person: Experience with the Algoplus scalein an institutional setting
Pascal Schindelholz ∗, Claire Puget
USLD, CH intercommunal Castres-Mazamet, rue de la paix, 81200 Aussillon, France
Disponible sur Internet le 27 mars 2009
MOTS CLÉSDouleur ;Évaluation douleur ;Personne noncommunicante ;Diagnosticdifférentiel
Résumé Cet article fait référence à la mise en place en USLD d’une échelle d’évaluation dela douleur et de ce qui en a découlé pour le personnel soignant de ce service et par conséquentpour les résidents en soin.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Summary This article examines the use of a pain assessment scale in institutionalizednon-communicating elderly persons. What this implies for the caregiver personnel and the
Pain;Pain assessment;Non-communicatingpersons;Differential diagnosis
consequences in terms of care fo© 2009 Elsevier Masson SAS. All r
∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P. Schindelholz).
1624-5687/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droitsdoi:10.1016/j.douler.2009.02.007
r the residents are discussed.ights reserved.
réservés.
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Les personnes en soin dans les hôpitaux (etl’USLD1 en est un service) sont régulièrement
nommées « patients ». Il s’agit d’un mot issu dulatin patiens, lui-même dérivé de patior
signifiant « souffrir, supporter, endurer » dansune référence commune à la douleur et lasouffrance [1]. L’héritage culturel d’une
« normalité de la souffrance », voire de soncaractère immanent (tu enfanteras dans ladouleur) ou rédempteur dans l’approche
religieuse (souffrir pour racheter ses péchés)semble toutefois bien entamé. De nombreux
hôpitaux ont pris en compte la nécessité de luttecontre la souffrance de leurs « patients ». La
réglementation elle-même est venue en soutiende ce changement d’approche [2].
Si la MCO est tournée majoritairement vers des personnesn état de dire cette douleur, cette souffrance, il n’en estas vraiment de même avec les personnes que nous appel-erons « Alzheimer et apparentées » par commodité et quint toute leur place au sein des USLD. Aphasie, mutisme,altération de la communication verbale », « altération despérations de la pensée » selon les diagnostics infirmiers,utant de troubles qui peuvent occulter la prise en chargee la douleur chez ces patients.
L’échelle Algoplus, (validée par le Dr Rat2 et une équipessue du collectif Doloplus3) est prévue pour pallier cettebsence de communication verbale4. Elle s’adresse en par-iculier à ces personnes âgées non communicantes5. Simplet rapide d’emploi, elle évite le « on n’a pas le temps », leit-otiv de tout changement ou ce qui peut apparaître comme
n surcroît de travail dans des services ou cette charge deravail est importante.
C’est à ce titre que, en coordination avec le CLUD6 duentre hospitalier intercommunal Castres-Mazamet, nousvons intégré cette échelle comme outil de travail poure personnel, visant donc les personnes en soin dans notreSLD.
valuation de la douleur chez lesersonnes non communicantes
Souffre t-il ? » ; « Souffre t-elle beaucoup ? ». Le dépis-age, l’évaluation et le traitement de la douleur chez
es personnes en unités de soins de longue durée est unuestionnement récurrent pour les paramédicaux et médi-aux (comme pour les familles). Les difficultés de prise enharge sont d’autant plus grandes lorsque les personnes sonttteintes de troubles cognitifs et du comportement.1 Lire partout unité de soins de longue durée.2 Responsable au sein du collectif Doloplus du sous-groupe de tra-ail chargé de la conduite de l’étude Algoplus.3 Collectif Doloplus : Bernard Wary : [email protected] L’échelle Algoplus a été l’objet d’une communication lors duongrès 2007 de la Société francaise d’étude et de traitement de laouleur (SFETD).5 Pour en savoir plus : http://www.cnrd.fr.6 Comité de lutte contre la douleur.
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P. Schindelholz, C. Puget
Auparavant, nous utilisions les échelles Doloplus et/ouCPA avec les difficultés inhérentes à leur complexité et leemps nécessaire à l’évaluation : nous manquions de tempsour réaliser ces échelles au quotidien avec notre charge enoins et surtout nous les manipulions mal. La grande majo-ité des soignants n’étant pas formée à leurs utilisations,es grilles étaient mal remplies et/ou les résultats étaiental interprétés. Nous étions donc insatisfaits d’utiliser ces
utils et avions de grandes difficultés à établir un plan deoins efficace en collaboration avec le médecin.
Or, du constat d’échec dans la prise en charge de la dou-eur de ces personnes a émergé un réel travail sur le terrain.râce au travail effectué avec le CLUD, au sein même de
a structure et à une grande mobilisation et prise de posi-ion du personnel paramédical et médical, la mise en placee l’échelle d’évaluation de la douleur chez la personneon communicante, Algoplus, s’est effectuée au mois d’avril008.
Pour aider le médecin à établir un diagnostic différentiel,ous avons également créé deux autres outils au sein de latructure et en travail d’équipe pluridisciplinaire : l’échelle’évaluation des troubles du comportement et l’échelle’évaluation de la dépression. Ainsi, grâce à ces trois outils,ous pouvons enfin coter et traiter en collaboration avec leédecin les trois grands maux rencontrés dans nos unités en
e se trompant pas de cible.Algoplus est remplie principalement pendant les soins de
ases, les mobilisations dans le lit et/ou au fauteuil, lorses déplacements des résidents, lorsqu’il y a un changementans l’état de santé et pour tous les résidents pour lesquelsl y a suspicion de douleur. Mais aussi en dehors des soinsepuis peu, lors des transmissions par exemple.
Or, depuis l’introduction d’Algoplus et sa mise en route,on utilisation est en cours de banalisation pour la grandeajorité des soignants et se fait en collaboration avec leédecin et/ou le cadre, la psychologue, l’animatrice et les
tudiants.En effet, comme cela apportait beaucoup de change-
ents au service de soins, il nous a fallu mettre en avantes avantages de ce nouveau support, plutôt vécu au départomme une charge de travail supplémentaire. L’équipe infir-ière, le médecin, le cadre de santé et les aides soignantes
’attachent particulièrement à encadrer les agents dans’utilisation de ces supports : le médecin, l’équipe IDE ontn souci la tracabilité du travail, dans le cadre de la respon-abilité individuelle de chaque soignant, de la continuité duoin et vis-à-vis de ces agents non formés comme un espacee reconnaissance de leur place dans le soin. À ce jour,ous avons réussi à ce que la majorité des soignants aiente réflexe de remplir cette échelle dès les premiers signesliniques d’une douleur.
Aujourd’hui, sans prétention mais avecbeaucoup de philosophie, lorsque nous
consultons un dossier de soins, nous pouvonsconstater que les agents utilisent à bon escientet quasi-systématiquement Algoplus, ainsi que
les deux autres échelles citées au-dessus.
C’est pourquoi nous insistons sur ce point : depuisuelques mois, grâce aux cadres de santé, aux équipes
Douleur chez la personne âgée non communicante. 81
Tableau 1 Relevés de l’échelle Algoplus dans les dossiers de soins au 17 juillet 2008.
Temps entre deux évaluations
Nombre de résidents évalués une fois au plus 12Nombre de résidents évalués deux fois au plus 4 1 jour 1 fois
4 jours 1 fois10 jours 1 fois> 1 mois 1 fois
Nombre de résidents évalués trois fois au plus 2 1 jour 1 fois2 jours 1 fois3 jours 1 fois> 1 mois 1 fois
Nombre de résidents évalués plus de trois fois 3 1 jour 5 fois2 jours 1 fois4 jours 2 fois> 1 mois 1 fois
Total des évaluations 21 patients évalués 38 évaluations
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Soixante-dix résidents/entre avril et le 17 juillet 2008.
sensibilisées au problème qu’est la douleur et au méde-cin, une nouvelle philosophie dans le « prendre soin de »s’installe progressivement dans l’unité et les prises encharge offerte à l’USLD. Le travail est continu, certes sansrelâche au quotidien. Mais l’évolution des mentalités, unmeilleur suivi de la douleur et les prises en charge deplus en plus personnalisées, permettent aussi un meilleuraccompagnement dans la vie de tous les jours (et en fin devie des résidents) mais aussi un meilleur ressenti, en tantque soignant, du travail réalisé auprès d’eux.
Tout ce travail effectué nous amène à présenter aussi lesstatistiques relevées dans les dossiers résidents concernantl’utilisation de l’échelle d’évaluation de la douleur Algoplusà USLD d’Aussillon.
Cadre et méthodologie de l’enquête
L’introduction de la grille Algoplus comme outil de travail àl’USLD d’Aussillon débute en avril 2008.
Nous avons voulu savoir comment le personnel soi-gnant s’était approprié cette grille. Notre population étantcomposée majoritairement de personnes âgées non commu-nicantes, l’échelle Algoplus nous semblait d’une utilisationparticulièrement pertinente et facile. Encore fallait-ilqu’elle soit utilisée.
Cette « mesure » de l’utilisation passait, nous semblait-il,par une étude systématique de tous les dossiers, un peu surle modèle de l’enquête épidémiologique.
À deux reprises nous avons donc recherché dansl’ensemble des dossiers les grilles Algoplus remplies,et combien de fois chaque patient avait été évalué.La première étude a été effectuée le 17 juillet, laseconde le 5 octobre 2008. Toutes deux ont concerné les
70 dossiers de nos résidents présents ces jours-là. Pour posercomplètement le cadre, entre la mise en service de cettegrille et la première étude, puis entre la première et laseconde étude, certains résidents sont décédés. Leurs dos-siers n’ont pas été utilisés.Q
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Ils pourraient l’être un jour, dans le cadre d’une autrenquête sur la douleur et la fin de vie, mais il s’agirait d’uneutre recherche.
remière étude : le 17 juillet
a fiche Algoplus est bien présente dans les 70 dossiers, uti-isée dans 21. On note dans ces évaluations 12 résidentsvalués une fois, quatre qui ont été évalués deux fois, deuxvalués trois fois, trois ayant eu plus de trois évaluations,our un total de 38 évaluations (Tableau 1).
Nous n’avons pas fait de recherche de lien entre’évaluation de la douleur et la prescription d’antalgiqueans les fiches de traitement.
Cela signifie donc qu’entre début avril et le 17 juillet, laouleur d’au moins 21 résidents a été évaluée. Cela repré-ente un peu moins du tiers des effectifs. Cela nous paraîtne bonne appropriation de l’outil par un personnel peu ouas formé à ces méthodes d’évaluation de la douleur.
Pour information, le personnel de l’USLD, jour et nuitonfondus, ce sont 10,05 ETP IDE, 20 ETP AS et 17 ASH inté-rés au soin.
econde étude : le 5 octobre
ous retrouvons à cette date 24 résidents évalués (donc sim-lement 3 de plus évalués qu’en juillet) pour un total de2 évaluations, dont 28 entre le 17 juillet et le 5 octobreTableau 2).
Ces évaluations se décomposent comme suit :11 résidents évalués une fois ;trois évalués deux fois ;six évalués trois à quatre fois ;quatre évalués plus de quatre fois.
uelle interprétation donner à ces chiffres
’interprétation que nous en faisons n’a pas de valeur scien-ifique. Elle se fait plutôt par recoupement et réflexion quear preuve.
82 P. Schindelholz, C. Puget
Tableau 2 Relevés de l’échelle Algoplus dans les dossiers de soins au 5 octobre 2008.
Temps entre deuxévaluations
Dont comprises entre le17 juillet et le 5 octobre
Nombre de résidents évaluésune fois au plus
11
Nombre de résidents évaluésdeux fois au plus
3 1 jour →2< 10 jours →1
2
Nombre de résidents évaluéstrois à quatre fois au plus
6 1 jour →3Entre 2 jours et1 semaine →4Entre 1 semaine et1 mois ou plus →4
5
Nombre de résidents évaluésplus de trois fois
4 1 jour →92 jours →1Entre 2 jours et1 semaine →6Entre 1 semaine et1 mois →2
21
Total des évaluations 24 32 28
Lien direct entre cette échelle et prescription d’un antalgique sur les feuilles de traitement ou entre prescription et évaluation dutraitement par l’échelle : 11 cas.
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Soixante-dix résidents/entre avril et le 5 octobre 2008. Hors cas d
Il nous semble que nous avons effectué un meilleuriblage des résidents potentiellement douloureux. De plus,vec plusieurs résidents décédés, les « entrants » qui les ontemplacés étaient en meilleur état physique, ne nécessitantas d’emblée et a priori une évaluation de la douleur. Il nousemble qu’avec quatre résidents évalués quatre fois ou plus,eprésentant 21 évaluations, nous pouvons dire que le suivie la douleur s’est organisé : cela donne une notion du suivians la durée.
Nous avons eu donc des personnes mieux ciblées, mieuxuivies, et nous avons enrichi la prospection par la recherche’un lien direct entre l’utilisation de l’échelle et la prescrip-ion d’un antalgique ou entre la prescription d’un antalgiquet l’évaluation du traitement par l’échelle. Nous retrouvonslors dans les feuilles de traitement des dossiers de soins1 prescriptions en corrélation directe avec des évaluationse la douleur sur les 24 dossiers concernés.
onclusion
ans notre unité, la prise en compte de la douleur semble
pess
de vie décédés depuis le 17 juillet 2008 (7 personnes).
onc devenir un critère de soins dont l’importance est crois-ante dans le personnel. Ces deux études semblent pouvoirous conforter dans cette affirmation. Et s’il peut semblertonnant qu’il n’y ait pas plus d’imbrication, d’effet entreouleur et prescription, c’est aussi parce que l’état d’esprites soignants évolue.
Le cadre de santé, mais aussi tout IDE en est témoin touses jours au moment des transmissions interéquipes : la dou-eur est devenue un « objet » de ces transmissions : M. Untelst douloureux, Mme Untel est plus ou moins douloureuseu’hier. . . Cette douleur fait partie de ces transmissions auuotidien et cela induit un changement dans l’approche duoin : si M. Untel est douloureux, nous allons l’aborder dif-éremment pour les soins, nous allons reporter un soin, nousllons donner un protocole avant de faire les soins, et nousllons être plus délicats, plus attentifs dans la réalisation duoin.
Cet état d’esprit est difficilement quantifiable, mais ilarticipe sûrement de l’approche globale de la douleurt son traitement que nous allons bien sûr continuer àuivre à travers ces recherches ponctuelles dans les dos-iers.
83
on)
Douleur chez la personne âgée non communicante.
Annexe 1. Échelle Algoplus (dernière versi
Références
[1] Dictionnaire Sommer Latin/Francais, p 298; Hachette Paris1899.
[
2] Circulaire du 22/09/1998. Programme de lutte contre la douleur(dit « Kouchner ») 1998/2001 et 2002/2005. Troisième plan delutte contre la douleur 2006/2010.