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Douleur chronique et altérations cognitives

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Page 1: Douleur chronique et altérations cognitives

Douleurs, 2007, 8, 6

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La prise en charge de la douleur chroniquepeut-elle être « basée sur les preuves » ?

La médecine fondée sur les preuves, ou

evidence-basedmedecine

(EBM) est un courant de pensée issu des travauxde Cochrane, qui a donné son nom à la fameuse base dedonnées consultable sur la toile [1]. Basée sur l’analyse desdonnées de la littérature par des experts, l’objectif de l’EBMest d’établir des recommandations pour la pratique cliniqueou

guidelines

[2]. Celles-ci prennent en considération laqualité méthodologique des publications étudiées pour pro-poser un niveau de preuve. Le plus haut niveau de preuveest apporté par les essais contrôlés randomisés en doubleaveugle et/ou par une méta-analyse. Sur un plan pratique,qu’apporte cette approche au patient douloureux ? Àl’évidence un éclairage supplémentaire au praticien lorsque ladouleur aiguë doit être traitée. En effet l’EBM a tendanceà mettre surtout en avant l’efficacité des approches bio-médicales [3] : il est en effet plus simple de comparer à unplacebo un médicament antalgique qu’une approche psycho-corporelle ou sociale de la douleur. Volontiers unidimen-sionnelle, la douleur aiguë y trouve donc très souvent soncompte. Mais qu’en est-il pour la douleur chronique, ce syn-drome complexe, plurifactoriel ? Pour A. Berquin [4], érigerl’EBM en dogme est « philosophiquement et scientifiquementincorrect, aliénant pour le patient comme pour le médecin etnon éthique ». Dans son article, manifestement engagé,l’auteur cherche à mettre en garde le praticien contre unevision qu’il juge réductrice. Plusieurs questions y sont soule-vées avec justesse :

– Peut-on limiter son approche clinique quotidienne auxseules méthodes qui ont eu les moyens financiers de réaliserdes études de bonne qualité méthodologique ? Les chercheursen psychologie clinique ont-ils les moyens de se placer aumême niveau que l’industrie pharmaceutique ?

– Le seuil de 50 % de soulagement utilisé pour juger del’efficacité d’une molécule n’est-il pas trop haut dans uncontexte de douleur chronique ?

Quid

alors du patient satisfaitd’être soulagé à 20 % ?

– Le choix des échelles unidimensionnelles (type EVA)est-il vraiment judicieux pour évaluer l’impact d’une stratégieface à la problématique pluridimensionnelle qu’est la douleurchronique ?

L’EBM, fondée sur l’approche par population, peut-elleapporter des réponses individuelles à nos patients douloureuxchroniques ? Sûrement pas et c’est ce que regrette l’auteurde cet article. Et pourtant le concept d’analyse critiquede la littérature permet au praticien de gagner un tempsconsidérable en termes de lecture scientifique. Face à sonpatient, l’EBM lui amène rapidement les données actuelles de

la science. À lui d’y associer son expertise professionnelle etses valeurs pour finaliser sa décision thérapeutique [3]. C’estainsi, grâce à une approche humaniste, qu’EBM et douleurchronique pourront faire bon ménage…

RÉFÉRENCES

1.

http://www.cochrane.org

2.

http://ebmg.wiley.com

3.

Fervers B. Evidence-based medecine et Recommandations : traduire lesrésultats de la recherche clinique dans leur contexte d’utilisation. Douleuret Analgésie 2007;20:73-7.

4.

Berquin A. La médecine fondée sur les preuves : un outil de contrôle dessoins de santé ? Application au traitement de la douleur. Douleur et Anal-gésie 2007;20:64-72.

Florentin Clère

Douleur chronique et altérations cognitives

Quels liens peut-on établir entre douleur chronique et troublescognitifs ? La littérature internationale, analysée par l’équipeisraélienne du défunt David Niv dans une lettre de l’IASP,retrouve cinq principales problématiques communes [1] :

– L’état cognitif du sujet influence la chronicisation de ladouleur puisqu’il influence l’apprentissage, les croyances etles attitudes face à la douleur ;

– la prise en charge de la douleur est basée sur une approchecognitive ;

– les traitements antalgiques, tels que les morphiniques,peuvent être à l’origine d’altérations cognitives ;

– l’état cognitif influence la stratégie thérapeutique antalgique,surtout chez les sujets âgés et/ou déments ;

– la douleur chronique influence l’état cognitif.

C’est à cette dernière constatation que les auteurs se sontintéressés, pour tenter de comprendre les mécanismes quicréent l’altération cognitive chez les patients douloureuxchroniques. Car cette altération est objectivement mise enévidence par plusieurs travaux, elle se manifeste surtout pardes troubles mnésiques et un déficit de l’attention. Qui plusest l’imagerie fonctionnelle est capable de visualiser la dys-fonction des zones cérébrales impliquées dans les per-formances cognitives du sujet lorsqu’un stimulus douloureuxest imposé.

Quels sont alors les mécanismes possibles ? Les auteurs endénombrent trois principaux :

– Pour certains patients, l’altération cognitive peut en partieêtre expliquée par l’installation d’un syndrome dépressifréactionnel à la chronicisation de la douleur. Il peut enrésulter un manque de goût et un désinvestissement detoute activité : l’absence de motivation vient alors influencerles résultats des tests neuropsychologiques ;

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– l’utilisation d’antalgiques et/ou les troubles du sommeilpeuvent contribuer à l’installation de troubles cognitifs ;

– enfin les auteurs décrivent l’hypothèse d’un trouble del’attention : si l’on considère que l’attention est une res-source psychique limitée quantitativement, focaliser sonattention sur la douleur peut restreindre les réserves néces-saires au bon fonctionnement cognitif du patient douloureuxchronique.

Dépression, troubles du sommeil, iatrogénie médicamenteuseet absence de détournement d’attention : voici donc la listeactuelle des coupables. Elle pourrait s’allonger dans l’avenir,notamment grâce aux progrès de l’imagerie cérébrale et dela neuropsychologie. S’il convient de limiter la médicationau potentiel iatrogène pour favoriser la mise en place destratégies d’adaptation grâce à une approche psycho-comportementale, c’est bien de prise en charge globalequ’il s’agit…

RÉFÉRENCE

1.

Kreitler S, Niv D. Cognitive impairment in chronic pain. IASP Pain clinicalupdates, volume XV, Issue 4, July 2007.

Florentin Clère

Et si l’origine de la douleur était vertébrale ?

Robert Maigne réunit et synthétise les travaux de sa carrièrede rhumatologue et de médecin rééducateur dans unouvrage nommé

Douleurs d’origine vertébrale

[1], publiépar Elsevier Masson. Trois des dix-sept pages de la biblio-graphie du livre suffisent à peine à regrouper les publicationsde l’auteur sur le sujet : c’est dire si ses travaux sont inter-nationalement reconnus et respectés. Depuis 1960, R. Maignea ainsi pu introduire différentes notions :

– Le

Dérangement Douloureux Intervertébral Mineur(DDIM)

, défini comme un dysfonctionnement du segmentvertébral, bénigne et réversible, de nature mécanique etréflexe, ayant tendance à être auto-entretenue ;

– le

Syndrome segmentaire cellulo-téno-myalgique (CTM)

,regroupant les modifications de sensibilité et de consistancedes tissus qui peuvent être mises en évidence dans le méta-mère correspondant au segment vertébral douloureux ;

– l’examen segmentaire codifié, qui a pour but de rechercherla douleur d’un segment vertébral précis, dont les donnéessont retranscrites sur le

schéma en étoile de Maigne etLesage

.

La première partie de cet ouvrage est consacrée à un rappelanatomique et à l’exposé de ces trois notions. La 2

e

partieprésente les techniques spécifiquement développées par

l’auteur pour la prise en charge d’un rachis douloureux,principalement les traitements manuels et les gestes infiltra-tifs. Dans la 3

e

partie de son livre, Robert Maigne proposeune description complète de tableaux douloureux dontl’origine rachidienne reste peu connue. Le lecteur peutnotamment y lire que beaucoup de céphalées unilatéralessont le fait d’un DDIM C

2

C

3

, ou encore qu’une douleur tes-ticulaire peut traduire l’existence d’un DDIM D

12

L

1

, encorenommé syndrome de la jonction dorsolombaire. L’épicon-dylalgie peut provenir d’un DDIM C

5

C

6

ou C

6

C

7

. Une dou-leur interscapulaire latéralisée au niveau D

6

peut révélerl’existence d’un syndrome de la charnière cervicodorsale,avec DDIM cervical bas C

6

C

7

ou C

7

D

1

. L’auteur parle alorsde « point cervical du dos ». À grand renfort de cas cliniqueset d’illustrations, l’ouvrage s’achève par la présentation,dans sa 4

e

partie, des techniques manuelles spécifiquementapplicables aux syndromes douloureux présentés plus haut.Même s’il fait l’impasse sur le difficile problème des douleursneuropathiques, l’auteur a composé un véritable ouvragede référence, qu’il ne faut pas hésiter à ouvrir à nouveauen cas de doute sur l’origine vertébrale d’une douleur chro-nique…

RÉFÉRENCE

1.

Maigne R. Douleurs d’origine vertébrale. Comprendre, diagnostiquer et traiter.Elsevier Masson, Issy-les-moulineaux 2006.

Florentin Clère

Attachement et douleur : résultats récentset perspectives futures

C’est à Bowlby [1] qu’on doit la théorie de l’attachement.Approche intéressante du développement psychoaffectif del’enfant, cette théorie a permis l’élaboration du concept de« profil d’attachement » entre l’enfant et son aidant naturel.Il existerait quatre profils d’attachement correspondant àdifférents comportements et schémas cognitivo-émotionnelsassociés. Ils détermineraient les interactions entre le jeuneenfant et son environnement social : l’attachement anxieux(angoisse d’abandon, dépendance à autrui), évitant (anxiétésociale), anxieux-évitant (ambivalent, insécure) et sécure.Ces profils, construits au cours de la petite enfance, consti-tueraient des facteurs de prédisposition à certains traits depersonnalité, stratégies de

coping

(adaptation psychologique)et psychopathologies à l’âge adulte. D’une façon générale,les études ont montré la prédominance de traits introversifs,de

copings

appauvris ainsi que de hauts niveaux d’anxiétéet de dépression chez les profils d’attachement anxieux. De