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Droit administratif des biens - etudiant.lextenso.fr · Le droit des biens publics est riche d’un passé vénérable et repose sur de grands principes mobilisateurs : l’affectation

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Le cours de « droit administratif des biens » fait suite au cours de « droit administratif général »dont il reprend la présentation : exposé actualisé du droit existant accompagné d’encadrésdestinés à rendre réalistes et vivants des concepts parfois austères, exercices pratiques,thèmes de réflexion, commentaires de doctrine et de jurisprudence, corrigés méthodiques dansun but pédagogique.

Le droit des biens publics est riche d’un passé vénérable et repose sur de grands principesmobilisateurs : l’affectation au public ou au service public, le but d’utilité publique. Il connaîtactuellement une mutation profonde du fait de la valeur patrimoniale des biens et dudéveloppement d’un partenariat public-privé. Il faut alors s’interroger sur la protection àapporter à ces propriétés publiques qui ne sont pas des « biens marchands » comme les autres.

L'ouvrage s'ordonne autour de trois parties : le domaine public, l'expropriation, les travauxpublics.

Il cherche à mettre en valeur les évolutions qui ont profondément marqué ces trois matièresau cœur d'enjeux politiques, économiques et sociaux puissants. Qu’il s’agisse de l’immixtiondu droit européen, de la nouvelle manière d’envisager la valorisation économique despropriétés publiques, du droit de la concurrence, de celui des marchés et concessions detravaux publics, des garanties apportées au droit de propriété contre l’expropriation et lesservitudes, un soin particulier est accordé aux évolutions récentes de la jurisprudence et destextes. Cette actualisation touche à la fois le Code général de la propriété des personnespubliques, le Code des marchés publics et le Code de l’expropriation, objets de réforme récente.

Cet ouvrage s’adresse aux étudiants et aux praticiens. Il est aussi adapté à la préparation auxconcours administratifs.

Jacqueline MORAND-DEVILLER, agrégée de droit public, est professeur émérite de l'UniversitéParis 1 (Panthéon-Sorbonne), docteur honoris causa des Universités de Turin, Liège, Laval(Québec) et Targu Mures, Thessalonique.

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COURScollection

Droit administratifdes biens

CoursThèmes de réflexionCommentaires d’arrêts avec corrigés

Jacqueline MORAND-DEVILLER

37 €ISBN 978-2-275-04116-2www.lextenso-editions.fr

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DROIT ADMINISTRATIF DES BIENS

COURS THÈMES DE RÉFLEXION COMMENTAIRES D’ARRÊTS AVEC CORRIGÉS

Jacqueline MORAND-DEVILLERProfesseur émérite de l’Université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne)

8e édition

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Const. allemande de Weimar, 11 août 1919 (art. 153)

« La propriété et le droit de succession sont garantis. Leur contenu et leurs limites sont fixés par les lois. La propriété oblige. Son usage doit contribuer en même temps au bien de la collectivité.

L’expropriation n’est permise qu’en vue du bien de la collectivité. Elle ne peut être opérée que par la loi ou en vertu d’une loi qui fixe le mode et la mesure d’une indemnisation. »

Loi fondamentale de l’Allemagne, 23 mai 1949 (art. 14)

3o Réfléchir sur le concept de « patrimoine commun »« Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le

gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d’aménager le cadre de vie (…) les collectivités publiques harmonisent dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d’utilisation de l’espace. »

Art. L. 110 C. urb., issu de la loi du 7 janvier 1983

4o Réfléchir sur le « droit au respect de ses biens »« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété

que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues parla loi et les principes généraux du droit international. »

Art. 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention EDH

« En reconnaissant à chacun le droit au respect de ses biens, l’article  1er garantit en substance le droit de propriété. »

CEDH, « Marckx », 13 juin 1979

« Il y a “ingérence” lorsque des permis d’exproprier maintenus pendant une longue période limitent l’exercice du droit de propriété. »

CEDH, 23 septembre 1982, « Sporrong et Lönnroth c/ Suède »

Commentaire de décision

Commenter la décision du Conseil constitutionnel, en date du 25 juillet 1989portant sur les limites à l’extension de la procédure d’extrême urgence

Considérant que les députés auteurs de la saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant dispositions diverses en matière d’urbanisme et d’agglomérations nouvelles : qu’à l’appui de leur saisine ils font valoir que l’article 9 de cette loi serait contraire à la Constitution ;

Considérant que l’article  9 est ainsi libellé : « Dans le premier alinéa de l’article  L.  15-9 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les mots “de voies de chemins de fer” sont insérés après les mots “de sections nouvelles de routes nationales” » ;

Considérant que l’article  9 a pour conséquence de rendre applicable à l’exécution des travaux de construction de voies de chemins de fer la procédure de prise de possession par l’expropriant d’un ou de plusieurs terrains non bâtis régie par l’article L. 15-9 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité

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publique, qui codifie l’article unique de la loi no 70-1263 du 23 décembre 1970 tendant à accélérer les travaux de construction de voies rapides, de routes nationales et d’oléoducs ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen :

Considérant que l’article  2 de la Déclaration de 1789 range la propriété au nombre des droits de l’homme ; que l’article 17 de la même Déclaration proclame également que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » ;

Considérant que les finalités et les conditions d’exercice du droit de propriété ont subi une évolution caractérisée par une extension de son champ d’application à des domaines nouveaux et par des limitations exigées au nom de l’intérêt général ; que c’est en fonction de cette évolution que doit s’entendre la réaffirmation par le préambule de la Constitution de 1958 de la valeur constitutionnelle du droit de propriété…

Considérant, que l’octroi par la collectivité expropriante d’une provision représentative de l’indemnité due n’est pas incompatible avec le respect de ces exigences si un tel mécanisme répond à des motifs impérieux d’intérêt général et est assorti de la garantie des droits des propriétaires intéressés ;

Considérant que l’article L. 15-9 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique rend possible la prise de possession de terrains non bâtis dont l’expropriation est poursuivie en vue de la réalisation de grands ouvrages publics d’intérêt national ; qu’en réservant la possibilité d’utiliser la procédure exceptionnelle qu’il prévoit dans le seul cas de « difficultés tenant à la prise de possession d’un ou de plusieurs terrains non bâtis situés dans les emprises de l’ouvrage », le texte de l’article L. 15-9 implique qu’il ne peut être invoqué que lorsque apparaissent des difficultés bien localisées susceptibles de retarder l’exécution des travaux et que la procédure normale est déjà largement avancée ; que le recours à la procédure exceptionnelle requiert dans chaque cas l’intervention d’un décret pris sur avis conforme du Conseil d’État ; que la prise de possession, lorsqu’elle est autorisée, est subordonnée au paiement au propriétaire, et en cas d’obstacle au paiement, à la consignation d’une indemnité provisionnelle égale à l’évaluation du service des domaines ou à celle de la collectivité expropriante si elle est supérieure ; qu’il revient en tout état de cause au juge de l’expropriation de fixer le montant de l’indemnité définitive ; que le juge peut être saisi à l’initiative du propriétaire ; qu’est prévue l’allocation au propriétaire d’une indemnité spéciale pour tenir compte du préjudice qu’a pu entraîner la rapidité de la procédure ;

Considérant qu’en raison tant de son champ d’application qui est étroitement circonscrit que de l’ensemble des garanties prévues au profit des propriétaires intéressés, l’article L. 15-9 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique n’est pas contraire à l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République :Considérant que la procédure régie par l’article L. 15-9, si elle permet, sous les conditions sus-analysées,

une prise de possession anticipée de terrains non bâtis, ne fait nullement échec à l’intervention du juge judiciaire pour la fixation définitive du montant de l’indemnité, qu’ainsi, en tout état de cause, n’est pas méconnue l’importance des attributions conférées à l’autorité judiciaire en matière de protection de la propriété immobilière par les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation du principe d’égalité :Considérant que le principe constitutionnel d’égalité implique que tout propriétaire d’un bien exproprié

pour cause d’utilité publique soit indemnisé de l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l’expropriation ; que les dispositions précitées de l’article L. 15-9, loin de méconnaître cette exigence, en font au contraire une exacte application puisqu’elles prévoient l’octroi d’une indemnité spéciale destinée à compenser le préjudice causé par la rapidité de la procédure adoptée…

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article L. 15-9 n’est contraire à aucune règle non plus qu’à aucun principe de valeur constitutionnelle, que l’extension de son champ d’application limité aux voies de chemin de fer, qu’opère l’article 9 de la loi présentement examinée, n’est pas non plus contraire à la Constitution ;

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Décide :Art. 1er : La loi portant dispositions diverses en matière d’urbanisme et d’agglomérations nouvelles n’est

pas contraire à la Constitution.

Introduction— Le Conseil constitutionnel était saisi, par la majorité requise de 60  parlementaires, de la

constitutionnalité de l’article 9 d’une loi portant dispositions diverses en matière d’urbanisme.L’article 9, issu d’un amendement parlementaire et n’ayant qu’un rapport lointain avec le reste de la

loi — sans être cependant un « cavalier » législatif —, ajoutait six mots au Code de l’expropriation dans le but clairement affiché de rendre applicable la procédure d’extrême urgence à l’exécution de travaux de construction des voies de chemins de fer.

Cette procédure spéciale permet à l’expropriant de prendre possession des terrains (non bâtis) avant l’achèvement de la procédure. Dans l’ordonnance du 23  octobre 1958, cette procédure spéciale ne s’appliquait qu’aux travaux intéressant la défense nationale. Par la suite, la loi du 23 décembre 1970 l’étend aux travaux de construction des routes nationales et express, des autoroutes et des oléoducs et à des opérations temporaires spécifiques : Jeux olympiques de Grenoble (L. 1965) et d’Albertville (L. 1987).

— La nouvelle extension aux travaux de chemins de fer a une explication. Il s’agissait de réagir contre les risques de réactions virulentes, comme celles qui s’étaient manifestées contre la construction du TGV Nord, dont le tracé était contesté par de nombreuses personnes et associations, ce qui avait retardé la réalisation des travaux : de minuscules parcelles avaient été achetées par les opposants, ce qui multipliait les procédures d’expropriation. La procédure d’extrême urgence permet à l’expropriant de prendre rapidement possession des terrains.

— Le Conseil constitutionnel déclare l’article  9 conforme à la Constitution et, à partir de cette question particulière, il précise certaines garanties fondamentales du droit de l’expropriation, notamment, l’évolution subie par le droit de propriété et ses conséquences (I), le fondement des attributions de l’autorité judiciaire  (II) et les garanties que doit respecter la procédure d’extrême urgence au regard des principes constitutionnels (III).

I. La valeur constitutionnelle du droit de propriété

1. — Confirmation de la décision « Nationalisations » du 16 janvier 1982

Alors qu’il y avait auparavant un doute quant à la nature constitutionnelle du droit de propriété, la décision « Nationalisations » lève toute ambiguïté : le droit de propriété a « valeur constitutionnelle ».

— D’une part, il est affirmé que « les principes mêmes énoncés par la DDHC ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l’un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l’oppression, qu’en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit ».

— D’autre part, il est reconnu que « les finalités et les conditions d’exercice du droit de propriété ont subi une évolution caractérisée par une extension de son champ d’application à des domaines nouveaux et par des limitations exigées au nom de l’intérêt général ».

2. — Justification des limites apportées au droit de propriété

La décision du 25 juillet 1989 apporte des précisions quant à la constitutionnalité des limites apportées à l’exercice du droit de propriété.

— Elle affirme que « c’est en fonction de cette évolution que doit s’entendre la réaffirmation par le Préambule de la Constitution de 1958 de la valeur constitutionnelle du droit de propriété », justifiant ainsi les atteintes qui peuvent être portées à ce droit et, en particulier, celles nées de l’exercice de l’expropriation. Le droit de propriété n’est plus absolu et, comme le soulignait le doyen Carbonnier, l’article 544 du Code civil devrait, s’il était réécrit, supprimer cet adjectif.

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— On rappellera que le Conseil constitutionnel a été conduit à déterminer la répartition des compétences entre la loi et le règlement dans le domaine de l’expropriation, réservant au législateur, selon les principes de l’article 34, la fixation des règles de création des nouveaux ordres de juridiction (ainsi des chambres de l’expropriation, « nouvel ordre de juridiction » institué par la loi du 26 juillet 1982), la détermination des principes fondamentaux du régime de la propriété et la fixation des garanties fondamentales accordées au citoyen pour l’exercice des libertés publiques. La loi examinée par le Conseil constitutionnel en juillet 1989 concerne directement ces deux dernières questions.

II. Les attributions du juge judiciaire, un principe fondamental reconnu par les lois de la République

1. — Promotion au rang d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République

— Catégorie révélée par le Conseil constitutionnel afin d’enrichir le corpus des libertés constitutionnelles, ces principes républicains, qui ne sont pas créés ex nihilo mais décelés dans des textes législatifs liés à la tradition républicaine française, restent peu nombreux : liberté individuelle, liberté de l’enseignement, liberté de conscience, indépendance et autonomie de la juridiction administrative, indépendance des professeurs d’université, le Conseil d’État lui-même qualifiant de PFRLR le principe imposant à l’État de refuser l’extradition d’un étranger « lorsqu’elle est demandée dans un but politique » (arrêt « Koné », CE, Ass., 3 juillet 1996).

— Il est d’autant plus remarquable que la décision du 25  juillet 1989 consacre comme PFRLR « l’importance des attributions conférées à l’autorité judiciaire en matière de protection de la propriété immobilière ». La référence à des lois existantes n’est pas faite mais il est effectivement de tradition, depuis la loi de 1810, que l’autorité judiciaire joue un rôle essentiel en matière d’expropriation.

2. — Compétence du juge judiciaire pour fixer l’indemnisation

— Rappeler l’histoire mouvementée des autorités chargées d’évaluer l’indemnité « juste » : la loi du 8 mars 1810, suite à la note dictée par Napoléon depuis Schönbrunn, donne compétence au juge judiciaire pour prononcer le transfert de propriété, mais sans lui donner le pouvoir de fixer l’indemnisation.

— La loi du 7 juillet 1833, modifiée en 1841, confie cette tâche à un jury de propriétaires, système qui fonctionnera pendant plus d’un siècle. En 1935, il s’agira d’une commission arbitrale sous la présidence d’un magistrat, le tribunal civil intervenant en appel.

L’ordonnance du 23 octobre 1958 réserve le pouvoir de fixer les indemnités au juge de l’expropriation, magistrat du tribunal de grande instance (et en appel à la chambre de l’expropriation).

— Le Conseil constitutionnel estime que le pouvoir du juge judiciaire de fixer le montant conduit certains auteurs à penser que le juge administratif pourrait tout aussi bien se voir confier la fixation d’une « juste » indemnité.

La décision est muette sur la question du transfert de propriété, comme s’il allait de soi qu’elle soit confiée au juge judiciaire. Rappeler la levée de boucliers (prise de position notamment de René Capitant) suscitée par la disposition du projet de loi d’orientation foncière de 1975 envisageant de confier ce transfert au préfet sous le contrôle du juge définitif de l’indemnité est un des aspects essentiels de son rôle de protecteur de la propriété immobilière. Cette prise de position semble mettre fin à la controverse qui a administratif.

Il est précisé que la prise de possession anticipée des terrains ne fait pas échec à l’intervention du juge judiciaire, car un ensemble de garanties sont données à l’exproprié lorsque la procédure d’extrême urgence est mise en œuvre.

III. Les garanties de l’exproprié dans la procédure d’extrême urgence

1. — Les dérogations au droit commun de l’expropriation

Les règles en sont fixées aux articles L. 15-6 à L. 15-9 qui mettent en valeur deux spécificités. D’une part, la prise de possession des terrains peut être autorisée — par décret rendu sur avis conforme du Conseil d’État

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— dès que la DUP a été prise, c’est-à-dire avant l’ordonnance d’expropriation, alors même que la phase administrative n’est pas achevée, d’autre part elle peut intervenir avant le versement intégral de l’indemnité.

Les auteurs de la saisine faisaient valoir que cette procédure, dont l’extension était prévue, méconnaissait le principe d’indemnité « préalable » de l’article 17 de la DDHC et que le versement par l’administration d’une indemnité seulement provisionnelle méconnaissait le principe selon lequel l’autorité judiciaire est garante de la propriété privée et celui de l’égalité des citoyens.

2. — Les garanties des droits des propriétaires intéressés

— La décision, après avoir rappelé les exigences constitutionnelles du droit de l’expropriation — utilité publique légalement constatée, versement préalable d’une indemnité couvrant l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain, voies de recours en cas de contestation sur le montant de l’indemnité —, estime que l’octroi d’une indemnité provisionnelle « n’est pas incompatible avec ces exigences », à deux conditions.

— D’une part, la mise en œuvre de la procédure d’extrême urgence doit répondre « à des motifs impérieux d’intérêt général ». La Haute juridiction laisse entendre que la procédure doit rester « exceptionnelle », que son champ d’application « est étroitement circonscrit » (à des ouvrages publics de grande envergure nationale). Elle précise les conditions posées par l’article  L.  15-9 sur « les difficultés tenant à la prise de possession : difficultés bien localisées », « procédure normale déjà largement avancée », décret pris sur avis conforme du Conseil d’État. Un avis de la Section des travaux publics du Conseil d’État du 28 janvier 1971 avait même insisté sur le fait que le « projet motivé » qui lui était soumis devait indiquer « l’état d’avancement de la procédure et le résultat des négociations déjà engagées avec chacun des propriétaires (...) la nature des difficultés rencontrées et la conséquence qu’elles peuvent avoir sur les délais d’exécution ».

— D’autre part, des garanties ont été données aux propriétaires intéressés ; même si l’indemnité provisionnelle est dans un premier temps fixée par les Domaines, il revient en tout état de cause au juge de l’expropriation de fixer le montant de l’indemnité définitive. Par ailleurs, les propriétaires peuvent se voir allouer une « indemnité spéciale » pour tenir compte du préjudice qu’a pu entraîner la rapidité de la procédure, disposition qui permet d’écarter le grief tiré d’une rupture d’égalité entre les citoyens.

ConclusionD’abord limitée aux travaux intéressant la Défense nationale, dont le régime est traditionnellement

dérogatoire, la procédure d’extrême urgence courut ensuite le risque d’avoir un champ d’application trop large. On observe cependant deux nouvelles extensions, l’une concerne l’hypothèse, rare, d’expropriation pour risques naturels majeurs prévue par la loi du 2 février 1995, l’objectif n’étant plus l’aménagement mais la protection de l’environnement ; l’autre, toute récente, s’applique à l’acquisition des biens nécessaires à l’exploitation des infrastructures du futur réseau de transports publics à grande capacité reliant les pôles d’activité du Grand Paris (loi du 3 juin 2010).

L’intérêt de la décision du Conseil constitutionnel est, à partir d’une question étroite, d’avoir élevé le débat en traitant de la valeur constitutionnelle accordée au droit de propriété privée et de sa protection par l’autorité judiciaire, qui l’une et l’autre en sortent renforcées.

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L'ouvrage s'ordonne autour de trois parties : le domaine public, l'expropriation, les travauxpublics.

Il cherche à mettre en valeur les évolutions qui ont profondément marqué ces trois matièresau cœur d'enjeux politiques, économiques et sociaux puissants. Qu’il s’agisse de l’immixtiondu droit européen, de la nouvelle manière d’envisager la valorisation économique despropriétés publiques, du droit de la concurrence, de celui des marchés et concessions detravaux publics, des garanties apportées au droit de propriété contre l’expropriation et lesservitudes, un soin particulier est accordé aux évolutions récentes de la jurisprudence et destextes. Cette actualisation touche à la fois le Code général de la propriété des personnespubliques, le Code des marchés publics et le Code de l’expropriation, objets de réforme récente.

Cet ouvrage s’adresse aux étudiants et aux praticiens. Il est aussi adapté à la préparation auxconcours administratifs.

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Jacqueline MORAND-DEVILLER

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