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1/35 DEUG DROIT DEUXIÈME ANNÉE GROUPE II Examen de juin 2002 Corrigé de l’épreuve I – Cas pratique : Péniblement élu maire de Trantor-Sur-Ciel sur le thème de la « fracture numérique », Marc Thalus est résolu à se faire réélire triomphalement en misant sur la « facture juridique ». Ne lui faites surtout pas grief de son inconstance politique, car il vous opposerait une for- mule tirée de la mythologie politique trantorienne : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ! » Réussira-t-il à convaincre les électeurs trantoriens qui « pensent » que le culte du respect de la loi est un luxe et que la fin justifie les moyens ? La chronique de ses faits d’armes juridiques incite à le croire. Le 1 er avril 2001, Le Trantorien endimanché publie un arrêté du maire Marc Thalus. En substance, dans une prose incolore, inodore et sans saveur, le maire constate que certains édi- fices privés menaçant ruine constituent un péril imminent pour les Trantoriens. Il somme donc leurs propriétaires de les restaurer avant le 5 avril 2001. Faute sans doute d'avoir lu leur heb- domadaire favori le 1 er avril 2001, les propriétaires concernés n'ont pas obtempéré. Le 5 avril 2001, le maire lance allègrement les bulldozers municipaux à l'assaut de tous les édifices me- naçant ruine. Sur les lieux de la forfaiture, il n'est pas deme uré pierre sur pierre. Le 10 mai 2001, sans tambour ni trompette, Marc Thalus accorde une délégation de pou- voirs au directeur des services techniques de la Commune. Cette décision clandestine serait destinée à soulager le maire des questions routinières qui l’empêchent de donner du sens à son action. Le 15 mai 2001, sur le fondement de ladite délégation, le directeur des services tech- niques prend trois décisions dont il a apprécié librement et légalement l’opportunité comme l’aurait fait le maire. Le 20 juin 2001, Massimo Potter, l’étoile montante de la « Jet set » trantorienne, reçoit sur la tête une partie du plafond de la salle d’attente municipale sous le regard horrifié de Juliette Knopflers, la secrétaire de Marc Thalus. Sans l’ombre d’une hésitation, Massimo Potter saisit le juge judiciaire d’une action en responsabilité dirigée contre l’agent municipal chargé de l’entretien du plafond. Mais le maire Marc Thalus rassure l’agent négligent : « Si d’aventure vous étiez condamné, vous pourriez, à votre tour, faire condamner la Commune. »

Droit administratif 2ème année: CORRIGE de …lexpublica.free.fr/impression/examens/dadmgen/juin2002c.pdf · tribunal ? la méconnaissance des obligations découlant de la consultation

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DEUG DROIT DEUXIÈME ANNÉE GROUPE II

Examen de juin 2002

Corrigé de l’épreuve

I – Cas pratique :

Péniblement élu maire de Trantor-Sur-Ciel sur le thème de la « fracture numérique », Marc Thalus est résolu à se faire réélire triomphalement en misant sur la « facture juridique ».

Ne lui faites surtout pas grief de son inconstance politique, car il vous opposerait une for-mule tirée de la mythologie politique trantorienne : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ! »

Réussira-t- il à convaincre les électeurs trantoriens qui « pensent » que le culte du respect de la loi est un luxe et que la fin justifie les moyens ?

La chronique de ses faits d’armes juridiques incite à le croire. Le 1er avril 2001, Le Trantorien endimanché publie un arrêté du maire Marc Thalus. En

substance, dans une prose incolore, inodore et sans saveur, le maire constate que certains édi-fices privés menaçant ruine constituent un péril imminent pour les Trantoriens. Il somme donc leurs propriétaires de les restaurer avant le 5 avril 2001. Faute sans doute d'avoir lu leur heb-domadaire favori le 1er avril 2001, les propriétaires concernés n'ont pas obtempéré. Le 5 avril 2001, le maire lance allègrement les bulldozers municipaux à l'assaut de tous les édifices me-naçant ruine. Sur les lieux de la forfaiture, il n'est pas demeuré pierre sur pierre.

Le 10 mai 2001, sans tambour ni trompette, Marc Thalus accorde une délégation de pou-

voirs au directeur des services techniques de la Commune. Cette décision clandestine serait destinée à soulager le maire des questions routinières qui l’empêchent de donner du sens à son action. Le 15 mai 2001, sur le fondement de ladite délégation, le directeur des services tech-niques prend trois décisions dont il a apprécié librement et légalement l’opportunité comme l’aurait fait le maire.

Le 20 juin 2001, Massimo Potter, l’étoile montante de la « Jet set » trantorienne, reçoit sur

la tête une partie du plafond de la salle d’attente municipale sous le regard horrifié de Juliette Knopflers, la secrétaire de Marc Thalus. Sans l’ombre d’une hésitation, Massimo Potter saisit le juge judiciaire d’une action en responsabilité dirigée contre l’agent municipal chargé de l’entretien du plafond. Mais le maire Marc Thalus rassure l’agent négligent : « Si d’aventure vous étiez condamné, vous pourriez, à votre tour, faire condamner la Commune. »

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Le 11 juillet 2001, le maire sollicite l’avis d’un organisme dont la loi lui impose seulement la consultation. Le lendemain, il prend une décision radicalement différente de celle que lui recommande l’avis délivré par l’organisme. Saisi par un Trantorien resté fidèle au culte du respect de la loi, le tribunal administratif annule la décision du maire. Le moyen retenu par le tribunal ? la méconnaissance des obligations découlant de la consultation.

1 – La décision prise par le maire de procéder à la destruction des édifices privés menaçant ruine vous paraît-elle légale ? Quel juge a compétence pour statuer sur les litiges consécutifs à cette décision ?

2 – Les décisions prises le 15 mai 2001 par le directeur des services techniques de la Com-mune sont-elles légales ?

3 – Le maire est certain que le préjudice subi le 20 juin 2001 par Massimo Potter engage aussi bien la responsabilité de l’agent négligent que celle de la Commune. Sur quels argu-ments pourrait être fondée cette certitude ?

4 – Pour quels motifs le tribunal administratif a-t- il jugé que le maire avait méconnu les obli-gations découlant de la consultation à laquelle il avait procédé le 11 juillet 2001 ?

ANNEXES Article L511-3 Code de la construction et de l'habitation Murs, bâtiments ou édifices menaçant ruine En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, provoque la nomination par le juge du tribunal d'instance d'un homme de l'art qui est chargé d'examiner l'état des bâtiments dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination. Si le rapport de cet expert constate l'urgence ou le péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité et, notamment, l'évacuation de l'immeuble. Dans le cas où ces mesures n'auraient point été exécutées dans le délai imparti par la somma-tion, le maire a le droit de faire exécuter d'office et aux frais du propriétaire les mesures indis-pensables.

Code général des collectivités territoriales Article L2122-18 - Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa respon-sabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation à des membres du conseil municipal. Article L2122-19 - Le maire peut donner, sous sa surveillance et sa responsabilité, par arrêté, délégation de si-gnature : 1° Au directeur général des services et au directeur général adjoint des services de mairie ; 2° Au directeur général et au directeur des services techniques.

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II – Corrigé didactique

N.B. : Ce corrigé a une visée essentiellement didactique , ce qui exclut le postulat que le candidat devait ou pouvait en reproduire fidèlement la teneur.

Remarques d’ordre général : - Délimitation. En tant que candidat, nous devons avoir constamment présent à

l’esprit le fait qu’il existe un programme pour les révisions et que ce programme décrit et délimite le champ de nos réponses.

- Annexes. Le cas pratique comporte des annexes. Conformément au principe posé dans le bréviaire de méthodologie, nous ne pouvons accéder à une compréhension rigoureuse de chaque question ou interrogation que si nous prenons en considération toutes les parties du cas pratique : le libellé du cas pratique dans son ensemble, toutes les questions du cas prati-que et toutes les annexes. Un cas pratique est un tout dont les différentes parties s’éclairent mutuellement.

INTRODUCTION [résumant les faits pertinents…] :

sans conséquence sur la note

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Question n°1 : La décision prise par le maire de procéder à la destruction des édifices privés menaçant ruine vous paraît-elle légale ? Quel juge a compétence pour statuer sur les litiges consécutifs à cette décision ?

Deux interrogations dans cette première question :

1 – La décision prise par le maire de procéder à la destruction des édifices pri-vés menaçant ruine vous paraît-elle légale ?

2 – Quel juge a compétence pour statuer sur les litiges consécutifs à cette déci-

sion ?

Une question doit immédiatement venir à l'esprit : ces deux interrogations sont -elles solidaires ? En d'autres termes, la réponse donnée à l'une conditionne-t-elle la réponse exigée par l'autre ?

A ce stade, on ne peut répondre à cette question, mais il faut l'avoir constamment pré-sente à l'esprit en traitant les deux interrogations.

Interrogation n°1 de la question n°1 du cas pratique : La décision prise par le maire de procéder à la destruction des édifices privés menaçant ruine vous paraît-elle légale ?

Compréhension des termes de l'interrogation n°1 :

- décision : * sens générique (Le Petit Robert) : fin de la délibération dans un acte

volontaire de faire ou de ne pas faire quelque chose * sens spécifique : étant donné que nous composons en droit administra-

tif et que l’auteur de la décision – le maire – est l’organe d’une personne publi-que – la Commune –, grande est la probabilité que nous ayons affaire à une dé-cision administrative et non à un acte de droit privé (présomption simple ; cf. Cours).

Définitions : - une décision administrative est un acte administratif unilatéral

qui affecte l’ordonnancement juridique, soit en modifiant le contenu de celui-ci, soit en le réaffirmant.

- un acte administratif unilatéral est un acte destiné à régir le comportement d’une ou plusieurs personnes qui, tantôt étrangères tantôt associées à son édiction, n’en sont pas, juridiquement, les auteurs.

Qui plus est, en l’occurrence, nous avons affaire à une décision

administrative individuelle (choix plus pertinent que celui de décision d’espèce).

Définition : une décision administrative individuelle est un acte qui a pour destinataires une ou plusieurs personnes qu’il désigne nommément ou nominativement.

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Données pertinentes du cas pratique : « Il somme donc leurs propriétaires de les restaurer avant le 5 avril 2001. »

Sauf à envisager une hypothèse totalement ubuesque, nous de-vons admettre que les propriétaires en question sont nommément ou nominati-vement désignés dans les décisions du maire du maire.

- édifices privés : constructions et immeubles appartenant à des personnes pri-

vées. Cette interprétation implicite est corroborée par l’article L511-3 du Code de la construction et de l'habitation donné en annexe ; on imaginerait plus difficilement le maire adressant des injonctions à l’organe d’une autre personne publique.

- édifices privés menaçant ruine : constructions et immeubles qui d’une part appartiennent à des personnes privées, et d’autre part sont sur le point de tomber en ruine du fait de leur état de vétusté ou de délabrement avancé.

- légale : légal s’entend de ce qui n’enfreint pas les prescriptions du principe de

la légalité, c’est-à-dire du principe selon lequel l’autorité administrative doit toujours agir dans le respect de certaines règles ; qui est conforme à la légalité.

- vous paraît-elle : la formule doit être comprise comme une simple clause de

style ; elle nous invite à porter un jugement fondé sur des connaissances objectives. Elle ne nous encourage nullement à émettre une opinion exclusivement subjective. Bref, nous devons dire ce que nous pensons en nous fondant sur ce que nous sommes censé savoir. Compréhension de l'interrogation n°1 : Cette compréhension passe nécessairement par l’exposé analytique des faits per-

tinents. Dans la commune de Trantor-Sur-Ciel, certains immeubles et constructions apparte-

nant à des personnes privées sont sur le point de tomber en ruine du fait de leur état de vétusté ou de délabrement avancé.

Le 1er avril 2001, le maire fait publier un arrêté dans l’hebdomadaire Le Trantorien endimanché.

Dans cet arrêté, le maire - qualifie de péril imminent pour les Trantoriens la situation créée par ces édi-

fices - et somme leurs propriétaires de les restaurer avant le 5 avril 2001.

Le 5 avril 2001, constatant que les restaurations prescrites n’ont pas été effectuées, le maire fait raser complètement les édifices en cause au moyen de bulldozers municipaux.

Nous sommes en présence d’au moins deux décisions :

- l’arrêté publié le 1er avril 2001 dans Le Trantorien endimanché qui ordonnait aux propriétaires privés de restaurer leurs édifices menaçant ruine

- et la décision de détruire ces édifices au moyen de bulldozers.

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Explication : comme toute activité, l’opération du 5 avril 2001 présuppose naturelle-ment une décis ion, celle qui l’ordonne. Qu’elle ait été écrite, verbale voire inexprimée, la dé-cision de raser les édifices existe. Qui plus est, elle émane du maire.

Données pertinentes du cas pratique : « Le 5 avril 2001, le maire lance allègrement les bulldozers municipaux à l'assaut de tous les édifices menaçant ruine. »

Quel rapport y a-t-il entre ces deux décisions ? La seconde décision semble appliquer la première ; elle paraît en constituer

l’exécution forcée. Définition : l’exécution forcée ou l’exécution d’office d’une décision, c’est

l’application qui en est faite par l’autorité administrative au moyen de la contrainte publique. Cependant, à y regarder de près, la seconde décision n’exécute pas strictement la pre-

mière. En effet, la première décision enjoint aux propriétaires privés de restaurer leurs édifi-

ces menaçant ruine. Or la seconde décision ordonne la destruction de ces édifices. Détruire n’est pas restaurer. Il n’y a donc pas exécution forcée au sens strict de l’expression si l’on songe à l’objet

des deux décisions. Mais si l’on prend en considération le but des deux décisions, on peut dire qu’il y a

exécution forcée au sens large de l’expression. En effet, restaurer et détruire ont la même finalité : faire cesser le péril qui menace

les Trantoriens. Au demeurant, et même si cela n’est pas décisif, à l’article L511-3 du Code de la cons-

truction et de l'habitation annexé au cas pratique, il est question d’exécution d’office. (On se rappelle que les annexes aident également à mieux comprendre les questions).

En résumé, pas d’exécution forcée au sens strict, mais exécution forcée au sens

large de l’expression. La seconde décision tire les conséquences du non-respect de la pre-mière.

Il est donc logique que la légalité de la première décision (l’arrêté publié le 1er avril 2001) conditionne, au moins en partie et en partie seulement, la légalité de la seconde (la dé-cision de faire détruire les édifices).

Pour achever d’éclairer les faits pertinents de cette interrogation n°1, nous pouvons

dire que les deux décisions du maire s’inscrivent dans le contexte d’une opération de police administrative.

Définition : La police administrative, c'est une activité administrative qui vise à assu-rer le maintien de l'ordre public, sans tendre à la recherche et à l'arrestation des auteurs d'une infraction déterminée.

Données pertinentes du cas pratique : « certains édifices privés menaçant ruine constituent un péril imminent pour les Trantoriens. » Il est bien question en filigrane de sécu-rité publique, l’une des composantes de l’ordre public à côté de la moralité, de la salubrité et de la tranquillité publiques.

En l’occurrence, il s’agit d’une police administrative spéciale car elle s’exerce selon une procédure spécifique, celle de l’article L511-3 du Code de la construction et de l'habita-tion annexé au cas pratique.

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L’interrogation n°1 de la question n°1 du cas pratique nous conduit à apprécier la conformité de la seconde décision du maire aux prescriptions du principe de la légalité.

La compréhension à laquelle nous sommes parvenu des termes de l'interrogation n°1 et

de l'interrogation n°1 dans son ensemble nous permet de reformuler cette interrogation de la manière suivante :

La décision prise par le maire de procéder à la destruction des imme ubles et

constructions qui appartiennent à des personnes privées et sont sur le point de tomber en ruine du fait de leur état de vétusté ou de délabrement avancé est-elle conforme aux prescriptions du principe de la légalité ?

Etant donné que nous avons mis en évidence le lien existant entre cette seconde déci-

sion et l’arrêté publié le 1er avril 2001, nous devons, au préalable, répondre à la ques-tion suivante : l’arrêté publié le 1er avril 2001 est-il conforme aux prescriptions du prin-cipe de la légalité ?

Répondre rigoureusement à ces deux questions consiste à confronter les faits per-

tinents avec les règles pertinentes. Nous avons les faits pertinents ; nous les avons dégagés à l’étape de la compréhension

de cette interrogation n°1. Il nous reste à indiquer à indiquer les règles pertinentes. Comme le cas pratique comporte des annexes, nous les chercherons aussi bien

dans les règles générales exposées dans le cours que dans les règles particulières du droit administratif annexées au cas pratique .

Les règles générales du droit administratif Ainsi que cela a été dit ci-dessus, les règles générales du droit administratif sont expo-

sées dans le cours (dont l’intitulé exact est d’ailleurs Cours de droit administratif général). Ces règles sont dites générales parce qu’elles sont susceptibles de s’appliquer, d’une manière générale – justement –, à n’importe quelle espèce relevant du droit administratif, et donc à l’espèce qui nous occupe.

Il s’agit de toutes les prescriptions de la légalité qui ont été étudiées en cours : moyens de légalité externe, moyens de légalité interne, entrée en vigueur, etc.

Nous devons confronter les faits pertinents de l’interrogation n°1 avec toutes ces pres-criptions de la légalité pour pouvoir répondre à la question de savoir si la décision du maire les méconnaît ou non.

Mauvaise nouvelle : ces prescriptions de la légalité sont nombreuses. Bonne nouvelle : nous savons que nous n’avons pas à développer toutes ces confronta-

tions sur notre copie. En fait, voici la bonne démarche : - nous dressons sur un brouillon le tableau général des prescriptions de la léga-

lité - nous confrontons sur brouillon les faits pertinents avec chacune des illégalités

du tableau, et nous consignons les réponses sur brouillon au fur et à mesure.

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Question: faut-il reprendre et développer dans la copie les résultats de toutes ces "confrontations" ?

Réponse en deux points :

1 – Si, sur brouillon, nous retenons une illégalité contre l'acte litigieux, nous devrons reprendre et développer cette illégalité dans notre copie.

Dans cette hypothèse, nous fondons directement notre réponse sur des données fournies par le cas pratique. Les développements dont il s'agit doivent être raisonnables: définitions, jurisprudence et exposé sommaire des règles, ap-plication des règles à l'espèce, réponse à l'interrogation.

2 – Si, sur brouillon, nous écartons une illégalité, il y a deux cas de fi-

gure : a - nous écartons l’illégalité en nous fondant directement sur

des données fournies par le cas pratique : nous devrons reprendre et développer cette illégalité dans notre copie.

Dans ce cas de figure, comme, du reste dans l’hypothèse précé-dente, nous fondons directement notre réponse sur des données fournies par le cas pratique. Les développements dont il s'agit doivent être rai-sonnables : définitions, jurisprudence et exposé sommaire des règles, application des règles à l'espèce, réponse à l'interrogation ;

b - nous écartons l’illégalité faute de données suffisantes four-

nies par le cas pratique : nous ne devrons pas développer cette illégalité dans notre copie.

Dans ce cas de figure, nous nous contenterons d'écrire: rien dans le cas pratique ne nous permet de retenir ou d'écarter cette illégalité ; et comme nous ne devons rien ajouter au libellé du cas pratique, nous de-vons écarter cette illégalité. S'il y a plusieurs illégalités dans ce cas, nous pouvons les englober dans la même phrase: par exemple, rien dans le cas pratique ne nous permet de retenir d'autres illégalités - nous pou-vons nommer ces autres illégalités nous le souhaitons.

Confrontation des faits pertinents avec les règles générales du droit administratif Fort de ce rappel, nous confrontons sur brouillon les faits pertinents avec toutes les il-

légalités tirées des règles générales exposées dans le cours sur les prescriptions de la légalité. Nous constatons alors qu’à une exception près nous devons les écarter sans les dé-

velopper faute de données suffisantes fournies par le cas pratique (voir b ci-dessus). L’exception concerne la manière dont le maire a assuré la publicité de son premier ar-

rêté. Comme nous nous fondons sur des données du cas pratique pour en apprécier la régulari-té, nous développerons notre position dans notre copie.

Nous savons

- que, d’une manière générale, les actes des autorités locales doivent être pu-bliés dans des recueils spécifiques

- et que les actes individuels doivent être notifiés à leurs destinataires.

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Le maire n’a respecté aucune de ces règles. Données pertinentes du cas pratique :

- « Le 1er avril 2001, Le Trantorien endimanché publie un arrêté du maire Marc Thalus. […] Faute sans doute d'avoir lu leur hebdomadaire favori […]» De toute évi-dence, le titre et l’épithète « favori » portent à croire que Le Trantorien endimanché n’est pas le recueil prévu par les textes.

- « Faute sans doute d'avoir lu leur hebdomadaire favori [bis]» Il n’y a pas eu notification.

La publicité faite autour de l’arrêté du maire est donc irrégulière. L’irrégularité de la publicité entache-t-elle d’illégalité l’acte en cause, à savoir l’arrêté

du maire ? Règles pertinentes du cours : Le défaut de publication ou de notification d’un acte de

même que les irrégularités pouvant entacher ces opérations n’ont d’effet que sur le point de départ des délais de recours contentieux et sur l’opposabilité de l’acte ; ils sont sans incidence sur la légalité de l’acte lui-même (Cf. Les règles relatives à l’application et à la suppression de l’acte administratif.)

Réponse à la dernière question : l’arrêté du maire n’est pas illégal du seul fait de l’irrégularité de la publicité.

Remarquons juste que n’étant pas opposable, il ne peut servir de base légale, de motif de droit à la décision de détruire les édifices privés.

En somme, l’arrêté publié le 1er avril 2001 ne semble entaché d’aucune illégalité

résultant de la méconnaissance des règles générales du droit administratif exposées dans le cours sur les prescriptions de la légalité.

Mais cette réponse n’est que provisoire , car il se peut

- que l’arrêté soit entaché d’une illégalité due à la violation de l’une des règles présentes dans les annexes du cas pratique

- et que cette illégalité puisse recevoir une qualification fondée sur les distinc-

tions exposées dans le cours sur les prescriptions de la légalité.

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Confrontation des faits pertinents avec les règles particulières du droit adminis-tratif annexées au cas pratique

L’arrêté publié le 1er avril 2001 est-il illégal au regard des règles particulières du

droit administratif présentes dans les annexes du cas pratique ? La réponse à cette question présuppose la réponse à une question préalable : étant

donné que les annexes comportent plusieurs règles, sur quelles règles devons-nous nous fon-der pour apprécier la légalité de l’arrêté du maire ?

Démarche à suivre pour répondre à la question préalable :

- comprendre toutes les règles particulières annexées au cas pratique et les do-maines qu’elles concernent,

- examiner, le cas échéant, ces règles particulières à la lumière des règles géné-rales du droit administratif en vue d’une éventuelle qualification,

- confronter les faits pertinents du cas pratique à ces règles particulières.

Compréhension : Les extraits de deux codes sont annexés au cas pratique, à savoir un article du Code de

la construction et de l'habitation (article L511-3) et deux articles du Code général des collec-tivités territoriales (articles L2122-18 et L2122-19).

L’article L511-3 a trait aux murs, bâtiments ou édifices menaçant ruine ; les articles L2122-18 et L2122-19 du Code général des collectivités territoriales sont relatifs aux déléga-tions de compétence que le maire peut consentir.

Remarquons au passage la valeur législative de tous ces articles (L = loi). Confrontation : Il ressort des faits pertinents du cas pratique que l’arrêté s’inscrit dans le domaine des

édifices menaçant ruine. Nous trouverons donc des règles pertinentes à l’article L511-3 du Code de la construction et de l'habitation.

Mais il serait dangereux de s’arrêter là, il faut poursuivre la confrontation des faits pertinents avec les autres articles.

Dans les faits pertinents, il n’est point question de délégation, et dans les articles rela-tifs aux délégation il n’est pas question d’édifices menaçant ruine ni de quelque autre élément d’importance qui se trouverait dans les faits pertinents.

Nous écarterons donc les articles L2122-18 et L2122-19 articles du Code général des collectivités territoriales.

Réponse à la question préalable : pour apprécier la légalité de l’arrêté du maire nous

devons nous fonder sur les règles de l’article L511-3 du Code de la construction et de l'habi-tation.

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L’arrêté du maire est-il illégal au regard des règles particulières du droit admi-nistratif dont l’observation est prescrite à l’article L511-3 du Code de la construction et de l'habitation?

Règles pertinentes de l’article L511-3 du Code de la construction et de l'habita-

tion. Cet article décrit précisément la procédure à suivre pour faire cesser le péril dû à un

édifice menaçant ruine : - le maire adresse un avertissement au propriétaire - à la demande du maire, le juge du tribunal d'instance nomme un expert - dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, l’expert examine l'état

des bâtiments - si le rapport de cet expert constate l'urgence ou le péril grave et imminent, le

maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité et, notam-ment, l'évacuation de l'immeuble

- si ces mesures n’ont pas été exécutées dans le délai imparti par la sommation, le maire a le droit de faire exécuter d'office et aux frais du propriétaire les mesures in-dispensables.

Confrontation des faits pertinents avec les règles pertinentes de l’article L511-3 du Code de la construction et de l'habitation :

L’article L511-3 du Code de la construction et de l'habitation contient des règles de

compétence et des règles de procédure. 1 – Compétence : Définition : La compétence, c’est l’aptitude juridique à prendre un acte, à agir dans un

certain domaine, bref, la possibilité juridique de faire. Cette aptitude juridique de l’autorité administrative s’apprécie à trois points de vue. On les définit en répondant, successivement, à trois questions :

- Que peut faire l’autorité administrative ? (compétence ratione materiae) - Où peut-elle le faire ? (compétence ratione loci) - Quand doit-elle le faire ? (compétence ratione temporis)

L’incompétence, c’est l’illégalité résultant de la méconnaissance des règles relatives à la compétence.

L’article L511-3 du Code de la construction et de l'habitation donne compétence au maire pour faire cesser, sur le territoire de sa commune, le péril que constituent les édifices menaçant ruine.

En l’espèce, le maire de Trantor-Sur-Ciel a agi compétemment :

- sa décision a pour objet de faire cesser le péril que constituent les édifices menaçant ruine (pas d’incompétence ratione materiae). Données pertinentes du cas pratique : « certains édifices privés menaçant ruine constituent un péril imminent pour les Trantoriens. » ;

- sa décision s’applique sur le territoire de Trantor-Sur-Ciel (pas d’incompétence ratione loci). Données pertinentes du cas pratique : « certains édifi-ces privés menaçant ruine constituent un péril imminent pour les Trantoriens. » [bis]

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- avant de prendre sa décision, il avait la qualité de maire de Trantor-Sur-Ciel (pas d’incompétence ratione temporis). Certes, s’agissant de la décision de faire détruire les édifices, on pourrait mettre en

doute la compétence ratione materiae du maire en observant - qu’à l’article L511-3 du Code il est question de mesures provisoires - et que la destruction est tout sauf une mesure provisoire.

Mais il serait alors logique d’objecter que le maire a tout simplement mal interprété l’article L511-3 du Code, et qu’il a commis en fait une erreur de droit.

2 – Procédure : Les règles générales du droit administratif nous permettent de qualifier de règles de

procédure la quasi-totalité des prescriptions de l’article L511-3 du Code de la construction et de l'habitation.

Définition : une règle de procédure est une formalité requise pour l’édiction d’un acte administratif.

A l’exception de l’avertissement, le maire n’a respecté aucune des règles de pro-

cédure prescrites à l’article L511-3. Vu l’importance de ces règles pour la protection de la propriété privée, nous pouvons

considérer que l’arrêté publié le 1er avril 2001 ainsi que – logiquement – la décision ordonnant la destruction des édifices privés sont entachés d’un vice de procédure . Un vice dont les conséquences révèlent toutefois l’exceptionnelle gravité.

Définition : le vice de procédure, c’est l’illégalité résultant de l’inobservation d’une

formalité substantielle requise pour l’édiction d’un acte administratif. Résultat de la confrontation : la décision du maire est illégale car elle méconnaît

presque toutes les prescriptions de procédure de l’article L511-3 du Code de la construction et de l'habitation.

Réponse provisoire à l’interrogation n°1 de la question n°1 : La décision

prise par le maire de procéder à la destruction des édifices privés menaçant ruine est illégale parce que entachée d’un vice de procédure.

Signalons que nous avons dû résister à la tentation de qualifier d’erreur de droit ou de

violation directe de la loi l’illégalité commise par le maire. En effet, l’erreur de droit et la violation directe de la loi bénéficient ici d’une évidence moindre que celle du vice de procédure.

Prima facie, la décision prise par le maire de procéder à la destruction des édifices privés est entachée d’un vice de procédure.

Le propre du juriste étant de toujours questionner les réponses (les siennes et celles des autres), nous ne pouvons manquer d’interroger la qualification ainsi donnée à l’illégalité.

Le vice de procédure ne pourrait- il pas révéler une illégalité plus grave ? Une autre qualification n’est-elle pas envisageable ? Une qualification qui rende compte de la gravité de la mesure prise par le maire ? Edifices privés, destruction, exécution forcée, illégalité…

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Une telle association d’idées et de concepts tout porte à croire que la décision de détruire les édifices privés est constitutive d’une voie de fait.

Définition : Il y a voie de fait lorsque l'administration se livre à un agissement maté-

riel grossièrement illégal et portant gravement atteinte au droit de propriété ou à une liberté fondamentale.

Pour conforter ou infirmer cette réponse, nous devons, en nous appuyant simultané-

ment sur les règles générales et sur les règles annexées au cas pratique , affiner la défini-tion de la voie de fait.

Comme cela a été montré plus haut (interrogation n°1), les règles pertinentes se trou-

vent à l’article L511-3 du Code de la construction et de l'habitation.

Analyse conceptuelle de la voie de fait

Il nous reste affiner la définition de la voie de fait. Comme il a été dit ci-dessus, il y a voie de fait lorsque l'administration se livre à un agissement matériel grossièrement illégal et portant gravement atteinte au droit de propriété ou à une liberté fondamentale.

L'illégalité peut résulter aussi bien d’une décision que des conditions de son exé-cution.

Dans le premier cas, l'illégalité a pour conséquence de dénaturer l'acte administratif.

Elle en fait “ une mesure manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l'administration ”. Toute illégalité entachant une décision dont l’exécution porte atteinte à une liberté fondamentale ou au droit de propriété n’est donc pas constitutive d’une voie de fait. Il faut que l’illégalité soit d’une gravité telle que l’on puisse affirmer que l’administration est sortie de la sphère de ses attributions.

Dans le second cas, l’administration commet une voie de fait en procédant à l’exécution forcée irrégulière d’une décision - même légale. Autrement dit, l’administration procède à une exécution forcée attentatoire à une liberté fondamentale ou au droit de propriété sans que cette opération soit autorisée par la loi ou justifiée par l’urgence.

Application des règles pertinentes (générales et spéciales) aux faits pertinents

S’agissant de la décision de détruire les édifices privés, les conditions de la voie de fait sont réunies :

- il y a eu agissements matériels, plus précisément exécution forcée (au sens large indiqué plus haut), - ces agissements matériels ont porté gravement atteinte au droit de pro-priété (destruction de propriété privée) - ces agissements matériels sont grossièrement illégaux :

* d’une part (et cela suffit d’ailleurs), la décision du maire est grossiè-rement illégale pour quiconque a lu l’article L511-3 du Code de la construction et de l'habitation (évidemment, ce point peut être discuté, « grossièrement » étant quelque peu subjectif) ;

* d’autre part, l’exécution forcée n’était ni autorisée par la loi ni justi-fiée par l’urgence T.C., 2 décembre 1902, Société immobilière de Saint-Just (Rec. p.713, conclusions Romieu).

14/35

Bien sûr, on peut discuter aussi le fait que l’exécution n’était pas autori-sée par la loi : autorisation selon les termes et modalités de la loi ou principe de l’autorisation.

Il n’y a pas eu autorisation selon les termes et modalités de la loi (cf. article L511-3 du Code de la construction et de l'habitation).

Cet article pose-t- il quand même le principe de l’autorisation donnée au maire de détruire les édifices menaçant ruine ?

Deux considérations incitent à répondre par la négative. Primo, audit article, il est question de mesures provisoires. Donc, même

si le principe de l’exécution forcée (ou d’office selon les termes du Code) est posé par l’article L511-3, il ne porte pas sur la destruction des édifices (une destruction n’est jamais provisoire).

Secundo, dans une espèce analogue citée dans le cours, le juge a admis l’existence d’une voie de fait (T.C., 22 juin 1998, M. Marcelin c/ Maire de la commune de Saint-Martin (Guadeloupe).

Enfin, le maire ne peut invoquer l’urgence, puisque, tout en faisant état d’un péril imminent, l’article L511-3 impose tout de même le respect d’une certaine procédure destinée à protéger la propriété privée. Il s’agit pré-cisément d’une procédure d’urgence.

Réponse définitive à l’interrogation n°1 de la question n°1 : La décision

prise par le maire de procéder à la destruction des édifices privés menaçant ruine est illégale parce que constitutive d’une voie de fa it.

***

Interrogation n°2 de la question n°1 du cas pratique : Quel juge a compétence pour statuer sur les litiges consécutifs à cette décision ?

Compréhension des termes de l'interrogation n°2 :

- décision : il s’agit de la décision dont nous avons examiné la légalité en ré-pondant ci-dessus à l’interrogation n°1 de la question n°1 du cas pratique (voir Com-préhension des termes de l'interrogation n°1) ;

- litiges consécutifs à cette décision : discussions contentieuses autour de la

légalité de cette décision ou de la réparation des préjudices qu’elle a causés ; - compétence : la compétence, c’est l’aptitude juridique à prendre un acte, à

agir dans un certain domaine, bref, la possibilité juridique de faire. Par extension, elle désigne aussi l’ensemble des pouvoirs attribués à une autorité, c’est-à-dire son do-maine d’action, en somme ce qu’elle peut juridiquement faire. Dans ce dernier sens, on parle également d’attributions ;

15/35

- statuer sur un litige : trancher un litige, régler au fond un litige ; - juge ayant compétence pour statuer sur un litige donné : le juge qui est

habilité à trancher ce litige. Les litiges qu’une juridiction a le droit de trancher consti-tuent le domaine de compétence de cette juridiction. Avant de statuer sur le bien-fondé d’un recours, la juridiction saisie s’assure qu’elle a compétence pour le faire.

Compréhension de l'interrogation n°2 : Cette compréhension passe nécessairement par l’exposé analytique des faits et

éléments pertinents tels qu’ils résultent - du cas pratique (voir exposé fait, ci-dessus, sous la compréhension de l'inter-

rogation n°1) - et de la réponse que nous avons donnée à l’interrogation n°1 : la décision

prise par le maire de procéder à la destruction des édifices privés menaçant ruine est il-légale parce que constitutive d’une voie de fait. (voir réponse à l'interrogation n°1). La compréhension à laquelle nous sommes parvenu des termes de l'interrogation

n°2 et de l'interrogation n°2 dans son ensemble nous permet de reformuler cette interrogation n°2 de la manière suivante :

Quel juge est habilité à trancher les discussions contentieuses relatives aux ques-

tions de légalité et de responsabilité engendrées par la décision prise illégalement par le maire de procéder à la destruction des édifices privés menaçant ruine ?

Répondre rigoureusement à cette question consiste à confronter les faits perti-

nents avec les règles pertinentes. Nous avons les faits pertinents ; nous les avons dégagés à l’étape de la compréhension

de cette interrogation n°2. Il nous reste à indiquer à indiquer les règles pertinentes. Comme le cas pratique comporte des annexes, nous les chercherons aussi bien

dans les règles générales exposées dans le cours que dans les règles particulières du droit administratif annexées au cas pratique.

Les règles générales du droit administratif Ainsi que cela a été dit ci-dessus, les règles générales du droit administratif sont expo-

sées dans le cours (dont l’intitulé exact est d’ailleurs Cours de droit administratif général). Ces règles sont dites générales parce qu’elles sont susceptibles de s’appliquer, d’une manière générale – justement – à n’importe quelle espèce relevant du droit administratif, et donc à l’espèce qui nous occupe.

Comme l’interrogation porte sur l’identité du juge compétent, nous chercherons les rè-gles générales pertinentes du droit administratif dans les parties du cours où il est question du partage des compétences juridictionnelles.

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Les parties du cours et non la partie du cours, car la partie du cours intitulée Le do-maine de compétence des juridictions administratives n’est pas la seule partie du cours où il est question du partage des compétences jur idictionnelles.

Si l’on met de côté les hypothèses marginales, ces parties imposent les observations suivantes :

- l’administration a deux juges : le juge administratif et le juge judiciaire ; - puisque le juge administratif apparaît comme le juge de principe et le juge

judiciaire comme le juge d’exception, pour décider si c’est l’un ou l’autre qui est compétent il est plus simple de dresser la liste des litiges relevant du juge judiciaire (Exceptio firmat regulam in casibus non exceptis – Voir Lexique) ;

- deux critères permettent d’attribuer un litige au juge judiciaire : la matière à laquelle se rattache le litige et la nature de l’illégalité qui a provoqué le litige ; nous pouvons aussi nous fonder sur les deux sortes de critères du cours : critères généraux et solutions spécifiques ;

- sachant que les solutions spécifiques ont été exclues du programme des révi-sions, voici la liste pertinente des litiges relevant du juge judiciaire : * le contentieux des contrats de droit privé conclus par l'administration ;

* le contentieux de la gestion extra-contractuelle du domaine privé : ex-ception faite des litiges provoqués par les actes qui en sont détachables ;

* le contentieux des services publics industriels et commerciaux : T.C., 22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest africain ; * dans certains cas, l'interprétation et l'appréciation de la légalité des ac-

tes administratifs ; * L’internement d'office dans les hôpitaux psychiatriques ; * Les litiges relatifs à l'état, à la capacité et à la nationalité ; * L'emprise irrégulière

Définition : l’emprise, c’est l’occupation ou la dépossession temporaire ou définitive, partielle ou totale, d'une propriété immobilière privée, effectuée par une personne publique ou un entrepreneur de tra-vaux publics ; * La voie de fait

Rappel de définition : Il y a voie de fait lorsque l'administration se livre à un agissement matériel grossièrement illégal et portant gra-vement atteinte au droit de propriété ou à une liberté fondamentale.

A l’étape de la réponse à l’interrogation n°1 de la question n°1 nous avons établi que

la décision prise par le maire de procéder à la destruction des édifices privés menaçant ruine était illégale parce que constitutive d’une voie de fait.

En conséquence, la réponse à cette interrogation n°2 de la question n°1 tombe sous le

sens.

Réponse à l’interrogation n°2 de la question n°1 : c’est le juge judiciaire qui a compétence pour statuer sur les litiges consécutifs à la décision prise illégalement par le maire de procéder à la destruction des édifices privés menaçant ruine

- parce que cette décision est consécutive d’une voie de fait - et que le contentieux de la voie de fait ressortit à la compétence du juge judiciaire.

*****

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Question n°2 : Les décisions prises le 15 mai 2001 par le directeur des services tech-niques de la Commune sont-elles légales ?

Compréhension des termes de la question :

- décisions : voir ci-dessus réponses à la question n°1, - légal : voir ci-dessus réponses à la question n°1, - directeur des services techniques : fonctionnaire municipal (ce n’est donc pas un conseiller municipal) en charge de services à vocation technique.

Compréhension de la question : Cette compréhension passe nécessairement par l’exposé analytique des faits per-

tinents.

Le 10 mai 2001, Marc Thalus, le maire de Trantor-Sur-Ciel, accorde une délégation de pouvoirs au directeur des services techniques, un fonctionnaire municipal.

En d’autres termes, il l’habilite à exercer une partie de ses pouvoirs à sa place. Le maire souhaite ainsi se décharger des questions routinières pour s’occuper exclusi-

vement d’affaires plus rentables - électoralement parlant. Notons, au passage, le caractère partiel de la délégation.

La délégation de pouvoirs ainsi consentie ne fait l’objet d’aucune mesure de publicité. Le 15 mai 2001, en se fondant sur cette délégation de pouvoirs, le directeur des servi-

ces techniques prend trois décisions sans que les circonstances l’y contraignent. Nous sommes en présence de quatre décisions :

- la décision du 10 mai 2001 par laquelle le maire de Trantor-Sur-Ciel a accor-dé une délégation de pouvoirs au directeur des services techniques

- et les trois décisions prises le15 mai 2001 par le directeur des servi-ces techniques en vertu de la délégation de pouvoirs consentie par le maire. C’est la légalité de ces trois décisions du 15 mai 2001 que nous sommes convié à

apprécier.

La compréhension à laquelle nous sommes parvenu des termes de la question n°2 et de la question n°2 dans son ensemble nous permet de reformuler l’interrogation de la manière suivante :

Les trois décisions prises le 15 mai 2001, en vertu de la délégation de pouvoirs du

10 mai 2001, par le directeur des services techniques de la Commune, un fonctionnaire municipal, sont-elles conformes aux prescriptions du principe de la légalité ?

Répondre rigoureusement à cette question consiste à confronter les faits perti-

nents avec les règles pertinentes.

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Nous avons les faits pertinents ; nous les avons dégagés à l’étape de la compréhension de cette question n°2.

Il nous reste à indiquer à indiquer les règles pertinentes. Comme le cas pratique comporte des annexes, nous les chercherons aussi bien

dans les règles générales exposées dans le cours que dans les règles particulières du droit administratif annexées au cas pratique.

Les règles générales du droit administratif Ainsi que cela a été dit ci-dessus, les règles générales du droit administratif sont expo-

sées dans le cours (dont l’intitulé exact est d’ailleurs Cours de droit administratif général). Ces règles sont dites générales parce qu’elles sont susceptibles de s’appliquer, d’une manière générale – justement – à n’importe quelle espèce relevant du droit administratif, et donc à l’espèce qui nous occupe.

Au demeurant, il y a une gradation dans le caractère général de ces règles. Les règles les plus générales concernent d’une manière abstraite les prescriptions les

plus générales de la légalité. Les règles les moins générales sont celles qui ont trait au domaine un peu plus

concret que met en exergue la question posée dans le cas pratique, à savoir les délégations de compétence.

Nous tâcherons de confronter les faits pertinents aussi bien avec les règles les plus gé-nérales qu’avec les règles les moins générales.

Sur la méthode à suivre , voir la réponse à l’interrogation n°1 de la question n°1 du

cas pratique. Conformément à ces directives méthodologiques, seules les règles relatives aux délé-

gations de compétence et les règles concernant la publicité des actes administratifs seront développées dans notre copie.

En effet, les unes et les autres - trouvent un appui dans les faits pertinents - et nous permettent de répondre à la question posée.

Confrontation des faits pertinents avec les règles générales relatives aux déléga-

tions de compétence. Rappels de définitions :

- La compétence, c’est l’aptitude juridique à prendre un acte, à agir dans un certain domaine, bref, la possibilité juridique de faire.

- Il y a délégation de compétence lorsqu'une autorité administrative - autorité délégante - habilite une autorité qui lui est subordonnée - autorité délégataire - à exer-cer une partie de sa compétence à sa place.

On distingue deux modalités : - la délégation de pouvoirs - délégation de compétence stricto sensu - et la délégation de signature .

19/35

La délégation de pouvoirs et la délégation de signature diffèrent à quatre points de vue

1 - L’objet de la délégation. La délégation de pouvoirs a pour objet un trans-fert juridique de compétence. Elle bouleverse la répartition des compétences. En re-vanche, la délégation de signature a seulement pour objet de décharger matériellement le délégant d'une partie de sa tâche, dont il demeure, juridiquement, le titulaire. 2 - La manière de désigner le délégataire . La délégation de pouvoirs est accordée au titulaire d'un poste, désigné abstraitement. Un changement dans la per-sonne du délégataire ou du délégant ne met pas fin à la délégation de pouvoirs. A l'in-verse, la délégation de signature est personnelle ; elle est consentie à une personne nommément désignée - intuitu personae. Un changement dans la personne du délégant ou du délégataire fait tomber la délégation de signature. Elle doit donc être réitérée lors du renouvellement des autorités concernées.

3 - Le statut des décisions prises sur délégation. La décision prise par un délégataire de pouvoirs, en cette qualité, a une nature formelle et un rang correspon-dant au rang du délégataire dans la hiérarchie administrative. Le délégataire de pou-voirs agit en son propre nom. La décision prise par un délégataire de signature, en cette qualité, a une nature formelle et un rang correspondant au rang du délégant dans la hiérarchie administrative. Le délégataire de signature agit au nom du délégant. Les textes signés en application d’une délégation de signature comportent la mention “ Pour [titre et nom du délégant]…et par délégation. ”

4 - Les effets de la délégation sur le délégant. La délégation de pouvoirs dessaisit le délégant des compétences transférées. Tant qu'il n'a pas mis fin à la déléga-tion, il ne peut pas les exercer. Sinon, ses décisions seraient entachées d'incompétence. Au contraire, la délégation de signature ne dessaisit pas le délégant. Celui-ci peut, à tout moment, agir aux lieu et place du délégataire.

Conditions et modalités des délégations

Elles résultent d’une jurisprudence bien établie : 1 - La possibilité même de déléguer ses pouvoirs ou sa signature doit avoir

été autorisée par un texte en vigueur. Qui plus est, la délégation ne doit pas intervenir dans une matière où elle est explicitement ou implicitement interdite par la loi ou par la Constitution.

2 - La délégation doit être explicite et précise, de manière à ne laisser au-cun doute raisonnable sur son existence, sur l’identité du délégataire et sur l’étendue des compétences déléguées. Bien entendu, le délégataire commet une incompétence s’il méconnaît les limites de la compétence qui lui a été déléguée.

3 - La décision qui confère délégation - qui réalise le transfert - ayant un ca-ractère réglementaire, elle doit être publiée. Toute décision individuelle signée par le délégataire avant cette publication est entachée d’incompétence. En revanche, le délé-gataire peut prendre une décision réglementaire avant la publication de la délégation à condition que cette décision n’entre en vigueur qu’après ladite publication.

4 - La délégation ne saurait être totale - seulement partielle. Elle ne peut transférer l’ensemble des pouvoirs du délégant au délégataire. Il n'est pas possible de se débarrasser de toute sa compétence.

20/35

Résultats de la confrontation des faits pertinents avec les règles générales relati-ves aux délégations de compétence

De toute évidence, le maire a accordé une délégation de pouvoirs au directeur des

services techniques de la Commune. Le maire est l’autorité délégante, le directeur des services techniques le délégataire. Données pertinentes du cas pratique : « Le 10 mai 2001, sans tambour ni trompette,

Marc Thalus accorde une délégation de pouvoirs au directeur des services techniques de la Commune. »

La décision du 10 mai 2001 est la décision qui accorde délégation, qui réalise le trans-

fert juridique de compétence, de pouvoirs. Les trois décisions du 15 mai 2001 sont les décisions prises par le directeur des servi-

ces techniques en vertu de ladite délégation de pouvoirs. Il résulte des règles générales relatives aux délégations de compétence que la léga-

lité de ces trois décisions (que l’on nous demande d’apprécier) dépend étroitement de la légalité de la décision du 10 mai 2001 et de la délégation.

Se demander si les trois décisions prises le 15 mai 2001 par le délégataire, le directeur

des services techniques de la Commune, sont légales conduit d’abord à s’interroger sur la lé-galité de la décision de l’autorité délégante, le maire, et sur la légalité de la délégation.

Nous nous poserons ensuite la question de savoir si les décisions prises sur délégation

ne sont pas entachées d’un vice qui leur serait propre. La décision du 10 mai 2001 accordant délégation de pouvoirs est-elle légale ? La confrontation des faits pertinents avec les règles générales relatives aux délégations

de compétence fait apparaître une première irrégularité : cette décision du 10 mai 2001 qui confère délégation - qui réalise le transfert – n’a pas été publiée.

Données pertinentes du cas pratique : « Le 10 mai 2001, sans tambour ni trompette, Marc Thalus accorde une délégation de pouvoirs au directeur des services techniques de la Commune. Cette décision clandestine […] »

La décision a bien sûr été portée à la connaissance du directeur des services techniques (sans doute par voie de notification). Mais le public lui n’a pas été informé.

L’exigence légale de publicité se fonde sur la considération suivante : il est de la plus haute importance que le public sache qui fait quoi ; en conséquence, si l’on bouleverse la ré-partition normale des compétences, on doit en informer le public.

Ce défaut de publicité n’entache pas d’illégalité la décision du 10 mai 2001, car, nous

savons et avons du reste rappelé ceci : le défaut de publication ou de notification d’un acte de même que les irrégularités pouvant entacher ces opérations n’ont d’effet que sur le point de départ des délais de recours contentieux et sur l’opposabilité de l’acte ; ils sont sans incidence sur la légalité de l’acte lui-même (Cf. Les règles relatives à l’application et à la suppression de l’acte administratif.)

21/35

En l’espèce, ce défaut de publicité affecte la légalité de l’opération elle-même, à savoir la délégation de pouvoirs.

La délégation étant irrégulière, les décisions prises sur son fondement sont illéga-les, et plus précisément entachées d’incompétence.

Définition : L'incompétence, c'est l'inaptitude juridique à prendre un acte.

A elles seules, les règles générales relatives aux délégations de compétence exposées dans le cours ne nous permettent pas de relever d’autres illégalités.

La confrontation des faits pertinents avec les règles spéciales annexées au cas pratique apportera peut-être du nouveau.

Notons également qu’au regard des règles générales les décisions prises sur délégation ne sont pas entachées d’un vice qui leur serait propre.

Les trois décisions prises le 15 mai 2001 par le directeur des services techniques

de la Commune ne sont donc pas légales ; elles sont entachées d’incompétence car la dé-légation dont elles procèdent est irrégulière faute d’avoir été publiée.

Confrontation des faits pertinents avec les règles spéciales annexées au cas pratique

Sur la méthode permettant d’identifier les articles pertinents des annexes, voir la ré-ponse à l’interrogation n°1 de la question n°1 du cas pratique.

Conformément à ces directives méthodologiques, nous avons identifié comme disposi-tions pertinentes les articles L2122-18 et L2122-19 du Code général des collectivités territo-riales annexés au cas pratique.

Règles pertinentes des articles L2122-18 et L2122-19 du Code général des collectivi-

tés territoriales : - l’article L2122-18 fixe les règles concernant les délégations de pouvoirs du

maire, l’article L2122-19 a trait à ses délégations de signature . Certes, on pouvait hésiter à attribuer à « déléguer par arrêté une partie de ses fonctions » la signification que nous avons retenue, à savoir « déléguer par arrêté une partie de ses pouvoirs ». Mais le doute se dissipe rapidement si l’on se rappelle son cours et si on lit l’article suivant où il est question de délégation de signature. Dans le cours comme dans le Code, « délégation de signature » s’oppose nécessairement à « délégation de pou-voirs » ;

- l’article L2122-18 désigne les bénéficiaires des délégations de pouvoirs du maire. Il s’agit obligatoirement de conseillers municipaux : les adjoints au maire et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titu-laires d'une délégation, les autres membres du conseil municipal ;

- l’article L2122-19 désigne les bénéficiaires des délégations de signature . Ce sont des employés de la Commune : directeur général des services, directeur géné-ral adjoint des services de mairie, directeur général et directeur des services techni-ques.

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Les articles L2122-18 et L2122-19 du Code général des collectivités territoriales

limitent deux manières la possibilité pour le maire de consentir des délégations : - ratione personae : qui peut bénéficier de ces délégations ? - ration materiae : quel type de délégation peut être accordé à qui ? Au regard de ces règles spéciales, les trois décisions prises le 15 mai 2001 par le

directeur des services techniques de la Commune, sont-elles légales ? Précisions à nouveau que le fait de se demander si les trois décisions prises le 15 mai

2001 par le délégataire, le directeur des services techniques de la Commune, sont légales conduit d’abord à s’interroger sur la légalité de la délégation qui a été consentie.

Nous nous poserons ensuite la question de savoir si les décisions prises sur délégation

ne sont pas entachées d’un vice qui leur serait propre . La décision du 10 mai 2001 accordant délégation de pouvoirs est-elle légale ? La confrontation des faits pertinents avec les règles spéciales annexées au cas pratique

et relatives aux délégations de compétence fait apparaître une irrégularité : le maire a consenti une délégation de pouvoirs au directeur des services techniques ; or l’article L2122-18 s’y oppose, et aux termes de l’article L2122-19 le maire peut seulement donner délégation signa-ture au directeur des services techniques.

La délégation étant irrégulière, les décisions prises sur son fondement sont illégales, et

plus précisément entachées d’incompétence.

Résultats de la confrontation des faits pertinents avec les règles spéciales an-nexées au cas pratique

Les trois décisions prises le 15 mai 2001 par le directeur des services techniques de la

Commune ne sont pas légales ; elles sont entachées d’incompétence car la délégation dont elles procèdent est irrégulière faute d’avoir été consentie conformément aux prescriptions ratione personae et ratione materiae des articles L2122-18 et L2122-19 du Code général des collectivités territoriales.

Cette conclusion nous conduit à une considération d’importance : même si la décision

du 10 mai 2001 accordant délégation de pouvoirs avait été publiée, la délégation serait restée irrégulière.

Le moyen tiré de la violation des articles pertinents du Code général des collectivités

territoriales est donc bien le moyen principal. On ne saurait écarter l’incompétence qui entache ainsi les décisions prises le 15 mai

2001 par le directeur des services techniques de la Commune en soutenant que ce fonction-naire est intervenu dans une matière où il avait compétence liée.

23/35

Définition : « Il y a compétence liée (ou pouvoir lié) lorsqu’en présence de certaines circonstances - de certains motifs de fait - l’administration est légalement tenue d’agir ou de décider dans un sens déterminé sans pouvoir choisir une autre solution ni apprécier librement lesdites circonstances de fait. »

En fait, le directeur des services techniques pouvait ne pas prendre ces trois décisions. Données pertinentes du cas pratique : « le directeur des services techniques prend

trois décisions dont il a apprécié librement et légalement l’opportunité comme l’aurait fait le maire. »

Le directeur des services techniques disposait donc en réalité d’une compétence dis-

crétionnaire . Définition : « Il y a compétence discrétionnaire (ou pouvoir discrétionnaire) lorsque,

en présence de telle ou telle circonstance - de tel ou tel motif de fait -, l’autorité administrative est libre de prendre telle ou telle décision. »

Signalons qu’au regard des règles spéciales annexées au cas pratique les décisions pri-

ses par le directeur des services techniques ne sont pas entachées d’un vice qui leur serait propre .

Réponse à la question n°2 du cas pratique : Les décisions prises le 15 mai 2001, dans l’exercice d’une compétence discrétionnaire,

par le directeur des services techniques de la Commune ne sont pas légales. Elles sont entachées d’incompétence en raison du caractère irrégulier de la délégation

de pouvoirs sur le fondement de laquelle elles ont été prises. Le caractère irrégulier de la délégation de pouvoir s résulte

- essentiellement de la méconnaissance des prescriptions ratione personae et ratione materiae des articles L2122-18 et L2122-19 du Code général des collectivités territoriales

- et accessoirement (l’addition ne s’impose nullement) du défaut de publication de la décision du 10 mai 2001 accordant délégation de pouvoirs.

*****

24/35

Question n°3 : Le maire est certain que le préjudice subi le 20 juin 2001 par Massimo Potter engage aussi bien la responsabilité de l’agent négligent que celle de la Commune. Sur quels arguments pourrait être fondée cette certitude ?

Compréhension des termes de la question :

- préjudice : (ou dommage) atteinte portée à un droit, à un intérêt juridique-ment protégé ;

- responsabilité : obligation de répondre d’un dommage, de le réparer.

Compréhension de la question : Cette compréhension passe nécessairement par l’exposé analytique des faits per-

tinents.

A l’hôtel de ville de Trantor-Sur-Ciel est aménagée une salle d’attente destinée certai-nement aux visiteurs du maire.

L’endroit menace sans doute ruine, car le 20 juin 2001 Massimo Potter reçoit sur la tête une partie du plafond de la salle d’attente municipale.

Massimo Potter saisit le juge judiciaire d’une action en responsabilité dirigée contre l’agent municipal chargé de l’entretien du plafond.

Mais le maire Marc Thalus rassure l’agent négligent : « Si d’aventure vous étiez condamné, vous pourriez, à votre tour, faire condamner la Commune. »

Ainsi le maire laisse-t-il entendre que le préjudice subi le 20 juin 2001 par Massimo Potter est imputable aussi bien à l’agent négligent qu’à la Commune.

La compréhension à laquelle nous sommes parvenu des termes de la question n°3 et de

la question n°3 dans son ensemble nous permet de reformuler l’interrogation de la manière suivante :

Comment peut-on démontrer - que le préjudice subi le 20 juin 2001 par Massimo Potter est imputable

aussi bien à l’agent négligent qu’à la Commune - et qu’il engage de ce fait tant la responsabilité de l’agent que celle de la

Commune ? Répondre rigoureusement à cette question consiste à confronter les faits perti-

nents avec les règles pertinentes. Nous avons les faits pertinents ; nous les avons dégagés à l’étape de la compréhension

de cette question n°3. Il nous reste à indiquer à indiquer les règles pertinentes. Comme le cas pratique comporte des annexes, nous les chercherons aussi bien

dans les règles générales exposées dans le cours que dans les règles particulières du droit administratif annexées au cas pratique.

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Puisque les annexes ne comportent pas de règles pertinentes relatives à notre interro-gation, nous limiterons nos investigations au champ des règles générales du droit administra-tif.

Les règles générales du droit administratif

Ainsi que cela a été dit supra, les règles générales du droit administratif sont exposées

dans le cours (dont l’intitulé exact est d’ailleurs Cours de droit administratif général). Ces règles sont dites générales parce qu’elles sont susceptibles de s’appliquer, d’une manière gé-nérale – justement – à n’importe quelle espèce relevant du droit administratif, et donc à l’espèce qui nous occupe.

Les faits pertinents du cas pratique nous obligent à n’exposer que les règles rela-tives à la responsabilité administrative.

Cependant, nous n’exposerons pas toutes les règles relatives à la responsabilité admi-nistrative. Nous ne présenterons que les règles pertinentes, c’est-à-dire les règles applicables à l’espèce.

Ces règles pertinentes sont de deux sortes :

a - les règles applicables à tous les cas de responsabilité administrative

b - et les règles propres à l’espèce. a - Quelles sont les règles applicables à tous les cas de responsabili-

té administrative? Il y en a… un certain nombre, mais une seule nous paraît pertinente au regard de notre

espèce. Elle a trait aux conditions de l’engagement de la responsabilité administrative. Pour engager valablement la responsabilité de l’administration - ici de la Commune -, il faut qu’il y ait eu

- un préjudice direct, certain, évaluable en argent et réparable, - un fait de l’administration - et une relation de causalité entre le fait de l’administration et le préjudice : le fait de

l’administration doit avoir été la cause directe du préjudice. L’application de cette règle présuppose que la situation de la victime ait été légitime et

légale. Tout dans le cas pratique tend à prouver directement ou indirectement que ces condi-

tions sont réunies. b - Quelles sont les règles propres à l’espèce ? L’espèce met en exergue la responsabilité de la Commune et la responsabilité person-

nelle de l’agent négligent (Responsabilités que nous devons démontrer). Données pertinentes du cas pratique : « Si d’aventure vous étiez condamné, vous

pourriez, à votre tour, faire condamner la Commune. » i - Les règles propres à la responsabilité de la Commune Quelles sont les règles applicables à la responsabilité de la Commune ? La question n’est pas théorique, mais pratique. C’est en partant des données de

l’espèce que nous y répondrons.

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Les données pertinentes du cas pratique révèlent - que le dommage a été causé par le mauvais état d’un ouvrage public. Données perti-

nentes du cas pratique : « […] salle d’attente municipale […] » ; - que le dommage a été causé à l’usager d’un ouvrage public. Données pertinentes du

cas pratique : « Le 20 juin 2001, Massimo Potter, l’étoile montante de la « Jet set » tranto-rienne, reçoit sur la tête une partie du plafond de la salle d’attente municipale sous le regard horrifié de Juliette Knopflers, la secrétaire de Marc Thalus. » Massimo Potter se trouvait évi-demment dans la salle, il l’utilisait.

Le dommage appartient donc à la catégorie des dommages de travaux publics. Définition : l’expression dommages de travaux publics désigne aussi bien les dom-

mages causés par l’exécution de travaux publics que les dommages qui sont dus à l’existence même de l’ouvrage construit.

Nous pouvons affiner notre question : quelles sont les règles applicables à l’action

en responsabilité dirigée contre une personne publique et tendant à la réparation d’un dommage subi par l’usager d’un ouvrage public ?

On relève un principe et une exception. En principe,

- cette responsabilité est une responsabilité pour faute : la responsabilité du défendeur ne sera engagée que s’il a commis une faute,

- c’est une responsabilité pour faute présumée : le juge présume que le dom-mage subi par l’usager est dû à une faute du défendeur, à savoir le défaut d’entretien normal de l’ouvrage public. La charge de la preuve est renversée. Il n’incombe pas au demandeur de prouver que le défendeur a commis une faute. Il appartient au défendeur de démontrer qu’il n’a pas commis de faute, qu’il a normalement entretenu l’ouvrage public. Définition : L’entretien normal d’un ouvrage public est une notion malaisée à définir. Il résulte de la jurisprudence qu’un ouvrage public est présumé être en état d’entretien

normal - s’il est dans un état tel qu’il ne constitue pas un danger pour les personnes qui

l’utilisent conformément à sa destination normale - ou si le danger auquel son état expose les usagers “normaux ” a fait l’objet

d’une signalisation adéquate mettant en garde les usagers. Le défendeur peut invoquer une cause exonératoire. Définition : par cause exonératoire, on entend un fait ou un événement qui tend à dé-

charger partiellement ou totalement le défendeur de sa responsabilité. S’agissant d’un dommage causé à l’usager d’un ouvrage public, l’administration peut

invoquer, comme causes d’exonération, la force majeure, la faute de la victime et le cas fo rtuit pour exclure ou atténuer sa responsabilité. La possibilité d’invoquer le fait d’un tiers est ex-clue sauf si, en vertu d’une législation spéciale, l’administration n’a pas d’action récursoire contre le tiers. C’est le cas lorsque le dommage de travaux publics a aussi le caractère d’un accident du travail et que le tiers est l’employeur de la victime.

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Définitions : - La force majeure : C’est un événement imprévisible dans sa survenance, irrésistible

dans ses effets et extérieur aux parties. - Le cas fortuit : C’est un événement imprévisible dans sa survenance et irrésistible

dans ses effets. Mais, contrairement à la force majeure, il n’est pas étranger au défendeur. Ainsi donc, la responsabilité pour faute présumée constitue ici le principe. Par exception, il existe un cas où l’usager peut bénéficier du régime de la respon-

sabilité sans faute fondée sur le risque . C’est l’hypothèse où l’ouvrage public serait excep-tionnellement dangereux.

Le défendeur ne pourra alors invoquer, comme causes d’exonération, que la force ma-jeure et la faute de la vic time.

ii - Les règles propres à la responsabilité personnelle de l’agent négligent

En soutenant que la Commune a accompli un fait de nature à engager sa responsabili-té, on ne doit pas perdre de vue que c'est, en réalité, un individu agissant au nom de la Com-mune qui a causé le dommage.

En effet, l'administration ne peut agir que par l'intermédiaire des individus habilités à agir en son nom : autorités administratives, fonctionnaires, etc.

Mais comme les actes de ces individus sont tenus pour des actes de l'administration, on considère également que les dommages qu'ils causent sont en principe imputables à l'ad-ministration.

La responsabilité de l'administration peut donc être présentée comme une responsabili-té pour le fait d'autrui.

Cela veut dire qu’en l’espèce le mauvais état de la salle d’attente est en réalité le fait d’un agent de la Commune ; il s’agit sans nul doute de l’agent négligent.

Mais la négligence de l’agent est en principe considérée comme la négligence de la Commune, et engage de ce fait la responsabilité de cette dernière.

Toutefois, par exception, les dommages causés par les agents de l'administration enga-gent parfois la responsabilité personnelle de ces agents.

La question se pose donc souvent, comme dans notre espèce, de savoir si l’on doit

retenir la responsabilité de la personne publique ou celle de l'agent qui agissait au nom de la Commune.

La réponse dépend de la nature du fait accompli par cet agent. Notons qu'il importe peu que ce fait soit une action ou une omission. Ce qui compte, c'est la réponse à la question suivante: ce fait est- il une faute personnelle ou une faute de service ? Et s'il y a faute person-nelle, de quel type de faute personnelle s'agit- il ?

Voici les principes:

1 - la faute personnelle commise par un agent engage la responsabilité de cet agent ; normalement, la victime devra porter son action devant le juge jud iciaire ;

2 - la faute de service commise par un agent engage la responsabilité de l’administration (dans notre exemple, la responsabilité de la Commune) ; normale-ment, la victime devra porter son action devant le juge administratif.

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Cela dit, si la faute personnelle n'est pas dépourvue de tout lien avec le service (c'est-à-dire avec l'exercice des fonctions de l'agent), la victime peut agir pour le tout

1 - soit contre la personne publique, c'est-à-dire ici contre la Commune - en principe, devant le juge administratif,

2 - soit contre l’agent auteur de la faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service - devant le juge judiciaire. Notez que si l'administration est condamnée elle pourra, en principe, se retourner

contre son agent - action « récursoire » devant le juge administratif. On appelle - improprement d'ailleurs - cumul des responsabilités l'option ainsi offerte

à la victime en cas de faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service.

Confrontation des faits pertinents avec les règles pertinentes

Les faits pertinents font apparaître deux actions :

- l’action en responsabilité effectivement engagée par Massimo Potter devant le juge judiciaire contre l’agent municipal chargé de l’entretien du plafond

- et l’action que le maire conseille implicitement et avec optimisme à l’agent

négligent d’exercer contre la Commune (Bizarre).

La question du cas pratique laisse présumer que l’une et l’autre action seront, au moins partiellement, fructueuses.

En effet, adossé à la certitude du maire, nous devons démontrer que le préjudice subi

le 20 juin 2001 par Massimo Potter engage aussi bien la responsabilité de l’agent négligent que celle de la Commune.

Il nous faut donc démontrer - d’abord que le préjudice subi le 20 juin 2001 par Massimo Potter engage la respon-

sabilité de l’agent négligent - ensuite qu’il engage aussi la responsabilité de la Commune. Le préjudice subi le 20 juin 2001 par Massimo Potter engage la responsabilité

personnelle de l’agent négligent Si nous nous mettons à la place du juge judiciaire, les arguments qui militent en faveur

de cette affirmation se trouvent - dans les faits pertinents du cas pratique : dire que l’agent est négligent,

c’est laisser entendre qu’il a commis une négligence, une violation de ses obligations de fonctions ou de prudence et diligence, ce qui est une faute ; on peut y ajouter le fait que l’agent avait en charge l’entretien du plafond qui s’est effondré sur la tête de Mas-simo Potter,

- et dans le libellé de la question n°3 du cas pratique : « Le maire est certain que le préjudice subi le 20 juin 2001 par Massimo Potter engage aussi bien la respon-

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sabilité de l’agent négligent que celle de la Commune. Sur quels arguments pourrait être fondée cette certitude ? » Par sa négligence, l’agent, a commis une faute personnelle qui est à l’origine de

l’effondrement du plafond ; sa responsabilité personnelle est donc ipso facto engagée. Le préjudice subi le 20 juin 2001 par Massimo Potter engage aussi la responsabi-

lité de la Commune Si l’effondrement du plafond trouve son origine directe dans la négligence fautive de

l’agent, n’est-il pas paradoxal de rechercher aussi la responsabilité de la Commune ? Le paradoxe n’existe qu’en apparence. Massimo Potter aurait pu mettre en jeu, devant le juge administratif, la responsabilité

de la Commune sur le terrain de la responsabilité pour faute présumée, à savoir le défaut d’entretien normal de la salle d’attente.

Le juge administratif aurait considéré que les conditions de l’engagement de la

responsabilité pour faute présumée (défaut d’entretien) étaient réunies :

- la salle d’attente est un ouvrage public appartenant à la Commune, - ladite salle est à la charge de la Commune, - Massimo Potter se trouvait dans cette salle, il en était un usager, - l’effondrement du plafond de la salle révèle ipso facto un mauvais état, un dé-faut d’entretien normal.

Il importe peu que ce défaut d’entretien normal soit imputable à un tiers , en

l’occurrence l’agent car

- le défaut d’entretien normal, comme toute faute imputée à une personne mo-rale, est toujours en réalité le fait d’un agent ou organe de cette personne morale

- lorsque l’action en responsabilité se situe sur le terrain de la responsabilité

pour faute présumée, le fait d’un tiers n’est pas une cause d’exonération. (La Com-mune dispose d’une action récursoire contre l’agent négligent). Au surplus, il convient de se rappeler les deux dimensions du défaut d’entretien

normal. Il résulte en effet de la jurisprudence qu’un ouvrage public est présumé être en état

d’entretien normal - s’il est dans un état tel qu’il ne constitue pas un danger pour les personnes qui

l’utilisent conformément à sa destination normale - ou si le danger auquel son état expose les usagers “normaux ” a fait l’objet

d’une signalisation adéquate mettant en garde les usagers.

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Il appartenait à la Commune - de réparer le plafond - ou, à défaut, d’en signaler le mauvais état, voire d’interdire l’accès à la salle

d’attente. De surcroît, il s’agit sans doute d’une salle d’attente jouxtant le bureau du maire. Données pertinentes du cas pratique : « sous le regard horrifié de Juliette Knopflers,

la secrétaire de Marc Thalus. » La Commune pourrait donc difficilement plaider qu’elle ignorait le mauvais état de la

salle. Au demeurant, une condamnation de sa commune ne serait visiblement pas pour dé-

plaire au maire. Ainsi donc, si l’agent est condamné par le juge judiciaire, il pourra à son tour,

faire condamner la Commune (C.E. Ass. 28 juillet 1951, Delville, Leb. p. 464). Son action récursoire ressortit à la compétence du juge administratif. Saisi d’une telle action, ce dernier se servira d’une grille à trois cas : Premier cas : le dommage pour lequel l'agent a été condamné civilement trouve son

origine exclusive dans une faute de service (faute commise dans l’exercice des fonctions et jugée non détachable de l'exercice des fonctions ) ; l'administration est alors tenue de couvrir intégralement l'intéressé des condamnations civiles prononcées contre lui ;

Deuxième cas : le dommage provient exclusivement d'une faute personnelle déta-

chable de l'exercice des fonctions ; l'agent qui l'a commise ne peut au contraire, quel que soit le lien entre cette faute et le service, obtenir la garantie de l'administration ;

Troisième cas : une faute personnelle a, dans la réalisation du dommage, conjugué

ses effets avec ceux d'une faute de service distincte ; l'administration n'est tenue de couvrir l'agent que pour la part imputable à cette faute de service.

De quel cas relève notre espèce ? De toute évidence, le deuxième cas est à exclure puisque nous admettons aussi la res-

ponsabilité de la Commune. Il reste alors à choisir entre les premier et troisième cas. Le choix sera fonction de la qualification que le juge administratif donnera à la

faute de l’agent. Si le juge administratif estime, comme le juge judiciaire, que la responsabilité de

l’agent est engagée, cela veut dire - qu’il qualifie la faute de l’agent de faute personnelle détachable de l'exercice

des fonctions, - et que donc il retient le troisième cas puisque de toute façon, comme nous

l’avons démontré, la Commune aussi a commis une faute.

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Si en revanche, le juge administratif considère, au contraire du juge judiciaire, que la

responsabilité de l’agent n’est pas engagée, cela veut dire - qu’il qualifie la faute de l’agent de faute de service (faute commise dans

l’exercice des fonctions et jugée non détachable de l'exercice des fonctions) - et que donc il retient le premier cas (à ceci près qu’il y a dans ce cas deux fau-

tes de service puisque de toute façon, comme nous l’avons démontré, la Commune aussi a commis une faute.). Le conflit aurait donc dû être élevé devant le juge jud i-ciaire (Cf. cours sur les conflits de juridictions). Cette seconde éventualité n’est pas purement théorique ; en matière de responsabilité,

il existe de nombreux exemples de divergences entre les deux ordres de juridictions. Bien que ne disposant pas d’informations précises sur la gravité de la négligence de

l’agent, nous sommes insidieusement incité à soutenir que l’espèce relève du troisième des cas ci-dessus analysés, celui où le dommage résulte des effets conjugués d’une faute person-nelle et d’une faute de service.

La contribution finale de l’agent et de la Commune à la charge des réparations sera

réglée par le juge administratif compte tenu de l'existence et de la gravité des fautes respec-tives de l’un et de l’autre, et non en fonction du rapport de causalité entre les fautes respecti-ves et le dommage (C.E. Ass. 28 juillet 1951, Delville, Leb. p. 464 ; Ass., 12 avril 2002, M. Papon).

Notons, pour finir, que si, au lieu d’actionner l’agent négligent devant le juge jud i-

ciaire, Massimo Potter avait saisi le juge administratif d’une action dirigée contre la Com-mune, cette dernière aurait pu exercer une action récursoire contre l’agent (toujours devant le juge administratif) - (C.E. Ass. 28 juillet 1951, Laruelle, Leb. p. 461 ; T.C. 26 mai 1954, Mo-ritz, Leb. p. 708).

Réponse à la question n°3 du cas pratique : La certitude du maire pourrait être fondée sur les arguments suivants :

- le dommage résulte * pour partie d’une faute personnelle commise par l’agent négligent * et pour partie d’une faute à la charge de la Commune ;

- l’agent peut exercer, devant le juge administratif, une action récursoire ten-dant à ce que la Commune le couvre pour la part qui lui est imputable.

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Question n°4 : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il jugé que le maire avait méconnu les obligations découlant de la consultation à laquelle il avait procédé le 11 juillet 2001 ?

Compréhension des termes de la question :

- motifs : raisons de fait et de droit ; - méconnaître des obligations : ne pas faire ce qui est requis par des règles ; - consultation : formalité consistant, de la part d’une autorité administrative, à solliciter l’avis d'une autorité individuelle ou d'un organisme avant de prendre une décision.

Compréhension de la question : Cette compréhension passe nécessairement par l’exposé analytique des faits per-

tinents. Le 11 juillet 2001, le maire consulte un organisme comme l’y oblige la loi. L’organisme en question lui délivre un avis. Le 12 juillet 2001, le maire prend une décision radicalement différente de celle que lui

recommande l’avis délivré par l’organisme. Un Trantorien forme un recours pour excès de pouvoir contre cette décision. Le tribunal administratif annule la décision du maire au motif que ce dernier a mécon-

nu les obligations que lui imposait la consultation à laquelle il avait procédé le11 juillet 2001. L’illégalité de la décision du maire étant affirmée (annulation oblige), il nous

reste à la démontrer. Quelles sont les raisons de fait et de droit qui ont conduit le tribunal à émettre ce ju-

gement d’annulation ? La compréhension à laquelle nous sommes parvenu des termes de la question n°4 et de

la question n°4 dans son ensemble nous permet de reformuler l’interrogation de la manière suivante :

Quelles règles relatives aux consultations le maire a-t-il violées en lorsqu’il a pris

sa décision du 12 juillet 2001 ? Répondre rigoureusement à cette question consiste à confronter les faits perti-

nents avec les règles pertinentes. Nous avons les faits pertinents ; nous les avons dégagés à l’étape de la compréhension

de cette question n°4. Il nous reste à indiquer à indiquer les règles pertinentes.

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Comme le cas pratique comporte des annexes, nous les chercherons aussi bien dans les règles générales exposées dans le cours que dans les règles particulières du droit administratif annexées au cas pratique.

Puisque les annexes ne comportent pas de règles pertinentes relatives à notre interro-gation, nous limiterons nos investigations au champ des règles générales du droit administra-tif.

Les règles générales du droit administratif

Ainsi que cela a été dit supra, les règles générales du droit administratif sont exposées

dans le cours (dont l’intitulé exact est d’ailleurs Cours de droit administratif général). Ces règles sont dites générales parce qu’elles sont susceptibles de s’appliquer, d’une manière gé-nérale – justement – à n’importe quelle espèce relevant du droit administratif, et donc à l’espèce qui nous occupe.

Les faits pertinents du cas pratique nous obligent à n’exposer, d’une manière détaillée, que les règles relatives à la consultation.

Il existe trois hypothèses de consultation : a - la consultation facultative avec avis facultatif : dans cette hypothèse, l'adminis-

tration consulte sans que les textes l'y obligent. Pourquoi le fait-elle alors? Pour s'informer et réfléchir avant d'agir. Dans ce cas, l'administration n'est ni obligée de consulter (consultation facultative) ni obligée de suivre l'avis qui lui est délivré (avis facultatif).

D’ailleurs, si l’autorité administrative se croyait liée par cet avis, elle commettrait une illégalité, une erreur de droit, en abdiquant ainsi une partie de sa compétence.

Une décision prise à la suite d’une consultation facultative peut être modifiée sans nouvelle consultation facultative. Mais une consultation même facultative impose quelques contraintes. En effet, les irrégularités entachant une consultation facultative sont de nature à vicier la décision prise à la suite de l’avis émis ;

b - la consultation obligatoire avec avis facultatif : dans cette hypothèse, les textes

obligent l'administration à consulter (consultation obligatoire) mais ils ne l'obligent pas à sui-vre l'avis qui lui est délivré (avis facultatif) si elle prend une décision - ce qu’elle n’est pas, en principe, obligée de faire. En fait, après une consultation obligatoire, l’autorité administrative se trouve devant une alternative :

1 - soit elle adopte son projet de décision initial, tel qu’elle l’a soumis à l'or-gane consultatif,

2 - soit elle adopte, le cas échéant, le projet de décision modifié par l'orga-nisme consultatif. Si elle prenait une troisième décision différente de ces deux projets, elle manquerait,

partiellement ou totalement, à l’obligation de consulter. En effet, ce qui différencie cette troi-sième décision des deux autres n’aurait pas été soumis à l'organisme consultatif. Si l’organisme consultatif est le Conseil d’État, cette irrégularité, tout comme, du reste, le défaut de consultation du Conseil d’État, est assimilée à une incompétence ;

c - la consultation obligatoire avec avis conforme : dans cette hypothèse, les textes

obligent l'administration à consulter (consultation obligatoire) et ils l'obligent également à suivre l'avis qui lui est délivré, à s'y conformer (avis conforme) si elle prend une décision - ce qu’elle n’est pas, en principe, obligée de faire.

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Confrontation des faits pertinents avec les règles pertinentes

De quelle hypothèse relève la consultation à laquelle le maire a procédé ? A l’évidence, de la consultation obligatoire avec avis facultatif. Données pertinentes du cas pratique : « Le 11 juillet 2001, le maire sollicite l’avis

d’un organisme dont la loi lui impose seulement la consultation. » Quelles obligations imposées par la consultation obligatoire avec avis facultatif le

maire a-t-il violées ? Rappelons qu’en vertu des règles relatives à la consultation obligatoire avec avis fa-

cultatif le maire avait l’obligation - soit d’adopter son projet de décision initial, tel qu’il l’a soumis à l’organisme

consultatif, - soit d’adopter, le cas échéant, le projet de décision modifié par l'organisme

consultatif. Il est certain que le maire n’a pas adopté le projet de décision modifié par l'orga-

nisme consultatif puisqu’il n’a pas suivi l’avis comme du reste il en avait le droit. Données pertinentes du cas pratique : « Le lendemain, il prend une décision radica-

lement différente de celle que lui recommande l’avis délivré par l’organisme. » Le caractère illégal de sa décision étant postulé dans le cas pratique, nous devons

considérer que le maire n’a pas non plus adopté son projet de décision initial, tel qu’il l’a soumis à l'organe consultatif.

Données indiciaires du cas pratique : « Le lendemain, il prend une décision radica-

lement différente de celle que lui recommande l’avis délivré par l’organisme. » Nous venons donc d’établir la méconnaissance d’une obligation : le maire est sorti du

champ de l’alternative que lui imposait la consultation obligatoire avec avis facultatif. Il a commis un vice de procédure (l’organisme n’étant pas le Conseil d’Etat, sinon il y aurait eu incompétence).

Rappel de définition : le vice de procédure, c’est l’illégalité résultant de

l’inobservation d’une formalité substantielle requise pour l’édiction d’un acte administratif. Toutefois, dans le cas pratique comme dans le libellé de la question n°4, il est fait

mention d’obligations. Le pluriel nous impose de chercher une autre obligation qui aurait été méconnue par le maire.

L’exposé des règles générales relatives la consultation obligatoire avec avis facultatif

nous incite à retenir la méconnaissance d’une autre obligation : après la consultation, le maire n’avait pas l’obligation de prendre une décision. Il avait le droit de s’abstenir de décider. Or il a cru qu’il était obligé de prendre une décision même différente de celle que lui recommande l’avis délivré par l’organisme. Il a ainsi commis une erreur de droit.

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Définition : l’erreur de droit est une illégalité qui affecte les motifs de droit sur les-quels se fonde une décision administrative.

La compétence du maire n’était pas liée, elle était discrétionnaire . Rappels de définitions :

- Il y a compétence liée (ou pouvoir lié) lorsqu’en présence de certaines cir-constances - de certains motifs de fait - l’administration est légalement tenue d’agir ou de décider dans un sens déterminé sans pouvoir choisir une autre solution ni apprécier librement lesdites circonstances de fait.

- Il y a compétence discrétionnaire (ou pouvoir discrétionnaire) lorsque, en présence de telle ou telle circonstance - de tel ou tel motif de fait -, l’autorité adminis-trative est libre de prendre telle ou telle décision.

Réponse à la question n°4 du cas pratique : Le tribunal administratif a jugé que le maire avait méconnu les obligations découlant

de la consultation à laquelle il avait procédé le 11 juillet 2001 pour les raisons suivantes :

- la consultation à laquelle le maire a procédé était une consultation obliga-toire avec avis facultatif ;

- en vertu des règles relatives à la consultation obligatoire avec avis facultatif le

maire n’avait pas l’obligation de prendre une décision à la suite de l’avis ; - mais en prenant une décision, il était obligé

* soit d’adopter son projet de décision initial, tel qu’il l’a soumis à l'or-ganisme consultatif,

* soit d’adopter, le cas échéant, le projet de décision modifié par l'orga-nisme consultatif ;

- or le maire * d’une part s’est cru obligé de décider (erreur de droit)

* d’autre part a pris une troisième décision radicalement différente à la fois de son projet initial et du projet modifié par l’organisme consultatif (vice de procédure , l’organisme n’étant pas le Conseil d’Etat, sinon il y aurait in-compétence).

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