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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2010) 11, 258—265 LU POUR VOUS Douleur et personne âgée Pain in older people Franc ¸oise Beroud Institut UPSA de la douleur, 3, rue Joseph-Monier, 92500 Rueil-Malmaison, France Parce qu’être âgé et souffrir est souvent considéré à tort comme normal, la pro- blématique de la douleur chez la personne âgée se doit d’être éclairée. Ainsi, l’institut UPSA de la douleur se penche sur cette problématique en éditant un nou- vel ouvrage intitulé Douleur et personne âgée et en publiant deux lettres, l’une sur le thème de la « douleur chronique du sujet âgé » et l’autre sur celui des « douleurs réfractaires et sédation palliative ». L’ensemble de ces publications sont consultables et téléchargeables sur le site de l’institut : www.institut-upsa-douleur.com (Fig. 1). Le vieillissement est un processus naturel, mais quand il s’associe à des douleurs chroniques, articulaires ou bien aiguës ayant des répercussions sur les capacités du patient mais aussi sur sa qualité de vie, une prise en charge médicale est néces- saire. Le rôle de tous les acteurs du monde médical est de veiller à ce que ce pro- cessus se déroule de la fac ¸on la plus optimale en prenant en compte les trois dimensions que recouvre la douleur : dimension organique, psychologique et sociale. La douleur de la personne âgée est, cependant, encore trop souvent négligée par les soi- gnants. Comment évaluer la douleur chez le patient âgé ? Quelles sont les spécificités de la prise en charge de la douleur chez ces patients ? Comment gérer la douleur en onco- gériatrie ? Quelles sont les solutions de traitement des douleurs ostéo-articulaires ? Quel est l’impact de la douleur neuropathique au cours du vieillissement ? Comment appré- hender la douleur et la fin de vie? Tels sont quelques-uns des thèmes abordés dans l’ouvrage Douleur et personne âgée (Fig. 2) publié par l’institut et coordonné par le Docteur Gisèle Pickering (maître de conférences des universités et praticien hospitalier, centre de pharmacologie clinique, Inserm U766 et CIC 501, faculté de médecine et CHU de Clermont-Ferrand). Adresse e-mail : [email protected]. 1624-5687/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.douler.2010.08.007

Douleur et personne âgée

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Francoise Beroud

Institut UPSA de la douleur, 3, rue Joseph-Monier, 92500 Rueil-Malmaison, France

Adresse e-mail : francoise.beroud@

624-5687/$ — see front matter © 201oi:10.1016/j.douler.2010.08.007

Parce qu’être âgé et souffrir est souvent considéré à tort comme normal, la pro-blématique de la douleur chez la personne âgée se doit d’être éclairée. Ainsi,l’institut UPSA de la douleur se penche sur cette problématique en éditant un nou-vel ouvrage intitulé Douleur et personne âgée et en publiant deux lettres, l’unesur le thème de la « douleur chronique du sujet âgé » et l’autre sur celui des« douleurs réfractaires et sédation palliative ». L’ensemble de ces publications sontconsultables et téléchargeables sur le site de l’institut : www.institut-upsa-douleur.com(Fig. 1).

Le vieillissement est un processus naturel, mais quand il s’associe à des douleurschroniques, articulaires ou bien aiguës ayant des répercussions sur les capacités dupatient mais aussi sur sa qualité de vie, une prise en charge médicale est néces-saire.

Le rôle de tous les acteurs du monde médical est de veiller à ce que ce pro-cessus se déroule de la facon la plus optimale en prenant en compte les troisdimensions que recouvre la douleur : dimension organique, psychologique et sociale. Ladouleur de la personne âgée est, cependant, encore trop souvent négligée par les soi-gnants.

Comment évaluer la douleur chez le patient âgé ? Quelles sont les spécificités de laprise en charge de la douleur chez ces patients ? Comment gérer la douleur en onco-gériatrie ? Quelles sont les solutions de traitement des douleurs ostéo-articulaires ? Quelest l’impact de la douleur neuropathique au cours du vieillissement ? Comment appré-

hender la douleur et la fin de vie ? Tels sont quelques-uns des thèmes abordés dansl’ouvrage Douleur et personne âgée (Fig. 2) publié par l’institut et coordonné par leDocteur Gisèle Pickering (maître de conférences des universités et praticien hospitalier,centre de pharmacologie clinique, Inserm U766 et CIC 501, faculté de médecine et CHU deClermont-Ferrand).

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0 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Douleur et personne âgée

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Figure 1. Site Internet de l’institut UPSA de la douleur : www.ins

Cet ouvrage « prend la vieillesse au sérieux, quand notresociété, trop souvent, préfère l’oublier ou la minorer. Ilprend la souffrance au sérieux, quand il fut longtemps debon ton, dans nos hôpitaux, de n’y voir qu’un symptômeincommode ou encombrant. Il donne les moyens de la mesu-rer, de l’évaluer, de la comprendre, de l’affronter, de lasoulager. Il met nos soignants devant leurs responsabilités ;et nous tous, en tant que citoyens, devant les nôtres »,déclare André Comte-Sponville (philosophe, membre ducomité consultatif national d’éthique) dans la préfacede ce nouvel ouvrage, qui a bénéficié de l’interventionde grands noms du monde médical aussi bien francaisqu’internationaux.

Prise en compte de la douleur chez lapersonne âgée : un véritable enjeuéthique et une question de santé publique

« Plus l’âge augmente, plus la prévalence de la douleuraugmente, pourtant vieillir n’est pas physiologiquementdouloureux », déclarent les auteurs de ce chapitre, les DrJean-Pierre Aquino (clinique de la Porte Verte, Versailles,

Président de la Société francaise de gériatrie et gérontolo-gie [SFGG]) et Geneviève Ruault (déléguée générale de laSFGG et du Centre for Personal and Family Growth).

La prévalence de la douleur est très élevée chez la per-sonne âgée (50 à 80 %), ses répercussions en cascade sont

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upsa-douleur.org.

ouvent dramatiques. Cependant, la douleur est trop peuxprimée, mal repérée et insuffisamment traitée, souvent àause d’idées recues tenaces, ou bien par manque d’outilsdaptés, de déficits de formation ou encore de traitementsnadaptés aux personnes âgées.

n peu d’histoire. . .

n 1994, la prise en compte de la douleur est une obligationaite aux établissements de santé.

En 2002, la loi relative aux droits des malades et à laualité du système de santé reconnaît le soulagement dea douleur comme un droit fondamental de toute personnet les professionnels de santé doivent mettre en œuvre lesoyens nécessaires.En 2006, le troisième plan national de lutte contre la

ouleur intègre la spécificité de la douleur chez la personnegée et confie à la SFGG la mission d’améliorer les pratiquese repérage, d’évaluation et de prise en charge de la douleurhez la personne âgée, tant au niveau des établissements’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)ue des établissements de santé et à domicile.

En 2008, le programme Mobiqual (Mobilisation pour

’amélioration de la qualité des pratiques professionnelles)estiné à la « bientraitance » des personnes âgées, est né’une réflexion initiée par la Direction générale de la santé.a mise en œuvre a été confiée à la SFGG qui a mobi-isé ses membres (gériatres, gérontologues, soignants) et
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igure 2. Ouvrage Douleur et Personne Agée édité par l’institutpsa de la douleur.

’est adjoint les compétences d’autres sociétés savantesrâce à des groupes de travail pluridisciplinaires : Sociétérancaise d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP),ociété francaise d’évaluation et de traitement de la dou-eur (SFETD), Fédération francaise de psychiatrie (FFP),ociété de psychogériatrie de langue francaise (SPLF).

En 2010, dans le cadre de la loi Hôpital, patients, santé eterritoires (HPST), la tracabilité de l’évaluation de la dou-eur fait partie des dix indicateurs de qualité et de sécuritées soins qui devront chaque année être mis à dispositionu public par les hôpitaux et les cliniques. Par ailleurs,a Haute Autorité de santé (HAS) et l’Agence nationale de’évaluation sociale et médicosociale (Anesm) ont intégré lautte contre la douleur dans l’évaluation des établissementse santé et médicosociaux accueillant des personnes âgées.

pidémiologie et neurobiologie de laouleur au cours du vieillissement

Des revues systématiques de la littérature épidémiologique1,2] ont révélé une augmentation marquée, liée à l’âge dea prévalence de la douleur persistante et ce, jusqu’à laeptième décennie de la vie, suivie d’un plateau ou d’une

égère baisse à un âge très avancé. En revanche, la pré-alence ponctuelle de la douleur aiguë semble demeurerelativement constante à environ 5 %, quel que soit l’âge3,4]. Néanmoins, à une exception près [3], toutes les étudesontrent une augmentation progressive de la prévalence

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F. Beroud

e la douleur chez le jeune adulte 7 à 20 %) avec un pice prévalence à l’âge moyen tardif (50—65 ans ; 20 à 80 %)uivi d’un plateau ou d’une baisse chez les sujets âgés75—85 ans) et très âgés (85 ans et plus) (25—60 %) », affirmee Pr Steven Gibson (département de médecine, universitée Melbourne, Australie) [5—13].

« Des informations supplémentaires concernant les chan-ements liés à l’âge de l’expérience de la douleur peuventtre obtenues à partir des schémas de présentation symp-omatique dans ces états pathologiques cliniques connusour inclure habituellement une composante douloureuse »,oursuit le Pr Gibson [14]. Ainsi, les preuves issues deombreuses études neurophysiologiques et psychophysiquesuggèrent une altération liée à l’âge, faible mais démon-rable, des fonctions d’alerte précoce de la douleur.

Par ailleurs, l’augmentation du seuil de perception dea douleur et le changement diffus de la structure et dea fonction des voies nociceptives périphériques et du sys-ème nerveux central pourraient exposer la personne âgéeun risque plus élevé de traumatisme et de maladie non-

iagnostiqués.De plus, l’efficacité réduite des systèmes analgé-

iques endogènes, une tolérance diminuée à la douleur,ne propension plus importante à la sensibilisation cen-rale du système nociceptif, une résolution plus lente de’hyperalgésie postopératoire ou une sensibilité plus élevéela douleur pourraient rendre plus difficile la gestion de laouleur chez l’adulte plus âgé, une fois la lésion survenue.

valuation de la douleur chez la personnegée : les problématiques, les outils eteurs limites

La population âgée se présente comme une population trèsétérogène sur le plan santé, lieux de vie et de soins. Larévalence de la douleur est dans tous les cas importante »,ertifient les Dr Micheline Michel (service de médecine géria-rique, CHU de Rennes) et Patrice Rat (service de médecinenterne gériatrie, hôpital Nord, AP—HM).

Ainsi, la stratégie de l’évaluation de la douleur chez laersonne âgée peut être résumée en six points :c’est une étape essentielle dans la prise en charge de ladouleur ;l’autoévaluation doit être privilégiée, même chez le sujetsouffrant de démence ;en cas d’échec, on a recours aux outils d’hétéroévaluation(Doloplus, ECPA, Algoplus) ;le retentissement de la douleur est apprécié sur le som-meil, l’appétit, les mouvements, l’humeur, la qualité devie ;l’évaluation de la douleur devrait faire partie del’évaluation gériatrique standardisée (EGS) chez le sujetâgé ;l’évaluation de la douleur doit être systématique et répé-tée.

« L’évaluation de la douleur chez le sujet âgé estomplexe, elle répond aux exigences de l’évaluation glo-ale d’un sujet âgé qui a mal. Cette stratégie reposeur des recommandations internationales mettant en avanta nécessité d’une évaluation systématique et répétée

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Douleur et personne âgée

par des outils, qui ont certes tous des limites mais quisont un support essentiel de communication. Les outilsd’autoévaluation seront privilégiés en première intention,même chez le patient souffrant de démence, et serontdans tous les cas intégrés à une approche pluriprofession-nelle et pluridimensionnelle de la situation douloureuse,incluant aussi hétéro évaluation et avis de l’entourage.Cette démarche s’avère indispensable pour ne pas continuerà sous-estimer la douleur dans la population âgée et pourmener une stratégie antalgique personnalisée et adaptée »,concluent les Dr Michel et Rat.

Les dimensions psychologiques de laplainte douloureuse chez la personne âgée

« Les cliniciens savent combien les plaintes douloureusessont fréquemment présentes dans la rencontre avec unpatient âgé. Depuis quelques années, la prise en comptede la douleur fait heureusement l’objet d’un nouvel intérêten clinique gériatrique, ce dont témoigne un nombre gran-dissant de publications ou de revues scientifiques [15,16].Cependant, les dimensions psychosociales de la douleur dansle contexte gériatrique ne sont encore mentionnées quebrièvement dans la plupart des articles de revue de cedomaine. Pourtant, les douleurs chroniques présentées parles personnes âgées méritent d’être envisagées dans leurcomplexité et leurs dimensions psychosociales », assurent lePr Anne-Francoise Allaz et le Dr Christine Cedraschi (servicede médecine interne de réhabilitation, hôpitaux universi-taires, Genève).

Ces douleurs chroniques peuvent indiquer la présenced’un trouble affectif ou d’une souffrance personnelle ourelationnelle. Elles ont souvent une valeur de messagequ’il appartient aux thérapeutes de décoder soigneusement.L’approche thérapeutique portera une attention particulièreà l’accueil de la plainte et à la légitimation de la souffrance.

En plus des traitements antalgiques habituels, la réhabili-tation fonctionnelle ainsi qu’une attention personnalisée etvalorisante tenteront de mobiliser à nouveau les ressourcesdu patient.

Ces attitudes, accompagnées (ou non) du traitement d’unétat dépressif fréquemment masqué par la plainte doulou-reuse, permettront aux patients affectés de recouvrer unemeilleure qualité de vie et souvent même des sentiments dedignité et de sens de leur destinée.

Spécificités de la prise en chargeantalgique de la douleur chez la personneâgée

« Malgré ses multiples conséquences néfastes sur le fonction-nement, la santé affective et la qualité de vie de ceux quien souffrent, la douleur demeure sous-traitée chez les per-sonnes âgées et ce dans tous les milieux de soins. Seulement

34 % des personnes âgées vivant à domicile et ayant une dou-leur continue recoivent un analgésique, dont seulement 9 %sont traités avec un opioïde », explique le Pr David Lussier(institut universitaire de gériatrie de Montréal, universitéde Montréal ; division de gériatrie et centre Alan-Edwards

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e recherche sur la douleur, université McGill, Montréal,uébec) [17].

Les données sur les changements pharmacocinétiqueseliés à l’âge sont limitées, mais certains changements ontéanmoins été rapportés de facon constante par plusieursuteurs. Bien que la plupart des études aient été effec-uées chez des sujets âgés sains, certaines études suggèrentue les changements pharmacocinétiques et pharmacody-amiques seraient plus significatifs chez les personnes âgéesragiles que chez celles en bonne santé [18].

Suivant l’approche classique du traitement de la dou-eur, tel que préconisé par l’Organisation mondiale dea santé (OMS), le traitement pharmacologique devraittre adapté à la sévérité de la douleur. Ainsi, pour uneouleur légère, des analgésiques non-opioïdes (paracéta-ol, anti-inflammatoires non-stéroïdiens) seront suffisants,

lors qu’une douleur d’intensité modérée nécessitera desgents avec une faible activité opioïde et la douleur sévèreécessitera des opioïdes « puissants » [19]. À noter que learacétamol est l’analgésique le plus souvent prescrit poure traitement de la douleur ostéoarticulaire et est recom-andé en première ligne pour la douleur légère à modérée

20]. « Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens devraienttre utilisés avec précaution, avec prévention de la toxi-ité gastrique et surveillance régulière de la toxicité rénalet cardiovasculaire. Un opioïde à longue action devraittre favorisé en présence de douleur constante mais seule-ent après s’être assuré que plusieurs doses quotidiennes’opioïde à courte action sont bien tolérées. Les effetsndésirables des opioïdes doivent être surveillés étroite-ent, prévenus et traités. Les antidépresseurs tricycliquesevraient être évités en raison de leur toxicité importante.es analgésiques topiques devraient être utilisés lorsquendiqués car ils sont dénués de toxicité systémique », pré-onise le Pr Lussier.

a douleur en oncogériatrie

n France, l’oncogériatrie est une démarche de santéublique dont l’objectif est l’optimisation de la prise enharge globale des personnes âgées atteintes de cancerplan cancer 2, mesure 23—4). Un état des lieux a été réaliséar l’institut du cancer [21].

« Chez le patient âgé confronté à la maladie cancéreuse,l est souvent difficile de discerner les quatre compo-antes de la douleur : nociception, douleur, souffrance etomportement douloureux. Une très grande diversité deableaux douloureux est observée du fait, d’une part, de’hétérogénéité de la population vieillissante et, d’autreart, des nombreuses situations carcinologiques généra-rices de douleur. Bien connues et redoutées, les douleursiées aux différents traitements du cancer sont une étio-ogie fréquente. On peut considérer que la plupart deschémas thérapeutiques comportent, en plus de symp-ômes redoutés comme les nausées et vomissements ou lestteintes à l’intégrité corporelle, une part plus ou moins

vitable de douleur. Contrairement à un préjugé courant,e patient âgé est particulièrement affecté par l’atteinte

l’intégrité corporelle qui entraîne son lot de souffranceorale et parfois un refus de soins. De même, la réa-

isation d’actes invasifs est douloureuse et redoutée. Le

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ontrôle des syndromes douloureux repose sur l’associatione médications, de techniques et d’une prise en comptepsycho-oncologique » de la souffrance. La place des trai-ements spécifiques du cancer est à discuter à toutes lestapes. Enfin, il est parfois judicieux de discuter de l’intérêt’une technique algoradiologique en concertation avec unxpert de cette discipline. En raison de la complexitéréquente des situations, une bonne coordination des inter-enants est indispensable », déclarent les Dr Henri Rousselott Ivan Krakowski (centre Alexis Vautrin, département dou-eur, Vandœuvre-Lès-Nancy).

ouleur ostéoarticulaire, activitéhysique, qualité de vie

es douleurs rhumatologiques représentent la cause la plusréquente de douleurs chez le sujet âgé, soit plus de 50 %es causes de douleur : arthrose des membres et du rachis,humatismes inflammatoires, douleurs osseuses, etc. Lelus généralement les douleurs sont mixtes, nociceptivest neuropathiques, souvent intriquées et il existe de nom-reux pièges diagnostiques. Ces douleurs sont un facteurajeur de morbidité mais aussi d’une perte importante de

’autonomie du sujet âgé.La prise en charge des patients âgés souffrant de patho-

ogies ostéoarticulaires chroniques nécessite une évaluationrécise de la douleur mais aussi de la vie et de l’entouragee ces patients [22,23]. Le but de la prise en charge est deoulager les douleurs chroniques et les poussées aiguës fré-uentes mais aussi de permettre à ces patients de garderne autonomie la plus grande et le plus longtemps possible24] en préservant la qualité de vie.

Les modifications pharmacologiques liées au vieillisse-ent, la polypathologie habituelle du sujet âgé et les

nteractions médicamenteuses incitent à la prudence. Leisque accru d’effets secondaires et de surdosage [25] eteurs répercussions sur les fonctions cognitives, l’autonomiet l’équilibre sociofamilial doit être pris en compte.

Pour chaque médicament, l’auteur de ce chapitre, ler Serge Perrot (professeur de thérapeutique, service deédecine interne et thérapeutique, hôpital Hôtel-Dieu, uni-

ersité Paris Descartes, Inserm U987, Paris) conseille :d’utiliser la posologie minimale efficace pour calmer ladouleur ;d’utiliser les traitements régulièrement, sans prise aucoup par coup ;d’adapter les intervalles de prise selon les résultats de laréévaluation de la douleur ;d’augmenter progressivement la posologie ;d’utiliser des médicaments à élimination rapide ;de privilégier la forme orale.

Ainsi, le paracétamol sera donc à privilégier à la dosee 1 g jusqu’à 4 g par jour, sauf chez l’insuffisant hépatique26].

Par ailleurs, la prescription médicamenteuse doit être

daptée aux périodes d’activité en évitant des traitementsrop agressifs qui restreindraient l’activité de ces patients.lle doit s’intégrer dans une approche globale. « Toute per-onne âgée douloureuse a droit à une prise en charge dea douleur au même titre que tout patient, les principes

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F. Beroud

ondamentaux de celle-ci restant les mêmes, à condition deespecter les modifications pharmacologiques liées à l’âge »,onclut le Pr Perrot.

mpact de la douleur neuropathique auours du vieillissement

a douleur neuropathique a une prévalence estimée autoure 8 % chez la personne âgée. Son évaluation chez ce typee patient est particulièrement difficile lorsqu’il existe desroubles cognitifs et/ou de la communication.

« Bien que les effets délétères de la douleur neuropa-hique soient évidents et bien rapportés dans la populationénérale, il manque encore des études épidémiologiquest des essais cliniques contrôlés, spécifiquement chez leslus de 65 ans. Les domaines cognitivoémotionnels doiventtre privilégiés chez la personne vieillissante car la fragi-isation neuronale participe certainement à l’engrenage dehronicisation de la douleur — inefficacité des traitements —assitude, puis perte progressive d’autonomie physique etentale », avance le Dr Gisèle Pickering.Par ailleurs, les nombreux médicaments et les polypa-

hologies liées au vieillissement compliquent la prise enharge de la douleur neuropathique chez la personne âgéet induisent fréquemment une iatrogénie médicamenteuse,uelquefois sévère, qui doit être systématiquement préve-ue lorsque cela est possible.

L’intérêt d’utiliser des stratégies thérapeutiques polymo-ales, médicamenteuses et non-médicamenteuses, mérite’être étudié de manière méthodologique, en laissant aussine place non pas pour la résignation mais pour un appren-issage à l’acceptation de la douleur dans le but du maintien’une hygiène et d’une qualité de vie satisfaisantes pour laersonne âgée.

ouleur et fin de vie

La prévalence de la douleur chez la personne âgée estonsidérable, ses étiologies multiples, son évaluation par-iculière, sa prise en charge bousculant nos habitudes etemettant en question quelques règles qui semblaient bientablies », explique le Dr Bernard Wary (service régio-al de soins palliatifs, CHR Metz-Thionville). Soigner uneemme ou un homme âgé douloureux en fin de vie ne’improvise pas. Il est important de ne pas passer à côtét le recours à l’hétéroévaluation est accru dans cetteopulation. L’association à d’autres symptômes péniblesst souvent source de souffrance globale et d’inconfortsajeurs. Par ailleurs, en fin de vie, la fréquence des douleursixtes avoisine les 50 % et nécessite des associations théra-eutiques ajustées. Tolérance et observance doivent inciterproposer des galéniques adaptées et des traitements non-édicamenteux. De même, des soins organisés permettente réduire les douleurs induites. Enfin, l’altération desonctions cognitives engendre encore préjugés et réactions

éfensives de la part des « soit-niants », dont le seuil de tolé-ance vis-à-vis de la douleur augmente avec l’âge, qui plusst lorsque s’y associent des troubles démentiels.

« Et quand la douleur sera calmée, quand les autresymptômes pénibles seront jugulés, la prise en compte des

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Douleur et personne âgée

souffrances psychologiques, sociofamiliales et existentiellesde la personne âgée en fin de vie pourra déboucher sur plusde sérénité, tant pour le malade et sa famille que pour nousles soignants », conclut le Dr Wary.

Intégration et mémoire de la douleur au

cours du vieillissement

« Nul doute que les modifications du comportement dou-loureux des sujets âgés dépendent davantage de processuscognitifs élaborés en lien avec la compréhension, la

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Figure 3. Dixième numéro de La Douleur, des recommandations à la p

263

émoire et la signification individuelle de la douleur plu-ôt que de l’analyse sensoridiscriminative élémentaire dea douleur liée aux aires pariétales primaires (SI et SII) quie sont concernées ni par le vieillissement normal, ni par’Alzheimer.

La douleur étant la résultante d’une intégration senso-ielle et émotionnelle, il est difficile de faire la part du

vieillissement nociceptif » et du « vieillissement émotion-el ». À la différence d’autres systèmes sensoriels, le sujetété peu abordé alors que des moyens nouveaux permet-

raient de le faire : par exemple, l’étude des potentielsvoqués nociceptifs et du PET-scan en fonction de l’âge [. . .].

ratique.

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Aucun argument expérimental n’autorise à penser quees sujets âgés auraient une plus grande résistance à la dou-eur par perte des capacités perceptives élémentaires. Leséponses médicamenteuses sont proches des sujets jeunes,vec plutôt une meilleure sensibilité à la morphine, ce quiutorise des doses moindres. L’histoire personnelle et leassé douloureux ne modifient pas nettement les réponses àne douleur aiguë expérimentale. Les douleurs chroniques

l’inverse ne peuvent se comprendre qu’en référence au

assé qui intervient autant par les expériences affectivesue nociceptives. Les principales modifications paraissentiées aux événements traumatiques de la vie, surtout de

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igure 4. Onzième numéro de La Douleur, des recommandations à la

F. Beroud

’enfance, qui peuvent laisser des traces définitives, noneulement psychologiques mais aussi nociceptives. Cetteouleur-mémoire stockée dans des champs implicites rejoint’une certaine facon l’approche psychanalytique car elle’est pas accessible à la conscience et au langage, et pour-ant elle peut déterminer des comportements douloureuxhroniques, voire psychopathologiques.

« La prise en charge de la douleur des sujets âgés ne

oit donc pas différer de celle du sujet jeune, si ce n’est,videmment, dans la prise en compte du contexte de laieillesse. Les programmes cognitivocomportementaux sontout à fait licites, mais avec des adaptations particulières ne

pratique.

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Douleur et personne âgée

serait-ce que pour prendre en compte les modifications cog-nitives liées à l’âge ». Tels sont les thèmes développés par lePr Bernard Laurent (professeur de neurologie, responsabledu CETD, CHU Saint-Étienne) dans ce chapitre.

L’institut UPSA a également consacré deux numéros desa publication « La Douleur, des recommandations à la pra-tique » dédiée pour l’une à « La douleur chronique du sujetâgé » et pour l’autre aux « Douleurs réfractaires et sédationpalliative ».

Qu’est ce que la douleur chronique du sujet âgé ?Comment bien évaluer son patient, quelles sont les dif-férentes méthodes ? Réalisée en collaboration avec les DrFlorentin Clère, Christian Dufrène (consultation pluridisci-plinaire de la douleur centre hospitalier de Châteauroux),Gisèle Pickering ainsi que le Pr Richard Trèves (CHU Dupuy-tren, Limoges), le dixième numéro de « La Douleur : desrecommandations à la pratique » (Fig. 3), se propose deparcourir plusieurs méthodes d’évaluation de la douleurchronique chez la personne âgée.

« Faire une sédation pour des douleurs réfractaires n’estpas une pratique simple, autant par les questions éthiquesqu’elle soulève que par la rigueur de la mise en œuvrequ’elle exige. Il est important de ne pas laisser cette pra-tique se banaliser en fin de vie. Mais faire dormir un patientreste parfois la moins mauvaise solution face à des dou-leurs intraitables par d’autres moyens », conclut le DocteurVéronique Blanchet (équipe mobile douleur soins palliatifs,hôpital Saint-Antoine, Paris) dans le 11e numéro de « La Dou-leur : des recommandations à la pratique » (Fig. 4), consacréaux douleurs réfractaires et sédation.

« Peu importe ce que vous ressentez face à une personneâgée, vous devez toujours la regarder avec attention. Elleétait vous et vous serez elle. Vous portez maintenant envous les germes de votre vieillissement et elle entend leséchos de sa jeunesse chaque fois qu’elle vous voit ». (KentNerburn, Letters to my son, 1993).

Conflit d’intérêt

Aucun.

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