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SUR PAR LES PSEAUMES PENITENTIAUX DU MEME AUTEUR. Revue & corrigée avec la derniere exactitude fur les Edi'; tions anciennes, & rendue plus utile à la Jeunesse qu aucune des précédentes. A A M 5 T E R D . Chez h Veuve de J. F. JOU Sur le Rokkin, près de la B M D C C L X í.

Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

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Drelincourt was one of the foremost Huguenot poets whose works were appreciated by the French protestant community after the revocation of the Edict of Nantes at the end of the 17th century, leading to widespread persecution of the Huguenots and the forced exile of the majority of them. This also explains why this was published in Amsterdam and not in France.

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Page 1: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

SUR

PAR

LES PSEAUMES PENITENTIAUX

DU MEME AUTEUR.

Revue & corrigée avec la derniere exactitude fur les Edi';tions anciennes, & rendue plus utile à la Jeunesse

qu aucune des précédentes.

A A M 5 T E R D .

Chez h Veuve de J. F. JOU

Sur le Rokkin, près de la B

M D C C L X í.

Page 2: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed
Page 3: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

D U

SUR CETTE

N Ò U V É L LE EDITIONS

PEU

de Livres ont eu un succès auíïìprompt& áuíïì soutenu , que les SONNETS CHRÉ-

TIENS de Mr. DREL INCOURT. Ils parurent pourla première en 1678, & se débitèrent avec tarit

de rapidité, qu'il s'en fit en deux ans six Editions,comme il paroît pair celle de Charenton de 1680,

qui est la sixième. Depuis ce tems là elles se sont

multipliées presque àl'infini, mais en se multipliantelles ont eu le fort ordinaire des Livres de cette es-

pèce; c'est-à-dire, que peu à peu elles ie font toutà fait corrompues par la négligence des Libraires,qui, sûrs du débit, se sont peu mis en peine deles imprimer correctement. De-là font venuestant de fautes énormes, qui rendent aujourd'huiees Sonnets presque méconnoiíïables ; vers entiers

*2, ©rais;

Page 4: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

AVKRTÍSSEMEN T.

omis : d'autres composés de deux hémistiches de

vers différens : mots mis l'un pour l'autre, qui for-

ment un sens absurde & ridicule : faux renvois

dans les notes: fans parler d'une infinité de fautes

plus légères. Pour remédiera ce désordre il a falti

avoir recours à quelqu'une des premières Editi-

ons, & par ce moyen je crois avoir rétabli ce pe-tit Ouvrage dans fa pureté primitive.

A cet avantage, très-considérable pour toutes

les personnes qui lisent ces Sonnets, je nie fuis pro-

posé de joindre tous ceux qui en peuvent rendre la

lecture facile & profitable aux Jeunes-gens, à quion en fait communément apprendre quelques-uns

par coeur, j'ai pris tous les foins dont je fuis capa-ble pour n'y point laisser de fautes d'impreiììon.

Je me fais extrêmement attaché à la ponctuation,article fort négligé pour l'ordinaire , quoiqu'ilcontribue plus que tout autre à la clarté du sens,

pourvu que l'on ne pouíièpas ['exactitude jusqu'àla pédanterie. Enfin, malgré la difficulté qu'il y a

de marquer la prononciation de certains e, j'ai tâ-

ché de la faire sentir, autant qu'il est possible,

j'ajoute cette restriction, parce que nous man-

quons d'accens pour ìe faire par-tout avec préci-

sion; ou que nous ne tirons pas de ceux que nous

avons, tout le parti que nous en pourrions tirer, íi

nous en changions seulement tant soit peu l'usage.On íé plaint avec raison, que la plupart des li-

vres tels que celui-ci, dont les Réformés íë fer-

vent

Page 5: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

DU LIBRAIRE.

vent communément dans leurs Ecoles, ne font

propres qu'à apprendre à la Jeunesse une mau-

vaise orthographe & une prononciation vicieu-

se. Je me flatte qu'on ne portera pas le même

jugement de cette Edition, & que les correctif

ons dont je viens de parler la rendront utile à

ces deux égards aux Jeunes-gens, & même à

bien des Maîtres, souvent auffi ignorais que leurs

Ecoliers.

J'ai supprimé le Portrait de CHARLES DRE-

LINCOURT, qu'on s'est avisé de mettre à la tête

des Editions modernes de ce Livre , soit par

ignorance , ou pour mettre à profit un Portrait

gravé qui se sera trouvé dans le Magazin du Li-

braire. Les Sonnets Chrétiens ne font point de

CHARLES DRELINCOURT , Auteur des Consola-tions contre les Frayeurs de la Mort, & de divers

autres Ouvrages de Piété & de Controverse;mais d'un de ses Fils, LAURENT D RI LIN-

COURT, Ministre premièrement à la Rochelle9& ensuite à Niort, où il est mort en i<38o.

Page 6: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

A

TRE'S-HAUTE ET TRE'S-PUISSJNTB

PRINCESSE,

NE'E LANDGRAVE

DE HESSE,

PRINCESSE

DE. TARENT E.

ADAME,

Je sai bien que les petits Tableaux Poétiques.

que je prens la liberté d'offrir à VO T R E A L-

T Ë S ::>E, ne méritent pas d'entrer dans le Cabi-

net d'une fi grande Princejjè. Cependant, MADÁ-

ME, f ose espérer qu'ils m Vous déplairont pas en-

titre-

Page 7: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

EPITRE.

fièrement, puisque VOTRE ALTESSE a dé-

jà daigné les regarder d'un oeil favorable. Le

ressentiment de cette grâce, & de tant d autres

dont je fuis redevable aux bontés de VOTRE

ALTESSE, semblerait ici, M .DAME,me demander votre Eloge. Mais le Portrait ne

pourroit jamais représenter assez bien ce qu'il ya de plus admirable dans VOriginal ; & je fuis

assuré, MADAME, que les éclatantes Lumiè-

res de tant de Vertus Héroïques & Chrétiennes

qui brillent en Vous, & qui font fi dignes de vo-

tre haute naissance , donnent affez d'elles-mêmes

l'idée que tout le monde doit avoir IVOIREALTESSE. Ainsi , dans un silence respec-tueux , je me contenterai, M A D A M E , de

continuer mes voeux pour la prospérité de VO*

TRE ALTESSE, & de me dire, avec la

passion la plus sincère & la plus soumise dont on

puisse être capable,

DE VOTRE ALTESSE,

MADAME,

Le très-humble & très-obeissant

Serviteur,

DRELINCOURT.

*4- AVER-

Page 8: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

DE FAUTEUR.

Î

Emets en lumière des Sonnets Chrétiens, que j'aicomposés dans les heures de quelques mauvaisesnuits. Je ne cherchois en cela qu'à charmer mon in-

quiétude , & je trouvois quelque douceur à fixer matriste imagination fur ces innocentes pensées.

Je prenois les Sujets selon qu'ils s'offroient d'eux-mêmes , fans songer ni à la liaison, ni au choix. Maiscomme ces petits Ouvrages se sont insensiblement mul-

tipliés , j'ai été obligé de les mètre dans quelque ordre,& de les diviser même eri quatre Livres,pour en ôter laconfusion.

Ce Corps de Sonnets ainsi disposés, n'est pas sembla-ble au Corps humain,dont toutes les parties dépendenttellement l'une de l'autre, qu'elles né peuvent subsisterdétachées de leur tout. C'est ici comme un Bouquet dediverses fleurs, dont l'arrangement n'empêche pas quechaque fleur, séparée des autres, ne puilse avoir son o-deur & sa beauté particulière. Ainsi, quelque ordre quei'aye mis dans ce Recueil, on peut considérer chaqueSonnet comme unePiece détachée &indépendante,qui,fans rapport aux autres, a en elle-même tout ce qu'elleest carjable d'avoir ou d'agrément, ou d'utilité.

Je n'ai pas dessein de rabaisser le prix des plus magni-fiques Ouvrages de Poésie, pour faire valoir mes foi-bl es productions. Je dirai feulement ici, qu'il en est à-

peu-près de la Poésie, comme de la Musique. L'une1&

Page 9: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

AVERTISSEMENT DE VAUTEUR.

& l'autre déviennent ennuyeuses, si elles durent trop

longtems. Et quand même on regarderoit 1a 1ecture des

Vers comme une promenade libre & fans contrainte,

qui ne fait que la plus délicieuse promenade,quand elle

est trop longue, ne laisse pas de fatiguer V

J'applique cela aux Poèmes Héroïques. C'est-làsans^

doute que la Poésie fait éclater ce qu'elle a de plus har-

monieux , & qu'elle paroît avec tous ses charmes. Mais

comme toutes les parties de ces grandes Pièces sont tel-lement liées ensemble, que pour en bien juger, &en faire son profit, il faut écouter tout le Concert dé-

puis le commencement jusqu'à la fin, & faire toute la

promenade d'un bout à l'autre sans prendre haleine, ilest comme impossible que l'on ne soit fatigué par cette

longue application.On peut dire, au contraire, que les Sonnets, par leur

brièveté, font commodes aux Lecteurs, parce qu'ils ne.leur donnent pas le tems de se lasser. Ce sont commeautant de petits Airs séparés, dont la Musique n'est pasennuyeuse, parce qu'elle est courte ; & ce font commeautant de petites promenades, au bout desquelles on

peut prendre le frais, & se reposer.Au reste,je sai qu?il y a des gens qui regardent les ter-

mes & les fictions des Poètes Grecs & Latins de l'Anti-quité Payenne, comme l'ame & la forme essentielle dela Poè'fie. Ainsi ils ne font nulle estime des Vers qui,bien que formés par des Chrétiens, ne sont pas animésde cet air du Paganisme ; & qui, bien que François, nefont pas vêtus à la Grecque ou à la Romaine. Choieétrange qu'il faille être Payen pour être Poëte, & quefous le Christianisme on encense encore aux Idoles !

Mais, aille qui voudra dresser ses autels fur le Parnas-se , & boire à la Fontaine Castaline, c'est un lieu où jen'eus jamais envie d'aller: jamais, grâces au vrai Dieu,je n'invoquai, ni le faux Dieu Apollon, ni les Muses

*5 Pro

Page 10: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

A V E R TISSE MENT

profanes, que l'on dit qui lui tiennent compagnie. J'aitoujours porté mes voeux en la Montagne de Sion,& auRuisseau de Siloé. Aussi qu'est-ce, je vous prie, du

Violon de cette Idole de la Phocide, & de la Lyre deces neufFilles fabuleufes,au prix de la Harpe de David,& de la Musette du Sanctuaire? Et que sont tous lesLauriers de l'Achaïe, en comparaison des Palmes dela Terre Saintes'

Quoi qu'il en soit, je ne prétens pas que l'on trouvedans mesvers la délicatesse, ni la pompe que l'on trou-ve aujourd'hui dans des Ouvrages même de Dévotion& de Piété, où les Grâces, pour être Chrétiennes, n'en

font.que plus belles & plus aimables, puisqu'elles enfont plus pures & plus chastes.

II fera pourtant aisé de reconnoître,que mes Sonnetsfont plus ou moins poétiques, plus ou moins heu-reux , selon la diversité des Sujets ; ou, fi vous voulez,selon la diverse disposition de mon esprit lorsque je m'yfuis appliqué. II faut même avouer qu'il y a ici quel-ques Sonnets tendres & affectUeux,qui n'y font demeu-rés que parce qu'ils ont été l'occasion de tous les au-tres , & qu'ayant été faits fur des rencontres particuliè-res où j'étois fort intéressé, je n'ai pu me défaire de matendresse pour eux, & j'ai accoutumé mes Amis à lesvoir & à les souffrir.

Les Génies font merveilleusement différens. II y ena qui n'aiment dans les Vers que les Descriptions His-

toriques, & les Peintures Naturelles. On en voit quine se plaisent qu'aux Sujets de Morale & de Piété.

Quelques-unsveulent des idées délicates,& qui flattent

l'imagination. Mais d'autres souhaitent des pensées so-

lides, & des expressions qui touchent le coeur. Enfin,les uns recherchent les fleurs & la magnificence du sti-

le, & les autres ne demandent que des fruits fans or-nement & fans façon ; c'est-à-dire, qu'ils se déclarent

pour

Page 11: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

DE U AUTEUR.

pour le stilesimple & naturel, où sans art & fans fit

gures les Vers coulent doucement, comme si c'étoitde la Prose.

Ainsi je ne doute pas 5 que comme il y a ici des Son-nets de divers genres, la diversité du génie

& de l'incli-nation ne fasse recevoir plus agréablement aux uns, çe

qui plaira moins aux autres.. Si lePublie reçoit quelque satisfaction de ce que je lui

présente, il en aura plus d'obligation à mes Amis qu'àmoi-même. Ce font eux, qui ayant vu quelques-uns deces petits Tableaux de la Nature & de la Grace,que j'a-ífois tracéssculement pour ma consolation particulière,m'ont poussé, de tems en tems, à en entreprendre denouveaux. Souvent même,par leurs instances,ils m'óntremis à la main le Pinceau que j'en avois laissé tom-'ber, fans intention de le reprendre.

C'est pour répondre à leur désir, & fur le jugementqu'ils ont fait de mon Ouvrage, que j'en hazarde au-

jourd'hui la publication. Auffi je prétens qu'en quelqueforte ils en doivent être les garans ; & que ce n'est pasproprement à moi,mais à eux qu'il s'en, faut prendre,sil'on n'en est pas satisfait.

A MON-

Page 12: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

A MONS IE U R

SUR SES

SONNET.

T'EsSonnets, Drelincourt, sontsiforts, si touchans „,

Et je fuis si charmé des beautés de ton Livre,

Que je crois qu'il pourra forcer les plus méchansA former désormais le dessein de bien vivre.

L'harmonieux Concert de tes célestes Chants.Plus doux que les douceurs dont la chair nous enivre,Retient comme enchantés ses rapides penchans,Et lui fait écouter son devoir pour le suivre.

Quel bonheur ce seroit, si tant de beaux Esprits,Qui des neuf folles Soeurs sont follement épris,Vouloient, en t'imitant, sanctifier leurs Muses !

Le Vice triomphant se verroit abattu :Et ces Filles de joie, en désordre & confuses,Laisseroient à son tour triompher 1a Vertu.

Par Mr. de Boisguerin.

TABLE

Page 13: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

DES SONNETS CHRETIENS.

LIVRE PREMIER.

SUR LA NATURE, ET SON AUTEUR

VUr la Vanité du Monde,^.S furie Souverain Bien.

Sonnet iSur la Divinité. aSur le Fils éternel de Dieu.

3Sur le Saint Esprit. 4Sur la Création du Mondes,Sur le même sujet. 6Sur la Découverte du Nou-

veau Monde. 7Sur les Anges. 8Sur PEfprìt Malin. 9Sur l"Homme. 10Sur le même sujet. 11Sur la "Jeunesse. 11Sur la Vieillesse. 13Sur les Animaux. 14Sur les Arbres £? les Plan-

tes. 15Sur les Cieux. lóSur le Soleil. 17Sur la Lune. 18Sur les Elémens* IQ

Sur le Feu. 20Sur f Air. 21Sur le Tonnerre & la Fou-

dre. 22Sur l Arc-en-ciel. 23Sur les Vents. 24Sur la Mer. 25Sur les Fontaines & les Ri-

vières. 2.6Sur la Navigation. 27Sur la Terre. 28Sur POr. 29Sur lesPierres précieuses, goSur la Pierre d'Aimant. 3 rSur le Renouvellement de

l'Année. .33Sur le P r in tems. 33Sur l'Eíé. 34Sur PAutomne. 35Sur l'Hiver. 36Sur la Providence. 37Sur le même sujet. 38"Sur le même sujet. 39

LIVRE

Page 14: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

TABLÉ.

LIVRE SECOND,

SUR DIVERSES HISTOIRE s DU VIE U.

TESTAMENT.

Cur r état d'Adam & d'È-^ve dans le Paradis Ter-

restre. Sonnet iSur le Péché d'Adam. aSur le Meurtre d'Aboi. 3Sur le Déluge. 4Sur VArche de Noé. 5Sur la Tour de Babel, £? la

Division des Langues, 6Sur PEmbrasement de Sodo-

me. 7Sur le Sacrifice d'Abraham.

8Sur les Larmes d'Esaû. 9Sur la Lutte de Jacob. 10Sur Joseph. uSur la Servitude d'Egypte.

12Sur Job. 13Sur Moïse. 14Sur la Sortie d'Egypte- 15Sur le Pajsage de la Mer

Rouge. 16.Sur les Miracles du Désert.

Sur la Leì. 18Sur l'Arche del''Alliance.\<)

Sur les Sacrifices. 2d

Snr Josué. 2i

Sur Gédéon. *2

Sur la Fille- dejephté. 23Sur Samson. 24Sur Samuel. 25Sur David. 26Sur le Temple de Salomon.

27Sur Absalom- 28

Sur la Reine de Séba. 29Sur Elie. 30Sur Jonas. 31Sur la Maladie d'Ezêchias.'

33Sur la Prison de Manajsé.

33Sur la Mort de Jofias. 34Sur la Captivité de Babylo-

ne- 35Sur Daniel. 36Sur les trois PrincesHébreux

dans la Fournaise. 37Sur le Retour de la Captivi-

té de Babylone. 38Sur la Reine Esther. 39

LIVRE

Page 15: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

TABLE.

LIVRE TROISIEME.

SUR DIVERSES HISTOIRES DU NOUVEAUTESTAMEN T.

J'Url'Evangile. Sonnet I

Sur la Sainte Vierge. 2Sur la Naissance de N. S. 3Sur le mime sujet. 4Sur le Portrait de N. S. 5Sur PApparition de VAnge

aux Bergers. 6Sur r Adoration des Mages.

7Sur Saint Siméon. oSur le Massacre desEnsans

de Bethléhem. 9Sur la Circoncision S le

Baptême de N.S. 10Sur Saint Jean-Baptiste dé-

capité. 11Sur la Tentation de N. S.

au Désert. 12Sur les Sermons de N S. 13Sur l'Enfant Prodigue. 14Sur le Mauvais Riche & le

Lazare. 15Sur le Pharisien S le Pu-

blicain. Ì6SurlaParaboledes Vierges..17Sur les Miracles de N. S.18Sur la Transfiguration de

N.S. 19Sur la Pénitence de la Pé-

cheresse. 20Sur VEntrée Royale de N.S.

dam Jérusalem. 31

Sur l Agonie de N. ò. au

Jardin des Olives. 22Sur la Trahison dejudas.o,^Sur la Chute £? laliepentan-

ce de Saint Pierre. 24Sur la Croix de N S. 25Sur le même sujet. 20Sur la Conversion du Bon-

Larron. 27Sur les Miracles arrivés à

la Mort de N. S. 28Sur la Sépulture de N. S. 29Sur le Voyage de laMadelei~

ne au Sépulcre de N S. 30Sur la Réjurreéìionde N.S.

31Sur le même sujet. 3aSur l'Ascension de N. S. 33Sur le même sujet. 34Sur laPentecote Chrétienne.

35Sur le même sujet. 36Sur le Martyre de Saint E-

tienne. 37Sur la Conversion de Saint

Paul. 38Sur la Prison 6? la Déli-

vrance de SaintPierre.^()Sur la Mort d'Hérode A-

grippa. 40Sur k Voyage de Saint Paul

à Rome. ±\UVRE

Page 16: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

TABLÉ.

LIVRE QUATRIEME

Sua DIVERSES GRÂCES ET DIVERS ET ATS

tUr V'Eglise. Sonnet i"Sur la Parole de Dieu, aSur les Sacremens. 3Sur la Vérité. 4Sur PErreur. 5Sur la Vertu. 6Sur les trois principales Ver-

tus Chrétiennes. 7Sur le Vice. 8Sur la Guerre. . 9Sur la Paix. loSur la Paix de Dieu, ilSur la Prière. 11Prière pour le Matin. 13Prière pour le Soir. 14Prière du Voyageur. 15Consolation du Prisonnier.

16Prière pour la Communion.

17Acìion de grâces après la

Communion. 18Prière du. Malade. 19Prière pour les Affligions

ê? les Douleurs. 20

Prière du Mourant. 2Premier Adieu du Mourdh.

2Second Adieu du Mouram

2Sur la Mort. 2.Sur te même sujet. 2Sur le même sujet. 2Sur la mort d'une Fille um

que. 2Sur le même sujet. 2Sur le même sujet. 2Sur le tombeau du Fidel

QSur les Saints Martyrs. 3Sur le même sujet. 3Sur la Résurrection. 3Sur le même sujet.- 3Sur le même sujet. 3Sur le même sujet. 3Sur le Jugement derrtier.%Sur le même sujet. 3Sur le même sujet. 3Sur f Enfer., 4Sur la Gloire du ParadiStA

SOIN

Page 17: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

LIVRÉ PREMIER:

SUR

LA NATURE,

ET SU R

SON AUTEUR.

Page 18: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed
Page 19: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

LIVRE PREMIER.

SONNET I.

S U R L A VANIT E' D U Mo NDE, ET SUR EfiSOUVERAIN BIEN-.

VAcourir, si tu veux, l'un & l'autre Hémisphère,

Tun'y trouveras rien qui.ne soit vanité-,.Rien qui ne soit sujet à ^instabilité ,Rien dont ton ame.,. enfin, se doive satisfaire.

Vois-tupasdu Mondain la sensible misère*

L'Avare, avec son- or, est en. captivité:L'Ambitieux gémit sous fa prospérité:Et des.plus doux plaisirs la fin devient amere.

Tu cherches donc, d?un oeil vainement curieux,Le suprême'Bonheur fous la voûte des Cieux!Envahi ton coeur aveugle icf-bás s'enracine.

Mortel, écoute-moi ; viens apprendre en ce lieu,Que pour remplir une ame immortelle & divine,Aucun Bienne suffit, quffòit> moindre que Dieu.

3. Lé grand Salomon assure qu'il en avoit fait l'expérience.6. L''Avare-mepojsedcpas.sixbiais:, maisii en est pojjèaé. Bi.OU.7. O Couronne1. qiietu espesante!' dìíòit le Roi Séleucus.8. Commel'EaudèS'R.ivieres>,lorsqu'elleserenddans laMer.14. C'est pourquoiDieu promet de se donner lui-même aux

Saints dans-la.Gloire-^& l'Ecriture-dit qu'alors Usera touten tous, Ax

Page 20: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

4 SONNETS CHRETIENS.

SONNET II.

SUR LA DIVINITÉ'.

TC"Levé- toi > mon ame, &, d'un vol glorieux,-LiVa, dans le plus ha ut Ciel, contempler l'Invisible,Le Monarque infini, plus grand que tous les Cieux ;La première Beauté, l'Etre incompréhensible.

C'est fui qui toujours est, fans jamais être vieux:C'est lui par qui tout est, à qui tout est poffible ;Qui, fans changer déplace , est présent en tous lieux;Et dont tout l'Ùnivers est fanage sensible.

Eternel, troisfois Bon, trois fois Grand, trois foisSaint,

Quel le Ciel même adore, & que la Terre craint,Fai que je f aime autant que je te vois aimable.

Que t'ayant ici-bas contemplé par la FoijQuelque jour, au sortir de ce corps périssable,J'entre-dans ton Palais, pour être tout en toi.

.^.Simonide ayant demandé terme fur terme, pour dire ceque c'étoit que Dieu, répondit enfin, que plus il y pen-

. joìt, plus il y trouvoit de difficulté.f. Dieu se qualifie , celui qui est, qui étoit, & qui fera, c'est,

à-dire , l'Eternel. Or l'Eternité n'a point de tems , fcf\ celuiqui ne peut naître , n'a point d'âge. Tertullien.

11. La raison d'aimer Dieu , c'est Dieu même; & la mesure del'aimer 4 c'est d* i'aimer sans mesure.. Bernard.

Page 21: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

LIVRES PREMIER. 5

SONNET III.

SUR LE FILS ÉTERNEL DE DIEU.

SUrl'ailede fnafoi, jusqu'aux Cieux transporté,

Grand Dieu, je vois ton Fils dans fa grandeur im-mense ,

Engendré dans ton sein, sans avoir pris naissance;E: vivant avec toi de toute éternité.

Je le vois ton égal, en force, en majesté :

Joint à toi par nature, & le même en essence:

Distingué, toutefois, quant à la subsistance;Mais fans éloignement, & fans diversité.

Etroite liaison ! ineffable mystère !Le Père.dans le Fils, & le Fils dans le Père,Sont unis, fans mélange, inséparablement.

De leur sainte Union la merveille est.extrême :Toute Image à i'Objet ressemble seulement;Mais limage de Dieu, dans son Fils, c'est Dieu même.

z. Dieu de Dieu; Lumière de Lumière ; vrai Dieu du vrai Dieu;Fils unique de Dieu ; nonfait, mais engendré, &.par quitoutes chosesonté'é faites; Consubstantiel, Coéternel, £? Coé.

gai au Père, disent dans 1c IV. Siécle les Conciles de Ni-cée & de Constantinople.

9. Les Théologiens Grecs ont nommé Péricoresecette Union

ineffable, que Jésus-Christ avoit exprimée en disant ; Jesuis dans mon Père, fc? monPère ejt dtns moi.

Page 22: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

6 SONNETS CHRETIENS.

SONNET IV,

SUR LE SAISIT ESPRIT.

"C Sprksaint &.divin, porte-moi sur ton aile,-*-^Au Séjour bienheureux .de ton Eternité.,Pour y voir des rayons de ta DivinitéSinon la vive flamme, au-moin s quelque étincelle.

Mais j'apperçois déjà ta splendeur immortelle :

Je t'adore, ô grand Dieu 1 qui dans la Trinité,Ternîmes seul FAraioiir & la Fécondité,

Qui du Père & du Fils sont ]a gloire éternelle.

Achevé aussi pour moi, mon doux Consolateur,L'oeuvredont, par son Fils, le Père fut l'Auteur;F ai moi sentir ta force & ta bonté suprême.

Le Père a bien donné son Fils pour me sauver :Le Fils, pour mon Salut, s'est bien donné soi-même :Mais fans toi 3 ce Salut ne se peut achever.

i. Allusion à 1'APParition du St. EsprU en forme de Colom-be, au Baptême de Jésus^Christ.

j. St. Augustin le qualifie, i,'Amour, la Concorde, le Lien, £?la Ptoaucìion du tere & du Fils, pour achever avec eux i'a-dorable Trinité , comme,leur coégal en mojejìé £f en gloire.

S. Un Ancien le nomme le Consommateur, & l'Ecriture leParaclet; c'est-à-dire, félon St. Augustin,k douiConjh.lot sur de nos larmes, & /« vigilant Avocat de nos misè-res.

Page 23: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

L IVH-Ê Î>'R Ê M 1 Ë R. 7

SONNE? v.

SUR L-À Ck^s.X*ri Ò'N Ï>!U MONDE.

Btiiffariec Jdu '-Créateur.

J'Adore

l'irjvifìble & l'immartélle Essence,

Qui-, de ses propres -rháltis, k bâti :rUhive'rs.

Jebéms-lTÈtërnèl, dont mille effets diversFont éclater laglòîrè &lámagnificence.

.A tôtít ce cjui respire il donna la naissance-;11 -suspendit la TMrè* il-étèndit !lès Airs;II fit'lés |ours-, 'lës'Nnit-s-, 'tós Etés-, Tes Hivers sEt du lambris des'Cieúx forma le tourimniëilse.

Máis, de quelle matière ,'Sí'pat quels instíiifnëns,

Composa-1-il alors ces riches-Bâtimëns,

Qui noilsfolit ádmiïer'salpmffitnce íiiprêmè?

De Rien t-u'fis cè Tôut, par tá divine Voix.

To'ut-puissant Créateur, tù trouv'as:én toi toêíriè-,LaStibferíce*, làFormë, c^rOrdre'^uëf y vois.

4. Saint Paul Tëptéíeritielës 'Ouvrages 'âê -JDIë'ù•,'cdmm'e des

Tábléauxvîfibl'ês'de 'sa Divinité; &iéKoLPropfíëtë'attri-bue égalefnêrit ùílè lmigue'& vmë'viiiaux Cíéux, 'au jshur& à la Nuit, p'ó'rirpublier la glòirè'du 'Créateur, Píùtar-que mëmè, Quoique 'Faye'n , dit que ìa perseBion Sf 'le -bèlordre 'd'eï'Univers condamnent otíììehemènt 'f impiété'iies^-m'thées.

11. Dieu aparlé, chante le Psalmiste, & la ch»sea eufinWè,A 4

Page 24: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

8 SONNETS CHRETIENS,

SONNE? VI.

SUR LE MIME SUJET.

Bonté du Créateur.

OEigneur, n'avois-tu pas, de toute éternité,'-'Sur ton auguste front un pompeux diadème ?Et ne vivois tu pas, dans ta grand eur suprême,Revêtu de Lumière & d'Immortalité ?

Quel bien te manquoit-il, dans ta Divinité?Ton Pouvoir, ton Bonheur, n'étoit-il pas extrême ?Et ne trouvois-tu pas, fans sortir de toi-même,Tes délices, ta gloire, & ta félicité ?

Mais qui te porta donc, ô Puissance très-sage,A tirer du néant ce merveilleux Ouvrage,Cette basse Machine, & ce haut Firmament ?

C'est ta seule Bonté qui fit la Créature :Tu voulus, Dieu très-bon, marquer en la formant,Sur l'çeuvre de tes mains les traits de ta Nature.

j. C'est pourquoi Dieu se donne en sa Parole le nom admi-rable de Scbaddai, qui ne signifie pas seulement Tout-puis-'Jant & Invincible . mais celui qui se suffit àsoi-même, & dontl'abQnda,ncese répand sut toutes les Créatures,

J>.Avant le Monde. Di°u était lui-mêmeson Occupation £? saGloirì, Minutius Félix. Avant toutes choses, Dieu émità foi-même, £f Monde, (f l.ieu^ £p toutes choses. Ter-

ç^llien,

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. LIVRE PREMIER. 9

SONNET VIL

SUR LA DÉCOUVERTE DU NOUVEAU MONDE,

QUe

ta foible Raison cède à l'Expérience ;

^Ecole détrompée, ouvre aujourd'hui les yeux.;Voi le double Hémisphère, environné des Cieux ;Et d'un íi vaste tour admire ^excellence. ^

Tu me blesses le coeur, nouvelle Connoissance.Dans un Monde nouveau, je trouve un Monde vieux;Vieille Race d'Adam, esclave des faux Dieux;Rebelle au Créateur, objet de fa vengeance.

Toi, qui fis le Soleil en formant TUnivers,Répans, par ton Esprit sur ces Peuples divers ,Du mystique Soleil la clarté salutaire.

Que la Croix de leur Ciel leur serve d'un Flambeau,Qui les mene à Jésus mourant fur le Calvaire :Et les rechange encore en un Monde nouveau.

2, Un docte Prélat du huitième Siécle, nommé Virgile, futaccusé d'hérésie, & jugé digne d'excommunication, parle Pape Zacharie, pour avoir cru les Antipodes.

f. L'Amérique ne fut découverte qu'en mille quatre cens qua-. tre-vingt-douze, par cbri/lifie Citomn, Génois, & en 1^7

par Amèrìc Vespute , Florentin , qui lui donna le nomà' Amérique.

j 1. C'est la Croisée ou la Croisade, belle Constellation,duCiel de l"Amérique, composée de quatre Etoiles en formede Croix.

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lo S 0 N NE T S G HR E TIEN S.

S-Ò N NE'? VI H.

SUR LES ANGE s.

jáT^Onfidérez, Mortels:, ces Esprits glorieux,^Qui contemplent toujours -le*'Beautés adorables;Qui promts, ardens, légers^ volentenmillelieuxEt qui font du grand Roi les Hérauts redoutables.

Voyez leurs ailes d'or, leurs habits précieux;•

'Leurs glaives flamboyans >léurs exploits admirables;Leurs emplois ici-bâs, leurs places dans les Cieux;Leurs vertus, leur pouvoir, leurs troupes innombra-

bles.

Figurez-vous, enfin, la céleste Beauté,La lumière, le feu, l'éclat, la majesté,De ces chers Favoris du Monarque 'invisible.

Et si le Dieu vivant *, qu'ils servent nuit & jour,Dans fa Gloire infinie est incompréhensible,Comprenez fa Grandeur par celle de fa Cour.

•>

i.Les Pàyens diminùoiént là glòiredes Anges, eh les te-ïisnt póut mortels ; mais Ils la portoiesit à l'ëicc'ès, en lesestimant éternels. Ils leur attribùoient 'aù'slì-des-Corpssub-tils & imperceptibles, comme rAir & le Vent.; c'e quefònt même quelques anciens Docteurs de l'Eglíse.

ij.&ií. -Ilsempruntent des corps darfs 'ìeù'rs Apparitions,; &4'iEcFíture, iusli-bién que lès Peintres, 'leur-ddnntntdessiie*, des habits ,& des épées. ':'

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L I V R E P R E M IER. M

-SON N-E T IX.

SUR I7 E s P VRI T 'M A L I N.

NAture,prête-moi tes plus noires couleurs :

Fourni pour mon Tableau le sang d'une Panthère,Le venin d'un Dragon, lë fiel d'une Vipère,D'un Crocodile, enfin, & Pécume & les pleurs.

Je veux peindre aujourd'hui ì'Artisan desMalheurè,Le Lion, le Serpent, le Monstre sanguinaire,Qui nous fit tons mortels, eh tuant notre Père,Et par lui nous causa d'éternelles douleurs.

II nous ouvrît la vòiè aux infernales flammes,Et ce Bourreau cruel & des corps & des âmes

Détruisit, d'un seul coup, le bonheur des Humains.

C'est à toi-même, ô Dieu, que Satan fit l'outrage;L'Homme est ta ressemblances l'oeuvre de tes mains;

Venge f Original, est sauvant son Image. ,

5.Le Prince des Démons, qui font en si grand nòmbrë,que, selon St. Jérôme * quand ils n'auroient que les corpsdes plus petits Oiseaux, ils couvriroient le Soleil.

10.On dit qu'il bat & qu'il meurtrit horriblement les Sau-vages. Les Chinois , & d'autres Peuples d'Orient & d'Oc-cident,, l'adoient par là crainte qu'ils ont de fa cruauté,La haine qu'il porteà Dieu ; dit St. Augustin , l'anime contrela pauvre Créature humaine. ïl'tâche iie vengersur l'îmagiìe.tort qu'il croit avoir reçu de l'Urípml.

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.ÍA SON NE f S C H R E TIEN S.

S O N N E T X.

SUR L'HOMME

Image de Dieu.

QUand,des yeux die la Foi, je vois le premier Age,

»jOù tu formas de l'Homme & l'efprit & le corps,Je te bénis, Seigneur, tout-puissant & tout-sage,Qui dans ce composé versas tant de trésors. /

Ce fut-là ton chef-d'oeuvre, & ton plus noble ouvrage,Dont le rare artifice , & les nombreux ressorts,Expriment clairement les traits de ton Image,Et causent dans mon coeur de célestes transports.

Eternel, si dans moi ton Image est empreinte,Qu'admirant ton pouvoir, je profite en ta crainte,Et je t'offre les voeux de ma fidélité.

Que mon coeur, pour t'aimer, devienne tout de flam-Et que , pour rendre hommage à ta Divinité, (me :

Je consacre à ta gloire, & mon corps, & mon ame.

*. Galien dit, qu en reconnaissantDitu pour l'Auteur de tou-te la belle économiede notrecorps, il eft assuréde lui chan-ter une Hymnebeaucoupplus agréablequene lui feraient tou-tes les Vitiimes 1$ tous les Parfums.

9- Allusion au mot de J. C. Rendez à César, &c. C'est-à-dire , selon St. Augustin: César exige denouscette impres-sion de son Image ; & Dieu vous demandeí impressionde la

sienne-, qui est votre ame, dansson essence,danssesf 'acui-tés, & dansses habitudes.

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LÎYRE PREMIER. 13

S 0 N N El XI.

SUR LE MEME SUJET.

; Petit Monde.-

POrtraitde la Divine Essence,

Incomparable Bâtiment,Où l'Eternel, en le formant,Déploya sa toute-puissance :

Simple Etre, par ton existence ;Plante, par ton accroissement;Animal, pair ton sentiment ;Ange, par ton intelligence :

Temple vivant, Monde abrégé,Où- le Créateur a logéTant de différentes Images :

Chef d'oeuvre admirable & divers ;Homme, rends à Dieu les hommagesDes Etres de tout l'Univers.

i. Sa beautépublie que Dieu estson Auteur ; ç^fquellefigureferai-je à Dieu , puisqu'à lebienprendre, l'Hommelui- mimeeftfa figure? CMinutius Félix.) C'estun Miracle quifur-passe de bien loinci? les Elémens, & le Ciel même, disentquelques Anciens. Et d'autres le qualifient, Animal Di-vin , Etincelle de Dieu, Templede Dieu, Roi du bas Uni-vers , Dieu visible, Dieu mortel , Merveille du Monde,Monde de Merveilles, & Microcosme,c'est-à-dire, Petè.Monde.

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Ï4 S0>NNETS CHRETIENS.

SONNET XII.

SUR LA JEUNESSE;

JEunesse,

ne fui point ton caprice volage :Au plus beau de tes jours, íbuvien-toi de ta íro-

Peut-être verras-tu to» soir d'ans ton matin,.Et l'hiver de ta vie au •

printemsì d'e ton âge^

La plus verte Saison est sujette à l'orage;De la certaine mort le tems est incertain ;Et de la fleur des Champs le fragile destin

Exprime de ton fort la véritable image.

Mais veux-tu dans le Ciel refleurir pour toujours?Ne garde point à Dieu l'hiver, qui des vieux jouisTient fous ses dures loix la foibiesse asservie.

Consacre-lui les fleurs-de ton. jeune printems„L'élite de tes- jours-, la- force de ta vie ;Puisqu'il est & l'Arbitre & r Auteur de tes ans.

r.Q/u.e-tw'fouMessesoipcelle'd'unVieillard.,c'efh-à-dir.e, qu'elleJÌOÌPaccompagnéedesagesse, dit St. Augustin..

*.0«*^ a t-il dp.certain en cette Terre .que. la. more., dontneure mêmeeff:incertaine.? St. Augustin.,

*. Nôtre-vk sè.fiétrit: commeunejîeur..-Le mêmç^ Cettefieurfi fiche pendant;quenousparlons-, Pétrarque.. .

**.EaJeune(£eestune Cwonw.de .S^diseaUe&Rabins.*

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.L'í VRE PREMIER, 15

/ SONNE T XIII.

SUR LA VIEILLESSE.

PAuvreHomme, dont lia force est la force d'un

verre;Vieillard foible & tremblant,à, toi-même ennuyeux-,.A qui tant d'ennemis font;ensemble, la guerre,Ne veux-tu point songer i quitter., çes bas lieux?'

Ne sens-tu point la mort,qui te fuit, qui te ferre?

Af-tu perdu l'elprit?. &. ton, coeur vicieux,.Endurci par les ans, &.tenant à la,Terre ,,N'a-t-il ni mouvement., ni chaleur pour les Cieux?

Voi ces Monts sourcilleux, dont les cimes chenuesPortent leur front de neige à, la hauteur des nues-,Et dont le sein répand un déluge de feux,.

Ainsi, pour t'élever- à la gloire éternelle,La neige sur le poil,, le, coeur,brûlant de voe,ux,,Corrige ta froideur,. par le feu; de ton. zèle.

11C''efi'.miJìokcajsi:,íS:íaVitit.lesse,efl:une-Couronne*d'Orties,disent les Juifs.

í.CesoatitorejfeMQntagîicsi^Iílande-:, Hslga., fítóte,&/»>Crois?.-.-

L3>.íì«7Mmtagne<e(lidmnu&neige,. disent les Rabins, esparlant d'une tête blanche. Que ta. Vieillesse Uancíiisje

. ^JichjsvemMancïideAa-sagèss'e,;&; des-bomtes:wivre<s:;-i&>quìiltwfy.wme auameanoitxsur de Pèche*St; Augustin»

rMa.js/eiliej]e'a&ssezd'autres laideur*, n;¥vaioutt-poiiactïUdu Vice. Càton.

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lé SONNETS CHRETIENS.

SONNE T XIV

SUR LES ANIMAUX.

TYEs Eaux, de la Terre, & des Airs,

•*-^ Richesse & merveille infinie ;Hôtes qui peuplez l'Univers,Vieille & féconde Colonie :

Que dans vos logeriiens divers,La Discorde en étant bannie,Potii' louer Dieu, vos coeurs ouvertsFassent une sainte harmonie.

Mortel, béni sa Majesté ;"II produisit, par sa bonté,Tant d'Animaux pour ton usage.

Mais qu'il te souvienne aujourd'hui,Que formant pour toi cet ouvrage,Sés mains te sonnèrent pour lui.

i.C'est-à-dire, les Poissons, Jes Bêtes, & les Oiseaux.

5. Allusion aux divers logemens, &à l'union de» Animauxrenfermés dans l'Arche, au tema du Déluge : c'est le Con-cert du Ps. CXLVIII.

y &suiv. Tu as créé tous les bienssensibles pour son corps;.le corpspour l'ame, & l'ame pour toi, dit St. Augustin.

14. Tuasvoulu, Seigneur, quetoute la Nature sû$ à ïHontmSfafin que VEomim*fût tmt í toi.

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LIVRE PREMIER. 17

SONNET XV.

SUR LES ARBRES ET LES PLANTES.

OUvragesmerveilleux du Dieu de la Nature ;

Hauts Cedres,dont le front s'élève jusqu'aux Cieux;Basse Hysope , Arbrisseaux, Baume,Encens précieux;Et de l'Herbe des Prés éternelle verdure :

t

Parterres émaillés, vivante Enluminure,

Qui charmez l'odorat, en ravissant les yeux ;Fils de Nature & d'Art, Jardins délicieux;Plantes pour la santé, Fruits pour la nourriture:

Vos beautés, il est vrai, présentent à mes sens,Par la bonté, du Ciel, des plaisirs innocens.Mais, à l'inílant, je songe au sort du premier Homme.

Je vois le triste objet du Jardin plein d'appas ,iOù le poison mortel de la fatale PommeSaisit le coeur d'Adam, & causa son trépas.

%.On a vu dans la Nouvelle Espagne un Cèdre qui tenoitmille hommes à l'ombre fous ses branches.

13. Le fruit dqfendu à Adam s'appelle communément unePomme, maison ne fait pas précisément ce que c'est,-. & ily en a qui tiennent que ce pourroit bien être ce beau &délicat fruit des Indes, qUe l'on nomme Figue a'Adam,ou Pommede Paradis, qui étant coupé montre la figured'une Croix, & qui ades feuilles de plus d'une aune. Cequi donne lieu à diverses considérations.

B

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i2 SONNETS CHRETIENS.

SONNET XVI.I"

SUR LES -CIEUX,

TTAuts& vastes Lambris, d'éternelle structure;'•*--*Incorruptibles Cieux, divins Compartimens ;Voûtes d'argent & d'or, superbes Bâtimens,Dont, fans art, Dieu forma la noble Architecture :

Globes, de si parfaite & si riche figure ;Si constans, si légers, en tous vos mouvemens jQui dans votre ample sein logez les Elémens,Et qui servez de comble à toute la Nature :

De votre auguste front quand je vois la rondeur,Les grâces, les trésors, la pompe, & la splendeur,Les diamans, razur, le crystal, & la flamme;

Percé de vos rayons, ébloui de vos feux, i

Je ne puis retenir ce transport de mon ame :O que le Maître est grand, qui vous fit fi pompeux !

i. Nonobstant cette incorruption, les plus anciens Docteurs

,. ont cru que le Ciel étoit d'une matière élémentaire, te-: : nant de la nature de l'Eau & de l'Air.

5. La figure ronde est un emblème de la Divinité, tant ell«est noble &'excellente. Aussi est-ce la figure , qui com-

parée à'tóute autre de même circonférence, comprendle plus grand espace, & où il n'y a ni commencement,ni fin. •

14. La beauté du Cid nous fait voir qu'il y a un Dieu (G«-liin): & son mouvement est YHarmonie de Pythagort,^ui nous publie la gloire de son Créateur.

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LI VREPREMIER. 19

SONNET XVII.

SUR LE SOLEIL.

FLambeau de l'Univers, charmant Père du Jour, ;

Globe d'or & de feu, Centre de la Lumière,

Admirable Portrait de la Cause première ;Tu fais de la Nature & la joie & l'amourv

Comme un superbe Roi, qui brille dans<fa Cour,Couronné de rayons, en ta haute carrière,Des portes d'Orient tu franchis la barrière,Pour visiter le Gange, & le Pô, tdur-à-tour.

Ainsi, marchant toujours dans ta pompe royale ,Et courant de l'Aurore à l'Inde Occidentale,Tu répans en tous lieux ton éclat fans pareil.

Mais, si jeté.compare au Dieu de la Nature,Dont tu n'es, après tout, que la foible peinture,Ton éclat n'est qu'une ombre, & tu n'es plus Sokil.

1. Communément estimé cent soixante-six fois plus grandque la Terre.

3. Un Philosophe Payen, nommé Eudoxe, en étoit si^rflou-reux, qu'il souhaitoit de pouvoir le contempler de prè«,quand il lui en eût dû à ['instant coûter la vie ; & l'Icso.latrie la plus ancienne <&la plus universelle est celle duSoleil.

y, Les Orientaux l'appelloient Bel ou B«al, & Molec, c'est-'à-dire Roi.

. t. Fleuves, des Indes en Orient, & d'Italie en Occident^10. On tient qu'en une heure leSoleil fait un million de lieue».

B 1

Page 36: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

Só SONNETS CHRETIENS

SONNET XVIII.

SUR LA LUNE.

COeur de l'Astre du jour, vigilante Courriére,*^Tu règnes furies Eaux , & d'un cours diligent,Sous un lambris d'azur, dans un trône d'argent,Tous les mois tu fournis ton illustre carrière.

Tu passes, tour-à-tour, l'un & l'autre Hémisphère :Et lorsqu'on voit ton Frère en l'onde se plongeant,Par différens aspects, ton visage changeant,En dépit de la nuit ramené la lumière.

'Mais, ô belle Planète! où ton visage luit,

Règnent pourtant toujours les ombres de la nuit;Et ta foible clarté n'en peut rompre les voiles.

Quand pourrai-je monter jusqu'au brillant Séjour,Où, fans Ombre, fans Nuit, lans Lune,& fans Etoiles,Du Soleil éternel je verrai le grand jour! ^

i.Mais les Chinois, & quelques autres Orientaux, disent

agréablement, que le Soleil & la Lune sont le Mari &la Femme, & que les Etoiles font leurs Enfans.

4. Sa renaissance nous représente chaque fois la Résurrec-tion. (St. Augustin.)

g.Quelques-unsl'ont fort bien nommée le petit Soleil, oule Vicaire du Soleil. Mais dans son Eclipse les Barbarestremblent, & font des lamentations.

10. C'est pourquoi Théopbrafleî raison de l'appeller le foiile-'•' Soleil. - '•""-.

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LIVRE P R EM LE R. - n

SONNET XIX.

S U R L E S EL E' MENS.

ppReres, de qui toujours la parfaite harmonie^

Règne, fans s'altérer, dans vos vieux différends :Grands Corps,de siécle en siécle affermis en vos rangs,Dont tous les autres Corps sentent la tyrannie:

Elémens séparés, dont la force est unie;Fixes, mouvans, légers, peíans, actifs, souffrans;Chauds, froids, humides, secs, obscurs,& traníparens ;

Qui marquez du grand Dieu la sagesse infinie:

Pères & Destructeurs de tant d'Etres divers,Qui naissant & mourant dans ce vaste Univers,Eprouvent de vos loix la fatale puissance :

Heureux, qui ne craint plus l'atteinte de vos coups ;Et qui fur tous les Cieux, loin de votre inconstance,Peut vivre, respirer, & se mouvoir, sans vous!

a. C'est l'Antipathie naturelle des Qualités Elémentaires, quel'Auteurde la Nature a si sagement tempérées, que poury entretenir Tordre & la paix, chaque Elément est jointà i Elément voisin, par une qualité commune à l'un & àl'autre. LesPayens nguroient cet admirable accord par la,Lyre de leur Orphée.

'

9. Les Elémens font les Principes de la Génération & de la*Corruption de tous les Corps mixtes, ou composés, &c'est ce qui les a fait adorer par les Payens.

B 3

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a* SONNETS CHRETIENS.

SONNET XX.

S U R L E F E U.

/^Orps subtil, Elément suprême,^-'Qui, logé sous le Firmament,Sans travail dans ton mouvement,Te nourris toujours de toi-même:

Ton Fíere, d'une ardeur extrême,Esclave au terrestre Elément,

_ Volant aux Cieux incessamment,Montre qu'il te cherche, & qu'il t'aime.

Mais par ce vol précipité,S'échappant de captivité,Il semble qull dit à mon ame :

Ame, étrangère en ce bas lieu,Que n'as-tu des ailes de flamme,Pour voler fans-cesse à ton Dieu !

i. C'est le Feu Elémentaire , que l'on s'imagine dans laconcavité du Ciel de la Lune.

5. C est notre Feu commun & ordinaire, qui tend toujoursen-haut. Mais le Feu Elémentaire a aufli un autre Frère,renfermé dans les entrailles de la Terre, comme nous le

montrent, entre autres, les Monts Gibel& de la Somme.:

il.Une ame, embrasée de la charité de Dieu, a des ailes île

flamme, pour vêler a'un suint amour au Seigneur. St. Au-

gustin,

Page 39: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

. LIVRE PREMIER. ûj

SONNET XXI.

SUR I'A i x.

VAsteElément, Ciel des Oiseaux;

Corps léger, subtile Peinture ;Maison, donc la fine structure

Comprend trois étages fi beaux :

Riche Tente, dont les rideaux,Par le Maître de la Nature,Sont étendus pour couverture,Et fur la Terre, & fur les Eaux:

Ministre du grand Luminaire;Hôte fide'e, & nécessaire;Cause, qui produis tant d'Effets :

Messager de Calme & d'Orage,Je vois dans ton sein le passage <

Qui mene à Péternelle Paix.

i.L'Air est cent mille fois plus-grandque tout le Globe deU Terre et de l'Eau, selon les Observations de quelquesPhilosophes modernes.

x. On prétend prouver aujourd'hui combien pesé toute lamasse de l'Air.

4. Ce sont les trois Régions de l'Aii, doat la supérieureest la plus belle,

n. Les plus hautes Nuées sont à la distance d'environ qua-tre lieues d Italie ; & les plus basses, quand il pleut, à.la hauteur de demi. lieue.

B4

Page 40: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

24 SONNETS CHRETIENS.

SONNET XXII.

k,

SUR LE TONNERRE ET LA FOUDRE.

/"'Ourier de la haute Vengeance,^Ministre de Dieu, dont la voixNous fait sentir, tout à la fois, !Et fa justice &sa puissance :

Glaive de feu , divine Lance,Bras étendu du Roi des Rois,Qui des Infracteurs de ses LoixViens punir Pìngrate insolence:.

Tonnerre & Foudre-, votre bruitDu courroux du Ciel nous instruit,-Et trouble toute la Nature.

Mais quand Sina reçoit vos coups,La voix de Sion nous assure,

Que la Paix est faite pour nous.

i. Un Concile d'Espagne anathématisa certains Hérétiques iqui disoient que la Foudre n'étoit qu'une oeuvre du Dia-ble , & non pas.deDieu. Au contraire les Moscovites& les Péruviens l'adoroient comme une Divinité.

7.De-làvientquel"impie"C«/îgï</a, à l'ouïe du Tonnerre ,s'ailoit cacher sous son lit.

Xi.IIne pleut pourtant, ni ne tonne jamais, dans toute laCôie du Pérou.

ix. & 13. Opposition de la publication de la Loi à celle del'Evangile.

Page 41: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

LIVRE PREMIER. $5

SONNET XXIIJ.

Sua L'A R C-E N-C I E L.

E bel Astre du jour , dans le sein de forage,Nous forme tout-à-coup ce lumineux Tableau,

t, tout-à-coup aufli, le couvrant d'un rideau,1 dérobe à nos yeux son inconstant ouvrage.

V

De ce Peintre brillant la toile est le nuage;Ses rayons réfléchis lui servent de pinceau:II prend pour ses couleurs, l'or, Pazur, le feu, l'eau ;Et la vapeur commence & finit cette Image.

Fragiles ornemens, éclat foible & trompeur,'

Passagères beautés, filles de la Vapeur,Des faux Biens d'ici-bas vous peignez l'inconstance.

Par les mêmes couleurs, & par les mêmes traits,Vous imprimez la Crainte, & donnez l'Espérance ;Vous annoncez la Guerre, & vous marquez la Paix.

a. On estime que le diamètre, ou retendue de ce Tableau,est de demi-lieue. II parolt toujours du côté opposé àcelui où il se forme, comme on en voit l'expérience au-travers d'une fiole d'eau opposée au Soleil. Les Péru-viens étoient si charmés de la beauté de cette Image,qu'ils l'adoroient ; & les Caraïbles Insulaires la nommentassez plaisamment le Pennacbe de Dieu.

14. La Guerre est forage, & la Paix est l'assurance contre leDéluge.

Page 42: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

aS SONNETS CHRETIENS.

SONNE T XXIV.

Su* LES VENTS.

VOixsans poumons, Corps invisible;

Lutins volans, Char des Oiseaux;Vieux Couriers, Postillons nouveaux,Sur Terre & fur Mer íi sensibles:

Doux Médecins /Bourreaux terribles ;Maîtres, de FAir, Tyrans des Eaux,

Qui rendez, aux craintifs Vaisseaux,Les ondes fières, ou paisibles :

Vents, qui dans un cours inconstant,Naissez, & mourez chaque instant;Mes jours ne font qu'un vent qui pafle:

Mon corps fait naufrage en la mort,Mais Dieu, du souffle de sa Grâce,Pousse mon ame dans le port. ^

3. lis courent en droite ligne, ou bien ils tournent en rond.L'Eropereur Vems donnoit à ses Couriers les noms desVents, & leur faisoit appliquer des ailes.

j. 11 y a des Vents agréables & salutaires, comme ceux quel'on nomme Zéphyrs. Mais il y en a d'autres qui fontcruels & meurtriers, comme ces Vents du Pérou, quifont vomir jusqu'au sang,<& qui tuent subitement. C'est

pourquoi les Payens sicrifioient aux Vents, pour se lesrendre favorables.

Page 43: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

LIVRE P R E M IER. 27

S 0 N N ET XXV.

S U R L A M B R.

'Admire, en te voyant, la source dont tu sors;Les biens que tu produis, & les biens que tu pilles ;

Et la robe d'argent, dont parfois tu t'habilles,

Lorsque les Vents émus troublent ton vaste corps.

Qui pourroit de ton sein compter tous les trésors ?De tes divers poissons les nombreuses familles ;Les Perles, l'Ambre-gris, le Corail, les Coquilles,Que ton bruyant courroux étale fur tes bords?

Sur-tout, je dois bénir la Puissance adorable,Qui dompte ta fureur avec des grains desable,Et dont la sage main ton flux a limité.

Mais, quand dois-je aborder cette Mer Pacifique,Sans tempête, fans flots; où dans l'Eternité ,L'on voit ce que la Gloire a de plus magnifique !

4. LaMer dispute d'Vtendue avec la Terre ; A sa profon-deur est ordinairement de demi-lieue d'Italie -, mais ellea des gouffres impénétrables.

7, Les Naturalistes d'aujourd'hui disent que l'Aiubre - grisest un ouvrage commencépar les Abeilles dans les Ro-chers , & achevé par la Mer.

ji, Allusion à b'Mer du Sud, nommée la Mer Pacifique,& à la Mer de verre, qui est représentée dans l'Apoca^-lypse. .. - .

Page 44: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

$8. SONNETS CHRETIENS.

S .0 N N E T XXIV.

SUR LES FONTAINES ET LES RIVIÈRES.

VErrestremblans, Miroirs liquides,

Flots d'argent, Veines de crystal,Qui .de votre coulant métal

Humectez les terres arides:

Canaux, dont les ondes rapides,S'enfuyant de leur lieu natal,Roulent, par un ordre fatal,Dans le sein des plaines humides :

Beaux Fleuves, Ruisseaux précieux,Où le brûlant Astre des Cieux,Se baignant, amortit ses flammes ;

Qu'êtes-vous pour charmer les coeurs,Au prix de la Source où les âmesPuisent d'éternelles douceurs ?

i. Dans la Nouvelle Espagne on voít une Source de couleurd'encre. Au Pérou il y a une Fontaine rouge comme du

sang : deux autres, dont l'eau se change, l'une en pierre,& l'autre en sel, en coulant : & une autre qui a deux ca-

naux, l'un d'eau bouillante, & l'autre d eaufroide. On dit

qu'en Cappadoce il y a un Lac qui pétrifie les corps. Plineassure qu'en Mésopotamie il se trouve une Fontaine desouéve odeur. Et le Fleuve des Amazones est fi beau, queÍQHembouchure excède la largeur de la Mer Méditerranée.

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LIVRE PREMIER. 29

SONNET XXVIL

SUR LA NAVI G A T I 0 N.

ARtificeétonnant, vaste témérité.'

Les Mortels se sont fait des maisons vagabondes ;Et d'un trafic douteux cherchant futilité,Sur le fier Elément traversent les deux Mondes.

Un Vaisseau jusqu'au Ciel, par les flots, est porté,Puis tout- à - coup il cède au caprice des ondes,Et jusques dans l'abîme étant précipité,U est comme englouti dans les vagues profondes.

Ah! si l'ardente soif d'acquérir des trésors,Dangereux aux vivans, inutiles aux morts,Fait quitter la Patrie, & braver la Mort même ;

Chrétien, ne dois-tu pas, par des projets plus hauts,Pour gagner les trésors de la Gloire suprême,Quitter les biens du Siécle, & braver tous les maux?

t.Les Anciens, ignorant la Boussole, n'étoient que desEnfans dans la Navigation,

j. La convoitise du gain a inventé lesNavires, dit l'Auteurdu Livre de la Sagesse.

ix.Ánacbarsts disoit de ceux qui font fur la Mer, qu'il n'yavoit quel''épaisseurd'une plancheentre eux & to mort, Àil balançoit à les compter entre les vivans.

14. Avec quel travail & quelle peine ne mérite pas d'être ac-. quii le repos qui ne finira jamais? St. Augustin.

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3© SONNETS CHRETIENS,

SONNET XXVIII,

SUR LA TERRE.

MAisondes Bergers & des Rois;

Corps, à qui la Cause première,Sans autre organe que fa voix,Donna la forme &. la matière :

Machine, assise sur ton poids ;Sans Art, admirable Ouvrière;Dont le Créateur, par ses Loix,Rendit féconde la poussière :

Mère des Vivans & des Morts,

Qui, les mains pleines de trésors,Me fais voir ta riche abondance:

Envain tu prétens m'en gager ;Mon corps a chez toi pris naissance,Mais mon coeur s'y trouve étranger. \

. i. Vaste maison, puisqu'elle a dix mille huit cens lieues detour.

p. Les Anciens ont dit que la Terre avoit été mariée avecle Gel pour la génération des choses lis l'honoroientfous divers noms. II semble que celui de Rbèa, qui signifieMire, représentoit Eve, laMère de tous les Vivans.

14. Comme on reprochoit à Annxaifore d'avoir méprisé sonPays, il dit, en monipnt du doigt le Ciel, qu'au con-_traire U en aveit un fore, grand soin.

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LIVRE PREMIER, ft

SONNET XXIX

SUR L' O R.

VieuxTyran, d'obscure naissance ;

Brillant & pâle Séducteur ;Subtil & volage Enchanteur;

Sujet de trouble & d'insolence :

Vaine Idole, dont la puissanceSoustrait les coeurs au Créateur;Métal, de tant de maux l'auteur;Objet de crainte & d'espérance :

Or fatal, tu viens de l'Enfer,Pour nous faire un Siécle de fer,Dans le riche Siécle où nous sommes;.

Mais, ô Vertu, rare Trésor!Si tu descendois fur les Hommes,On reverroit le Siécle d'or.

i.On trouve de l'Or en trois manières. En pépin & enpierre dans les Mines & dans quelques Puits fort pro-fonds , maisen poudre dans des Torrens & des Rivières.

.4. Allusion à la Pomme de discorde des anciens Poètes.7. íl sembleque pour nou« lignifier cette vérité, la Nature

a mêlé l'or avec le poison de l'antimoine, dans les Mi-nes

14. C'est-à-dire un Siécle d*Abondance, de Paix & de Jus-tice.

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Si- SONNETS CHRETIENS

S O N N ET XXX.

SUR LES PIERRES PRÉCIEUSES.

QUoi! sort-il tant de feux, de rayon?, de lumières,

^D'un si froid, si grossier, &si noir Elément V

Et tant d'Astres, naissans dans ces sombres Carrières,Font-ils donc de ïa Terre un second Firmament?

Minéraux éclatans, terrestres Luminaires,Dont la tête des Rois brille superbement,

Ìene puis vous compter que pour des biens vulgaires,

lt pour moi votre éclat n'est qu'un foible ornement.•

Invisible Soleil, qui donnas fêtre- au Monde,Vien former dans mon coeur, par ta vertu féconde,Pour célestes joyaux, FEÍpérance & la Foi.

Mais que, cessant un jour d'espérer & de croire,

£obtienne dans ton Ciel, & possédé avec toi,'a Couronne fans prix des rayons de ta Gloire.

%..Les Minéraux se produisent dans les entrailles de la Ter-re, où avec le tems ils croissent & se forment, par lavertu du Soleil & des. autres Planètes.

7. Le Commun - peuple, & les Chevaux, en sont ornés auPays où en sont les Mines. Mais Nonius Sénateur Ro-main estimoit tant son Opale, qu'il aima mieux s'exposerà perdre la vie, que de la donner à Antoine.

lu L'Emeraude est l'emblêrae de l'Espérance, & le Diamant:*-l'eítdelaíoi.

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LIVRE PREMIER. 33;

S O N N É T XXXI.

SUR LA PIERRE D'A IMAN T.

CEgrossier Minéral, sous fa noire apparence,

Renferme dans son corps une vertu fans prix.

Que le Simple & le Sage, également surpris,En viennent de concert admirer l'excellence.

Des Siécles précédens la foible connoissanceSon plus rare secret n'avoit jamais compris :

C'est vous, Siécles nouveaux,, qui nous avez apprisDe ce riche secret l'heureule expérience.

rGrand Dieu, qui fis ainsi, par tes puissantes mains,.

Sur le vaste Océan une route aux Humains,Tantôt pour le Commerce, & tantôt pour la Guerre.

Mon coeur flotte, & s'égare en ce bas Elément :

Et, comme un poids de fer il s'attache à la Terre.'"

Que ta Loi soit son pôle, & ton Ciel, son .aimant !, i.

i.L'Aimant se tire des Mines de ïer,noir comme, le fer,mais plus dur & plus pesant. On dit que, parlempyendu fer, on le peut convertir en acier très-fin.

5. Les Anciensavoient bien connula vertu qu'il a d'at-tirerle fer, même au travers d'une muraille; mais ils avoientignoré son admirable propriété de tourner toujours un.cer-tain côté vers le Nord,& l'autre vers le Sud ,&.de com-muniquer cette vertu aux aiguilles des Boussoles,. Òn seiàit pas bien le tems de cette découverte.

....... C ..;.. .; '.. ,/. -,

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Í4 SONNETS CHRETIENS.

SONNET XXXII.

SUR LE RENOUVELLEMENT DEL'AHNE'I,

T\ Onques l'Astre du Jour, diligent & fidèle,

•'-'Ayant d'un cours égal, dansíes hautes maisons.Formé les douze Mois, & les quatre Saisons,Entre, d'un air pompeux, dans fa course nouvelle.

Et puis la fiere Mort, avec fa faux cruelle,'Menaçant de nos nerfs les foibles liaisons,Sans écouter ni voeux, ni plaintes, ni raisons,D'une voix importune, au tombeau nous appelle.

Le Tems fuit, & s'envole ;•& d'un rapide cours,Emportant fur son aile & nos ans & nos jours ,11n'en laisse après foi, ni l'ombre, ni Ja trace. •

Je meurs donc en vivant: mon Dieu c'est-làmonfort. - . •

Fai-moì vivre en ta crainte, & mourir en ta grâce,Pour braver dans la Gloire,. .& le Tems, & la Mort,

i. CéstpárJà'qïi'un Roi du Pérou jugeafort bien que Ie'So.Jeilavtìït un Maître.

î.L'Emblêmedel An, parmi les Egyptiens, étoitunSer-•

pent tourné en rond, & mordant fa queue.'On dit qu'ils• ont les premiers divisé l'An en douze mois. Les quatre

Saisons, dans tes Poètes, sont les quatre Chevaux attelésau Char du Soleil.

9. Platon dit qu'ilyadeux choses, dont l'une est toujours,& ne se fait jamais, qui est Dieu ;. l'autre sefait, toujours,& n'est jamais, qui est le Tems.

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L IV RE PREMIER." ^5

SO N NE F XXXIII.

S U R LE P-R I N T E M S.

JEune

& cher Fa^qri de la sage Nature, ..- -

Qui- de l'âpre 3Hifon viens finir,ìes, rigueurs^ .

'Qui parfîmes notre air de tes douces odeurs,"Et qui rends à nos Bois leur belle chevelure;

Grands & riches Tapis de riante verdure:' -

Roses, Jasmins, Oeillets, pompeux amas de Fleurs:

Incomparable Email des>plus vives couleurs.,

Qui, fans art, surpassez les traits, de lai Peinture:

Petits liôtes de l'Air , qui, poussant vers les CieuxD'un concert naturel les sons mélodieux,Charmez si doucement les âmes par Toreille :

BeauPrintemSjdont raspéít fait un Monde nouveau:Si du haut Paradis je conçois la merveille,

. Ta face est fans attraits, & tu n'as rien de beaiu_

1. Entre les Payens, Hébé, Déesse de la Jeunesse, leprésçn-toit le Printems.

8. La Nature alors est un Peintre, & dans la joie qu'elle^ade' fa fécondité, elle prend plaisir à se jouer ainíi en ùneinfinité de manières, f Plme.)

ij.Le Jardin du Ciel est toujours vert & fleurissant. Ç'estîeParadisdes Beautés & des Délices éternelles, (dit 'St, Au-gustin) C'est-là que sont les Prés toujours odorans, ájfles.Parterres toujours enrichis des divines fleurs, (ditj'EpUtaphe de Si. Hitàire d'Aries.)

C 2.

Page 52: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

-.56 SONNETS CHRETIENS.

S O N NE T XXXIV. \I

: SU R L*E TE'.

SAisonqui viens à nous, l'oeil riant, les mains pleines;

Eté, qui chaque jour prens des charmes nouveaux i

Í'admiretes habits, si brillans & fi beaux; »•

.es fruits de tes Jardins, les troupeaux de tes Plaines :,

La fraîcheur de tes Bois, l'ardeur de tes Areaes ::L'azur de ton Lambris, le crystalde tes Eaux:La pompe de tes Champs, l'orgueil de tes Coteaux :Et de tes doux Zéphyrs les subtiles haleines. ^

""•Je fuis ravi, fur-tout, du fort des Laboureurs,

A qui tu fais cueillir, après mille sueurs,Lariche Moisson d'or, que le Ciel leur envoie,

•Je semé, je travaille, & je pleure ici-bas;

Mais je dois, dans les Cieux, recueillir avec joie,L'abondance des Biens qui suivent le trépas. <>

'"j;On sent vfùr-tout, cette ardeur dansl' Arabie déserte, &

., ,.-dans la Libye. • ...,.' '..'.':..18;;Petits Vents, sâinsá agréables, nommés Zéphyrs, c'est-

"'à-dire, qui donnent la vie.rix. Semons en.cette Vie, pleine de larmes, (dit St. Avgtis-"

tin.') Que sémérons-nous ? Les bonnes oeuvres. Cette Vie ,". est une Vallée de larmes, où nous semons en pleurant.

Mais dans ìa Patrie Céleste nous moissonnerons avec joie*'- Je fruit deia semence, la couronne de la joie <&.del'allégresse.

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LT VRE PRJEM:I;E:R.-Í fr:

S O.N N.ET, XX XV

S U R L'A U T O M N E.

OSaison', qui de Dieu sagement ordonnée,Achevés- de l'Eté les ouvrages diversi:

Saison, qui devançant se froid de nos Hivers , -'

Á nous y préparer nous semble destinée :..-'. -r-,

Saison, de mille biens richement couronnée :

Automne, qui fais voir, dans ce vaste Univers,Du massif Elément tous les trésors ouverts;;'..

J'admire les beautés dont ta face est ornée.

Mais en flattant mes sens, crois-tu charmer mon coeur,'Avec tes riches dons ,.& ta douce liqueur ;Ou: remplir mes désirs, avec ton abondance. 9

Mon coeur languit toujours en ces terrestres lieux VSa plus sensible joie est dans son espérance : •;Et le bien qu'il attend ne se trouve qu'aux Cieux. >

4- Quelle sagesse, d'avoir tempéré l'Hiver & l'Eté parl'Automne & par le Printems,. aveçjtaat1d'Iart.- &,dejustesse, que l'on passedoucement ,,$ çofam,^ifjsehíibïelment, des ardeurs de l'un auxfroideursváè|f^utrë ! (Mi-nutonsFélix.) ',, , ',, .. .-'.'. ".y,''"'h;'/, ...

io. Les Manichéens avoient ~lë vin eri horreúíj "eommelevenin du Dragon. ,-..,• •;•'"' • «i "ï'^'í'. ."-. r

'~r

23.Mon espérance est dans lá^Terrè des Mourons,, ìh?is;rii'aportion est dans la Terre .dés yivawrsSç/Ai$uJlpi)

Ç ? ', i :i-;-.-;rT. "•.;.:•~>'îr-.-

Page 54: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

3$ SONNETS CHRETIENS..'

SONNET XXXVL

SUR L'H I V E R.

f\ Saison, tbut'ensemble, &;,trjíle; & rigoureuse!^ C'est toi qui fais trembìér les:Bergers & lfesRois :

Qui prives de'Verdure & lèsGhMip'sôc les Bois:' "

Etqui rends du Soleil la face ténébreuse. .

Noire Fiìl'e du teins, ouvrière oragéu'sè :Horreur , qui JÓúr & nuit retiens, durant trois mois,La Nature eh syncopé, & le Mondé áuxàboîsíH iver, dont le seul nom fait une image affreuse :

Exposer à mes 'sens tesfrimàts, tés glaçons,1

les ténèbres, tes Eaux, tes rigueurs, tés frissons,Enfin., tes,dures loix, tes assauts, tes tempêtes;

N'estrcë pas m'exprimer, & là mort, & sés traits,

Qui", ttensíç^ht -fió'sjòúrs-y & fendantfur sós têtes >Font sentir à nos corps leurs funestes effets V

*;;DànsYtócmTëTç}rriae., ïa'ïèutë dîrFérëhcè SësSMibWcst-.'; fe 'terris1aS!fêp&cherèïfe, 'àïïi > ^ft TEtë;,& ìè cëïíïsídes''

fciuyës,'j^uîy!faìt í'Hivièï^rríaísHiàTîfveîv^rdoyam &, fans froid, & qui n'est que comme un.rafraîchissementS1%è:bïUsiarë.:- r-; ""• :; :"—'" "" '

'r'- '

ij. L'Hiver est Je tems deJ.'affliction,sdù ïca^aalé:^. de-'ramërtiîffië'ir^'éft-ici^otre'-HÍvBr; 'QuàMTéïái<£-AWe'

'Pfrtìtem's-, S-.ncíttóìtéV'L^s'qUéléfÚB-GhristS 3q'íriestnotre vie, paroîtra. {Stl JLgujiin.)

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L IVRE PRE M I Ë R. 59

SONNET XXXVII.

SUR LA PROVIDENCE.

Dieu Conservateur.

SAns le secret concours de ta Divinité,Père de l'Univers, Ame de la Nature,.

On verroit ce grand Tout bientôt précipitéDans son premier chaos, & dans fa nuit obscure.

Tu peux seul arrêter son instabilité :Ton bras, par fa vertu, soutient ta créature ;Et pour l'entretenir, ta libéralité,Des trésors de ton sein., produit sa nourriture.

Enfin, le Monde entier subsiste par tes Loix:Le plus simple Berger, & le plus grand des Rois,Eprouvent chaque jour ta bonté souveraine.

Toujours fort, toujours sage, & toujours glorieux -,Ayant tout fait de rien, tu maintiens tout fans peine :C'est créer, tous les jours, & la Terre & les Cieux.

i.Dieuel la Cause première & universelle, qui intervientnécessairementdanstoutes lesCausessecondes & particu-lières D'où vient ce que chante le Psalmiste, que íì Dieudétourne ses yeux & retire son esprit-des Créatures , in-continent elles défaillent. Tu m'as tiré du néant : & û'ton secours me manque, j'y retombe. (Se Augustin.)

ÏJ. Epicureòîoit follement à Dieu fa Providence pour ledécharger de 'peine.

14. Queiques-'uns ont fort bien nommé laProvidence y une'C-réationcoatinuëe. '

C4

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*> SP3NNETS CHRETIENS.;

SONN-ETXXXFIII.

•'- SUR LE ME ME SUJET.

Dieu Direàeur.

"D Ar de secrets ressorts tu gouvernes le Monde,x Grand Dieu, .qui remplis tout par ton immensité,Rien ne peut arriver, fur la Terre & fur l'Onde,Si tu ne l'as voulu de toute éternité.

O puissant Créateur de la Machine ronde!Ton Trône a pour appui la force & l'équité :

Et tu fáis éclater ta sagesse profonde,Dans le désordre même & dans Tobscurité.

'Tes propres Ennemis travaillent à ta gloire ;

Us poussent, de leurs mains, le char de ta victoire,Et, contre leurs projets, ils font ta volonté.

Mais si toujours elle est, & sage, & juste, & sainte,Fai qu'en mes plus grands maux j'adore ta bonté ;Et qu'en tout tems je garde & mon zèle &ta crainte.

S. Le Démon, dans facruauté, (dit St. Augustin) est entréau coeur de Tudas, a livré Jésus-Christ, & l'a crucifié.Ma's Tésus-Christ crucifié est laRédemption du Monde.Qu'il est beau de voir, par les yeux de la Foi, Darius,

:' Cyrus, Alexandre, les Romains, Pompée , & Héro-de , agir, fans le savoir, pour la gloire de l'Evangile !

::•.;(Pascal.) Dieu triomphe dans le Char de fa Providence;& nous suivons son Char, ou cpmme libres, ou commeesclaves. (St. Emile.)

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L I V R E P R E M I E R. 41

SONNET XXXIX,

SUR LE MEME SUJET.

Dieu ProtcBeur.

TAsagesse gouverne & la Terre & les Cieux:

Rien ne peut échapper à ta haute science: _Tout fléchit sous tes Loix, en tout tems, en tous lieux :

Tes yeux veillent pour moi;tonbrasestmadéfence.

Formateur des Humains, tout grand, tout glorieux,Tu fus mon Protecteur, même dès ma naissance.Loin de moi, vaine crainte, effroi pernicieux,Si j'ai pour mon appui fa safnte Providence.

Tout cède, tout conspire au bien de ses Enfans :Dans leur défaite même, il les rend triomphans ;Et leur jour se produit de leur nuit la plus noire.

O Tyrans, ô Démons, ennemis de mon fort !

Apprenez, qu'en souffrant je parviens à la gloire ;Et que j'obtiens la vie, au milieu de lamort.

7-Si Dieu asoin de toi, pourquoi te mets-tu en peine detoi-même ? (Socrate.) Dieu est le Père de tous les Hom-mes ,mais il l'est fur-tout des Gens de bien. (Alex.)

ic. Une voix de triomphe & de délivrance se fait ouïr sousles tentes des Justes, où leurs Ennemis ne s'imaginent quetristesses& désolation, parce qu'ils ne sentent pas les joiesintérieures des Saints, remplis de l'espérance de l'avenir.{St. Augustin.)

TINDU PREMIERLIVRE.

C <

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LIVRE. SECOND.

SUR DIVERSES

HISTOIRES

DU VIEUX

TESTAMENT.

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LIVRE SECOND.

SONNET I.

SUR L'ETAT D'ADAM ET D'EVE DANSLE PARADIS TERRESTRE.

Ç\ Couple bienheureux, à qui le Ciel envoiev-/

Çe qu'il a de plus rare & de plus précieux;Et qui, dans un Palais vaste, & délicieux,Vois commencer des jours filés d'or & de foie !

Que désire ton coeur? Sous toi l'Univers ploie :Ton Sceptre est la Raison: tes Gardes font tes Yeux iLa Justice te sert d'un habit glorieux :Et Dieu fait ton amour, ta couronne, & ta joie.

L'Air flatteur te caresse avec ses doux zéphirs ;L'Eau, de ses flots d'argent, entretient des plaisirs ;Et la Terre à tes voeux satisfait d'elle-même.

Mais, c'est louer ton fort par des vers superflus.Un point manque, fans-doute, à ton Bonheur suprême:Quelque heureux que tu sois, tu vas ne l'être plus.

3. C'était le Jardin d'Eden , ou le Paradis' Terrestre, situédansun endroit de l'Asic,. dont pnn'est pas bien d'accordéntre lesDoctes.

4. C'est-a-dire, des jours éclatans& pompeux. Allusion auxParques des Payens.

IJ.NÌ les luiss, ni les Chrétiens, ne conviennent pasen-tre eux du tems qu'Adam & Eve demeurèrent dans le Para-dis; mais la plupart tiennent qu'ils enfurent chassésdèsk soir du même jour qu'ils y étoient entrés.

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46" SON NETS CHRETIENS, !

S 0 N NE T II.

SUR LE P E' CH E' D'A DAM.

JE

vois dans ta personne un Ingrat, un Rebelle,Etle propre ennemi de sa félicité;

Qui, çontrelbn Seigneur lâchement révolté.Attire sur sa tête une peine éternelle. ;

Eve, dans son amour, est trompeuse & cruelle :Son poison, par l'oreille, en ton coeur est jette:Et du fruit défendu lâ fatale beautéTe porte dans les yeux une atteinte mortelle.

Pour ton mal, tu te fais Harbitre de ton bien;En voulant être tout, tu te réduis à rien;Et ton ambition te conduit au supplice.

Tu traînes avec toi tes enfans au tombeau :Et d ans leur triste fort, je doute avec justice,Si je t'en dois nommer le Père, ou le Bourreau.

•f. Eve étojt-aUe du Démon ,<Snon ps$de son Mari, (dit

5t. jtùgùflin.)7. Semblable à ces délicieuses^mortelles Pommes de l'Amé-

rique ynommées,MancenilUt. Voyez ja Note du 13. Versdu Sonnet des Arbres-, Liv. I. Sonnet XV.

i4.Adam&Eve, vous avez été les Meurtriers, aussi-bienque les Feres, de tous lesHommes. Et ce qui est de plusdéplorable, c'est que vous avez été leurs Meurtriers avantque d'être leurs Pères. (St. Bernard,,)

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LIVRE SECOND. 47

SON N ET III*

SUR LE MEURTRE D'ABEL.

TRiste& sanglant objet d'une cruelle envie,:

Ange en homme vêtu, Berger chéri des Cieux,

Quel l'ujet rend ton frère un Bourreau furieux,

Qui ne peut qu'en ton sang voir sa rage assouvie P

La lumière du jour par ses mains t'est ravie,Pour l'éclat de ta Foi, qui lui blesse les yeux :C'est l'amour du Seigneur qui te rend odieux,Et c'est ta sainteté qui te coûte la vie.

Je bénis ta mémoire, & j'admire ton fort,

Jeune & premier Martyr, Toutefois, en ta mort,Ton sang au juste Ciel demande la vengeance.

Mais du mystique Abel, immolé fur la Croix,Le sang pur & divin., qui coule en abondance,Demande grâce au Ciel, d'une plus forte voix.

t.St. Chryseslômeappelle les Solitaire» de son tems, lesAnges de iaTerre, & des Anges couverts du corpsd'unhomme.

3. N'est-il pas étrange qu'au secondSiécledu Christianismeil y ait éu des Hérétiques, qui faifoient profession d'ho-norer Caïn comme un vaillant homme, & de mépriserAbel pour sa foibleíse?

iG.Il commença tes Martyres, lorsque pour la{Justiceil futtué le premier. (St. Cyprie?i.)

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48 SONNETS CHRETIENS.

SONNET IV.

SUR LE DÉLUGE.

LAMer a donc rompu son frein & sa barrière :

La Terre, ensevelie aujourd'hui sousles flots,A repris le chemin de l'horrible Chaos ;Et l'Univers n'est plus qu'une humide carrière.

La Mort s'offre en tous lieux d'une égaie manière,Envain, pour l'éviter, les tristes AnimauxCherchent leùr sûreté dans les lieux les plus hauts :Ce grand-Tout n'est pour eux qu'un vaste cimetière

O Déluge vengeur! par toi, le Dieu jaloux,Lâchant fur les Humains la bonde à son courroux,Semble vouloir laver les souillures du Monde.

Mais voyant leurs horreurs dans l'effroyable Etang,Je dis, fans me tromper : Qu'est-ce que de cette Onde?ïl faut, pour les laver, un Déluge de sang. ^

•>4.On dispute aujourd'hui entre les Doctes, fi ce Déluge uni-.. versel inonda tout le Globe Terrestre, ou seulement toute

lapartie habitée par le Genre-humain, qui n'étoit pas en-core répandu fur toute la face de laTerre.

14. Le Déluge du péché (dit St. Bernard) avoit attiré fur le- Monde un Déluge d'eau. Mais l'impuiflance de ce se-cond Déluge a fait la nécessité d'un troisième, qui estun

: Déluge de sang, c'est-à-dire , l'abondante effusion dusang de Jésus-Christ.' ,. ...:;.

Page 65: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

LIVRÉ S Ec;o N.DY 49

SONNET V.

S u R L' A R e H E DE N Ó E*.

VAisseaumiraculeux, Espérance du Monde i

Tu tiens én abrégé j séparément couverts *De la Terre & de l'Air les Animaux divers *Et tu les garantis de la fureur de l'Onde.

Ta course est périlleuse, autant que vagabonde :

Tu flottes en cent lieux i fur l'humide Univers ;

Tantôt, comme élevé jusqu'au-dessus des Airs,Tantôt Ì comme abîmé dans la Vague profonde.

L'oeil,dans ces noirs dangers, te juge à tout momenf j

Englouti par les flots du perfide Elément ;Mais la Foi, jugeant mieux, dit pour ton assurance:

Ne crains point de périr, Dieu te porte en ses mains;Et tu portes en toi la bénite Semence iQui doit produire un jour le Sauveur des Humains.

i. QuelquesSavansdu Siéclemontrent curieusement lajuste$ Tadmirable capacité de cètte Arche, pour loger le»Animaux & leurs alimens, pendant un an & dix joursqu'ils y demeurèrent renfermés. Le dernier Roi de Me-xique avoit une Maison des Animaux, où, comme daneune autre Arche de Noé, il nourrissoit toutes sortes deBêtes & d'Oiseaux; même il y ivoit aussitoutes sortes dePoissons. ,',,.."

í3.Sem,l'un des filsde Noé, de qui Jésus-Christ est deseèia-du selon lachair.

B

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go SONNETS CHRETIENS.'<

S 0 N N £ T VI.

SUR LATOUR DEBABEL-ET LADIVISIOHDES LANGUES.

/^Esfoibles Vermisseaux, ces vains Audacieux,^-'Plutôt nains que géajjs, basse & mortelle engeance,Prétendent-ils braver la suprême Puiflance,Et trouver le secret d'escalader les Cieux ?

De leur superbe Tour le front prodigieux,Loin d'être à ces médians une illustre défence,Les approche plus près, de la haute vengeance,Et flétrissant leur nom, rend leur siécle odieux.

Sans employer ici, ni l'onde, ni la flamme,Dieu confond tout-à-coup les desseins de leur ame;Et divisant leur Langue, il arrête leurs mains.

Mais un jour, pour former le plus grand des Ouvrages,Et porter, en tous lieux le Salut des Humains,Dieu viendra dans Sion réunir les Langages.

5. On estime que c'était laCitadelle de Babylone. où, quel-"^que tems après, la Dispersion, Nimrod établit le Siège4e iIon Empilé. Cette Tour fut entreprise cent ans aprèsle

Déluge, & L'on.dit que c'est la même qui fut depuis con-sacrée à l'Idole. Bel. Hérodote lui donne mille pas de

circuit, mais fe hauteur est incertaine.i z. Le Jour de laPentecôte Chrétienne, par le JVî>rac'e u

Don des Langues.14, Il n'y eut alors qu'une feule Langue ducdUndans-hPoi'

(St, Augustin.;' .

Page 67: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

LIVRE SECOND. 5.1

SONNET VI h

! SUR L'EMBRASEMENT DE S ODOME.

Mortels,ouvrez les yeux avec étonnement !

L'ardènt courroux du Ciel est prêt à se répandre,?Sodome, il te menace! il s'en va te surprendre !

Le cri de tes péchés hâte ton jugement.

Un Déluge de feu tombe subitement :A longs traits ensouphrés on l'apperçoit descendre,T'inonder, Ville infâme, & te réduire en cendre jEt faire de ta plaine un. vaste embrasement.

Le feu, juste Vengeur, ô Justice étemelleíVient éteindre le feu d'une ardeur criminelle,Et couvrir les horreurs d'une infernale nuit.

, Contemples-tu, Pécheur, cette illustre vengeance $Du Feu du dernier Jour sensiblement instruit,Crains d'être ainsi surpris dans ton impénitençe.

8. C'estpu l'on voit à présent la MerMo.rte. ou le Lac As.pbnltiie, mêlé de bitume & de fouphre, de vingt lieuesdelong <5cde Cinqde large, à neuf lieuesde Jérusalem. Soneau est sipuante & .si corrompue, que l'on ne trouvé au-cun Poisson dans son sein, ni áúcun Oiseaufur ses bords;,ácl'on assure que tout ce qui n'a point dévie y coule i'fond, & que tout ce qui est vivant y surnage. L'Empe-reur Vespasien y fit jetter des hommes liés, qui ne pú-r«atjamaisalleràfend.

D*

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5* SONNETS CHRETIENS.

SONNET VIII.'

|

SURLESACRIPICE D'A B R A H À MÌ '

MEs yeux, que voyez-vous en ce triste Tableau? |UnPerefera-t-il, fans remords, un tel crime? |

Un Père fans pitié, dans l'ardeur qui l'anime,De son unique fils sera-t-il le Bourreau ?

Déjà le front couvert du funèbre bandeau jSur le sanglant Autel, l'innocente victime,

Intrépide au péril, & d'un air magnanime,Offre son jeune sein au barbare couteau.

f"

Frappe, frappe ton fils, Patriarche fidèle :C'est un ordre du Ciel qui fait agir ton zèle; .Et par ta cruauté tu vas montrer ta foi.

- Mais,non! retien ton bras, épargne l'innocenceíDieu te rend ton Isac, il prend pitié de toi :La victime qu'il veut, c*est ton obéissance. j

'«f.Èn lamême Montagne de Morija, où fut bâti le Temple

de Salomon.S.H avoit alors 15 ans, selon Josephs, d'autreslui en don-"

nent jusqu'à 57. St. Clément l'appelleunc douce & alaîgrevictime. Jeserois (dit.'û) indigne de vivre,sijeréfiftoisàl'ordre de Dieu & à la volonté de mon Père. (JosepheJ

lô.Iln'ejiimapasqu'il y eût rien de mauvais dans ce que kTrès-bon avòît commandé. (St. Augustin.} H sebâtoitá'i*gorger son fils, par une pieuse cruâuté.(St. fteitafd,)

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LIVRE SECOND.'- 53

SONNET IX.

SUR LES LARMES D'E s A ii. .

PRofane,envain ces pleurs d'une lâche tristesse

Coulent,en ce moment, du canal de tes yeux;Et d'un frère béni détestant la finesse,Envain ta voix éclate en termes odieux,

Misérable Chasseur, lorsque la faim te presse,Dans l'aveugle appétit d'un ventre furieux,Pour un grossier repas, tu vends ton droit d'aînesse ;Et pour jamais tu perds un bien si précieux.

Infâme ! après cela tu prétens l'avantage,La promesse, les fruits, la gloire & l'héritage,Que ta bouche infidèle a cédés lâchement ?

Mais si ton nom toujours fut en horreur aux hommes,Puis-je pas, aujourd'hui, crier amèrement,Mon Dieu,que d'Esaiis dans le Siécle où nous sommes!

7. Jacob céda le plaisir d'une viande, tf'íV reçut l'honneurdela Dignité. (St. Augustin.) Le droit des Aines, parmiles Hébreux, consistoit principalement en trois choses ;la Seigneurie fur leurs Frères , la bouble Portion desBiens paternels, & l'Office de la Sacrificatùrejusqu'autems du SacerdoceLévitique.

H.Esaú représente tous les hommes charnels, animaux tífsensuels, qui pour les Biens du Siécle méprisentaux del'Etirniti. (St. Augustin.)

D 3

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54 SONNETS CHRETIENS. !

SONNET X.

SUR LA LUTTE DE JACOB.

dp'èstêtïvâï'ti que.là vieille & la rtòuvélleHistoire

^De ses fameux0úerriêfs conte lés grands Exploits:'

Le ìáint Athlète ici íûériteplus de gloire,

Que n'en eurent jamais les plus puissans des Rois.

Çes Héros ,'dòiit le tems conserve la mémoire,N'ont vu que des Mortels asservis à leurs loi.x :Mais du vaillant Jacob l'excellentcí victoire,Et fur THomme, & fur Dieu, s'étend tout à la fois,

Quel autre à ce Lutteur peut être comparable,Si ce n'est le Lutteur qu'on nomme f Admirable,Et qui, seul, a le Ciel ôtl'Enfer surmonté.?

Aux efforts de Jacòb Dieu se montra propice jJacob dans ce combat fut fléchir fa bonté:

'

Mais c'était à Jésus à vaincre fa justice.

S. C'est pourquoi il fut nommé Israël, c'est-à-dire, Vain-

queur du Dieu fort. L "Ecriture nommé l'Antagonistede Jacòb, Homme, Ange. & Ditu-, c'est-à-dire, Dieuen forme humaine, & se servant du ministère d'un Ange.Gubien, cet Ange étoit Jésus-Christ lui-même, i'^gedu Grand Conseil.

S.StJérêmen'a reconnu ici qu'une lutte spirituelle du coeur,&non pas des mains. Mais d'où feroit venu le déboìts-nient de lahanche de Jacob Ì

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LIVRËSECOND. $$

SONNET XI.

Suit JOSEPH.

PErsé'cuté,vendu, condamné, misérable;

Diversement aimé ; libre,absous, glorieux ;Dans l'horreur d'un cachot fur ú'richar radieux,Tu parois toujours grand & toujours admirable.

Esclave, Prisonnier, Ministre incomparable ;

Prophète, Prince, & Fils, digne de tes Ayeux,Tu sens partout fur toi, í'esprit, la main, les yeuxDu Monarque éternel, à tés vieeuxfavorable.

Pressé comme la Palme, & souvent abattu,Tu relevés plus haut ta constante vertu,Et le Ciel fait plus haut éclater ta victoire.

Figure dé Sauveur, dans tes combats divers,Tu passes, comme lui, de la honte à la gloire;Mais lui seul, en souffrant, a sauvé FUnivers.

i.On conjecture que les Egyptiens ont honoré Joseph fousle Signe du TaureauCéleste, & fousle nom du BoeufA?is.symbole du Froment & de la Nourriture. Àuffi Josephest-il comparéà un TaUréáudahslè Dêutérònòrrië.

e. GeFils fut le Père nourricier dé son Père tde sesFrères,& de toute l'Egypte. Àuíîì ést-il nommé, dans l'Écritu-re , ìe jeunePem , & le Perè du Roi ; & St. Jérômeestimeque Pharaon lui donna un riofn qui lignifie Sauveur<tuMonde.

D 4

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5ó SONNETS CHRETIENS,

S. O N N E T XII

SUR LA SERVITUDE D'EGYPTE.

Trosopopée.

T^Oulés, meurtris de coups, accablés de misères,•r- Nous passons notre vie au travail des fourneaux:Et fans-cesse, avec l'eau de nos larmes amères,Nous détrempons la terre, en ces ardens tombeaux.

D'enfans trop malheureux, inconsolables Pères,Dèsleurnaissance,hélas!nous sommes leursBourreaux:Et du sang innocent de leurs foibìes artères,

L'impitoyableNil ensanglante ses eaux.

Portez, tristes Clameurs, Filles de la Tristesse,Portez au plus haut Ciel la douleur qui nous presse.Juste Ciel ! souffres-tu ce ípectale odieux ?

Mais d'être fans Autel, fans Loi, fans Sacrifices,Sous la barbare main d'un Tyran furieux,C'est ce qui fait pour nous le plus grand des supplices.

f. Ayant été prédit au Roi d'Egypte qu'il naîtrait en cetèms-là un Israélite, qui affligerait extraordïnairemèntson Etat, & rehausserait merveilleusement la conditiondu Peupled'ïsraël, s'il parvenoit en âge d'homme, il fitcet Edit cruel, que tous les Enfans mâles qùi naîtraient:en Israël fussent jettes dans laRivière. Ce qui a quelqueiapport au desseindn Massacre des Enfans de Bethléhem,

<qu'Hérode fit faire pour perdre l'Eafant Jésus , doaS

JS/Ipyseétoit laFigure.'

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.UVRE SECOND, 57

SONNE T XIII.

SUR J o B.

GRrandSaint, de qui le Ciel protège l'innocence,

De combien de douleurs accablé je te voi !Tousles maux conjurés viennent fondre fur toi,Et tu sens du Démon la cruelle insolence.

La poudre, qui te sert de siège en ta souffrance 4Te donne plus d'éclat que le trône d'un Roi :Et comme deux saphirs, l'Espèrance & la Foi,Font, dans tes yeux mourans, éclater ìa constance.

Illustre par les biens que le Ciel te versa,Illustre.par les coups dont l'Enfer te perça,Tu parois aujourd'hui dans la scène du Monde.

Je te vois des égaux dans ta prospérité ?Mais la G-race, où ton coeur dans Forage se fonde,Té rend incomparable en ton adversité.

i. J'ose direqu'il a étéégal aux Apôtres. (St. Chrysoslôme.)On tient qu'il a vécu un peu avant Moïse, pendant laservitude des Israélites en Egypte ; & l'on conjecture qu'i!ètoit de la postérité de Nacor , ou même d'Abraham ,parKétura. Les Hébreux ne donnent qu'un an à son épreu-ve, maisd'àutres sept.

14-Job,vainqueur fur sonfumier , est plus excellent qu'Adamvaincu dans le Paradis. (St. Augustin). Dieu applaudissaisà eeJpeUack, &?k Démonenenrageait. (Tertullien.)

D j.....•--.

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58 SONNETS CHRETIENS.

SONNE! XIF.

SURMOYSE.

DUNil jusqu'au Danube, & du Pô jusqu'au Gange,

Ton nom,divin Héros, resonne en l'Univers.On te voit, on t'admire èn tróis états divers, \Où,par Tordre éternel, toti fort trois fois se change,

''

Tiré du sein des Eaux, par un bonheur étrange,L'Egypte dans fa Cour te tient quarante Hivres :Puis de firnple Berger caché dans les Déserts, í1 u deviens d'Israël & le Pasteur & l'Ange. |

L'Air, la Terre, les Flots, les Tyrans inhumains, iFléchissent fous ta verge, & respectent tes mains :Et le Ciel fur ton front imprime fa lumière.

Dieu paroît à tes yeux,fans ombre & fans rideau:

Etsi, fana voir la mort, tu contemplas le Père,Pour contempler le Fils, tu quittas le tombeau.

i. Fleuves d'Egypte, d'Allemagne, d'Italie, & des IndeiOrientales.

A,Au rapport dé l'Historien dès Juifs j il avoit été prédit ì

Moyfe, avant fanaissance, qu'il scroit un homme incom-parable , & que fa gloire seroit éternelle. Et, selon SaintEpiphane, il fut adoré comme un Dieu dans l'ArabiePierreuse.

3. Ces trois états en peuvent figurer trois en Jésus-Christ,le Moyfe Mystique.

14. Cé fut dans là transfiguration de Jésus-Christ furie Ta-faor.

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ÌLIVRE SECONB. J9

S O N N ET XV,

SUR LA SOR T I E D'E G Y J? T E.

*Profopopée.

Dieudonc sûr fros Tyfansiaít fondre ïâ tempête :

... Dieu contre eux de ion Peuple a les voeux exaucés:

Leur disgrâce est Venue, &nos maux font passés;Leur nuit fait notre jour, leur douleur notre fête.

L'Ange exterminateur a volésur leur tête,Et d'un glaive dé íéulèûrs Aines íbntpercés ;

L'Egypte est toutë ën deuil, tous les coeurs font glacés:Leve-toi, Peuple saint, ta délivrance est prête.

Va planter dans Elim tes riches pavillons,Fai camper fous Sina tes nombreux bataillons,Et jusques dans Sion signale ta victoire.

Moyfe envain pôuif toi neuf coups avoit lancés :Mais de l'Ange, enVové du séjour de la Gloire,Un seul coup te sauvant, les a tous surpassés.

e. C'est laPeste , quiperça leurs coeursd'un venin subtil&brûlant,L'Epée desAnges, (dit Josephe) c'est la Pejklence.Ainsi l'Ange qui frappa de mortalité laVille de Jérusalem,au tetiisde David, nous est représenté avec une épée.

fe.Délivrance, (dit St. Augustin) quifigure notrerédemptionpar Jésus.CbriJi. ,,,

*i. Ce 'sont les neuf Plaies d'Egypte, qui avoientprécédé lepassage de l'Ange destructeur. Ces dix Plaies durèrentun an, selon l'opinion desJuifs.

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fo. SONNETS CHRETIENS.

SONNET XVI.

SUR LE PASSAGE DE LA MER ROUGE.

SUrton Dieu, Peuple saint, justement tu te fondes; \

Sa main, pour t'arracher à tes cruels Bourreaux, \Fendant pour toi la Mer, écartant ses roseaux,Fait deux murs de cryflal de ses eaux vagabondes.

Les Poissons, bondissant de leurs grottes profondes,'

Suspendus & fixés dans la glace des eaux,Semblent d'un oeil jaloux voir des hôtes nouveaux,

Qui marchent à pied sec dans l'abîme des ondes.

Que te sert, ô Tyran! de marcher sur leurs pas ?Tous les flots retournés te portent le trépas,

Quand Israël sauvé se voit sur le rivage.

Ainsi, malgré l'effort du Démon furieux,Dieu te fait, ô Chrétien ! de la mort un passage,Qui te conduit du Monde àl'Empire des Cieux.

i. Moyfe, à l'afpect de la Mer <Sdes Montagnes, dit alorsà Dieu, au nom de tout Israël : Cette Mer & cesMonta-gnes font à toi , Seigneur : Tu peux v à ta parole, ouvrircesMontagnes, £p faire de cette Mer une Terre: £? nouspouvonsmême nous envolerpar ï'Air,situ as pouragréabledenoussauver, f Josephe.)

3.Cette Mer, pour l'abondance de ses roseaux, est nomméepar les Hébreux, la Mer des Roseaux. On l'appella au»«emsnt k GolfeArabique.

Page 77: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

. L IVRE SEC. O N D."

m

SONNET XVIh

SUR LES MIRACLES DU DÉSERT.

POurton Peuple, Grand Dieu ! tu forces la Nature 5

. Les flots font du crystal, les rochers sont dfeseaux;Et le feu des Serpens, proiiits & voláns Bourreaux,Est éteint par l'aspect d'un Serpent en figure.

Le Pain, tombant des Cieux, soumit fa nourriture 5Le Veat, pour ses repas * apporte des Oiseaux ;Tu l'éclaires la nuit, par tes divins Flambeaux;Et ton Ombre, le jour, lui sert de couverture.

Ton invincible Bras, dans l'horreur des Déserts iLui prête son secours , par deux fois vingt Hivers,Contre tous ennemis $& contre tous obstacles.

Par-tout, enfin, ton Peuple est un Peuple vainqueur.Mais veux-tu faire en lui le plus grand dés Miracles ?

Change en un coeur de chair la pierre de son coeur..

3.Les Naturalistes, les Historiens', & l'Ecriture Sainteparlent de Dragons ailés, & de Serpens brûlans, quivolent.

4. Ce Serpent d'airainfiguroit Jésus-Christ élevé poar notresalut sur la Croix..,

j.On remarque sus la Manne, qu'elle adonné lieu auplu*long de tous les miracles. C'est fa conservation dansuayased'or durant plusieurssiécles.

1$. St. Cbrysoslômeappellelinfi laréformatioa du coeur.

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6a SONNETS CHRÉTIENS.

SONNET XVIIL

S u R i A L o i.

J'Entens

du Mont Sina la trompette effroyable ;Sa tempête & ses feux se présentent à moi :

Et mon ame étonnée, à Paspect du grand Roi jAttend d'un triste sort l'arret irrévocable.

Juge del'Univers, Vengeur inexorable,Puis-je, étant criminel, subsister devant toi,

''

Et subir aujourd'hui l'examen de ta Loi,Sans être condamné, fans être punissable?

\

J'ai beau me repentir, j'ai beau verser des pleurs !Par tous ces vains efforts j'augmente mes douleurs jLe glaive pend toujours fur ma tête rebelle.

Mais, loïsque je te crains, je ressens ta faveursC'est que, pour me sauver de la Mort éternelle,Tu veux que cette Loi me mene à mon Sauveur*,

I. Montagne de l'Arabie Pierreuse, OùDieu donna sa Loi,dans un terrible appareil, le Jour de laPentecôte ,& poiiile plutôt fart dti Monde 2453.

ï>,La Loi est dure, gravée en despierres dures, prête fy.frap*per, nesacban^è que c'est qu.ed'aVfiir pitié, ôtant toutlieu à /<*repentie, refusant la grâce 'çs?ignorant ì'ameiudémentdu Pécheur. (St. Bernard.)

14. C'est pourquoi St..Pau} J'appçJlç:u# Prècepteur pi nommeneàJèsus-Cbrift,

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LIVRESECOND. $5

SONNET XIX. .

SUR, L'ARCHE DE L'ALLIANCE.

CHef-d'oeuvre

de Sagesse & de Magnificence;Oracle portatif, Siège de Vérité;

Second Trône de Dieu, fur la Terre arrêté,Oìi ce grand Dieu fait voir aux Mortels fa présence :

Séjour des Chérubins, Symbole de Clémence ?

Char pompeux de Victoire & de Prospérité,

Qui fais du Camp des Saints, un Camp lì redouté ,Et qui dans leurs combats les remplis d'assurance :

L'ancien Peuple, ravi de ta possession,Fait de tes ornemens son admiration:Tu n'as pourtant du Ciel les trésors qu'en figure.

Mais le Peuple nouveau,portant plus haut ses yeux,Contemple en son Sauveur une Arche, otl par natureRéside & ìe Monarque & la Gloire des Cieux.

i. Opposition aux Sièges des feuxOraclesdu PereduMen^songe,

f. Par son Propiciatoire, qui figurait excellemment Jçfu»»'Christ notre Seigneur.

S. L'Arcbe étoit la force £f la, beauté d'Israël : c'était Usii-jet desaconfiance£f desesqpjilaudifjemens.(St. Augustin.)

'

C'étoitla couronnedefa, tête, (Abarba^îî^i$. Toute la plénitude de la. Divinité (dit St. Paul) baì/ite

en Jésus-Christ corporellement,c'est-à-dire, non pas en;ombre &ea figure, maisessentiellement & substantielle-ment.

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64' SONNETS CHRETIENS. (

SONNE T XX.

SUR LÉS SACRIFICES. i

NOtreamé,en ses remords, justement àllarmáe,

Nous peint d'un noir pinceau nos crimes odieux;Et du Dieu juste & saint la vengeance enflammée,Avec des traits ardens, se fait voir à nos yeux.

. ..

Eteignons, par nos foins, fa colère allumée : i

Cherchons, pùur son Autel, des agneaux en tous lieux:

Que d'holocaustes saints une épaisse fumée , IAvec nos cris perçans, s'élève jusqu'aux Cieux. |

Mais quand tous les agneaux devierìdrdieiít des vie

times,Hélas ! que peut léur sang pour effacer nos crimes.Et du Juge éternel éteindre le courroux?

Lui seul peut nous fournir lè parfait Sacrifice;Et de ses propres Biens satisfaisant pour nous,Par le Sang de son Fils, appaifer fa Justice.

.i: La joie d'une bonneconscienceestun Paradis ,dit St. Au-

gustin. Mais la mauvaise conscience, dit St. Jérôme , esttsver qui ne meurt point, £«f le f euqui ne s'éteintpoint.

jt'ii Le Sacrificepròpiciatoire de la Croix, où le Sacrificateur

(comme dit St. Augustin) a pris de nous ce qu'il devoitoffrir pour nous. Car il à pris de nous lachair, mais eacette niême chair il a été fait victime & holocauste.

't^i Ici la Grâce 6? la Véritése rencontrent.: la Justice & lûPaix S'entre-baisent. (PtLXXXV'.í

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L ì V ïl Ë S E C 0 N D. C'y

SONNET XXIII.

SUR LA F I L i. E D E JEPHTÉ'.

ïl Ëgarde cette Fille, & si sage & fi belle,i^-

Qui vole où la conduit le paternel amour ;Et prenant en ses mains la flûte & le tambour,A son Père vainqueur vient témoigner son zèle.

Tu verras, tout-à-coup, la fête solennelleEn un deuil imprévu se changer sans retour:Un orage soudain , éteignant ce beau jour,Couvrira son éclat d'une ìiuit éternelle.

Par son funeste voeu, le triomphant Guerrier,Darjfcle sang virginal ternira son laurier ;Et rendra sa victoire amere & lamentable-.

La mort d'Iphigénie est peinte en ce Tableau :Mais pour l'état du Père, il est fi déplorable,Qu'il n'est, pour l'exprimer, ni couleur, ni pinceau.

io. Les anciens Docteurs, & fuffs & Chrétiens, tiennentqu'en effet, en conséquence de ce voeu, Jephté sacrifiasafilledeux mois après.

11. Les Doctes estiment que YlpUeénie de laFable n'est autrechoseque le nom déguiséde lafille de jephté, comme quidiroit ïeubtigénie. ÂSébaste, dit St.Epiphane, onfolen-nisoit safête, oh lui rendoitdes honneurs divins.

£4. Allusion au voile à'Agamemnon, daûs le Tableau de Ti~.mante.

;JE x

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68 SONNETS CHRETIENS.

SONNET XXIV.

SUR SAMSON.'

NEvois-jepasici le véritable Alcide.?

Son invincible bras, en mille occasions,A de ses Ennemis défait les Légions :Mais c'est dans ses cheveux que fa force réside.

sO nompareil Athlète! ô Courage intrépide/

Qiioi, faut-il qu'un Héros qui dompte les Lions,De Vainqueur soit vaincu dans ses illusions,Par les fausses douceurs d'une Beauté perfide ?

Ta vertu toutefois se ranime en ta mort :Et de vaincu Vainqueur, par un dernier effort,De tous tes Ennemis ton coeur prend la vengeance.

Mais, ô petit Soleil! dans la mort étouffé,

Qu'es-tu, près du Soleil, qui dans fa défaillanceA même, par fa mort, de la mort triomphé?

i. Alcìde étoit l'Hercule des Payens : on lui attribuoit lesactions de Samson, comme la défaite du Lion, dont il

portoit les dépouilles.4.Force miraculeuse, vu lâ foiblésse naturelle des che-

veux.i%. Samson, en Hébreu, veut dire PetitSoleil. Selon d'autres,

il signifie le Soleil de la force: Cé qui convient fort bienà

Samson, & beaucoup mieux encore à Jésus-Christ, leSamson mystique , & le Soleil de Justice.

Page 83: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

LIVRE SECOND. 6*9

SONNET- XXV.

SUR SAMUEL.

JE

vois le saint éclat qui ton front environne,Grand Prophète; tu fais, tu déposes les Rois;

Sans armes, tu soumets Israël à tes loix;Et fur lui, plus que Roi, tu règnes fans couronne.

Le Ciel, qui ses faveurs à tes voeux abandonne,Pour vaincre l'Ennemi, n'oppose que ta voix :

Etpour combled'honneur,coup sur coup,par trois fois,Dans tes plus jeunes ans, Dieu te parle en personne.

Alors encore enfant, novice & mal instruit,Quand Dieute parle ainsi, dans l'ombre de la nuit,Pour la voix d'un mortel tu prends la voix céleste.

Que de Flatteurs, hélas! justement odieux,Par un entêtement téméraire & funeste,Font, de la voix de l'Homme, un oracle des Cieux !

i.Celaparoît en la personne de Saùl,àeDavid&d'dgag.6. II fut alors un vrai Samuel, c'est-à-dire ExaucédeDieu.

14. Samuel avoit pris la voix de Dieu pour celle d'Héli,Grand-Pontife. Mais à l'opposite le Peuple de Césaréecrioit, à lavoix d'Hérode, Voix de Dieu, & nonpomtd'Homme. Et les Sectateurs de Montanus prenoient fvoix pour celledu Paraclet, c'est-à-dire, du St. Esprit.II en est de même de tous les Esclaves des faux Prophetes.

E3

Page 84: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

J# ...

'70 SONNETS CHRETIENS*

S 0 N N E T XXVI. {.- •

jS u R D A v 1 p.

f'Enest fait grand Héros!, le Ciel l'avoit promis:

^ Des cruels Philistins l'éfpérance est trompée; jLeur terrible Géant a la tête coupée;Et ton bras est vainqueur de tous tes Ennemis.

Mais ton lâche adultère en cachette commis,Et du barbare Amtnon la meurtrière épée,Au sang du brave Urie injustement trempée,Te rendent à toi-même, avec honte, soumis.

Pour te vaincre, aujourd'hui, ranime ta vaillance 5Et la harpe à la main, Docteur de Pénitence,Chante de ton salut, &l'Ouvrage, & l'Auteur.

Que l'Univers entier admire, enta personne,Un Monarque puissant, fait d'un simple Pasteur;

Je préfère, pour moi, ta harpe à' ta couronne.

Ì.David terrassant Goliat, est la figure de Jésus^Cbrifl quidétruit leDémon. St. Augustin.

Î.David ne commitpat son adultère &son meurtre,dans sesfuites & dansses combats, mais lorsqu'ilfut dans Taiseé?dans le repos.IIfont doncveillerfur foi avecplustíesoindansla prospérité, que dans ïadverfuè. (Le même.)

jO.Que ceux qui nefont pastombésï'écoutent, pourse garderde tomber. Et que ceux quisont tombésl'écoutent, pourstreleverdeleur cbùte. (Le même.)

Page 85: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

LIVRE SECOND. ?t

SONNET XXVII.

SUR. ABSALOM.

s\Ue ce fier Absalom à soi-même est contraire !

V^. Mais que son nom dément fa conjuration !Son nom dit que la Paix est son vrai caractère,Et c'est pourtant l'auteur de la Sédition.

C'est un Traître, un Ingrat, un Tigre, unò Vipère;Un Lâche, un Furieux, de qui la passionVeur éteindre aujourd'hui, dans le sang de son Père,La criminelle ardeur de son ambition.

L'eût-on cru toutefois, que la flèche mortelle,

Qui vient percer enfin le coeur de ce Rebel le,De son Père trop tendre excitât les douleurs?

Perdant un autre Fils, il montra fa constance :Si pour ce Scélérat il versé tant de pleurs,Le genre de leur mort fait cette différence.

z. Absalom,en Hébreu, signifieVere dePaix.13.Il ne pleurait pas tara la mort d'Absalom pour avoir été

privé d'un tehfils, maisparce qu'il Javoit dansquels tour-mensfut alorsprécipitéscetteAitleimpie, adultère & par-ricide. Car auparavant il avoit témoignéde la joie, dans lamort d'un autre Fils, qui étoit innocent. (St. Augustin.)Puisqu'alors il prononça ce beau mot : II ne reviendrapoint à mi, maisj'irai à lui.

E4

Page 86: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

?3 SONNETS CHRETIENS.

. SONNET XXVIII. I

SUR LE TEMPLE DE SALOMON.; S

f~\ Ue la Terre avec joie, ouvre tous ses trésors* tV^De l'Oursc à l'Endau, du Couchant à l'Aurore :• ;Et que de tous ses biens l'On.de couvre ses bords, \De la Mer Atlantique àiaMerdu Bosphore.

',i

Que l'Art à la Nature ajoutant ses efforts," '

L'Egyptien, l'H.ébreu, le Tyrien, le More,Préparent à l'envi, dans leurs communs accords,Et le Cèdre, & le Marbre, & les Métaux, encore.

Ouî,que pour faire un Temple auPere des Humain,?,Tous les Mortels unis prêtent ici leurs mainsAu Prince d'Israël, des. Mortels le plus sage.

Je te vois, je t'admire, ô divin Bâtiment !Mais l'Hommç n'a formé que le corps de l'ouvrage.Sois-en, Seigneur,. & l'ame & le couronnement..

'

Î..Ce font lesquatre Parties du Monde: canVOurse&Y E.ridan sont deux Constellations, dont l'une est-du Sep-tentrion ..& l'autre du Midi.

4. C'esl-à-dire, de l'Océan Occidental à la Mer Méditerra-née , où font lesdeux Bospboresdes.Anciens. Une partieest mise ici pour le tout.

24.C'est ce que Dieu faisoit par sa résidence dansl'Arche,qui,à cause"de faprésence efficace & glorieuse, est.nom--ffl.ée{kj'orcu& fa gloire-.

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LIVIESECOND. rs

SONNE T XXIX.

SUR LA REINE BE, SEBA.

REincillustré en sagesse, aussi-bien qu'en puissance,

Qui, du Golfe Arabique ayant laissé les bords,Vins faire en Palestine, avec magnificence,Admirer ton esprit, éclater tes trésors :

~ :

D'un Monarque fans pair la haute sapienceParut insurmontable à tes savans efforts :Et passant de fort loin ta première créance,De ton ame ravie excita les transports.

Ce grand Prince, il est vrai, te charma par l'oreille :Mais quels transports divins, par fa voixnompareille,N'eût pas produit en toi le Salomon des Cieux !

Suivant ce Roi Céleste, & t'oubliant toi même,N'aurois-tu pas toujours, pour cë choix glorieux,Quitté Palais, Trésors, Sujets & Diadème?

*.Cette Princesse ne vint pas d'Egypte, ni d'Ethiopie,mais de cette partie de l'Arabie l eureuseoù demeuraientles Sabétns proprement.ainsi nommés, fur les bords duGolfe Arabique, ou de laMerKouge. Cest deSalomon-& d'elle que les Empereurs des Abyssins se vantent au-jourd'hui d'être descendus,

il. Le nom de Salomon, qui signifie Pacifique, convientpar excellence à Jésus-Christ le Prince dePaix, (St. Au-gustin.)

E.+

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74 SONNETS CHRETIENS.

SONNET XXX,

S U R E L I E.

CEraphin corporel, dont le zèle admirable•^ Produit de jour en jour des miracles nouveaux:Grand Saint, de qui souvent les Anges, les Corbeaux,Comme autant d'Officiers, viennent couvrir la table:

Second Homme immortel, dont la voix redoutableTire le feu du Ciel, & maîtrise les Eaux,Fait trembler les Tyrans, fait ouvrir les Tombeaux,Et détruit des faux Dieux le culte abominable:

Colomne d'Israël, Prophète glorieux,Un Char de feu, volant, rapide, radieux,"T'enleve pour jamais à notre indigne Terre.

Au Tabor néanmoins, descendant une fois,Ton zèle, qui toujours à FErreur fit la guerre,Combattra le scandale &l'horreurdelaCroix.

5. Lé premier Homme immortel á été Enoc, & le secondElie.

6. C'est ce qui a fait dire aux Juifs, qu'Elie p ortoit la Cltdu Ciel.

xu Dans laTransfiguration de Jésus-Christ, qui, commel'oncroit, se fit fur le Tabor, Montagne de Galilée. C'est-là qu'Elie & Moyfe, descendus du Ciel, s'entretinrentdes merveilles de la Passion du Seigneur, comme pourdonner à entendre à toute la Terre, qu'elle faisoit l'en-tretien & l'admitationdesSaintsdu Paradis.

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L í V R E SECOND. TJ

SONNET XXXI.

S y R J O N A s.

TRoptimide Jonas, que ton naufrage est beau *

Lamain del'Eternel, en miracles féconde,Te prépare un asyle au sein même de l'Onde,Et fait pour toi, d'un Monstre* un Pilote, un Vaisseau..

Soudain passé d'un gouffre en un gouffre nouveau,Deux fois mort, fans mourir, tu te tais voir au Monde;Et dans cet accident, ô merveille profonde!La Mort f ôte à la.Mort, & la Tombe au Tombeau.

Du Sauveur des Humains excellente figuré,Tu quittes dans trois jours ta noire sépulture.Ton sort d'avec le sien diffère toutefois:

Sur ton corps aujourd'hui la Mort a la victoire iMais le Jonas Céleste, affranchi de ses loix,Est monté du Sépulcre au Séjour de la Gloire.

ï.Le nom de-Jonas, qui signifie une Colombe,marqUè fatimidité

i). Selon Joj'epbe, il fut porté à terre fur lesrives du PonUEuxin, qui est la Mer Noire. II semble que les Páyensayent tiré d'ici la Fable de leur Arion, jette dans la merpar des Mariniers, mais sauvé parun Dauphin ; & la Fa-ble de leur Hircule j englouti parune Baleine , danslé ven-tre de laquelle il demeuratrois jours & troisnuits, &dontil sortit sain & sauf le troisième jour, n'y ayant perdu queses cheveux.

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7« SONNETS CHRETIENS.

SONNET XXXII.

SUR LA MALADIE B'E ZE C H I AS.

TOnsort, Malade illustre, a pour moi des appas :

On voit à tes côtés un Ange de lumière ;Et du grand Médecin la vertu singulièreT'enleve, par miracle, aux efforts du trépas.

Qu'obtiens-tu par tes voeux,ou que n'obtiens-tu pas?L'Arbitre de tes jours, exauçant ta prière,De trois lustres entiers allonge ta carrière.

Etpour toi le Soleil retourne fur ses pas.

Oui, tes pleurs &tes cris, dans tes rudes ail armes,Contre les coups du Ciel te fournissent des armes,Et te rendent célèbre à la Postérité.

Ainsi, quand nos Neveux apprendront ton histoire;Eternel, diront-ils , un Lit d'Infirmité

Devient, par ta puissance, un Théâtre de Gloire.

7. Un lustre, parmi les Romains, étoit l'espace de cinqans.

8. L'ombre du Soleil rétrograda de dix degrés au Cadrand'Achaz, c'est-à-dire, apparemment, de cinq heures,chaque degré de ce Cadran ne pouvant être que de demiheure: autrement le jour auroit été d'une longueur.ex-cessive, même fansmiracle. On trouve ici, depuis miditrois fois cinq heures, qui marquoient les quinze ans

. ajoutés auxannéesd'Ezéchias. Voyez laNote du 14. Versdu Sonnet de Josué , Livre II. Sonnet XXI.

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LIVRE SECOND. 77

SONNET XXXIII.

SUR LA PRISON DE MANASSÉ*.

T)Rinces qui, comme Dieux, régnez dans l'Univers ,-*- Pensez-vous être exemts des misères humaines V

Voyez ce puissant Roi, quatre ans chargé de chaînes,Gémir dans un cachot, fous le poids de ses fers.

Grand Prince, si tes yeux aux larmes font ouverts,Adouci par l'elpoir la rigueur de tes peines ;Et des bontés du Ciel voi des marques certaines,Et dans tes maux présens, & dans tes maux soufferts.

Pour tes crimes sanglans, Dieu t'ôta la couronne :Mais fa main pitoyable à tes voeux la redonne,Et rétablit rhonneur de ta Prospérité.

Une double couronne, ô qui l'auroit pu croire !Test acquise aujourd'hui par ta captivité ;L'une dans la Judée, & l'autre dans la Gloire.

11. Veux-tu connoitreVefficacede la Repentance? disent leaJuifs, csnfidereManassé. II fut converti danssa prison,(f puis rétablisur le trône. Ainsisa captivité ayantservià sa conversion, elle lui fit regagner la couronne tempo-relle de Juda, en attendant celle d'Eternité. L'Histo-rien des juifs dit des merveilles de la fuite démetteconversion ; & il assure que depuis, Manassé fut toutle reste de fa vie, & grand Zélateur ,&.très-heureuxPrnce.

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•y, SONNETS CHRETIENS,

SONNET XXXIV.

SUR LA MORT DE JOSIAS.

ÎÈune

& pieux Héros, tout brillant de lumière $Prince que tes Sujets appellent justement,

Du saint Peuple l'amour, le plus bel ornement ;Où t'emporte l'ardeur detoname guerrière?

Arrête de ton char la course meurtrière.

Que deviendroit ton Peuple en ton éloignement *Si d'un combat douteux le triste événementTerminoit les beaux jours de ta belle carrière ?

Mais la flèche mortelle est déjà dans son flanc,Et le champ de bataille est rouge de son sang.Pleurons fan fin les maux dont fa mort est suivie.

Qu'à sa gloire pourtant cèdent nos intérêts.S'il perd dans le combat la couronne & la vie *II va régner au Ciel dans l'éfernelle Paix.-

^.lorsqu'il alla témérairement combattre le Roi d'Egyptes'opposantainsi à Tordre de Dieu , qui, selon les Juifs,avdit été donnéà ce Prince par Jérémie.

i.ìer/ilwnii des Juifs dit, que comme Josias étoit prêtPeindre lame, le Prophète Jérémie s'étant apperçu qu'ilremuoit les lèvres, se pancha fur lui, & qu'approchantson. oreille de fort près* il entendit ce grandPrince pro-noncer à voix basse, en expirant : Tu esjuste, Seigneur!car j'ai étérebelleà ta ordres.

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LIVRE SECOND. 79

SONNET XXXV.

Sus. LA CAPTIV ITE' DE BABYLONE.

"D Etire*toi, Soleil, importune lumière :

4^-Qu'en l'horreur de la nuit mestristesyeux plongés,En deux sources de pleurs soient pour jamais changés;Jérusalem n'est plus qu'un monceau de poussière !

Des cruels Caldéensla Bande meurtrière

A nos Palais détruits, nos Trésors saccagés,Nos Princes, nos Enfans, nos Prêtres égorgés ,Et rendu la Judée un affreux Cimetière.

Dieu même à leur fureur a livré fa maison:Et contre son saint Peuple, en exil, en prison,Déployé en leur faveur ses plus terribles peines.

Oui,Dieii combat pour eux,il marche au premier rang.Ali ! c'est peu que mes yeux se changent en fontaines ;Exprime-toi, mon coeur, par des larmes de sang.

i.Plutarque garle de certains Peuples, qui, dans leursgrande»afflictions,"avoient des caveaux de deuil, où ils descen^doient pour ne point voir la lumière.

». Ceit le premier Temple de Jérusalem, qui avòit duré410 pu 415 ans ':''

l$.L*s larmesnous inculquerontplutát, que la matière de ladouleur, disoient des Affligés fameux dans i'Histoire.£t quan4 nous,awriimsdans nos yeux une fontaine de lar-mes, çttfe fontaini qejvffîraii$ts. (St. Augustin.)

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fo SONNETS CHRETIENS.

S 0 N NE T XXXVI.

SUR DANIEL.

/^.Rand Ministre & grand Saint,deRnyaleinaissance,^~* Ton angélique esprit, dans un aimable corps,Fut richement rempli des plus rares trésors,Qui fassent admirer la Divine Puissance.

Des principaux Etats, clans ta haute science,Tu connus clairement les plus -cachés ressorts,La naissance de Christ, & ses fanglans efforts,Parurent de bien loin à ton'intelligence.

- L'Espritde l'Eternel s'exprima par ta voix:Par lui tu fis trembler, tu détrônas les Rois :Et ton coeur, en tout tems, fut un coeur intrépide.

D'autres ont terrassé des Lions par leurs mains :Mais toi seul, renfermé dans la grotte homicide,Arrêtas, par tes voeux , leurs assauts inhumains.

i. V Ange Gabriel h qualifiel'-Homme-agréàfile. Agréableh

Dieu ,-auxRois & aux -Peuple:pendantJavie, & d'ìm-

morte1If-mémoirea'rè: fntnor'. Josephe.8. Lui seul, entre les Prophètes, & plus de cinq cens ans"

auparavant, a marqué le tems précis dé la naissance &

de la mort du Messie,

ri,; Comme Samjon, David & Bénaja<dansl'Histoire Sain-

.' te ; & d'autres dans la Profane-, tels que sont Hercule,

Polydamas,Ly/ìmaque, & l'Empereur Heraclius.

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L I V R E S E C 0 N D. «i

SONNET XXXVIL

SUR LES TROIS PRINCES HÉBREUXDANS LA FoURN AISE.

QU'endis-tu, maRaifon?dois je en croire mes yeux?

^Les trois jeunes Martyrs dans l'effroyable braise

Se promènent contens, respirent à leur aise,Et semblent y sentir un air délicieux !

La flamme, à bonds légers, subtils, officieux,

Ou, n'osant les toucher, s'enfuit de la fournaise,

Ou, d'un toucher flatteur, les caresse & les baise,Au moment qu'à leur aide un Ange vient des Cieux.

O généreux Enfans, d'éclante origine,Que Dieu, comme de l'Or, dans le creuset affine,Jc vous en vois sortir & plus purs & plus beaux.

Ainsi, pour ses Elus, Dieu force tous obstacles.

Qu'ils passentpar lesseux, qu'ils passent par les eaux,Son bras, pour les sauver, fait toujours des miracles.

4. La dignité du martyren enfut pas moindreen eux. (St. Cy-prien). Ils furent rafrnîtbis d'une rosé"ctlefte imt-s tesflammes, ('dit Grégoire de Tours.) Ainsi, du. tems deJulien, le Ccjnfeílëur Toéo'loredifoit qu'au milieu de sestourmens un jeune homme lui étoit apparu, qui l'avoittoujours assisté& consolé, essuyant ses sueurs avec un

linge fort fin, & versant de 1eau froide sur ses plaiesbrûlantes.

IC. I.'Affliction (st p -ur toi la se:trtu:iseçj l:crms:i- de í'Or-

fevre, (St. Au u'ítír.)F

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ta SONNETS CHRETIENS.

S O N N E T XX.XV11L

SUR LE RETOUR DE LA CAPTIVITÉ'DE'BABÏLONE.

Vrosopopéc.

HEbreux,lecroirons-nous?Peut-être

c'est unsonge,C'est d'un espoir flatteur la douce illusion ;

C'est d'un faux Paradis l'aimable vision,

Trop foible allégement du souci qui nous ronge !

Non, non, c'est un miracle, & non pas un mensonge,De nos longues douleurs Dieu prend compassion;Et fa main vient noyer les ennuis de Sion,Dans un fleuve de joie, où fa bonté nous plonge.

Loin de nntis , triste objet de tant de maux soufFerts!

Reprenez, Peuple saint, délivré de vos fers,Vos harpes, si longtems aux saules suspendues.

D'une eíFroyable nuit? Dieu vous fait un beau jourFoulions de nos doux airs les accens jusqu'aux nuesSa colère, aujourd'hui, fait place à son amour.

i.C'étoit la pensée des Juifs dans lePscaume CXXVI.de St. Pierre après fa délivrance.

6,7. Li Jérusalem desJuifs (dit St. Augustin) est lafigure dla Jérusalem éternelle, £f le MondeestnotreBabylone.Maicommey aprè<yoansde captivité, les Juifs retournèrent nleur Ville; ainsi, quand la semaine de notrevieserap'tjséenous retourneronsdans notrePatrie.

î. Ainsi il est parlé d'un Fleuve dedélicesdans les Pscaume& dans l'Apocalypse.

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LIVRE SECOND. 83

[SONNET XXXIX.

SUR LA REINE ESTHER.

ESclave si constante en ton adversité,

Tu dois régner enfin ; c'est le Ciel qui l'ordonne.L'Amour même , surpris, de ta rare beauté,Sur ton front glorieux vapoíer la couronne.

D'un Monarque puissant la fiere majesté,Aux éclairs de tes yeux, s'éblouît & s'étonne ;Ce Monarque orgueilleux est en captivité,Et son grand coeur, soumis, à tes loix s'abandonne.J

Les attraits detavoix, les charmes de tes pleurs,Du saint Peuple opprimé détournent les malheurs,Et font un Peuple heureux, d'un Peuple misérable.

La gloire de Judafait ton ambition ;Et dans la belle ardeur d'un zèle incomparable,Tes innocens appas servent ta passion.

1. Elleétoit du reste des Captifs emmenés de Jérusalem enBabylone du tems de Jéchonias, mais elle tirait son ori-gine de la Maison Royale de Saûl.

a. Ceci semble être arrivé après que le Temple de jérusalemeut été rebâti.

j.C'étoitunRoi de Perse, nommé dans YEcrìtme 4(suéntsC'est-à-dire , Grand Prince ; & par Joscphe Artaxerxès

'

c'est-à-dire , Grand Guerrier. Plusieurs tiennent, quec'étoit Artaxerxés Longue-main.FINDU SECOND LIVRE.

F 2

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LIVRE TROISIEME.

SUR DIVERSES

HISTOIRES

DU NOUVEAU

TESTAMENT*

F3

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LIVRE TROISIEME.

S 0 N N E T I.

SUR L'E V A N G I L E.

SOurcedu vrai Bonheur, admirable nouvelle!

Le Roi des Rois descend du Séjour glorieux;L'Eternel s'estfait Homme, ilparoît à nos yeux;Et rimmortel endure une peine mortelle.

La porte de la Grâce est ouverte au Fidèle ;Christ éteint par son sang la colère des Cieux,Efface des Pécheurs lès crimes odieux,Et trace le chemin à la Gloire éternelle !

Ici, le Créancier devient le Débiteur :

Ici, le Juste souffre, au-lieu du Malfaiteur;Et j'y vois des secrets qui ravissent les Anges.

Nompareilles Grandeurs qui vous offrez à moi,Envahi j'entreprendrais de chanter vos louanges :

D'un mystère íi grand l'éloge c'est la Foi.

9. Admirable Oeconomied'un mystèreineffableìLeMaître paysla dette du Serviteur : .l'Innocent estpuni pourle Coupableiun Dieu soufre la peine du péchédeï Homme. O Fih deDieu, à quel point ta charité a t-elle éé embrasée1.Jus-qu'où efl descendu?ton humilité l Jusqu'au est montetona~vtour ! St. Augustin.

11.C'est pourquoi St. Pierre dit, qu'ils désirent delespéné-trer jusqu'au fond.

M.La Foi est un Panégyrique du coeur, qui surpasse tousceux de la langue. F 4

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SS SONNETS CHRETIENS.

SONNE T II.

SUR LA SAINTE VIERGE.

"N/TEre du Rédempteur, mais toujours Vierge pure,-*-v-*-Queton bonheur est grand, &"ton sort glorieux 1,Quelle main, quel pinceau peut former la peintureDe l'immortel honneur que tu recuis des Cieux ?

Par toi, le Créateur veut être Créature :L'Infini se renferme en tes flancs précieux;Ton Père dans la Grâce , est ton Fils par Nature ;Et, sortant de ton sein, vient paroître à nos yeux.

Tu mets au jour l'Auteur des clartés éternelles;Et tu nourris, du lait de tes chastes mammelles,Celui qui de ses biens entretient l'Univers.

Eve nous fit mourir, par fa fatale envie;Mais, ô Vierge féconde enmiraíiesdivers,Dans le fruit de ta Foi tu nous donnes la vie.

5. II neperdit pas cequ'il étoit, disent quelques Anciens, maisil commençaà être cequ'il n'èt.nithm Le premier Conciled'Epheseanathémacise iustement tous ceux qui dénient àlaSainte Vierge la qualité d'>Mère de Dieu, jejus Curijl,dit St. Augustin , s'st fuit lui mêiaeune Mcre , pour naîtred'elle; mais elle a été plus heureuse del'avoir conpi dans

fin coeur, que de l'avoir conçu dansson corps.14. Marie est te Paradis mystique quia produitl'Arlrt de vie.

St. Bernard.

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LIVRE T R O I S I M E. J9

SONNET III.

SURLANAISSANCEDE NOTRE SEIGNEUR.

/^Mystère fertile en merveilles étranges ;

^Ouvrez ici , Mortels, & vos coeurs & vos y eux;Et vous, purs Séraphins, sainte Troupe des Anges,Venez, d'un vol ardent, en ces terrestres lieux.

Celui, dont jour & nuit vous chantez les louanges,A quitté, pour un tems, la demeure des Cieux :Son habit de lumière est caché fous des langes,II change en un toit vil son Palais glorieux.

Le FortJ'Ancien desJours,est foible & dans l'enfance:L'Invisible se yoit : Dieu même prend naissance:L'immortel est mortel, & Flmmense est borné.

Enfin, je Papperçoîscouché dans une étable;Et ravi, jem'écrie: Eternel nouveau-né,Qu'en ton abaissement tu parois adorable !

j.Jésus.Cbrift ensa Croix, dit St. Augustin , n'avoit poursapourpre que,son sang ; mais ici, dit St. BerDard,í7estci>e/apourprede la Divinité souslecil'ce de notremortalité.

8. Hélène fit bâtir dans ce lieu obscur un Temple surperbe,qui se VOÌLvoit encore aujourd hui.

14. Nousl'adorons & noust'embrujjonsdévotemítvt,enla Crè-che, enla Croix, £f au Sépulcre, infirme,sanglant, &pâle pour 1''amourde nous. St. Bernard.

F <

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ço SONNETS CHRETIENS.

SONNET IV.

SUR LE MEME SUJET.

MisérablesPécheurs, qui, dans un juste effroi, i

Redoutez de l'Enfer & le? feux & les gênes,Accourez , pleins de joie , au Berceau du grand Roi,

Qui, de ses dòux.regards, peut soulager vos peines, j

H arrive des Cieux: je l'eritens, je le voi.

Loin de nous pour jamais, ô terreurs inhumaines/

Jésus nous garantit des foudres de la Loi :Il vient fermer l'Enfer, il vient briser nos chaînes.

Jésus à lamammelle, & Jésus au berceau!

Est-il, dans TUnivers, un spectacle si beau ?

N'est-ce pas icil'Arche avec toute fa gloire?

Cet admirable Enfant n'est-il pas le Dieu Fort,

Qui, raissr.ntps.urcombattre, a déjà la victoire,Et qui n'est fait Mortel, que pour dompter la Mort ?

3. Le Berceau de ìésus est ici l'Arche mystique, où l'onpeut appliquer ce mot du Sage : Le Roi asth jurson trôntd'-sjfr t'ivi wri par ;>.-,regaras.

"5.Environ quatre mille ans après la Création. L'Ecrituren'en marque précisément, ni lasaison, ni le jour. II fautméditer avec humilité ce silence mystérieux

ï.j.;!ésus peut dire, en entrant au champ de bataille, commeCéfe après. en être sorti':Jejuis i-ei,v, j'ai iu . j'ai vain-cu. Voyei laNotesurle n. vers du Sonnet X'XI de ceLivre.

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LIVRE TROISIEME. gi

S O N N E T F.

SUR LEPORTRAIT DENOTRESE I GNEUR,

TOi,qui sais peindre l'ame, en peignant le visage,

Timante industrieux, viens tracer un tableau,Oh'tout cequeton Art a de grand & de beau,Par tes savantes mains,, rencontre son usage.

Forme de la Vertu l'incomparable image,Parles riches couleurs de ton rare pinceau:Et fi, pour l'ombrager, tu prends la Terre & l'Eau,Des rayons du Soleil fais le jour de l'ouvrage.

Hâte-toi; fai-nous voir, sous un visage humain,L'Immortel, qui forma l'Universdesamain.Nòn ; ne ^entreprends pas, mortelle Créature :

Reconnois franchement tafoiblesse en ce lieu.Tu peux de Jéstis-Homme exprimer la figure :Mais ton Art ne í'auroit figurer l'Homme-Dieu.

i. Peintre fameux de 1*Antiquité. On en dit autant d'unAristide.

5. C'est ici' la' Vertu revêtue d'un corps, que Platon íjrnsla connoître, avqit tant souhaité de voir, comme le plus" charmant objet du Mondé.

8. Ainsi Tertutlía. parie d'écrire avec les rayonsdu Soléik14. C'est ce quifut sagement représenté par tujebe de Césarée

à l'Impératrice Con/lancé-,qui lui demandoit le portrait' de Notre Seíeneur.

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§3 SONNETS CHRETIENS.

S 0 N N ET VL

SUR L'APPARITION DE L'ANGE AUX BERGERS.

*D Annissez de vos coeurs cette crainte mortelle,

^Bergers : l'Ange brillant, qui paroît à vos yeux,3Mevient pas annoncer la colère des Cieux ;Sa voix est de la Paix Pinterprete fidèle.

Ecoutez, vousdifril, la charmante nouvelle :Le Rédempteur, promis aux Pères les plus vieux,Est né dans Bethléhem, en ce jour glorieux ;Et d'une chaste Vierge il suce la mammelle.

Allez, & contemplez par lesyeux de la Foi,Sous de chétifs lambeaux , la Pourpre du grand Roi ;Et son Berceau Royal, fous une Crèche obscure.

Nesoyezpoint surpris des ténèbres du lieu.

Jésus, qui pour mourir a pris votre nature,Ne doit pas, en naissant, paroître comme un Dieu.

». Jésus, l'Agneau de Dieu, est premièrement manifestéauxBergers, comme il avoit été premièrement promis auxPatriarches, qui étoient Bergers.

n.L'Etable oà naquit le Sauveur, est souvent nomméepar les Anciens une Caverne, ou une Grotte; parce que,vu la situation de Bethléhem cette Etable pouvoit êtrecavée dans le roc. C'est dansce petit trou de la Terre, ditSt. f-érâme,qu'est né le Créateurdu Ciel. Alors Bethléhemrépondit mystiquement à son nom.

Page 107: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

LIVRE TROISIEME. 93

SONNET VII.

S u R L'A DORATIOND E S M A G E S.

SUivez,Sages Gentils, suivez d'un prompt courage

Les divins mouvemens du céleste Flambeau,

Qui vous guide au Palais d'un Monarque nouveau,A qui tout l'Univers doit venir rendre hommage.

. Dites au sens charnel qui s'oppose au voyage ,

Que Jésus est l'objet des objets le plus beau ;Et que si, foible & pauvre, il pleure en son berceau,La majesté d'un Dieu reiuk fur son visage. ..r

Adorant donc en lui le Roi de l'Univers,Offrez-lui vos trésors, & vos prósens divers.L'Or , la Myrrhe, l'Encens que l'Arabe respire.

Mais le don précieux qui plaît à ce grandRoî,Plus que ne lui plaît l'Or, ni l'Encens, ni la Myrrhe,C'est un coeur plein d'ardeur, d'innocence, & de foi.

i.St Matthieu les appelle Mages x'eti le nom que les Orien-taux donnoient à leurs Sages. St. Chrysostôme qualifieceux-ci/rj- premiersPères de l'Eglise. Selon toute apparen-ce ils venoient de Perse, ou d'Arabie..

a. C'est l'Etoile, ou plutôt la Comète miraculeuse quîleur étoit apparue, dont vraisemblablement un Angegouvernoit la course, dans une des régions de l'air , audessus des Mages : ce qui semble être l'opinioa de St.Chrysostôme.

Page 108: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

§4 SONNETS CHRETIENS.

SONNET VIII.

SUR SAINT SIMEOIÍ.

TEsvoeux font satisfaits, ô Vieillard vénérable !

De l'Oracle du Ciel Voici l'ëvénement.Oui, tes yeux rajeunis, en cet heureux momeut,Soutiennent les regards du Soleil adorable.

Tu le vois, tu le tiens, l'Enfant incomparable.,Qui, porté dans tes bras, porte le Firmament ;Qui, dans son berceau même, est fans commencement;Et qui par-tout, enfin, est toujours l'Admirable.

Qu'il t'est doux, maintenant, de t'en aller en paix, \De ta loge de terre au Céleste Palais! .O bienheureux passage ! ô sort digne d'envie! .

C'est-!à pourtant le sort qui fuit toujours la Foi.Mis de trouver la mort dans le sein de la vie,C'estce qui n'eut jamais de vérité qu'en toi.

jr.On-estime probablement qu'il étoit Précepteur, ou Père• de Gamaliel.

5. Un Auteur, qui se trouve dans St. Cyprien, dit queSiméonétoitaveugle ,©»qu'en touchantc 'lui qui est la Lumière duMonde, ilrecouvra lavue. Mais quelle apparence que l'Hií-

;. toire Sainte eût omis un tel miracle?

5. Quelle joie de tenir entre ses bras celui en qui leSalut estcontenu ! St. Augustin.

il.Ilsavoit qu'austi-,QS,qu'U aureit vu 1e.Christ, il devoitmourir. (St. Syprîen )

Page 109: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

LIVRE TROISIEME. 95-

SONNET. IX.

SUR LE MASSACRE DES ENFANS DE ..,

BETHLÉHEM,.

Victimesdu Seigneur, au berceau couronnées,

Sous l'íìtteinte des coups du barbare couteau,Par des bouches de sang , dans ce fameux berceau,Vous confeíléz Jésus dès vos tendres années.

J'admire, jeunes Saints, vos nobles destinées.

Vosyeux , de leur matin , sont couverts d'un bandeau:

Mais le fer du Tyran , qui vous pousse au tombeau,Avance votre gloire, en bornant vos journées.

Aussi, dans le moment que du sein maternel,Vous passez dans le sein du Monarque éternel,Cette angélique voix sur vos têtes resonne :

Rachel, ne pleurez point, vos pleurs sont superflus;Et lorsque vos Enfans reçoivent la couronne,Gardez vous de crier, Mes Enfans ne sont plus !

i.Leur Hymne les qualifie premièresvitì/mes du Seigneuri,troupedélicated'agneaux immolés, qui dans lafimplicité deInir âge se jouent de leurs palmes £? de leurs couronnes;fletirs desMartyrs , quelePersécuteur deJésus-Chrijienle-va dès le point du jour , commeun tourbillon qui emporteles roses naissantes.

1r. Selon !a Figure pathétique employée dans l'EcritureSainte, Rachel, enterrée près de Bethléhem, représenteici toutes les Mères de ce lieu-là.

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9*5 SONNETS CHRETIENS.

SONNET X.

SUR LA CIRCONCISION ET LE BAPTÊMEDE NOTRE SEIGNEUR.

11 Etirez, Prêtres Juifs, retirez vos couteaux !

*^-Quoi, d u Divin Enfant la chair bénite & sainte,

?uidu péché d'Adajn n'a reçu nulle atteinte,

rouveroit-elle en vous aujourd'hui des Bourreaux?

Avec raison, grand Saint, sur le bord de tes eaux,De baptiser Jésus tu témoignes ta crainte.

Lui, qui du Saint des Saints est l'image & l'empreinte,.A-t-ilbesoin de grâce, en reçoit-il les sceaux? ì

Circoncire Jésus, lui donner le Baptême 3Comme si ce Jésus étoit pécheur lui-même, :,C'est un juste sujet de mon étonnement !

j

Mais, mon ame, voici ce que la Foi t'enseigne,Celui qui des Pécheursveut souffrir le tourment,Doit prendre leur livrée, & porter leur enseigne.

i.Qjt'eJl-ce quela Circoncision,stnon un indice desuperfluïU :

&de péché? Mais qu'y cut-il de tel en toi, Seigneur Jé-Jus''. Qtte faites-vous dmc, 6 Hemmes! d'entreprendre dtlecirconcire?St. Bernard.

6. Le Baptisant reconnut un Dieu dans celui qui tsouloitêtre

baptisé. St. Augustin.i.Tùveux être baptisé, Seigtieur Jésus. Mais celui qui estpur

a-t-il besoinde purification? Et i''Agmau sans tachepeut-il avoir quelquetache? St. Bernard.

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'LIVRE TROISIEM E*-: 97

SONNET XI.

UR SAINT JEAN-BAPTISTE DÉCAPITE'.

Haste Persécuteur d'une impudique Femme,Tu combattis'.son vice, & ne le vainquis pas.

e zèle, dont le Ciel embrasa ta sainte ame »rrita l'Adultère, & causa ton trépas;

Aux.dépens de ta vie, une Danseuse infâme,ux yeux d'un Roi profane, étala ses appas :t d'un cruel Bourreau la sanguinaire lameit un plat, de ta tête, au tragique repas.

Mais pourquoi, fi soudain, la mort précipitée-t-elle ta lumière à l'Univers ôtée ?a bouche, en se fermant, en marque là raison.

Du Soleil de Justice, Etoile avant-courieré,ois-je pas voir, dit-elle, éclipser ma lumière,u point que ce Soleil monte sur l'horizon ?

1. Cétoit Hérodias, petite-fille du grand Hérode, quiavoiCquitté Philippeson mari, pour se donnes à HérodeAntipasson beau-frere. St. Jérôme dit qu'elle perça, à coups d'ai-

guille , la tête de St. Jean-Baptiste, lorsqu'elle lui fut ap-portée. Elle mourut en exil à Lyon. On dit que fa filleSalomé, U Danseuse, dansa sur l'eau à sa mort, & euela tête coupée par laglace, qui rompit sous elle, commeelle passoit une rivière.

Î4. St. Jean fut décapité un peu après que Jésus-Christ eutcommencé son Ministère, (*

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9§ SONNETS CHRETIENS.

SONNET XII.

SUR LA TENTATION DE NOTRÈ SEIGNEUR AUDÉSERT.

ENflédu noir succès d'un dessein sanguinaire,

Qui du bonheur d'Adam té fit le destructeur,Tu viens, rempli d'audace, infâme Tentateur >Attaquer l'autre Adam, dans ce lieu solitaire.

Tu voulus, par le fer d'un cruel adversaire,Nous ravir au berceau ce Divin Rédempteur.Ici, par ton poison, tu veux, ô Séducteur !

Corrompre de son sang la vertu salutaire.

Angessaints, approchez de ce Roi glorieux,Qui deux fois attaqué, deux fois victorieux,Repousse le Démon dans fa grotte profonde.

Craindrons-nous,fìerDêmon,tes assauts & tes coups?N'es-tupas terrassé par le Sauveur du Monde?Et si tu l'es par lui, ne l'es-tu pour nous P

4. Le Démonattaque bien plusles hommesdans la solitude,quedansla compagnie.St. Chrysostôme. Les trois ten-tations y dont le second Adam fut vainqueur, répon-dent ici aux trois tentations dont le premier Adam fut

: vaincu. ;_5i,;PansÌemassacrequ'Hérode fit faíredes petits Enfans de

Bethléhem.j'4:<Nòusavons,été tentés-en la.personnedeJejus-Cbri/f. Et

c'est austî en lui quenous avons la viMoirefur k Démon.St. Augustin.

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LIVRE TROISIEME. 99

SONNET XIII.

SOR LES SERMONSDE NOTRE SEIGNEUR.

Ciel,formas-tu jamais un Prophète semblable ?

Le Divin Rédempteur, dans foïi Humanité,Enrichi des trésors de la Divinité,Nous ouvre du Salut lasource inépuisable.

O Docteur des Docteurs, Pasteur incomparable !Oracle de la Grâce, & de la Vérité !La Palestine a vu, pendant plus d'un Eté,Couler des fleuves d'or de ta bouche adorable.

Ta voix perce les coeurs, ta voix guérit les corps,Dompte les Elémens, ressuscite les Morts,Et tire les Mortels des immortelles flammes.

Mon esprit, en ce point, t'admire justement :Mais de te voir prêcher fans convertir les âmes,C'est le plus grand sujet de mon étonnement.

1.Auflì la voix du Ciel n'a jamais crié que pour lui seul,Ecoutez-le.

7. La Prédication de Jésus-Christ fut de trois ans & demi,selon l'opinion commune.

8. Cicéronnommoit le Style d'Aristote, un Fleuve d'or cou-lant.

j. C'est en Jésus-Christ, & non pas dans lePériclès d'A-thènes . que se trouve le vrai Orateur Olympien,c'est-à.di-rel'Orateur Céleste & Divin, qui a lapersuasion sur lejkvres, <5cqui porte la foudre fur la langue.'

G x

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IOO SONNETS CHRETIENS.

SONNET XIV.

SUR L'ÈNFANT PRODIGUE.

Trofopopée.

"pMportéparl'essord'un funeste caprice,

^Loin du Roi juste & saint, du Dieu de Vérité,

Ì'aitroplongtems,hélas! follement habité

/infâme Région de FErreur & du Vice.

Là, dans les noirs excès d'une aveugle malice,

Ingrat & lâche Enfant, j'ai mon Père irrité ;Et prodiguant ses biens, par ma témérité,Sur ma tête coupable attiré le supplice.

Aujourd'hui pénitent, misérable, affligé,Dans l'cxces des malheurs où je me vois plongé,J'ai recours à la Grâce, & retourne à mon Père.

Ma repentance obtient le pardon attendu.O que mon infortune est pour moi salutaire!Sans ma perte, Seigneur, j'auroisété perdu.

\.Ce ri estpas par le mouvememtdu corps, ni par l'espacedislieux, mais par le mouvementdu coeur, & par la disposi-tion de-l'ame, que nous nous éloignonsdetoi, Seigneur, é

guenons retournonsà toi. St. Augustin.14.C'est ainsi que Tbémistocle. après son exil d'Athènes,

s'étant réfugié dans laCour du Roi de Perse, & s'y voyantmagnifiquement traité, disoit à ses Enfans: Mes Enfans,nousétionsperdus, st nous ri euffìométéperdus.

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LIVRE TROISIEME. 101

SONNET XV.

SUR LE MAUVAIS RICHE ET LE LAZARE.

ARrêteici, Passant , & d'un oeil curieux,

Voi paroître en sa pompe un Riche insatiable :

Voi ses puissans trésors, ses habits précieux ,L'éclat de son palais,- le luxe de fa table.

Mais regarde à fa porte un spectacle odieux ;Un Pauvre, qui malade, affamé, misérable,N'a pour lit que la Terre, & pour toit que les Cieux,Et n'est plaint que des chiens dans son sort lamentable.

Juge quel fort des deux tu voudrois éviter ;

Ìugequel sort des deux tu devrois souhaiter;

,'infortune du Pauvre, ou les biens de l'Avare.

Prens pour toi, si tu veux, la part de ce Crésus.Pour moi, fans balancer, je veux avec Lazare,La pauvreté, la honte, & la croix de Jésus.

8.Feinte Poétique. Car, à la rigueur, ces Animaux pre-noient plutôt l azarepour un cadavre, dont ils se plaï-soient à sucer le sang &la salive, selon leur naturel.

II. Ils changèrenttous,deux de condition, cbacunàjon tour. St,Augustin.

ii. Allusion à CrésusRoi de Lydie, fameux par ses ri-cheslés. . .

13.Lazare, qui veut dire destituédesecours, ne fut plus La-': gare en famore. Dieu le fit porter par ses Anges au sein

d'Abraham.G j

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les SONNETS CHRETIENS.

SONNET XVI.

SUR IX. PHARISIEN ET LE PUBLICAIN.

T A foudre, en sa fureur, brise & réduit en cendre^Des cèdres hauts & durs les sommets sourcilleux:Mais du bas serpolet, & de Vhysope tendre,La tête est à couvert de ses coups périlleux. I

Ainsi dans ce tableau, Pécheur, tu dois comprendre,;Que Dieu dans son courroux terrasse l'Orgueilleux :Mais que l'Humble, qui faitdans le néant descendre,;Ressent de sapitié les effets merveilleux.

Pharisien, tu péris ! tu péris , Hypocrite! IEt l'heureux Publicain par ses larmes évite

L'épouvântable arrêt du malheur éternel.

Oui,Seigneur,il n'est rien qu'à l'Humble tu n'accordes:S'il est, de fa nature, un pauvre Criminel,Ses mérites, grand Dieu ! sont tes Miséricordes.

S- II étoit comme un Malade qui montroit ses membressains, mais qui cachait sesplaies. Que Dieu couvretesplaies, & quece ne soit pastoi-même. Car û tu les cou-vres, le Médecin ne les guérira pas. St. Augustin.

ÎO. II étoit son Juge à lui-même , afin que Dieu lui fûtfavorable. U s'accusoit & se condamnoit lui-même, afin

que Dieu le justifiât. Le même. <

14, C'est une pensée de St.Augustin , & deSf. Bernardaprèsiui.

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LIVRE TROISIEME. 103

SONNET XVII.

SUR LA PARABOLE DES VIERGES.

Prière.

"D Edempteur immortel, Epoux incomparable,••^Qui, par le prix sans prix de ton sang précieux,Laissant à ton Eglise un salut admirable,AS quitté notre Terre & regagné les Cieux :

Que jamais duPéché le sommeil détestable,Avec ses noir pavots, n'assoupisse mes yeux :Mais qu'en la courte nuit du siécle périssable,Je veille, en attendant ton retour glorieux.

Que la lampe à la main, comme une Vierge sainte ,Brûlant d'un zèle ardent, & d'une foi non feinte,Vers toi ,mon cher Epoux, je marche incessamment.

Qde t'ayant de mes voeux la constance asservie,Et gardé de mon coeur la porte uniquement,Tu m'ouvresdans la mort la norte de la vie.

13. La porte de ton coeur a comme deux bactans, la eon.voitife & lacrainte. Ferme-les au Démon, & les ouvreàJésus-Christ. St Augustin,

14.La Mort lui fut la Porte de la Vie. Epitapbe. d'AdrienPremier. La Púrte de ía Viet'a été ouverte. EpitapbedeBérenger. C'est la où demeure l'Epoux Céleste, & oùsont reçues lesVierges chastes& saintes, qui ont conser-vé leurs lampes ardentes, & leurs habits purs à fanstache. St. Chrysostôme.

G 4

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(04. .SONNETS CHRETIENS,

SONNET XVIII.

§UR LES MLK-ACLES DE NOTRESEIGNEUR.

QUelautre,qu'un vraiDieu,pourroit faire à nos yeux,

_Ces beaux, ces grands exploits, d'éternelle rné.moire ?

Quel autre assujettir l'Eau,la Terre, & les Cieux,Et des plus fiers Démons remporter la victoire.?

Miracles inouïs, actes prodigieux!Le Sourd entend Jésus, FAveugle voit fa Gloire ;Le Malade, le Mort, à íavoix, en cent lieux,

Quitte son lit mortel, fort de la tombe noire.

Hélas ! mon doux Sauveur, regarde mon tourment 5Dans l'état du Péché, je fuis fatalement

Sourd, aveugle, & malade, & mort dès ma naissance,

Etenssurmoitamain, grand Roi de l'Univers!Et par un seul effet de ta haute puissance,lu feras en moi seul ces miracles diver§.

a. Dans les miracles que Notre Seigneur, naissant, vivant,mourant , mort & reíïuscité, a faits fur la Terre, furl'Eau, & dans les trois Cieux dont parle l'Ecriture, onpeut remarquer diverses manières. & diverses gradations,qui en augmentent beaucoup le prix & lamerveille. Et

< inéme il semble que pour les faire paroître plus admira-bles , Dieu ait voulu laisserson Eglise neuf cens ans fan»

-miracles, c'est-à-dire, depuis Elisée jusqu'à Jèsus-Çbrist,

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L I V R E TROISIEME. 105.

S Q N N E T XIX.

SUR LA TRANSFIGURATION DE NOTRESEIGNEUR.

GRandDieu ! suis-jç en la Terre, ou suis-je dansles Cieux?

Mon cceur est transporté d'un plaisir ineffable.^Les Saints, vieux & nouveaux,sont préscns à mes yeux,Et j'entens de leurs voix le concert admirable.

Je vois, par millions, les Anges glorieux,Et de leur Divin Roi la Personne adorable,Dont la robe éclatante & le front radieux

Effacent du Soleil l'éclat incomparable.

L'Esprit Saint sur Jésus me paroît arrêté :Le Père da'ns le Fils montre fa majesté,Et le Fils est marqué par l'oracle du Père.

Mais fi je t'envisage, ô Monarque des Rois \Sanglant, défiguré, mourant fur le Calvaire,le t'admire bien moins au Tabor qu'en la Croix!

%.Cette Transfiguration se fit comme entre le Ciel & laTerre, c'est-à-dire, selon l'opinion; commune , sur leTabor, haute & ronde Montagne de Galilée. On y re-marque des Prophètes & des Apôtres. des Saintsdu Ciel& de laTerre, la Gloire & la Joie du Paradis, & la Pré-dication de l'Evangile. Le Père s'y fait entendre ; le Filsy paroît, le Saint Esprit y inspire lesdeuxProphètes, &"fans-doute les Anges y sont présens. C'est une petite' imagede l'Eglise, a militante & triomphante,

G ç .'

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ÌQ6 SONNETS CHRETIENS.

SONNET XX.

SUR LA PÉNITENCE DE LAPECHER ESSE.

REbelIeCréature, enfin tu rends les armes ;

Et rompant du péché les filets & les noeuds,Tu viens, les yeux changés en deux sources de larmes,Eteindre de ton coeur les impudiques feuX.

De ce coeur criminel les trop justes allarmes,Aux pieds du Rédempteur te sont pousser tes voeux,Décharger tes soupirs, renoncer à tes charmes,Et porter tes parfums , ta bouche & tés Cheveux.

Tes voeux font exaucés, illustre Pénitente!L'effet de tes soupirs surpasse ton attente,Et tu reçois l'arrêt du Bonheur éternel.

Grand Dieu! si de ton Fils je n'ai pas la présence.Pour m'annoricer ainsi mon pardon solemnel,Fai-m'en par ton Esprit prononcer la sentence.

e. D'autres Femmes étoient allées trouver Jésus-Christ pourla guérison du corps : celle-ci feule le vient trouver pourla guérison de son ame, témoignant par^Jà quelle le

regardoit, non seulement comme UnHomme, maiscom-me un Dieu. St. Chrysostôme.

8. Couverte de plaies, elle vint se jetter aux pieds du Cé-, leste Médecin, & le Médecin permit à laMalade de le tou-

cher , parce qu'il étoit lui-même son médicament & s»

guérison. St. Augustin. . .

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LIVRE TROISIEME.' ï©7

SONNET XXL

SUR •L'EKTRE'E ROYALE DE NOTRE

SEIGNEUR DANS JÉRUSALEM.

"DEaples, des Enfers la proie,*- Un Sauveur, à cette fois,Vous affranchit de leurs loix :Eclatez en cris de joie.

Qu'en tout PUnivers on n'oie

Que Fécho de cette voix :Béni soit le Roi des Rois,C'est le Ciel qui nous l'envoie.

Couvrons la terre de fleurs :II vient essuyer nos pleurs :II vient nous donner la vie.

A ce Monarque vainqueurOuvrons, d'une ame ravie,Ouvrons la porte du coeur.

ix.Un Roi d'Israël avertissoit sagement un Roi de Syrie,de ne se pas glorifierde lavictoire avant le combat. M'aiîici le Roi des Rois est vainqueur, par cela méme qu'Uva combattre. Aussi dans l'Apocalypse jl porte un titre &une couronne de Victorieux, lorsqu'il seprépare au com-bat. Voyez la Note fur le 13. vers du Sonnet IV. dece Livre.

J4. C'est à cette porte qu'il frappe, lorsqu'il dit à son Egli-se : Quvre-moi, masasur, ma grande amie, ma colombetmaparfatie. Cant, V.

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108 .SONNETS CHRETIENS.

SONNE T XXII.

SUR L'AGONIE DE NOTRE SEIGNEURAU JARDIN DES OLIVES.'

MOn Sauveur, apprens-moi le sujet de tes peines,De tes voeux, de tes cris, du torrent de tes pleurs,

De tes sueurs de sang, de tes vives douleurs,Et du mortel effroi qui se glisse en tes veines.

Je ne vois point ici de croix, de clous, de gènes,De Sergens, de Bourreaux, ni de Persécuteurs:Ten'y vois que respect, qu'amour, que serviteurs,Et que du doux sommeil les appas & les chaînes.

Du Monde & de l'Enfer crains-tu les Légions ?Tu peux les Anges saints armer par millions,Et d'autant d'ennemis faire autant de victimes.

C'est toi, répond Jésus, qui causes mon tourment :La colère du Ciel, que je sens pour tes crimes,Est le terrible objet de mon étonnement.

3, A parler généralement, une sueur sanglante peut arriverpar de simples causes naturelles, comme la morsure d'unSerpent, a la violence de ladouleur : mais cette sueurde Jésus-Christ est si extraordinaire, qu'elle doit passerpour miraculeuse.

l$. Comme Pleige des Pécheurs. Cehiquinavoit aucunsujetd'être triste & affligépoursoi-même, a voulu l'être pourmoi. O Seigneur! tu es ici dans la douleur, nonpourtes

\' flaies, mais poty les mieniìes. St. Augustin.

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LIVRE TROISIEME. 109

SON NE T XXIII.

SUR LA TRAHISONDEJUBAS.

QUen'inspires-tu point, Avaricedamnable,

„ A l'efclave abruti, dont tu saisis le coeur !Du perfide Judas l'attentat détestable

Trahit, pour de l'argent, son Roi, so» Bienfaiteur.

Juste Dieu ! permets-tu que ton Fils adorableSouffre la trahison d'un lâche Déserteur ;Soit vendu, soit livré, par ce Traître exécrable,Changé d'un Domestique, en un Persécuteur?

Mais avecque raison, dans mon transport extrême,Doutant & suspendu je balance en moi-même,

Quel sujet mon esprit doit le plus admirer;

Que le Ciel ait permis une action fi noire ;Ou que, l'ayant permise, il en ait su tirerLe moyen d'élever ses Elus à la gloire?

i4iLe Père a livré son Fils à la mort póurnous ; c'est parmiséricorde. Le Filss'est livré tuiTrnéme; c'est par cha-rité. Judas l'a livré; c'est par méchanceté <&par avarice.Judasremporte le salairede son crime, Òcle Seigneur re-çoit la louange de sa grâce. Carce n'est pas la trahisonde Judas qui nous a sauvés, c'est la toute-puissancede Dieu, dont lasagesseadmirablea fait servir un si grandcrime au salut de tous les Coupables. St. Aaguitin &S. Cbrysofiômt.

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no SONNETS CHRETIENS.

SONNET XXIT.

SUREA CHUTE ET LAREPENTANCEDE S. PI ERRE.

HElas

! qui l'eût prévu ,ce soudain changement ?

Qu'un rocher fût si foible, & qu'au premier orageUn Apôtre parût un homme sans courage,

Qui trois fois renonçât son Maître lâchement P

Mais pour lui reprocher son perfide serment,Le vigilant Oiseau redouble son langage :

Et Jésus, dans les traits de son divin visage,Lui fait lire son crime avec étonnement.

. Le regard du Seigneur pénétrant dans son ame,Son triste coeur, percé comme d'un trait de flame,Par le canal des yeux fait couler les douleurs.

O mon Sauveur ! dit-il, dans fa juste souffrance SPour un crime fi noir, c'est peu que de mes pleurs :Le seul sang de ta Croix peut laver mon offense.

i. Allusion au nom de Pierre, & à lajactancede cet Apô-tres -

6. Pour symbole de Vigilance on met la figure du Coqau haut des clochers

ti.Iln'avoit pas pleuré auparavant, parce que Jésus-Christnel'avoitpas regardé. 11 pleure alors, paice que Jésus-Christ le regarde. Ceux que Dieu regarde, pleurent leur

péché. St: ambroise. Tout le reste de si vie , dit un ancien,il pleurait au chant du Coq, & se mettant à genoux ildemandoit pardon de safaute à Notre Seigneur.

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LIVRE TROISIEME. m

s o N NE r XXV.

SUR LA CROIX DE NOTRE SEIGNEUR.

Sa Cause.

PRodigeincomparable, étrange conjoncture !

Quoi, le juste, le saint, le puissant Roi des Rois,Est comme un Criminel attaché fur le Bois !Et l'on verra mourir le Dieu de la Nature.'

Hélas ! je fuis l'auteur des tourmens qu'il endure iPleurez, mes yeux, pleurez à respect de sa Croix,C'est par moi, Grand Jésus, que réduit aux abois,Tu souffres cette mort, fi honteuse & si dure.

Oui, pourquoi détester les Juifs & les Romains ?

Je dois chercher en moi tes Bourreaux inhumains,Pour mieux juger du prix de tes bontés divines.

Mes péchés,vraisBourreauXjOnt versé tout ton sang,T'ont fait boire le fiel, t'ont couronné d'épines,T'ont cloué pieds & mains, & t'ont percé le flanc.

j.L'usagedu Supplice de la Croix futaboli par Constantin,parce que Jésus-Christ ayant rendu la Croix honorablepar ùt mort, on estima, dit Sc.Augustin, que lesCrimi-nelsétoient honorés par cc supplice, quelque infime qu'il-fût auparavant.

6. Carmon.amoura été'crucifié',dit St. Ignace.xj.Godefroi de Bouillon, étant élu Roi"cieJéru&lem, refusa

d'y prendre une Couronne d'or ; parce, disoit-il, quison Sauveury enavaitportéuned'épines*

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na SONNETS CHRETIENS.

SONNET XXVI.

SUR LE MEME SUJET.

Ses Effets.

QUil'eûtjamais pensé? qui l'eût jamais pu croire ?

^.L'adorable Jésus .meurtri, pereé de clous!Le Soleil éternel, dans sombre la plus noire !Le propre Fils de Dieu, l'objet de son courroux î

Íevois dans cette mort, d'immortelle mémoire »

.'Innocent condamné, le Criminel absous :

La guerre y fait la paix, la honte y fait la gloire,Et la peine d'un seul est le salut de tous.

Anges saints, adorez ces Grandeurs ineffables :Et vous, aveugles Juifs, vous, Payensdétestables,Cessez votre blasphème insolent & moqueur.

Jésus est le Dieu fort, dans fa foiblesse extrême.Sa croix est l'ornement & le char d'un Vainqueur.Et fa mort est, enfin, la mort de la Mort même.

io. Les Mahométans, non plus que les Juifs & lesPay&ns,ne pouvant digérer cette croix, prennent comme un tiersparti, en supposant que Jésus.Christ juste &saint échappaà ses Bourreaux, & qu'un Fantôme fut crucifié en faplace.

H-Jésus-Chrifl atriompbé dam le trophéede la Croix. Ter-tullien & St. Cyprien après St. Paul. II a domptéle Mondepar le bois, c5*non par le fer. St. Augustin.

14.Ce Mort a tué la Mort; & eHgaàé pMs morte en lui,qu'il n'a éié mort en elle. Ta mort, Seigneur t a fait mou*rir celledesPécheurs..Le même.

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LI VRË TRO I S IEME. 113

SÒ N NE T XXVII.

SUR LA CONVERSIONDU BON LARRON.

REnoncer à soi-même, à son sens, à ses yeux ;Voir briller le Soleil dans la nuit la plus noire;

Prendre pour le Sauveur, enquiseulil faut croire,Le triste compagnon d'un supplice odieux :

, Disciple tout nouveau, surpasser les plus vieux jSous l'horreur d'une Croix,chercher le Roi de Gloire;Dans le supplice même, obtenir la victoire;S'envoler tout-à-coup del'Enferdans les Cieux :

Enfin i être changé, métamorphose étrange !D'un Loup en un Agneau, d'un Démon en un Ange:Ce sont, heureux Voleur, les effets de ta foi.'

Mais que du Rédempteur la vertu nompareille,Produise, parsamort, ces miracles en toi,C'est dé tout ce tableau la plus haute merveille.

S. II'gagna le salut, commeen abrégé, tout en unjour. St.Bernard. Cetheureux Voleurforça leRoyaume des Cieux.II alla dufond desvallées deson brigandage auJugement,du Jugement au Bois, £? du Btis au, Paradis. St. Au-gustin.

'i^.Toutson corpt étoit attachésur le Bois. II ne lui restaitque le coeur& la langue libres. Il crutdu coeur, & il

'- confessade la bouche. Mais qui lui donnacettefoi ,finmcelui qui étoit çenduàsmcôié? Le mêrae.

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114 SONNETS CHRETIENS.

SONNET XXVIII.

SUR LES MIRACLES ARRIVE'S 'A LA MORT DENOTRE SEIGNEUR.

TOutconspire, Seigneur, à plaindre ton tourment:

L'Astre du Jour en deuil nous fait voir fa tristesse;Le Lieu Saint ébranlé, dans cet événement,En déchirant son voile, exprime fa détresse.

La Terre est dans l'horreur, & dans le tremblement:Les Rochers les plus durs marquent de la tendresse :

La Bande des vieux Saints, quittant le monument,A pleurer ton trépas à l'envi s'intéresse.

Le Peuple de Judée, & les Soldats Romains,

Témoignent leurs regrets, de la bouche & des mains,Et sentent dans leurs coeurs de ta Croix la puissance.

Enfin, tout l'Univers est touché de ton fort :Et moi, dont les péchés ont causé ta souffrance,

;

Hélas ! serai-je seul insensible à ta mort ?

a. Par une Eclipse surnaturelle, car elle arriva dans lapleineLune, au-lieu que le Soleil ne souffre jamais d'Eclipsequ'en la nouvelle Lune. Aussi cette Eclipse fut-elle mar-

quée, comme un Prodige, dans lesArchives des Payens>au rapport de Tertullien : & l'on dit que Denis, Philoso-

phe d'Athènes, s'écria en la voyant, ou que la Naturtulloit périr, ou que U Dieu de la Nature souffrait alors.

Jésus-Christ est le seul homme dont la naissance & hmort ayent été honorées par desmiracles. .

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L IV RE TROIS I E M E. 115

SO N NE T. XXIX.

„• SUR LA SÉPULTURE DE NOTRE SEIGNEUR.

ETrangeabaissement ! incroyable avanture !

L'Immortelest couché dans l'affreux Monument.Le Roi, dont la Grandeur remplit le Firmament,Est Esclave & Captif dans une Grotte obscure.

Quoi, lui, qui de son souffle entretient la Nature,Lui, qui donne aux Humains l'être & le mouvement,Est donc privé de voix, de

pouls,de sentiment,

Dans le séjour des Morts, & de la Pourriture !

Mais regarde, Chrétien, dans ce même Tombeau,Du Prince de la Vie un Triomphe nouveau ;Vois-y briller les traits de fa Gloire immortelle :

Pour ton Salut, il veut, par un dernier effort,Dans le Retranchement de cette Citadelle,

Envisager, combattre, & terrasser la Mort.

4. C'étoit le sépulcre de Joseph d'Arimathêe. Le Vainqueurde la Mort 3dé St. Ambroise, n'eut point desépulcre enpre-pre't lui,de qui le.siège est dans le Ciel, &quinedevoitdormirque troisjours dans le tombeau. U fut mis dans unsépulcre étranger, dit St. Augustin, parce qu'il mouraitpourle salut d'autrui. Pourquoi unsépulcre enpropre, à celuidequi lamortríétoitpas une mort enpropre?

14. St. Grégoire de Ndsianze nomme le Sépulcre de Jésus-Christ, unSèpulçre qui apportela Vie,

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íiô* SONNETS CHRETIENS:''

SONNET XXX.,

SUR LE Vo Y ACE DELAMADELÈINEAUSE,PULCRE DE NOTRE SEIGNEUR.

f\V t'emporte ton zèle, aveugle Madeleine ?^L'excès de ton amour a-t-il fermé tes yeux ?Laisse de ton projet les soins injurieux: ;Ton travail est fans fruit, ta prévoyance est vaine.

? Tu perds également ta dépense & ta peine :Garde, garde pour toi tes Parfums précieux;Et viens plutôt, d'un pas saintement curieux,Admirer du Sauveur la vertu souveraine.

Quoi, tu crains que le Corps du Roi de l'UniveríSouffre la pourriture , & soit rongé des vers !

Songe à fa Pureté; songe à son Origine.

Jésus , le Saint de Dieu, bannissant ton erreur,Parfume le Tombeau de son odeur divine ;Et lorsqu'il y descend, il en ôte l'horreur.

ii.Le Corps de Jésus-Christ, qui n'avoit jamais sentilicorruption du Péché, he sentit point la corruption duTombeau, pendant quelque trente-six heures qu'il y de-meura ; soitque celasefît par larencontre de diversescau-ses naturelles, dispenséespar laSagessede Dieu ; soit que;la Verturde Dieu j intervînt miraculeusement, & pour:accomplir les Prophéties, parce que c'étoit le CorpsdùSaiiítdéDiëu.

14. Ainsi le Tombeau n'est plus pour Bousqu'un Cimetiè-re , c'est-à-dire, un Dortoir.

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L LV R E T R 01 SI Ë M È. 117

"S 0 NNET XXXL

SUR EA RÉSURRECTION DE NOTRE SEÏGNEUR.

Sa Pompe.

T E voici, le grand Roi, le Sauveur glorieux,Jr-'Le Soleil de Justice en sa course nouvelle,Le tout-puissant Jésus, qui sort victorieuxDu ténébreux cachot de la Grotte mortelle.

Les Anges, descendus dé ía voûte des Cieux,Pour assurer ma foi, pour embraser mon zèle,Viennent, pleins d'allégresse en habits radieux,

.Honorer du Seigneur la Pompé folemnelle.

.',La Terre en est émue,& l'Astre aux blonds cheveuxSort.de l'Onde à grandJhâte,&prend de nouveaux feux,"Au lever du Soleil dont il est la peinture.

Ouvrez-vous, tous mes sens ! voyez ici, mon coeur !L'intérêt de Jésus y porte la Nature :Mais c'est pour mon salut que Jésus est vainqueur.

í Entre les Payens, lé premier jour de laSemaine étoit ap-pelle lejour du Soleil. Nous pouvons encore le nommer

' ainsi, en l'honnèur de la Résurrection du Seigneur, quiest le Créateurdu Soleil, & le Soleilde laGrâce.

e. C'estpeu de chose, de croireque Jésus-Christ est morts lesInfidèlesle cróyentcommenous. MaislaRésurreïïionduSei-'•'gneur est proprementla Foi des Chrétiens.St, Augustin.

-

8, Ilsl'ont servi par dix fois, depuis fa Conception jasqu'àesòn Ascension.

H 3

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u8 SONNETS CHRETIENS,

SONNET XXXII.

S « R LE MEME SujET.

Ses Effets.

ENvain,Grotte funèbre où mon Sauveur sommeille,

Tu prétens pour toujours renfermer dans ton fort:Ce mystique Samson à minuit se réveille,Et brise, à son réveil, les portes de la Mort.

Son agréable voix vient frapper mon oreille :II pairie dans fa Grotte, au moment qu'il en sort :

Ilm'apprenddesaCroixlavertunompareille,Et, par ses doux accens, il assure mon sort.

A vous, Chrétiens, dit-il, appartient ma victoire ;Ma victoire est pour vous le gage de la Gloire ;Et mes sanglans combats vous ont acquis la Paix. .

J'ai terrassé la Mort, vivez en assurance.

J'ai satisfait pour vous, voyez-en les effets:En sortant du Tombeau, j'en montre la quittance.

y. Allusion à l'Histoire de Samson renfermé dans la Villede Gaza. Aussi quelques Anciens, prenant celapour une

figure de la Résurrection de Notre Seigneur, ont estimé

qu'il étoit ressuscité à minuit. D'autres, comme St. Cy-prien, disent au moins avaat le lever de l'Aurore. L'£-criture n'en marque pas le moment précis.

,t 7/ a brisé lesportes de diamant £p let serrures d'airain des'Enfers. Tertullien.

gr Téfus-Christseul, de toua les Ressuscité*, parle dansl'S-'eïiture Sainte.

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LIVRE TROISIEME. n§

SOU N ET XXXIII.

SUR L'ASCENSIONDE NOTRE SEIGNEUR.

Applaudissement.

MErveillesurmerveille, & Grandeur sur grandeur»

Incomparable Jour ! Allégresse publique !Où l'auguste Jésus, fur un Char magnifique,Fait briller dans les airs fa plus vive splendeur.

Que tout ce que le Ciel contient dans fa rondeur,Que la Bande des Saints, que la Troupe AngéliqueAccoure à ce Spectacle, & formant un Cantique,Témoigne au puissant Roi son zèle & son ardeur.

Haussez-vous, grands Porteaux d'éternelle structure;Et fur vos riches fronts, dans cette conjoncture,Exprimez votre joie aux yeux de l'Univers.

Le Dieu qui vous a faits, le Monarque de Gloire,Sur la Terre a vaincu, par cent combats divers ;Et son triomphe , au Ciel, doit suivre sa victoire.

j.Le Corps glorieux du Seigneur n'avoit pas besoin d'uneNuée pour le porter dans le Ciel. Mais ce Char lui futdonné pour la magnificencedu Triomphe,puisque c'estle Char de Dieu même, comme il paroît dans lesPseau-mes. La Créature, dit un Ancien, rendpar-toutobéissan-ce à Jéjus-CbristJon Créateur. Les Astres marquent faNaissance, & ilsse couvrentdansfa Passion.Les Nuées Isportent au Ciel, &? elles raccompagnerontlorsqu'il tnre-

. wndrapour juger k Monde.H 4

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ìáo SONNNETS CHRETIENS.'

SON N ET XXXIV.

S U R LE MEME S U ] B T.'

Trosopopéedes Apôtres*

Pourquoinous,arrêter fi long*tems en ces lieux,

Nous,que du Roi des Rois le prompt départ étonne?Jésus, qui dans la nue, en s'élevant, rayonne,Va triompher, pour nous, dans le plus haut des Cieux,

Contemplons, admirons son Char victorieux !

Quel nombre de Captifs le presse & l'environne !Et combien de fleurons composent la Couronne,Qui brille sur le front de ce Roi glorieux!

"Notre coeur vole à toi, plus haut que les Etoiles,

Et du vaste Lambris perce, avec toi, les voiles,Pour te suivre, ô grand Roi \ dans ce pompeux Séjour.

vTu t'en vas, Fils de Dieu, nous y préparer place :

Mais hâte l'heureux tems d'y contempler ta face :Vivre éloigné de toi, c'est mourir chaque jour.

6. Les Démons. le Péché,& la Mort, quidomìjioientdansleMonde.St. Chrysostôme.

p. Notre ascensionau Cielne fi fait pas maintenantpar lespiedsdu corps, maispar lesasseyionsducoeur. LeCorps.deJésus-Christestenlevédedevantvosyeux, maisfa Divini'te ri estpointséparéede voscoeurs.Voyez-lemonter, croyezenluiabsent, espérezsonretour,-,maisaussi sentez le pré~sentpar anesecrettemiséricorde.St.Augustin.

'Ïo. Allusionau Vplle du Temple, qui empêchoitla vue duSanctuaire.

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L ÍVR E T R O I S ì Eìl i2îs

SONNET XXXV.

StiR'tA PENTECÔTE CHRÉTIENNE.'

Prosopopée des Témoins.

aU'apperçoivent

nos yeux ? qu'entendent nos

, . oreilles?" " "

Quel est ce Vent qui souffle impétueusement ?

Quels sont ces douze Eclats du plus haut Elément ?

Veilles-tu, mon Esprit ? Peut-être tu sommeilles ?

Nous voyons,nous oyons, des choses nompareilles,Des Gensrvils Ôcgroslièrs, Docteurs en un moment,Des Mystères de Dieu parlent divinement,Et vont à chaque Peuple annoncer ses merveilles.

O Juifs, Parthes, Persans, Grecs, Arabes, Romains 1Recevez le Salut que Dieu donne aux Humains :

Ce Vent vous poussera dans le Port de la Gloire :

Ce Feu, perçant vos coeurs, désillera vos yeux :Et ces Docteurs enfin, fi vous les voulez croire,Vous prendontpar la main, pour vous conduite aux

'

Cieux.

3. Ce sont les douze Langues de Feu qui descendirent alors,fur les Saints Apôtres, & qui étoient les Symboles éclatansdes Dons miraculeux du St. Esprit.

8.La Tête, c'est-à-dire, Jesus-Cbrist, est au Ciel, dit St.

Aigustia ; & les Piedsfint en laTerr.e. Quelsfont les Piedsdu Seigneur enla Terre? Cesont lesApôtres, qui. ent été en-voyés par tout k Monde. Cesont lesEvangélistes, parles-,quelsleSeigneur visite toutes lesNations.. II est venu par sesPrédicateurs, & il aremplitoutrUnivers. .

H Í

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i£*;- SONNETS CHRETIENS.

SONNET XXXVI.

SUR L E M E M E SUJET.

Apostrophe au Saint Esprit.

ESpritSaint, dont le soufflé a formérUnivers,

Par ton souffle, aujourd'hui, toutes choses tu

changes;La Terre est faitè un Ciel, les Hommes font des Anges,Pour porter ta lumière en cent Climats divers.

Les Hérauts de Jésus, en moins de trente hivers,Rendront le Monde entier l'écho de ses louanges:Douze Langues de feu, par des exploits étranges,Mettront du fier Démon la puissance à l'envers.

'O souffle tout-puissant ! dont la divine flame

Guérit, par fa vertu, l'aveuglement de l'ame,,Et jusqu'au monument fait sentit son effort.

L'Êrreur & le Péché mon ame ont asservi e ;Et mon coeur est transi des horreurs de la Mort.

Que ton Feu soit, pour moi, la Lumière & la Vie.

$. LesApôtres ontétéfaits les Cieux, qui publient la GloiredeDieu. St Augustin. La Grâce du St. Esprit ayantétéa-baniamment répanduele jour dela Pentecôte, elle changetout le Mondeenciel. St. Chrysostôme. Et fi de laboueDieu a f ait un Homme, ne pourra-t-il pas d'un Homme

faire un Ange î St. Augustin.f. Les Apôtres, étant enflammésde ce Feu céleste commencè-

rent à aller par le Monde, & embrasèrentleurs Ennemistout'à'ïentour. Le même.

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LIVRE TROISIEME. i*â?

SONNET XXX r IL

SUR LE MARTYRE DE S. ETIENNE;

QU'il

sorte de sa tombe, & qu'il se montre à nous,

.Ce premier des Martyrs, qui d'un coeur invincible,Couvert du bouclier d'une force invisible,Soutint l'assaut mortel d'une grêle de coups í

Loin d'exciter nos pleurs, son fort nous rend jaloux.Voyez ce saint Athlète, aux douleurs insensible,Et vainqueur, au plus fort d'un combat si terrible,S'endormir doucement fur un lit de cailloux. ,

Son nom, dès le berceau, lui promit la couronne:Et Dieu, qui dans la Gloire aujourd'hui la lui donne,Lui fait voir fur la Terre un prix si glorieux.

Prêt d'entrer dans le Ciel, ô paradoxe étrange !II semble que le Ciel soit entré dans ses yeux ;Et qu'Etienne mortel, en mourant, soit un Ange- \

4. L'Ecriture Sainte lapide les Héràiques. St. Athanase. dm*me donclesparolesdeSt. Etienne avoient lapidélesJuifs , les

pierres des Juifs le lapidèrent à leur tour, St. Augustin.9. Le nom d'Etienne signifie une Couronne.

13.ll.fut seul des Vivans fur la Terre associé avec St. Paul,son cousin, comme on l'estime , au privilège d'avoir vuJésus-Christ dansla gloire de son Ciel.

14. II étoit revêtu de la gloire £f de la dignité desAnges: Tef-tullien.

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1?4 .S O N N E T S € H RE TIE N S. :

S 0 N N ET XXXVIIL

'SUR LA CONVERSION DE St. PAUL.

GRandBerger d'Israël, que ta haute Puissance

Arrête les efforts âe ce Loup furieux :De ce Saul, qui poursuit tes Troupeaux précieux,Altéré de leur sang, armé de violence.

C'en est fait : tu parois en ta magnificence,Suspendu dans les airs, terrible, radieux,La foudre dans la bouche, & l'éclair dans les yeux,Pour terrasser fa fiere & barbare insolence.

. Ta lumière & ta voix ont pénétré son coeur ;Et l'Ennemi se voit, aux pieds de sonVainqueur,S'écrier tout tremblant : Que veux-tu que je fasse?

Enfin dàns un moment, ô puissant Rédempteur !Tu fais,. d'un Loup cruel, un Agneau de ta grâce :Et cet Agneau fera des Agneaux le Pasteur.

^.PremièrementSaul, fier, superbe& élevé; {fpuisTiUl,humble, obéissant(ssoumis. Saulparfa malice, Paul parla grâcedeDieu.St,Augustin.'

y. Uni flèchefut tirée du Ciel; &l'Ennemide Jésus-Christtombaparterre,frappéau coeur.Le même.

15.i4.Au matin, un Loup ravissant la proie; au Joir, unPasteur donnantla nourriture. On tient, qu'il avoiialors

, trente-troisans. Le même.

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L I V RE T R O I S IE M E. îzg

SONNET XXXIX.

SUR LA PRISON HT LA DÉLIVRANCEDE S. PIERRE,

DUprisonnier Céphas voyez la fermeté !

Cent personnes, en lui, plus que lui prisonnières*Redoutent du Tyran les forces meurtrières :

Lui seul, dans ce péril, repose en sûreté.

Pierre, réveille-toi ; l'Ange est à ton côté ;De tes gardes veillans il ferme les paupières,De ton cachot affreux il ouvre les barrières ,Et fait tomber les fers de ta captivité.

DuCaptif délivré l'incertaine pensée,Dans cet heureux moment, se trouve balancée,S'il n'est libre qu'en songe, ou libre en vérité.

Reviens à toi, grand Saint ; béni ta délivrance :La main du Tout-puissant te met en liberté,Pour ranger l'Univers à son obéissance.

's\.. Cèph~asenSyriaque est le nom de Pierre, ici vrai Rocherpar fafermeté.

3. C'était HérodeAgrippa. II avoit déjà fait trancher la têteà St. Jaques le Majeu r, fils de Zébédée, & il vouloit fai-re mourir St. Pierre le lendemain.

"ix. Dieu délivre ici Pierre, & U ne le délivra pas dans sonmartyre. Est-ce qu'encetems-là Pierre ri étoitplus saint?Non : mais c'est qu'alors Dieu voulut k délivrer detoussesmaux. St. Augustin.

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u6 .SONNETS CHRETIENS. r

SONNET XL.s

.SUR LA MORT D'HERODE AGRIPPA-

TTOyez ce Roi superbe, en sa magnificence.* IlbrillesurunTrône, au milieu des Flatteurs:

Ses Sujets, étonnés, sont les adorateursDes charmes surprenans de fa rare éloquence.

Ce n'est pas un Mortel, dit leur folle insolence;D'une céleste voix nous sommes auditeurs,Et d'un visible Dieu les heureux spectateurs :O Majesté divine ! ô suprême Puissance !

Mais un Ange renverse, & l'Idole, & l'Autel :Et tout-à-coup ce Dieu, soible, infirme, & mortel,Est rongé par lesvers, & par lapourriture.

Vous qui,le Sceptre en main, régnez dans l'Univers,Pouivrez-vous échapper auxLoixde la Nature,Si, vivans, vous pouvez être mangés des vers ?

i.Ilétoit filsd'Ariftobule,& petit-fils du GrandHérode.C'est lui à qui Caliguladonnaune Chaîned'or, dumê-me poidsqu'étoit fa Chaîne de fer sous Tibère. Voyezla Note fur le i. versduSonnetprécédent,

a.Haranguantle Peuplede Césaréedansune Robe touted'argent, d'une tissurenompareille,&qui étantfrappéedesrayonsduSoleil. jettoit un éclatcéleste. :

10.Hélaiì s'écria-t-ilalors, quevotremensongeestsensible1.•

. Moi, quevousvenezdenommerDieu, jerefoisl'ordred$mouririncontinent.Joseph.

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LIVRE TROISIEME. 127

SONNET XLI.

SUR LE VOYACE DE S. PAUL 'A ROME.

TEsfers sont moins pesans, qu'ils ne sont salutaires,

Illustre Prisonnier ; c'est par eux que tu dois

Arborer en tous lieux l'Etendart de la Croix,

Malgré tous les efforts des Puiflances contraires.

La Mer,les Ventsdes Flots, les Ecueils, les Vipères,Les Hommes, les Démons, les Peuples, & les Rois,Unis pour arrêter les progrès de ta voix,

Paroîtront, contre toi, de foibles Adversaires.

Marche, intrépide Paul ; affronte les hazards ;Gagne à ton Rédempteur le Palais des Césars ;'Et jusqu'aux bords du Tibre avance ta victoire.

Là couvert de lauriers,&Vainqueur des faux Dieux,Un Char sanglant te porte au Temple de la Gloire,Et la main du Bourreau te fait voler aux Cieux.

lo.St.Jérôme dit que St. Paul, prisonnier à Rome, trouvamoyen de faire une Eglise de Jésus-Christ dans le Palaismême de son Persécuteur. Et St. Cbryso/tômeassure quece grand Apôtre convertit même une des Maîtresses del'Empereur.

14. Allusion à ce qu'on dit, que latête de St Paul, lorsqu'ilfut décapité, fit trois bonds en l'air, comme pour mar-quer que son ame s'envoloit au troisième Ciel. On tientquil étoit alors âgé de soixante-huit ans.

FIN DU TROISIEME LIVRE.

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LIVRE QUATRIEME.

SUR DIVERSES

G R A C E S,

E T

DIVERS ETATS.

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L I V R E Q_U A T RI E M k.

.S ON N E T I.

S U R L'E G L I S E.

SAinteFille de Dieu, qui n'as ,pour ta défenee,

Que le feu de ton coeur, & que l'eau de tes yeux :Satan t'a fait la guerre au point de ta naissance,Ette la fait encore aux âges les plus vieux.

II trouble ton repos, de toute fa puissance:Et ce fier Ennemi, de ta gloire envieux,Tantôt flatte tes sens d?une belle apparence,Et tantôt fond fur toi, comme un Loup furieux.

Mais envaiîi, pour te perdre, il fe sert de ses armes:Envain,. pour te séduire ,.il emprunte des charmes :Ta foi fait repousser & ses biens & ses maux.

Jésus combat pour toi, te promet la victoire ;Et réassurant du prix, au plus fort des assauts,Par un chemin de sang te conduit à la gloire.

^.UÂglíje 1ep maintenant combattue darisfJalviéillejse, niaitqu'elle néÉraìgi\e púìnt. Elle'a'êtécóìkbattuedè'ssajeunesse,maú eela Ita-t-ik ewpêchéédéparvenir à l'nvieillesse}celaa-î-# été-capable'de la-détruire? St. Augustin".

7, La persécutionduD'êrnon,oìicomméSerpent)ou cdmmeLion,'• ne cesséjamais en-1'Eglise'. Mais ileftrplUTacraindrt lors-qu'il séduit, que lorsqu'il-eft eh fureur. Le'même.

11.LéSeignmríUïmim'e lutte-& combatenûos ptrfonnes.StCyprien. I g

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132 SONNETS CHRETIENS.

SONNET II.

SUR LA PAROLE DE DIE U.

QUipeut assezlouer, ô grand Dieu ! ta Parole-?

^C'est un glaive tranchant, un trésor précieUn son qui retentit de l'un à l'autre Pôle:Un miroir de ta Face, un rayon de tes Yeux.

C'est de ta Vérité l'admirable symbole :

C'est le lait des Enfans, c'est le vin des plus vieux,C'est aux pauvres Mortels le phare & la boussole,

Qui conduit sûrement leur vaisseau vers les Cieux.

C'est la douce rosée, &la riche semence,

Qui fait germer la Foi, qui produit l'Espérance ;Et qui nous fait revivre, au milieu du trépas.

Ainsi , malgré l'Enfer, & malgré son envie,Ni vivant, ni mourant, je ne périrai pas;Puisque j'ai dans mon coeur ce principe de vie.

ï.On dit qu'un Peintre fameux dans l'Antiquité, voula

peindre une Beauté Céleste, emprunta pour ce desseinItraits & les grâces de plusieursobjets de ht Terre. L'criture f-ainte en use de la sorte à regard des sujets Divins. Ici l'on emprunte de même diverses imagesdiverses idées, pour représenter les perfections & 1

propriétés diverses de la Parole de Dieu.s. Le vin est k lait des FieiHmdi, disent les Rabins,

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L IV R E Q U A T R 1 E M E. 133

SONNET III.

SUR LES SACREMENS.

BÈniton Dieu, mon ame, admire sa clémence :

Voi comme il te soulage en ton infirmité :Voi comme il veut forcer ton incrédulité :

Et par tes propres sens bannir ta défiance.

Chrétien, que manque-t-il à ta pleine assurance ?II parle, il te promet, ce Dieu de Vérité :II jure par son Nom, par son Eternité :Enfin il met des sceaux à sa sainte Alliance,

Hé bien ! Seigneur, je crois ; je sens ton Bras vain-

queur.Qui, présentant ta Grâce aux portes de mon coeur,Apprend à tous mes sens ta Bonté nompareille.

Tous mes sens donc ici viennent aider ma foi :L'oeil, le goût, l'odorat, le toucher, & l'oreille,Me disent, qu'en effet Jésus est tout à moi.

4, LesSacremensfontdesparolesvisibles.St. Augustin. Sinousn'avionspointde cotps, il n'y attrait rien de corporeldansles donsqueDieu nous fait. Mais parce que notre amtestjointe à un corps, il nous communiquedesdonsspiri-tuels fous des cbosessensibles& corporelles. St. Chrysos-tôme.

10.LesSacremensfont les Portes dela Fille deSion. Leur ver,tu eft ineffable;£5' la Piété nepeut être acbevéesanselle.St. Augustin,

I 3

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XU SONN.ETS CHRETIENS*

S 0 N NE T IF.

SUR LA VERITJE'.

TVJ.haut Ciel, Dieu t'envoie en ce bas Elément.*-^Tón ame est son Esprit, ton corps est sa Parole;De sa Fidélité tu fais top aliment :Sa Lumière est ta robe, & fa Gloire est ton pôle.

Un seul trait de tes.yeux perce l'aveuglement ;L'Erreur , \ ton aspect, interdite, s'envole:Tamain,brilant nos fers, noos porte au Firmament;Et, contre ton pouvoir, tout effort est frivole.

Sans armes que la voix, tes Enfans, en cent lieux-,N'ont-ils pas renversé les Temples des faux Dieux,Et du vaste Univers changé I3 face entière?

L'Enfer menace envain ceux qui suivent tes pas :Sans crainte ils. fourniront leur pénible carrière ,Certains de la couronne, aux portes du, trépas.

6. La Véritédes Chrétiens est .fans comparaison, plus bellequiti'ét.oitïHélène desGrecs. St. Augustin. Juffi ne mugit-elkdehonte, qued'être cachée. Tertullien.

-.8. O combien est grande laforce de la Vérité,py,isqu'«llesedé-

fend par elle-même contrs tonte l'éhquence, la finesse,£? lespeges desHommes; & que ni machines., ni esprit,ni artifice, n'ont jamais été capables de la détruire ' Ci-céron.

'3$. Aide-moi, Seigneur* afin que je- combattepeur la Vèriû

jusqu'à la mort. St, Augustin.

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• LIVRE QUATRIEME* 135

:.S 0 NN E T V.

SUR L'E R R E U R.

Onstre composé de chimères,Dont la sotte crédulité,

'artifice & la cruauté,Sont les compagnes ordinaires r

Tyran, qui fur tes TributairesDomines dans l'obscuf ité ;Et dans un Palais enchanté *Ne les nourris que de vipères ;

Antipode de la Raison ;

Spngê noir, fatale prison ;xl)e nos Pères triste héritage :

Artisan de feux & de fers;Tu promets le Ciel èn partage»Et tu nous ouvres les Enfers.

1.Allusion au Monstre fabuleux, nommé Chimèrepar lesanciens Poètes. Car les erreursfont des mensonges,<&le,,

mensongeeji cequin'efì pas. St. Augustin.» Cattm s'étonneit qu'un Devin pût regarder un autre De-

vin fansrire.t.Les Hérétiquesne.nourrissentpas de lait leursÉnfans f mais

ils les tuent par leurs poisons; car le mensongetue l'ame.S. Augustin. C'est pourquoi, dans FApocalypse, il est

. parlé da vin empoisonné de l'idolâtrie cfeBabylone*If

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I3<S SONNETS CHRETIENS.-

SONNET FI

SUR LA VERTU.

Ç\ Fille, d'origine & Céleste & Royale ,•v^ Soeur de la Vérité , Gloire du Firmament;Amour des Séraphins, Objet noble & charmant j.Incorruptible Vierge, en beauté fans égale !

Au prix de ton éclat, la Perle OrientaleMe paroît fans blancheur, fans prix, fans ornement 5Et l'odeur de ton riche & pompeu x vêtement

Surpasse les Parfums que l'Inde nous étale !

Mais, la lampe à la main, je te cherche en plein jour,Dis-moi, quel doux Climat tu prends pour ton séjour,A l'abri des Tyrans qui t'ont juré la guerre P

Envain me cherches-tu dans ces indignes lieux,Chrétien, tu ne peux voir que mon ombre en la Terre?Mpn corps, depuis longtems, a regagné les Cieux.

i.& 3. La Vertu £? la Véritésont commedeux Soeurs engen-dréesde Dieu , £f dont ïexcellence & la beautéfont admi-rables. Vives. Platon disoit, que si l'on pouvoit voir des

yeux du corps labeauté de la Vertu , on en seroit éperdu-ment amoureux. O Vierge, lui chante un Ancien, ta beau-té rend h mortaimable.

S.& 14- Allusion à Diogene, lorsqu'il cherchoít un hommeen plein midi ; & à VAstrit des Payens, revolant dans,le

Ciel, à causede lamalice des hommes.

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L IV R E Q U À TR I E M È. 13s

SONNET FIL :

SBR LES TROIS PRINCIPALES VERTUSCHRÉTIENNES.

TRoisSoeur?, Filles du Ciel, les véritables Grâces,

Se tenant par la main forment un noble Choeur ;Et de l'Elu de Dieu commençant le bonheur,Viennent prendre chez lui les trois premi ères places.

Toutes trois avec lui partagent ses disgrâces ;L'une, en tous Tes çombatsde rend plus que vainqueur;L'autre bannit la crainte & l'effroi de son coeur ;Et l'autre avec ses feux en fait fondre les glaees.

Toutes trois dans leurs yeux portent les mêmes traitsîToutes troisfont toujours d'admirables effets.Veux-tu pourtant savoir quelle est leur différence?

Des deux premières Soeurs^dans un heureux moment,L'une est changée en vue, & l'autre en jouissance ;Mais la plus jeune Soeurdure éternellement. ; --

1.La Foi, IEspérance& la Charité, opposéesaux trois fà-bu'eusesGra«.r des Payens.

Ì. Choeurs,ainsi écrit, est un mot Grec, qui signifie pro-prement une Bande de Chantres, ou de Danseurs.Lian-cienne Eglise appropriaçenom à laTroupe desCjhantresSacrés. Mais par Figuré; ce mdt's'appìique à des sujetsspirituels. Ainsi, félon St. Augustin . leLtìaursignifie le.concert, l'union & la concorde.- Et Cicéron parle dusCtorjC'est-à-dite/ie l'Assemblage&du Corpsdes Vertus.

I 5' " '

'•'-•'"

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I^S SONNETS^CHRETIENS»

SONNET VIIL

SUR LE VICE.

"^'Arrête plus tes sens à ce visage aimable,

•*-Qui captive ton coeur, en séduisant tes yeux :

Levé, fans différer, ce masque spécieux :Tu verras des Enfers l'image épouvantable.

Oui, ce Vice riant est le monstre exécrable,

Qui fait l'horreur des Saints, & la haine des Cièux :C'est un Serpent funeste, un Tyran odieux,Et de ton Rédempteur le Bourreau détestable.

, O Traître, ô Parricide, ô'Peste dans mon sein.'

Íeconnois aujourd'hui ton tragique dessein,

it les sanglans effets que produisent tes crimes.

Tu conduis, par la joie, au séjour des douleurs :Et tes lâches Enfans ne font que des victimes,Qu'au chemin du trépas tu couronnes de fleurs.

1.Satan cache le trait de la mort dansun carquois dor/'St.Augustin.

j.On peut dire que le Péché est la Chimèrede la Fable,c'est-à-dire, un Monstre quia la tête d'un Lien,1eventre d'une Chèvre, & la queue d'un Serpent, á qui;jette du feu par les narines. Á quoi l'on donne des.senjmystérieux,

ij. Ainsi, dans Minucius Félix, les Infidèles sonsqualifiés\ dé Bêtesque l'on engraisse pour le sacrifice, & de victi-

mes que son couronne avant que dé les irrrrrroler.

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»

LIVRE QUATRIEME. ïgf

SONNE T IX.

SUR LA GUERRE.

Ï^Ureur, Pillage, Sang, Campagnes désolées,•*

Deuil,Solitude,Effroi,Plaintes, Larmes, Douleurs,Villages embrasés, Villes démantelées,Faites de mon Tableau les traits & les couleurs.

Inviolables Loix , lâchement violées,Par votre indigne fort exprimez nos malheurs.Et vous, douces Vertus, tristement exilées,Ecrivez nos combats de l'èncre de vos pleurs.

Dans nos maux, juste Dieu ! tu montres ta justice: .tDe nos propres desseins tu fais notre supplice ;Et par nos propres mains tu te venges de nous.

Nos péchés contre nous ont armé ta Puissance :Mais que, fur une Croix, ton Fils percé de coups,Eteigne par son sang le feu dé ta vengeance.

î.L«s Anciens figuroient tout cela par leur Bellone & leutDiscorde, avec leurs larmes, leur sang, leurs yeux ren-versés, leurs scrpens, leurs mains crochues, leurs piedstortus , leurs lambeaux, leurs ténèbres, leurs torches,leurs trompettes, leurs fouets, & leurs épées. Et Ma-

. rius disoit, que le bruit de la Guerrel'empêchoitd'entendrela voix des loix. Cependant tous tes Dieux des Lacédé-

, «ioniens étoient armes. *

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Ï4*> -SONNETS CHRETIENS. -

SONNET X

SUR LA PAIX.

REvenez,belleVierge, & montrezvos beaux yeux;

Assez, & trop longtems, a duré votre absence :Ramenez avec vous la joie & l'abondance,Que le Démon du trouble exila de ces lieux.

Rendez à nos climats les largesses des Cieux ;

L'efpoir au Laboureur, aux Cités Topulence ;Le commerce au Marchand, à nos Loix la puissance:Rendez l'Eglise heureuse, & l'Etat glorieux.

" L'Orphelin désolé, tremblant au bruit des Armes,Et la Veuve à nos pieds, les yeux baignés de larmes,Pour toucher votre coeur, embrassent vos genoux.

Nos péchés éclatans à nos voeux font contraires :Mais le Sang du Sauveur intercède pour nous ;Lisez-en sur la Croix lesvivans caractères.

i. Les Anciens aiíoient que la Faix étoit rille de Ibémts,c'est-à-dire de laJustice. Ils lapeignoient comme une bel-le Fille, qui tenoit danssonseindes pommes, & leDieudes Richesses; & dans ses mainsdas épis, des roses, deslauriers, & des branches, pour symboles d'abondance,de plaisir, de victoire & de repos. Et le nom de Paix,parmi les Hébreux, exprime toute forte de Biens &de

-Prospérité.

i ì. /iime la Justice. ; autrement laPaix yson intimeAmieì neviendrapointà toi. St. Augustin.

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LIVRE QUATRIEME. 14I

SONNET XI.

SUR LA PAIX DE DIEU.

QUe

contre mon bonheur tout l'Univers conspire :

_Que la Terre & l'Enfer, détruisant mon repos,Me'livrent, à l'envi, les plus cruels assauts,

Que la ruse conseille, & que la rage inspire.

Qu'au milieu des ennuis, ma triste ame soupire :

§uemon fragile corps éprouve mille maux ;

t que la mort, enfin, m'abatte de fa faux :Rien ne peut me priver de la gloire où j'aspire.

Pour cent crimes affreux, je tremble fous la Loi :Mais la paix de mon Dieu dissipe cet effroi,Et dans tous mes combats m'allure & m'accompagne»

Oui, si pour mon salut, mon puissant RédempteurL'écrivit autrefois fur la sainte Montagne ;Son Esprit, tous les jours, la grave dans mon coeur.

îj.Par l'effusion de son sang. Opposition à la condamna.tion écrite surlaMontagne de Sina. Ici la sainteMonta-gne est leCalvaire, ou Golgotba, ainsi nommé en Syria-que , parcequel'on y exécutoit les Criminels. Mais d'unlieu infâme il fut rendu un lieu saint, par la mort &passiondu Sauveur. L'Empereur^cín'ínle profana,en yélevantl'Idole de marbre de Vénus: ce qui dura jusqu'autems de Ctm[iantin, qui donnaordred'y bâtir un magai-.fiqueTemple.

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r4i SONNETS CHRETIENS.

SONNET XII.

SUR LA PRIÈRE.

C'Esttoi qui peux , sans crainte ,. approcher de

l'Epoux :

Sainte Voix de nos coeurs, tu portes fur tes ail es,Les plaintes, les désirs, les larmes des Fidèles :

Tu présentes nos voeux, & tu parles pour nous.

Organe de Salut, sipuissant & si doux,Tu rapportes des Cieux les faveurs éternelles ;Et quand-Dieu veut punir nos, têtes criminelles „Tu desarmes son bras, tu détournes ses coups.

Ne t'arrhe donc point, admirable Courriére !

Gagne d?un vol ardent la suprême Lumière :

Demande, ob.tien pour moi, la grâce de mon Dieu.

Mais quand viendra le tems, que les bras dessaints

AngesMe porteront moi-même cn cet auguste Lieu,Pour y voir tous mes voeux transformés en louanges !

I. dt í. §J*fi'la Prière montey l'a-Bénédi&ion-descendra,L'O-

raifon est: une fidèle Messagère, qni pénètreoù lâchais ne

peuvaller: St. Augustin; Notre langue estcommeune-main,fuivajasquíau'TrôHe'deDieu. St.Ghrysost'ôme. ùíaisfitu-veux- que tonoraisén- vole à Dieu, sai-lui deux ailes,ïe Jeûne:&eAumône. StlAugustin.

fjf. Dans notre-Patri&, te gémissementfinira, la prière cessera,la louangesuccédera. II n'y autre plus qu'un Alléluia'per-pétuel au ConcertdesAngts. St. Augustin,

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LIVRE QUATRIEME. 145

SONNET XIII.

PRIÈRE POUR LE MATIN.

TE te bénis, Seigneur, en ouvrant la paupière. -

J Fai moi, dès l&matin, ressentir ta bonté,

íléchi, par ton Esprit, ma dure volonté ;Et verse dans, mon coeur ta divine lumière.

Qu'au milieu des dangers de ma triste carrière,Soutenu par ta main, je marche en sûreté :

Et qu'enfin, par ta Grâce, & par ta Vérité ,

J'arrive en ton repos, à mon heure derniere.

Je fuis, à ta justice, unobjet odieux :

Mais, mon Dieu 1lave-moi dans le Sang précieux.Que po.w moi ton saint Fils verfasur le Calvaire.

Que sans craindre la mort, nison noir appareil,

Í'entre,au sortir du Jour qui luit sur l'Hémisphere,

)ans le Jour où les Saints 11'o.ntque toipour Soleil

3.Fai, Seigneur-,«s mal ce.quetu.commandes-,Ç$.cmnmandealorscequetu voudras. St. Augustin. Et Jérémie,: Conver-

, tumoi, &jeferai converti..S.TouslesHommescherchent.le.répis. Le repose(iban: maisil

nefaut paslechercherencetteVie., il mfe. trouve que dansle Ciel.St. Augustin.

'%4,.L'Eternkén'eJtq,u'un.Jmrsans fin. Mépristiules militessde fours, g

1'desironsce four èttmà,. quin'a ni-matin ni

. • Joir. Le même.

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.144 "SONNETS CHRETIENS.

SONNET XIV.

PRIÈRE ÎOOS LE SOIR.

SEigneur,pour le travail, tes bontés paternelles

Font régner la lumière au terrestre séjour ;Et par tes sages Loix, la nuit vient, à son tour,

Apporter le repos fous sombre de ses ailes.

Mais si le noir sommeil doit couvrir mes prunelles,Ouvre fur moi, mon Dieu ! les yeux de ton Amour ;

Dissipe mes péchés ; fois mon Astre & mon Jour ;Et que tes Anges saints soient mes Gardes fidèles.

Le Jour, incessamment englouti par la nuit,De la fin de ma vie incessamment m instruit,Et je dois , nuit & jour, saintement m'y résoudre.

Fai que pour moi laîvîort ne soit qu'un douxsommeiljOù, famé entre tes bras, & le corps dans la poudre,De l'éternel matin j'attende le réveil.

'5. Le Sommeilest un état moyenentre la Fie & la Mort. A-

ristote.7. Par le Péchénoussommesténèbres, £f cesténèbresdu PL

ebéfont dans notre ame une nuit, qui iioÁ empêchedsvoir Diev, dit St. Augustin,

ii. Les Payens nomment le Sommeil, leFrère de la Mort. Etles anciens Chrétiens qualifient laMort, le SommeildeUPaix enDieu&>ensonChrist.

14.La Mort estlaNuit, &f la Resurreiïiensera le Matin.Sî,Augustin.

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LIVRE QUATRIEME. 145

SONNET XV.

PRIÈRE DU VOYAGEUR.

À/TOn puissant Protecteur,pendant tout mon voyage,AVJ-Condui-moi par ta grâce, ouvre sur moi tes yeux ;Fai tenir près de moi tes Anges glorieux ;Et de tous accidens garanti mon passage.

La course de ma vie est un pèlerinage,Et je suis étranger en ces terrestres lieux.

Fai ^Seigneur, qu'y vivant en citoyen des Cieux ?

Je marche incessamment vers ton saint Héritage. -

Mais hélas ! fur la Mer où je vogue ici-bas,Le Monde & le Péché, l'Enfer & le Trépas,Contre moi conjurés , de me perdre ont envie.

Mon Sauveur ! je ne puis fans toi gagner le Port :Sois pour moi le Chemin * la Vérité, la Vie ,Contre l'Egarement, le Mensonge & la Mort.

j. Toutecettevie ne nousdoit être que commeune batellerie àun Voyageur, & non commeune maisonà celui quiyfaitsademeure.St. Augustin.

8. Le pied del'ame estsonamour. L'amese meut par l'amourvers son objet, commevers un lieu oùelle tend. Le mê-me.

9. Dans le courantde ce Siécle, tu flottesplutôtparmilesora-get £? lestempêtes, que tu ne marchesfur la terre. St.Bernard.

, K

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i46 SONNETS CHRETIENS.

SONNET XVI.

CONSOLATION DU PRISONNIER.

POrtes,grilles ,verroux, gardes,captivité,

Ténèbres, solitude, effroi, chagin, souffrance ,

Puisque j'ai dans les fers mon coeur.en liberté,Envahi vous vous joignez pour vaincre ma constance,

L'Espoir, dans mes ennuis, se tient à mon côté ;La Foi, dans mes combats, me remplit d'assurance ;

Ìésusest mon Soleil dans mon obscurité ;

)t les Anges des Cieux veillentpour ma défense.

Que la Terre & l'Enfer m'opposentleurs efforts,Ei-fin, je sortirai de la.prison du corps :Douce mort, tu viendras m'en ouvrir le passage :

Tu froisseras mon corps, d'un bras officieux ;Et telle qu'un Oiseau, dont on brise la cage,Moname,en s'échappant, volera dans les Cieux.

7. Celuiqui a fait le Soleil£f la Lune , vous a étédans la pri-son une plus grande lumièreque leSoleil&f la Lune.Sí. Cy-prien aux Confesseurs.

r o. Notre corps peut être nomméune prison, non pas entantque Dieu Vafait, mais entant qu'il est assujetti à la peinedu pêché. Heureuse àme, qui, délivrée de la prison aucorps, s'envoletoute libre au Ciel! St. Augustin.

il.Quela cagesoit brisée, je volerai àmon Seigneur. St.AuJgustin.

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LIVRE QUATRIEME. 147

SONNET XFIL

PRIERE POUR LA COMMUNION.

CËn'est donc pas assez d'avoir payé pour moi Î

MonSauveur m'offre encore un Sceau de sajustice;Il veut que sa Chair même aujourd'hui me nourrisse,Et sa Grâce m'appelle aux Noces de mon Roi.

Que j'en puisse, ô Seigneur / approcher fans effroi,

Purgé du vieux levain de ma noire malice ;Et que pour avoir part à ton grand Sacrifice s

Je prépare la bouche & les mains de la Foi.

Toi-même, donne-moi la Robe Nuptiale,L'ornement de tes Saints, pour la Table Royale 9 *,_Ou servent à l'envi les Anges glorieux.

Fai que d'un zèle ardent, & d'une àme ravie 3Avec ton sacré Corps, & ton Sangprécieux,je reçoive en mon coeur le germe de la Vie.

'4. C'est par sa mort même que Jésut-Cbrift devient l'Epoux.St Chryfostôme.

?. C'est la pureté de famé que St. Chryfostômeappelle i'Ha-bit intérieur ^spirituel, laRobeblanche,la Robedepourpre,la Robeen broderied'or.

Iís Qui desFidèles peut douter qu'en ce Mystère les Cieuxnesoient ouverts,& queles Choeursdes Anges nesoientprésens?St. Grégoire. Ilsfervent à la TableRoyale, & ilsjiécbiffent

, lesgenaux. SE,Chtjsostôme.Ka

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148 SONNETS CHRETIENS.

SONNET XVIII.

ACTION DE GRÂCES APRE'S LA COM-MUNION.

QUil'eût dit, que mon Roi m'eût admis à fa Table,

^ M'eût nourri de ses mets les plus délicieux ^Adopté pour son Fils, fait Héritier des Cieux ;Moi, son Èclave indigne, & Pécheur misérable ?

Quel bonheur maintenant est au mien comparable ?

Seigneur, je te bénis d'un sortsi glorieux ;je sens de ton amour les effets précieux ;Et mon coeur te possède, ô Jésus adorable !

Loin de moi, Monde impur, avec tous tes appas ;Loin, tristesse, chagrin, & terreur du trépas :

Je fuis du Dieu vivant le vivant domicile.

Mon Seigneur, laisse aller ton Serviteur en paix5Et si je t'ai logé dans ma maison d'argile,A ton tour loge-moi dans ton brillant Palais.

u.Allusion aux paroles de Siméon, après qu'il eut em.brasséle Sauveur du Monde. Dans lacélébrationde ce Sa-crement, les Ministres de l'Eglise primitive crioient aux

Communians, Paix à tous; &l'on sedonnoit le Baiserd; paix.

13 La maisonde monameefl bienpetitepot<run fi grand Hâte:

accroi-la , Seigneur, afinqu'ellesoitcapablede te rec-evoir.il

s'y trouvedes cbofitsqui pourraient offensertes yeux.; mais

quipeut l* rendrenette, que'toiseulì St Augustin.

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LIVRE QUATRIEME. 14g

SONNET XIX,

PXIERE DU MALADE..

GRandDieu! de qui je tiens la vie & la naissance,

.. Pressé de mes douleurs, j'invoque ta bonté.

Vien montrer ta vertu dans mon infirmité ;Et poùr me secourir, déployer ta puissance.

Céleste Médecin, regarde ma souffrance.Tu peux en un moment, si c'est ta volonté SDe mon lit de langueur faire un lit de santé,Et d'un mot seulement me donner délivrance..

Mais, veux-tu me tirer du séjour des malheurs ?

Mais, veux-tu terminer ma vie avec mes pleurs ?Fai que d'un zèle ardent mon ame à toi s'envole.

Que vivant, & mourant, je bénisse mon fort :Car enfin, je puis dire, instruit en ton Ecole,Christ rn est gain dans la Yiesil m'est gain dans la Mort.

%.Dieuesile Médecin, £? l'Afflittion est le médicamentpourle Salut, ($ nonpas la peinedela Condamnation.Tueries,6? leMédecin ne te répondpasselonton désir, maisselontanécessité.Tes mauxfont grands, mais le Médecinestencoreplus grand. Aucunemaladien'est incurableau Médecintout-puissant. Seulementlaisse-toiguérir , & ne repousjepassamain. II sait très-bien ce qu'il fait. Souffre l'amertumede la médecine,enfingeemtà lasantéqui lasuivra. St. Aa -guftin. }í 1

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150 SONNETS CHRETIENS.

SONNET XX.

POUR LES AFFLICTIONS ET LES DOU-LEURS.

COupe,brûle, mon Dieu, cette chair criminelle

N'épargne point ma vie ; étein-la, si tu veux :Pourvu que ta bonté répondant à mes voeux,Me fauve des horreurs de la mort éternelle.

La peine, dont ta Loi menace Fin fidèle,Me fait glacer le sang, & dresser les cheveux :Et que font au prix d'elle & les fers & les feux,Dont je sens les assauts en ma course mortelle ?

Mais mesure ma force à celle de tes coups :Verse, pour me guérir, ton baume le plus doux :Fai que j'éprouve en toi les tendresses d'un Père.

Qu'adorant ta sagesse, & pleurant à tes yeux,J'envisage rna croix comme un mal nécessaire,Puisque c'est par la Croix que l'on s'élève aux Cieux.

I.Seigneur, coupe& brûle en cette Vie temporelle,pourvuque tu mesois propiceen la Vie éternelle. Mais lorsquetu

mefrappesdeta verge ,dqnne-moilapatiencenécessairepourformer plutôt des louangesque des plaintes. St. Augustin.,

li. QuelPère estsi fortement Père, que Dieu? Tertulliên.l$.Nttl ne peutêtre couronné,s'il n'a vaincu. Nul ne peut

vaincre, s'il n'a combattu. Et nul ne peutcombattre,s'iln'a desennemis£? destentations. St. Augustin.

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LIVRE QUATRIEME. 151

S 0 N NE T XXI.

PRIÈRE DU MOURANT.

JEvais donc comparoître, ô Dieu, devant ta face !

Devant ton Tribunal, enfin, tu m'as cité !Hélas ! ce grand Pécheur, ô mon Juge irrité,Pourra-t-il dans le Ciel obtenir quelque place ?

Monte, pour me juger, fur ton Trône de Grâce :Voi ce que mon Sauveur a pour moi mérité : (Oppose sa justice à mon iniquité,Et dans son divin sang tous mes crimes efface.

Intercède pour moi, Rédempteur des Humains !Ma pauvre ame aujourd'hui se sauve entre tes mains :Elle espère trouver dans ta Croix son asile.

L'Enfer & mes Péchés s'élèvent contre moi.Mais par toi, mon Sauveur, le Salut est facile :Le Pécheur qui timbrasse est sauvé par la Foi.

6.Êf 7.Mespéchésméritentdegrandssupplices, maisl'inno-cencedemonSauveurexige de bienplusgrandesmiféricor*des. Mon injusticeesténorme,maissonmérite laj'urpasfedebeaucoup. Quelpéchépeutf aire l'Homme, que lesangdu Fils deDieu, fait Hommeynesoitcapabled'effacer? St.Augustin.

f.Jésus-Cbriftprie peur nous, commenôtreSacrificateur; il. pne en nous, commenotreChef; 0 ;'/ est prié par mus,

commenotreDieu. Le même.K 4

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152 SONNETS CHRETIENS.

SONNET XXII.

PREMIER ADIEU DU MOURANT.

4 la Terre.

LEvoici, le beau Jour, le Jour tant désiré,

Où mon saint Rédempteur veut recevoir mon ame,Mon coeur s'élève à lui, mon coeur est tout de flame,Pour s'élancer au Ciel, où j'ai tant aspiré.

Doux moment, par mes voeux tant de fois attiré.Tu viens couper enfin de mes malheurs la trame.Jésus, que par la Foi j'embrasse & je réclame,M'enlevé d'une Terre pù j'ai tant soupiré.

Adieu, Terre couverte & d'horreurs & de charmesjTerre pleine d'erreurs, d'iniquités, d'allarmes ;Dont même les douceurs excitent ma pitié.

Si du mortel combat, passant à la victoire,Je laisse dans ton sein ma fragile moitié,Dieu seul sera mon tout dans le sein de la Gloire.

4. O belle Ç$brillante Maison/ moncoeurt'aime, il estravi de

tes beautés. St. Augustin. ,, 7. & 8. MônPasteur meportera lui-même dans laMaison de mon

Dieu,pour yjouir des délices de ceux qu'il a réconciliés parson Sang. Le méme.

Ii. Les vainesjoies du Monde mériteroient d'être pleurées. Leméme.

14. Dans la sainte Jérusalem, ton Dieu te sera toutes choses.Le même.

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LIVRE QUATRIEME. 153

S 0 N N ET XXIII.

SECOND ADIEU DU MOURANT.

Aux farem S aux Amis.

A Dieu, mes chersParens, mes Amis précieux :*

*Je monte à notre Dieu, je monte à notre Père ;Mes combats font finis, je fors de la misère ;Et j'échange aujourd'hui la Terre pour les Cieux.

Essuyez par la Foi les larmes de vos yeux ;Bannissez de vos coeurs votre douleur amere;Et si jamais pour moi votre amour fut sincère,

Contemplez mon bonheur, & soyez-en joyeux.

Ah ! que mon sort est beau ! qu'il est digne d'envie !

Je passe par la mort au séjour de la Vie,'Etne perds en mourant que la mortalité.

Suivez-moi, par les voeux de l'espoir & du zèle.La mort nous desunit pour un tems limité :Mais Dieu nous rejoindra dens la Gloire éternelle.

ï.Ce quetu estimesune mort , n'efl qu'un départ, unere-traite , un voyage. Tertullien. Et les saintsApôtres qua-lifientlamort undélogement.

$.Cefi offenserJésus-Chrìsl, depleurercommemisérables,ceuxqu'il appelleà lui. Le même.

11. Heureux pour qui la mort est morte! ancienne Epitaphe.Tumeurs; c'estdevenirimpassible',& secouerlejoug ae liMort. Pétrarque. La mortalité, £$ nonlaJubstance'deno-tre çorjis, estanéantiedansle Tombeau,St. Chrysostôme.

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I54 SONNETS CHRETIENS.

SONNET XXIV.

SUR LA MORT.

Assurance.

QUelest ce Monstre horrible, & sans chair & fans

»» yeux,Qui d'une taux armé, Grands & Petits menace ;Et qui d'un pied superbe, également terrasse,Et le Riche & le Pauvre, & le Jeune & le Vieux ?

Chrétien, voi saiis1horreur cet objet odi eux :

Voi, fous son masqué affreux, de ton Sauveur la face;

Voi, dans fa dure main, des Nouvelles de Grâce ;Et fous son manteau'.nùir. la Lumière des Cieux.

L'inévitable coupdè sá faux meurtrièreTermine avec tes jours ta pénible carrière,Et fait voler ton ame au Séjour de la Paix.

Ainsi le châtiment, dont l'offense est suivie,Porte un vieux nom, contraire à ses nouveaux effets ;La Mort n?est maintenant qu'un passage à la Vie.

i. Les Payens représentoient aussilaMort comme une Fillequiportoit une robe noire, semée d'étoiles, &qui avoitdes ailés noires.

ii. Heureuse Vame qui, délivrée de son corps, s'envole ainsitoute libre dans le Ciel! Qui ne désirera cette Paix, d'àVAme nefort point, où l'Ennemi n'entre point, é> où nousauransDieu mêmepour notre Possession0 pournotrePaix.St,Augustin.

?4.í£we ce passage de la Vie à la Vie est aimable ! Epitaphe4e Mélisse.

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LIVRE Q U A T R 1 E M:E. Ï5S

SONNET XXV.

ASUR LE MEME SUJET.

Attente. .

SItu vois le Soleil briller fur l'Hémisphere,

Pense en toi-mêrrfe, hélas ! le verrai-je demain ?

Oui, sais-tu quand la mort, se glissant dans ton sein,Eteindra de tes yeux le vivant luminaire ?

Ta vie n'est-elle pas une ombre passagère ,- Un flambeau qui s'écoule, & qui tire à fa fin ?

Ne voit-on pas périr le Malade & le Sain ,Le Prince en fagrandeur, le Pauvre en fa misère?

Mille accidens divers, dans lalice où tu cours,Peuvent trancher le fil du plus beau de tes jours ;C'est-là le triste fort où le péché t'engage.

Enfin la dure Mort, par les ordres de Dieu ,Menace également & tout Sexe, & tout Age.Mortel, attens-la donc, à toute heure, en tout lieu.

"*. Tu n'es que le locataire de la maison de ton corps, Ç$Dieu ne te l'a paslouéepourun temspréfix; mais il t'a dit,Soistoujoursprêt à déloger. St. Augustin.

«.L'Humeurradicale en est la cire, & la chaleur naturelleen estlalumière.

ÏÎ. Les Payens, laconsidérant commeune Déesseimplacablene lui avoientconsacréque deux Autels, l'un à Cadix , &l'autre à Lacéiémone.

14.Supportedoucementla vie, ǧ attens la mortconstamment*Pétrarque,

Page 170: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

i§6 SONNETS CHRETIENS.

SONNET XXVI.

SUR LE MKME SUJET.

Remède.

"PNtouttems,en tout lieu, fur la Terre & fur l'Eau,**-'Ressouvien-toi, Mortel, que tu dois te résoudreA voir au premier vent éteindre ton flambeau,Et que ton vase d'or doit enfin se dissoudre.

Jeune & Vieux, Riche & Pauvre, est soumis au tora-beau :

Les lauriers les plus verts sontsujets à la foudre :Ton corps, ce riche habit, ce chef-d'oeuvre si beau,Doit tomber dans la fosse, & retourner en poudre.

Chrétien, si ce Tableau t'imprirne de l'horreur,C'est ici le moyen d'en bannir la terreur,Et de braver la Mort & toute fa puissance.

Embrasse par la Foi l'heureuse Eternité;Et mets en ton Sauveur ton unique espérance ,•Mourant, tu revivras dans l'Immortalité.

4. Mot du Sage dans l'Ecclésiaste. Ce Vase d'er est leCrâne ouïe Coeur.

6. Malgré la supposition Payenne & superstitieuse desPoètes.

2. II devient un cadavre, <&•il péri même enfin ce nom.Tertullien. Quand il seroit embaumé, &dansun cercueilde pur or,comme le corps de Constantin.

11. Veux-tu vivre longtems? Cherchela vie où l'on ne meurt... pfiint. Pétrarque

14. C'est donc ici la Devise du Phénix t De la Mort l'ïmy.er*talité.

Page 171: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

1 I V R E QUATRIÈME. i$?

S 0 N N Et XXVII.

SUR ÌA MORT D'UNE FIÌLE DNÍQUE,

/ipostrophe.

Ainsij de tes beaux ans je vois finir le cours,

Doux Objet de mes voeux !Ainsi la Mort cruelle,Couvrant d'un noir bandeau ta brillante prunelle»Change en autant de nuits le reste de mes jours.

Quoi ! t'en vas-tu sitôt ? t'en vas-tu pour toujours ?

Trois ans ont-ils borné ta carrière mortelle ?.

Et t'enfuis-tu de nous, toi fi jeune & si belle ?

Revien, mon cher Enfant, mon trésor, mes amours 1

Máis pourquoi rappeller, par un transport extrême,Ta sainte ame >qui vole à la Gloire suprême ?

Mon coeur, ayons plutôt ce sentiment pieux :

C'est par Tordre d'en-haut que la Mort t'a ravis ;Et Dieu veut, en m'ôtant la moitié de ma vie,Que l'autre ne respire ici-bas que les Cieux.

^.L'affli£iione/l uns Nuit. St, Augustin. C'étoit la penséedel'Eglisede Babylone.

5. Cequï peut arriver en touttems, n''arrive pas avant le terns.Pétrarque. Vousn'avezpas eu le tems de-jouirde votre Fille:vousléserez pleinementdans le Ciel ; £? dèsà présentvous lapouvez voirpar les yeux del'Espérance. St. Chrysostômc.

li. VOUSn'avez sait que rendre le dépôt. N'en soyez plus enpeine: Dieu ne-vousl'q.repris quepour le mettre dansson Trè-sor'éternel. Le même.

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IS8 SONNETS CHRETIENS*

SONNET KXVlll.

SUR LE ME ME SUJET.

Prqfopopée.

CHersParens,dont les pleurs trempent mon monu-

ment,N'arrêtez point vos yeux fur cette tombe noire :Mais contemplez mon ame au séjour de la Gloire}Et par çe doux aspect.çeffez votre tourment.

De près je vois-mon Dieu, je lé vois clairement s

Ì'habiteun Palais d'or, de crystal & d'yyoire :

^a Palme, dans ma main, annonce ma victoire :La Lumière est ma robe, & Jésus mon amant.

La Mortm'enleve-t-elie au printems de mon âge?

J'enfuis plus promptement à couvert de l'orage,

\xje fleuris plus jeune au Paradis de Dieu.

Ne souhaitez donc pas, vous qui m'avez aimée,De voir par vos soupirs ma cendre ranimée :,Songez plutôt, songez, à me suivre en ce Lieu.

Î.Si l'on -ootiloittirer votreFils d'auprès de vous,pour lesairtRoi d'ungrand Royaume, resuseriez~vousde le laisseraller,pour nepasperdre le vain plaisir delevoir ? Et maintenantqu'il est passédansun Royaumeinfinimentplusgrand &plusheureux quetousceux de la Terre ensemble, vousnepouvez

souffrir d'êtreséparéde lui ! Maissongezquevous l'irez trou-ver bientôt. St. Chrysostôme.

iv. Les Saints fleurirent, deymt Dieu commedes Lys. StfAugustin.

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LIVRE QUATRIEME. 159.

SONNE T XXIX,

ASUR LE M E M E SUJET.

Prière.

ABattu, languissant, & noyé dans les pleurs,D'un amer souvenir j'afflige ma pensée ;

Et l'humeur , que mes yeux dans ma plume ont verséetMe sert d'encre aujourd'hui, pour peindre mes niai-'

heurs.

La Mort vient de faucher la plus belle des Fleurs ;Et la fleur de ma vie avec elle est passée.Un seul trait sa tendre ame & la mienne a percée,Et mes jours ne font plus qu'ennuis & que douleur, j

Prens pitié de mes maux, mon Sauveur & monPerej

Abrège ma langueur, adouci ma misère ;Envoyé à mon secours un saint Ange des Cieux.

Donne-moi fur moi-même une heureuse victoire : 1Soutien-moi par ta Grâce, & fai que de mes yeuxLes larmes pour jamais tarissent dans la Gloire.

1.Lesaffligés cueillentdesfruits doux , deVamertumedeslar-mes. St Augustin.

3.Cesparolesdevraientêtreécritesavecnés larmes.Le même,,5. Excès Poétique de passionpréoccupée de sonobjet, com-

me dansce Vers fameux: Et me dit qu'Uranie estfeule ai-mable cíf belle.

ï+.C'eft ici la Valléede larmes. Dieu essuyéles larmesencette Vie, maisillessécberaentièrementdansl'autre.St. Au-gustin.

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Ifiô SONNETS CHRETIENS.

SONNET XXX.

SUR LE TOMBEAU DU FIDÈLE.

Epitapbe.

LAMort n'a renfermé sous cette tombe noire,

Que d'un Fidèle heureux le simple vêtement %

L'Etpérance & la Foi l'ont porté dans la Gloire $

Quand í'a robe en dépôt fut mise au monument.

Passant, lis son bonheur', & bénis fa mémoire.En sortant de la vie il sortit du tourment :Il obtint dans fa mort rimmortelle victoire,Et le Siécle fans fin dans son dernier moments

L'esprit vola joyeux à la Voûte éternelle ;Et laissant au tombeau sa dépouille charnelle *Fut prendre avec les Saints un habit glorieux.

Ne pleure point le corps qui se change en poussière;Car enfin le Sauveur, lorsqu'il viendra des Cieux,Changera cette poudre en un corps de lumière.

'4. Èn quelque lieu quesoit notre chair, elle est en dépôt en hmain de Dieii, en Jésus-Christ, lefidèle Dépositaire,qui ren-dra Dieu à l'Homme , tHomme à Dieu , l'Ejprii à la Chair',la.Chair à l'Esprit, l'Ëpoux à l'Epmse, l''Epouseàï'Epoux.Tertuliieri.

j, £r" 10. Ayant mis las l'équipagede la chair, l'amearevohplus légèreàson Auteur. St. Jérôme. Il a lai/Téici la dé-

pouille dela chair , s:'envolantvers les Astres. Epitapìie d<St. Hilaire d'Arles.Oi^ ceval au Cielfil heatú Sr. Ambroise

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LIVRE QUATRIEME. I6t

SONNET XXXI.

SUR LES SAINTS MARTYRS.

Trophée.

J'Exalte

vos combats, d'immortelle mémoire,Héros du grand Jésus, Martyrs victorieux ,

Invincibles Soldats, Athlètes glorieux,

Qui vivez tous ensemble au Ciel & dans r Histoire»

. Défaits & terrassés, vous eûtes la victoire:Votre mort triompha des Tyrans furieux :Par des degrés sanglans vous montâtes aux Cieux,Et fur un char de flamme au Trône de 1a Gloire.

Ainsi, que faites-vous, ô Bourreaux inhumains ?Rien certes qu'avancer leur bonheur par vos mains sEt rehausser les noms de ces Témoins augustes.

Vous percez le Seigneur, en leur perçant le flanc :Mais de ce même bras qui verse tout leur sang,Vous répandrez par-tout la semence des Justes.

6. Le Soldat de J. c. triomphedans la Mort. M inucius Félix.10. La plus cruelle boucherie n'a pas abattu la fermeté de la

Foi, elle n'a fait qu'envoyer plus promptementau Seigneurles Hommes de Dieu. St. Cyprien.

ii. Persécuter les Saints, c'est les rendre plut illulìres. -St.Chrysostô.me.

14. Le nombre des Chrétiens multiplie, quand on les moissonne.Leur sat}gest une semence qui ne meurt pas sur la Terre 3mais gifj rejette heureusement. Tertullien.

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~ï6a SONNETS CHRETIENS.

SONNET XXXII.

SUR LE M E M E SUJET.

Béatitude.

ORiions des saints Martyrs les illustres tombeaux ;Répandons-y des fleurs, leur fort nous y convie.

Ces Soldats généreux méprisèrent leur vie,Bravèrent les tyrans, lassèrent les bourreaux.

Ils passèrent, fans peur, par les feUx, par les eaux ;D'un repos éternel leur course fut suivie ;Et la Terre pleurant leur présence ravie, .Le Ciel riant s'ouvrit à ces Hôtes nouveaux.

Vivez, vivez heureux dans la Gloire immortelle,Athlètes du Seigneur, qui d'un coeur plein de zèle,5ur un sanglant Autel consacrâtes vos Corps.

Vous,Chrétiensbénissez du grand Dieu k puissance,Qui fit j malgré l'Enfer, & malgré ses efforts,Du jour de leur trépas, le jour de leur naissance.

i. St. Cyprien dit que ï'Eglise a des couronnesblanchesdelis',pour couronnerlesConfesseurs; & des couronnespourprêisde roses, pour couronner les Martyrs.

8 Leur yeuxseferment, &P le Ciel s'ouvre. On leur domla mort ,&l'immortalité vient. On leur ôte le Monde,ils reçoiventle Paradis. Le même.

14.L'Eglise Primitive, comme on le voit dans Tertulïu& ailleurs, nommoit le jour de la mort de» M^í1».lejour deleur nativité.

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LIVRE QUATRIEME. 153

SONNE T XXXIII.

SUR LA RÉSURRECTION.

Merveille.

X Orsque la main de Dieu, fans art, fans instrument »

•-'Façonna le grand corps de la Machineronde 4A chacun des endroits de tout ce v aste MondeIl donna des vertus, des loix, des ornemens.

Ainsi, pòur obéir à ses saints réglemená,De Plantes & de Fruits la Terre fut féconde ;Et l'on vit les Poissons naître du sein de VOnde :Tel fut Tordre établi pour ces deux Ëlémens.

Mais contemplé, Mortel, une merveille étrange íVoici Tordre de Dieu, qui tout-à-coup se change.Pour rétablir ton corps, l'ouvrage de lés maih-s.

A la voix de Jésus, qui tonne dans les nues,Et la Terre & la Mer, nos Mères devenues,De leurs flancs entr'óuverts font sortir les Humains !

II. II est plus difficileque ce qui n'a point été commencéà ê-tre , que de refaire ce qui a été. Minucius Félix. Si donc

'.' Dieu nous a faits lorsque nous n'étìois pas , lui fera t-ildifficile de nous refaire aprèsquenous aurons été î St. Au-gustin.

14. C'est ce que ûous peint Esate, dans le tableau de ce grandJour : Réjouïfjez-vous, habìtans de la pouffitre ; car laTerre jettera hors ses morts. Et St. Jean dans l'Apoca-lypse , La Mer rendit ses morts.

L *

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164 SONNNETS CHRETIENS.

SONNET XXXIV.

SUR LE MEME SUJET.

Puissance de Dieu.

ELeVe,Homme mortel, ta noble intelligence,

Et contemple en esprit le beau commencement,Où, sans rien employer que la voix seulement,A ce vaste Univers Dieu donna Fexistence.

Du premier corps humain regarde la naissance :

Voi comme, pour former ce riche bâtiment,La main de TEternel, si magnifiquement,Avec un peu de poudre exerça fa puissance.

Envisage après tout ce Créateur puissant,

Qui d'Adam solitaire achevant Theur naissant,Fit d'une simple côte une Beauté suprême.

Douteras-tu, Chrétien, que fa même vertuNe puisse au dernier Jour, avec ta cendre même,Relever de ton corps Tédifice abattu ?

ix.Sil'Ouvragedu Créateur est fi beau & fi aimable, qu'eft-ce que ne doit pas être le Créateur lui-même ? Apprenonsdonc, par les Créatures mêmes que nous aimons, à leit-

firer avecplus d'ardeur; £f méprisons-lespourl'aimer.SlAugustin.

ii.C'estune plus grande opération, dedonnerlecommencemenà une chose, que de la rétablir dans l'état qu'elle a étl

Ainsi tu dois croire que c'est ùne oeuvreplus facilederendrelavieàlacbair, quedel'avtir créée. Tertullien.

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LIVRE QUATRIEME. 165

S O N N E T XXX K

SUR LE M E M E SUJET.

Espérance du Mourant.

Ainsi,vasede terre, ainsi, corps languissant,

Portative maison, tabernacle fragile,Et d'un tout précieux moitié foible & débile,Tu t'en vas fondre enfin !tu t'en vas périssant !

Mais en toi je m'assure, ô Sauveur tout-puissant !Ta Parole & ton Bras, à qui tout est facile,M'enlevant du tombeau , feront de cette argile,Au matin du grand Jour, un corps refplendistant.

Oui, que bientôt mes yeux soient privés de lumière,Que mes mains & mes

pieds,dans l'affreuse poufliere,

Servent & de victime èc de pâture aux vers.

Ces yeux doivent un jour contempler ton visage ;Ces mairts t'applaudiront, Juge de PUnivers ;Et ces pieds te suivront au Céleste Héritage.

5. Chair, qui êtes l ouvrage desmainsdu Créateur, la Reinedes Créatures, l'Héritière desbiensdeDieu , g* laSmurdeson propreFils, soyez en assurance! Vous avez un droitacquis dans leCiel, & dans le RoyaumedeDieu. Tertul-lien.

%.II brilleracommele Soleil, dit l'Ecriture. Et St. Augustindit qu'alorsDieu cbangeranotre Terre enor, £f quede lachair ilfera un Ange.

i\iVoicinotre Dieu.! nousl'avons attendu: aussinoussauve»ra-t-il, Esale XXV.

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ïftS SONNETS CHRETIENS,

SONNET XXXVL

SUR LE MEME SUJET,

Prosopopée de l'Ame.

T Eve-toí, mon cher corps, mon ami précieux,"-MMon hôte naturel, mon compagnon fidèle:La trompette résonne, & TArchange t'appelle :Tu dois prendre à cc coup ta place dans les Cieux,

Mais quels rayons déjà paroissent dans tes yeux fTu laisses au tombeau ta nature mortelle :

Je te vois revêtu d'une beauté nouvelle :

Je te sens immortel, agile & glorieux.

La Mort est maintenant engloutie en victoire jEt tu vas aujourd'hui recevoir, dans la Gloire,

L'incomparable prix de ta fidélité.

L'impitoyable main, qui ferma ta paupière,Rompit pour quelque tems notre union première :

Mais Dieu nous a rejoints pour une éternité.

ï. Après l'amour que tu dois à Jésus-Christ, il n^estpoint de

Créature, ô Ame! que tu doivis tant aimerqueton corps,puisqu'il renaît en Dieu avec toi. TerÇullien.

4. Si l'ame est l'Epouse, ellesera suivie de la chair, comine- defan équipage, commedefa dot, de son ornement, dest

servante <&•desasmur de lait. Le même.ïi. Entant que la chair prête son service à l'ame , elleestap-=

pellée avec elle à la possession(letousses biens, £3''tempo*ïels & étemels. Le même. ,

"

Page 181: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

LIVRE QUATRIEME. 167

SONNE XXXFIL

SURLE JUGEMENT DERNIER.

Exhortation.

JOur,

le dernier des Jours, Moment épouvantable !

Oii PEternel, qui fonde & les coeurs & les reins,Sur un Trône entouré d'Escadrons d'Anges saints,Paroîtra dans les airs pompeux ûc redoutable !

O ! qui ne tremblera, quand ce Juge adorable,Les éclairs dans les yeux, la foudre dans les mains,La trompette sonnant, citera les HumainsA rendre à fa Justice un compte inévitable ?

Considérez, Mortels, ce Tribunal de Dieu íRedoutez-le en tout sexe, en tout âge, en tout lieu ;Et prenez cette voix pour compagne éternelle ;

O vous tous! qui dormez dans le noir Monument,Le grand Juge apparoît, son ordre vous appelle :Sortez de vos Tombeaux, venez au Jugement.

1. Quel sera cet Avènementdu Seigneur, alors superbe £?triomphant! Quelsera ce Jour dernier & perpétuel, qui,par unseul embrasement,engloutiralagrande vieillesse, &les innombrablesnaissancesduSiécle!Quellesera alors l'ex-altationdesAnges , la gloiredesSaints, lapompedela Nou-velleJérusalem ! Tertuílien.

ti.Soit queje mange, ou queje boive, ou queje f ose quel-que autre chose, cette voix terrible resonnetoujoursâmesoreilles: OMorts! levez~vous, & venezau Jugement.St.Jérôme.

L 4

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ió8 SONNETS CHRETIENS.

SONNE XXXVIII.

SUR LE M E M È SUJET.

Invocation.

ADorableSauveur, que la Gloire environne,

Quand mon oeil apperçoit, dans le vague des ais,Ton Tribunal dressé pour juger TUnivers,A ce terrible aspect, je pâlis, je frissonne.

Je vois tous les Humains comparaître en personne sLes Faits mis en avant, les grands Livres ouverts,Des Coeurs examinés les secrets découverts :Tout y passe à son tour, & Houlette & Couronne.

Misérable Pécheur, n'espère pas alors,Que ni voeux, ni soupirs ^ni raisons, ni trésors,Puissent fléchir le Juge & couvrir ta malice.

Ma nudité, Seigneur, cause mon tremblement :Revêts-moi du manteau de ta sainte Justice,Pour paroître sans crainte en ce grand Jugement.

/j.Lorsque je me trace l'image de ce Jugement à venir, jeJ'uispénétré de crainte ,& la douleur dont je fuis percé me

fait fondre enlarmes. Chrysostôme.S. C'est ici le temsde la Miséricorde, cesera akrs le tems du

Jugement; mais onse repentira envain : la confessionmêmedespéchésneservira qu'à aggraver la condamnation. Repen-tons-nous donc .àpréfent, que vouspouvonsrecueillir'dufruitdenotre repentance. St. Augustin.

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LIVRE QUATRIE ME. 169*

SONNE XXXIX.

SUR LE MEME SUJET.

Confiance.

TRemblez,Médians,tremblez àl'afpect du grand

Roi,Qui vient faire Justice, & condamner le Monde.En vain chercheriez-vous dans la Machine ronde,Un lieu pour vous sauver en ce mortel effroi.

Pour moi, j'ai mon refuge au Rocher de ma Foi.

Mon Juge est le Sauveur où mon espoir sé fonde.Couvert de sa Justice, & plongé dans son Onde,

Suis-je pas à Tabri des foudres de la Loi ?

Ton Trône, Divin Juge ! est l'appui de mon ame.

J'apperçois ton amour dans l'ardeur de ta flame : ,Ton Arc est de ma Paix le signe glorieux^

Ta Trompette est enfin le Héraut de ma Grâce :

Í'aiplace à ta main droite ; & ma foi, par mes yeux,

Atdéjà mon bonheur dans les traits de ta Face.

i. Les Mèchansserontépouvantés,lorsqu'ilsverront encejour-la ce qu'ils ne croyent pas maintenant : maù les Justesseréjouirontdevoir cequ'ils croient. St. Augustin.

7. Dans la Mer RougedesonSang, dit St. Augustin, & dansle BaptêmedesonEsprit.

ìio.Cefeu brû'erapour les Méchans, mais il ne fera qne luir»pmr lesJustes. St. Augustin. Enceiasemblableaufeudela Fournaise de Babylone.

n. Allusion à l'Are-en-ciel de laNature, à. à celui de l'A-pocalypse. i, 5

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17© SONNETS CHRETIENS,

S O N NET XL.

SUR L'ENFER.

JUsteDieu, que l'Enfer est un gouffre effroyable !

Ses ténèbres, ses feux, son souphre, ses tourmens,Ses gênes, ses bourreaux, ses cris, ses hurlemens,N'ont rien dans TUnivers qui leur soit comparable.

Là, ronge incessamment le ver insatiable :

Là, l'on sent du remords les époinçonnemens :

Là, fans pouvoir mourir, Ton meurt à tous momens :

Là, TEternité rend la peine épouvantable.

Objet rempli d'horreur, tu viens mal à proposIntimider mon ame, & troubler mon repos ;Loin d'ici, noire image, à mon bonheur contraire.

Non, revien ; c'est ma chair qui m'aveugle en ce point,Mais voici de Pesprit le conseil salutaire:Crains fans cesse TEnfer, pour n'y descendre point.

I.Cest un Abîme sans fond, une Mer defeu, qtti rouleJesflots brûlans d'une manièred'autant plus effroyable,qu'elleest incompréhensible.St. Chrysostôme.

14. Que ceux qui n'ont point de passion de voir la Face de

Dieu, craignent au moins le feu defa colère. Que lessup-plices épouvantentceux que les récompensesne peuvent at-tirer. Ceque Dieu tepromet, tesemble-t-il peu de chose?Tremble de la menace du feu éternel : c'estpar cettemena-

reque Dieu veut te détourner du mal, & teporter au bien.gt Augustin,

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LIVRE QUATRIEME. 171

S 0 N N ET XLI.

SUR LA GLOIRE DU PARADIS.

RichesVoûtes d'azur, Flambeaux du Firmament ;

. Couronnes, Dignités, Grandeurs, Pompe RoyalçjFestins, Concerts, Parfums que l'Arabie exhale ;

jardins, Fleuves, Palais bâtis superbement :

Soleil, du haut Lambris le plus noble ornement ;Perles, Rubis, Joyaux de l'Inde Orientale ;Trésors, que TOccident aujourd'hui nous étale ;Eclatantes Beautés de ce bas Elément :

Objets les plus charmans de toute la Nature ,Venez ici m'aider à former la peintureDu ravissant Bonheur que Dieu prépare aux siens.

Mais non ,'ne venezpas : cette Gloire suprême,Oìi dansl'Eternité l'on possède Dieu niême,Surinasse infinimentla Nature & ses biens.

%3*.Dieu donnequelquesoisses biens temporelsaux Mèchans, Çfne lesdonnepas aux Bons', mais ilJe réserve lui-même auxBons, il fera lui-même la récompensedes Fidèles. Dans laGloire nous serons unis à Dieu, après lequel nous avonstoujours soupiré en cette vie, Alors Dieusera notre bien&notre lumière, notrenourriture , notrevie, notrerepos, £?toutes choses.St. Augustin.

JSf.Il estplus aisé de dire ce quela Vieéternellen'estpas, qued'exprimer cequ'elleest. Le même.FIN DU IV. ET DERNIER LIVRE,

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173

LES

PENI TENTIAUX,

En Vers Héroïques.

Par feu MR. DRELINCOURT, Pasteur de

l'Eglise de Niort.

PSEAUME VI.

GRandDieu!qui me permets de t'appeller mon Père,

Ne me visite point en ta juste colère,Moi qui t'ai tant de fois, coUp fur coup, irrité.

J'ai fur ma tête, hélas! attiré tes vengeances ;Mais détourne tes yeux de dessus mes offenses,Et ne me traite pas comme j'ai mérité.

Vien plutôt, mon Sauveur,sur moi ta Grâce épandre,Et me fai ressentir ta pitié douce & tendre ;

Í'enai besoin, Seigneur, dans les maux que je sens.

-a douleur me transit, tout mon corps en frissonne :

Je isen puis plus, hélas ! la force m'abandonne ;vien soutenir mon coeur, & ranimer mes sens.

"" "Mon

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i7+ P S È A U M Ë Ví.

Mon esprit agité, comme dans la tourmente,Passe de vague en vague. & prenant Tépouvante,-Ressent à chaque assaut de nouvelles terreurs.Dieu tout-sage & tout-bon, jusques à quand sera-ce ?Puissant Libérateur, source de toute grâce,

Quand verrai-je finir inés combats & mes pleurs ?

Je lailguis, je me meurs, loin de ton assistance.

Jette les yeux fur moi, regarde ma souffrance ,•Et par tes doux regards soulage mon tourment.

Ìeíai que mes péchés devant toi font extrêmes ;

lais plus ils sont crians, plus tes bontés suprêmesDans Téclat du pardon paroîtront clairement.

Sauve-moi donc, Seigneur, par ta haute clémence jCar darts le lieu funèbre, où règne le silence,Entendit-on jamais tes vertus réciter ?Et quelqu'un pourroit-il >,enfermé dans la bière,Et dans les noirs cachots de Taffreule poussière jDe ton Nom glorieux les merveilles chanter?

PAUSE.

, Le mal qui jour & nuit me presse & me tourmente,Quand je veux reposer, s'envenime & s'augmente jJe fonds comme la cire, érímes vives douleurs.De cent combats divers j'éprouve les allarmes ;Et, brisé de tes coups, je verse tant de larmes,Que mon lit est noyé du torrent de mes pleurs.

Oui, mes yeux languissansjsous leur foiblepaupiere3Consument leur vigueur & perdent leur lumière,A pleurer, nuit & jour, l'état où tu m'amis :Un noir chagrin les ronge ; & leur plus grande peine ,Dans ma mortelle épreuve, est la joie inhumaine,Qui paroît fur le front de mes fiers ennemis.

Mai?

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P S E A U M E XXXII. -Í7J

Mais loin d'ici, Méchans ; éloignez-vous, Iniques ;Abandonnez ces lieux, fuyez, Pestes publiques,Persécuteurs des Saints perturbateurs des Loix :

Envain votre malice insulte à ma misère,Le tout-puissant Seigneur, en qui mon ame espère,De mes tristes accens a bien ouï la voix.

Loin de fermer Toreille à mon humble prière,Du Monarque des Cieux la bonté singulièreRépond à mes désirs, & rend mes voeux contens :Sa promesse m'aflure, & fait mon espérance :Sa bonté me console ; & pour moi sa clémenceEst un Trône de Grâce accessible en tout tems.

Qu'ainsi dans un instant mon cruel Adversaire,Par une délivrance à ses voeux si contraire,Devienne également & surpris, & jaloux ;Qu'il s'en aille confus dans fa noire malice,Puisque Dieu, qui toujours à mes cris eít propice,Me témoigne un amour si constant & si doux.

P S E A U M E XXXII.

HÉureux

est le Pécheur, de qui Dieu, par fa grâce,Plein de compassion, tous les crimes efface !

Heureux le Criminel, de qui tous les péchésAux yeux de TEternel pour jamais sont cachés !Enfin, Seigneur grand Dieu ! cent fois heureux j'estimeL'Homme à qui ta bonté n'impute point son crime jEt dont Tesprit toujours fur tes Loix arrête,Fuyant Oiypocrìsie, aime Tintégrité,

Soit

Page 190: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

i7<5 P S E A U M E XXXII.

Soit qu'en mes maux ma bouche ait gardé le silenceOu que tantôt cédant aux coups de la souffrance,Ma douleur par les yeux ait enfin pris son cours ;On m'a vu fondre, hélas ! & périr tous les jours.Alors, Seigneur grand Dieu, j'avois ta main sentie,Sur moi, par mon péché, sans-cesse appesantie ;On a vu ma vigueur, dans cette extrémité,Se sécher comme un champ dans Tardeur de TEté.

Mais je t'ai hautement confessé mon offense ;J'ai solemnellement imploré ta clémence,Et ta grâce à Tinstant produisant son effet,Le pardon a suivi l'aveu de mon forfait.Ainsi le Pénitent, pour son bonheur, éprouve,Qu'en recherchant ta grâce, aisément on la trouve ;Et que sous ta faveur, à l'abri de tous maux,Même dans, ùn Déluge, on peut braver les flots.

PAUSE.

Contre tous ennemis tu me fers de défense;Dans mes plus grands besoins, tu fais mon espérance ;Et sorti du danger, je trouve mille fois

Sujet de te bénir, du coeur & de la voix.Vien donc ici, Mortel, apprens comme il faut vivre !

Je te veux enseigner le chemin qu'il faut suivre ;..Et mon oeil fixement sur tes pas arrêté,T'empêchera de prendre un chemin écarté.

Ne devenez jamais à des chevaux semblables,'Privés de sens, fougueux, farouches, indomptables :Pour réprimer leur fougue, & dompter leurs efforts,II faut mettre en usage & la bride, & le mords.Le Pécheur endurci fera dompté de-même >

í < - Pal

Page 191: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

P S E A U M E XXXVIIL 177j?ar les vives douleurs d'un châtiment extrême jMais celui qui fur Dieii son espoir fondera,De toús íes ennemis enfin triomphera.

Peuple à fíieu consacré, qu'aujourd'hui Ton vous voieCélébrer avec moi l'Auteur de notre joie ;Et par un saint concert tous ensemble s'unir,Pour porter fa louange aux siécles à venir;

&*§*—§43l*§* ^^çf-^i^"-^

P S E A U M E. XXXVIIL

NEprens point, ô Seigneur, dans ta grande colère,

D'un indigne Pécheur le châtiment séveré,Qu'il a par ses péchés justement mérité;Eloigne mes forfaits des yeux de ta Justice ;Fai-moi miséricorde, ô Dieu ! sois-mòi propice ,Et rri'épargné les eoups de ta sévérité.

De ton carquois, Seigneur, les flèches trop ardentes,Par le subtil venin de leurs pointes brûlantes,Pénètrent aujourd'hui jusqu'au fond de mes os ;Et ta main, Seigneur Dieu, fur moi dure & pesante»Par ses eoups, redoublés, m'afflige & m'épouvante $Sans me laisser jamais ni trêve, ni repos.

Ma chair de tous les maux souffre la violence >Et dans Textrémité de ma dure souffrance,De ton juste courroux j'éprouve les effets;Et mes os, étonnés & mis comme à la gêne,Sans trouver de repos dans leur cruelle peine,Ressentent jour & nuit tous les maux que j'ai faits.

Mes funestes péchés, assemblés fur ma tête,M'ont exposé, Seigneur ,,aux eoups de ta tempêse.

M -Et

Page 192: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

17$ P S E A U ME XXXVIIL

Et de cent traits mortels à tes pieds abattu.Mon crime à ma raison paroît si détestable,Que sa laideur m'effraye & que son poids m'accable,Faisant atout moment succomber ma vertu.

PAUSE I.

Je ne suis plus, hélas.' que douleur, que blessure,Qu'infirmité, que pleurs, que playe & pourriture,Et qu'un objet d'horreur & de compassion. '

O folle passion !source de mes misères /O remords, qui rendez mes larmes plus amères !Vous redoublez les cris de mon affliction.

Le mal, dont je ressens Textrême violence,M'a courbé contre terre, & déjà par avance,Et attendant ma mort, m'approche du cercueil:On remarque, à me voir, que je marche avec peine ;Ou, pour mieux dire, on voit, hélas ! que je me traine,Portant fur tout mon corps la tristesse & le deuil.

Un feu lent & secret s'est glissé dans mes veines,De ses vives ardeurs mes artères sont pleines,.Et son activité me ronge nuit & jour.L'ennemi s'est rendu le maître de ma vie,II a fur ma santé sa fureur assouvie,Et ma force s'en va, fans espoir de retour.

Autrefois vigoureux, jeune, robuste, agile.Aujourd'hui languissant, foible, mourant, débile,Je fuis cassé par l'âge, & par Tinfirmité.Aussi dans les douleurs dont mon ame est pressée,Ma bouche répondant à ma triste pensée,

Je rríe plais, jè fierais- en cette extrémité.... "

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P S E A U M E XXXVIIL 179

Seigneur mon Dieu, tu fais quelles sont mes allarmes:Oui, le tableau vivant de mes plaintives larmes.Tracé par mes douleurs, & toujours par mes yeux,Et de mon triste coeur les profondes pensées,Parla voix des soupirs en secret prononcées,Vont frapper ton oreille en tout tems, en tous lieux.

Mes esprit sont éteints, le coeur me bat fans-cesse ;Ma force m'abandonne, & je tombe en foiblesse ;Mes sens font interdits, & mon corps est perclus.Où sont-ils ces chers yeux *, ces flambeaux de ma vie ?La lumière du jour leur est-elle ravie ?

Oui, mon Dieu, tu le veux, hélas! ils ne sont plus!

Mes prétendus Amis, dans mes malheurs extrêmes^Insensibles & froids comme, les rochers mêmes,De mon soulagement ne prennent aucun soin :A celui que le sang a rendu mon plus proche,

Je puis, avec raison, adresser ce reproche,

Qu'il ne m'a point connu dans mon pressant besoin.

PAUSE II.

Les uns avec ardeur souhaitent que je meure jLes autres, ne pouvant en laisser venir Theure,Par leurs complots divers en hâtent le moment.Même pendant le tems que je demeure au Monde,Leur langue, en exerçant fa malice profonde,De ses traits enflammés me perce incessamment.

Mais l'Eternel mon Dieu, par fa grâce infinie,Rend vaine contre moi toute la calomnie-,Et de tous ses.assauts m'ôte le sentiment.11arrête l'essor de mon impatience,

Et* L'Autcmavoit perduU vussix ans ayantse more-

M a

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180 P S E A U M E XXXVIIL

Et fait que, daris mes maux, je garde le silence jSans prononcer un mot de plainte seulement.

C'est toi, Dieu juste & bon, qui me feras justice ;Tu viendras des Méchans reprirììer lá malice *Et contre leur fureur me prêter ton secours :

Mon Seigneur & mon Dieu ! c'est en toi que. j'espère ;Dès mes plus tendres ans tu te montras mon Père,Et dans tous mes besoins tu le feras toujours.

Prens garde aux ennemis qui fans cesse m'épientfEt viens fermer la bouche à ces Méchans qui rient

Du malheureux étatdans lequel je me voi :

Pai taire pour toujours leur noire médisance *Et ne laisse jamais à leur folle insolence

Un prétexte malin de se moquer de moi.

F A Ú S E<

Accablé sous le faix d'une peine mortelle ,-Et brisé par ta main, je tremble, je chancelle4Et je suis fur le point de tomber à tous coups.Verse tá sainte grâce en mon ame blessée ;Soutiens-moi par ta force, ôte de ma pensée,L'effroyable tableau de ton ardent courroux.

Mon Dieu î je suis confus, je fuis couvert de honte,

Íefuis rempli d'horreur, quand mon cceur me raconte

'ar un secret récit mes iniques forfaits.

Suede regrets cuisans ! que de tristes allarmes !

es yeux,mes tristes yeux,ah! fondez-vous en larmes,Et pleurez nuit & jour les péchés que j'ai faits.

Mais, pendant mes douleurs, ceux qui ra'ont pris enhaine.

Font

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'. « P S E A U M E LL J8I

font leur plus grand plaisir de ma plus grande peine,Et dans leur mauvais train s'avancent tous les jours :

Aucun événement à leurs vceux ne s'oppose 5Et dans tous les desseins que leur coeur se propose,De leurs prospérités rien n'arrête le cours.

Les esprits divisés à me haïr s'unissent,Et d'un commun accord leurs langues me maudissent.Exprimant de leur coeur Tingrate lâcheté.C'est-là de mes bienfaits Tunique récompense ;Et tu sais, ô mon Dieu! comme dans ma souffranceLe sujet de leur haine est mqri intégrité.

Ton Serviteur périt, si ta main Tabandonne :Ne t'éloigne jàtnais de ía'foible personne ;

Íe

ne trouve, sáhs toi, que misère à jamais,ette fur moi ? Seigneur, lés regards dé ta face:

Eclaire-moi, mon Dieu, des rayons de ta grâce,Etmererispourtoùjour$laìumiere$; la paix.

O mon Père & mon Dieu! tes grâces paternellesSont toujours & l'asyle & l'espoir des Fidèles,'Et c'est d'eux, en tout tems, que ta bonté prend foin.Des yeux de ta pitié regarde ma souffrance ;Hâte, ô Seigneur mon Dieu! hâte ma délivrance;Leve-toi, marche, avance, acc'our? à mon besoin.

P S E A U M E LI.

f^Race! grâce ! pardon ! souverain Roi des Cieux,

2~ Efface mes forfaits par ta haute clémence;Fai-moi sentir l'esset de ta douceur immense,Et prens quelque pitié d'un Pécheur odieux.

M 3 C'est

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i82 P S E A tf ME Ll,

C'est en toi seul, grand Dieu! que mon espoir se fonde;Ne mVbandonné pas dans ce pressant besoin ;Mais lave mille fois, & relave avec foinDe monsale péché la tache trop profonde.

Mon coeur est tout rempli de tristesse & d'effroi,11reconnoît sa faute, & sent qu'elle est énorme :Mon crime, ô Juge saint ! sous fa plus noire forme,.Et tous lieux me poursuit & se présente à moi.'C'est à toi proprement que s'adresse l'offense.

J'ai blessé de tes yeux l'extrëme pureté ;Et si ta main me traite avec sévérité,Tu seras juste & pur en montrant ta vengeance.

Je le sai trop, Seigneur, & je l'ai toujours su,Hélas! j'étois pécheur, même avant que de naître :

Oui, mon Dieu, mon Sauveur, j'ai commencé de l'être,Au moment qu'en son sein ma Mère m'a conçu.Puis„je ici me couvrir d'un voile d'ignorance ?Mais instruit dans tes Loix & dans ta Vérité,N'ai-je pas contre moi, dans mon iniquité, >

Pour juge & pour témoin ma propre conscience ?

Le péché me noircit, il offense tes yeux :Mais lave ce pécheur dans les eaux de ta Grâce ;Et fi ta main, Seigneur, mes souillures efface,Je paroîtrai plus blanc que la neige des Cieux,

je sens mes os brisés , & ma force abattue ;Rétabli-moi, mon Dieu, rens-moi plus que vainqueur;Viens consoler mon ame & réjouir mon coeur,Et fai cesser enfin la douleur qui me tue.

PAUSE,

N'attache plus tes yeux fur mes lâches forfaits,"..:, • Re-

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P S E A U M E LI. 183

Regarde-moi, Seigneur, d'un visage de Père,Et couvre pour jamais, aux yeux de ta colère,D'un pardon général tous les maux que j'ai faits.

Que ton Esprit, Seigneur, en moi se renouvelle ,

Qu'il y forme un coeur pur, rempli d'intégrité,De justice, d'amour, de foi, de chasteté,Remis dans son devoir, brûlant d'un nouveau zèle.

Mes indignes forfaits de toi m'ont reculé :Viens me rejoindre à toi, par ta main paternelle;Viensfaire dans mon coeur ta demeure éternelle ,Par l'Esprit de ta Grâce, en moi renouvelle ,Banni de mon esprit la noire inquiétude,Fais-y rentrer le calme & la tranquillité ;Rétabli dans mon coeur l'esprit de liberté,Etm'ôte pour jamais l'esprit de servitude.

Alors, non seulement je suivrai tes sentiers,Mais les plus grands Pécheurs , instruits par mon

exemple,Coudront tous, à l'envi, t'adorer dans ton Temple,Et viendront fous tes Loix se ranger volontiers.Tant de sang répandu te demande vengeance :

Maisfai taire fa voix, Dieu tout-juste & tout bon:Et fi de mon péché je reçois le pardon,Ma bouche incessamment chantera ta clémence.

Viens donc, Seigneur monDieu,viens ouvrir désor-

. maisMes lèvres, que la honte a fi longtems fermées ;Et tu verras alors tes louanges seméesEn cent climats divers, par ma langue, à jamais.Si tuvoulois,Seigneur, que pour lavermes crimes,Le sang des animaux coulât fur tes autels,Je l'eusse offert cent fois ; mais aucun des mor t elsNe peut íe rendre pur par ces foibles victimes.

M 4'

. Non»

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i34 P S E A U M E CIL

Non, le seul sacrifice agréable à tes yeux sn

C'est d'un Coeur pénétré la douleur pénitente â.C'est une Foi sincère, une Prière ardente ,Un Esprit par íòii zèle élevé jusqu'aux Cieux.

Que ta Grâce, ô Seigneur, ta Sion fortifie,Que ta Jérusalem éprouve ta bonté ! i

Oui',répans tes faveurs fur ton humble Cité : |Augmente ses Enfans, & ses murs édifie.

Nos coeurs étant alors par ta main disposés,Nous" t'en ferons,-Seigneur, une agréable offrande:Les Boeufsalors,grandDieu!que taLoi nous demande,Sur tes sacrés Autels par nous seront posés.

P S E A U M E Cil.

TOiqui peux tout entendre , écoute ma requête,

Tirë-moi du danger qui menace ma tête,'

Ouvre-moi le chemin pour aller jusqu'à toi,Montre-moi ton visage, & calme mon effroi.Dans ma vive douleur, à nulle'autre pareille,Prête à mes cris perçans ta favorable oreille.

Jusqu'ici je t'appelle, & tu ne répons pas :

"Viens, Seigneur, il est tems, fauve-moi du trépas.

O ui, je sens que ma vie est presque consumée,Ainsi qu'une vapeur qui s'exhale en fumée ;Et mes os décharnés, dans un corps abattu,De soutenir ce corps ont perdu la vertu.Dans ce funeste état ma vigueur est séchée,Comme est sèche, le soir, l'herbe qu'on a fauchée;Et me voyan toujours menacé de périr,

Je néglige la vie & jesonge àmourir.

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P S EAU M E CIL 185;On diroit que ma peau, par les chagrins noircie,

'

Est collée à mes os, tant elle est endurcie:

C'est pour ce triste état que ma mourante voix

Remplit l'air de ses cris, & gémit tant de fois.

Je ressemble à l'Oiseau, qui, triste & solitaire,Cherche l'óbscurité, haïssant la lumière ;

Je suis, dis-je, semblable à l'hôtesse des Bois ?Qui dans les sombres lieux fait entendrs fa voix.

Tel que le Passereau, qui seul, dans son veuvage sPasie à j'ombre d*un toit le reste de son âge,Ainsi la solitude, én l'état où je suis,Me sert à diísipermes plus profonds ennuis.La troupe des Médians me poursuit & m'outrage ;

Je sehs fondre fur moi les effets de leur rage ;Mon nom sert à couvrir leurs folles passions,Et leur fureur l'emploieen imprécations.

P A U S E I.

De mon affliction la cendre & la poussièreEst, dans mon triste état, mon repas ordinaire ;Et dans le sentiment de mes vives douleurs,

Je mêle mon breuvage avec l'eau de mes pleurs.C'est le terrible effet de ta juste colère.

Autrefois, Seigneur Dieu, tu me traitas en Père ;Mais ayant fur ma tête attir0 ton courroux,Je me vois abattu fous le poids de tes coups.

Mes jours passent soudain , comme on voitpassersombre,

Qui décline & qui fuit vers la nuit la plus sombre,On me voit tout à coup par ta main retranché ;Je sèche, comme un pré qui vient d'être fauché.Mais j ô Seigneur grand Dieu 1 tu fais ta résidence v\

M 5 Dans

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lS5 PSEAUME. CIL

Dans un brillant Palais d'éternelle existence.;Et ton Trône, élevé plus que ne font les Cieux,Est toujours adorable & toujours glorieux.

Toi, de qui la bonté répond à la puissance,Immuable en promesse, aussi-bien qu'en essence,Tu prendras donc enfin quelque compassionDe ta sainte Ci té, de ta chere Sion.N'est-il pas tems, Seigneur, que ta bonté s'emploieA changer ses soupirs en cantiques de joie ?Ne voit-on pas rougir l'aurore du beau jour,Où ton Salut viendra nous marquer ton amour ?

Les Enfans de Sion regardent ses masures ;Souffrant, à leur aspect, les peines les plus dures ;Et ce funeste objet excitant leurs douleurs,La poudre de Sion se mêle avec leurs pleurs.Tous les Peuples alors seront saisis de crainte,Et trembleront auxpieds de-ta Majesté sainte ;Même les plus puissans des Princes & des Rois,Epouvantés, viendront se soumettre à tes Loix.

Notre aimable Sion, maintenant désolée,Par la main du Seigneur s'en va renouvellée.

Je le vois, je le vois ce Sauveur glorieux,Qui, pour la rétablir, va descendre des Cieux.Nos larmes tant de fois dans son sein répandues,Nos cris qui tant de fois ont pénétré les nues,Pour notre délivrance, enfin, dans ce beau jour,Ont ému fa tendresse & vaincu son amour.

P A U S E II.

Sur le marbre & le bronze on gravera l'histoire,Où des faits du Seigneur on marquera la gloire,' .. ..

pour

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P S E A U M E CIL 187

Pour en éterniser l'illustre souvenir,Et remplir de son Nom les siécles à venir.

L'heureuíeNation au Seigneur consacrée,Comme si de nouveau le Seigneur l'eût créée,Du coeur & de la voix, pouf sa rare bonté,Chantera sa louange à perpétuité.

Oui, pour nous l'Eternel, changé de Juge en Père sA détourné les yeux de fa juste colère ?

Et de son Trôné auguste, assis fur tous les Cieux,Il a tourné fur nous lès regards précieux :II aprêté Foreille à la voix pitoyableD'un Peuple gémissantsous le mal qui Faccable >Et fa main va changer notre malheureux fort,Nous mettre en liberté, nous sauver de la mort.

Les voûtes de Sion, pleines de tes merveilles,Retentissant alors, rempliront les oreilles';Et, dans Jérusalem, le bruit de tes exploitsExercera fans-cesse & les coeurs, & les voix.Toutes les Nations en un corps assemblées,Dans ton Temple, à l'envi, feront leurs assemblées,Et l'on verra par-tout les plus puissans des RoisRelever de ton Sceptre, & vivre fous tes Loix.

PAUSE III.

Contre moi, cependant, ta main se fortifie,Et je sens défaillir la force de m a vie;Je sens que tes bontés interrompent leur cours,Et que, le bras levé, tu menaces mes jours.Seigneur ! ne m'abbas point fans espoir de ressource,Ne tranche pas ma vie au milieu de ma course,Toi, qui sans changement, dans ton éternité,N'as point d'ans-achevés, ni de cours limité.

Créa,

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m P S E A U M E CXXX.

Créateur tout-parfait, tout-puissant, & tout-fage !Et la Terre & les Cieux sont-ils pas ton ouvrage VTerre & Çieux, néanmoins, tout enfin passera,Et le vaste Univers après tout finira.Dans ton Etre éternel, grand Dieu ! tu te reposes,Pendant que fous tes pieds vieillissent toutes choses,Et qu'ainsi qu?un habit qui s'use avec le tems,Tout s'use»,tout fléchit sousl'empire des, ans.

Tout, dis-je enfin, tout s'use & périt avec sage,Comme s'use un habit par un trop long usage :Oui, même ces beaux Cieux quelque jour changeront,Et toutes leurs beautés avec eux passeront.Mais, ô Dieu toutrpuissant ! ô Majesté suprêrne JTu vis toujours égal & semblable à toi-même ;Rien ne peut obscurcir, ni troubler tes beaux jours sEt rien n'en peut jamais interrompre le cours.

Aussi, toujours constant dans ta sainte Alliance,Tu nous donnes, Seigneur, une ferme assurance s

Que dans Jérusalem notre PostéritéAùra son íiége fixe à perpétuité.De tes saints Serviteurs la famille nombreuse,SOUStes divines Loix florissante & pompeuse,Vivra de siécle en siécle ; & nulle adversitéNe bornera les ans de fa félicité»

P S E A U M E pxxx.

UNe foule de maux saisissant ma pensée, |Au fort de mes douleurs, dans un gouffre d'ennuis, i

de cent traits mortels l'àme'atteinte & percée,

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P S E A U M E CXXX. 189

Íet'invoque 1,Seigneur, & lés jours & lës nuits.

Intens ma triste voix, & répons à ma plainte.L'heure presse, il est tems, ô Dieu I mon seul recours $

Que lés cris péhétrans de mon oraison sainte,Entrant dans ton oreille, attirent ton secours.

Si par les justes Loix de ta bouche adorable,Ta. sévère Justice avec nous veut compter,O Majesté suprême ! ô Juge redoutable !

Qui pourra <,des mortels, devant toi subsister?Mais ta justice, ô Dieu ! dans Tordre de ta Grâce *Pour les pauvres Pécheurs fait place à ta bonté ;Et ton heureux pardon tous les péchés efface jAfiiíqué Ton te serve avec humilité.

En toi, Seigneur mon Dieu j mon ame se consolé,Mes voeux font satisfaits, mes defirs sont contens ;C'est fur la fermeté de ta sainte Parole,Que ma foi se repose & s'assure en tout tems.Mon amè vers ion Dieu regarde en fa souffrance,Tournant toujours fur lui les yeux de son amour ;Elle attend son secours avecFimpatienceDe la Garde qui veille en attendant le jour.

Qu'Israël, en tout terns, fur Dieu son espoir fonde ;N'est-il pas de son Peuple & la force, & l'appui ?N'est-il pas une source où toute grâce abonde PEt le salut, enfin, ne vient-il pas de lui ?Attendons de lui seul toutes nos délivrances ;Nos péchés les plus noirs son pardon couvrira »Et fa main nous tirant de foutes nos souffrances,Un repos éternel nos travaux finira.

PSEAÛ-

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190 P S E A U M E CXLIIÏ.

P S E A U M E CXLIII.

/^'Est.à toi qu'aujourd'hui ma triste voix s'adresse ;^Ecoute-moi, Seigneur, puisque le mal me presse,Et reçois dans ton sein ma supplication ;

Répons-moi par ta grâce ; & félon ta promesse,Adouci les rigueurs de mon affliction.

N'entre point avec mol dans un compte sévère,Et ne m'oblige point, en ta juste colère,Au terrible examen que deman de ta Loi :Hélas! fi tu n'agis avec nous comme un Père »Nul vivant ne pourra subsister devant toi.

L'ennemi qui m'insulte & qui me fait la guerre,Enfin m'ayant vaincu, m'a renversé par terre,Et m'a précipité dans des lieux ténébreux ;Et dans ces tristes lieux, oìi fa main me resserre,Je fuis comme enfermé dans un sépulcre affreux.

"Mon ame, en cet état, de douleur est percée,Craignant que ta clémence enfin ne soit lassée.Hélas! ta main, Seigneur, m'a-t-elle abandonné?Mille chagrins divers déchirent ma pensée ;Mes sens sont agités, & mon coeur étonné.

Tristement renfermé dans cette grotte noire »Des siécles précédens j'ai repassé l'histoire,Et de ton bras puissant les exploits médités,Là j'ai de tes bontés retracé la mémoire,

. Et tes faits glorieux hautement récités.Dans

Page 205: Drelincourt L Sonnets Chretiens 1761ed

P S E A U M E CXLIII. 191Dans ce tombeau vivant, après toi je soupire;

Je t'invoque, Seigneur, dans mon cruel martire:Altéré de ta grâce, en ce péril nouveau,

J'attens ta délivrance, òc mon coeur te désire,Comme la terre sèche aspire à boire l'eau.

PAUSE.

Avance-toi, Seigneur, & sauve un Misérable ;Fai-moi sentir l'effet de ton bras secourable,Et par tes doux regards montre-moi ton amour:Autrement je succombe, & je deviens semblableA ceux qui sont privés de la clarté du jour.

Divin Libérateur ! •c'est en toi que j'espère ;Fai-moi donc ressentir les tendresses d?un Père ;Dans ce pressant besoin mon Coeur Relevé à toi.Viens me montrer, Seigneur, le chemin nécessaire,Pour me tirer vainqueur de cè mortel effroi. .

Mon Dieu, qui flis toujours toute ma confiance,Donne-moi de mes maux rentière délivrance,Et me fai triompher de tous mes ennemis ;Puisque c'est en toi seul que mon espoir j'ai mis.

Ce Pseaume ayant resté imparfait par la mort de VAu*teur.y un de ses Pareils a été prié de Pache-ver, ce qiíil a

fait par lestrois Strophes suivantes.

Enseigne-moi, Seigneur, ce qu'il faut que je fasse,De tes divins sentiers fai-moi suivre la trace,Selon ta volonté, puisque tu es mon Dieu.Applani mon chemin par ton Esprit de grâce,Afin que j'y chemine en tout tems, en tout lieu.

Au-

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rpa PSEAUME CXLIII.

Auteur de mon Salut ! ô Dieu, rens-moilaviëj 1Viens poùr me délivrer d'une main ennemie ;Tire-moi de détresse en cette extrémité ;Pour l'amour de ton Noiri, de ta Gloire infinie ,Oppose ta justice à sa malignités

A mes fiers ennemis, dont le nombre m'accabíe *Fai ressentir les coups de ton bras redoutable ;Retranche-les, grand Dieu/ dans ta juste fureurAffranchi de leurs fers mon ame misérable,Et selon ta bonté maintien ton Serviteur.

FIN.

CÌÊÍVers ònt été trouvés dans le cabinet du Défunt a*

pressa mort, écrits d'une main étrangère, DieuPp

yantprivé de la vue les six dernieres années de fa vit:

ainsi on ne doit pas lui imputer lesfautes qui pourraients'être glifées dans cesPseaumes.