138
MÉTHODOLOGIE DES ESSAIS CLINIQUES DANS LE DOMAINE DE LA DOULEUR

Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

  • Upload
    drmouheb

  • View
    1.107

  • Download
    16

Embed Size (px)

DESCRIPTION

 

Citation preview

Page 1: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

MÉTHODOLOGIEDES ESSAIS CLINIQUES

DANS LE DOMAINE DE LA DOULEUR

MÉTH

OD

OLO

GIE

DES E

SSA

IS C

LIN

IQUES D

AN

S L

E D

OM

AIN

E D

E L

A D

OULE

UR

UPSA couv Méthodologie 17/10/02 16:12 Page 1

Page 2: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

MÉTHODOLOGIEDES ESSAIS CLINIQUES

DANS LE DOMAINE DE LA DOULEUR

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 1

Page 3: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

MÉTHODOLOGIE DES ESSAIS CLINIQUESDANS LE DOMAINE DE LA DOULEUR

Dr Jacques Wrobel, Coordinateur

INSTITUT UPSA DE LA DOULEUR3, rue Joseph Monier - BP32592506 Rueil-Malmaison Cedex

Tél : 01 58 83 89 94 Fax : 01 58 83 89 01

E-mail : [email protected] : institut-upsa-douleur.org

Les notions exposées dans ce livre sont destinéesà compléter et non à remplacer les connaissances médicales

des professionnels formés en la matière.Les auteurs et le coordinateur déclinent toute responsabilité

directe ou indirecte dans l’usage pouvant être fait de cet ouvrage.

ISBN : 2 - 910844 - 10 - 2Conception A Éditorial Paris 01 42 40 23 00

Illustration de couverture d’après René DescartesDépôt légal 4e trimestre 2002

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 2

Page 4: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

“En médecine, ce qui n’est pas scientifique n’est pas éthique”

Pr Jean Bernard

MÉTHODOLOGIEDES ESSAIS CLINIQUES

DANS LE DOMAINE DE LA DOULEUR

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 3

Page 5: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

4

LES AUTEURS

Nadine ATTALC.E.T.D., Hôpital Ambroise Paré, 92104 Boulogne-Billancourt cedex

Éric BOCCARDLaboratoire BMS-UPSA, 92506 Rueil-Malmaison cedex

François BOUREAUC.E.T.D., Hôpital Saint-Antoine, 75012 Paris

Paul DESJARDINSSCIREX Corp.Austin,Texas, U.S.A.

Jules DESMEULESDivision de Pharmacologie Clinique, Hôpital Cantonal 1211 Genève, Suisse

Claude DUBRAYLaboratoire de Pharmacologie, Faculté de médecine 63001 Clermont-Ferrand cedex

Jocelyne FEINEFaculté de médecine dentaire, Université McGill,H3A2B2, Montréal PQ, Canada

Dominique FLETCHERC.E.T.D., Hôpital Ambroise Paré, 92104 Boulogne-Billancourt cedex

Hervé GANRYLaboratoire BMS-UPSA, 92506 Rueil-Malmaison cedex

Annie GAUVAIN-PIQUARDUnité de Psychiatrie et d'Onco-Psychologie, Institut Gustave Roussy94805 Villejuif cedex

Michel LANTERI-MINETC.E.T.D., Hôpital Pasteur, 06002 Nice cedex

Jacques WROBELInstitut UPSA de la Douleur, 92506 Rueil-Malmaison cedex

Remerciements : au Dr François CHAST et à Dorothée WROBEL pour leur relecture “méthodique”concernant le fond et la forme.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 4

Page 6: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

5

SOMMAIRE

� 1. Introduction - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 7Jean-Marie Besson

� 2. Principes méthodologiques généraux des essais cliniques - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 9

Claude Dubray

� 3. Évaluation de la douleur - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 29• Évaluation de la douleur provoquée

chez le volontaire sainClaude Dubray

• Évaluation de la douleur clinique chez l'adulte - - - - - - - - - - - 43François Boureau

• Évaluation de la douleur clinique chez l'enfant - - - - - - - - - - - - 55Annie Gauvain-Piquard

• Le soulagement : indice de la douleur - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 63ou de la qualité de vieJocelyne Feine

� 4. Essais cliniques des antalgiques - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 67• Place de la pharmacocinétique

dans les essais cliniques des antalgiques Jules Desmeules

• Le développement clinique des antalgiques - - - - - - - - - - - - - - - - 73Hervé Ganry

• Les paramètres de quantification de l'efficacité - - - - - - - - - - - - - 85clinique des antalgiquesPaul Desjardins

• Les standards de quantification de l'efficacité - - - - - - - - - - - - - - 91clinique des antalgiquesClaude Dubray

• L'antalgique de secours dans les essais cliniques - - - - - - - - - - - - 97Éric Boccard

• Les contraintes des essais cliniques en pédiatrie - - - - - - - - - - - 109Jacques Wrobel S

OM

MAIR

E

…/…

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 5

Page 7: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

6

� 5. Essais cliniques dans les pathologies douloureuses - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 115• Évaluation de la douleur post-opératoire

Dominique Fletcher• Exigences méthodologiques pour les essais - - - - - - - - - - - - - - 121

thérapeutiques dans les douleurs neuropathiquesNadine Attal

• Méthodes de développement clinique - - - - - - - - - - - - - - - - - - 129des anti-migraineuxMichel Lantéri-Minet

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 6

Page 8: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

7

1. INTRODUCTION

Jean-Marie BessonUnité 161, INSERM, ParisPrésident du Conseil Scientifique, Institut UPSA de la Douleur

� LES PROGRÈS CONSTATÉS DANS L’ÉVALUATION DE LA DOULEUR

De nouvelles méthodes ont permis d’améliorer sensiblement l’éva-luation et le traitement de la douleur. Cependant, en raison des impératifs de maîtrise des dépenses de santé, les laboratoires phar-maceutiques doivent évaluer les substances antalgiques qu’ilscommercialisent avec une rigueur croissante. Une rigueur identiqueest exigée pour l’évaluation des traitements non pharmacologiques,par exemple certaines techniques de neurostimulation. Dans cedomaine, les sanctions ne se font pas attendre puisque les compa-gnies d’assurances de certains États américains refusent d’ores et déjàde financer la neurostimulation. Par ailleurs, il faut savoir qu’auRoyaume-Uni, les dépenses afférentes au traitement journalier d’undouloureux chronique sont chiffrées au dixième de livre près.Mon expérience m’a appris que le traitement de la douleur était undomaine thérapeutique très sensible aux phénomènes de mode.Régulièrement, de nouvelles substances connaissent leur heure de gloire dans toutes les publications et dans tous les pays. Mais cesproduits miracles présentés dans les congrès ne se révèlent pas toujoursaussi efficaces sur le terrain, ce qui explique que nous accordions uneimportance croissante à l’évaluation.Il faut tenir compte des différences entre les pathologies dans l’éva-luation des substances et des techniques antidouleur. Par exemple, sil’on ne prend pas en considération le fait que la douleur neuropa-thique revêt des tableaux très différents selon les syndromes dontsouffrent les patients, les données obtenues sont très hétérogènes.Dès lors, on comprend très bien pourquoi l’utilisation de certainessubstances pharmacologiques dans les neuropathies est si contro-versée. Dans l’intérêt des patients, il faut espérer que nous sauronsisoler les syndromes de la neuropathie pour lesquels des moléculesspécifiques présenteront une action bénéfique.

INTR

ODUCTI

ON

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 7

Page 9: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

8

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 8

Page 10: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

9

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

2. PRINCIPES MÉTHODOLOGIQUESGÉNÉRAUX DES ESSAIS CLINIQUES

Claude Dubray

� LA MÉTHODOLOGIE

◗ Définition

La méthodologie appliquée aux essais cliniques est un ensemble derègles qui a pour objectif d’en garantir la validité scientifique. La valeurdes conclusions que l’on tire d’une étude dépend donc étroitement dela méthodologie qui a été mise en œuvre.

◗ Choix d’un type d’étude adapté aux objectifs de la recherche

Schématiquement, on distingue deux grandes catégories que sont lesétudes descriptives et les études explicatives.

Les études descriptives

On classe dans cette catégorie les comptes rendus de cas, les séries decas cliniques ou les enquêtes démographiques.

Leur objectif vise essentiellement à révéler et à documenter desobservations cliniques, de faire partager des idées nouvelles ou degénérer des hypothèses. On ne doit pas leur en demander plus et, dèsque l’on veut raisonner en termes de causalité, il faut avoir recours àdes études explicatives.

Les études explicatives

Elles peuvent être fondées sur l’observation ou sur une expérimen-tation véritable.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 9

Page 11: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

10

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

• Les études explicatives basées sur l’observation Elles recouvrent essentiellement le domaine de l’épidémiologie. Selonle mode de recueil des données, on parle d’études “cas-témoins”,d’études en cohorte ou d’analyses transversales. Dans tous les cas, lesdonnées sont recueillies et analysées sans intervenir sur la situation dessujets observés.

Le plus souvent, on a recours à ces études pour faire apparaître unerelation entre un facteur d’exposition, un indice biologique, un signeclinique… et la survenue d’une maladie. Le simple constat de cetterelation ne signifie en aucune manière qu’il existe un lien de causalitéentre les deux phénomènes observés !

Dans le cas des études d’observation “cas-témoins”, le mode d’entréese fait par la maladie. On identifie des groupes de sujets qui présen-tent ou ne présentent pas une pathologie spécifique et, grâce à uneenquête rétrospective, on recherche ensuite dans chacun de cesgroupes la présence ou l’exposition à un facteur de risque particulier.

Dans les études d’observation en cohorte, encore appelées étudesd’incidence, le mode d’entrée est l’exposition à un facteur de risquequi est supposé intervenir dans la survenue d’une maladie spécifique.On va donc constituer des échantillons de la population, regroupés encohortes (d’où le nom de ce type d’étude), qui seront suivies dans letemps pour mettre en évidence la survenue de la pathologie étudiée.On réalise simultanément ce suivi sur un groupe qui présente lefacteur de risque et sur un autre groupe, en tous points identique aupremier (autant que faire se peut), mais qui ne présente pas ce facteurde risque. Ce deuxième échantillon constitue le groupe témoin.

Les études d’observation transversales ou études de prévalence ontcomme mode d’entrée l’exposition à un facteur de risque supposéintervenir dans la survenue d’une maladie spécifique.Toutefois, à ladifférence des études en cohorte, le comptage des sujets présentant lapathologie étudiée se fait à un moment donné, à la fois dans le groupeà risque et dans un groupe témoin. Il n’y a pas ici de suivi des patientsdans le temps.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 10

Page 12: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

11

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

• Les études explicatives basées sur l’expérimentationÀ la différence des situations précédentes, il faut ici établir un plan expé-rimental qui,d’une manière ou d’une autre, interfère sur la situation dessujets observés. On inclut dans cette catégorie : les essais cliniques, lesinterventions éducatives, les stratégies de prise en charge médicale.

- Les essais cliniques :dans ce cas, le mode d’entrée est l’exposition à unfacteur qui est supposé modifier l’évolution d’une maladie spécifique.Ce facteur peut,par exemple,être la prise d’un médicament.L’approcheest ici très voisine de celle des études en cohorte, mais avec une diffé-rence essentielle qui tient à l’attribution aléatoire du facteur pouvantmodifier l’évolution de la maladie étudiée. On passe donc d’une situa-tion de simple observation à une situation d’intervention. Comme dansles études en cohorte, on suit dans chacun des deux groupes (exposéset non-exposés) l’évolution, soit de la maladie (en termes de morbiditéou de mortalité), soit d’un indice reflétant l’évolution de la maladie (àl’aide d’un ou plusieurs critères de substitution). Cette approche expé-rimentale permet d’établir s’il existe un lien de causalité entre le facteurétudié et l’évolution de la maladie.

- L’intervention pédagogique : elle permet d’étudier ici l’influence de différents types de recommandations adressées à un échantillonde population (par exemple : habitudes alimentaires, exercicesphysiques, hygiène bucco-dentaire…) sur la survenue ou l’évolutiond’une pathologie spécifique.

- Les essais sur les stratégies de soins ou modalités de prise en chargemédicale : ces essais consistent à étudier l’influence d’un mode deprise en charge médicale (structure de soins,qualification des soignants,modalités de surveillance clinique…) sur la survenue ou sur l’évolutiond’une pathologie spécifique.

◗ Les essais thérapeutiques

Ils ont pour objectif de mettre en évidence les effets d’un traitement surl’évolution d’une pathologie, sur un critère de substitution, voire sur uncritère purement pharmacodynamique. Comme on l’a vu précédem-ment, si l’on veut pouvoir mesurer l’effet propre d’un médicament, ilfaut avoir recours à une étude explicative du type essai clinique. On

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 11

Page 13: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

12

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

devra donc constituer deux groupes de sujets,un recevant le traitementà étudier (groupe traité) et l’autre un médicament de référence ou unplacebo (groupe témoin). À la fin de l’étude,il est vraisemblable que l’onmontrera certaines différences entre le groupe traité et le groupe témoinet, très naturellement, on aura tendance à penser que les différencesobservées sont le résultat de l’action pharmacologique directe du médi-cament étudié. En fait, il ne s’agit que d’un effet apparent qui est lasomme de l’effet pharmacologique du médicament et de multiplesfacteurs appelés facteurs confondants. Ceux-ci incluent l’état initial dupatient,l’évolution spontanée de la maladie,des facteurs non spécifiques(généralement impossibles à identifier de façon exhaustive) et les varia-bilités individuelles aléatoires. La méthodologie, mise en œuvre dans lesessais thérapeutiques, a pour objectif de supprimer ou d’atténuer cesfacteurs “parasites”, de manière à ce que l’effet apparent, qui est le seulobservable, reflète le plus fidèlement possible les propriétés pharmaco-logiques intrinsèques du médicament que l’on étudie.

Les moyens pour supprimer les facteurs confondants

• Prise en compte de l’état initial et l’évolution spontanée de la maladie.On comprend intuitivement que ces deux facteurs peuvent avoir uneinfluence considérable sur l’effet apparent du traitement. Le moyen leplus commode pour atténuer l’influence de ces facteurs est de faire ensorte que le groupe traité et le groupe témoin soient aussi comparablesque possible.Pour cela,on sélectionne les patients inclus dans l’étude àl’aide de critères d’inclusion et d’exclusion qui permettent de consti-tuer des groupes aussi comparables que possible. À l’issue de l’étude,au moment où on analyse les résultats, on vérifie soigneusement lescaractéristiques physiologiques et physiopathologiques de chacundes groupes pour s’assurer qu’il n’y a pas de différence significativeentre les deux populations. Si c’était le cas, ce constat pourraitremettre totalement en cause les conclusions de l’étude.

• Prise en compte des facteurs non-spécifiques. Certains sont identi-fiables, d’autres sont soupçonnés, mais la plupart restent totalementméconnus. Bien que masqués, ces facteurs peuvent avoir parfois uneinfluence considérable sur l’évolution d’une pathologie,que l’on imputeà tort à l’effet du médicament. Ces facteurs étant pour la plupart non-identifiables,on ne peut pas les éliminer à l’aide des critères d’inclusion

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 12

Page 14: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

13

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

qui sélectionnent les sujets admis dans une étude. Le moyen le plusefficace que l’on ait trouvé pour atténuer l’influence de ces facteursest de faire en sorte que les deux groupes de sujets inclus dans l’essaithérapeutique se trouvent dans un environnement (au sens large duterme) aussi identique que possible. Pour répondre à cette exigence,il faut qu’au moment de leur inclusion dans l’essai thérapeutique, lespatients soient tirés au sort pour être affectés dans le groupe traité oudans le groupe témoin.

• Prise en compte des facteurs de variabilité individuelle aléatoires.Lavariabilité est inhérente au monde biologique. Au sein d’une mêmeespèce, aucun individu n’a le même patrimoine génétique et donc lemême phénotype. Cette variabilité biologique, plus ou moins impor-tante selon la nature du paramètre étudié,est à l’origine d’un “bruit defond” qui parasite la mesure de nos critères d’évaluation. Le seulmoyen de surpasser cette variabilité individuelle est de la prendre encompte en travaillant sur un échantillon de population qui ait unetaille suffisante pour que le bruit de fond devienne négligeable parrapport à l’effet propre du produit que l’on étudie.

La méthodologie que l’on utilise dans les essais cliniques doit mettreen œuvre les recommandations énumérées précédemment pour quela différence des effets apparents, observés entre le groupe témoin etle groupe traité, reflète le plus fidèlement possible l’effet propre dumédicament étudié.

◗ Quelques autres principes qui guidentla méthodologie appliquée aux essais thérapeutiques

Lorsque l’on s’engage dans un essai thérapeutique, il faut accepter troisrègles principales :

• le principe de comparaison : le nouveau médicament que l’on testeest-il meilleur (du point de vue de l’efficacité, de la tolérance, de lacommodité d’emploi…) que ceux qui existent déjà sur le marché ?

• le principe de causalité : l’effet observé est-il bien lié aux propriétéspharmacologiques du médicament ou résulte-t-il des facteurs confon-dants dont nous avons parlé précédemment ?

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 13

Page 15: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

14

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

• le principe de signification : le résultat observé a-t-il bien été obtenugrâce au médicament étudié ou est-il le fruit du hasard ?

La comparaison

Dans le domaine des essais cliniques, on travaille toujours de façoncomparative.On peut comparer la situation actuelle à une situation anté-rieure (c’est ce que l’on appelle un “essai rétrospectif”). Mais le plussouvent, on va comparer un nouveau traitement à une situation sanstraitement (lorsque l’on donne un placebo, par exemple), ou à un autretraitement (traitement dit de “référence”). Mais pour qu’une compa-raison puisse être extrapolée, il est essentiel qu’elle ait une valeurgénérale. Pour cela, il faut travailler sur un échantillon véritablementreprésentatif des patients auxquels s’adresse le traitement à l’étude.

La causalité

Il est essentiel que les groupes comparés soient véritablement compa-rables. Ce principe est à la base de la démarche expérimentale qui viseà rattacher les différences observées à la fin de l’essai à l’effet du traite-ment. La seule solution est donc de constituer un groupe témoin et ungroupe traité parfaitement identiques du point de vue de leurs caracté-ristiques physiologiques et physiopathologiques.

Cette comparabilité entre les deux groupes est fondamentale. Elle n’estpas très difficile à obtenir au départ,pour peu que l’on prenne certainesprécautions dans la présélection puis le tirage au sort des sujets.Toutefois, il est tout aussi important que cette comparabilité soit main-tenue tout au long de l’essai. La meilleure solution, pour ne pas intro-duire de biais, consiste à travailler au minimum en simple aveugle(seul le patient ne connaît pas la nature du médicament administré)ou, de préférence, en double aveugle (ni le patient ni le médecin neconnaissent la nature du médicament administré). Il est nécessaire quecette règle soit maintenue jusqu’à la fin de l’analyse statistique.

La signification

On ne peut imputer un effet thérapeutique à un traitement que si larandomisation a été parfaitement respectée, sinon, on s’expose à des

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 14

Page 16: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

15

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

biais majeurs qui peuvent fausser totalement les résultats et leur enlevertoute pertinence.Grâce à un test statistique qui est choisi en fonction duplan expérimental utilisé,des caractéristiques du critère de jugement,dela taille de l’échantillon, on conclut que les effets observés dans legroupe témoin et le groupe traité sont significativement différents ouqu’ils ne le sont pas. Compte tenu de la variabilité biologique et de l’in-terférence possible des facteurs confondants que nous avons évoquésprécédemment, on ne peut jamais exclure que la différence observéesoit le seul fait du hasard. Dans la communauté scientifique, il y a unconsensus pour considérer que l’effet du médicament A est différent decelui du médicament B lorsque le test statistique sort le presquemythique “p ≤ 0,05”. En fait ce “p ≤ 0,05” signifie simplement qu’il y a95 % de chances que la conclusion que l’on tire à partir de l’échantillonsur lequel on a travaillé corresponde bien à la “réalité”.On accepte aussile risque de conclure à tort dans 5 % des cas.Si l’on est plus exigeant,onpeut n’accepter qu’un risque à 1 % ou 0,1 % de se tromper dans lesconclusions. Cette “barrière” du “p ≤ 0,05” est trop souvent érigée endogme sans que les utilisateurs des tests statistiques ou les lecteurs desrapports d’études en comprennent correctement le sens.

� LES QUESTIONS À SE POSER AVANT D’ENGAGERUN TRAVAIL DE RECHERCHE CLINIQUE

◗ Quels objectifs ?

On s’aperçoit très souvent que les objectifs fixés lors de la mise enplace d’un protocole ne sont pas assez clairement définis. Beaucoupde chercheurs cliniciens fixent plusieurs objectifs à une seule étude,dans l’espoir de recueillir un maximum d’informations. Ceci peutparaître tout à fait louable d’un point de vue éthique,mais est souventdésastreux au plan méthodologique. On peut dire aujourd’hui que,pour chaque essai, il faut se fixer un objectif prioritaire, sous peine deparvenir à des résultats totalement inexploitables car trop compli-qués à analyser. Il faut également éviter de refaire des études qui ontdéjà été réalisées. Il faut enfin pouvoir justifier le projet sur le planscientifique.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 15

Page 17: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

16

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

◗ Quelle population étudier ?

La pathologie concernée

Lorsque l’on réalise une étude sur un médicament, il faut savoir précisé-ment à quelle pathologie on s’adresse et souvent même à quel staded’évolution de cette pathologie. Par exemple, les médicaments utilespour traiter une insuffisance cardiaque de stade I ne sont pas les mieuxadaptés au traitement d’une insuffisance cardiaque au stade IV. Lesefforts accomplis dans le domaine de la recherche thérapeutique ontd’ailleurs fait progresser de façon incontestable la nosologie. Nous enavons une excellente illustration dans le domaine des psychotropes.Pour étudier cette famille de médicaments, nous avions besoin d’avoirune classification très précise des maladies psychiques, notammentpour inclure des groupes de patients homogènes et pouvoir comparerles résultats d’études réalisées par différentes équipes. Ce travail noso-graphique a débouché sur la classification DSM III puis DSM IV qui estdevenue un outil quasi indispensable, bien sûr dans le cadre des essaiscliniques, mais aussi en pratique psychiatrique quotidienne.

Constitution de l’échantillon et critères d’inclusion

Il faut sélectionner les malades sur des critères bien précis et définir lataille de l’échantillon. En effet, lorsque l’on réalise un essai clinique, il nefaut jamais perdre de vue, même si l’on doit inclure plusieurs centainesde patients, que l’on travaille sur un petit échantillon, si l’on se rapporteà l’ensemble de la population à laquelle s’adresse potentiellement lemédicament.Pour que l’on puisse extrapoler les résultats obtenus à partirdes patients inclus dans un essai à l’ensemble de la population cible, il estdonc indispensable que cet échantillon soit véritablement représentatif del’ensemble de la population à laquelle est destiné le traitement.Les carac-téristiques physiologiques et physiopathologiques de cette populationdoivent donc se retrouver dans l’échantillon et vice versa.Ce problème est loin d’être simple. Dans le domaine des anti-hypertenseurs par exemple,on a découvert tardivement que la popula-tion noire répond moins bien aux inhibiteurs d’enzymes de conversionou aux bêta-bloquants que la population blanche. On observe parailleurs une sous-représentativité chronique des femmes dans les essaisthérapeutiques. Cela tient au fait que l’on veut éviter, à juste titre, que

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 16

Page 18: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

17

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

survienne une grossesse chez des femmes à qui l’on administre unnouveau médicament encore très imparfaitement évalué. Cela imposeque la femme ait une contraception efficace, que l’on fasse des tests degrossesse répétés… Autant de facteurs qui font qu’il est plus simple den’inclure que des hommes ! Cette commodité a son revers, car sauf sil’on étudie un médicament destiné au traitement de l’adénome de laprostate, peut-on extrapoler à l’ensemble de la population les résul-tats exclusivement obtenus sur un échantillon d’hommes ? Laréponse est clairement non !

Avant de commencer une étude, il faut clairement définir la procédurede sélection. Pour cela, on s’appuie sur des critères d’inclusion etd’exclusion qui sont spécifiés dans le protocole d’étude.Cette sélectiona pour but de constituer des groupes homogènes, notamment parrapport au (x) critère(s) d’évaluation, ce qui en diminue la variabilité etpermet de conclure sur un échantillon de plus petite taille. Mais il fautsavoir que ce principe de sélection est un mal nécessaire. Certes, ensélectionnant, on constitue un échantillon homogène, mais cet échan-tillon risque de ne plus vraiment être représentatif de la populationglobale. C’est classiquement le cas des études réalisées sur des popula-tions de malades très sélectionnées en milieu hospitalier.

Il faut également avoir une approche réaliste du recrutement. Lorsquel’on souhaite lancer un essai thérapeutique, on demande généralementaux cliniciens d’estimer combien ils sont capables d’inclure de patientsprésentant une pathologie donnée.En règle générale,ces cliniciens affir-ment voir en consultation ou en hospitalisation un nombre considérablede patients répondant aux critères attendus et ils en concluent qu’ildevrait être possible de recruter très rapidement le nombre de patientsrequis. Malheureusement, dans cette première approximation, ilsoublient que certains de leurs patients n’accepteront pas de participerà l’essai, que d’autres ont des pathologies associées, prennent des trai-tements qui sont contre-indiqués, autant de facteurs qui ne permettentpas in fine de les inclure dans un protocole. C’est pour cela qu’il fautconserver une approche réaliste car les capacités réelles de recrutementne représentent parfois que 10 % de l’estimation de départ.

Enfin, il est important de respecter des principes éthiques quand onsélectionne des sujets, notamment lorsque l’on souhaite réaliser des

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 17

Page 19: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

18

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

essais médicamenteux.Le fait de participer à un essai clinique ne doitpas entraîner pour le malade “une perte de chance”en termes de gué-rison ou de survie par rapport aux possibilités thérapeutiques dumoment.

Nombre de sujets nécessaires

Pour calculer le nombre de sujets nécessaires, en considérant que l’ona défini un plan expérimental et choisi un test statistique précis,quatre paramètres doivent être pris en considération.

• Il faut tout d’abord se demander quelle sera,sur le critère d’évaluation,la différence que l’on considère comme cliniquement pertinente entreles deux groupes à l’issue du traitement. Sur une population en insuffi-sance cardiaque de stade IV par exemple, gagner 15 jours de surviea-t-il une signification sur le plan clinique ? On peut penser que non.Onse fixe donc pour objectif de gagner au moins trois mois de survie.Contrairement à ce que croient la plupart des investigateurs, plus ladifférence recherchée est faible, plus il faut inclure de patients.

• Le deuxième paramètre est la variabilité du critère principal d’évalua-tion. Pour reprendre l’exemple de l’insuffisance cardiaque, le critèred’évaluation est le temps de survie exprimé en semaines.Mais ce tempsde survie varie d’un sujet à l’autre, même lorsque les malades se trou-vent au même stade. C’est pour cela que l’on parle de variabilité ducritère d’évaluation. Or, plus la variabilité de ce critère est grande,plus il faut inclure de sujets pour pouvoir conclure du point de vuestatistique.

• Le troisième paramètre est le risque de “première espèce α”. Il s’agitdu risque de conclure à une différence entre deux traitements alorsqu’en réalité, elle n’existe pas. En général, on fixe ce risque à 5 %, maison peut être plus exigeant et l’abaisser à 1 % ou 0,1 %. Naturellement,plus on est exigeant, plus il faut inclure de sujets dans l’échantillon.

• Le quatrième paramètre est la puissance du test de comparaison quiest l’inverse du risque de “deuxième espèce β”. Ce risque β correspondau risque que l’on s’accorde de conclure à une absence de différenceentre deux traitements lorsque celle-ci existe vraiment. Dans ce

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 18

Page 20: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

19

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

domaine, on accepte généralement un risque β de 0,20 à 0,05 (ce quicorrespond à une puissance du test de 80 % à 95 %). Assez logique-ment, plus on exige une forte puissance du test de comparaison, plus ilfaut de sujets. Ce risque β est essentiel lorsque l’on compare des traite-ments dont on pense a priori que leur efficacité est très voisine et quel’on cherche à démontrer l’équivalence des deux médicaments. On nepeut affirmer cette équivalence que si l’on dispose d’une puissance detest suffisante.Pour illustrer cette problématique du nombre de sujets, prenonsl’exemple d’une comparaison entre deux hypnotiques. On retient pourcritère d’évaluation principal la durée du sommeil, exprimée en heures.On considère qu’une différence peut être mise en évidence si l’un deces deux traitements fait dormir deux heures de plus que l’autre. Si l’onse fixe par ailleurs un risque α à 5 %, une puissance de test à 95 % et sil’on considère que la variance de la durée du sommeil dans la popula-tion globale est de 3 heures, il faut, d’après nos calculs, inclure auminimum 39 sujets dans chaque groupe – soit 78 personnes au total– pour aboutir à des conclusions significatives sur le plan statistique.Mais, si l’on veut montrer que l’un de ces traitements ne fait dormirqu’une heure et demie de plus que l’autre, il faut porter le nombre desujets à 52 par groupe, soit 104 au total.

Le choix du plan expérimental et du test statistique a également uneincidence sur le nombre de sujets nécessaires. Ainsi, au cours d’un essaicroisé dans lequel chaque sujet est son propre témoin (il reçoit succes-sivement les différents traitements testés),on gomme la variabilité intra-individuelle et on peut ainsi diminuer le nombre de sujets par un facteurtrois à quatre (dans le meilleur des cas). De même, en reprenantl’exemple précédent relatif à l’essai d’un hypnotique, si l’on n’utiliseplus un test de comparaison bilatéral (dans lequel on ne préjuge pas quele traitement A est supérieur à B ou l’inverse) mais un test unilatéral(où l’on se fixe pour hypothèse de départ que l’un des traitements estplus efficace que l’autre),les tests permettent d’observer des différencesstatistiquement intéressantes avec moins de sujets, à savoir 32 au lieu de 38.Enfin, le fait d’utiliser un test statistique paramétrique (lorsque lesconditions l’y autorisent) permet habituellement d’avoir la même puis-sance statistique avec un peu moins de sujets. Mais, ici, le gain en effec-tifs n’est pas aussi important que le croient beaucoup de cliniciens.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 19

Page 21: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

20

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

◗ Quels traitements comparer ?

Si nous nous plaçons dans le cas où nous avons à tester un nouveaumédicament.Il faut savoir si on le compare à un placebo ou à un produitde référence. Le placebo présente un avantage incontestable : il permetde mettre en évidence l’efficacité intrinsèque du médicament. Dans lecas d’une comparaison avec un produit de référence, on ne peut quecomparer l’efficacité relative des deux produits.

Le choix du produit de référence est souvent beaucoup plus complexequ’il y paraît. Quand il s’agit d’un médicament que l’on souhaite faireenregistrer pour une mise sur le marché, on n’a pas vraiment le choix.En effet,pour que le dossier d’enregistrement soit analysé par la commis-sion d’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché), celle-ci exige que lenouveau médicament soit comparé à un produit récent, reconnucomme étant le plus efficace et le mieux toléré au sein de sa classethérapeutique.Or,les médicaments très récents sont rarement commer-cialisés simultanément dans tous les pays où l’on avait prévu de faire lesessais thérapeutiques, ce qui entraîne bien des complications.

Le deuxième problème est le choix de la posologie du produit de réfé-rence. On peut décider de l’administrer à une posologie relativementfaible.Dans ce cas, lors de la comparaison,on favorise le produit testé auplan de l’efficacité,mais on risque de le défavoriser sur le plan de la tolé-rance. À l’inverse, si l’on administre le produit de référence à une poso-logie forte, on risque de pénaliser le produit testé sur le plan del’efficacité, même si sa tolérance apparaît meilleure que celle duproduit de référence. Ces choix qui engagent fortement l’avenir duproduit, sont souvent difficiles à faire.

L’usage d’un placebo n’est pas toujours possible.C’est notamment le casdans les pathologies qui présentent un risque vital à court terme,où celaposerait des problèmes éthiques évidents.La comparaison à un placeboest particulièrement intéressante chaque fois que l’on cherche à mettreen évidence l’effet pharmacologique propre d’un produit, qui corres-pond à la différence entre l’effet observé et l’effet placebo. On négligetrop souvent que cet effet placebo peut atteindre 50 % à 60 % danscertains domaines thérapeutiques,notamment dans les traitements anti-migraineux.Ne pas le prendre en compte pose donc de réels problèmes

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 20

Page 22: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

21

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

d’interprétation.Par ailleurs,cet effet placebo peut varier en fonction ducentre d’essai,de l’investigateur,de la couleur de la gélule,etc.Il est donctoujours souhaitable de pouvoir le quantifier.

◗ Quel plan expérimental ?

Ils peuvent être très nombreux et le choix dépend d’un ensembled’éléments tels que : les objectifs d’études, la durée du traitement,l’évolution spontanée de la maladie, sa prévalence dans la population,etc.

Les essais de “titration”

Ces essais ont été beaucoup utilisés pour rechercher les posologies quiapportent le meilleur rapport efficacité/tolérance. Ils ne posent pas deproblèmes particuliers lorsqu’on les utilise pour évaluer l’effet d’un trai-tement administré à dose unique mais leur usage est beaucoup pluspérilleux lorsqu’ils s’appliquent à un traitement en prises répétées. Leprincipe des essais de titration est fondé sur une augmentation indivi-duelle des doses (à intervalles réguliers s’il s’agit d’un traitement pro-longé) et selon des paliers prédéfinis. Si le sujet réagit comme attenduau traitement,on le laisse poursuivre l’essai à la même posologie ; s’il neréagit pas suffisamment, on lui administre une posologie plus forte. Onrépète la même procédure pour différents paliers de doses prédéfinis et,à la fin de l’étude, on peut déterminer la ou les posologie(s) efficace(s)à laquelle ou auxquelles le plus grand nombre de sujets a répondu autraitement.Ces plans ont été très largement utilisés dans les années soi,notammentpour étudier l’efficacité des anti-hypertenseurs. À l’époque, on évaluaitl’efficacité des différentes posologies toutes les deux semaines.L’application à large échelle de ces essais de titration a fait que la plupartdes anti-hypertenseurs qui ont été mis sur le marché dans les annéessoixante-dix et au début des années quatre-vingt étaient surdosés.L’explication de cette dérive est venue tardivement. Il a fallu en effetde très nombreuses études pour que l’on découvre que lorsque l’oninstitue un traitement anti-hypertenseur, il faut attendre en moyenneentre six et huit semaines (et non quelques jours comme on lepensait !) pour en obtenir le plein effet.On voit donc immédiatement lebiais que pouvaient présenter les évaluations sur deux semaines :

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 21

Page 23: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

22

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

certains patients, loin d’avoir le plein effet de leur traitement au bout decette période, étaient, à tort, passés à une posologie plus forte ce quitirait artificiellement vers le haut les doses d’anti-hypertenseurs consi-dérées comme efficaces. La difficulté de connaître, pour beaucoup detraitements, la durée nécessaire pour obtenir le plein effet justifiequ’aujourd’hui ces plans soient utilisés avec beaucoup de prudence.

Les plans expérimentaux en groupes parallèles

Ces plans expérimentaux sont certainement les plus utilisés actuelle-ment. Leur principe est extrêmement simple. On commence parprendre un échantillon représentatif de la population et on le divise enautant de groupes que de traitements à comparer.Puis,par tirage au sort,on affecte un traitement déterminé à chaque groupe, l’un d’entre euxpouvant éventuellement recevoir un placebo. Au bout d’une périodedéfinie, on évalue l’effet thérapeutique obtenu sur chacun de cesgroupes.

Au cours des études de ce type, on prévoit parfois une période dite de“run-in” durant laquelle les patients reçoivent un placebo. Certains lamettent à profit pour éliminer les “placebo-répondeurs”, en arguant dufait que ces sujets génèrent un “bruit de fond”qui diminue la puissancedes comparaisons statistiques. Mais en éliminant ces patients, il fautsavoir que l’échantillon devient moins représentatif de la populationglobale. Par conséquent, tout le monde n’adhère pas à cette solution.Nous pensons qu’il faut arrêter le choix en fonction des objectifs dechaque étude.

Au cours d’un essai en groupes parallèles, on peut comparer entre euxplusieurs traitements, on peut aussi comparer les effets de différentesposologies d’un même médicament avec un traitement de référence ouun placebo.Les plans expérimentaux en groupes parallèles présentent de nombreuxavantages. Si on les utilise beaucoup, c’est essentiellement parce qu’ilssont simples à organiser ou à analyser et parce qu’ils présentent peu derisques de biais. Ils ont aussi quelques inconvénients. Notamment,compte tenu que chaque sujet ne reçoit qu’un seul type de traitement,la mesure du critère d’évaluation est entachée de la variabilité inter-individuelle. Si cette variabilité est forte, cela peut affaiblir considéra-

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 22

Page 24: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

23

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

blement la puissance des tests statistiques, que l’on devra compenseren augmentant le nombre de patients dans chaque groupe.Un risque debiais peut venir de ce que les différents groupes ne sont pas compa-rables du point de vue de leurs caractéristiques physiologiques, physio-pathologiques ou d’autres facteurs individuels pouvant interférer avecl’effet du traitement étudié. Ce risque est en principe évité si l’on a prissoin d’inclure les patients après tirage au sort et si l’on dispose d’unéchantillon suffisamment grand. Il n’en reste pas moins que, parfois,le hasard fait mal les choses… et que cela ne se révèle malheureusementqu’après le dépouillement des résultats.

Les plans expérimentaux croisésou par comparaisons intra-individuelles

Dans ces plans expérimentaux, les sujets sont leur propre témoin car ilsreçoivent, successivement et dans un ordre aléatoire, les différents trai-tements ou les différentes posologies qui sont à l’étude. Lorsque l’onrépète les comparaisons chez un même patient,on parle alors de “carréslatins”, de “blocs incomplets”ou “d’essais croisés répétés intensifs”.Comment se déroulent ces essais croisés ? Prenons un cas simple, danslequel on compare deux traitements. Le principe général est le mêmeque pour les plans en groupes parallèles. La différence est que 50 % dessujets vont d’abord recevoir le traitement A, puis le traitement B, alorsque les 50 % restants vont d’abord recevoir le traitement B, puis le trai-tement A. Le fait que, dans ce type de plan expérimental, chaque sujetsoit son propre témoin élimine la variabilité inter-individuelle dont nousavons parlé précédemment. Cette approche permet d’avoir la mêmepuissance de comparaison statistique avec, dans le meilleur des cas,quatre fois moins de patients.

Mais les plans expérimentaux de ce type présentent également desfaiblesses. Ainsi, l’effet du premier traitement peut retentir sur leseffets du deuxième (c’est ce que l’on appelle la “rémanence de l’effetthérapeutique”). On peut remédier partiellement à ce problème enintroduisant,entre les deux périodes de traitement,une “fenêtre théra-peutique” ou “période de wash-out” durant laquelle les sujets reçoi-vent un placebo. Le principe est simple, mais on est alors confrontéau même problème que dans les essais de titration : quelle doit être ladurée de la fenêtre thérapeutique pour être sûr que les sujets sont

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 23

Page 25: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

24

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

effectivement revenus à leur niveau basal ? C’est une question à laquelleil est malheureusement souvent difficile de répondre précisément, enparticulier lorsque l’on étudie des molécules vraiment nouvelles.

À l’extrême,on peut réaliser ce que l’on appelle un “essai intensif”avecdeux ou trois patients voire un seul, en répétant plusieurs fois et dansun ordre aléatoire, les traitements étudiés. Le champ d’application dece type d’essais reste toutefois extrêmement limité.On le réserve habi-tuellement aux pathologies rares pour lesquelles on ne peut recruterque quelques sujets.

D’une manière générale, les études en permutation croisée présententun certain nombre d’avantages. Elles permettent de gommer la variabi-lité interindividuelle car chaque sujet est son propre témoin. Avec lemême effectif,on gagne donc beaucoup de puissance statistique pour lacomparaison. Cela peut s’avérer intéressant d’un point de vue éthique,mais aussi au plan pratique, lorsque l’on a affaire à une pathologie pourlaquelle les malades sont particulièrement difficiles à recruter.

Mais les essais croisés présentent aussi quelques inconvénients :• Leur organisation est plus complexe.• Ils durent plus longtemps car chaque sujet reçoit successivement lesdifférents médicaments à tester. Dans ces conditions, les durées dechacun des traitements et des fenêtres thérapeutiques s’additionnentdans le temps.• Le risque de biais est important et ils sont parfois difficiles à déceler.• Ces essais ne peuvent pas s’appliquer aux pathologies spontanémentévolutives.Par exemple, les rhinites aiguës qui guérissent spontanémenten quatre jours.• Ils ne peuvent pas s’appliquer aux traitements curatifs.

Les plans factoriels

Le plan factoriel est le plan expérimental de référence lorsque l’onsouhaite étudier l’effet de l’association de deux traitements,ou évaluerl’influence du stade évolutif d’une maladie, d’une pathologie associée,de caractéristiques physiologiques particulières… sur l’efficacité d’untraitement.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 24

Page 26: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

25

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

Les courbes de survie

L’utilisation des comparaisons basées sur les “courbes de survie”ne peuts’adresser qu’à certaines pathologies pour lesquelles on peut caracté-riser de façon simple un événement précis. C’est le cas, par exemple,pour la survenue d’un accident vasculaire cérébral,d’un infarctus,d’unefracture du col du fémur… Souvent,mais il y a des exceptions,on utilisecette méthode pour l’évaluation de traitements sur des périodes relati-vement longues, de plusieurs mois, voire plusieurs années. Le terme de“courbes de survie”vient du fait que ces approches étaient initialementdestinées à étudier l’efficacité des traitements anti-néoplasiques ensuivant effectivement la survie des patients dans les différentsgroupes traités et en comparant ces courbes à l’aide de tests statis-tiques appropriés. Leur usage s’est aujourd’hui étendu à bien d’autresdomaines de la thérapeutique.

Les plans séquentiels

Ces plans constituent une des avancées méthodologiques les plus inté-ressantes de ces dernières années. Il existe différentes méthodes pourtravailler en plans séquentiels,mais elles sont toutes basées sur le mêmeprincipe relativement simple. On fixe a priori des limites au-delà des-quelles on peut conclure que l’un des traitements est supérieur à l’autreet une zone dans laquelle on considère que l’on ne peut pas conclure àune différence entre les traitements. Après chaque observation, ouchaque paire d’observations, on en analyse soigneusement les résultatset, selon que la réponse au traitement est considérée satisfaisante ounon,le statisticien attaché à l’essai indique au clinicien la marche à suivrepour les observations suivantes. Comme dans les autres types de plansexpérimentaux, le clinicien doit travailler en “aveugle” pour ce quiconcerne la nature ou la posologie du produit administré.

Cette approche a bien des avantages,notamment sur le plan éthique,carelle permet d’inclure le minimum de patients requis pour comparer lestraitements. Contrairement aux autres plans expérimentaux que nousavons vus précédemment,on ne définit plus a priori le nombre de sujetsà inclure,mais on inclut de nouveaux patients jusqu’au moment où l’onpeut apporter des conclusions statistiquement significatives.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 25

Page 27: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

26

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

Les plans séquentiels étant basés sur une analyse “en temps réel” desrésultats, ils ne peuvent raisonnablement s’appliquer qu’à l’étude detraitements dont l’efficacité peut être jugée en quelques heures ouquelques jours. Ils sont beaucoup utilisés en pédiatrie, notammentpour évaluer des antibiotiques, car les délais de réponse à ces traite-ments sont courts.

◗ Quels critères de jugement ?

Les traitements sont avant tout destinés à améliorer la qualité de vie despatients ou à prolonger leur durée de vie.Sur cette base, il serait logiqued’évaluer et de comparer tous les traitements en mesurant les bénéficesqu’ils apportent en termes de morbidité et de mortalité. Dans la pra-tique, il est assez peu fréquent que l’efficacité d’un traitement soitévaluée directement sur ces critères. Ceci tient à plusieurs facteurs :• fort heureusement, toutes les pathologies ne mettent pas immédia-tement en jeu la vie du patient ;• les indices de morbidité sont souvent difficiles à quantifier ; même sil’on fait aujourd’hui beaucoup d’efforts pour en synthétiser les multiplesfacettes dans des scores de qualité de vie ;• dans beaucoup de cas, la maladie constitue simplement un facteurde risque pour la survenue de complications qui sont directementresponsables de la morbidité et de la mortalité.Un exemple classique est l’hypertension artérielle (HTA). Lorsqu’elleest légère à modérée, elle ne gène aucunement la personne qui est unmalade qui s’ignore.Grâce à des études épidémiologiques lourdes,on apourtant pu établir que l’HTA augmente significativement le risque demortalité par accidents vasculaires cérébraux. Cette affection est égale-ment à l’origine de nombreuses autres complications (qui sont autant decauses directes de morbidité et de mortalité). Ce risque de complica-tions est la seule justification de la normalisation d’une pression arté-rielle trop élevée. À partir de ce constat, la logique voudrait que l’onévalue l’efficacité des traitements antihypertenseurs sur leur aptitude àdiminuer l’incidence de telle ou telle de ces complications ou sur le tauxde mortalité.Le problème est que la réalisation de telles études demanded’inclure plusieurs dizaines de milliers de patients et de les suivrependant 5 ou 10 ans ! Pour des raisons de faisabilité, on doit serabattre sur ce que l’on appelle un critère de substitution. Le chiffrede la pression artérielle est un critère de substitution très largement

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 26

Page 28: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

27

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

utilisé. C’est même un des rares critères de substitution validé par ladémonstration d’une relation directe entre l’élévation de la pressionartérielle et le risque de survenue d’un accident vasculaire cérébral.

D’autres exemples nous rappellent les limites des critères de substi-tution.C’est le cas des antiarythmiques que l’on a longtemps évalués surleur aptitude à normaliser un tracé ECG, jusqu’au jour où l’on s’estaperçu qu’il y avait plus de décès chez les patients traités que chez ceuxrecevant un placebo ! Depuis cette étude, l’ECG n’est plus acceptécomme critère de substitution pour évaluer un antiarythmique et, danscette classe de médicaments, les agences d’enregistrement exigent desessais comportant un suivi au long cours de la survie des patients. Faceà ces exigences, bien peu de laboratoires pharmaceutiques se sontlancés dans le développement de nouveaux antiarythmiques. À côté deces deux exemples, l’un blanc, l’autre noir,combien de zones grisées quiconcernent des pathologies pour lesquelles on s’interroge sur la validitédes critères de substitution ! Ceci n’empêche pas qu’on les utilise quoti-diennement dans les essais thérapeutiques mais, au minimum, il fautessayer de n’avoir recours qu’à ceux qui sont acceptés (sinon validés)par la communauté scientifique et médicale.

La première qualité requise pour un critère de jugement est d’être médi-calement pertinent. Il revient aux experts de juger de cette pertinenceet les critères retenus font souvent l’objet d’un consensus international.Il faut bien sûr s’assurer des qualités métrologiques du critère que l’onutilise, que celui-ci repose sur des échelles d’évaluation, des question-naires ou des mesures recueillies à partir d’appareils plus ou moinssophistiqués. Cette standardisation des méthodes de mesures par ladéfinition de normes est indispensable pour que des résultats puis-sent être comparés d’un centre d’étude à l’autre. Naturellement, lesmesures doivent s’inscrire dans un calendrier extrêmement précis etidentique chez tous les patients, sous peine de ne pouvoir réaliseraucune comparaison valable.

Enfin, il est indispensable de hiérarchiser les critères de jugement et, sipossible, de définir pour chaque protocole un critère d’évaluation prin-cipal qui reflète le plus fidèlement l’effet thérapeutique étudié etprésente les qualités métrologiques requises. C’est autour de ce critèred’évaluation principal que l’on doit bâtir un protocole d’étude,choisir le

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 27

Page 29: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

28

PRIN

CIP

ES M

ÉTHO

DO

LOG

IQUES

GÉN

ÉRAUX

plan expérimental, calculer le nombre de sujets nécessaires… et quel’on peut véritablement conclure sur l’efficacité du traitement étudié.Ceci n’interdit pas d’observer les effets du nouveau médicament surd’autres critères, que l’on qualifie de secondaires.

� CONCLUSION

La rigueur méthodologique est un élément essentiel pour donner ducrédit aux conclusions que l’on tire d’un essai thérapeutique.Toutefois,une méthodologie irréprochable ne suffit pas à faire un bon essaiclinique. Pour atteindre cet objectif, il faut aussi garantir une parfaitefiabilité des données recueillies et c’est là tout le domaine des BonnesPratiques Cliniques.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 28

Page 30: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

29

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

3. ÉVALUATION DE LA DOULEUR

Évaluation de la douleur provoquéechez le volontaire sain

Claude Dubray

Les tests basés sur une douleur provoquée sont utilisés chez le volon-taire sain dans deux contextes assez différents qui sont,d’une part, lesrecherches fondamentales sur la physiologie de la douleur, d’autrepart, l’évaluation pharmacodynamique des médicaments antalgiques.Les tests utilisables sont extrêmement nombreux, mais leur mise enœuvre est souvent beaucoup plus délicate qu’il n’y paraît et peu ontfait l’objet d’un travail de validation approfondi. Ce constat expliqueque leur place en pharmacologie clinique reste encore largementdébattue et qu’à la différence d’autres domaines thérapeutiques, ledéveloppement des antalgiques ne bénéficie pas aujourd’hui d’outilsd’évaluation aussi performants que nous le souhaiterions pourétudier de nouvelles molécules dès les premiers essais chez l’homme(études de phase I). À un moment où les connaissances fondamen-tales sur les mécanismes de la douleur ont fait des progrès considé-rables, ouvrant ainsi des perspectives nombreuses pour ledéveloppement de molécules nouvelles, les difficultés rencontrées nedoivent pas faire baisser les bras mais, au contraire, inciter chercheurset cliniciens à poursuivre un travail de validation minutieux pourmieux définir les modalités optimales d’utilisation et améliorer leursensibilité.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 29

Page 31: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

30

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

� LES PRINCIPALES TECHNIQUES DE STIMULATIONSNOCICEPTIVES APPLICABLES À L’HOMME

◗ Induction d’une douleur aiguë ou ponctuelle

Stimulus mécanique

Les méthodes utilisées consistent le plus souvent à exercer une pressionsur une surface cutanée, plus ou moins étendue, en regard de tissusmous ou de crêtes osseuses. D’autres techniques permettent d’obtenirun pincement des téguments ou une pression plus ponctuelle à type depiqûre.Dans tous les cas, il est indispensable de disposer d’appareils quiindiquent précisément la pression exercée, exprimée en newtons oukilopascals. Ces appareils doivent aussi permettre d’augmenter la pres-sion d’une manière régulière et parfaitement calibrée, seul moyen dedéterminer précisément les seuils de douleur et de tolérance au stimu-lus mécanique. Ces tests sont habituellement assez faciles à mettre enœuvre mais leur répétition rapprochée dans le temps peut poserquelques problèmes,dans la mesure où ils peuvent entraîner des micro-traumatismes cutanés provoquant une inflammation locale.

Stimulus thermique

Les tests basés sur la stimulation thermique sont parmi les plus utilisésdans le domaine de la douleur provoquée. Ils reposent essentiellementsur l’utilisation de petites plaques dont on fait varier la température(thermodes) lorsqu’elles sont appliquées sur la peau ou les muqueuses.On peut élever la température de ces thermodes (stimulus chaud) ou,aucontraire, la faire baisser (stimulus froid). Les autres techniques sontessentiellement basées sur la chaleur radiante (lampe au xénon) ou le faisceau laser CO2.

Les stimulations à l’aide de thermodes sont certainement les plus utili-sées,du fait de leur facilité de mise en œuvre.Ces thermodes fondées surle système Pelletier sont en effet très faciles à piloter à l’aide d’un ordi-nateur.L’ajustement thermique se fait au 10e de degré et elles permettentd’obtenir pratiquement tous les schémas de stimulation que l’onsouhaite : pente régulièrement croissante ou décroissante, plateau ther-mique, pulses thermiques de forme pyramidale ou sinusoïde, etc. Ces

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 30

Page 32: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

31

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

thermodes ont toutefois l’inconvénient d’une certaine inertie. Ce n’estpas le cas du laser CO2 qui permet de délivrer un stimulus thermiquesur une zone très ponctuelle et surtout pendant des durées très brèves.Beaucoup d’auteurs privilégient les stimulations thermiques dans ledomaine des douleurs provoquées, considérant qu’aux seuils nocicep-tifs, on stimule sélectivement les fibres C. Leur application en pharma-cologie clinique pose toutefois un problème de sensibilité, car il estdifficile de faire varier significativement les seuils de douleur ou de tolé-rance à ces stimuli après administration de médicaments antalgiques.

Stimulus électrique

Les méthodes de douleur provoquée reposant sur ce type de stimulusconsistent essentiellement à appliquer des électrodes cutanées sur letrajet d’un nerf périphérique et faire passer un courant de faible inten-sité.Une technique plus sophistiquée s’appuie sur une stimulation élec-trique de la pulpe dentaire. Ces stimulations électriques offrentl’avantage d’être très facilement modulables et de délivrer un stimulusde durée brève. Leur principal inconvénient est lié au fait qu’il s’agitd’un stimulus “non naturel” qui provoque souvent plus une sensationdésagréable,voire anxiogène,qu’une véritable douleur.En conséquence,il est particulièrement important de prévoir des séances d’entraînementdurant lesquelles le sujet se familiarisera progressivement avec ce typede stimulus.

◗ Induction d’une douleur tonique ou soutenue(de quelques minutes à quelques heures)

La plupart des méthodes reposent sur l’injection sous-cutanée ou intra-musculaire d’une solution : soit acide, soit hypertonique, soit contenantdes substances qui activent les nocicepteurs, telles que la bradykinine,la sérotonine… Elles permettent de provoquer une douleur qui persistependant quelques minutes ou quelques heures. D’autres techniquessont capables d’induire une douleur prolongée telles que le “tourni-quet” qui consiste à créer une douleur ischémique au niveau d’unmembre, en appliquant un brassard tensionnel gonflé au-dessus de lapression artérielle systolique. Dans le domaine des douleurs toniques,il faut réserver une place à part aux modèles de douleur viscéraleexpérimentale applicables à l’homme sain. Ces techniques reposent

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 31

Page 33: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

32

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

essentiellement sur des dilatations gastriques, coliques ou rectales àl’aide de ballonnets gonflables, combinées éventuellement avec l’instil-lation locale de substances irritantes pour les muqueuses digestives.

◗ Induction d’une hyperalgésie ou d’une allodynietransitoire

La technique la plus utilisée pour induire une hyperalgésie ou/et uneallodynie transitoire est l’application cutanée de capsaïcine. Cettesubstance irritante (extraite du paprika) est facile à utiliser mais sonaction est relativement brève (2 à 3 heures). Ceci présente un inconvé-nient majeur lorsque l’on veut étudier des médicaments dont la duréed’action dépasse celle de l’hyperalgésie induite par la capsaïcine. C’estune des principales raisons pour lesquelles on a de plus en plus recoursà des stimulations thermiques (chaudes ou froides) ou à une expositionà des U.V. pour provoquer une brûlure du premier degré. On observealors une inflammation locale qui s’accompagne d’une libération localede médiateurs pro-nociceptifs qui induisent une hyperalgésie et/ou uneallodynie transitoire. L’avantage ici est que cette hyperalgésie ou allo-dynie induite va persister pendant plusieurs jours, ce qui permet detester plusieurs antalgiques ou différentes doses d’un produit chez unmême sujet qui devient ainsi son propre témoin.

D’un point de vue pratique,nous avons une préférence pour la stimu-lation par le froid qui nous semble beaucoup plus confortable pourles volontaires que la stimulation par le chaud. En effet, il est moinsdésagréable de se voir appliquer sur le bras une petite barre de cuivreà –28 °C pendant 8 secondes que de supporter pendant 8 à 10 minutesune thermode chauffée à 47 °C ! Quelle que soit la méthode,on observedans les heures qui suivent l’exposition au chaud ou au froid, unerougeur cutanée dans la zone d’application et une hyperalgésie quidéborde largement cette zone. L’hyperalgésie reste stable dans la zone“lésionnelle”, pendant plusieurs jours, mais la zone d’hyperalgésie “péri-lésionnelle” tend à se rétrécir progressivement. Peu de travaux publiésutilisent cette technique pour évaluer l’effet antalgique des médica-ments, mais l’expérience récente que nous en avons semble indiquerque cette approche est nettement plus sensible que les tests psycho-physiques sur peau saine pour mettre en évidence un effet antalgiquechez le sujet sain.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 32

Page 34: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

33

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

◗ Modalités d’utilisation de ces techniquesde stimulation nociceptive

Les différentes techniques de stimulation nociceptive que nous venonsde voir peuvent être utilisées de manière isolée ou combinée. Dans lecadre de l’évaluation des médicaments analgésiques, de nombreuseséquipes ont donné leur préférence à l’utilisation de batteries de testsrelativement lourdes. Cette approche est motivée par deux principalesraisons. Premièrement, il n’existe pas de relation évidente entre lesréponses obtenues avec les différents types de stimuli. Deuxièmement,on a observé que certains antalgiques modifient préférentiellement lesseuils de douleur en réponse à tel type de stimulus plutôt qu’à tel autre.Dans ces conditions, surtout lorsque l’on doit tester un nouvel antal-gique,beaucoup ont estimé que seules des batteries de tests combinantplusieurs types de stimulation nociceptive permettent d’analyser cor-rectement le profil de la nouvelle molécule.

Cette approche a cependant ses limites dans la mesure où la répétitionde nombreux tests exige un effort de concentration considérable de lapart des volontaires. Dans ces conditions, on risque de privilégier laquantité d’information au détriment de la qualité. Sur la base de notrepropre expérience, nous avons tendance actuellement à réduire lenombre de tests.

◗ Existe-t-il un stimulus idéalpour induire une douleur expérimentale ?

En 1985, Gracely a défini les critères auxquels devrait répondre un telstimulus nociceptif :

•déclenchement et fin rapides ;•caractère naturel (ce qui n’est pas le cas du stimulus électrique) ;•aptitude à se renouveler avec un effet temps négligeable afin depouvoir répéter les tests de manière rapprochée, sans hyposensibilitéou hypersensibilité des réponses ;•caractère “objectif”, ce qui implique que les réponses au stimulussoient similaires chez l’ensemble des sujets participant aux tests ;•mise en jeu d’un nombre restreint de neurones afférents primaires.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 33

Page 35: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

34

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Aucune des techniques de stimulation nociceptive aujourd’hui dispo-nibles et applicables aux sujets sains ou aux patients ne répond àl’ensemble de ces critères. Nous pensons, comme beaucoup de clini-ciens ou chercheurs qui travaillent dans ce domaine, que les testsutilisés sont trop nombreux. Cette variété a un intérêt incontestabledans les recherches fondamentales portant sur les mécanismes de lanociception.En revanche,pour ce qui concerne leur utilisation en phar-macologie clinique, un travail de standardisation serait nécessaire poursélectionner les méthodes les plus pertinentes en termes de sensibilitéet de spécificité.Il faut aussi noter que beaucoup de ces techniques,déli-cates à mettre en œuvre, exposent à des biais méthodologiques impor-tants et il est regrettable que peu d’entre elles aient fait l’objet d’unvéritable travail de validation. En définitive, on est obligé de constaterque nous ne disposons aujourd’hui d’aucun type de stimulus qui puisseêtre pris comme référence pour évaluer les antalgiques.

� MÉTHODES D’ÉVALUATION DE LA DOULEUR PROVOQUÉE

◗ Les tests subjectifs baséssur l’approche psycho-physique

La psycho-physique consiste à étudier les relations entre une sensationconsciente et les caractéristiques d’un stimulus.A priori,cette approchesemble particulièrement bien adaptée pour étudier, chez l’homme, lasensation douloureuse en réponse à des stimuli nociceptifs précalibrés.La plupart des travaux fondamentaux conduits dans le domaine de lapsycho-physique ont été appliqués aux domaines de l’audition, de lavision, voire du goût mais, malheureusement, assez peu concernent lanociception.L’application des méthodes psycho-physiques dans le domaine de lanociception répond à trois objectifs :• l’identification des seuils de détection, de douleur et de tolérance à un stimulus spécifique représente l’approche liminaire ;• la discrimination entre deux stimuli d’intensité différente ;• la quantification des sensations pour des stimulations supra-liminaires(c’est-à-dire dans le domaine qui nous intéresse, des stimulationssupérieures au seuil d’apparition d’une sensation douloureuse).

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 34

Page 36: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

35

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Les mesures liminaires et supra-liminaires

Pour chaque type de stimulus, les mesures liminaires visent à déter-miner, pour un individu, son seuil de douleur (correspondant à unniveau d’intensité du stimulus qui devient désagréable) et son seuil detolérance (qui correspond à un niveau où l’intensité du stimulusdevient intolérable).Prenons l’exemple d’une stimulation réalisée à l’aide d’une thermode,dont la température s’élève progressivement,qui est appliquée sur l’émi-nence thénar de la main. Pour les mesures liminaires, on demande ausujet de bloquer la montée de température en appuyant sur un boutondès que la chaleur de la thermode devient désagréable. Il fixe ainsi sonseuil de douleur. On procède de la même façon pour déterminer sonseuil de tolérance. L’intervalle de température se situant entre ces deuxseuils constitue une plage thermique sur lequel nous pourrons appli-quer des stimuli supra-liminaires (c’est-à-dire au dessus du seuil dedouleur). Dans cette gamme de températures, on demande au sujet decoter l’intensité de la sensation douloureuse qu’il ressent à l’aide d’uneéchelle visuelle analogique, en réponse à un stimulus thermique d’am-plitude variable se trouvant dans l’intervalle prédéfini. Une autreapproche un peu différente consiste à fixer la température de la ther-mode à 1 degré ou à 1/2 degré en dessous du seuil de tolérance etd’enregistrer le temps pendant lequel le sujet peut maintenir la mainsur la thermode à cette température. Au cours d’une expérimentationde ce type, on peut même demander au sujet d’évaluer en continu lasensation douloureuse qu’il ressent à l’aide d’une échelle visuelleanalogique électronique.L’utilisation de ces stimuli thermiques supra-liminaires permet d’obtenirune très bonne corrélation entre l’intensité du stimulus appliqué et lasensation douloureuse ressentie par le sujet. Sous l’influence des médi-caments antalgiques,on pourrait s’attendre à observer un aplatissementde la droite de régression ou son décalage vers la droite. En fait, cetteapproche s’avère décevante car très peu sensible à l’action des médi-caments antalgiques.Les stimuli supra-liminaires sont également facilement utilisablesavec un stimulus laser ou avec un stimulus électrique. Leurs mises enœuvre avec les stimuli mécaniques sont beaucoup plus délicates.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 35

Page 37: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

36

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Importance de l’entraînement aux tests

Dans le domaine des tests psycho-physiques, on observe chez un sujetnaïf une grande variabilité dans les réponses qui correspond à une phased’adaptation aux tests, d’apprentissage. Ceci justifie plusieurs séancesd’entraînement lorsque l’on veut les utiliser dans le domaine de la phar-macologie clinique. Avec les stimuli nociceptifs, il est naturel que, lorsdes premières expositions, les sujets aient tendance à réagir à desniveaux assez bas.Puis, lorsque l’on répète les tests, les réponses devien-nent plus stables. Si on n’effectuait pas ces séances d’entraînement, cephénomène d’adaptation interférerait avec l’effet propre des médica-ments que l’on voudrait étudier et ceci apporterait un biais majeur dansl’interprétation des résultats.

Dans le domaine des tests psycho-physiques nociceptifs, en dépitd’un entraînement bien suivi, les seuils de douleur présentent unegrande variabilité inter-individuelle (d’un sujet à l’autre) et mêmeintra-individuelle (d’un jour à l’autre chez un même sujet). Cettevariabilité dans les seuils de douleur et de tolérance constitue indénia-blement un handicap pour évaluer l’effet des médicaments antal-giques. Les statisticiens savent bien, en effet, que cette variabilitégénère un “bruit de fond” qui a pour conséquence de nécessiter plusde sujets pour mettre en évidence l’effet pharmacologique du produitque l’on étudie.

La nécessité d’un groupe placebo

Des études, peu nombreuses mais assez convaincantes, ont montréque les seuils de sensibilité à la douleur ne sont pas stables au coursdu nycthémère. Ce constat a deux conséquences. D’une part, lorsquel’on veut faire des comparaisons chez un même sujet, il est importantque les tests soient réalisés à la même heure de la journée s’ils doiventêtre réalisés à des jours différents. D’autre part, lorsque l’on suit l’évo-lution d’un seuil de douleur ou un seuil de tolérance sur une périoderelativement longue, il est indispensable d’avoir un groupe placeboqui reflète les variations circadiennes afin de les prendre en comptepour évaluer l’effet propre d’un médicament antalgique sur ces seuils.Un autre facteur à prendre en compte est le rôle de l’imprégnationhormonale œstro-progestative, et donc du cycle menstruel chez la

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 36

Page 38: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

37

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

femme qui modifie les seuils de sensibilité à la douleur.Cette donnée faitque l’on évite d’inclure des personnes de sexe féminin dans des étudesau cours desquelles on va devoir répéter les tests psycho-physiques àquelques jours d’intervalle.

La place des tests psycho-physiques dans l’étude des médicaments antalgiques chez le sujet sain

La plupart des tests psycho-physiques sont relativement faciles à mettreen œuvre, d’où leur utilisation assez large en pharmacologie clinique.Derrière leur apparente facilité de réalisation, il faut savoir que denombreux facteurs autres que le médicament (ce que l’on appelle lesfacteurs confondants) peuvent interférer sur les réponses observées.De plus, ces tests sont essentiellement pénalisés par leur grande varia-bilité. Cette variabilité peut être atténuée en étant très attentif à l’envi-ronnement dans lequel se déroulent ces tests, au conditionnementpsychologique des sujets, à leur effort de concentration et à la sélec-tion d’une population aussi homogène que possible pour ses seuils deréponse à un type de stimulus particulier. Cette dernière conditionn’est toutefois pas réalisable lorsque l’on utilise une batterie de testscombinant plusieurs types de tests.

La cotation de la sensation douloureuse en réponse à des stimuli dont l’intensité se situe entre le seuil de douleuret le seuil de tolérance

Dans la pratique, on applique au volontaire sain une série de stimulidouloureux d’amplitude variable et on mesure l’intensité de la douleurressentie, à l’aide d’une mesure de l’EVA qui est relevée après chaquestimulus.Une autre approche consiste à augmenter de manière continuele stimulus jusqu’à un palier, puis à enregistrer le temps pendant lequelle sujet tolère ce stimulus. On peut également demander au sujet decoter en continu sur une EVA la sensation douloureuse provoquée parun stimulus d’intensité croissante. L’utilisation d’échelles visuelles élec-troniques facilite grandement l’évaluation dans ce contexte expéri-mental.Lors de l’application de stimuli douloureux d’intensité variable aumoyen d’une thermode (par exemple entre 43 °C et 51 °C),on observeune très bonne corrélation entre l’intensité de la température et celle

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 37

Page 39: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

38

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

de la douleur. A priori, ce type d’évaluation constitue donc uneméthode intéressante pour mesurer l’effet d’un antalgique. Mais lesrésultats sont très décevants puisque les réponses ne varient pas demanière significative après l’administration de morphine.

Des résultats intéressants et pertinents ont pu être obtenus avec uneautre approche qui consiste à pratiquer, à plusieurs reprises, troisniveaux de stimulation (haut/intermédiaire/bas) de manière indivi-dualisée en fonction des seuils de tolérance de chaque sujet. Cetteméthode permet de moyenner la cotation.

Certains auteurs ont montré que la répétition des stimulations ther-miques pouvait induire une désensibilisation assez nette vis-à-vis de lapremière douleur (douleur aiguë). En revanche, on observe le phéno-mène inverse pour la deuxième (douleur lancinante qui apparaît1,5 seconde après la première douleur).Lorsque l’on pratique des stimulations répétées dans un faible inter-valle de temps, il n’est pas possible de demander au sujet de distinguerla première douleur de la deuxième douleur. Par conséquent, le sujetdonne une cotation globale intégrant probablement les deux douleurs.En pratique, nous avons constaté que les stimulations répétées à desintervalles de moins de 10 secondes n’entraînaient pas de sensibilisa-tion importante.

Stimulus thermique

Avant-bras

Masseter

Stimulus thermique43 45 47 49 51°C

Relation entre l’intensité de la stimulation thermique et la sensation douloureuse

Inte

nsi

té d

e la

do

ule

ur

(EV

A)

Lo

g I

nte

nsi

té d

e la

do

ule

ur

(EV

A)

10

8

6

4

2

0

2,5

2,0

1,5

1,0

043 45 47 49 51°C

D’après Price et al, Clin. J. Pain, 1987 : 3,1-8

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 38

Page 40: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

39

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Conclusion sur les études subjectives

Les études subjectives présentent l’avantage d’être faciles à mettre enœuvre.En revanche,elles ne permettent pas vraiment de dissocier,d’unepart, la douleur primaire et la douleur secondaire, et, d’autre part, l’effetnociceptif et l’effet désagréable ou anxiogène (ce dernier étant parti-culièrement important pour les stimuli électriques). Enfin, les étudessubjectives sont fortement pénalisées par les phénomènes de variabilitéinterindividuelle et intra-individuelle.

◗ Les tests objectifs

Les mesures électrophysiologiques

Les techniques utilisées pour explorer les réponses à des stimuli dou-loureux sont pour la plupart fondées, soit sur le réflexe nociceptif deflexion (RIII), soit sur des potentiels évoqués somesthésiques. Dans lesdeux cas, elles permettent d’opérer une distinction entre un antalgiqueà effet central et un antalgique périphérique. Les techniques d’imageriecérébrale,qui ont fait l’objet d’un grand nombre de publications ces der-nières années, sont très intéressantes pour comprendre les mécanismesde la douleur. Pour l’instant, leur complexité de mise en œuvre et leurcoût font qu’elles ont été réservées à des recherches fondamentales (enparticulier sur les zones corticales impliquées dans la sensation doulou-reuse) plutôt qu’à l’étude de médicaments antalgiques.

Les réponses neurovégétatives

Elles constituent un moyen indirect de mesurer la réponse d’un individuà une stimulation nociceptive supra-liminaire, en enregistrant les varia-tions de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, du diamètrepupillaire et de la conductance cutanée.

Le réflexe nociceptif de flexion

Le principe consiste à appliquer une stimulation électrique de faibleintensité (moins de 30 mA) sur le trajet d’un nerf périphérique. Pourle membre inférieur,on stimule habituellement le nerf sural,au niveaude son trajet rétro malléolaire externe. Cette stimulation déclenche

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 39

Page 41: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

40

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

un arc réflexe qui passe par la moelle épinière pour déclencher unmouvement de flexion ipsilatéral.Avec les courants de faible intensitéque nous utilisons, ce réflexe ne déclenche pas de flexion visiblecliniquement, mais il peut être enregistré à l’aide d’un électro-myogramme. La technique du réflexe nociceptif de flexion a faitl’objet de plusieurs travaux de validations qui ont montré l’existenced’une relation étroite entre l’amplitude du réflexe RIII et la cotationde douleur (par EVA) ressentie à la suite de la stimulation électrique.Plusieurs études réalisées avec cette technique ont permis d’objec-tiver l’effet de différents antalgiques administrés par voie IV.Les méthodes “objectives” permettent généralement, mais pas systé-matiquement, d’établir une relation entre le paramètre mesuré et lasensation douloureuse. Lorsque cette relation n’est pas établie, latechnique choisie peut être remise en cause. Les études objectivesprésentent l’inconvénient d’être lourdes à mettre en œuvre et d’êtredifficiles à répéter à court terme.

◗ Les techniques de stimulation nociceptivesfondées sur l’hyperalgésie et l’allodynie induites

Après avoir induit une allodynie ou une hyperalgésie,on les quantifie,soit à l’aide de stimulations thermiques, soit avec le filament deVon Frey (classique ou électronique). En cas d’hyperalgésie induite,on peut mettre en évidence l’effet de substances antalgiques depalier I telles que le paracétamol ou l’ibuprofène dans la zoned’hyper-algésie alors qu’aucun effet n’est objectivable, lorsqu’onapplique les mêmes stimuli sur une zone cutanée saine.

� LES APPLICATIONS MÉDICAMENTEUSES

L’évaluation de la douleur chez le sujet sain permet de standardiserles conditions expérimentales et d’évaluer l’effet des antalgiques dèsla phase I. Le fait de recourir à des sujets sains plutôt qu’à des patientsfacilite grandement la répétition des mesures, ce qui est nécessairepour obtenir des données pharmacocinétiques et pharmaco-dynamiques.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 40

Page 42: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

41

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

� LES LIMITES

Tout d’abord,les douleurs provoquées,même lorsqu’il s’agit de douleurstoniques, se situent dans un cadre différent selon que l’on se place surun plan psycho-affectif ou sur un plan nociceptif pur. Ensuite, lasensibilité des volontaires sains à l’action des antalgiques est souventinsuffisante. Enfin, la mise en œuvre des techniques d’évaluation dela douleur provoquée est souvent délicate.

� CONCLUSION

L’évaluation de la douleur provoquée chez le sujet sain représenteun outil d’exploration parfaitement adapté à certaines recherchesfondamentales sur la physiologie de la douleur. De ce point de vue,des travaux récents ont d’ailleurs montré que la douleur provoquée,le plus souvent fondée sur une stimulation aiguë, met en jeu desmécanismes qui sont pour partie différents de ceux impliqués dansles douleurs spontanées, surtout si elles ont un caractère chroniqueou subchronique. Ces considérations purement physiologiques ouphysiopathologiques, ainsi que les problèmes de variabilité et desensibilité parfois insuffisante à l’action des médicaments antalgiques,font que l’on doit s’interroger sur la place de cette approche pourl’évaluation des médicaments antalgiques. Mieux connaître les limitesde ces tests, leurs modalités optimales d’utilisation, leurs critères devalidation, devrait permettre de mieux les utiliser dans le développe-ment de nouvelles molécules. Les difficultés que nous avons énumé-rées ne doivent pas nous faire renoncer à ces approches mais nousinciter à travailler activement sur ces tests de douleur provoquéepour que le développement des antalgiques puisse, comme d’autresdomaines thérapeutiques, bénéficier de tests pharmacodynamiquesapplicables dès les premières étapes du développement chezl’homme.Nous n’avons pas abordé dans cette présentation l’utilisation des testsde douleur provoquée chez le malade. Il s’agit là d’un domaine insuf-fisamment exploré mais certainement très porteur, dans la mesure où ils permettraient probablement de mieux caractériser lesprocessus physiopathologiques sous-jacents aux phénomènesdouloureux chroniques, en particulier ceux liés à une neuropathie.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 41

Page 43: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

42

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 42

Page 44: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

43

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Évaluation de la douleur clinique chez l’adulte

François Boureau

� INTRODUCTION

Cet article porte sur l’évaluation de la douleur dans le cadre de laréalisation d’un essai clinique et ne concerne donc pas la pratiquequotidienne de son évaluation et de son traitement. Les spécialistesde la douleur qui gèrent des cas difficiles, rebelles,sont en général trèsréceptifs à toute information concernant une nouvelle stratégie théra-peutique. Il est essentiel de souligner la nécessité d’appuyer touteacquisition nouvelle sur des essais cliniques répondant à des critèresde qualité. Ceux-ci constituent une étape incontournable dans ledéveloppement de nouveaux antalgiques.

� QUALITÉ DE L’ESSAI CLINIQUE

La valeur d’un résultat dépend du choix des instruments de mesure maisaussi, et surtout, de la méthodologie de l’ensemble de l’essai.Les principes généraux d’un essai clinique tels que randomisation,double aveugle, définitions de critères d’inclusion et d’exclusion, calculdes effectifs, etc. sont considérés comme acquis et nous nous focalise-rons sur les paramètres d’évaluation de la douleur.Concernant la métho-dologie des essais cliniques dans ce domaine, il est souhaitable de seréférer à des recommandations qui font l’objet d’un consensus par lesspécialistes du domaine.Citons,par exemple,les recommandations de laFDA :“Guidelines for the clinical evaluation of analgesics drugs”.Lorsqu’un résultat est acquis avec une méthodologie quelque peu inha-bituelle,on doit s’interroger sur les biais possibles introduits.Ceci inciteà la standardisation des méthodes d’évaluation utilisées.Cette standardi-sation est d’autant plus nécessaire que les résultats des études portantsur une même problématique peuvent être repris dans des méta-analyses. Il devient délicat de faire des revues lorsque les variablesétudiées ne sont pas homogènes.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 43

Page 45: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

44

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Pour chaque modèle d’évaluation de la douleur,nous disposons d’unelittérature spécifique qu’il est important de consulter. Par exemple,l’International Headache Society a proposé une liste de critères à respecter dans les études sur les migraines et sur les céphalées detension. Des ouvrages généraux comme “Design of analgesics trials”(Max, 1991) ou “An evidence base resource for pain relief” (Mc Quay,1998) peuvent également être utilement consultés.

� LES PROBLÈMES POSÉS

La douleur est, par définition, un vécu. Malgré la nature subjective de ladouleur, sa mesure reste possible. Le problème posé consiste à standar-diser au mieux les conditions de recueil de l’évaluation de ce phéno-mène subjectif. D’une certaine manière, les spécialistes sont confrontésaux mêmes difficultés que les psychiatres ou psychologues lorsqueceux-ci doivent mesurer la dépression ou l’anxiété.L’objectif est alors dedisposer d’outils validés permettant de standardiser, c’est-à-dire d’objec-tiver, une information par nature subjective. On comprend dès lors queles échelles d’évaluation de la douleur rejoignent celles utilisées enpsychométrie.

La méthode envisagée pour évaluer la douleur dépend en partie de ladéfinition ou de la délimitation qu’on lui donne. À côté de l’aspectsensation proprement dit, on peut être amené à considérer la dimen-sion affectivo-émotionnelle qui est intégrée à la perception, à s’inté-resser au retentissement sur les capacités fonctionnelles… Dans le casdes lombalgies, par exemple, il paraît important de documenter lescapacités fonctionnelles. Le retentissement sur le sommeil et plusgénéralement sur la qualité de vie est un autre niveau à considérerpour décrire la symptomatologie des pathologies douloureuses.L’appréciation des mécanismes générateurs d’une douleur est un autreobjectif possible. Des outils permettant de préciser, par exemple, sacomposante neuropathique seraient très utiles pour la réalisationd’une étude dans ce domaine.

Lors d’un essai clinique, il faut définir un critère principal permettantd’évaluer l’efficacité de la substance antalgique testée.Pour évaluer unphénomène multidimensionnel, on peut être amené à chercher à

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 44

Page 46: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

multiplier les critères.Toutefois, on doit alors connaître le risque d’in-troduire un biais dû à la chance de faire apparaître une différencesignificative.

� LA VALIDATION DES OUTILS D’ÉVALUATION DE LA DOULEUR

Aujourd’hui, la validation d’un outil d’évaluation de la douleur supposeune réflexion appréciant l’ensemble des caractéristiques métrologiquesde cet outil.Le terme de validité rassemble en fait plusieurs types de vali-dité : la validité de contenu (l’outil mesure-t-il véritablement ce qu’il estcensé mesurer ?), d’apparence (comment l’outil est-il perçu par lepatient ?),de construit (l’outil peut-il prendre en compte l’ensemble desdimensions ?) et la validité concourante (l’outil proposé est-il cohérentavec le “Gold Standard”éventuel ?).La validation d’un outil suppose ausside s’assurer de sa fidélité (test/retest/cohérence interne) et de sa sensi-bilité au changement.Aujourd’hui, force est de reconnaître que peu d’outils d’évaluation de ladouleur clinique ont fait l’objet de publications réexaminant l’ensemblede leurs caractéristiques métrologiques.

45

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Modèle multidimensionnel de la douleur

MÉCANISMES

GÉNÉRATEURS

DOULEUR

PERCEPTION COMPORTEMENT

SENSATION

COGNITION

ÉMOTION

FAMILIAL

PROFESSIONNEL

SOCIAL

MOTEUR

VERBAL

ENVIRONNEMENT

NOCICEPTIF

NEUROGÈNE

PSYCHOGÈNE

IDIOPATHIQUE

DÉFICIENCE

PATHOLOGIE

INCAPACITÉ DÉSAVANTAGE

➨ ➨

➨➨

➨➨ ➨

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 45

Page 47: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

46

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

� LE DÉROULEMENT DE L’ESSAI CLINIQUE

◗ Quelques questions fréquentes

•Faut-il éliminer les placebo-répondeurs ?

La réponse à cette question souvent posée est simple : les placebo-répondeurs ne doivent pas être éliminés. Il ne faut, en effet, pasconfondre les notions de placebo-répondeur et de placebo-discrimi-nateur. Un patient qui répond au placebo peut malgré tout faire ladifférence avec le verum.

•Le placebo est-il éthique ?

Il n’est pas facile de répondre à cette question.On peut décider de fairel’économie d’un placebo en basant l’étude sur une molécule de réfé-rence, ce qui suppose souvent de faire l’hypothèse que la moléculeétudiée sera plus efficace que la molécule de référence.Cependant,pourdes raisons méthodologiques, il est rarement satisfaisant de se passerd’un placebo. C’est pourquoi, il est souvent nécessaire de faire uncompromis entre ce qui est acceptable sur un plan scientifique et ce quiest acceptable sur un plan éthique. Une autre question importante estcelle de l’information du patient sur le placebo. Il ne semble pas que lesbonnes pratiques, avec notamment l’information et le consentement,aient modifié la survenue de l’effet placebo.

◗ La comparabilité des groupes

Lorsque l’on procède à des études sur des groupes parallèles, il estessentiel de s’assurer que les groupes sont comparables. Dans cetteperspective, on retient bien évidemment les critères diagnostiqueshabituels. Mais il faut aussi prendre en compte les variables de ladouleur susceptibles de créer une hétérogénéité comme l’anciennetéde la douleur, son intensité ou le degré de handicap. Par exemple, il neserait pas logique d’inclure dans la même étude des patients au stadeaigu et chronique d’un zona.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 46

Page 48: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

47

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

◗ La sélection des malades sur l’aptitude à s’évaluer

Si une grande rigueur est souvent observée en termes de critèresd’inclusion et d’exclusion,on peut regretter qu’il ne soit pas toujoursvérifié que les sujets participant aux essais sachent utiliser correcte-ment un outil d’évaluation. Il faut savoir que dans une populationnon-sélectionnée, environ 18 % à 25 % des sujets ne savent pasutiliser une échelle visuelle analogique (EVA). Une mauvaise appré-hension de l’aptitude des patients à s’auto-évaluer se traduit doncpar un manque de fiabilité des réponses qui se répercute directe-ment sur la pertinence de l’étude. Pour remédier à ce type deproblème, il faut donc sélectionner les patients sur leur aptitude àrépondre, intégrer dans les critères d’inclusion des tests permettantde contrôler cette aptitude et standardiser les explications. Il estcertain que ce type de raisonnement peut conduire à écarter, parexemple, les enfants et les personnes très âgées des essais cliniques,cequi pose des problèmes pour documenter les possibilités thérapeu-tiques pour cette catégorie de malades.

◗ Définir la douleur à étudier

Si les essais cliniques sont souvent très rigoureux en termes d’échelle,on s’aperçoit que la définition claire de la douleur à évaluer n’est passuffisamment explicite dans la question posée.Par exemple, la questionde l’intensité de la douleur ne précise pas toujours s’il s’agit de la dou-leur ressentie au moment présent, depuis une heure ou depuis unejournée. Les douleurs provoquées par l’activité peuvent être difficiles à évaluer. En effet, il faut que le patient accepte de réaliser une perfor-mance qui le fasse souffrir. Le plus souvent, le patient forme son juge-ment par anticipation du niveau possible de douleur. Pour des raisonsméthodologiques, les essais cliniques se basent donc plus souvent surles douleurs spontanées que sur les douleurs provoquées par une acti-vité qu’il faudrait standardiser. Enfin, la douleur à l’inclusion doit avoirun niveau suffisant pour permettre la mise en évidence des variationsdes scores sous l’effet du traitement.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 47

Page 49: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

48

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

� LES ÉCHELLES

◗ L’échelle verbale simple (EVS)

L’échelle verbale simple est une échelle ordinale qui fonctionne par caté-gorie (douleur absente/faible/modérée/intense) et à laquelle un scoreest imputé (0, 1, 2 ou 3). Dans les essais internationaux, cette échellepose des problèmes sémantiques car il n’est pas facile de traduire destermes comme “severe pain”.

L’échelle verbale simple présente l’avantage d’être facile à comprendre,de permettre une réponse rapide et de pouvoir se prévaloir d’une cer-taine validité descriptive. En revanche, le nombre limité de catégoriespeut être responsable de choix forcés.En effet,supposons qu’un patientqui souffrait d’une douleur intense se sente un peu mieux, il n’aurad’autre choix que de qualifier sa douleur de modérée. Or, il aurait peut-être traduit l’évolution de sa douleur d’une manière moins radicale s’ilavait disposé d’une échelle de type visuelle analogique ou numérique.En définitive, le faible nombre de catégories de l’échelle verbale simplepénalise cet instrument qui a, par ailleurs, l’avantage d’être facilementcompris.

◗ L’échelle numérique (EN)

Le patient indique sur une échelle de 0 (pas de douleur) à 10 (douleurmaximale) le niveau de sa douleur au moment présent ou le niveau dela douleur ressentie de manière générale au cours des dernières 24 heures. L’échelle numérique, qui est un bon instrument pour la routine clinique, a été peu utilisée pour les essais contrôlés.

◗ L’échelle visuelle analogique (EVA)

Cet instrument est aujourd’hui devenu un standard dans les essaiscliniques portant sur la perception de la douleur.L’échelle visuelle analo-gique est une échelle ordinale bien que certains auteurs, comme Price,la désignent comme une échelle de rapport en raison de sa capacité descriptive.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 48

Page 50: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

49

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Aujourd’hui, il n’existe pas de réel consensus sur la définition de l’extré-mité supérieure de l’échelle visuelle analogique.Selon les réglettes,cetteextrémité sera désignée comme une “douleur extrême”, une “douleurinsupportable”.“Douleur maximale imaginable”est toutefois la termino-logie la plus fréquente qu’il faut recommander. Évaluer une douleur,entre l’absence de douleur et la douleur insupportable,place les patientsdans le registre de la tolérance,c’est-à-dire dans une dimension affective.Par conséquent, il faut garder à l’esprit que l’échelle visuelle analo-gique intègre un ensemble de composantes de la douleur :affective etsensorielle.

Le traitement des données issues des échelles visuelles analogiquess’effectue en termes de moyennes et de médianes. Ces échelles sontsimples à utiliser et présentent une bonne sensibilité. Néanmoins, ilconvient d’accepter que certains patients ne sont pas aptes à lesutiliser, et ce malgré les explications fournies. Enfin, il faut se rappelerque l’utilisation de l’échelle visuelle analogique réclame une coordi-nation motrice qui n’est pas toujours évidente à obtenir en périodepost-opératoire.

La littérature ne permet pas de préciser à partir de quelle ampleurune variation sur l’échelle est pertinente sur le plan clinique.Souvent,on estime que la variation est pertinente à partir de 10 millimètres.

◗ Les forces et les faiblesses des échelles globales

Échelles globales : forces et faiblesses

D’après Jensen, 1992

• Validité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .EVA=EVS=EN

• Sensibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .EVA>EVS, EN ?

• Facilité de compréhension . . . . . . . . . . . . . .EVA<EN<EVS

• Facilité de passation . . . . . . . . . . . . . . . . .EVA=EVS=EN

• Adhésion du malade . . . . . . . . . . . . . . . . .EVA<EN<EVS

• Risque d'erreur de score . . . . . . . . . . . . . . .EVA>EVS=EN

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 49

Page 51: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

50

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

L’EVA possède une sensibilité supérieure à l’EVS. Elle présente égale-ment un avantage certain en termes de risques d’erreurs de score. Pourlimiter ces risques, il est préférable que l’EVA soit remplie directementdans le cahier d’observation. Lorsque ce cahier est photocopié, il estimportant de s’assurer que l’échelle est respectée sur la copie.En termesde validité et de facilité d’utilisation,les trois échelles sont réputées équi-valentes. Enfin, l’EVS permet d’obtenir de meilleurs résultats en ce quiconcerne la facilité de compréhension et l’adhésion du malade.

◗ Les relations entre l’EVA et l’EVS

Nous savons qu’il existe une bonne corrélation entre les résultats obte-nus avec l’EVA et l’EVS. Des travaux réalisés par Collins en 1997 ontmontré que les patients souffrant d’une douleur modérée plaçaient enmoyenne cette douleur à 49 mm sur une EVA et que 90 % d’entre euxla plaçaient à plus de 26 mm.Ces auteurs ont également montré que lespatients souffrant d’une douleur intense plaçaient en moyenne cettedouleur à 75 mm sur une EVA et que 90 % d’entre eux la plaçaient à plusde 49 mm.

Il n’est pas certain que ces relations soient identiques dans desmodèles de douleur chronique. Parfois un douloureux chronique sedit moins gêné par l’intensité de sa douleur que par son caractèrecontinu, quotidien depuis de nombreuses années.

◗ Mesure d’intensité et de soulagement

L’EVA, l’EVS et l’EN peuvent être utilisées pour mesurer l’intensité de ladouleur mais aussi pour mesurer l’ampleur du soulagement. Lorsqu’ilévalue son soulagement, le patient doit faire référence à une douleurantérieure,ce qui peut introduire un biais dû à la mémoire de la douleurinitiale. Mais nous ne savons pas en fait si ce biais conduit à surestimerou à sous-estimer la douleur.

Les échelles d’intensité permettent très rapidement de s’assurer que lesgroupes testés sont homogènes à l’inclusion, ce qui n’est pas le cas deséchelles de soulagement.En effet, il faut savoir que la description en cri-tère principal des différences d’intensité douloureuse peut masquer unehétérogénéité initiale, ce qui est un facteur de biais.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 50

Page 52: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

51

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Pour mesurer le critère principal de la douleur, il est préférable d’avoirrecours à l’EVA. Une EVS ou une échelle numérique de soulagementpeuvent être utilisées pour mesurer le critère secondaire.

Dans les études sur la douleur chronique, il faut associer l’analyse de laperception de la douleur à celles des capacités fonctionnelles et de laqualité de vie.

◗ Refléter la dynamique de l’effet

La dynamique de l’effet est d’autant plus simple à dégager que les étudesportent sur un temps court. Des indices tels que SPID (Sum of PainIntensity Differences) ou TOTPAR (Total Pain Relief) nous aident à résu-mer cette dynamique.

◗ Critère de succès

Souvent, nous sommes amenés à choisir un critère de succès en com-plément d’un critère sensible mais insuffisamment descriptif. En 1957,Beecher a introduit un critère très significatif sur le plan clinique endemandant aux patients s’ils se sentaient, ou non, soulagés de 50 %.Mc Quay a repris cet indice dans ses méta-analyses.Un critère comparable a été défini pour les migraines : la disparitionde la douleur à deux heures. Ce type de critère est très parlant pourle praticien. Il est aussi exigeant, ce qui a conduit à le modifier enadmettant une douleur absente et/ou faible au bout de deux heures.

◗ La nécessité d’une évaluation globale

En fin d’essai, il est intéressant de conduire une évaluation globaleintégrant les paramètres d’efficacité du traitement ainsi que les effetsindésirables. L’une des échelles globales couramment utilisées estl’échelle CGI (Clinical Global Impression).Les descriptions synthétiques de l’effet d’une substance qui permettentde résumer,avec un seul marqueur,l’ensemble des résultats d’une étudesur six heures (SPID,TOTPAR) sont très intéressantes, notamment pourréaliser des comparaisons.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 51

Page 53: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

52

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

◗ La dimension sensorielle et la dimension affective

Les équipes de Price et Gracely ont travaillé sur la discrimination de ladimension sensorielle et de la dimension affective. Dans cette perspec-tive, ils ont demandé aux patients d’évaluer sur des échelles (EVA ouEVS),l’intensité de leur sensation,d’une part,et le caractère désagréablede la sensation, d’autre part. Avant de conduire une telle étude, il estimportant d’expliquer au patient que, comme en musique, l’intensiténe présente pas nécessairement de lien avec son caractère agréable oudésagréable. En situation clinique, il semble que le questionnaire deMc Gill soit le plus approprié pour opérer une distinction entre ladimension sensorielle et la dimension affective de la douleur. Certainsrésultats observés avec le fentanyl sont intéressants. Ils montrent unediminution de l’intensité de la douleur mais pas son caractère désa-gréable. Cette absence d’effet observé sur la composante affectives’explique peut-être par les effets secondaires associés dans cetteétude (nausées notamment).

� LES QUESTIONNAIRES DE VOCABULAIRE

La littérature considère que le questionnaire de Mc Gill est validé.Toutefois, ce questionnaire relativement long puisqu’il comporte 82 items, gagnerait à faire l’objet d’une simplification et d’une révisionde sa structure factorielle.

À notre avis, le questionnaire de Mc Gill présente deux potentialitésirremplaçables : premièrement, il permet d’isoler la description neuro-gène de la douleur ; deuxièmement, il permet d’évaluer la dimensionaffective de la douleur, qui est différente de la dimension anxieuse oudépressive.

Les malades désignés comme non-communicants sont principale-ment les jeunes enfants et les personnes âgées pour lesquelles deséchelles d’évaluation sont en cours de validation. Ils ne peuvent pas,bien entendu, être évalués par ce type d’instruments, ni par leséchelles globales (EVA, EVS, EN).

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 52

Page 54: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

53

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

� RETENTISSEMENT ET QUALITÉ DE VIE

Pour les cliniciens, il est important de pouvoir s’appuyer sur des outilsvalides permettant de décrire la symptomatologie douloureuse chro-nique.De nombreux questionnaires existent. Il paraît important de citerle questionnaire MPI (Multidimensional Pain Inventory) qui existe enplusieurs langues. La première partie de ce questionnaire comporte28 items et 5 sous-échelles permettant d’analyser l’intensité de la dou-leur, l’interférence, le niveau de contrôle de la personne sur son état, ladétresse affective et le retentissement sur l’environnement. Bien que le MPI soit plutôt destiné à un travail exploratoire sur la douleur, il présente une valeur descriptive intéressante.

La qualité de vie s’évalue au travers de la perception du patient de sonétat de santé dans quatre domaines : le fonctionnement physique, l’étatpsychologique, les interactions sociales et les sensations physiques.Aujourd’hui, il apparaît clairement que l’évaluation de la douleur chro-nique doit prendre en compte ce concept pluridimensionnel.

Douleur DouleurTravailLoisirsÉmotion Émotion ÉmotionAffect Santé mentaleVie à la maisonSommeil SommeilReposAlimentationDéambulation Prob. physiquesMobilité Mobilité physique Fonct. physiqueCommunicationInteraction sociale Isolement social Fonct. socialÉnergie Énergie

Santé en général

SIP (136 items) NHP (36 items) SF-36 (36 items)

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 53

Page 55: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

54

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Pour évaluer la qualité de vie, nous avons à notre disposition deséchelles génériques, c’est-à-dire des échelles utilisables pour toutes lescatégories de patients, et des échelles spécifiques, c’est-à-dire deséchelles adaptées à une population donnée (par exemple, les maladessouffrant de lombalgies).Les questionnaires les plus utilisés pour évaluer la qualité de vie sont leSIP (Sickness Impact Profile) qui comporte 136 items, ce qui requiertune forte adhésion de la part des patients, le NHP (Nottingham HealthProfile) et le SF 36 qui comportent tous deux 36 items (voir tableaupage 53). Mais, quel que soit le questionnaire utilisé, l’essentiel pour lepraticien est surtout de savoir définir les dimensions de la douleur qu’ilcherche à évaluer.

� CONCLUSION

Les essais cliniques exigent qualité et rigueur dans leur mise en œuvre.Si nous voulons parvenir à faire évoluer les conceptions dans ledomaine de la douleur, il nous faut adopter les mêmes exigences.Cecilaisse une place limitée aux rapports anecdotiques sur quelques cas.Il est sans doute déterminant que les experts motivés qui travaillentsur la douleur puissent échanger leur savoir-faire dans un grouped’intérêt qu’il est important de mettre en place.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 54

Page 56: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

55

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Évaluation de la douleur clinique chez l’enfant

Annie Gauvain-Piquard

� LA NOTION DE CONSTRUIT

◗ Définition

En France, les recherches sur la douleur ne se sont pas suffisammentplacées dans le registre des variables subjectives. Pourtant, cesvariables ont fait l’objet de recherches importantes, notamment dansles années cinquante et soixante.En particulier, l’American PsychologyAssociation a édité des recommandations sur la validation des échellesqui sont malheureusement peu connues en France. Ces recomman-dations reposent essentiellement sur la notion de construit (d’après leterme anglais “construct”), une notion couramment utilisée dans lalittérature américaine relevant de la psychométrie.

Lorsque l’on observe de fortes corrélations entre des données, on peutémettre l’hypothèse qu’elles correspondent à un seul phénomène quel’on appellera le construit. Par définition, la douleur est un construitpuisqu’elle correspond à des phénomènes divers observés en cliniquequi peuvent être regroupés sous cette notion. Il faut bien prendreconscience que c’est initialement une théorie (aujourd’hui confortéepar la physio-pathologie) qui a amené à supposer que des phénomènesqui affectent des parties du corps humain aussi différentes que lacolonne vertébrale ou une dent relevaient d’une même notion.

Pour relier les phénomènes observés au construit lui-même, les clini-ciens établissent des mesures qui jouent le rôle d’intermédiaires entrela théorie formulée et les observations. Il faut, d’une part, vérifier queles mesures mises en œuvre sont fiables, et, d’autre part, s’assurer quel’objet des mesures correspond véritablement à un construit.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 55

Page 57: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

56

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

◗ La validation

La validation du construit

Pour valider un construit, il faut respecter les étapes suivantes :

• spécifier le domaine des observables : il s’agit de dresser la liste desvariables utilisables pour évaluer le construit.

•évaluer la cohérence interne des observations : il s’agit d’étudier ledegré de corrélation entre les différents outils disponibles. Celapermet de déterminer si le construit sur lequel repose la théorie estindivisible ou s’il doit, au contraire, être subdivisé en plusieursconstruits. La douleur chez l’adulte peut être scindée en au moinsdeux sous-construits : l’auto-évaluation et l’évaluation comportemen-tale. En effet, on obtient de très fortes corrélations entre les différentsoutils qui permettent d’auto-évaluer la douleur chez l’adulte, mais, enrevanche, la corrélation entre l’auto-évaluation et l’évaluationcomportementale est relativement faible (1).

La validation des échelles

La validation d’une échelle ne consiste pas à énumérer un certainnombre de qualités mais à respecter un processus.Tout d’abord, il fauts’assurer de la validité de contenu, ce qui suppose de vérifier que l’onn’a pas omis certaines composantes.Ensuite, il convient de savoir si l’onse trouve ou non dans une situation où il existe un “Gold Standard”.Lorsque c’est le cas, comme pour le construit de la douleur chezl’adulte,on peut se contenter d’utiliser l’échelle à valider conjointementau “Gold Standard”(ici l’EVA). Lorsque ce n’est pas le cas, comme pourle construit de la douleur chez l’enfant, il est nécessaire de vérifier quece que l’on évalue correspond bien à la théorie qui sous-tend lesrecherches (validité du construit). Par exemple, on peut émettre l’hy-pothèse qu’un enfant opéré pour une hernie inguinale n’aura pas malle jour de l’hospitalisation, aura mal après l’intervention et que cettedouleur ira en décroissant. Si l’échelle à valider fournit des donnéesconfirmant l’hypothèse, un argument de validité de construit estapporté.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 56

Page 58: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

� L’AUTO-ÉVALUATION DE LA DOULEUR

◗ L’Échelle Visuelle Analogique

L’EVA reste l’outil standard de l’auto-évaluation de la douleur chez l’en-fant de plus de six ans. En pédiatrie, cet outil est utilisé de manièreverticale car le jeune enfant possède un sens de la verticalité déve-loppé. Le sens de l’horizontalité viendra plus tard, avec la maîtrise del’écriture. L’expérience montre que la forme de l’EVA ne joue pas unrôle fondamental.En effet,des études qui se sont fondées sur plusieursformes d’EVA présentent de très forts taux de corrélations (2). Parconséquent, il ne semble pas nécessaire de poursuivre les recherchessur l’adaptation des EVA à l’enfant. L’essentiel est de savoir développerune échelle d’évaluation adaptée à l’enfant sur un plan cognitif etd’éviter un certain nombre d'erreurs. Nous savons notamment que lesgradients de couleur (du bleu au rouge) peuvent fausser les résultats.C’est,par exemple, le cas si les petites filles choisissent la couleur rosetout simplement parce qu’elles aiment intrinsèquement cettecouleur.

Une étude, financée notamment par l’Institut Upsa de la Douleur,a permis de tester un outil dérivé des échelles analogiques : l’algocube.Nous savons d’ores et déjà que cet outil présente, au-delà de six ans,untrès fort taux de corrélation avec les autres outils d’auto-évaluation dela douleur.

◗ Les outils basés sur l’expression faciale de la douleur

L’expression faciale universelle de la douleur

Ces outils reposent sur le principe que l’on peut décrire chez l’êtrehumain une expression faciale universelle de la douleur se caractérisantnotamment par l’accentuation du sillon naso-labial et par le froncementdes sourcils. Reste alors à savoir si le jeune enfant est en mesure d’iden-tifier un niveau de douleur à partir d’expressions faciales.Nous savons que dès l’âge de trois mois un nouveau-né dispose d’unecertaine aptitude à distinguer plusieurs expressions faciales. Enrevanche, nous ne savons pas à partir de quel âge l’enfant est apte àreconnaître l’expression faciale de la douleur. En outre, chez l’adulte,

57

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 57

Page 59: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

58

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

cette aptitude est assez inconstante et hétérogène. Par ailleurs, il estconnu qu’un enfant de moins de cinq ans n’est pas capable d’effectuerun choix parmi plus de cinq options.

Les visages dessinés

Par le passé, nous avons observé une très mauvaise corrélation entrecertains outils d’expression faciale de la douleur et les EVA. Mais il fautpréciser que ces outils présentaient des défauts majeurs.Premièrement,ils associaient l’absence de douleur à un visage souriant en se basant surune théorie psychologique inexacte supposant que la douleur s’oppo-sait au plaisir. Or, des études postérieures ont montré que l’être humainn’associe pas l’absence de douleur à un visage qui sourit mais plutôt àun visage neutre. Deuxièmement, ces outils commettaient l’erreurd’associer la douleur intense aux larmes,ce qui peut entraîner un biaisdans les réponses des petits garçons à qui l’on défend de pleurer sousprétexte qu’ils sont des hommes. Si l’on décidait de travailler sérieuse-ment sur des échelles de visages dessinés, il serait préférable de conce-voir de nouveaux outils sur la base des connaissances dont nousdisposons désormais.

Les visages photographiés

Des infirmières ont développé une échelle de visages photographiés,connue sous le nom d’échelle Oucher. La première photographie estcelle d’un visage neutre et les suivantes font apparaître de manièreprogressive l’expression faciale de la douleur. Une nouvelle version del’échelle Oucher, actuellement en cours d’élaboration, a été présentéelors du congrès sur la douleur de l’enfant qui s’est tenu en l’an 2000 auRoyaume-Uni. Précisons que l’échelle Oucher présente une bonnevalidité ainsi qu’une très forte corrélation avec l’EVA. Notons aussique cette échelle a été adaptée à différentes populations ethniques.

◗ Autres outils

Pour l’instant, les échelles verbales n’ont pas été étudiées chez l’enfantet nous sommes d’ailleurs incapables de savoir à partir de quel âge ellespourront être utilisées.En tout état de cause,il n’existe aucun consensussur l’idée que peut se faire un enfant d’une douleur faible, modérée ou

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 58

Page 60: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

59

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

intense. En revanche, la localisation de la douleur sur un schémaprésente une fiabilité assez bonne chez l’enfant.

◗ Corrélations

Il existe, dans la littérature, au moins 48 comparaisons entre deux auto-évaluations qui font apparaître une corrélation systématiquement supé-rieure à 0,60 dans les études d’auto-évaluation de la douleur chez lesenfants de plus de six ans. Pour cette population, nous disposons doncd’un construit d’auto-évaluation solide et homogène.

◗ L’influence de l’âge

Les études d’auto-évaluation réalisées chez les enfants de plus de 6 ansont permis de constater que les 6/11 ans et les 12/17 ans n’évaluaientpas leur douleur de la même manière. Une étude sur la douleur liée à lapolyarthrite juvénile a ainsi montré que le groupe le plus jeune donnaitdes scores plus étalés que les plus âgés et que son score moyen était plusbas. Pour expliquer ce phénomène, qui a été observé pour plusieurspathologies chroniques, nous avons avancé l’hypothèse que les jeunesenfants avaient des difficultés à exprimer une plainte vis-à-vis de dou-leurs permanentes ou chroniques d’origine interne et à se situer par rap-port à la normalité. En fait, pour un enfant de six à huit ans qui souffreen permanence,la normalité ne correspond probablement plus à un étatsans douleur. En revanche, le phénomène inverse se produit pour lesdouleurs aiguës qui seront évaluées avec des scores plus élevés par legroupe des 6/11 ans que par le groupe des 12/17 ans. Une étude (quidemande encore à être confirmée) a indiqué que cet écart se manifes-tait principalement dans la composante sensorielle de la douleur.

� L’HÉTÉRO-ÉVALUATION

Actuellement, environ neuf échelles permettent de procéder à unehétéro-évaluation de la douleur chez l’enfant et huit échelles permettentde procéder à une hétéro-évaluation de la douleur chez le nouveau-né etle prématuré. Elles reposent sur :

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 59

Page 61: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

60

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

◗ Les réactions à la douleur

Un consensus s’est établi sur le fait que la douleur provoque deux typesde réactions :•une réaction immédiate : elle est à la fois comportementale (agita-tion/cris) et physiologique (stress).•une réaction d’adaptation et d’évitement :cette réaction conduit à despositions antalgiques de plus en plus nettes et à une inertie psycho-motrice. Concrètement, elle pousse l’enfant à devenir immobile.

◗ Les comportements

Trois grandes catégories de comportements ont été recensées :• les comportements émotionnels : les chercheurs américains les décri-vent comme une réaction à la douleur aiguë, à laquelle s’associent desphénomènes physiologiques tels que tachycardie ou élévation de la ten-sion artérielle. L’accent est aujourd’hui porté sur l’expression faciale dela douleur aiguë, d’autant plus que nous disposons d’un corpus de don-nées nous permettant de nous assurer de la validité de cet outil.L’accentuation du sillon naso-labial et du froncement des sourcils sontdésormais considérés comme des signes flagrants de l’expression de ladouleur chez l’enfant comme chez le nouveau-né.• l’adaptation défensive du corps : cette adaptation, qui se traduit pardes positions antalgiques et des contractures, apparaît en phase dedouleur aiguë et se poursuit en cas de douleur prolongée.• l’inertie psychomotrice :elle apparaît en quelques heures et conduit autableau d’un enfant immobile et indifférent, dont les activités de basesont perturbées (boire, manger, jouer, dormir…).

◗ Les échelles comportementales

Aujourd’hui, nous nous retrouvons face à une pléthore d’outils, ce quipeut entraîner une certaine confusion.Le moment est venu de prendredu recul et de revoir la question du construit du comportement face à la douleur. Pour l’instant, les corrélations entre les différents outilsd’hétéro-évaluation restent très mauvaises.Une revue de la littérature a fait apparaître seulement cinq corrélationsentre les outils d’hétéro-évaluation et les outils d’auto-évaluation utilisésen hétéro-évaluation. Pour les parents, ces corrélations sont toutes

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 60

Page 62: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

61

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

inférieures à 0,5. Pour les trois corrélations observées lorsque l’outil estutilisé par une infirmière, les corrélations sont meilleures puisqu’ellessont supérieures à 0,75. Par ailleurs, l’étude de la corrélation entre unoutil utilisé par un parent et un outil utilisé par une infirmière faitapparaître une grande dispersion de score (5 données).

Contrairement à ce que certains espéraient, l’hétéro-évaluation par lesparents ne résout pas le problème de l’évaluation de la douleur chezl’enfant.

� L’ABSENCE DE VÉRITABLES CORRÉLATIONS ENTRE AUTO ET HÉTÉRO-ÉVALUATION

Lorsque l’on étudie la corrélation entre les outils d’auto-évaluationutilisés en auto-évaluation par les enfants et en hétéro-évaluation par lesparents (9 comparaisons), les corrélations sont faibles (6 sont inférieuresà 0,60) et présentent une grande dispersion. Lorsque cette corrélationest pratiquée avec des infirmières (11 corrélations), la corrélation n’estpas non plus satisfaisante (9 sont inférieures à 0,60). Les corrélationsentre l’hétéro-évaluation par un adulte et l’auto-évaluation par un enfantsur le même outil sont meilleures pour les enfants de plus de huit ou dix ans.

La revue de la littérature fait apparaître 22 corrélations entre les outilsd’auto-évaluation et les échelles de comportement dont 14 sont infé-rieures à 0,60. Jusqu’à présent, nous n’avons pas été en mesure detrouver par quelles lois ces corrélations étaient régies.Précisons que surles 22 corrélations recensées dans la littérature,18 portent sur la douleuraiguë et seulement 3 sur la douleur chronique. Sur quatre études utili-sant l’échelle Chéops en post-opératoire, seule une peut se prévaloird’une bonne corrélation avec les outils d’auto-évaluation.De manière générale, il semble que nous progressons peu dans l’évaluation des plus jeunes.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 61

Page 63: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

62

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

� CONCLUSION

Les échelles existantes sont satisfaisantes en termes psychométriques.En revanche, des progrès doivent être réalisés sur la validation duconstruit.Ils devraient nous permettre de mieux comprendre ce que ceséchelles évaluent véritablement. Précisons que si ces études ont étélargement développées au Royaume-Uni et aux États-Unis, cela n’a pasencore été le cas en France.Pour évaluer la validité du construit, plusieurs types d’études sont possibles :• l’étude de la structure factorielle ;• l’étude de la validité de trait grâce à des échelles permettant d’évaluerdes phénomènes connexes comme le stress ou l’anxiété. Il faudra alorsémettre des hypothèses sur le degré de corrélation entre la douleur et lestress ou entre la douleur et l’anxiété ;• la validité nomologique dont l’évaluation repose notamment sur ledesign des groupes extrêmes.Ce design consiste à séparer deux groupesde patients très distincts sur la base d’un critère extérieur à la douleuren prenant l’hypothèse qu’un groupe ressent une douleur quasiinexistante alors que l’autre ressent une douleur importante. Parexemple, une étude française a porté sur l’évaluation de la douleurprolongée chez cent nouveau-nés en maternité (3). Sur la base du dossierobstétrical, ces nouveau-nés ont été classés en deux catégories : lesnouveau-nés qui avaient eu une naissance facile et les nouveau-nés quiavaient eu une naissance plus difficile.Cette étude a permis de montrerque les scores de douleur étaient beaucoup plus bas pour les bébés quiavaient bénéficié d’une naissance facile. L’essai thérapeutique donneégalement des arguments de validité nomologique qui méritent d’êtreétudiés pour évaluer la validité de construit.De manière générale, il faut savoir faire preuve de créativité pouravancer dans l’évaluation de la douleur chez l’enfant.

Bibliographie1. Jensen M.P. :Validity of self-report and observation measures - In : proceedings of the

8th world congress on pain, progress in pain research and management vol 8, Ed :T.S. Jensen, J.A Turner, IASP Press, 1997.

2. Mc Grath : a new analogue scale fot assessing children’s pain : an initial validation study- Pain 64 (1996) 435-443.

3. Lassauge F., Gauvain-Piquard A., Paris I : validité de construit de l’Échelle de Douleur etd’Inconfort du Nouveau-né (EDIN) - Douleur et analgésie, 1998, 4, 173-177.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 62

Page 64: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

63

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Le soulagement : indice de la douleur ou de la qualité de la vie ?

Jocelyne Feine

Pour évaluer le succès d’un traitement donné, il faut d’abord savoir quelest l’objectif visé. Pour la douleur, il convient de distinguer entre patho-logie aiguë et pathologie chronique. Dans le premier cas, il est possiblede soulager la douleur rapidement tandis que dans le deuxième, lenombre de thérapeutiques envisageables est plus large. Le soulagementde la douleur aiguë peut être mesuré selon des rapports sur ladouleur ou des rapports sur le soulagement. Il peut également êtreestimé en fonction de la réponse du malade à une stimulation ou à unmédicament.Les mêmes indices peuvent être utilisés lorsqu’il s’agit dedouleur chronique, mais il faut y ajouter la capacité d’accomplir destâches de la vie quotidienne, le désir de recevoir des soins supplé-mentaires et la qualité de vie.

� COMMENT MESURER LA DOULEUR ?

L’évaluation du soulagement suppose que le malade se souvienne préci-sément de la douleur avant la mise en place du traitement et puisse lacomparer à celle après le traitement. Nous proposons l’équationsuivante : soulagement perçu = douleur avant traitement – douleuractuelle. Ne disposant pas de données sur la douleur aiguë, nous noussommes appuyés sur les études de McQuay et al.Le rapport négatif entrele changement chez le patient et l’indice de soulagement indique quecette équation peut s’appliquer à la douleur aiguë (voir figure p 64).Quant au soulagement de la douleur chronique, nous avons mené uneétude pour connaître l’efficacité d’un appareil dentaire type gouttièresur la douleur myofasciale des muscles manducateurs. Le groupe expé-rimental a porté l’appareil 24 heures par jour. Le premier Groupe decontrôle a porté un appareil placebo 24 heures par jour tandis que ledeuxième Groupe de contrôle n’a porté l’appareil placebo que lors des

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 63

Page 65: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

64

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

visites. Parallèlement à l’évaluation de la douleur, nous nous sommesintéressés à la mémoire de la douleur chez les malades ainsi qu’à leurperception du soulagement. L'intensité de la douleur et l'inconfort ontdiminué avec le temps pour chacun des trois groupes.Néanmoins, il n'ya pas eu de différences entre eux.Malgré tout, le groupe qui portait l'ap-pareil pendant les visites a présenté significativement moins de soulage-ment que les deux autres groupes,qui portaient l'appareil 24 heures sur24.De plus, tous les patients ont rapporté un soulagement,même quandla douleur a augmenté.Le soulagement perçu est donc significativementplus élevé que le soulagement réel. Ceci suggère que d'autres facteurspeuvent influencer la cotation des patients vis-à-vis du soulagementqu'ils perçoivent après traitement.Nous avons donc conclu que l’équation proposée n’était pas valable etavons décidé d’étudier de plus près la mémoire des patients. D’autresétudes s’étaient déjà intéressées à ce sujet et avaient abouti à la conclu-sion suivante : les patients ne conservent pas un souvenir précis de leurdouleur. Nous avons pu constater également que les malades dont ladouleur était moins intense (moins de 50 millimètres sur une échellevisuelle analogique de 100 millimètres) avaient tendance à exagérer ladouleur initiale. À l’inverse, les patients dont la douleur était plus forteavaient tendance à en diminuer l’intensité rétrospectivement. Leserreurs de mémoire augmentent donc avec le temps.

0

100

100 200 300

200So

mm

e d

e la

dif

fére

nce

d

e l’i

nte

nsi

té d

e la

do

ule

ur

(VA

S-SP

ID)

Soulagement total (VAS-TOTPAR)

D’après McQuay et al, 1985, 1987, 1990

Évaluation du soulagement dans la douleur aiguë

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 64

Page 66: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

65

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

En utilisant l’ensemble des variables définies, nous avons tenté de créerun modèle pour l’évaluation du soulagement. Le temps écoulé, lesouvenir de la douleur, la douleur actuelle et les différents traitementsont fortement influé sur les indices finaux. Seul le soulagement réeln’a pas joué un rôle important. La perception du soulagement estparticulièrement peu fiable comme indice de changement de ladouleur puisqu’elle est quasiment imprévisible.McQuay affirme que les indices de soulagement sont plus sensibles auxtraitements que les indices d’intensité de la douleur, mais il n’expliquemalheureusement pas son raisonnement. Nos études ayant démontréque les indices de soulagement ne sont pas une représentation juste duchangement opéré, nous étions perplexes et avons décidé de nousréférer à McQuay une fois de plus. Il indique à ce sujet que « le soulage-ment renferme peut-être des éléments annexes que n’inclut pas lanotion d’intensité.En effet, tout effet secondaire,comme la nausée,peutêtre pris en compte par le malade ».

� LA QUALITÉ DE VIE

Notre hypothèse est la suivante : l’indice de soulagement de la douleurchronique présente une corrélation positive et significative avec l’indicede qualité de vie.La qualité de vie en matière de santé renferme l’effet d’une pathologieet de la thérapeutique sur le patient,tel qu’il est perçu par ce patient.Lesétudes sur la qualité de vie portent sur quatre grands domaines : lamobilité physique, l’état émotionnel, l’interaction sociale et la sensationsomatique et viscérale.La qualité de vie sera d’autant plus importante au XXIe siècle que lagrande majorité des maladies seront chroniques et de longue durée. Lamédecine propose peu de solutions à ces problèmes.Les malades,quantà eux, souhaitent savoir comment leur maladie et le traitement proposéles affecteront dans leur vie quotidienne.La biochimie les intéresse peu.Si un nouveau traitement pouvait garantir une meilleure qualité de vie,il serait préféré aux traitements existants.En 1990, Fries et Spitz avaient déjà émis cette idée, indiquant que leprincipe de l’évaluation du traitement représente un changement dementalité implicite : au lieu de se baser sur les données médicales, ilprivilégie les éléments qui préoccupent les patients eux-mêmes.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 65

Page 67: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

66

ÉVALU

ATI

ON

DE

LA D

OULE

UR

Il existe aujourd’hui plusieurs outils de mesure pour la qualité de vie,quisont soit génériques, soit spécifiques. Parmi les premiers, citons leNottingham Health Profile (Hunt et al, 1981) et le Sickness ImpactProfile (Bergner et al, 1981). Les outils spécifiques comprennent parexemple l’EORTC QLQ-C30 (Aaronson et al, 1993),The Arthritis ImpactMeasurement Scale (Meenan, 1984), l’Inflammatory Bowel DiseaseQuestionnaire (Guyatt et al, 1989) et le Chronic Heart FailureQuestionnaire (Guyatt et al, 1989).Ceux portant sur des maladies spécifiques sont plus précis danscertaines situations mais ne permettent pas de comparer les effets demaladies différentes, comme le font les outils génériques. Cesinformations peuvent être très utiles pour les décideurs politiques quidoivent répartir les fonds publics entre des pathologies différentes.L’outil EORTC QLQ-C30 (European Organisation for Research onTreatment of Cancer) fait relativement exception puisqu’il comparedifférents types de cancer. Les outils spécifiques peuvent égalementindiquer quels aspects de la qualité de vie sont altérés par la maladie oupar le traitement. Une étude sur les douleurs dorsales a par exemplerévélé que la qualité de vie dépend essentiellement de la qualité dumatelas du malade. Enfin, ces outils peuvent mettre en évidence lesdivergences entre les différentes expériences des malades.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 66

Page 68: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

67

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

4. ESSAIS CLINIQUES DES ANTALGIQUES

Place de la pharmacocinétiquedans les essais cliniques des antalgiques

Jules Desmeules

� INTRODUCTION

L’objet principal de la pharmacocinétique dans les essais cliniques desantalgiques est d’évaluer la relation dose/effet dans l’optique deproposer un régime thérapeutique optimal. La pharmacocinétiquepermet de rationaliser le développement clinique des analgésiques. Lesinstances réglementaires exigent l’étude d’un certain nombre de para-mètres pharmacocinétiques pour toutes les molécules : paramètres liésà l’absorption, au métabolisme, à la distribution et à l’élimination.

Dans les études pharmacocinétiques en phase I, on recherche uneconcentration maximale, le temps maximal où cette concentration estatteinte et une chronologie qui permettra de prédire celle des événe-ments analgésiques. Ces études portent sur les paramètres suivants etleur évolution : le volume de distribution, qui permet de déterminer ladose de charge, la clairance, qui permet de savoir à quelle fréquence ilfaut administrer les doses, la linéarité de l’élimination, en fonction dela dose prévue en administration clinique et la biodisponibilité, enfonction de la voie d’administration qui correspond à la fraction de ladose administrée parvenant dans le volume sanguin.En phase II, les études pharmacocinétiques viseront à mettre enévidence une relation entre la concentration et l’action, d’une part,et entre la concentration et les effets indésirables du médicament,d’autre part.Actuellement, pour les études de phase III, nous avons de plus en plusrecours à la pharmacocinétique dite de population afin d’étudier desvariables comme l’âge ou le sexe, l’insuffisance rénale ou hépatique.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 67

Page 69: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

Cmax - Tmax - Volume de distribution - ClairanceLinéarité de l'élimination en fonction de la doseBiodisponibilité et modifications des paramètres PK selon le mode d'application projeté

Relation concentration - effet/effets secondaires

Pharmacocinétique de populationÉvaluation du rôle des co-variables sur la PK(âge - sexe - fonctions rénale et hépatique)

68

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

� L’IMPORTANCE DE LA PHARMACOCINÉTIQUEDANS LE DÉVELOPPEMENT DES ANALGÉSIQUES

◗ L’exemple du tramadol : utilisation chez les populations à risques

Cet exemple est destiné à souligner l’importance des études de pharma-cocinétique pour les populations à risque.Le tramadol est considéré comme un analgésique de deuxième palierqui agit aussi bien sur le système mono-aminergique que sur le systèmeopioénergique.Sa biodisponibilité après administration orale est de 50 %à 60 % et il est éliminé par le foie et le rein.

Le rôle de l’âge, de l’insuffisance rénaleet de l’insuffisance hépatocellulaire

Une étude a comparé les effets de 100 milligrammes de tramadol parvoie orale dans deux groupes de volontaires sains : le premier regroupaitdes personnes de plus de 75 ans alors que le second regroupait desjeunes adultes. Elle a permis d’observer une augmentation très nette dela demi-vie du tramadol chez le sujet âgé liée à une diminution de sacapacité d’élimination. En clinique, il faut donc réduire les doses admi-nistrées aux patients âgés lors d’une administration répétée. Enrevanche, la concentration maximale obtenue après prise d’une doseunique est identique pour les deux groupes. Une étude portant sur la

Pharmacocinétique des antalgiques

Phase I

Phase II

Phase III

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 68

Page 70: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

69

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

pharmacocinétique du tramadol chez les patients souffrant d’une insuf-fisance rénale a permis d’aboutir à la même conclusion que pour lespatients âgés : il faut réduire la dose administrée en cas d’administrationrépétée.Une étude portant sur des patients atteints d’insuffisance hépato-cellulaire (patients cirrhotiques) a montré que la demi-vie du tramadol,ainsi que la concentration maximale après prise d’une dose unique,étaient augmentées chez ces patients. Par conséquent, il faut à la foisréduire la dose initiale et les doses répétées chez cette catégorie depatients.

En résumé, il faut ajuster la posologie du tramadol chez les patients deplus de 75 ans et lorsque la clairance est inférieure à 50 ml/mn. Enoutre, il convient de diminuer la posologie initiale en cas d’insuffisancehépatocellulaire et réduire la dose d’entretien.

Limites de ces études pharmacocinétiques liéesà l’étude de la substance mère - Les métabolites actifs

Le tramadol est transformé au niveau hépatique en différents méta-bolites actifs. Si le degré d’affinité du tramadol pour les récepteursopioïdes est très faible, celui des métabolites actifs est beaucoup plusimportant. Or, à ce jour, nous ne connaissons pas l’évolution pharmaco-cinétique de ce type de métabolite dans les conditions pathologiques(insuffisance rénale, insuffisance hépatique). En outre, après une priseunique, la demi-vie d’un métabolite actif du tramadol est deux fois pluslongue que celle de la substance mère.Compte tenu de ces résultats,onpeut s’attendre à ce qu’une administration répétée de tramadol soitresponsable d’une accumulation du métabolite actif et d’une augmen-tation de l’effet opioïde global.

◗ L’exemple du fentanyl : les problèmes de distributionet les conséquences sur la durée d’action

La plupart des analgésiques n’agissent pas sur le compartiment plasma-tique mais sur le système nerveux central.La pharmacocinétique des molécules très lipophiles comme le fentanylest mieux modélisée par des modèles pluricompartimentaux. Le degréd’élimination de ces molécules varie selon que l’on administre une

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 69

Page 71: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

Variabilité pharmacocinétique en fonctionde la durée d’administration

70

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

dose unique ou une dose répétée.En effet, la modélisation pharmaco-cinétique a très clairement montré que la demi-vie du fentanylaugmente en fonction de la durée de perfusion.Chez un groupe de dix patients cancéreux, il a été montré que la demi-vie apparente du fentanyl après une application transdermique s’élevaità quelques jours,contre une à trois heures après une dose unique.Cetteaugmentation très significative de la demi-vie apparente est responsablede l’augmentation de la durée des effets.Ainsi, on peut s’attendre à desmodifications pharmacocinétiques considérables selon le mode d’admi-nistration (dose unique,répétée) en particulier pour les analgésiques quipossèdent un grand volume de distribution.

◗ L’exemple du paracétamol : l’importance des modèlespharmacocinétiques et pharmacodynamiques dans le développement des analgésiques

Une étude réalisée en 1988 par Carisson montre très clairement que leparacétamol agit au sein même du système nerveux central.Une relationdose/effet a pu être démontrée après l’administration de 5, 10 et 25 mgpar kg chez l’animal.

1

300

250

200

150

100

0

50

2 3 4 5 6 7 8 9

Co

nte

xt-

Sen

siti

ve H

alf

-Tim

e(m

inu

tes)

Infusion duration (hours)

Fentanyl

Thiopental

Midazolam

AlfentanilSufentanilPropofol

D’après Hughes et al, Anesthesiology, 1992 : 76, 334

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 70

Page 72: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

71

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

Nous avons utilisé le modèle du réflexe RIII afin de montrer l’effetcentral du paracétamol chez l’être humain.Ce modèle donne la possibi-lité de contourner les récepteurs périphériques et permet d’évaluerl’effet central des analgésiques.Dans le modèle RIII, nous avons utilisé comme comparateur l’aspirine,dont le coefficient de partage est très bas, et qui traverse mal la barrièrehémato-encéphalique. Nous pensons que cette substance n’a pasd’action sur le système nerveux central, contrairement au paracé-tamol qui traverse bien la barrière hémato-encéphalique.

Une étude contre placebo réalisée en double-aveugle chez des volon-taires sains a montré que l’effet analgésique du paracétamol se distinguetrès nettement du placebo et de l’aspirine. Cet effet analgésique atteintson maximum deux heures après l’administration intraveineuse.L’analyse pharmacocinétique/pharmacodynamique fait apparaître unehystérèse qui reflète le temps nécessaire au paracétamol pour atteindreson organe cible : le système nerveux central.

Une étude pharmacocinétique de population réalisée par Bannwarthportant sur des sujets qui ont reçu du paracétamol par voie intra-veineuse confirme que le pic de concentration de cette substance dansle LCR est atteint entre deux et trois heures après l’administration.Nous avons modélisé la vitesse d’absorption du paracétamol dans lesystème nerveux central et les concentrations obtenues dans le plasmapour une administration d’un gramme de paracétamol toutes les6 heures, en les comparant à une administration de 4 grammes enperfusion continue pendant 24 heures.Cette comparaison montre quela distribution joue un rôle important. En effet, on obtient des concen-trations beaucoup plus élevées dans le système nerveux central enayant recours à une administration répétée que par une administrationcontinue.

Une étude contre placebo réalisée en double aveugle chez des volon-taires sains a confirmé l’impact de la vitesse de perfusion sur l’effetanalgésique du paracétamol. Il est apparu que si les doses répétéesprésentent un effet analgésique chez le volontaire sain, ce n’est pas lecas de la perfusion continue. Cette étude montre, par exemple, que ledéveloppement d’une galénique retard n’aurait aucun sens en termesd’efficacité.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 71

Page 73: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

72

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

� CONCLUSION

La pharmacocinétique des antalgiques constitue une étape indispen-sable dans le développement de ces substances car elle permet d’ap-précier leur absorption, leur distribution, leur élimination dans lesconditions normales (chez l’enfant, l’adulte et la personne âgée) et dansles conditions pathologiques. La pharmacocinétique des antalgiquespermet également d’établir un lien entre la dose et la concentration etun lien entre la dose et l’effet dans l’optique de rationaliser les régimesde prescription.Les limites de la pharmacocinétique sont liées aux difficultés dedosage, à la présence d’énantiomères et de métabolites actifs quicompliquent sensiblement l’évaluation pharmacocinétique de médi-caments comme le tramadol, l’ibuprofène ou la morphine.Par ailleurs,on peut noter une grande variabilité des profils pharmacocinétiquesliée à la pharmacogénétique. Par exemple, il faut savoir que certainespopulations ne disposent pas des enzymes permettant d’activer l’effi-cacité analgésique de certains médicaments.La modélisation pharmacocinétique et pharmacodynamique desantalgiques autorise une description quantitative de la réponse à unmédicament, ce qui permet d’effectuer un certain nombre de simula-tions qui peuvent intervenir dans la stratégie de développement d’unanalgésique. Celles-ci devront bien évidemment être validées par desessais cliniques. Pour les spécialistes de la pharmacocinétique et de lapharmacodynamique, le principal enjeu sera d’utiliser un modèlevalide.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 72

Page 74: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

73

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

Le développement cliniquedes antalgiques

Hervé Ganry

� INTRODUCTION

Le développement clinique d’un médicament ne constitue qu’unepartie de la vie de ce médicament. Il peut cependant se prolongerpendant toute sa durée de vie.

Différents types de développement clinique peuvent être distingués :

• le développement d’une nouvelle molécule,qui peut à elle seule repré-senter une nouvelle classe thérapeutique ou appartenir à une classethérapeutique existante ;• l’extension d’indication à une autre pathologie ou une autre population ;• la mise à disposition d’une nouvelle formulation galénique ;• la mise à disposition d’une association ;• la mise en évidence de propriétés spécifiques telles que la durée d’action, le début d’activité, la définition de patients répondeurs…

� LE DÉVELOPPEMENT D’UNE NOUVELLE ENTITÉCHIMIQUE

Aujourd’hui, sur 100 000 nouvelles molécules synthétisées par lachimie, 1 000 font l’objet d’essais en pharmacologie animale, 50 à 100arrivent au stade de la phase I, 10 à 15 arrivent au stade de la phase IIIet 3 (dont 1 molécule innovante) sont mises sur le marché.

◗ La genèse d’un médicament

Elle comprend de nombreuses étapes.Tout d’abord, il faut définir uncahier des charges et synthétiser les molécules semblant correspondre

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 73

Page 75: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

à son contenu.Viennent ensuite les tests de pharmacologie et de pharma-cocinétique animales.Lorsque ces tests se révèlent concluants, le labo-ratoire peut passer à la formulation galénique qui est limitée par descontraintes physico-chimiques. Ces contraintes peuvent empêcher laréalisation de formes injectables, de solutions, de formes efferves-centes, etc.

◗ Les pré requis en toxicologie pour passerchez l’homme

Avant de passer chez l’homme, il faut conduire des essais de toxico-logie très spécifiques et procéder à des tests de mutagenèse.Récemment, des recommandations ont permis d’harmoniser les pré-requis de ces essais avant l’administration chez l’homme. Pour uneadministration en prise unique, les essais préalables de toxicologie por-tent sur deux espèces animales et durent entre deux et quatre semainesselon l’espèce concernée. Avant d’administrer pendant un mois unmédicament chez l’homme, la réglementation européenne exige troismois d’essais de toxicologie alors que les réglementations américaineset japonaises ne réclament qu’une durée d’un mois.

� LA PHASE I

La phase I correspond à la première administration d’une moléculechez l’homme, en l’occurrence un volontaire sain. L’objet de cettephase est de déterminer la dose maximale tolérée (DMT), d’obtenirun profil pharmacocinétique (ADME : absorption/distribution/méta-bolisme/élimination) et de rechercher, lorsque cela est possible, unerelation pharmacodynamique et pharmacocinétique. Les résultats desessais de la phase I permettent d’établir des comparaisons avec lesdonnées obtenues chez l’animal et de vérifier la pertinence de leurextrapolation à l’homme.

◗ La dose unique

Généralement, la dose de départ administrée à l’homme correspond à1/50e de la première dose pharmacologiquement active dans l’espèceanimale la plus sensible. La dose maximale doit être inférieure à la

74

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 74

Page 76: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

dernière dose sans effet qui a été obtenue pour l’espèce animale laplus sensible au cours des quatre semaines d’essais de toxicologie.

◗ La progression des doses

Ainsi,par mesure de sécurité,la première dose est très faible.Pour passerà la dose supérieure, deux conditions doivent être réunies : d’une part,tous les volontaires prévus doivent avoir reçu la dose précédente (saufsi des effets indésirables sont apparus et ont entraîné une interruptiondes administrations) ; d’autre part, toutes les données cliniques et para-cliniques de la dose précédente doivent avoir été analysées.À l’issue de la phase I, le laboratoire définit une dose maximale tolérée.Cette DMT dépend également du profil de tolérance souhaité par lelaboratoire. Par exemple, si le cahier des charges a prévu le développe-ment d’un opioïde non sédatif, la DMT peut être diminuée et ramenéeà la dose entraînant une sédation. Il faut également définir la dose maxi-male tolérée rapportée à l’exposition réelle.En effet,si la dose maximaletolérée est de 100 mg et que l’absorption de la molécule n’est que de70 %,l’exposition réelle n’est que de 70 mg.Ainsi,70 mg est la DMT envi-sageable pour une forme injectable.

◗ L’exploitation des résultats

La démarche classique consiste à déterminer deux doses :une dose pourlaquelle la molécule présente une efficacité antalgique chez 50 % despatients et une dose pour laquelle elle présente un effet indésirable chez50 % des patients. À partir de ces doses, le laboratoire est en mesure decalculer un ratio tolérance/efficacité qui doit être très élevé dans le casdes antalgiques.

� LA PHASE II

◗ Les contraintes liées aux essais de phase II

La sélection des patients

Les laboratoires qui développent des antalgiques s’intéressent à unepopulation cible la plus large possible. Cependant les essais cliniques

75

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 75

Page 77: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

76

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

sont fondés sur une population source que l’on trouve dans les centrescapables de réaliser ces essais, ce qui introduit une première sélection.En effet, le patient qui fait le choix de l’automédication est différent dupatient qui consulte un médecin, lui-même différent du patient quis’adresse à un spécialiste ou qui est suivi dans un centre de la douleur.Au sein de cette population source, les laboratoires imposeront unedeuxième sélection en isolant un échantillon de patients correspondantaux critères d’exclusion et d’inclusion du protocole clinique.Au final,neseront retenus que les patients du protocole clinique qui auront suiviavec exactitude le protocole imposé. L’objectif d’un développementclinique vise à pouvoir extrapoler à la population cible les donnéesissues d’une population source très sélective.

Les caractéristiques modifiant la réponse aux antalgiques

La définition de critères d’inclusion/exclusion rigoureux est liée au faitque de nombreux paramètres peuvent modifier la réponse des patientsaux antalgiques. Ainsi,un essai qui a consisté à administrer des doses de8 mg et de 16 mg de morphine à des populations très différentes a mon-tré que l’efficacité antalgique de la morphine variait considérablementselon l’âge, la race et les caractéristiques de la douleur traitée (localisa-tion, ancienneté et intensité).

Le problème du recueil de l’information

La douleur étant un symptôme subjectif, le recueil de l’information estbiaisé par la propre subjectivité de l’investigateur.En effet, la perceptionde la douleur et les réactions face à cette même douleur sont différentesd’une équipe médicale à une autre. Ainsi,plus le nombre d’intervenantssera important et plus la variabilité dans le recueil des données seraforte. Or, le nombre d’intervenants est fonction du nombre de centresmais également de la durée du suivi des patients. Ainsi, l’efficacité d’uneprise unique peut être évaluée par un seul investigateur pendantquelques heures alors que l’évaluation de prises répétées sur plusieursjours nécessitera l’intervention de plusieurs investigateurs pour unmême patient. L’expression de la douleur étant différente selon lescultures, il est souvent difficile mais parfois nécessaire de procéder àdes essais multicentriques et multi-états. Par ailleurs, les informationsobtenues seront différentes selon que l’on recueille l’intensité doulou-

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 76

Page 78: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

77

reuse du patient (photographie à un temps donné) ou son soulagement(nécessitant le souvenir de l’intensité douloureuse initiale avant traitement).

Le protocole de l’essai

Généralement, les essais classiques utilisent le mode des groupesparallèles. Mais on peut également recourir aux techniques du “crossover” et du carré latin qui permettent de diminuer le nombre depatients inclus ainsi que la variabilité interindividuelle, chaquepatient étant son propre témoin. Cependant, ces deux techniquessont rarement mises en œuvre pour plusieurs raisons. Premièrement,elles exigent une stabilité des critères d’inclusion et d’exclusion diffi-cile à obtenir dans le domaine de la douleur. Deuxièmement, ellesrequièrent des essais plus longs, ce qui augmente le risque de “perdude vue”. Par exemple, pour une étude en carré latin chez des femmessouffrant de dysménorrhée, il est nécessaire d’effectuer un suivi surplusieurs cycles.Troisièmement, les techniques du “cross over” et ducarré latin peuvent être biaisées par des phénomènes de “carryover”. Si un opioïde agoniste-antagoniste est administré à un patientavant un traitement à base de morphine, son effet rémanent peutréduire l’effet thérapeutique de la morphine à moins que l’on nemette en place un “wash out” (période sans traitement) d’une duréesuffisante, méthodologiquement nécessaire mais souvent éthique-ment irréalisable.

La démonstration

L’objet d’un essai est de montrer que l’efficacité du produit à l’essai estsupérieure à celle d’un placebo et/ou à celle d’un produit de référence.Pour effectuer cette démonstration, on définit un critère principal quiest par exemple le TOTPAR, qui correspond à la qualité de soulagementsur une période de temps donnée.

Différents modèles d’essais peuvent alors être envisagés selon le type deréponse attendue :

•comparaison du produit X avec un placebo : si le produit X, avec unedose x, fournit une efficacité maximale, il n’est pas possible de déter-

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 77

Page 79: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

78

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

miner s’il s’agit d’un effet plafond du produit ou d’un effet plafond dumodèle. En outre, un tel résultat ne permet pas de savoir si le mêmerésultat aurait pu être atteint avec une dose x/2. Si, au contraire, leproduit X, avec une dose x, se révèle totalement inefficace parrapport au placebo, deux options sont possibles : soit le produit n’apas d’action, soit une erreur sur le modèle a été commise (parexemple,expérimentation d’un futur antimigraineux sur un modèlede douleur post-opératoire).

•comparaison du produit X avec un placebo et un produit de référence R :le produit de référence R est destiné à valider le modèle. Si le produit Rutilisé à une dose thérapeutique plus efficace n’est pas meilleur que leplacebo, il y a erreur méthodologique. Si le produit X, avec une dose x,et le produit R,avec une dose r,atteignent tous deux une efficacité maxi-male,on ne peut ni isoler le produit le plus efficace ni savoir si la mêmeefficacité aurait pu être atteinte avec la dose x/2. À l’inverse, si leproduit R, avec une dose r, est plus efficace que le produit X, avec unedose x, lui-même plus efficace que le placebo, il n’est pas possibled’anticiper l’efficacité d’une dose 2x.

• l’émergence de modèles plus sophistiqués : les limites décrites avec lesmodèles précédents incitent à utiliser des modèles plus sophistiqués.Ces modèles consistent,par exemple,à comparer l’efficacité du placebo,celle d’un produit de référence (aux doses r et 2r) et celle du produit X(aux doses x et 2 x). Supposons que l’efficacité de la dose 2r soit maxi-male et qu’elle soit largement supérieure à l’efficacité de la dose r, elle-même supérieure à l’efficacité du placebo. Dans ce cas, si le produit Xfait apparaître pour la dose x une efficacité similaire au produit R pourla dose r et que son efficacité n’est pas améliorée par l’administrationd’une dose 2x, on peut identifier un effet seuil propre au produit X,qui n’est pas dû au modèle.Ces différents exemples rappellent qu’il est indispensable de garder enpermanence à l’esprit l’objectif recherché lorsque l’on met en œuvre unessai clinique.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 78

Page 80: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

Le choix du type d’étude

Les modèles précédents mettent en jeu des essais comparatifs puis-qu’ils ont pour objet de valider l’hypothèse selon laquelle le produit Xest plus efficace que le placebo et, éventuellement, le produit de réfé-rence. Dans les exemples précédents, si les produits X et R font appa-raître une efficacité similaire, on ne peut pas pour autant conclure àune équivalence entre ces deux produits puisque l’essai était construitpour mettre en évidence une différence. Lorsque l’on cherche àdémontrer une équivalence entre deux produits, il est nécessaire deprocéder à des essais d’équivalence. Il s’agira alors de valider l’hypo-thèse selon laquelle le produit X est ni plus efficace, ni moins efficaceque le produit Y. On peut également conduire des essais de non-infé-riorité destinés à montrer que le produit X n’est pas moins efficaceque le produit Y.

Dans les essais d’équivalence ou de non-infériorité, il faut décider, avantde commencer l’essai, la perte d’efficacité acceptable en deçà delaquelle on peut considérer que l’équivalence ou la non-infériorité exis-tent. Bien évidemment, cette perte concédée devra rester relativement

79

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

Contraintes liées aux études chez le patientChoix des groupes de traitement

12_

6_

4_

12_

6_

4_

placebo X 2X R placebo X 2X R 2R

X : produit étudiéR : produit de référence

Sou

lagem

ent

(TO

TP

AR

)

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 79

Page 81: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

80

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

faible et demeurer en deçà de la pertinence clinique. Mais, pour que lesessais d’équivalence et de non-infériorité soient pertinents, il faut égale-ment s’assurer qu’ils portent sur un grand nombre de patients et que lescritères d’inclusion et d’exclusion retenus soient très sélectifs, d’où unegrande difficulté de réalisation.

Le modèle de douleur

• Les critères : pour qu’un modèle de douleur soit pertinent, il faut toutd’abord qu’il corresponde au futur positionnement du produit et qu’ilpermette de démontrer l’efficacité antalgique de la molécule testée.Ensuite, il faut s’assurer que le modèle est simple, reproductible etqu’il autorise un recrutement facile.Le modèle de douleur retenu doitégalement posséder une bonne sensibilité afin de pouvoir différen-cier les traitements. Enfin, il doit permettre de définir un effet seuildifférent d’un effet modèle et de mettre en évidence un début et unedurée d’action.

• Les modèles de douleur :- douleur aiguë : aujourd’hui, le modèle le plus utilisé en douleur post-opératoire est celui de la chirurgie dentaire après extraction de la3e molaire. Les autres modèles couramment utilisés sont ceux desmigraines/céphalées, des dysménorrhées, de l’épisiotomie et du post-partum, de la chirurgie orthopédique et viscérale, de la reconstructionmammaire et de la traumatologie.- douleur chronique : les modèles utilisés sont ceux des douleurs can-céreuses et rhumatologiques.

En conclusion, les meilleurs essais de développement clinique des antal-giques en phase II sont les essais monocentriques mis en œuvre par uneéquipe dévolue à cet effet.

◗ Les différents types de phase II

La phase II a

La phase IIa impose des critères d’inclusion et d’exclusion extrême-ment stricts. Les essais réalisés au cours de cette phase sont des essaispilotes contre placebo dont le but est de cerner la zone d’efficacité

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 80

Page 82: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

81

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

thérapeutique. Dans cette perspective, on administre aux patients unedose proche de la dose maximum tolérée, une dose intermédiaire etune dose faible.

En parallèle, on poursuit les essais de phase I avec des prises répétées(sur 7 ou 10 jours) en essayant de respecter le rythme des administra-tions. Il faut alors définir une dose maximale tolérée, qui peut être trèsdifférente de celle obtenue pour la prise unique, étudier la cinétiquedes événements indésirables (apparition, disparition), définir l’étatd’équilibre des taux plasmatiques, rechercher l’accumulation desmétabolites, l’apparition de nouveaux métabolites et l’induction enzy-matique.Puis, lorsque les résultats d’efficacité sont disponibles,essayerd’établir une relation pharmacocinétique/pharmacodynamique.

La phase II b

La phase II b, qui impose également de prendre des critères d’inclusionet d’exclusion stricts, a pour objet de définir la dose minimum efficace(DME) grâce à des essais contre placebo mettant en jeu plusieurs doseset des produits de référence.Le choix du modèle en prises répétées dépend du futur profil du traite-ment, mais également de l’évolution naturelle de la douleur. En effet, ladouleur n’évolue pas de la même manière selon les affections. Parexemple, la douleur du post-partum diminue beaucoup plus rapidementque la douleur due à la chirurgie dentaire qui, elle-même, diminuebeaucoup plus rapidement que la douleur causée par la chirurgie ortho-pédique.À la fin de la phase II b, la dose minimum efficace et la durée d’activitéantalgique de la molécule doivent être connues, ce qui permet dedéterminer la fréquence des prises sur 24 heures.On doit pouvoir égale-ment situer le début d’activité du médicament,repérer un éventuel effetplafond, déterminer son profil de tolérance et le positionner parmid’autres antalgiques en termes d’efficacité ou de tolérance.

� LA PHASE III

L’objet de la phase III consiste à élargir les résultats de la phase II à despatients plus représentatifs (sujets âgés, sujets à risques) et d’étudier

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 81

Page 83: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

82

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

les interactions médicamenteuses avec d’autres antalgiques et avec lesmédicaments spécifiques des pathologies douloureuses devant êtretraitées. Pour des antalgiques utilisés en douleur post-opératoire, onétudie, par exemple, les interactions entre les nouveaux médicamentsantalgiques et les anticoagulants.C’est également en début de phase IIIque l’on détermine la formulation galénique définitive.

La phase III permet de confirmer les résultats d’efficacité de laphase II sur de plus grands échantillons de patients et d’augmenter lenombre de patients recevant le traitement étudié. Les doses utiliséesdans cette phase seront celles retenues pour l’enregistrement dunouveau médicament.

La phase III fait appel à différents modèles de douleur, autorise les trai-tements associés, sélectionne les traitements de référence en vue d’unpositionnement futur parmi les autres antalgiques. Enfin, la phase III estl’occasion de commencer les essais au long cours (300 à 600 patientstraités pendant six mois et 100 à 300 patients traités pendant un an). Sielle est concluante, la phase III donne lieu à un dépôt de dossier en vued’obtenir une AMM.

� LES AUTRES TYPES DE DÉVELOPPEMENT

Après la phase III, on peut procéder à des essais de phase IV et V (pharmaco-épidémiologie) ou mettre en œuvre des essais d’extensiond’indication concernant des sous-populations spécifiques. Ces derniersessais sont généralement difficiles à réaliser en raison d’un manqued’outils d’évaluation adaptés à ces sous-populations et du caractère rarede certaines pathologies concernées.

◗ Nouvelle formulation galénique

Travailler sur une nouvelle formule galénique suppose de s’assurerqu’il existe une bioéquivalence (paramètres de pharmacocinétiquecompris entre – 20 % et + 25 % par rapport à ceux de la molécule prin-cipale). À cet égard, il est important de souligner que, dans le domainede l’antalgie, il y a nécessairement des différences d’efficacité et/ou detolérance entre les génériques dont les paramètres de pharmaco-

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 82

Page 84: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

83

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

cinétique se situent à – 20 % et ceux dont les paramètres de pharmaco-cinétique sont de + 25 %. Si on constate une absence de bioéqui-valence, il faudra redémontrer l’efficacité et définir une dose minimumefficace, d’une part, et réévaluer la tolérance, d’autre part (parexemple, une forme IV par rapport à une forme orale).

◗ Association à visée antalgique

Ce type d’association présente de nombreux intérêts théoriques :•augmenter l’efficacité antalgique ;• réduire les effets indésirables (si deux produits présentent des effetsindésirables à une dose d’1 gramme,on peut choisir de les associer avecune dose de 500 milligrammes chacun) ;•associer un antalgique à des modificateurs de l’humeur (stimulants ousédatifs) ;•créer une association revendiquant des indications spécifiques ;•modifier l’absorption ou l’élimination des traitements avec desexcipients spécifiques ;• réduire le risque d’utilisation détournée par les toxicomanes.

◗ Après l’AMM

On peut étudier des propriétés spécifiques qui n’ont pas été évaluées aucours du développement pré-AMM :début d’activité,profil de tolérance,sous-groupe de patients répondeurs, positionnement par rapport àd’autres produits.

� CONCLUSION

Le développement d’un nouveau médicament fait intervenir tous lessecteurs d’un laboratoire et nécessite une coordination parfaite desdifférents intervenants.Le développement clinique des antalgiques doitprendre en compte le positionnement futur du produit que l’onsouhaite développer. Il faut garder à l’esprit qu’il est nécessaire depouvoir extrapoler les données obtenues lors des essais spécifiques à ungrand nombre de pathologies douloureuses.Les modèles de douleur retenus pour les essais devront être discri-minants, pertinents, sensibles, validés, réalistes, reproductibles et

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 83

Page 85: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

84

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

standardisables. Sachant que la douleur n’est pas directement acces-sible à autrui, le recueil des données devra être rigoureux, standardiséet réalisé à partir d’outils validés. Ce recueil devra faire appel à unminimum d’intervenants afin de réduire au maximum l’hétérogénéitéet de fait la variabilité.Finalement, il faut comprendre que, si la plus belle molécule ne peutdonner que ce qu’elle a, il faut savoir l’aider à exprimer toutes sespotentialités.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 84

Page 86: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

85

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

Les paramètres de quantificationde l’efficacité clinique des antalgiques

Paul Desjardins

� INTRODUCTION

L’objectif des essais thérapeutiques est de répondre à une questionfondamentale : la substance étudiée a-t-elle une action analgésique chezl’homme ? Il s’agit de démontrer qu’une substance dont l’effet analgé-sique a été étudié dans les modèles animaux, dont les propriétés phar-macologiques sont patentes et dont la durée d’action est suffisante, estefficace pour traiter les pathologies douloureuses chez l’homme. Bienévidemment, il faut aussi démontrer la non-toxicité de la substance.

� LES PROGRÈS DANS LE PROTOCOLE DES ÉTUDES

En 1977, le Journal of the American Dental Association a publié unecommunication publicitaire qui ne serait plus autorisée aujourd’hui.Cette communication affirmait que,d’après une étude ouverte portantsur cent patients souffrant de douleurs dentaires post-opératoires,91 % d’entre eux voyaient leur douleur disparaître après une prise defiorinal. Cette étude comportait deux biais. Le premier était lié auprotocole de l’étude. En effet, il faut savoir que le protocole d’uneétude ouverte s’oppose en tout point à celui d’une étude en “doubleaveugle” : le praticien sait quel produit est administré à chaquepatient et le patient sait quel produit il consomme. Le deuxième biaisvenait du fait qu’il n’était pas possible de distinguer l’action de lasubstance active et celle d’un placebo.

Aujourd’hui, la FDA, les agences réglementaires européennes etjaponaises sont beaucoup plus sévères sur les protocoles des étudeset exigent qu’un certain nombre de critères soient respectés pourque l’utilisation d’une substance puisse être validée chez l’homme.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 85

Page 87: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

86

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

• l’étude en “double aveugle”.

• la prescription randomisée de la substance étudiée :cela implique quechaque patient du groupe participant aux essais ait la même chance dese voir prescrire la substance étudiée que le placebo ou la substance deréférence. Par ailleurs, la prescription aléatoire suppose un nombreéquivalent d’hommes et de femmes dans le groupe testé.

•une présentation similaire des comprimés : une étude comparant leseffets d’un médicament présenté sous la forme d’un gros comprimé àceux d’un médicament présenté sous la forme d’un petit comprimé feragénéralement apparaître une meilleure efficacité pour le premiermédicament.

•un échantillon de patients d’une taille suffisante : pour montrerqu’un analgésique calme les douleurs subies à la suite d’une chirurgiedentaire et présente une efficacité supérieure de 20 % à celle d’unautre analgésique, il faut entre 40 et 50 patients par groupe.

• la présence d’une douleur continue et d’intensité suffisante : lesétudes mesurant les effets des antalgiques chez les migraineux sontparticulièrement complexes dans la mesure où un certain nombre demigraineux voient leur douleur disparaître naturellement en deux ou trois heures alors que d’autres ne seront pas soulagés après delongues heures. Compte tenu de ces différences, les études sur leseffets des antalgiques chez les migraineux doivent porter sur ungrand nombre de patients.

•un échantillon composé d’une population homogène et ne présentantpas de pathologie majeure associée.

� LA MÉTHODOLOGIE

Avant de lancer une étude, il faut établir un protocole qui définit lamanière dont cette étude sera conduite. En général, ce protocoleprécise que l’étude est conduite en “double aveugle”,qu’elle fait l’objetd’une randomisation et qu’elle teste des groupes parallèles. Pour lespatients souffrant d’une douleur forte ou modérée, l’analgésique sera

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 86

Page 88: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

87

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

donné directement au patient par une infirmière. Les infirmières quiont accumulé un certain nombre d’années d’expérience savent à quelrythme il faut donner un analgésique aux patients souffrant d’unedouleur post-opératoire.

Le critère du “double aveugle” pose parfois des problèmes de mise enœuvre. Dans une étude en double aveugle comparant les effets d’uneprescription par voie orale, par voie intraveineuse et par voie intramus-culaire, chaque patient recevait une dose active par l’une de ces troisvoies et deux placebos par les deux autres voies. L’étude sur 24 heuressuppose la rédaction de rapports réguliers sur les caractéristiques de ladouleur 15 minutes et 30 minutes après la prise du médicament ettoutes les heures pendant six heures. Elle porte sur des patients opérésd’une à quatre dents de sagesse.Peter Black de l’Université de Rochester a développé l’utilisation deschronomètres dans les essais cliniques sur la douleur. Les patientsdoivent appuyer sur le chronomètre lorsqu’ils prennent le médicament,lorsqu’ils ressentent un premier soulagement et lorsqu’ils ressentent unsoulagement significatif. La FDA a approuvé cette technique. Dans lesétudes sur les analgésiques, il faut surtout éviter de demander toutesles cinq minutes aux patients comment ils se sentent car cela biaisefortement les résultats.

Pour les extractions sans chirurgie osseuse, la réponse au placebo estexcellente et 30 à 50 % des patients ne ressentent pas de douleur. Pourles chirurgies osseuses, la réponse au placebo est faible et seulement 5 % des patients ne ressentent pas de douleur. Dans les études sur ladouleur après extraction simple, il est par conséquent très difficiled’établir une différence entre le placebo et le produit actif. Dans les études sur la douleur après une chirurgie osseuse, la réponse est nettement meilleure.

� L’ANALOGIE ENTRE LE SAUT À LA PERCHEET LES ESSAIS CLINIQUES

Comme les athlètes lors d’une compétition, les nouvelles moléculessoumises aux essais cliniques doivent toutes parcourir le mêmechemin afin de réussir ou d’échouer. Supposons que quatre athlètes

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 87

Page 89: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

88

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

dont les capacités sont très différentes participent à une compétitionde saut à la perche. Si la barre est placée à un mètre du sol, tous lesathlètes la franchiront, ce qui ne permettra pas de les différencier. Laseule manière de repérer le meilleur sauteur sera d’élever la barre.Dans les essais cliniques sur la douleur, l’enjeu est le même que dansle saut à la perche. Si la barre est placée trop haut, c’est-à-dire si lespatients sélectionnés sont extrêmement difficiles à traiter (parexemple, les patients souffrant de fortes migraines accompagnées devomissements), aucun traitement analgésique ne se distinguera parson efficacité. Inversement, si la barre est placée trop bas, c’est-à-diresi les patients sélectionnés ont un simple mal de tête dû à la tensionnerveuse, des placebos pourront sembler aussi actifs que des traite-ments réputés efficaces.

� LES MODÈLES DE LA DOULEUR

Jusqu’à présent, les modèles de douleur les plus utilisés sont lesmodèles de douleur aiguë. Les premières études sur ces modèles sontapparues dans la littérature vers les années trente. Harry Beecher,médecin anesthésiste à l’Université de Harvard, a révolutionné lesétudes sur la douleur en avançant pour la première fois l’idée que lesessais cliniques sur les analgésiques devraient impliquer des groupestémoins.Auparavant, la plupart des évaluations s’effectuaient dans lecadre d’études ouvertes.À partir des années trente, les modèles de douleur post-opératoiresont apparus comme les modèles de douleur aiguë les plus adaptéspour faire apparaître une relation dose effet. Mais au cours des vingtdernières années, la pratique hospitalière a beaucoup changé : lachirurgie ambulatoire et la chirurgie peu invasive se sont beaucoupdéveloppées. Aujourd’hui, 24 heures après avoir subi une arthro-scopie, la grande majorité des patients sont capables d’aller nager, cequi était loin d’être le cas il y a vingt ans.Le modèle de la dysménorrhée a été largement utilisé pour l’évalua-tion des AINS et des inhibiteurs de la cyclo-oxygénase 2 et continuerade l’être. Les études utilisant ce modèle de douleur s’effectuent géné-ralement en cross-over. Les femmes participant à ces études sontmobilisées pendant plusieurs mois et peuvent jouer à la fois le rôle depatient et de témoin.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 88

Page 90: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

89

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

Dans la plupart des modèles de douleur, les patients doivent évaluerl’intensité de leur douleur en la désignant comme inexistante, faible,modérée ou forte.Puis, les patients doivent évaluer le soulagement queleur a procuré le traitement en le désignant comme inexistant, faible,fort ou complet.D’autres études préfèrent demander si la douleur a puou non être divisée de moitié.Les sujets participant aux essais pourrontégalement être amenés à classer l’efficacité du traitement reçu(mauvaise/correcte/bonne/très bonne/excellente).

Après l’évaluation de la douleur initiale, il peut être intéressant dedemander aux patients de s’exprimer sur l’évolution de leur douleur.Supposons que la douleur initiale soit forte (degré 3) : le score diffé-rentiel sera de 1 si elle passe à un état modéré (degré 2) et sera de 3 sila douleur est totalement soulagée (degré 0). Inversement, le scorepeut être négatif si la douleur s’aggrave.

� LES EXIGENCES DES AGENCES RÉGLEMENTAIRES

Avant d’autoriser la mise sur le marché d’un nouveau médicament, lesagences réglementaires cherchent tout d’abord à s’assurer que cettesubstance ne présente aucun danger. C’est d’ailleurs, ce qui justifietoutes les études de toxicité conduites en phase I.Puis,les agences régle-mentaires cherchent à évaluer l’effet analgésique d’ensemble.Enfin,elless’attachent à déterminer l’effet maximal et l’évolution de l’effet avecle temps. Notons que pour l’ensemble des analgésiques, les patientsaffirment ressentir le premier soulagement 30 minutes après avoirpris un traitement. Le problème est que 60 % des patients qui pren-nent un placebo ressentent également un premier soulagement après30 minutes.Pour différencier les traitements, la méthode la plus efficace sembledonc d’évaluer à quel moment a lieu le véritable soulagement.Aujourd’hui, le modèle de douleur dentaire post-opératoire est leplus utilisé. Plusieurs raisons justifient ce phénomène : il se distinguepar une bonne reproductibilité des résultats, il est très sensible et nepose pas de problèmes de recrutement.Les autres essais cliniques post-opératoires se heurtent souvent à desdifficultés de recrutement. En effet, il est très rare que les anesthésistespuissent s’appuyer sur la population d’un seul centre médical pour

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 89

Page 91: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

90

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

réaliser un essai statistiquement significatif. Or, les résultats des étudesimpliquant plusieurs centres ont l’inconvénient d’être hétérogènes.Hormis les modèles dentaires, les modèles post-opératoires fréquem-ment utilisés sont ceux de la chirurgie du genou et de la hanche.Les agences réglementaires n’autorisent pas la mise sur le marché d’unmédicament analgésique au vu des résultats d’une seule étude contreplacebo. Avant de s’engager, elles exigent que les laboratoires puissentse prévaloir de résultats reproductibles dans au moins deux étudesfaisant appel à des modèles de douleur différents.Elles exigent des labo-ratoires de montrer que le médicament qu’ils souhaitent commercialisera un effet sur les douleurs d’origine pathologique.

Enfin, avant d’autoriser une association fixe (par exemple, produit A+ produit B), la plupart des agences réglementaires exigent,à l’instar dela FDA, que les laboratoires démontrent que le produit A est efficace,que le produit B est efficace et que leur combinaison est plus efficaceque les produits A et B pris isolément. Dans les années cinquante, leslaboratoires n’avaient pas à effectuer de telles démonstrations.

� CONCLUSION

Pour analyser les effets d’une substance médicamenteuse chezl’homme, les cliniciens repèrent un certain nombre d’événementsclés : le soulagement maximum, le premier soulagement perceptible,le premier soulagement significatif et le temps mis par le patientavant de prendre un autre médicament. De telles mesures permettentla plupart du temps d’optimiser la posologie.Repérer l’effet seuil d’une substance constitue également une étapeimportante des essais cliniques.Dans les modèles de douleur post-opératoire, les résultats les plussignificatifs sont obtenus juste après le réveil, lorsque la douleur est àson maximum. Mais il faut tenir compte du fait que la douleur décroîtrégulièrement dans les jours qui suivent l’opération,même en l’absencede traitement analgésique.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 90

Page 92: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

91

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

Les standards de quantification de l’efficacité clinique des antalgiques

Claude Dubray

� LES INSTRUMENTS DE MESURE

◗ L’évaluation de la douleur

L’échelle visuelle analogique

L’échelle visuelle analogique (EVA), qui apparaît comme le “GoldStandard”dans l’évaluation de la douleur,est apparemment simple d’uti-lisation. Il s’agit de positionner un curseur entre deux extrêmes.Cependant, les différents modèles, surtout lorsqu’ils sont utilisés par lamême équipe, peuvent créer une confusion chez le patient. Certainsgraphiques plus élaborés ou certaines indications en milieu d’échellepeuvent introduire des biais. Par ailleurs, il faut bien veiller à prendreune quantification en millimètre pour éviter la discontinuité. L’échellepeut être utilisée horizontalement ou verticalement (“thermomètre”)pour l’enfant.Ainsi, quelques problèmes techniques peuvent se poser.Des infirmières, dans certains services, bloquent l’échelle à 45. Il fautégalement veiller à ce que l’élément coulissant ne tombe pas trop baspour les échelles verticales. Ces détails peuvent parfois apporter deserreurs considérables dans les évaluations, notamment lorsqu’il s’agitd’évaluer l’efficacité des médicaments. Les systèmes plus sophistiquésont pour principal avantage de pouvoir être utilisés à domicile par lespatients, ce qui permet d’assurer un suivi. Par exemple, des systèmesélectroniques peuvent enregistrer les valeurs sur un ordinateur, ce quiest très commode pour les essais thérapeutiques. Mais il faut veiller àleur bonne utilisation.

L’échelle verbale

Pour l’échelle verbale, il est demandé au patient de situer sa douleur parun qualificatif : aucune, légère, moyenne, intense. L’idéal est que leséchelles soient les mêmes. Malheureusement, ce n’est pas toujours le

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 91

Page 93: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

92

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

cas. Parfois, le patient a du mal à choisir entre “moyenne” et “intense”. Ilfaut donc essayer de situer sa douleur à partir de ces informations. Maisil n’est pas forcément mauvais de lui demander de faire un choix. Lesétudes montrent une très bonne corrélation entre les résultats donnéspar les deux échelles, lorsque les mêmes patients les utilisent. Il ne fautdonc pas rejeter a priori l’une ou l’autre.

L’échelle numérique

L’échelle numérique, qui se rapproche de l’échelle analogique, peutaussi être utilisée. Elle est discontinue et il est demandé aux patients decoter la douleur de 0 à 10 de manière croissante.

� L’ÉVALUATION DU SOULAGEMENT

Les échelles pour évaluer le soulagement obéissent aux mêmes prin-cipes, sachant qu’elles ne sont pas utilisées au même moment et queles qualificatifs sont différents. Il faut aussi éviter les biais dus à laconception de l’échelle.Pour autant, il semble qu’un consensus se soitdégagé concernant les échelles verbales et leurs cinq degrés. Commepour l’évaluation de la douleur, les études montrent une bonne corré-lation entre les résultats des EVA et ceux des échelles verbales. Ladistribution des réponses des patients à qui il était demandé de coterleur douleur avec l’EVA et l’échelle verbale le montre avec une zonede chevauchement qui paraît logique.

� L’UTILISATION DE CES ÉCHELLES

Toutes ces échelles peuvent être utilisées dans divers cas. Il peut s’agir,par exemple, de mesurer le soulagement après une prise médicamen-teuse et de suivre son évolution au cours du temps. Il est égalementpossible de mesurer une sensation douloureuse au cours d’une périodedonnée, pendant six heures, après une opération. Il peut être demandél’intensité de la douleur moyenne au cours des dernières 24 heures,sachant que l’appel à la mémoire peut biaiser quelque peu l’analyse.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 92

Page 94: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

93

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

◗ La relation avec l’intensité

Il faut se méfier de certaines réponses qui sont le résultat d’une gym-nastique intellectuelle un peu compliquée. Par exemple, l’évaluationpar le patient du niveau maximum et minimum de douleur au coursdes dernières 24 heures conduit souvent à des résultats curieux.Dansce type d’analyse, il convient de passer du temps auprès du patientpour lui expliquer. La question de l’amélioration de l’évaluation de ladouleur et du soulagement est une question importante. Dans cedomaine, il faut éviter d’avoir recours aux deux types d’évaluation enmême temps. Les patients ont tendance à confondre les deux.

◗ Les défauts

Ces échelles visuelles ou numériques ont une fausse apparence desimplicité. Outre les problèmes techniques évoqués ci-dessus, ilsemble qu’elles sont inadaptées à l’état des patients. Selon les études,18 à 25 % des patients utilisent mal l’EVA, ce qui provoque un biaisconsidérable dans les essais. Il est donc nécessaire d’être sûr que lepatient a bien compris. Récemment encore, nous avons pu faire l’expérience de patients qui répondent à tort et à travers concernantles niveaux de grille.En période post-opératoire, il faut déconseiller d’utiliser les EVA. Leséchelles verbales sont plus faciles d’accès. En particulier, les sujetsâgés éprouvent des difficultés à utiliser la règle de l’EVA, sans parlerdes outils électroniques. Les patients qui ont un handicap moteur(Parkinson, pathologies rhumatismales) ne positionnent pas nécessai-rement le curseur au bon endroit.

� L’INTÉGRATION DES VALEURS

◗ Les différentes méthodes

Pour surmonter le problème de variabilité considérable de la douleur,les séries de mesures peuvent être intégrées à plusieurs moments de lajournée.Un certain nombre de critères sont étudiés dans la littérature :SUMVAS, PRIX, PID & SPID, PAR & TOTPAR.Le SUMVAS consiste à faire la somme des scores d’intensité d’une

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 93

Page 95: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

94

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

douleur recueillis sur un intervalle de temps donné. Il est demandé aupatient de coter, à différents intervalles de temps, l’intensité de sadouleur. Ces différentes cotations sont additionnées, sachant qu’il estpossible de faire la moyenne des cotations de plusieurs sujets traités.Le produit est d’autant plus efficace que la somme des cotations estbasse.Le PID qui est plus largement utilisé conduit à un calcul sur desdonnées primaires (intensité de la douleur à un instant T). Le diffé-rentiel de l’intensité de la douleur à l’instant T, par rapport à celleidentifiée au moment où le produit a été administré, doit être calculé.Ensuite, il est nécessaire de calculer l’aire sous la courbe de ce PIDavec la méthode des trapèzes sur un intervalle de temps donné.L’antalgique est d’autant plus efficace que le SPID moyen est élevé.Le PRIX dont la formule est un peu compliquée n’apporte pas grand-chose par rapport au PID.Une étude montre l’évolution des scores mesurés en EVA pendant huitheures du paracétamol, d’une part, et du paracétamol + codéine,d’autre part. Le calcul du SPID ou de la SUMVAS montre l’efficacitécomparée de chaque produit avec un avantage en faveur de la combi-naison paracétamol + codéine.L’analyse des scores basés sur le soulagement en PAR obéit aux mêmesprincipes que le PID avec un calcul du différentiel entre le niveau desoulagement à un moment T et celui au départ.Le TOTPAR consiste à intégrer ces variables en mesurant l’aire sous lacourbe par la méthode des trapèzes.Ce critère va permettre d’avoir unevision globale du soulagement de la personne et, partant, de l’efficacitédu produit.

◗ Les limites

Il n’est pas possible de faire reposer l’analyse uniquement sur cesvaleurs intégrées. En effet, ces dernières ne tiennent pas compte dudélai d’action ou de l’amplitude de la réponse, ce qui est un peudommage. Il est également difficile de comparer entre eux les résul-tats calculés à partir de plusieurs TOTPAR compte tenu des diffé-rences en termes de temps de mesure ou de nombre de mesures. Lepassage au qualitatif est, dans ce cas, nécessaire en distinguant lespatients répondeurs et non-répondeurs.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 94

Page 96: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

95

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

� LE PASSAGE AUX CRITÈRES QUALITATIFS

◗ La notion de répondeur

La notion de répondeur permet de s’affranchir des temps de mesure.Unpatient est considéré par la littérature comme répondeur lorsque saréponse est supérieure de 50 % au maximum TOTPAR. Le pourcentagemaximum TOTPAR est calculé en faisant le rapport de deux surfacesreprésentant le score du patient et le score d’efficacité maximale.Les avantages de la distinction entre répondeurs et non-répondeurs sontde pouvoir comparer des séries d’essais et de les intégrer.

◗ Le diagramme de l’Abbe

Le diagramme de l’Abbe permet de visualiser facilement l’efficacité d’unproduit comme le paracétamol avec la mesure de l’effet placebo. Il estpossible de faire des graphiques correspondant à différentes doses deparacétamol. Une autre approche consiste à classer les patients répon-deurs et non-répondeurs par rapport aux traitements actifs et aux effetsplacebos.

◗ Le bénéfice relatif

Il est également possible d’avoir recours au calcul du bénéfice relatif(équivalent du risque relatif). Généralement, les études prises indivi-duellement se situent dans des intervalles acceptables. Par ailleurs,compte tenu de ce critère qualitatif commun, il est possible de toutesles fusionner et d’en tirer des enseignements intéressants. Étant donnéla variabilité de la douleur, il est cependant illusoire de compter sur desrésultats statistiquement significatifs avec moins de 500 patients,ce quiest fréquent pour une étude isolée.

◗ Le NNT

L’Odds ratio peut également être employé pour intégrer un certainnombre de données. L’évaluation des antalgiques par le NNT (nombrede patients nécessaires à traiter), très utilisé,peut s’effectuer sur la basede données brutes. Mais il est aussi possible de transformer les valeursde bénéfice relatif et de l’Odds ratio en NNT. Ainsi, toutes les données

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 95

Page 97: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

96

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

fusionnées donnent un paramètre général. Lorsque le NNT s’élève à 1,cela signifie que le produit est efficace à 100 %.Un NNT à 5 signifie qu’ilfaut faire appel à au moins cinq patients pour être sûr d’avoir un patientqui réponde.

� CONCLUSION

Sans instruments de mesures fiables, les critères ne servent plus àrien. C’est pourquoi il faut souligner la simplicité trompeuse desinstruments. Le principal problème de la douleur étant la variabilité,il convient de l’atténuer le plus possible. Les paramètres intégréspermettent de tenir compte de ce facteur. Il faut aussi compter surl’effet placebo qui est considérable. L’évaluation de la douleur n’étantpas normale, il est nécessaire d’utiliser des tests paramétriques autrescomme la médiane et il est utile d’intégrer les résultats de plusieursétudes pour avoir une image claire de ce qui se passe.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 96

Page 98: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

97

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

L'antalgique de secours dans les essais cliniques

Éric Boccard

Les dernières recommandations officielles de la FDA quant aux essaiscliniques d’antalgiques n’ont pas été actualisées depuis 1992 (1) etcomportent essentiellement trois types de critères de jugement : lescritères classiques basés sur l’évolution des scores de douleur (PID,painintensity differences) ou de soulagement (PR, pain relief), la durée del’analgésie et le délai d’apparition de l’analgésie. En revanche, il n’estaucunement fait mention de façon explicite de l’antalgique de secoursque ce soit dans son choix ou dans les rôles qu’il peut jouer.

Les raisons de se pencher spécifiquement, dans le cadre de la méthodo-logie des essais cliniques, sur l’antalgique de secours sont multiples.L’une d’entre elles est une modification des attitudes thérapeutiquesdans le cadre de la douleur.En effet, en particulier dans le traitement dela douleur post-opératoire, il est maintenant courant d’employer destechniques conjointes dites “d’analgésie multimodale”,afin de tirer profitdes sites et mécanismes d’action complémentaires de plusieurs antal-giques. Il est ainsi courant de voir associer un morphinique avec unnon-morphinique. De même, en douleur chronique d’origine rhumato-logique, on peut voir associer un AINS avec un antalgique pur.Cette tendance se retrouve dans les essais cliniques menés dans un butpragmatique.Mais,on peut parfois négliger le fait qu’une démonstrationau sein d’un essai clinique diffère souvent, d’une façon ou d’une autre,de la pratique quotidienne.Une autre raison d’aborder ce thème est l’amalgame retrouvé danscertains essais entre différents critères de jugement, dont les scores dedouleurs et le recours à un antalgique de secours.Dans la littérature et la terminologie anglo-saxonne, le distinguo n’estpas fait clairement entre les deux concepts que nous allons développerplus loin.Le seul terme constamment employé est le “rescue analgesic”,que l’on peut traduire par antalgique de secours.Et pourtant la prise d’un antalgique différent de celui à l’essai et qui

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 97

Page 99: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

98

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

vient signer l’échec de celui-ci diffère quelque peu de l’antalgique quivient compléter, sur tout ou partie de l’essai, le produit étudié.Nous allons donc distinguer l’antalgique de recours et l’antalgique decomplément.

� L’ANTALGIQUE DE RECOURS

L’antalgique de recours, c’est l’antalgique qu’il est prévu d’administrerdans le protocole, en cas de soulagement insuffisant. Ce soulagementinsuffisant, qui doit répondre à des critères précis, signe l’échec théra-peutique et également le temps de la sortie d’essai. Cet antalgique derecours répond donc à la nécessité éthique de prévoir dans un proto-cole une solution alternative pour les patients. Sa nature n’a a prioriaucune relation avec les résultats, il doit simplement offrir un soulage-ment potentiellement plus important que le ou les produits à l’essai etne pas risquer de produire des interactions médicamenteuses avecceux-ci.Lors de cette sortie d’essai, le critère qui compte est le temps d’admi-nistration de l’antalgique de recours qui va déterminer un délai après laprise initiale ou délai écoulé depuis le début du traitement (T0).Il est courant de définir un délai minimal de recours possible (une heureen douleur aiguë post-opératoire, ou 2/3 jours en chronique). Ce délaiminimal correspond à la durée pendant laquelle on considère qu’unpatient est “protégé” par l’effet placebo d’une part, au délai raisonnabled’apparition d’un soulagement net d’autre part. Il est bien entendu àadapter aux conditions de l’essai, à l’indication et à la sévérité attenduede la douleur.Dans cette définition d’un antalgique de recours, on voit que le problè-me d’interaction médicamenteuse ne se pose pas alors qu’il en va toutautrement pour un antalgique de complément. En effet, la période pen-dant laquelle le traitement à l’essai et l’antalgique de recours sont prissimultanément est postérieure à la période retenue dans l’analyse.La méthode d’analyse statistique à appliquer dans ce cas s’appuie sur lefait que seul le temps de recours à cet antalgique compte, et elle doitêtre prédéfinie dans l’analyse statistique.La méthode de la courbe de sur-vie (analyse dite de Kaplan-Meyer) est la plus recommandable étantdonné que l’on a à faire à un événement bien identifiable, à une seulevariable, le temps.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 98

Page 100: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

99

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

On peut aussi analyser sous l’angle du temps médian de recours. Ils’agit plutôt d’une méthode complémentaire qui donnera une infor-mation sur la durée d’action du produit étudié dans chaque groupe(figure ci-dessus). Il est en tout cas indispensable, quant à l’analyseclassique de l’évolution des scores de douleurs, de tenir compte deces événements intercurrents. La méthode la plus consensuelle, pourne pas introduire un biais et tenir compte de l’échec thérapeutiqueavéré, est le report du score tel qu’il a été enregistré au moment de lasortie, à chaque temps ultérieur jusqu’à la fin de l’essai. Le nombre dedonnées analysables reste ainsi constant, même aux temps tardifs del’essai, mais on se met dans la situation la pire du point de vue desrésultats et donc dans la situation la moins critiquable du point de vuede la rigueur méthodologique. Dans l’hypothèse où des scoresauraient été enregistrés à la suite de la prise de l’antalgique derecours,ceux-ci sont,bien entendu,sans valeur.Si la durée d’action estle critère essentiel recherché, il existe une méthode plus fine et spéci-fique (méthode des trois chronomètres).

En définitive, ce concept est essentiellement applicable à la douleuraiguë car il offre un cadre d’analyse relativement simple à systématiser,ce qui est indispensable.

0 30 60 90 120 150 180 210 240 270 300 330 360

1,00,90,80,70,60,50,40,30,20,1

0

3 groupes parallèles de 108 patients, après chirurgie d’hallux valgussous anesthésie locale, propacetamol vs paracetamol vs placebo.D’après Jarde et al (2)

Durée d’action des produits étudiés

Paracetamol

Propacetamol

Po

urc

enta

ge

de

pa

tien

ts

Durée en minutes

Placebo

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 99

Page 101: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

100

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

En revanche, en matière de douleur chronique, les critères qui vontmener à la définition d’un échec thérapeutique sont moins simples etdès lors,ne se font pas la plupart du temps sous le contrôle direct de l’in-vestigateur, mais grâce à des instructions remises au patient. Il planetoujours un doute sur les conditions exactes de survenue d’une sortied’essai pour échec thérapeutique.Comment interpréter,par exemple, lecas du patient qui juge nécessaire de prendre à une ou plusieursreprises,mais pas de façon constante et répétée, l’antalgique de recoursautorisé, mais sans vouloir interrompre le traitement étudié ? À quelmoment situer l’échec ? Est-il valide de le fixer dès la première prise d’unautre antalgique que celui étudié ? Et que décider si le patient aprésenté,en cours d’étude,soit momentanément une douleur différenteet supplémentaire, soit une poussée de la pathologie sous-jacente (ex. :céphalées ou poussée inflammatoire chez un patient arthrosique).

Du point de vue de l’analyse des données, la situation diffère également.Autant en aiguë, chaque heure comptant, l’analyse en courbe de surviea du sens, autant en chronique, l’événement à analyser étant moinsprécisément identifiable, des critères tels que la durée moyenne departicipation à l’essai ou le pourcentage de patients interrompantl’essai pour échec pourraient être préférés. Cependant, s’il s’agit depatients hospitalisés,pour lesquels le recueil de données est plus fiable,on peut envisager de faire appel à une analyse de covariance, à condi-tion d’être capable de fixer précisément la nature et la quantité d’an-talgique de secours. En définitive, en douleur chronique, le maître motdevrait être de rester pragmatique et d’adapter la méthode d’analyse del’échec thérapeutique à chaque cas.

� L’ANTALGIQUE DE COMPLÉMENT

L’antalgique de complément est l’antalgique,connu,qui vient complétertout au long de l’essai, si nécessaire, l’effet antalgique du ou desproduits testés.Les modalités de son administration sont clairement etprécisément définies dans le protocole (nature, posologie [fixe ouposo/poids] et critères d’emploi) afin d’assurer une comparabilitéinter-groupe et inter-patient, il peut être réclamé et/ou utilisé par lepatient sans que cela ne signe un échec thérapeutique. Il peut-êtreainsi être analysé de façon fiable et reproductible. Ce peut être un

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 100

Page 102: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

101

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

critère de jugement principal de l’efficacité antalgique lors de lacomparaison de deux produits actifs ou versus placebo.Bien sûr, un tel antalgique de complément n’est exploitable que si lescritères de recours sont parfaitement définis, et définissables à l’avance. Il peut arriver que ce pré requis ne soit pas réalisable.

◗ L’antalgique de complément dans la douleur aiguë

Pour que cet usage d’un antalgique de complément soit fiable et doncanalysable, il faut en particulier que les conditions de recours soientidentiques. Pour cela, il faut un nombre minimal d’étapes et d’intermé-diaires, d’une part, et une fiabilité du critère de recours, d’autre part.Or, dès que cette administration fait appel à un personnel soignantcomme intermédiaire, on introduit plusieurs variables difficiles àmaîtriser et à homogénéiser dans le temps d’un patient à l’autre etd’un centre à l’autre. On peut faire intervenir le jugement de cesoignant quant au bien-fondé de la demande du patient (à moinsqu’un score de douleur seuil ait été déterminé à l’avance) et, danstous les cas, on ajoute les délais variables de réponse à l’appel dupatient et d’administration de l’antalgique.On voit bien là la différence qui se dessine entre les méthodes passantpar l’hétéro-administration, de celles passant par l’auto-évaluation etl’auto-administration.Les premières entraînent ipso facto une cascade desources de variabilité qui compromettent son utilisation rationnellecomme critère de jugement d’efficacité. Au contraire les secondeslimitent, sans totalement les supprimer, ces facteurs de variabilité.Dans les premières,on peut regrouper les méthodes d’administrationd’un antalgique à la demande du patient, y compris sous formeinjectable.Dans les secondes,on peut regrouper les méthodes utilisant la PCA oula PCEA comme méthode d’administration d’une antalgie complé-mentaire et celles mettant à disposition du patient un antalgique sousforme orale avec des consignes de prise.Cependant, il existe une diffé-rence importante entre ces techniques. Lors de l’usage de la PCA, oùl’analgésique employé est délivré en micro-bolus (à volume fixe, etdonc à dose fixe) à intervalles réguliers (avec une période réfractaireminimale, de l’ordre de la dizaine de minutes), on peut s’attendre à uneffet rapide sur la douleur et donc à une adaptation relativement finedans le temps entre les besoins du patient et la dose employée.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 101

Page 103: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

102

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

L’efficacité de l’administration répétée de faibles doses de morphine aété démontrée (3).Au contraire, lors de l’usage d’un antalgique oral, onemploie en général la dose optimale, qui est nettement plus longue àagir qu’un micro-bolus intraveineux ou intra-épidural a fortiori, et quine peut être répétée qu’après plusieurs heures,quelle que soit la molé-cule. Dans ce dernier cas, on ne peut pas considérer que la consom-mation de cet antalgique de complément reflète l’évolution et lesfluctuations de la douleur, car on obtient un résultat en tout ou rien.En définitive, on voit donc que la seule technique qui permet de réelle-ment utiliser l’antalgique de complément de façon satisfaisante sur leplan méthodologique,comme critère de jugement principal d’efficacité,est une technique permettant une incrémentation la plus fine possiblede la dose d’antalgique de complément, c’est-à-dire la PCA ou la PCEA.Mais, même cette technique d’administration possède des limites etimpose des choix corollaires.

La PCA a pour intérêt de répondre au problème de la variabilité inter-individuelle de la sensation douloureuse et de la sensibilité aux morphi-niques, mais présente néanmoins des taux de variabilité encoreimportants. Il faut donc tenir compte de cette variabilité de laconsommation de morphine en fonction de l’indication, en généraldans la littérature, et plus particulièrement dans le ou les centresconcernés,afin de calculer le nombre minimal nécessaire de patients.La caractéristique la plus intéressante de la PCA, dans le cadre de notreréflexion, est que le patient peut déclencher l’administration dès qu’ilressent une douleur, rentrant dans un système de boucle de rétrocon-trôle. Le patient va donc s’administrer l’antalgique jusqu’à obtenir uneffet qu’il juge satisfaisant sur l’intensité de la douleur. La plupart desétudes publiées, lorsqu’elles fournissent les données de scores dedouleur,montrent que les patients se stabilisent aux environs de 30 mmsur une échelle EVA de 100 mm,c’est-à-dire qu’ils ne recherchent pas lezéro douleur. En revanche on peut faire l’assertion que, quelle que soitl’efficacité intrinsèque du traitement étudié et de l’antalgique decomplément, il n’y a aucune raison pour que d’un groupe à l’autre lespatients (et aussi, dans un même centre, d’une étude à l’autre, mais larigueur méthodologique interdit les comparaisons historiques) ne cher-chent pas en moyenne un soulagement équivalent et donc à ramenerleur score de douleur dans des plages comparables. Ce constat prendtoute son importance quant aux conclusions que l’on est en droit de

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 102

Page 104: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

103

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

tirer d’un essai où le critère de jugement principal est la consommationde morphine. En effet, un pré requis indispensable au moment de l’ana-lyse des résultats est que les scores de douleurs dans les groupes étudiésdoivent être comparables,c’est-à-dire non différents significativement.Dans le cas contraire une différence signerait un biais dans l’étude.Prenons, à titre d’exemples, plusieurs essais utilisant la PCA avecmorphine dans des comparaisons entre le propacetamol et unplacebo ou le ketorolac, en post-opératoire.

2

3

4

5

6

7

8

24222018161412108643210

PropacetamolPlacebo

0

10

20

30

40

50

24222018161412108643

PropacetamolPlacebo

21

p= 0,03

CONSOMMATION CUMULÉE DE MORPHINE

SCORES DE DOULEUR SUR EVA

2 groupes parallèles de 30 patients, après ligamentoplastie du genou, propacetamol vs placebo. D’après Delbos et al (4)

Bolus = 1 mg, flux continu 0,5 mg/h, période réfractaire 15 minutes.Déviation standard consommation de morphine = 14 mg sur 24 heures

Essai 1

mg

cm

heures

heures

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 103

Page 105: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

104

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

0

5

10

15

20

2422201816141210864321

0

1

2

3

4

5

6

24222018161412108643210

PropacetamolPlacebo

PropacetamolPlacebop< 0,001

2 groupes parallèles de 47 patients, après chirurgie orthopédique, propacetamol vs placebo. D’après Peduto et al (5). Bolus = 0,015 mg/kg, période réfractaire 15 min. Déviation standard de consommation de morphine sur 24 heures = 10 mg.

CONSOMMATION CUMULÉE DE MORPHINE

SCORES DE DOULEUR SUR EVA

SCORES DE SATISFACTION GLOBALE DES PATIENTS

Essai 2

02468

10

1412

1618

Nulle Faible Modérée Bonne Très bonne

Propacetamol (n=39)Placebo (n=43)p= 0,01

mg

cm

heures

heures

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 104

Page 106: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

105

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

On voit, dans les résultats de ces trois essais menés sur des indicationsdifférentes, que les scores de douleurs sont à chaque fois comparables,que ce soit entre un traitement actif et un placebo ou entre deux traite-ments actifs. Dans le même temps, les consommations de morphineévoluent de manières visiblement différentes (et significativement)entre l’actif et le placebo, et tout à fait superposables entre les deuxactifs dans l’essai 3.

0

2

4

6

8

10

1210864321

PropacetamolKetorolac

0

2

4

6

8

10

12

1210864321

PropacetamolKetorolac

2 groupes parallèles de 100 patientes, après chirurgie gynécologique,propacetamol vs ketorolac. D’après Varassi et al (6). Bolus = 0,02 mg/kg, période réfractaire 5 min, limite de 0,1 mg/kg les 4 premières heures.Déviation standard consommation de morphine sur 12 heures = 4.6 mg.

CONSOMMATION CUMULÉE DE MORPHINE

SCORES DE DOULEUR SUR EVA

Essai 3mg

cm

heures

heures

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 105

Page 107: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

106

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

Il est donc antinomique de vouloir rechercher dans la même étude unedifférence significative sur la consommation de morphine et sur lesscores de douleurs.D’une manière générale,cela reflète aussi le principeselon lequel il est préférable de s’en tenir à un seul critère de jugementprincipal.

En théorie, la seule exception à cette règle serait un antalgique telle-ment efficace qu’il réduirait le besoin de compléter l’antalgie par lamorphine, avec une consommation quasiment nulle. Mais, dans le casd’un tel antalgique, le bon sens ferait rechercher d’autres méthodesd’évaluation de son efficacité antalgique en monothérapie.Si l’on considère des critères de jugement accessoires tels que la satis-faction du patient, il est en revanche possible de constater des diffé-rences significatives,comme on peut le voir dans l’essai n°2,car on faitintervenir là des facteurs multiples et associés. En particulier, le profild’effets indésirables des morphiniques étant dose dépendant, on peutfaire l’hypothèse qu’une consommation moindre de morphine retentitsur le confort du patient et donc, au final, sur sa satisfaction globalequant à sa prise en charge. Cependant, Homs et collègues ontdémontré dans une large enquête sur l’utilisation de la PCA enFrance (7), que la satisfaction du patient semblait ne pas être liée avecle soulagement de sa douleur. On entre là dans le sujet de la qualité devie comme critère de jugement de l’intérêt d’une méthode ou d’unetechnique et qui nécessite d’employer d’autres critères de jugementsbien spécifiques.Lorsqu’on emploie cette technique de l’antalgie de complément, il nefaut pas perdre de vue que l’on étudie en fait une association. Et c’estdonc l’efficacité et la tolérance de cette association qui est observée.Sur le plan efficacité antalgique, l’effet de cette association peut êtresynergique (simplement additif, voire potentialisateur) ou même anta-goniste. L’observation de la consommation de morphine ne permettrapas de distinguer entre effet additif et synergique, ni de préciser lemeilleur ratio de doses. Seules les études associant cette fois des dosesfixes permettent de répondre à cette question, comme il en a été faitde nombreuses au sujet de l’association paracetamol-codéine. (8,9)

Sur le plan des effets indésirables, c’est l’imputabilité des effets indési-rables à l’une ou l’autre molécule que l’on complique.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 106

Page 108: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

107

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

◗ L’antalgie de complément en douleur chronique

Le principe de l’antalgie de complément via la PCA n’est guère appli-cable qu’à la douleur aiguë post-opératoire.Si l’on accepte le principede contrôler au mieux les différents facteurs de variabilité, on peutconcevoir qu’il est illusoire de considérer l’antalgie de complément,dans le cadre de la douleur chronique,comme un critère de jugementqui puisse refléter de façon fine l’effet antalgique d’un produit, ouune différence d’effet entre deux produits ou versus placebo. Aumieux ce peut-être un critère secondaire dans une analyse de typepragmatique.En effet, même si le protocole a défini précisément les critères derecours à cet antalgique, il est difficile de pouvoir s’assurer qu’ilsont été respectés en tout par les patients, et en particulier la prisedu traitement étudié, par opposition avec une perfusion intravei-neuse. Une des différences avec la méthode PCA en douleur aiguëest le recueil des scores de douleurs. Avec celle-ci, il est fait trèsrégulièrement, et au moins aussi souvent que le recueil des consom-mations cumulées de morphine, soit toutes les heures ou toutes lesdeux heures. En revanche, en chronique, il n’est pas pensable dedemander au patient plus d’un à deux scores par jour. De plus, ladouleur chronique oscille dans la journée et d’un jour à l’autre,contrairement à la douleur post-opératoire que l’on peut, enpremière intention, considérer comme évoluant de manière assezrégulière (que ce soit dans le sens de l’augmentation ou de la dimi-nution). Il devient donc impossible de repérer une discordanceentre la prise de l’antalgique et le score de douleur.

� CONCLUSION

L’antalgie de secours est souvent envisagée pour des raisons éthiqueset il s’agit alors d’antalgie de recours, sa mise en œuvre n’est pas diffi-cile, elle impose juste de prendre des précautions dans l’analyse desdonnées subséquentes à l’intervention de cet antalgique de recours.Son utilisation préméditée comme critère de jugement, il s’agit alorsd’antalgie de complément, est plus difficile sur le plan pratique. Denombreux biais méthodologiques sont à éviter, son emploi doit doncêtre très encadré ce qui le rend peu praticable en douleur chronique.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 107

Page 109: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

108

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

Enfin, il faut se rappeler qu’on étudie dans ce cas une association dedeux principes actifs, mais qu’une seule étude ne pourra pasrépondre à plusieurs objectifs, comme par exemple l’effet d’épargneet la nature de l’effet obtenu : additif ou potentialisateur.

Bibliographie

1. Guideline for the clinical evaluation of analgesic drugs- FDA- 1992- docket

91D-0425

2. O. Jarde and E. Boccard Parenteral versus oral route increases paracetamol

efficacy. Clinical Drug Investigation, 1997 ; 14 (6) : 474-481

3. Ballantyne JC, Carr DB, Chalmers TC et al.,Post-operative patient-controlled

analgesia-meta-analyses of initial randomized controlled trials J Clin Anesth,

1 993, 5,182-193

4. Delbos A., Boccard E. The morphine-sparing effect of propacetamol in

orthopedic postoperative pain. Journal of Pain and Symptom Management,

1995 ; 10 (4) : 279-286

5. Peduto V.A.,Ballabio M.and Stefanini S.Efficacy of propacetamol in the treat-

ment of postoperative pain - Morphine-sparing effect in orthopedic surgery

Asta Anaesthesiol. Scand. 1998 ; 42 : 293-298

6.Varassi G, Marinangelli F,Agro F et al,A double-blinded evaluation of propa-

cetamol versus ketorolac in combination with patient-controlled analgesia

morphine : analgesic efficacy and tolerability after gynecologic

surgery,Anest anlg 1999, 88,611-616

7. Homs JB, Loriferne JF, Bonnet F,ARAR Evaluation of patient satisfaction and

pain relief with intravenous PCA, Br J Anaesth, 74, S1, 133,A436

8. Bentley KC, Head TW The additive analgesic efficacy of acetaminophen,

1 000 mg, and codeine, 60 mg, in dental pain. Clin Pharmacol Ther., 1987 ;

42 (6) : 634-640

9. Quiding H, Persson G, AhlstromU et al Paracetamol Plus Supplementary

Doses of Codeine : An Analgesic Study of Repeated Doses. Eur. J. Clin.

Parmacol., 1982 ; 23 : 315-319

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 108

Page 110: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

109

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

Les contraintes des essais cliniques en pédiatrie

Jacques Wrobel

Les contraintes imposées aux promoteurs et aux investigateurs dansle cadre des essais cliniques propres au développement des nouveauxproduits antalgiques en pédiatrie doivent être dissociées de cellesimposées à l'adulte. Ainsi,dès les années soixante, le Dr Harry Shirkeyestimait que les enfants sont des “orphelins thérapeutiques” (1,2).

� LES CONTRAINTES D'ORDRE PRATIQUE

Les contraintes liées aux essais cliniques comportent à la fois des aspectsréglementaires, éthiques et techniques.

◗ Au plan réglementaire

Le développement des médicaments passe obligatoirement, après laphase de recherche, par la mise en place d'essais cliniques sur l'hu-main, afin de mesurer leur efficacité et leur tolérance dans les condi-tions les plus proches possibles de leur utilisation à venir. Ladéclaration d'Helsinki indique que le progrès de la médecine estfondé sur la recherche, qui doit elle-même s'appuyer sur les expéri-mentations. Ces essais cliniques, désignés par le terme “recherchebiomédicale”, sont aujourd'hui relativement bien codifiés en Francepar des dispositions réglementaires du Code de santé publique (3)

ayant pour objet de protéger au mieux les personnes, bien portantesou malades, qui vont s'y soumettre (articles L 1121.1/10).Le non-respect de ces dispositions peut entraîner des amendes et despeines de prison pour le promoteur (le laboratoire) ainsi que pourl'investigateur, qui risque également d'être suspendu provisoirementde son droit d'exercer la médecine (articles L 1126.1/7). Chacun sedoit de respecter ces contraintes réglementaires.Voici les principauxarticles de loi les concernant.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 109

Page 111: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

110

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

• L'article L 1122.2 du Code de santé publique donne des précisions surle “consentement éclairé” qui doit être notifié par écrit par celui qui vafaire l'objet d'un essai clinique. Il indique que « le consentement éclairéest donné par les titulaires de l'autorité parentale pour des mineurs non-émancipés, ou pour des majeurs qui sont protégés par la loi, mais leconsentement du mineur doit également être recherché lorsqu'il estapte à exprimer sa volonté et il ne peut être passé outre son refus ou larévocation de son consentement ». Le moment à partir duquel on peutdemander son avis au mineur est donc laissé à l'appréciation de chacun.Plus important est de préciser que l'avis favorable doit être émis par lesdeux parents qui sont “les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale”.Il peut être toutefois compliqué d'obtenir ces deux avis, dans unesituation d'urgence, ou lorsque les parents vivent séparés.

• L'article L 1124.1 porte sur la notion de “bénéfice individuel direct”. Ilprécise qu'il doit y avoir une absence de “risque prévisible sérieux pourla santé des personnes qui se prêtent à la recherche”et qu'elle doit êtreutile pour d'autres personnes d'un âge identique. Il est donc nécessairede respecter le bénéfice direct de l'enfant,tout en ne perdant pas de vueque la législation française impose de ne pas commercialiser un nouveaumédicament,destiné à l'enfant ou à l'adulte,sans apporter les preuves deson efficacité et de sa tolérance. La recherche de ces preuves est parti-culièrement complexe chez l'enfant car il est en maturation constante.Des organes comme le foie ou les reins voient leur taille et leur fonctionse modifier en relation avec la croissance de l'enfant, ce qui rend plusdélicate l’analyse des paramètres biologiques. Concevoir un protocoled’essai clinique chez l’enfant impose donc de prendre en compte cefacteur croissance en instituant des groupes d’individus d’âge et depoids évolutifs.Tout ceci alourdit notablement les effectifs nécessaires etles essais doivent donc être menés à différents âges, ce qui en multipliele nombre.

• L'article L 1124.2 précise qu'une “indemnité peut être versée encontrepartie des contraintes subies, sauf pour un mineur ou un majeurprotégé”. Ceci veut dire qu'en aucun cas des parents ou des tuteurs nepeuvent entraîner des enfants à faire l'objet d'essais thérapeutiques pourdes intérêts financiers.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 110

Page 112: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

111

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

◗ Au plan éthique

Chaque protocole doit faire l'objet d'un examen approfondi par unComité Consultatif de Protection des Personnes pour les RecherchesBiomédicales (CCPPRB), qui juge de son bien-fondé scientifique etméthodologique et dont l'accord officiel est obligatoire en préalable à lamise en place de l'essai (articles L 1123.1/11).Les essais cliniques menéschez l'enfant posent souvent un problème dès cette étape de mise enplace, à cause tout simplement de la jeunesse des sujets concernés.

◗ Au plan technique

On note souvent des réticences du personnel soignant (le personnelparamédical et les médecins) vis-à-vis de l'expérimentation. Lessoignants sont souvent très sensibles à la réalisation d'essais chezl'enfant. Ainsi, les essais comparatifs avec un placebo sont malaccueillis. En effet, comment imaginer que dans un protocole, unenfant sur deux ne recevra pas un produit actif alors qu’il présenteune pathologie douloureuse réelle.Par ailleurs, l'essai clinique est un facteur de travail supplémentaire,compte tenu des contraintes liées au protocole qu'il induit. Citons lecas des prélèvements sanguins, pour lesquels le nombre de prélève-ments et la quantité de sang à recueillir sont plus problématiqueschez un enfant en bas âge que chez un adulte.Souvent, une relation affective se crée entre le soignant et l'enfant etpeut entraîner une incitation à soustraire celui-ci de l'essai clinique,même lorsque le risque est limité.La famille est aussi facteur de réticence.L'enfant hospitalisé et sa famillesont à la recherche de certitudes et non de motifs d'inquiétude et l'essaid'un médicament ou d'un nouveau dosage n'est pas le bienvenu. Lesparents d'un enfant hospitalisé vivent le plus souvent une situationangoissante. Ils ne sont alors pas dans les meilleures dispositions pourcomprendre ce que l'on attend d'eux dans le contexte très particulier,tant administratif que clinique, d'un essai thérapeutique. L'enfant estinquiet lui aussi et peut poser la question “pourquoi moi ?” alors queson accord est nécessaire.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 111

Page 113: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

112

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

� LES CONTRAINTES D'ORDRE ÉCONOMIQUE

Des contraintes d’ordre économique existent également. Ainsi, lesessais cliniques, base du développement médical des produits, sontlongs et coûteux, ainsi que toutes les études pharmacologiques préa-lables, indispensables et complexes. Le laboratoire pharmaceutique apour contrainte supplémentaire de mettre à disposition des enfantsmalades des dosages et des présentations différentes. Cette spécificité,propre à la pédiatrie, multiplie également le nombre d’essais cliniquesà réaliser.Parallèlement, le marché des produits antalgiques en pédiatrie estrestreint en volume et en chiffre d’affaires, si on le compare à celui del’adulte. En effet, le prix de vente proposé par les autorités de tutelleest calculé, en toute logique, au prorata du principe actif. Cecidiminue d’autant la rentabilité de chaque produit dans ses différentesformes. Un impact négatif sur le potentiel de mise en place des essaiscliniques en pédiatrie est alors inévitable.

� LES PERSPECTIVES D'AVENIR

D'un point de vue réglementaire, il est souhaitable de pouvoir autoriserle démarrage d'un essai clinique avec l'autorisation d'un seul parent, ledeuxième signant plus tard. La présence d'un expert pédiatre danschaque Comité d'Éthique devrait également favoriser l'évaluation desprotocoles. La réduction du caractère agressif de certains prélèvementsou examens bénéficie dorénavant de l'existence de micro-méthodes dedosage et du recours systématique aux crèmes antalgiques.D'un point de vue scientifique, des nouveaux concepts se développentactuellement dans chaque domaine thérapeutique.La sensibilisation despédiatres aux problèmes de l'antalgie chez l'enfant constitue un atoutsupplémentaire. La mise en place de réseaux de pédiatres pourrait favo-riser l'organisation des essais cliniques. Enfin,“mieux prendre en chargela douleur de l'enfant” est une des trois priorités du deuxièmeprogramme de lutte contre la douleur 2002-2005 du Ministère de laSanté. Les pouvoirs publics et les laboratoires, stimulés par ces évolu-tions, semblent mieux s’impliquer pour que soient mises à dispositiondu corps médical des solutions thérapeutiques nouvelles et adaptées.D'un point de vue sociologique, les familles doivent faire de plus en plus

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 112

Page 114: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

113

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DES

AN

TALG

IQUES

l'objet d'une information détaillée. Leur rôle est central dans la mesureoù ce sont elles qui connaissent le mieux leur enfant et qu'elles en ontla responsabilité (4). L’avenir est donc porteur d’optimisme.

� CONCLUSION

L'amélioration de la formation du corps médical et de l'informationdu grand public à la prise en charge de la douleur de l'enfant estfondamentale.Tous les moyens publics et privés doivent y contribuer.De cette évolution dépend une meilleure compréhension descontraintes liées aux essais thérapeutiques chez l'enfant, afin depouvoir favoriser leur réalisation dans les meilleures conditions deconfiance et de sécurité.Les contraintes réglementaires qui s’appliquent aux recherchesbiomédicales chez l’adulte peuvent, à l’instar des textes précédentsconcernant l’enfant, être consultées dans le même chapitre du Codede santé publique (articles L 1121.1/L 1126.7).

Bibliographie

1.“Why FDA is encouraging drug testing in children”, FDA Consumer, july/august 1991.

2. Shirkey H.,Therapeutic orphans, J. Pediatr, 1968 : 72, 1, 119-20.

3. Code de santé publique, Édition 2001, 6-15, Dalloz.

4. Cook J.,Tursz A., L'enfant et la douleur, familles et soignants, 1998, Ed Syros

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 113

Page 115: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

114

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 114

Page 116: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

115

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

5. ESSAIS CLINIQUES DANSLES PATHOLOGIES DOULOUREUSES

Évaluation de la douleur post-opératoire

Dominique Fletcher

� LE NOMBRE DE PATIENTS

Le nombre de patients constitue un premier point important dans lecadre de l’évaluation de la douleur post-opératoire compte tenu de lavariabilité des phénomènes de douleur. Les consommations demorphine, par exemple, pour des douleurs post-opératoires, vont deun à cinq selon les patients. Pour réduire cette variabilité, il convientde se rapprocher le plus possible des situations de puissance intrin-sèque. Pour ce faire, le risque alpha et le risque bêta doivent êtredéterminés, le risque alpha révélant à tort une différence et le risquebêta ne révélant pas une différence qui existe.

Il paraît possible d’effectuer des recherches cliniques avec moins de500 patients. Mais l’une des limites est la pertinence clinique de ladifférence statistique. L’analyse de technique analgésique en post-opératoire revient à interroger la thérapeutique habituelle.C’est pour-quoi il est important de combiner la pertinence statistique de l’étudeet l’objectif clinique quant à la différence à mettre en évidence.Le calcul prédictif du nombre des patients est aussi un élément impor-tant. Il dépend de la variabilité du critère utilisé, de la différence àmettre en évidence et des critères statistiques concernant le risque.Rétrospectivement, il faut aussi savoir si l’étude a la sensibilité intrin-sèque est suffisante pour mettre en évidence une différence.Une diffé-rence entre un traitement A et le placebo peut révéler une puissancesuffisante de l’essai.Ce faisant,si la comparaison entre deux traitementsA et B, potentiellement efficaces, ne fait apparaître aucune différence,c’est que la différence n’est pas importante.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 115

Page 117: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

116

Les calculs du nombre de patients sont parfois une limite à la pratiquede la recherche clinique, sachant que l’information n’est pas toujoursdisponible quant aux critères analysés. Il faut engager des étudesouvertes d’analyse de critère.Par ailleurs,les études multicentriques sontdifficiles à gérer. Mais ces études, même si elles portent sur un nombrede patients réduit, peuvent présenter un intérêt à partir du moment oùla différence à mettre en évidence est définie précisément.

� LES CRITÈRES DE QUALITÉ MÉTHODOLOGIQUE

La randomisation et le double aveugle permettent de “verrouiller” lamajorité des biais. Sans la randomisation, l’effet analysé est surestimé.Cela étant, il convient de le définir de manière appropriée sur la basede critères qui essaient de limiter la connaissance de l’ordre de rando-misation. La sélection peut être centralisée avec des listes préalable-ment établies.Le “double-aveugle” nécessaire pour éviter les biais peut être affiné,notamment en cas d’effets secondaires fréquents des produits à analyser.En particulier, l’utilisation d’un placebo actif limite le risque de percep-tion par le patient et par l’équipe soignante du type de traitement quia été administré. Le “double-dummy” correspond à une double admi-nistration de différents produits réalisée sur un patient placebo.Pourquoi continuer à analyser les patients exclus ? De fait, des étudespositives, en dépit de leur moindre qualité méthodologique, onttendance à être davantage publiées que les études négatives.Cela a étél’une des critiques adressées aux études portant sur l’analyse post-opératoire utilisant des techniques d’administration périphériqued’analgésie. La majorité des études positives avaient un niveau métho-dologique faible, contrairement aux études négatives. Ce biais depublication doit être anticipé.

� TYPE DE CHIRURGIE

Il faut garder à l’esprit les facteurs de variabilité dans le cadre de l’ana-lyse en post-opératoire.Dans le contexte de la nociception, les douleursneurogènes et viscérales doivent être prises en compte.L’intensité de ladouleur selon le type de chirurgie est également variable.L’évolution estES

SAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 116

Page 118: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

117

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

aussi différente quant à la durée et aux facteurs déclenchants. En amé-liorant l’homogénéité, l’étude gagne en puissance et permet de mieuxmettre en évidence la différence que l’on souhaite. Il faut donc absolu-ment se restreindre à des populations bien ciblées en termes de typechirurgical. Les opérations doivent être également aussi standardiséesque possible. Les études mêlant des patients aux origines chirurgicalesvariées sont fatalement moins puissantes.

� LES CRITÈRES D’ÉVALUATION

Les scores globaux de douleur figurent parmi les premiers critèresd’évaluation. Les seuils douloureux sont sans doute plus pertinentspour raisonner en termes de mécanismes.Il est aussi possible d’adoptercomme critère la consommation d’analgésiques.

◗ Les scores de douleur

Sauf en post-opératoire immédiat, il ne faut pas se fonder sur une hétéro-évaluation. L’auto-évaluation par échelle visuelle analogique (EVA),échelle verbale ou numérique reste la référence. L’EVA a l’avantaged’être continue et d’avoir été validée. Elle a une corrélation précise etune linéarité dans sa réponse par rapport au type de stimulation et àla douleur perçue par le patient.Des expériences standardisées de stimulation thermique montrent unebonne linéarité de la réponse du patient et de la description de ladouleur. Cela étant, les résultats des échelles d’évaluation peu utilisées,comme l’échelle numérique ou l’échelle verbale, sont bien corrélésavec les scores d’EVA. Il est donc possible de réaliser des essaiscliniques avec ces scores comme critère principal.L’EVA peut être sensibilisée au mouvement. Les techniques d’évaluationen post-opératoire ont récemment dérivé vers une évaluation de ladouleur dans des conditions de mouvements standardisés, l’objectifétant d’évaluer les patients dans le cadre d’une réhabilitation,c’est-à-dired’une reprise de l’activité précoce en post-opératoire.La notion de mouvement permet de quantifier la douleur provoquée(différente de la douleur spontanée) pour sensibiliser la mesure et entirer des conséquences cliniques en termes de capacités de mobilisation.Mais, les techniques d’évaluation rétrospectives ont peu d’avantages.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 117

Page 119: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

L’intervalle de confiance est aussi une notion importante. La compa-raison d’études avec un contrôle à quatre heures et à vingt-quatre heuresavec un niveau d’efficacité défini à 3 sur une EVA montre que lamoyenne à quatre heures est proche du seuil d’efficacité. En revanche,la dispersion des valeurs ne permet pas de penser que le traitement estvraiment fiable.

◗ Les seuils douloureux

Il n’a pas encore été démontré que les seuils douloureux sont vraimentutiles en termes d’analyse post-opératoire.Il s’agit plus d’un transfert detechniques réservées à la recherche animale ou humaine non clinique.L’objectif est de raisonner, non plus sur la douleur spontanée, mais surla douleur provoquée dans un contexte clinique. Les cas susceptiblesde réactiver les stimulus mécaniques doivent permettre de définir leseuil de douleur. L’allodynie mécanique sera diagnostiquée si le niveaudouloureux est réduit par rapport à une situation de contrôle.Au-delà,l’hyperalgésie sera diagnostiquée.Les études utilisent des stimulations de large surface avec une pressionsur la cicatrice ou avec des fils qui permettent de déterminer, demanière plus limitée dans l’espace, un seuil. Des stimulations ther-miques et électriques ont aussi été testées, mais elles sont peu appli-cables dans le cadre post-opératoire. La détermination de ces seuils apour objectif de raisonner sur des notions d’hyperalgésie renvoyant àl’allodynie primaire au niveau du site de la lésion et secondaire autourde la lésion.On s’intéresse à la réduction des seuils après la stimulationmécanique pour ce qui est de l’hyperalgésie secondaire. Il s’agit duseul phénomène détectable.

Les stimulations statiques et dynamiques donnent des éléments diffé-rents de physiopathologie. Ainsi, la réalisation d’une inflammation parinjection de capsaïcine, par pression, par fil ou au toucher peut êtreresponsable d’une allodynie. En cas d’infiltration, seul le phénomèned’allodynie statique est interrompu, alors que l’allodynie dynamiquene franchit pas la barre d’infiltration. Il est donc possible, sur unregistre expérimental, de raisonner de manière intéressante sur desphysiopathologies différentes d’allodynies. Le transfert de ce typed’analyse sur un plan clinique peut aussi avoir des conséquencesintéressantes en termes de mécanismes d’actions des analgésiques.

118

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 118

Page 120: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

119

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

L’étude de la prévention par la morphine de certains phénomènesdouloureux peut être citée comme exemple.Les patients ayant subi unechirurgie gynécologique recevaient des morphiniques à différentstemps de l’intervention dans le cadre d’un protocole d’analyse. Lepremier groupe recevait 10 mg de morphine en pré-induction, ledeuxième en intra-musculaire au début de l’induction et le troisième enfin d’intervention.Une augmentation de la différence de seuil entre unezone péri-cicatricielle et une zone contrôle a permis d’identifier uneallodynie. En l’occurrence, seul le deuxième groupe connaissait cephénomène de limitation de l’allodynie mécanique. Ainsi, il a étépossible de mieux dissocier les effets à différents moments de l’ad-ministration de l’analgésique.Une expérience a aussi été menée concernant des patients ayant subiune chirurgie abdominale et chez qui une pression au niveau de la cica-trice a été exercée. Un groupe a reçu un traitement contrôle et l’autregroupe un traitement par de la kétamine en per-opératoire, l’évaluationde la réponse à la pression se faisant à distance de l’intervention.Ainsi,le seuil nociceptif à la pression augmentait dans le groupe ayant reçude la kétamine, correspondant à une limitation de l’allodynie méca-nique. Par ailleurs, la douleur décrite par le patient après une pressionsupra-liminaire était plus faible dans ce groupe.Autrement dit, l’hyper-algésie mécanique diminuait.

� LES CONSOMMATIONS D’ANALGÉSIE

Le standard dans le domaine des consommations d’analgésie renvoieaux consommations auto-contrôlées.C’est le meilleur moyen d’adminis-trer aux patients de la morphine sans autre facteur que son bon vouloir.Dans ce cadre, il est possible de revoir les doses cumulées ou horaires,ce qui permet d’avoir une vision globale ou une vision des variations.Cependant, il faut savoir qu’aucune relation fine n’existe entre lesconcentrations de morphine trouvées dans le sang et le niveau d’effi-cacité analgésique observé chez chacun des patients. En outre, lescritères de consommation du patient ne sont pas uniquement liés à ladouleur.Néanmoins, c’est le meilleur moyen de permettre au patient de s’admi-nistrer un antalgique de façon standardisée et sans facteurs de confu-sion. L’analgésique à la demande est un pis-aller. Il peut être utilisé en

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 119

Page 121: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

120

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

traitement de secours uniquement sur des critères stricts. Dans uneétude où il n’est pas possible d’utiliser l’analgésie auto-contrôlée, onpeut utiliser un traitement intermittent par antalgique. Mais le critèred’administration doit être aussi standardisé que possible avec le trai-tement connu. Il est aussi possible d’accroître les délais de demande.

� LES LIMITES

L’étude de la relation entre la concentration de l’analgésique dans le sanget le niveau de douleur montre une concentration maximale inefficaceet minimale efficace. Pour une même chirurgie, les concentrationsvarient beaucoup selon les patients.Cette relation n’est pas mécanique.L’analyse auto-contrôlée permet seulement de s’adapter à la variabilitédes patients qui peuvent fluctuer leur consommation de morphine aussilibrement que possible.L’EVA, grâce au caractère continu de ses scores, permet un traitementstatistique.Ainsi,une étude à partir de scores d’EVA a été réalisée auprèsde femmes venant d’accoucher et à qui différents traitements avaientété administrés. Les auteurs ont tout d’abord cherché si la distributionétait normale. Ensuite, ils ont procédé à une analyse de la puissance etde la fiabilité des tests effectués, qu’ils soient paramétriques ou non.La capacité à détecter les faux positifs était bonne pour tous les tests.Néanmoins, la puissance était supérieure pour les tests paramétriques.Des problèmes se sont également posés pour les EVA proches desvaleurs extrêmes. Les auteurs en ont donc conclu que les bons testsconcernant les scores de douleurs, même en l’absence de distributionnormale, restaient les tests paramétriques (notamment Anova).

� CONCLUSION

Une technique de recherche bien menée est fondée sur la sélectionoptimale des types de chirurgie. Il n’est pas possible de réaliser desétudes très larges. Ainsi, il faut avoir des objectifs raisonnables depertinence clinique. Il convient également de définir ses paramètreset utiliser une analyse statistique adaptée.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 120

Page 122: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

121

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

Exigences méthodologiquespour les essais thérapeutiques

dans les douleurs neuropathiques

Nadine Attal

Ce n’est que depuis cinq ans environ que les grands groupes pharma-ceutiques s’intéressent à la douleur neuropathique. Jusqu’à présent, lescliniciens étaient habitués à des essais méthodologiques portant sur deseffectifs extrêmement réduits (15 à 20 patients), ce qui en diminuaitd’autant la qualité.Cependant, l’évaluation des douleurs neuropathiquesa beaucoup progressé. Le problème de la randomisation et des statis-tiques se pose moins aujourd’hui que celui de l’évaluation de la douleur.

� ÉTAT DES LIEUX

◗ Historique

Depuis quelques années, des laboratoires ont réalisé des essais à laméthodologie beaucoup plus avancée qu’auparavant avec des effectifsplus importants. Citons notamment un essai sur la gabapentine, unautre sur le tramadol et un dernier aux États-Unis sur l’oxycodoneconcernant les neuropathies douloureuses du diabète et les algiespost-zostériennes. Ces essais ont une méthodologie très proche desessais initiaux.Le plus souvent, les patients sont classés selon l’étiologie de leurdouleur. La plupart des essais thérapeutiques considèrent deuxgrandes étiologies comme étant des modèles d’études : les neuropa-thies du diabète et les algies post-zostériennes. Les lésions nerveusestraumatiques ou les douleurs centrales sont moins considérées.

◗ La méthode d’évaluation

La douleur est considérée de façon assez globale. Généralement,les études utilisent des échelles visuelles analogiques (EVA). Enconsultation, il est demandé au patient de noter un score de

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 121

Page 123: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

122

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

douleur. À domicile, le patient remplit un carnet d’auto-évaluation lesoir et note son score de douleur sur une échelle numérique allant de0 à 10. Cette évaluation porte sur l’ensemble de la douleur de lajournée. Les échelles catégorielles peuvent aussi être utilisées en plusdes échelles visuelles. Un certain nombre d’études ont égalementutilisé la version abrégée du questionnaire de Mac Gill.Les études considèrent souvent la qualité de vie avec l’échelle SF 36(voir p. 53). Mais celle-ci n’est peut-être pas la plus adéquate à lamesure du retentissement de la douleur neuropathique. Elle paraît unpeu trop globale.Parmi les critères utilisés, les méta-analyses de Mc Kay indiquent quele critère le plus pertinent dans les essais classiques est une diminutionde l’EVA d’au moins 50 %. Dans l’étude sur la gabapentine qui a portésur un effectif important, les scores de douleurs spontanées étaientcotés à 6 sur 10 sur une EVA pour passer à 4 pour le placebo et à 3pour la gabapentine.Très exactement, la différence entre le placebo etla gabapentine était de 1,5 point sur l’EVA.Cependant,la question de la pertinence clinique du score de l’EVA resteposée. C’est pourquoi certains auteurs proposent de se fonder sur lepourcentage de diminution du score de l’EVA. La plupart des étudesrécentes n’ont pas considéré ce critère. Mais il a été largement utilisé àl’occasion d’études portant notamment sur les antidépresseurs avec desméta-analyses.

◗ Les limites de la méthodologie

L’une des principales limites est peut-être que l’évaluation clinique n’estpas suffisamment adaptée aux spécificités des douleurs neuropathiques.Aucune des échelles ne traduit la richesse sémiologique de ces douleurset permettrait d’affiner les critères d’évaluation d’un traitement.

� LES ENJEUX

◗ Mise en perspective

Une douleur neuropathique (liée à une lésion du système nerveux) estun syndrome douloureux qui peut être dû à de nombreuses étiologies,comme le diabète ou le zona, et qui associe un cortège de symptômes

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 122

Page 124: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

123

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

positifs ou négatifs comme la perte de la sensibilité, l’hypoesthésie oul’hypoalgésie. Il peut y avoir d’autres symptômes : déficit moteur,troubles de la température cutanée, phénomènes vasomoteurs, etc.

Le problème est que la mesure globale de la douleur ne traduit pasfinement l’ensemble des phénomènes neuropathiques comme l’allo-dynie hyperalgésique ou les phénomènes de post-sensation, d’adapta-tion et d’habituation anormale. L’intérêt clinique de cette évaluationest évident.Certains patients atteints de zona sont bien plus gênés parleur allodynie au frottement que par leur douleur spontanée. Sansévaluation du traitement de cette composante, l’effet peut être mini-misé, voire inexistant.

◗ Comment évaluer globalement la douleur neuropathique ?

L’interrogatoire

L’évaluation passe par un interrogatoire concernant l’existence de ladouleur au repos ou l’existence d’une douleur évoquée. Les caracté-ristiques de ces douleurs seront précisées par des échelles appro-priées. La localisation de la douleur, l’évolution temporelle etl’intensité de douleur sont aussi des éléments importants. L’EVA oul’échelle numérique est la plupart du temps utilisée pour mesurer l’in-tensité de la douleur.Concernant la douleur évoquée, on peut demander quelle est ladouleur à l’effort, sachant que certains patients la ressentent fortement(allodynie du mouvement).Les douleurs au frottement sont égalementévoquées, sachant que les patients s’en plaignent spontanément,notamment ceux qui ont un zona. Cette douleur peut être cotée surune EVA. Enfin, il est demandé au patient s’il est gêné par le froid.

Les instruments de mesure

Plusieurs échelles peuvent permettre de déterminer les caractéris-tiques de la douleur. Le questionnaire de Mc Gill traduit et validé parFrançois Boureau a été largement utilisé en France, notamment pourles douleurs neuropathiques. En 1990, François Boureau a indiquéque certaines des variables utilisées dans le questionnaire étaient

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 123

Page 125: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

124

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

discriminantes des douleurs neuropathiques par rapport à desdouleurs chroniques d’autres étiologies comme l’arthrose.Parmi les variables discriminantes, on retrouve les caractéristiques de ladouleur neuropathique : brûlures, décharges électriques, démangeai-sons, fourmillements, picotements, crampes et impressions de froid. Cequestionnaire a une pertinence au cours de l’interrogatoire concernantl’estimation des différents types de douleur puisqu’il est possible dequantifier ces variables.

Plus récemment, Galer et Jensen ont proposé d’utiliser un question-naire incluant dix variables qui se veut plus spécifique de la neuropathieappelé “Neuropathic Pain Scale”. Ce questionnaire n’a pas, jusqu’àprésent, été traduit. Il n’est pas disponible et n’a pas été utilisé dans lesessais cliniques en France, même pour tenter de comparer plusieurscatégories de patients.Il a seulement fait l’objet d’une validation interne par ses auteurs qui ontmontré que des variables pouvaient discriminer certains types dedouleurs neuropathiques par rapport à d’autres, par exemple lanévralgie post-zostérienne où l’impression de brûlure et de froid étaitdavantage observée par rapport à des douleurs postraumatiques ou àdes douleurs centrales.

L’examen clinique

L’examen clinique d’une douleur neuropathique doit s’intéresser auxsymptômes négatifs d’hypoesthésie. Il est important de mesurer unehypoesthésie au chaud et au froid par exemple, sachant qu’elle peuttraduire l’existence ou l’atteinte des petites fibres. L’examen va aussis’intéresser à la recherche d’une allodynie et d’une hyperalgésie.Cet examen clinique standardisé est nécessaire. Par exemple, lamesure d’une allodynie dynamique au frottement (allodynie dyna-mique mécanique) peut être effectuée au moyen d’un pinceau oud’une brosse à dents électrique. Il ne s’agit donc pas véritablementd’une évaluation quantitative. En revanche, il est possible dedemander au sujet de rapporter l’intensité de l’allodynie sur une EVAou une échelle numérique.

Depuis quelques années, des techniques d’évaluation quantitative destroubles de la sensibilité ont également été introduites dans la recherche

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 124

Page 126: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

125

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

clinique. Le but est de fournir des informations sur les seuils de détec-tion ou de douleurs somesthésiques en réponse à des stimulations ditessupra-liminaires.Les tests sont effectués en zone de douleur maximale. Les résultatsobtenus sont comparés à une zone homologue saine ou à des sujets decontrôle. Différentes modalités somesthésiques (thermique, mécaniqueet vibratoire) sont testées. Ces mesures peuvent permettre une utilisa-tion reproductible et relativement fiable.

L’évaluation thermique, très utilisée actuellement, autorise la mesureconcernant les fibres de petits calibres qui ne sont pas explorées parl’électrophysiologie conventionnelle.Ainsi, on peut obtenir des résul-tats des seuils de détection et de douleur au chaud et au froid ainsique mesurer la douleur évoquée par l’application de stimulationssupraliminaires.L’appareil utilisé (thermotest) comprend une thermodeposée sur la peau du sujet à une température initialement neutre. Il estdemandé au sujet d’appuyer sur un bouton pour renverser la stimulationau chaud ou au froid,le même principe s’appliquant pour définir le seuilde douleur.Grâce à la méthode des limites, l’appareil fait la moyenne desstimulations successives, ce score étant reporté sur un graphiquemontrant les seuils de perception au chaud et au froid.Des stimulationsmécaniques telles les poêles de Bollfrey peuvent compléter l’analyse.Au cours de ces tests, il est nécessaire de contrôler un certain nombrede facteurs de variabilité comme l’âge du sujet, la taille de la thermode,la rapidité d’élévation de la température, la température cutanée et lesparamètres liés au sujet lui-même, puisqu’il s’agit de méthodes semi-objectives. En effet, la réponse dépend de la subjectivité du sujet et dutemps de réaction. Les patients soumis à des fortes doses de psycho-tropes auront des temps de réaction plus élevés.Ces paramètres doiventêtre gardés à l’esprit dans le cadre d’études multicentriques avec deseffectifs plus importants.

◗ Applications

Ces méthodes permettent de mieux mesurer les phénomènes négatifscomme l’hypoesthésie, l’hypoalgésie et les phénomènes de douleursévoquées comme l’allodynie ou l’hyperalgésie. Dans cette perspective,l’allodynie correspond à une diminution des seuils de douleurs, alorsque l’hyperalgésie peut être mise en évidence lorsqu’on compare les

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 125

Page 127: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

126

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

réponses obtenues lors de l’application de stimuli supra-liminaires enzone saine et en zone lésée. Le sujet malade aura une augmentationde la pente stimulus-sensation.Une deuxième application est une meilleure évaluation des traitementsde la douleur neuropathique. Plusieurs équipes ont développé unecertaine habitude de ces techniques pour évaluer les traitements, ycompris en double aveugle versus placebo.Il s’avère que ces techniquessont particulièrement sensibles pour mettre en évidence les effets detraitement sur l’allodynie au frottement, l’allodynie au chaud et au froidet l’hyperalgésie.Depuis plusieurs années, de nombreuses études ont porté sur l’applica-tion de ces méthodes à l’évaluation de substances comme la betaminequi a un effet anti-NMDA. L’approche quantifiée a ainsi été utilisée pourles anti-épileptiques, les anesthésiques locaux, les antagonistes desrécepteurs NMDA et les blocs sympathiques. Pour ces derniers versusplacebo, une efficacité préférentielle des sympatholytiques sur unehyperalgésie ou une allodynie au froid a été mise en évidence.Une étude avec de la gabapentine concernant des patients victimes delésions nerveuses périphériques ou centrales a aussi été réalisée. L’effetsur la douleur spontanée continue a été très modéré, alors qu’il a étéplus significatif pour les paroxysmes douloureux et l’allodynie au frotte-ment,ce qui montre l’intérêt de dissocier ces différents composants lorsd’une étude contrôlée.L’Emla (anesthésique) et les gels de lidocaïne ontentraîné une efficacité globale sur la douleur de l’algie post-zostérienne.L’Emla était peu efficace sur la douleur spontanée,mais très efficace surl’hyperalgésie mécanique.Par ailleurs, nous avons montré que la lidocaïne pour les douleurscentrales en intra-veineuse versus placebo avait une efficacité très signi-ficative sur l’allodynie et l’hyperalgésie mécanique,tandis que la douleurspontanée était peu améliorée.

� POUR UNE NOUVELLE APPROCHE

Ces études permettent de discriminer les différents types de douleurs(spontanées et évoquées) et l’effet des composants.Le problème est queles symptômes ne sont pas toujours équivalents aux mécanismes. Ainsi,nous nous sommes davantage attachés à essayer d’évaluer les méca-nismes des douleurs neuropathiques.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 126

Page 128: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

127

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

◗ Bilan des études

Récemment, Fields, Rowbotham et Baron ont entrepris une séried’études pour mettre en évidence chez des patients présentant tous unenévralgie post-zostérienne une certaine hétérogénéité.En particulier, lespatients présentaient une forte allodynie au frottement, mais pas auchaud avec une réponse très importante aux blocs anesthésiques et uneaugmentation de la douleur initiale à l’application de capsaïcine quiactive les fibres C.Un autre groupe de patients ne présentait aucune allodynie au frotte-ment, mais une sensibilité au chaud extrêmement prononcée. Parailleurs, ils ne répondaient pas aux blocs anesthésiques et à la capsaï-cine.Un troisième groupe présentait à la fois une allodynie au frottementet un important signe de déficit au chaud, ce qui suppose une atteintedes fibres de gros calibres. Ainsi, aucune réponse aux blocs anesthé-siques et à la capsaïcine n’était enregistrée.

◗ Vers un nouveau classement

Ces études nous conduisent à penser que les douleurs neuropathiquespourraient être classées autrement que selon des critères étiologiques. Ilserait intéressant d’examiner les symptômes douloureux et les méca-nismes des douleurs neuropathiques afin d’avoir une approche encoreplus patho-physiologique.En cas d’algie post-zostérienne,on peut penser que les patients qui ontune allodynie classée dans le groupe des nocicepteurs irritables avecpeu ou pas d’effets thermiques vont répondre à des médicaments quiagissent plus spécifiquement sur des phénomènes de sensibilisationpériphérique comme les topics locaux. Au contraire, les patientsprésentant des signes de désafférentation importante (déficit ther-mique) pourraient répondre davantage à des produits d’actioncentrale, sachant que ceci n’a jamais été validé.

◗ Les limites

L’une des limites inhérentes à l’évaluation tient à la coopération dusujet et à une certaine variabilité des tests, ce qui nécessite d’unifor-miser les paramètres de stimulation.Nous ne connaissons pas non plusle mécanisme des douleurs neuropathiques et l’action des traitements.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 127

Page 129: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

128

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

Ainsi, il est difficile de faire une adéquation entre les opiacés ou lagabapentine et le zona ou les phénomènes de désafférentation.

◗ Application à la méthodologie des essais cliniques

Cette méthodologie doit permettre de mieux évaluer la douleur spon-tanée et de dissocier les deux types de douleur,comme s’y attachent desétudes récentes. L’efficacité des anti-épileptiques sur les douleursparoxystiques a pu être montrée grâce à ce type d’études. Il est égale-ment possible d’évaluer la douleur maximale sur 24 heures et la douleurd’efforts grâce à un interrogatoire.Concernant la douleur évoquée, les techniques disponibles ont deslimites, sachant qu’elle peut être quantifiée lors de l’interrogatoire.L’étude tramadol a essayé de mesurer les paramètres de la douleur aufrottement. Cet interrogatoire peut avoir une certaine validité parrapport à d’autres mesures et peut permettre d’être un peu plusdiscriminant.Lors de l’examen clinique, une allodynie au frottement peut êtrerecherchée. Dans ce contexte, le stimulus doit être contrôlé. Pourréaliser une étude multicentrique, tous les investigateurs doiventutiliser la même méthode et être formés à l’examen, même si cedernier n’a rien de contraignant.Par ailleurs, on peut d’ores et déjà envisager d’utiliser ces tests quanti-fiés dans les essais thérapeutiques à grande échelle. Les laboratoirescommencent à se poser la question. Ils ont compris l’intérêt d’avoirune approche un peu plus “mécanistique”. Une évaluation standar-disée avec les mêmes paramètres de stimulation,des expérimentateursformés et des patients préalablement entraînés,peut être menée à uneplus grande échelle avec des thermotests notamment.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 128

Page 130: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

129

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

Méthodes de développement clinique des anti-migraineux

Michel Lanteri-Minet

La méthode d’évaluation dans le domaine des migraines et des cépha-lées repose sur des bases assez solides du fait du consensus existantgrâce à l’International Headache Society (IHS). Historiquement,la méthodologie du traitement de crise s’est nourrie du développe-ment des triptans, notamment du sumatriptan. Les critères IHS etGlaxo pour évaluer l’efficacité des anti-migraineux ont eu tendanceà se concurrencer, sachant que les critères Glaxo, avec leurs qualitéset leurs inconvénients, sont encore largement utilisés.

� LES PATIENTS

◗ Les critères diagnostiques IHS

La distinction entre migraine sans aura et avec aura est exigée pourpouvoir inclure un patient dans un essai thérapeutique.

La migraine sans aura

La migraine sans aura (ou migraine commune) correspond à au moinscinq crises.Un patient n’est pas considéré comme migraineux s’il a euseulement une crise ; de plus, il doit avoir des céphalées durant 4 à72 heures.Par ailleurs, la migraine doit revêtir au moins deux des carac-téristiques suivantes : unilatéralité, pulsatilité, intensité modérée ousévère,aggravation par les activités physiques (par exemple, la montéedes escaliers). Enfin, la migraine doit être associée à au moins l’un dessignes suivants : nausées et/ou vomissements (composante digestive)et photophobie et phonophobie (hyperesthésie sensorielle).

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 129

Page 131: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

130

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

La migraine avec aura

Actuellement, nous butons sur le problème de la prise en charge dela migraine avec aura, sachant que la tendance aujourd’hui est deregrouper cette population avec celle de la migraine sans aura pourles études,ce qui est dommage.Mais il faut savoir que la migraine avecaura (ou migraine classique) est beaucoup moins fréquente (10 à 20 %des crises).Les critères IHS font référence et sont assez faciles à utiliser, contrai-rement à ce qui est dit. Ils permettent, de surcroît, une bonne homo-généité des patients et une bonne correspondance avec la réalitéclinique. La correspondance des critères IHS avec la réalité cliniquedu praticien atteint près de 95 %.

◗ Les autres critères

Le problème des céphalées intercalaires

Un certain nombre de critères reviennent systématiquement dans lesessais migraineux. Tout d’abord, les céphalées intercalaires. quiconcernent les patients qui allèguent des céphalées entre deux crisesde migraine, ces céphalées étant prolongées et moins paroxystiquesque les crises de migraine.Il est possible d’inclure des patients ayant des céphalées intercalaires,à condition qu’ils puissent les individualiser par rapport à la migraine.Ils ne doivent pas prendre l’anti-migraineux au moment de lacéphalée intercalaire afin de ne pas biaiser l’étude. Mais, la questionde la différence entre la céphalée intercalaire et la migraine d’unpoint de vue physiopathologique reste posée.Par ailleurs, ces céphalées intercalaires ne doivent pas être présentesplus de six jours par mois. Au-delà, il s’agit de patients sujets à descéphalées quotidiennes chroniques. Ces sujets, qui ont tendance àl’abus médicamenteux, ne sont pas les mieux placés pour faire partiedes essais.

Le nombre de crises

Les migraineux ne doivent pas avoir plus de six crises par mois. Sinon,les patients sont considérés comme pouvant présenter des céphalées

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 130

Page 132: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

131

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

quotidiennes chroniques, avec un risque d’abus médicamenteux. Lespatients ayant moins d’une crise par mois ne sont pas non plus consi-dérés comme pouvant être inclus pour des raisons d’efficience del’essai.

L’ancienneté

Il est toujours exigé une ancienneté supérieure à un an. Les migrainesqui viennent de se déclarer ont souvent un caractère très capricieux. Ilest difficile de connaître leur évolution tant en termes de fréquence quede nature de crise. Une amélioration de l’état du patient peut très bienrésulter de l’évolution spontanée de la migraine.

L’âge

L’âge de début de crise ne doit pas excéder 50 ans.En effet, la fréquencedes migraines dites “symptomatiques”est importante après 50 ans,ce quiconstitue un biais de recrutement. Par ailleurs, le patient doit être âgéentre 18 et 65 ans. Ceci pose un problème du point de vue de l’utilisa-tion pratique des triptans.La réglementation interdit l’utilisation des trip-tans avant 18 ans. Ainsi, actuellement, aucune donnée fiable n’estdisponible concernant l’utilisation des triptans parmi cette population.Or, la prévalence de la migraine dans cette population peut être estiméeà 3-5 %, ce qui n’est pas négligeable.Les migraineux sont généralement des sujets plutôt jeunes.Mais il arriveque des migraineux sévères aient cette maladie tout au long de leur vie.Ainsi, un patient âgé de 65 ans peut très bien demander s’il peut avoirrecours au triptan. Aujourd’hui, le critère d’âge 18-65 ans est davantageutilisé par habitude que de manière justifiée. Il faut donc s’en méfier.L’adaptation de la méthodologie peut parfois s’avérer nécessaire.

� LE CRITÈRE D’EFFICACITÉ

◗ Les critères IHS

Le critère de l’IHS a l’avantage de la clarté :“headache free”.Autrementdit, un anti-migraineux efficace fait totalement disparaître la céphaléedeux heures après la prise du traitement.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 131

Page 133: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

132

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

◗ Les critères Glaxo

La majorité des essais utilisent le critère Glaxo de soulagement de lacéphalée à la deuxième heure.La crise de migraine est classée selon l’in-tensité avec l’échelle verbale suivante :“absente”,“minime”,“modéré”et“sévère”. Le soulagement correspond au passage d’une crise “sévère”cotée à 3 à une crise “minime”cotée à 1 ou “absente”cotée 0 ou bien aupassage d’une crise “modérée” cotée à 2 à une crise “minime” ou“absente”.L’utilisation de ce critère est allée de pair avec le développement dusumatriptan en recherche clinique.Cette tendance s’est poursuivie et lesautres laboratoires ont reproduit ce critère d’efficacité en le considérantcomme une référence.L’avantage de ce critère est d’enregistrer des tauxde succès plus élevés.Au-delà du caractère “flatteur”du résultat, la sensi-bilité plus élevée de ce critère peut aussi présenter un intérêt du pointde vue méthodologique.Le principal problème est la pertinence clinique du passage d’unniveau 2 à un niveau 1, 75 % des patients passant d’une crise modéréeà une crise minime jugeant ce passage non pertinent sur le plan théra-peutique. Il faut aussi savoir qu’il est impossible de traiter tôt avec cecritère. Le traitement démarre à partir d’une crise de niveau 2, ce quine reflète pas vraiment la réalité clinique. Hormis les cas d’abus médi-camenteux, les praticiens conseillent souvent aux patients de se traiterle plus tôt possible.

◗ L’évaluation à quatre heures

L’une des critiques méthodologiques de certains essais est l’évaluation àquatre heures. En effet, il faut se méfier de l’effet du traitement desecours, la majorité des essais sur les traitements anti-migraineux auto-risant ce type de traitement à la deuxième heure. L’évaluation à quatreheures conduit ainsi à associer un groupe de patients constitués deceux qui n’ont pas pris le traitement de secours et ceux qui l’ont pris.Pour ces derniers, il est difficile de savoir quel traitement a agi.

L’analyse en sous-groupes rendrait l’essai ingérable sur le plan pratiqueet financier,compte tenu de l’importance des effectifs nécessaires.Danscertaines études, le promoteur demande aux patients d’attendre quatreheures avant de pouvoir utiliser le traitement de secours. Mais c’est très

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 132

Page 134: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

133

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

difficile en pratique, le patient ayant l’habitude de prendre son traite-ment au bout de deux heures.

◗ La récurrence

Avec le développement du sumatriptan, le problème de la récurrenceest apparu.La récurrence est le fait qu’un patient voit réapparaître ou seréaggraver sa crise dans les 24 heures après une disparition ou une netteamélioration initiale.Les taux de récurrence des triptans s’élèvent à 30 %, ce qui n’est pasnégligeable. Actuellement, les laboratoires se livrent bataille pour pré-senter des taux de récurrence différents. Cependant, la comparaison dedeux molécules en termes de taux de récurrence n’a aucun sens en l’ab-sence de taux de succès initiaux. Il est évident que le taux de récurren-ce augmente avec le taux de succès d’une drogue.Une réflexion à l’IHSvise à mettre au point un score de succès total : “headache free” à ladeuxième heure et non-réapparition de la douleur dans les 24 heures.Ce critère ne paraît pas suffisant par rapport à la réalité clinique.En effet,il conduit à se concentrer sur les 24 premières heures,alors que la duréede la migraine est de 4 à 72 heures. La perte d’information est impor-tante.Les essais cliniques n’ont,par exemple,pas du tout appréhendé leproblème de la récurrence multiple.Certains patients qui reprennent duproduit entre la 24e et la 48e heure estiment que le produit n’est pas effi-cace pour cette raison.L’IHS va peut-être tenir compte de cet aspect,mais il ne faudrait pas quedes critères trop sévères entravent la sortie de nouveaux médicaments.Pour chaque étude, il faudra bien mesurer les avantages et les limites deces choix.

◗ Le gain thérapeutique

L’effet placebo est encore plus important dans la migraine que dansla douleur, la migraine étant auto-limitée dans des délais très variablesselon les patients. Les crises cessent au bout de quatre heures pourcertains patients. Ce délai est sans doute encore plus faible pour lesenfants.Il est possible de comparer les taux de réponse en termes de sou-lagement selon les critères Glaxo, les taux de succès en termesd’absence de céphalées à deux heures, mais aussi le taux de succès

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 133

Page 135: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

134

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

en termes de gain thérapeutique (c’est-à-dire la différence entre letaux de succès du produit étudié et le placebo).Il faut savoir que la comparaison de deux molécules évaluées au coursde deux essais différents est dénuée de sens sans les taux de réponse auplacebo. Un taux d’efficacité de 70 % avec un bras placebo de 40 % etde 10 % n’a pas la même signification. L’effet placebo ne doit pas nonplus être systématiquement critiqué. Il est important pour les cliniciensque nous sommes au quotidien. Il faut se méfier du discours de type“jusqu’au-boutiste” de la méthodologie clinique. Cette distance parrapport à la réalité peut être une source de déception.Un médicament avec un gain thérapeutique de 20 à 30 % est considérécomme ayant une efficacité modérée. Entre 30 et 40 %, le médicamentest considéré comme efficace et, au-delà de 50 %,comme très efficace.Le gain thérapeutique facilite la comparaison d’études réalisées dansdes conditions très différentes. Souvent, l’industrie pharmaceutiquea tendance à présenter des résultats isolés, ce qui n’est pas justifié.

◗ Les autres critères d’évaluation

D’autres critères peuvent être utilisés comme objectifs secondaires. Ilsconcernent l’évaluation sur les nausées-vomissements et sur la photo-phobie-phonophobie. La gêne fonctionnelle est liée à ces composantessémiologiques qui sont obligatoirement présentes chez les migraineux.Un autre critère est l’effet sur l’impact fonctionnel qu’il serait possibled’élargir à la qualité de vie.Mais on a du mal à appréhender la notion dequalité de vie chez les migraineux. Il paraît douteux de mesurer laqualité de vie à partir d’un anti-migraineux de crise. Il ne s’agit pas dela même échelle de temps. Ainsi, l’influence nord-américaine conduitde plus en plus à mesurer la rentabilité et les conséquences en termesde remboursement des produits.Il faut se méfier de cette pensée écono-mique qui ne doit pas occulter les aspects médicaux.Un critère important est la reproductibilité de l’effet. Les patients souhaitent fortement que le médicament garde son efficacité.Généralement, un médicament qui calme la douleur migraineusedeux fois sur trois est considéré comme bon, d’où l’apparitiond’études évaluant sur trois crises.Enfin, le dernier critère qui va peut-être devenir important est la rapi-dité de l’effet. Selon des enquêtes, cette attente est faite chez lespatients souffrant de migraines avec celle de l’accessibilité en termes

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 134

Page 136: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

135

ESSAIS

CLI

NIQ

UES

DAN

S L

ES P

ATH

OLO

GIE

S D

OULO

UREU

SES

de galénique.Ce critère mériterait de faire l’objet d’essais spécifiques,sachant que les études ont, jusqu’à présent, évalué ce critère enseconde analyse.

� GRANDS ESSAIS OUVERTS

Il faut mettre en garde contre les grands essais en ouvert, destinés àdéterminer des indices de satisfaction. Il vaudrait mieux faire des essaistrouvant une résonance dans la pratique réelle. Les taux de satisfactionde 90 ou 95 % sont dénués de sens dans la mesure où ils n’intègrent pasceux sortis de l’essai. Il est donc nécessaire de connaître le nombre depatients sortis de l’étude et les raisons de leurs sorties.

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 135

Page 137: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

136

Upsa Méthodo essais 2002 18/10/02 15:57 Page 136

Page 138: Douleur douleur et methodologie d'essais cliniques

MÉTHODOLOGIEDES ESSAIS CLINIQUES

DANS LE DOMAINE DE LA DOULEUR

MÉTH

OD

OLO

GIE

DES E

SSA

IS C

LIN

IQUES D

AN

S L

E D

OM

AIN

E D

E L

A D

OULE

UR

UPSA couv Méthodologie 17/10/02 16:12 Page 1